Nations Unies

CAT/OP/BEN/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 mars 2011

Français

Original: anglais

Sous-Comité pour la prévention de la torture

Rapport sur la visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au Bénin * **

Table des matières

Paragraphes Page

Observations préliminaires1−53

Introduction6−164

I.Institution du mécanisme national de prévention17−255

II.Garanties formelles contre les mauvais traitements26−557

A.Cadre juridique − textes fondamentaux et codes27−308

B.Cadre institutionnel − systèmes de plaintes, de suivi etd’assistance judiciaire31−559

III.Situation des personnes privées de liberté56−30214

A.Dans les gendarmeries et les commissariats56−14514

B.Dans les prisons146−30231

IV.Coopération303−31660

A.Mesures prises pour faciliter la visite30360

B.Accès304−30960

C.Répercussions de la visite310−31261

D.Dialogue avec les autorités et réactions/réponses313−31662

V.Récapitulatif des recommandations et demandes de renseignements317−32562

A.Recommandations317−32062

B.Demandes d’informations321−32573

Annexes

I.Liste des lieux de privation de liberté visités par la délégation78

II.Liste des fonctionnaires et autres personnes que la délégation a rencontrés79

III.Projet de loi sur le mécanisme national de prévention82

IV.Directives préliminaires pour la mise en place des MNP89

Observations préliminaires

1.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommé le «SPT») a été institué à la suite de l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommé le «Protocole facultatif»). Le SPT a commencé ses travaux en février 2007.

2.Le Protocole facultatif a pour objectif «l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté» afin de prévenir les mauvais traitements. L’expression «mauvais traitements» est utilisée au sens générique et englobe la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle doit être interprétée au sens le plus large, notamment en y incluant les mauvais traitements découlant de conditions matérielles de privation de liberté laissant à désirer. Le travail du SPT s’organise selon deux axes: la visite des lieux de privation de liberté, qui vise à étudier le fonctionnement et les caractéristiques du système afin de déterminer s’il y a des carences dans la protection et si des garanties doivent être renforcées; l’aide à la création et au fonctionnement des organes chargés par les États parties de faire des visites régulières: les mécanismes nationaux de prévention (MNP). La démarche du SPT est empirique: elle est axée sur les faits et les améliorations pratiques s’imposant pour prévenir les mauvais traitements.

3.En vertu du Protocole facultatif, chaque État partie est tenu d’autoriser le SPT à effectuer des visites dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite. Chaque État partie est également tenu d’accorder au SPT un accès sans restriction à tous les renseignements sur les personnes privées de liberté ainsi que sur le traitement de ces personnes et leurs conditions de détention. Chaque État partie est en outre tenu d’accorder au SPT la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins. Le SPT a la liberté de choisir les lieux qu’il visitera et les personnes qu’il rencontrera. Conformément au Protocole facultatif, les mécanismes nationaux de prévention doivent être investis des mêmes attributions. Les travaux du SPT reposent sur les principes de confidentialité, d’impartialité, de non-sélectivité, d’universalité et d’objectivité, comme le veut le paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.Que des mauvais traitements soient ou non infligés dans la pratique, il est en tout temps nécessaire pour les États d’être vigilants afin d’en prévenir la survenance. Le champ de la prévention est vaste et englobe toute forme d’atteinte à des personnes privées de leur liberté, susceptible, en cas d’inaction, de dégénérer en tortures ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La démarche préventive est tournée vers l’avenir. En examinant des exemples de bonnes ou de mauvaises pratiques, le SPT vise à tirer parti des protections existantes et à éliminer ou à réduire au minimum les risques d’atteinte.

5.La prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants participe du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, quel que soit le type de leur détention. Les visites du SPT dans les États parties privilégient la mise en évidence des facteurs susceptibles de concourir ou de faire obstacle à des situations porteuses de risques de mauvais traitements en vue de faire des recommandations tendant à éviter que des mauvais traitements ne se produisent ou ne se reproduisent. En ce sens, davantage que d’établir ou de vérifier s’il y a eu torture, le SPT a pour objectif ultime d’anticiper et de prévenir la commission d’actes de torture en amenant par la persuasion les États parties à améliorer leur système de garanties en place pour prévenir toutes les formes de mauvais traitements.

Introduction

6.En application des articles 1er et 11 du Protocole facultatif, une délégation du SPT a effectué une visite au Bénin, du samedi 17 au lundi 26 mai 2008.

7.Au cours de cette première visite au Bénin, la délégation du SPT a examiné l’état d’avancement de la mise en place du mécanisme national de prévention et s’est concentrée sur la situation − sous l’angle de la protection contre les mauvais traitements − des personnes privées de liberté détenues dans les commissariats de police, les gendarmeries et les prisons.

8.La délégation était composée des membres suivants du SPT: Mme Silvia Casale (chef de délégation), M. Hans Draminsky Petersen, M. Zbigniew Lasocik et M. Leopoldo Torres Boursault. Conformément au paragraphe 3 de l’article 13 du Protocole facultatif, la délégation était accompagnée par M. Jonathan Beynon, médecin-expert.

9.Les membres du SPT ont bénéficié de l’assistance de M. Patrice Gillibert (Secrétaire du SPT), de Mme Estelle Askew-Renaut et de Mme Nosy Ramamonjisoa, membres du personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), ainsi que de trois interprètes.

10.Durant sa visite au Bénin, la délégation a examiné le traitement des personnes privées de liberté, formulé des observations et eu des entretiens privés avec des agents publics et des personnes privées de liberté dans divers types d’institutions, soit: 5 commissariats de police, 5 gendarmeries et 3 prisons.

11.S’ajoutant à la visite de lieux de privation de liberté, le SPT a eu des discussions avec des autorités publiques, dont des représentants de ministère, de la justice et du parquet, de même qu’avec des membres de la société civile, afin de se faire une idée d’ensemble du cadre juridique régissant l’administration de la justice pénale et des lieux de privation de liberté, ainsi que de la façon dont le système fonctionne dans la pratique. La délégation a rencontré des représentants de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle, en séance plénière. Elle a en outre visité le palais de justice d’Abomey et s’est entretenue avec le procureur au sujet du traitement des personnes privées de liberté par la justice.

12.À la fin de sa visite, la délégation a présenté aux autorités béninoises ses observations préliminaires y relatives, lesquelles sont confidentielles, tout comme le rapport de la visite. Le SPT accuse réception de la note verbale en date du 7 novembre 2008, à laquelle sont jointes les réponses préliminaires du Gouvernement béninois à ses observations. Le SPT a examiné ces réponses et a apporté des éclaircissements sur plusieurs points dans le présent rapport.

13.Établi conformément à l’article 16 du Protocole facultatif, le présent rapport sur la première visite du SPT au Bénin expose les conclusions de la délégation et les observations et recommandations du SPT relatives au traitement des personnes privées de liberté dans le souci d’améliorer la protection de ces personnes contre toutes les formes de mauvais traitements. Le rapport de visite est une pièce maîtresse du dialogue entre le SPT et les autorités béninoises visant à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants. Ce rapport est en principe confidentiel jusqu’au moment où les autorités du Bénin en demanderont la publication.

14.Un des facteurs cruciaux propres à faire obstacle à des mauvais traitements est l’existence d’un système pleinement opérationnel de visites indépendantes permettant de surveiller tous les endroits où des personnes privées de liberté sont susceptibles d’être placées. La première section du présent rapport est donc consacrée à l’examen de la mise en place d’un mécanisme national de prévention (MNP) au Bénin.

15.La deuxième section du présent rapport porte sur le cadre juridique et institutionnel béninois considéré sous l’angle de la prévention de la torture. Des situations favorisant la torture peuvent découler de l’absence d’un cadre juridique et institutionnel propre à garantir le respect des droits des personnes privées de liberté. Ces garanties sont envisagées moins en tant que composante du droit à une procédure régulière − dont s’occupent d’autres organes des Nations Unies − que comme outils de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

16.Dans les sections suivantes du rapport, le SPT examine la situation concrète des personnes privées de liberté dans différents cadres, à la lumière de ces garanties et de l’accès à celles-ci, accès qui, de l’avis du SPT, s’il est correctement assuré ou maintenu, réduit le risque de mauvais traitements à l’encontre des personnes privées de liberté. Le SPT y formule des recommandations sur les changements à apporter pour remédier aux situations constatées et mettre en place et perfectionner un système cohérent de garanties en droit et en pratique.

I. I nstitution du mécanisme national de prévention

17.Des informations à jour sur l’état d’avancement de la mise en place du MNP (l’Observatoire national de prévention de la torture − ONPT) ont été communiquées au SPT avant sa visite. Le SPT note avec satisfaction que le processus préparatoire à cette mise en place a donné lieu à des consultations ouvertes sur cette question avec la société civile avant de déboucher sur le texte d’un projet de loi, en août 2007. Le SPT félicite toutes les personnes associées à cet important premier pas sur la voie de l’institutionnalisation du MNP. Le SPT regrette toutefois, malgré une demande dans ce sens, de ne pas avoir pu rencontrer les membres du Groupe de travail ad hoc au cours de sa visite au Bénin. Il constate en outre avec préoccupation que la société civile ne semble pas être au courant du projet de loi ni être associée à son élaboration plus avant. Le SPT estime important de continuer à promouvoir le débat public sur le MNP afin d’assurer le respect des principes d’ouverture, de transparence, d’inclusivité et d’indépendance dans le processus d’adoption du texte législatif et de mise en place du MNP, comme le préconise le Protocole facultatif, de manière à ce que l’ensemble de la population fasse confiance au MNP.

18. Le SPT demande des informations sur les dispositions prises pour favoriser à ce stade avancé un débat public sur l’adoption du texte législatif relatif au MNP et sa mise en place.

19.Le SPT a examiné le projet de loi en date du 23 août 2007 qui lui a été remis durant sa visite. Par la suite, le SPT a demandé de plus amples informations sur le processus d’adoption du projet de loi. Le Gouvernement béninois a fourni une mise à jour dans sa note verbale datée du 7 novembre 2008 et une copie de la version amendée du projet de loi a été communiquée au SPT en décembre 2008. Le SPT constate qu’il contient des dispositions aptes à conférer une assise solide au MNP et, dans l’ensemble, conformes aux directives préliminaires pour la mise en place des MNP formulés par le SPT, dans son premier rapport annuel en mai 2008. Le SPT a en particulier pris note avec satisfaction des éléments suivants:

Le projet de loi définit au sens large les lieux où des personnes se trouvent ou pourraient se trouver privées de liberté, conformément aux dispositions du Protocole facultatif;

En matière d’accès, le projet investit le MNP de pouvoirs conformes à ceux prévus dans le Protocole facultatif;

Le projet décrit le MNP comme étant financièrement indépendant («autonomie financière» et «un organe indépendant qui a pour but de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment dans les lieux de détention» (art. 1 et 3));

Le projet interdit expressément toutes sanctions ou représailles contre toute personne ou organisation qui aurait communiqué des renseignements au MNP;

Le projet prévoit une coopération entre le MNP et des structures nationales, régionales et internationales;

Le projet indique que le MNP publie un rapport annuel, après l’avoir présenté au Président.

20.S’agissant des cinq membres appelés à composer le MNP, le SPT prend note avec satisfaction du souci d’équilibre entre hommes et femmes et du critère d’expérience professionnelle, en particulier dans le domaine de l’administration de la justice. Le SPT note en outre que les membres seront nommés par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du Ministre de la justice et des droits de l’homme. Le SPT a pris note d’un amendement apporté à une disposition antérieure selon laquelle la qualité de membre du MNP était incompatible avec l’exercice de toute fonction susceptible d’affecter son indépendance et son impartialité. La version amendée du projet de loi dispose que la qualité de membre du MNP est incompatible avec l’exercice de tout emploi public, de toute activité politique ou professionnelle, ainsi que de tout mandat électif. Le SPT s’inquiète de l’exclusion de toute personne exerçant une activité professionnelle et recommande de reconsidérer cet amendement car il semble exclure que toute personne exerçant une activité professionnelle dans le domaine juridique ou dans le domaine de la santé devienne membre du MNP. Afin de garantir l’indépendance et l’impartialité des membres du MNP, le SPT recommande que le projet de loi dispose que la qualité de membre du MNP est incompatible avec toute autre fonction qui pourrait affecter son indépendance et son impartialité. Le SPT note que le projet de loi prévoit un organe de sélection composé de hauts responsables des professions juridiques et médicales, ainsi que d’un représentant de la société civile. Le SPT espère que les cinq membres composant le MNP refléteront aussi cette diversité. Le SPT recommande que priorité soit accordée à la désignation d’un professionnel de la santé comme membre du MNP.

21.Au sujet du budget du MNP, le SPT constate avec préoccupation que certaines dispositions antérieures relatives à la gestion autonome par le MNP de son budget et de ses rapports financiers à la Chambre des comptes de la Cour suprême ont été supprimées dans le texte amendé. Le SPT recommande que ces dispositions soient rétablies.

22. Le SPT relève avec une préoccupation particulière que l’article 19 du projet de loi communiqué par les autorités le 5 décembre 2008 indique qu’un décret pris en Conseil des ministres déterminera les modalités de fonctionnement du MNP. Le SPT recommande que les modalités de travail du MNP soient définies clairement dans le projet de loi sur le MNP plutôt que d’être fixées dans des décrets ultérieurs, à moins que ces décrets ne donnent aussi lieu à des consultations et débats publics de grande ampleur.

23.Le SPT a examiné l’état d’avancement de l’adoption du projet de loi et a appris par la note verbale en date du 7 novembre 2008 reçue des autorités que ce projet avait été examiné et adopté par la Commission nationale de législation et de codification, à sa session spéciale du 23 septembre 2008. Les autorités ont indiqué au SPT que l’étape suivante dans le processus d’adoption consistait à transmettre le projet au chef de l’État en vue de l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Le SPT relève que le projet est en cours d’examen pour adoption depuis un certain temps et recommande de mener le processus à son terme aussi vite que possible. Au cas où le projet de loi serait à nouveau amendé au cours du processus d’adoption, le SPT demande que lui soit communiquée une copie de toute disposition modifiée. Tout amendement de fond du projet devrait donner lieu à de nouvelles consultations.

24. En tant qu’organe chargé de mener des travaux complémentaires de ceux du SPT à l’échelon national, le MNP est dans une position privilégiée pour assurer la continuité du dialogue avec les autorités nationales sur les questions relatives à la prévention des mauvais traitements. À cette fin, le MNP devrait adresser aux autorités compétentes des recommandations tendant à améliorer le traitement des personnes privées de liberté, y compris leurs conditions de détention, et à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce faisant, le MNP devrait porter l’attention voulue tant aux normes pertinentes des Nations Unies qu’aux recommandations formulées par le SPT. Un des principaux aspects du travail du MNP est en outre de maintenir un contact direct avec le SPT et de faciliter l’échange d’informations afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations du SPT.

25.Le SPT attend avec intérêt de nouvelles discussions sur tous les aspects du travail du MNP dans le cadre d’un dialogue avec les autorités et avec le MNP, au fur et à mesure de son développement.

II. G aranties formelles contre les mauvais traitements

26.Le SPT a examiné les éléments du cadre juridique susceptibles d’offrir des garanties aux personnes privées de liberté et ceux pouvant contribuer à un risque de mauvais traitements.

A. Cadre juridique − textes fondamentaux et codes

1.La Constitution et la Cour constitutionnelle du Bénin

27.La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 est la loi suprême de l’État; son titre II est consacré aux droits et devoirs de la personne humaine. Son article 147 dispose que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois». En particulier, les principes énoncés dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ont été intégrés dans le titre II de la Constitution. Le texte intégral de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que le Bénin a ratifiée le 12 mars 1992, a été publié au Journal officiel du 5 septembre 2006.

28.S’agissant du rôle du pouvoir judiciaire en tant que garant des droits fondamentaux des détenus, l’article 114 dispose que la Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle. La Cour statue sur la constitutionnalité des lois et est garante des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés civiles. Tout citoyen peut saisir la Cour sur la constitutionnalité des lois soit directement soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction.

2.Codification juridique de l’infraction de torture

29.L’article 18 de la Constitution dispose que: «Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nul n’a le droit d’empêcher un détenu ou un prévenu de se faire examiner par un médecin de son choix. Nul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire s’il ne tombe sous le coup d’une loi pénale en vigueur. Nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à quarante-huit heures que par la décision d’un magistrat auquel il doit être présenté. Ce délai ne peut être prolongé que dans des cas exceptionnellement prévus par la loi et qui ne peut excéder une période supérieure à huit jours.». Tout individu, tout agent de l’État qui se rendrait coupable d’acte de torture, de sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi (art. 19 de la Constitution).

30.Il n’existe pas de définition formelle de la torture en droit béninois. Le SPT note que la Cour constitutionnelle a tenté de combler cette lacune en donnant une définition large de la torture. Le SPT relève que des mesures sont prises en vue d’intégrer la définition de la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture et d’incriminer la torture dans la version définitive du projet de code pénal dont est saisie l’Assemblée nationale. Toutefois, le SPT constate que le texte du projet de code pénal communiqué par l’État partie ne contient pas de définition de la torture et n’érige pas la torture en infraction pénale spécifique. Il note aussi que le projet de code pénal et le projet de code de procédure pénale sont examinés par le Parlement depuis six ans. Le SPT s’associe aux recommandations du Comité contre la torture et demande à l’ État partie d’associer des ONG et des experts universitaires à la révision de la législation nationale, notamment à l’examen des projets de code pénal et de code de procédure pénale, visant à les aligner sur les dispositions de la Convention. Les autorités béninoises devraient prendre toutes les mesures nécessaires afin d’adopter ces deux projets de texte dès que possible.

B. Cadre institutionnel − systèmes de plaintes, de suivi et d’assistance judiciaire

1.Mécanismes d’examen de plaintes et de surveillance relatifs à la police et à la gendarmerie

31.Le SPT note que l’article 114 (et les articles suivants) du Code pénal réprime diverses infractions consistant pour des agents publics à commettre des actes qui, entre autres, privent autrui de sa liberté. En particulier, l’article 119 du Code pénal dispose que les fonctionnaires et agents publics qui ont connaissance d’une allégation de détention illégale et arbitraire mais n’en saisissent pas leurs supérieurs sont tenus des dommages et intérêts et punis de la dégradation civique. Enfin, le SPT note que, en vertu de l’article 186 du Code pénal, les fonctionnaires ou officiers publics peuvent être reconnus coupables d’usage de la force contre des personnes sans motif légitime. Le SPT demande de plus amples informations sur ces infractions et des statistiques sur le nombre de plaintes et les sanctions infligées en vertu de ces dispositions du Code pénal en 2006, 2007 et 2008.

32.Le décret nº 2004-394 du 13 juillet 2004 donne compétence au Ministère de l’intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale d’assurer l’ordre public et la sécurité. Pour mener à bien sa mission, le Ministère de l’intérieur a des pouvoirs spéciaux, qu’il exerce notamment par l’intermédiaire de l’Inspection générale des forces de sécurité, qui relève directement de son autorité, et de la Direction générale de la police nationale. De même, en vertu du décret nº 2005-249 du 6 mai 2005, le Ministère de la défense surveille l’action de la gendarmerie.

33.La délégation a été informée que l’Inspection générale de la police, l’Inspection technique (pour la gendarmerie) et l’Inspection générale des forces de sécurité mènent des activités de surveillance, notamment en recueillant et instruisant des plaintes d’ordre «éthique et moral», c’est-à-dire des allégations de corruption ou de racket par des agents. Il a aussi été indiqué à la délégation qu’il existe deux autres modalités de surveillance interne de la police. Premièrement, la Direction de la police assure une surveillance, y compris des visites, sur ordre du directeur général de la police. Deuxièmement, le Ministre de l’intérieur peut lui-même ordonner une inspection. Le SPT souhaite recevoir un supplément d’information couvrant la période 2006-2008 sur le mandat de ces organes, le nombre annuel de plaintes reçues et de plaintes ayant abouti, avec indication des infractions en cause et de leurs auteurs ainsi que de l’issue de toutes ces plaintes, en particulier les sanctions infligées aux fautifs.

34.Selon l’Annuaire statistique 2005 du Ministère de la justice, remis par l’agent de liaison à la délégation au cours de sa visite, la Direction des affaires civiles et pénales du Ministère de la justice est chargée de recevoir les plaintes pour mauvais traitements visant les membres des forces de l’ordre et pour garde à vue abusive. L’Annuaire 2005 indique en particulier que trois plaintes ont été déposées pour violences exercées par les forces de l’ordre. Le SPT demande des statistiques supplémentaires sur les activités en la matière ces trois dernières années, ainsi que des détails sur l’issue de ces plaintes.

2.Organes de surveillance des prisons et plaintes

a)Suivi

35.Le SPT croit comprendre que la surveillance des prisons relève de la responsabilité de plusieurs organes, dont certains sont examinés plus loin dans la section relative à la surveillance exercée par l’autorité judiciaire. Lors de réunions avec des représentants de la Cour suprême, la délégation a ainsi appris que la Cour avait procédé à une inspection de toutes les prisons du Bénin et rendu des rapports d’inspection au Gouvernement. Le SPT demande des exemplaires de ces rapports d’inspection.

36.La Direction de l’administration pénitentiaire et de l’assistance sociale (DAPAS) est la structure du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme qui est chargée d’administrer les prisons. Sa mission est de réglementer, d’organiser et de contrôler l’exécution des différentes peines, ainsi que de gérer le personnel et le matériel aux fins de porter assistance aux personnes de tous âges concernées par des procédures judiciaires. Une de ses attributions est de visiter régulièrement les prisons. Le SPT regrette qu’il ne lui ait pas été remis de rapports sur de telles visites et demande des informations sur les visites effectuées ces trois dernières années et sur les recommandations formulées par la DAPAS visant à améliorer le traitement des personnes privées de leur liberté, notamment leurs conditions de détention.

37.Le SPT croit comprendre que la DAPAS a aussi pour attribution d’examiner les rapports des commissions de surveillance des prisons en place dans chaque ressort, conformément à l’article 578 du Code de procédure pénale et à l’article 80 du décret nº 73-293 du 15 septembre 1973 portant régime pénitentiaire, et de leur donner suite. L’Annuaire statistique 2005 susmentionné du Ministère de la justice indique que ces commissions ont mené 10 inspections en 2005.Le SPT demande des copies des rapports de mission des commissions et des informations sur toute mesure prise suite aux visites de prison. Le SPT prie en outre les autorités de préciser si ces visites sont effectuées à titre continu et de fournir des informations sur toute visite effectuée après 2005.

38.La Direction des droits de l’homme du Ministère de la justice est quant à elle chargée de veiller au respect des normes minima des Nations Unies relatives à la détention et d’effectuer des visites périodiques dans les lieux de détention. Ces visites peuvent être effectuées suite à la dénonciation d’une violation des droits de l’homme ou à titre préventif (pour encourager le respect des règles relatives aux conditions de détention). Le SPT tient à remercier l’agent de liaison de lui avoir remis trois rapports de visite de la Direction des droits de l’homme. Il note que dans un de ces rapports, la Direction des droits de l’homme recommande que lui soient affectées les ressources nécessaires pour effectuer des visites inopinées dans des lieux de détention. Le SPT demande des informations sur les ressources affectées à l’action de prévention de la Direction des droits de l’homme en 2007 et 2008, ainsi que des exemplaires de tous les rapports sur les visites effectuées depuis 2006. Le SPT prie en outre les autorités d’exposer leurs vues sur la recommandation tendant à donner mandat à la Direction des droits de l’homme d’effectuer des visites inopinées.

39.Selon l’Annuaire statistique 2005, l’Inspection générale des services de la justice (IGSJ) a quant à elle effectué 20 visites dans les prisons en 2005. Le SPT demande que lui soient communiqués des exemplaires de ces rapports de visite, les recommandations formulées et des renseignements sur les mesures prises dans le prolongement de ces visites.

40.La délégation croit savoir que d’autres services du Ministère de la justice sont habilités à visiter des lieux de détention (dont la Direction de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse). Le SPT demande que lui soient communiqués des exemplaires des rapports de visite pour les trois dernières années, les recommandations faites et des renseignements sur les mesures prises dans le prolongement de ces visites.

b)Plaintes

41.Des discussions avec des représentants du Ministère de la justice ont fait apparaître qu’il n’existe pas de cadre formel pour la réception des plaintes visant des mauvais traitements dans les prisons. Un détenu a toutefois le droit de s’adresser directement au directeur de la prison ou de porter plainte par le canal judiciaire ordinaire. En outre, les autorités ont signalé que les plaintes pouvaient être consignées dans la main courante de la Brigade pénitentiaire, qui est tenue d’en informer la DAPAS, laquelle doit alors en saisir le Ministère de la justice. À ce sujet, le SPT note que l’article 120 du Code pénal dispose que tout agent pénitentiaire qui reçoit un prisonnier sans mandat judiciaire ou refuse de le représenter à l’officier de police est, comme coupable de détention arbitraire, puni de six mois d’emprisonnement. Le SPT demande un complément d’information sur la teneur de cette infraction, en particulier sur le point de savoir si elle couvre, par exemple, l’éventualité dans laquelle les autorités de la prison n’accèdent pas rapidement à la requête d’un détenu qui a demandé à être présenté à un juge. Il demande en outre des données statistiques sur les résultats/l’issue de toute affaire relevant de cette disposition du Code pénal survenue depuis 2005.

42.Notant que, selon l’Annuaire statistique 2005, la Direction des droits de l’homme instruit les plaintes relatives aux droits de l’homme, le SPT demande un complément d’information sur cette attribution, des détails sur les plaintes instruites, des données statistiques sur les résultats/l’issue de ces plaintes, en particulier de toute plainte ayant fait suite à la visite d’un lieu de détention.

43.Le SPT note que tous les services du Ministère de la justice sont sous surveillance de l’IGSJ, organe de contrôle interne relevant directement du Ministre de la justice. Selon l’Annuaire statistique 2005, l’IGSJ a reçu, entre autres, des plaintes émanant de particuliers (118 en 2005). Six de ces plaintes ont été instruites en 2005. Le SPT souhaiterait de plus amples renseignements sur le mandat de l’IGSJ en matière de plaintes et sur le type de plaintes qu’elle a instruites depuis 2005, ainsi que des statistiques sur les résultats/l’issue de ces plaintes.

44. Plus généralement, le SPT demande des informations sur les modalités d’accès aux différents mécanismes d’examen de plaintes décrits et sur la manière dont les autorités veillent à ce que les personnes privées de liberté soient avisées de leurs droits au titre des différents mécanismes d’examen de plaintes.

3.Surveillance exercée par les procureurs

45.Le SPT note que le Code pénal et le Code de procédure pénale contiennent un certain nombre de dispositions relatives à la surveillance exercée par le parquet. L’article 12 du Code de procédure pénale indique que la police judiciaire est exercée par les personnes désignées, sous la direction du Procureur de la République. Son article 13 dispose que la police judiciaire est placée sous la surveillance du procureur général près la cour d’appel et sous le contrôle de la chambre d’accusation. Son article 33 attribue au Procureur de la République le pouvoir de recevoir des plaintes. Le quatrième paragraphe de son article 34 et le deuxième paragraphe de son article 38 confèrent au procureur et au juge d’instruction, respectivement, le droit de requérir directement la force publique, ce qui peut être fait pour protéger les détenus se plaignant de mauvais traitements.

46.Le SPT note que l’article 78 du décret nº 73-293 impose aux juges d’instruction et aux procureurs de visiter régulièrement les prisons et de vérifier la régularité de l’incarcération de chaque détenu. Le SPT regrette de ne pas avoir obtenu de renseignements détaillés d’ordre pratique sur la fonction de surveillance attribuée au parquet, les activités de surveillance menées et les résultats obtenus. Le SPT demande de plus amples renseignements sur la pratique des procureurs en matière de vérification de la régularité de l’incarcération et de réception des plaintes, ainsi que des statistiques relatives à la période 2005 - 2008 sur les résultats ou l’issue de ces plaintes.

4.Surveillance exercée par l’autorité judiciaire

47.Lors de réunions avec la Cour constitutionnelle et des représentants du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la défense, les membres de la délégation ont appris que la Cour constitutionnelle pouvait être saisie de plaintes pour mauvais traitements, en application de l’article 120 de la Constitution. La délégation n’a cependant pas pu obtenir de statistiques sur les affaires de ce type portées devant cette institution et/ou jugées au pénal. Le SPT aimerait connaitre le nombre annuel de plaintes relatives au traitement de personnes privées de liberté (s’agissant en particulier de la durée de la garde à vue, des conditions de détention et de mauvais traitements infligés par des fonctionnaires) portées devant la Cour constitutionnelle ces trois dernières années, ainsi que les résultats ou l’issue de ces plaintes.

48.L’article 199 du Code de procédure pénale investit le président de la chambre d’accusation du pouvoir de visiter les lieux de détention chaque fois qu’il le juge nécessaire, et au moins une fois par trimestre, et d’y vérifier la situation des inculpés en état de détention préventive. Le SPT note que des dispositions similaires figurent dans le projet de code de procédure pénale (art. 675). Le SPT regrette de ne pas avoir obtenu de renseignements plus détaillés concernant le travail de prévention des présidents de chambre d’accusation et les rapports disponibles sur les visites de ce type. Le SPT demande que lui soient communiqués des rapports sur des visites trimestrielles de ce type effectuées dans les prisons depuis 2005.

49.Aux termes des articles 183 et 201 du Code de procédure pénale, la chambre d’accusation examine la régularité des procédures qui lui sont soumises et exerce un contrôle sur l’activité des fonctionnaires civils et militaires et des officiers et agents supérieurs de la police. À ce propos, l’article 200 de ce même code dispose que le président de la chambre d’accusation peut saisir la chambre afin qu’elle statue sur le maintien en détention d’un inculpé en état de détention préventive. Lorsqu’une victime saisit la Cour constitutionnelle et que la Cour constate qu’un acte de torture a été commis, elle peut saisir la chambre d’accusation. Cette dernière peut être saisie par le Procureur de la République ou par son président. Une fois saisie d’une plainte, la chambre d’accusation fait procéder à une enquête; elle entend le procureur général ou l’officier ou agent de police judiciaire en cause. Le SPT note que le Bénin a signalé au Comité contre la torture qu’en application de ces articles des habilitations d’officiers de police judicaire avaient été retirées dans certains cas et des observations adressées aux fautifs dans d’autres. Les enquêtes avaient été diligentées à la suite des plaintes par les victimes. Le SPT demande un complément d’information sur de telles enquêtes, dont des exemples concrets, et sur les sanctions infligées aux fa utifs sur la période 2005- 2008.

50.Conformément à l’article 551 du Code de procédure pénale, lorsqu’un officier de police judiciaire est susceptible d’être inculpé d’un crime ou délit, le Procureur de la République saisi de l’affaire présente sans délai une requête à la chambre judiciaire de la Cour suprême, qui se prononce dans la huitaine. Le SPT demande un complément d’information sur de telles enquêtes, dont des exemples concrets, et sur les sanctions infligées aux fautifs sur la période 2005 - 2008.

5.Suivi par des ONG

51.Le SPT note que l’État partie a déclaré publiquement avoir l’intention d’accorder à des ONG un accès permanent aux lieux de détention. Le SPT a toutefois été informé que dans la pratique cet accès n’est pas accordé et que les ONG se heurtent à des obstacles quand elles essaient de visiter les lieux de détention, en particulier des prisons. Le SPT recommande aux autorités d’élaborer des critères clairs et objectifs pour la sélection des ONG autorisées à visiter des lieux de détention et d’envisager d’accorder à ces ONG une autorisation permanente de visite.

6.Dispositions relatives à la représentation juridique/l’assistance judiciaire

52.Le SPT note que le Code de procédure pénale ne prévoit pas le droit à un avocat pendant la garde à vue (voir plus loin le paragraphe 83).

53.Le projet de code de procédure pénale prévoit l’assistance d’un avocat dès le début de l’enquête préliminaire. L’avocat, s’il est régulièrement constitué, est présent à tous les interrogatoires. Le SPT considère que le droit d’avoir accès à un avocat dès le début de l’enquête pénale est un moyen important de prévenir la torture et les mauvais traitements. Il se félicite de la proposition de modification de la législation et demande de plus amples renseignements sur la manière dont le Bénin entend veiller à ce que l’accès à un avocat soit garanti à toutes les personnes privées de liberté, y compris celles qui n’ont pas les moyens de constituer avocat.

54.En vertu du Code de procédure pénale en vigueur, si l’accusé a été invité à choisir un avocat et s’y refuse, le président de la cour d’assises lui en désigne un d’office (art. 240), le prévenu qui comparaît a la faculté de se faire assister par un avocat (art. 386), le prévenu qui a renoncé à comparaître devant la cour d’appel peut se faire représenter par un avocat (art. 476) et l’inculpé peut être assisté d’un conseil dans toutes les procédures devant le juge d’instruction (art. 98 et 99). Le SPT note que lors de la première comparution le juge d’instruction doit donner avis à l’inculpé de son droit de choisir un avocat (art. 98). Le SPT demande confirmation de ce que le juge donne effectivement avis de ce droit à tous les inculpés.

55.Le SPT note que le droit béninois ne comporte pas de dispositions prévoyant une assistance judiciaire gratuite. Le SPT recommande que le Bénin garantisse aux personnes sans ressources suffisantes l’accès à une assistance judiciaire.

III. S ituation des personnes privées de liberté

A. Dans les gendarmeries et les commissariats

56.La police, sous l’autorité du Ministère de l’intérieur, est chargée au premier chef de faire respecter la loi et de maintenir l’ordre en zone urbaine. La gendarmerie, sous l’autorité du Ministère de la défense, remplit les mêmes fonctions dans les régions rurales. Il a été dit à la délégation qu’en temps de paix, la police et la gendarmerie exercent essentiellement les mêmes fonctions de police judiciaire. La délégation a observé que, dans la pratique, aussi bien la police que la gendarmerie interviennent pour garder à vue des personnes durant l’enquête préliminaire.

1.Garde à vue

57.Le SPT a déjà cité (voir par. 29 ci-dessus) la disposition constitutionnelle fixant à quarante-huit heures la durée maximum au-delà de laquelle toute personne détenue doit être présentée à un magistrat et les dispositions légales prévoyant la prolongation de la garde à vue pour une période maximum de quarante-huit heures par le procureur (quatre-vingt-seize heures au total) et, à titre exceptionnel, pour une durée pouvant aller jusqu’à huit jours. Il existe en principe des garanties importantes contre les mauvais traitements.

58.La pratique réelle s’écartait des dispositions légales. Par exemple, la délégation a rencontré des personnes qui avaient été placées en garde à vue un vendredi et y étaient restées jusqu’au lundi sans être présentées à un tribunal. La délégation s’est entretenue avec le personnel des locaux de police et de gendarmerie qui ont confirmé cette situation et expliqué que le dépassement du délai légal était dû aux jours et heures de fonctionnement des tribunaux.

59.La présentation à un tribunal dans un délai fixé par la loi est une des garanties fondamentales reconnues aux personnes privées de liberté. Le SPT recommande que la durée légale maximum de quarante - huit heures de la garde à vue au - delà de laquelle tout détenu doit être présenté à un tribunal ait pour pendant un système d’audiences judiciaires permettant de respecter ce délai dans la pratique.

60.À la brigade territoriale de gendarmerie de Godomey, il a été indiqué qu’une prolongation de la garde à vue pouvait être ordonnée pour vingt-quatre heures si l’affaire était pratiquement en état; les gendarmes ont confirmé que la prolongation pouvait aller jusqu’à quarante-huit heures mais ont indiqué que les gardés à vue ne restaient habituellement dans la gendarmerie que quarante-huit à soixante-douze heures au total. Il n’a pas été possible de vérifier de façon certaine si les personnes étaient présentées à un juge dans le délai légal dans les commissariats et gendarmeries visités, car l’examen des registres révélait des carences dans l’enregistrement des données (voir plus bas).

2.Mention de la garde à vue dans un registre en tant que garantie contre les mauvais traitements

61.L’article 52 du Code de procédure pénale prévoit que tout officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d’audition les renseignements suivants: la durée et les détails des interrogatoires, le jour et l’heure à partir desquels la personne a été gardée à vue, le jour et l’heure de la fin de la garde à vue, ainsi que les motifs de la garde à vue. La pratique concernant l’établissement de ces procès-verbaux variait considérablement selon les différents locaux de police et de gendarmerie visités. Les problèmes constatés étaient notamment les suivants:

Mention erronée du jour et de l’heure d’arrivée des personnes privées de liberté au commissariat ou à la gendarmerie. Par exemple, au commissariat de police de Dantokpa (Cotonou), la délégation a noté, après avoir constaté qu’une personne se trouvait en garde à vue le 18 mai 2008 à 17 h 50, que selon le registre elle était arrivée le 19 mai 2008;

Absence d’enregistrement de données essentielles, comme l’âge de la personne gardée à vue. Par exemple à la gendarmerie de Godomey, l’âge des gardés à vue n’était pas mentionné, et il n’y avait pas de registre distinct pour les adolescents. En outre, comme l’heure et le jour du début et de la fin de la garde à vue par la police ou la gendarmerie n’étaient pas mentionnés, il n’était pas possible dans de nombreux cas d’établir la durée totale de cette garde à vue. De même, dans la plupart des registres, il n’était pas indiqué si, ni quand, une personne avait été présentée à un juge pour le renouvellement de la garde à vue si bien qu’il était impossible de vérifier si le délai légal avait été respecté;

Enregistrement a posteriori des renseignements relatifs à la garde à vue. Par exemple, à la gendarmerie de Bohicon, la délégation a observé que le registre, qui était présenté en principe sous une forme acceptable, n’était pas rempli depuis plusieurs mois; il lui a été indiqué qu’il était courant de transcrire après coup dans le registre les renseignements portés sur les feuillets journaliers d’enregistrement, alors que les personnes gardées à vue devaient signer ou apposer leurs empreintes digitales par avance sur un registre vide;

Absence de système uniforme d’enregistrement de la garde à vue. Dans le registre de garde à vue décrit par les gendarmes de Godomey comme un modèle uniforme fourni à tous les établissements du pays, certains renseignements essentiels étaient mentionnés. Néanmoins, la délégation a constaté que ce registre n’était pas systématiquement ni régulièrement utilisé dans tous les établissements visités. La délégation a vu toutes sortes de moyens d’enregistrement de la garde à vue, y compris un feuillet journalier et une «main-courante» au commissariat de Dodji à Porto‑Novo (avec mention de la date mais pas de l’heure du placement en garde à vue ni aucune précision sur le moment du départ); un «registre de permanence» au commissariat central de Cotonou (mentionnant la date et l’heure du début de la garde à vue, mais non sa prolongation durant les week-ends); et un «registre des procès-verbaux» à la gendarmerie de Zogbodomey (comportant des mentions précises);

Absence d’un registre des objets confisqués. La délégation a noté que l’enregistrement des effets personnels confisqués aux personnes privées de liberté n’était pas une pratique généralement suivie.

62.Il va sans dire qu’en l’absence de tout enregistrement en bonne et due forme, il était impossible aux agents supérieurs de police judiciaire de contrôler effectivement le recours à la garde à vue et la durée de celle-ci dans un commissariat ou une gendarmerie.

63.Le SPT considère que l’enregistrement en bonne et due forme de la privation de liberté est l’une des garanties fondamentales contre les mauvais traitements, ainsi qu’une condition préalable indispensable à l’exercice effectif des droits de la défense, comme celui de contester la légalité de la détention et le droit de toute personne en garde à vue d’être présentée sans délai à un juge.

64. Le SPT recommande qu’un registre normalisé et unifié soit mis au point par la police et la gendarmerie sur tout le territoire du Bénin pour permettre l’enregistrement exhaustif et en temps réel de toutes les informations essentielles concernant chaque personne privée de liberté, et que le personnel soit formé pour en faire un usage approprié et régulier. Le SPT recommande en outre que soient notamment consignés dans le registre les motifs de l’arrestation, l’heure et le jour exacts du début de la garde à vue, la durée de celle - ci, la personne responsable de son autorisation et l’identité des responsables de l’application des lois concernés, des indications précises quant au lieu de détention et le moment de la première comparution de la personne gardée à vue devant une autorité judiciaire ou autre . Enfin, le SPT recommande que toutes les mentions portées dans les registres soient contrôlées et validées par les directeurs de chacun des établissements.

65.Outre l’absence d’un système adéquat d’enregistrement, la délégation a constaté un problème encore plus grave: pour certaines des personnes détenues, il n’existait aucune trace officielle de leur garde à vue.

66.Par exemple, à la gendarmerie de Zogbodomey, la délégation a rencontré deux personnes détenues par les gendarmes, qui auraient été impliquées dans le détournement des fonds d’un employeur pour se lancer eux-mêmes dans les affaires. L’organisation alléguant ces faits, que les deux intéressés reconnaissaient sans difficulté, n’avait pas encore décidé de porter plainte officiellement. Dans l’intervalle, elle tentait d’obtenir la restitution des fonds par les intéressés, qui continuaient de travailler, grâce au produit de leur travail. Lors de la visite de la délégation le week-end, les deux personnes se trouvaient dans la cellule de garde à vue en attendant d’être remises à l’organisation pour laquelle elles travaillaient afin d’éponger leur dette. Sans prendre parti sur l’approche réparatrice adoptée par rapport à l’infraction, le SPT est préoccupé par l’absence de toute trace officielle du fait que des personnes privées de liberté étaient détenues par les gendarmes de Zogbodomey.

67.Par ailleurs, le commandant adjoint Kouiho de la brigade territoriale et de recherches de Bohicon a informé la délégation que les personnes présentes pour être entendues ne figuraient pas sur la liste des gardés à vue ni sur aucun autre registre. Toute personne retenue par les autorités de police sans être libre de partir est privée de liberté; et cette privation de liberté doit être systématiquement consignée.

68. Le SPT recommande aux autorités de prendre immédiatement des mesures pour que soient officiellement consignés les renseignements relatifs à la privation de liberté de toutes les personnes, quelle que soit leur situation en droit, qui sont retenues par les responsables de l’application des lois.

3.Information sur les droits en tant que garantie contre les mauvais traitements

69.À partir des entretiens qu’elle a eus, la délégation a noté que la question des droits ne faisait pas partie intégrante du discours normal sur le maintien de l’ordre. La délégation a conclu de ses discussions avec les représentants de la loi et les personnes privées de liberté que l’information de celles-ci sur leurs droits n’était nullement systématique. Cela a été confirmé par les agents, par exemple ceux du commissariat de police de Dantokpa, qui ont indiqué qu’ils n’avaient pas pour habitude d’informer les gardés à vue de leurs droits.

70.La communication d’informations sur les droits est une garantie importante contre les mauvais traitements. Pour que les personnes privées de liberté puissent exercer effectivement leurs droits, il faut tout d’abord qu’elles en soient informées et qu’elles les comprennent.

71. Le SPT recommande que la législation soit modifiée afin d’expliciter les droits des personnes privées de liberté, ainsi que le droit de ces personnes d’être informées de leurs droits dès le début de la privation de liberté.

72. Le SPT recommande en outre que les agents de l’autorité publique reçoivent une formation afin d’informer les personnes privées de liberté de leurs droits, y compris oralement dans la langue habituellement parlée par la personne concernée, et de faciliter l’exercice de leurs droits dès le début de la privation de liberté.

4.Risque afférent à une condamnation fondée sur l’aveu

73.Aucune disposition législative béninoise n’interdit d’invoquer un moyen de preuve obtenu par la torture. La possibilité, en droit béninois, de fonder la condamnation d’une personne sur son seul aveu a été abordée par la délégation avec différents interlocuteurs, qui ont en général estimé qu’il s’agissait d’une pratique problématique du passé. S’agissant de la prise en considération d’un aveu pour prononcer une condamnation, les articles 397 et suivants du Code de procédure pénale prévoient que l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges et que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve.

74.Plusieurs personnes privées de liberté ont indiqué qu’il leur avait été demandé de signer une déclaration à propos de l’affaire durant leur garde à vue. Certains des gardés à vue qui savaient lire avaient signé le document sans le lire; l’un d’eux l’avait signé après l’avoir lu; et un autre avait refusé de signer. D’autres, qui ne savaient ni lire ni écrire, avaient signé en apposant l’empreinte de leur pouce, mais aucun n’a indiqué qu’il lui avait été donné lecture de la déclaration. En outre, un gardé à vue du commissariat de police de Dantokpa a indiqué avoir refusé de faire une déclaration reconnaissant son implication dans un cambriolage. Il avait été roué de coups, et a dit expressément à la délégation «mais je n’ai pas avoué». Dans son esprit, les sévices visaient à lui extorquer un aveu.

75.Dans ce contexte, il convient de rappeler que la garantie résultant de la présence d’un avocat ne s’applique pas en garde à vue puisqu’au Bénin la plupart des gens ne bénéficient pas de l’assistance d’un conseil à ce stade.

76. Le SPT recommande qu’il ne soit exercé aucune pression pour obtenir l’aveu d’un détenu. Le SPT recommande en outre que l’on veille à ce que les détenus puissent connaître et comprendre le contenu de toute déclaration avant de la signer, par exemple en leur en remettant un exemplaire à lire ou en leur en donnant lecture. Le SPT recommande aux autorités d’envisager de réexaminer la législation afin de garantir le droit de garder le silence.

77.Le SPT considère que la possibilité de fonder une condamnation pénale sur le seul aveu ouvre la voie à des abus, certains individus pouvant tenter d’extorquer des aveux en exerçant des sévices sur des personnes privées de liberté. Un tel comportement n’est jamais admissible, et dans certains cas, il pourrait être constitutif de torture. À cet égard, le SPT tient à insister sur l’interdiction d’abuser de la situation d’une personne détenue ou emprisonnée pour la contraindre à avouer, à s’incriminer de quelque autre façon ou à témoigner contre toute autre personne, ainsi que sur le principe selon lequel aucune personne détenue ne peut être soumise, pendant son interrogatoire, à des actes de violence, des menaces ou des méthodes d’interrogatoire de nature à compromettre sa capacité de décision ou son discernement. Le SPT considère qu’une enquête pénale axée sur les éléments de preuve et non sur l’aveu est une des garanties fondamentales puisqu’il est alors sans intérêt de recourir à de mauvais traitements pour extorquer des aveux, et que cela réduit considérablement le risque que des personnes en garde à vue subissent de tels traitements.

78. Le SPT recommande aux autorités de réexaminer la législation relative à l’aveu en vue de supprimer la possibilité de fonder une condamnation sur le seul aveu. Le SPT recommande aussi que la formation de la police aux méthodes d’investigation mette l’accent sur la nécessité de passer des éléments de preuve au suspect plutôt que l’inverse.

5.Obligation d’informer la famille d’une personne privée de liberté en tant que garantie contre les mauvais traitements

79.Les policiers et les gendarmes ont indiqué à la délégation qu’ils informaient naturellement les familles des gardés à vue de l’arrestation de ceux-ci. Parmi les détenus interrogés, beaucoup ont indiqué que leur famille savait où ils se trouvaient, parce qu’ils avaient été appréhendés soit à leur domicile, soit alors qu’ils se trouvaient avec un ami ou une connaissance, qui avait pris contact avec leur famille. Très peu de personnes ont répondu que leur famille avait été avisée par la police ou la gendarmerie de leur détention. Au contraire, plusieurs ont indiqué n’avoir pas été en mesure d’informer leur famille, malgré des demandes répétées.

80.En l’absence de budget permettant d’assurer la nourriture des personnes gardées à vue par la police ou la gendarmerie (voir plus bas), les détenus doivent compter sur les provisions apportées par leur famille. Il est donc important que les familles soient avisées de la garde à vue, non seulement au regard du droit des intéressés à une procédure régulière, mais aussi afin de répondre à leurs besoins les plus fondamentaux. À cet égard, le SPT a constaté que, dans la plupart des lieux visités, il était affiché des horaires de visite qui dans la pratique semblaient très souples, de façon à permettre aux détenus de recevoir des visites et donc des provisions.

81.Le droit d’aviser quelqu’un de l’extérieur de la privation de liberté d’une personne est une garantie importante contre les mauvais traitements; ceux qui, autrement, risqueraient de recourir à des mauvais traitements peuvent en être dissuadés parce qu’ils savent que quelqu’un de l’extérieur a été informé et pourra être attentif au bien-être de la personne détenue. Le SPT note que ce droit est d’autant plus important qu’actuellement l’aide juridictionnelle n’existe pas au stade de la garde à vue.

82. Le SPT recommande que le droit d’aviser la famille ou tout autre proche de la privation de liberté d’une personne soit inscrit dans la loi. Le SPT recommande en outre que ce droit figure parmi les droits normalement garantis aux personnes privées de liberté et que ces personnes en soient informées et invitées à indiquer le nom de la personne qu’elles souhaitent informer. Il faudrait former les personnels de la police et de la gendarmerie pour qu’ils puissent informer comme il convient les détenus de ce droit et procéder à la notification.

6.Accès à un avocat en tant que garantie contre les mauvais traitements

83.Il a été dit à la délégation qu’il n’existait aucune disposition législative prévoyant l’accès à un avocat durant l’enquête préliminaire. Les policiers et les gendarmes ont confirmé que, normalement, les gardés à vue n’avaient pas d’avocat et que les avocats n’étaient pas autorisés à assister à leur interrogatoire officiel. Les détenus rencontrés par la délégation dans les commissariats et les gendarmeries ont confirmé qu’ils n’avaient pas été informés d’un quelconque droit de consulter un avocat, et n’avaient bénéficié d’aucune aide juridique gratuite.

84.À cet égard, la délégation a constaté que, dans le bureau du commissaire de police de Dantokpa, une affiche apposée au mur donnait la liste de 136 avocats inscrits au barreau du Bénin et de 10 avocats stagiaires. En vue d’assurer l’accès à un avocat dès le début de l’enquête préliminaire, comme le prévoient les dispositions relatives à l’assistance d’un avocat dans le projet de code de procédure pénale, le SPT souhaiterait savoir comment les autorités entendent accroître le nombre d’avocats inscrits au barreau et quelle sera la formation dispensée aux avocats à propos des spécificités du travail de la police et de la gendarmerie.

85.Dans l’optique de la prévention, l’accès à un avocat est une garantie importante contre les mauvais traitements, qui va au-delà de l’assistance juridictionnelle axée uniquement sur la défense. La présence d’un avocat lors d’un interrogatoire peut non seulement dissuader la police et la gendarmerie de recourir à des mauvais traitements ou à d’autres abus, mais elle peut aussi servir de protection aux policiers et aux gendarmes s’ils doivent faire face à des allégations injustifiées de mauvais traitements. En outre, l’avocat est le spécialiste qui peut aider la personne privée de liberté à exercer ses droits, y compris devant des mécanismes de recours. Le SPT souligne que toutes les personnes privées de liberté devraient jouir de l’égalité d’accès à un avocat, et cela à un stade aussi précoce que possible de la privation de liberté, notamment lors du premier interrogatoire par la police ou la gendarmerie. Au vu de ce qui précède, le SPT recommande aux autorités de faire en sorte que toutes les personnes jouissent de l’égalité d’accès à un conseil non seulement en droit mais aussi en pratique. Elles devraient prendre les mesures nécessaires pour étendre à la garde à vue le droit à l’aide juridictionnelle.

86.La délégation a appris qu’au cours des trois dernières années, l’ONG Association des femmes juristes du Bénin avait mis en œuvre un projet d’aide juridique gratuite aux détenus, mais que ce projet avait désormais pris fin. En l’absence d’un nombre suffisant d’avocats inscrits au barreau et d’un véritable système d’aide juridictionnelle couvrant tous les stades de la privation de liberté, le SPT recommande aux autorités, à titre transitoire, d’accorder aux détenus le droit de demander qu’un tiers de confiance soit présent lors de leur interrogatoire en garde à vue.

87. Le SPT recommande que toutes les personnes privées de liberté par la police soient systématiquement informées, dès le début de cette privation, de leur droit d’avoir accès à un avocat ou à un autre tiers de confiance, et qu’il leur soit accordé les moyens nécessaires pour s’entretenir en privé avec un avocat ou un autre tiers de confiance.

88. Pour que le droit d’accès à un avocat puisse être concrétisé, les détenus doivent avoir les moyens de l’exercer. Le SPT recommande aux autorités de réexaminer la loi et le système d’assistance juridique aux suspects et aux prévenus dans le cadre de la justice pénale en vue d’accorder l’aide juridictionnelle aux personnes gardées à vue par la police et la gendarmerie.

7.Accès à un médecin en tant que garantie contre les mauvais traitements

89.Le SPT est satisfait de constater que l’article 18 de la Constitution de la République du Bénin établit le droit de toute personne privée de liberté de se faire examiner par un médecin de son choix, et que l’article 52 du Code de procédure pénale prévoit que le Procureur de la République peut désigner, d’office ou à la requête d’un membre de la famille de la personne gardée à vue, un médecin qui examinera cette dernière pendant la garde à vue. Il semble néanmoins que cette disposition soit plus théorique que pratique, et les détenus rencontrés par la délégation n’avaient pas connaissance de ce droit. La délégation a vu des détenus dont l’état nécessitait un traitement médical, par exemple parce que la foule qui les avait conduits à la gendarmerie les avait brutalisés, mais qui n’avaient pas demandé à voir un médecin ou n’avaient pas pu en consulter un.

90.De plus, un homme détenu au commissariat de police de Dantokpa a dit n’avoir pas demandé à voir un médecin, bien qu’il ait reçu des coups; à son avis, même s’il l’avait demandé, il n’aurait rien obtenu. Ce point de vue était partagé par beaucoup de détenus avec lesquels la délégation s’est entretenue. Après que les médecins de la délégation eurent examiné cet homme, il a été recommandé au commissaire de le faire conduire chez un médecin en raison de son état d’épuisement, de ses douleurs, des marques de coups qu’il portait et d’une possible fracture du poignet gauche. Lors d’une visite de suivi de la délégation le lendemain matin, il a été confirmé que l’homme avait été emmené à l’hôpital de la police à 7 h 30, accompagné des deux policiers qui auraient été impliqués dans les coups.

91.Si une personne privée de liberté est maltraitée par la police ou la gendarmerie, on peut très bien comprendre qu’elle craigne, tant qu’elle reste en leur pouvoir, d’en parler à quelqu’un d’autre. Si la personne tient à se plaindre des mauvais traitements ce sera probablement auprès d’un médecin, puisque la consultation d’un médecin devrait être secrète et que, si des blessures ont été infligées, le médecin est le mieux placé pour les examiner et les constater. Dans l’optique de la prévention, si les personnes privées de liberté sont systématiquement examinées par un médecin en privé durant leur garde à vue, cela peut avoir un effet dissuasif sur tout agent qui serait tenté de recourir à de mauvais traitements. Pour une personne privée de liberté par la police ou la gendarmerie, l’accès à un médecin hors la présence d’un policier est en conséquence une garantie importante contre les mauvais traitements.

92. Le SPT recommande aux autorités d’instituer un examen médical systématique de toutes les personnes placées en garde à vue par la police ou la gendarmerie, dès leur arrivée, et de faire consigner les antécédents de chaque gardé à vue ainsi que tout symptôme de maladie ou toute lésion. En outre, le SPT rappelle que le droit de chaque détenu d’être examiné par un médecin à sa demande devrait être dûment respecté. Le SPT recommande aussi que les examens médicaux soient conduits conformément au principe du secret médical; les personnes, autres que le patient, n’appartenant pas au personnel médical, ne devraient pas y assister. Les résultats, et toutes notes éventuelles, de l’examen médical doivent aussi être tenus secrets par le médecin ayant procédé à l’examen, et ne doivent pas être communiqués aux personnes qui retiennent le patient en garde à vue. Dans les cas où le médecin recommande le transfert dans un dispensaire ou un hôpital aux fins de traitement, seul le minimum d’information nécessaire sur les motifs du transfert doit être communiqué aux autorités.

93.La constatation en bonne et due forme des lésions, en plus d’un examen médical approprié des personnes privées de liberté, est une garantie importante, qui contribue tout autant à prévenir les mauvais traitements qu’à lutter contre l’impunité. L’examen de toutes les personnes détenues et l’inventaire minutieux des lésions sont propres à dissuader tous ceux qui, autrement, seraient tentés de recourir à des mauvais traitements. Le SPT recommande que le médecin qui procède à l’examen systématique des personnes privées de liberté par la police ou la gendarmerie consigne tous les renseignements essentiels se rapportant à l’examen médical, notamment a) les antécédents médicaux, b) le récit par la personne examinée de toute violence éventuelle, c) le résultat de l’examen clinique, y compris la description de toute lésion éventuelle, indiquant en outre si l’examen a porté sur tout le corps, et d) la conclusion du médecin quant à la cohérence de ces trois éléments d’information.

94.Une autre question qui est ressortie des entretiens avec les détenus et avec le personnel des commissariats et des gendarmeries concernait les moyens disponibles pour emmener un détenu à l’hôpital. Il a été dit que la plupart des commissariats et des gendarmeries ne disposaient pas d’un véhicule pour conduire les détenus à l’hôpital le plus proche. En outre, alors que le traitement hospitalier pouvait être gratuit, toute prescription pharmaceutique était à la charge du détenu. Dans de tels cas, si le détenu ne pouvait pas payer le prix des médicaments, l’accès à un médecin et aux soins médicaux était en pratique problématique. Le SPT recommande que des ressources soient allouées au transport des détenus, notamment vers les hôpitaux, et que des fonds soient consacrés à l’achat de médicaments et au traitement des détenus.

8.Procédures de recours

95.La délégation s’est entretenue avec plusieurs personnes privées de liberté à propos de la possibilité de porter plainte pour des mauvais traitements subis en garde à vue. Beaucoup considéraient qu’il était vain de tenter de porter plainte en raison de sévices corporels ou de très mauvaises conditions de détention.

96.L’une des garanties fondamentales contre les mauvais traitements est le droit reconnu à toute personne détenue ou à son représentant de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle est traitée, en particulier dans le cas de tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux autorités chargées de l’administration du lieu de détention et aux autorités supérieures et, si nécessaire, aux autorités de contrôle ou de recours compétentes.

97.Le SPT a déjà examiné les différents mécanismes en place pour recevoir des recours (voir supra, sect. II.B). À ce sujet, le SPT souligne que les plaintes portées contre la police et la gendarmerie devraient être instruites et examinées par des organismes indépendants de la police ou de la gendarmerie. La simple existence de mécanismes d’examen de plain tes n’est pas suffisante; ceux- ci doivent être indépendants et impartiaux et être perçus comme tels, et offrir des garanties d’efficacité, de rapidité et de diligence.

98.La présentation de données précises concernant les plaintes pour des mauvais traitements infligés par la police ou la gendarmerie et le sort de ces plaintes s’inscrit dans le cadre de l’obligation de rendre compte au public. Or les autorités qu’ont rencontrées la délégation ont indiqué que le seul moyen de savoir ce qu’il était advenu de ces affaires était de s’adresser à la Cour constitutionnelle car aucun organe n’était chargé d’établir systématiquement des statistiques sur les actions engagées en cas d’allégations de brutalités de la police ou de la gendarmerie. Aucune des autorités n’était donc en mesure d’indiquer ou de surveiller dans quelle mesure il était donné suite à des plaintes pour mauvais traitements et si celles-ci aboutissaient à des déclarations de culpabilité et à des sanctions. Le SPT recommande de rassembler et de tenir en permanence des statistiques à propos des enquêtes, poursuites ou actions disciplinaires et de les ventiler pour permettre un suivi précis des procédures et de leur issue dans les affaires mettant en cause des allégations de mauvais traitements par la police ou la gendarmerie. Le SPT demande à être informé de tout fait nouveau dans ce domaine.

9.Organes de contrôle en tant que garantie contre les mauvais traitements

99.La délégation a relevé que dans les lieux de privation de liberté qu’elle a visités, les éventuelles visites de contrôle n’étaient pas systématiquement consignées et que lorsqu’elle demandait quelle était la date de la dernière visite d’un procureur, il était souvent difficile à ses interlocuteurs de s’en remémorer une depuis longtemps.

100.À la gendarmerie de Godomey, il a été indiqué que les procureurs venaient deux ou trois fois par an contrôler le déroulement de la garde à vue et communiquaient oralement ou par écrit leurs observations. Les gendarmes ont aussi mentionné une inspection mensuelle de la hiérarchie militaire et ont indiqué que le président d’une ONG locale, la Ligue des droits de l’homme, avait effectué une visite.

101.Au commissariat de police de Dodji, à Porto-Novo, les agents ont d’abord indiqué que les procureurs contrôlaient effectivement leur travail. Néanmoins, il est apparu qu’au cours des deux années d’activité de l’officier supérieur, une seule visite avait eu lieu. Les agents n’ont fait état d’aucune visite de contrôle interne ni de visite d’ONG.

102.Au commissariat central de Cotonou, les agents ont indiqué que la dernière visite de contrôle avait eu lieu dix mois auparavant et qu’il s’agissait d’une inspection conjointe du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la justice. Le contrôle avait porté sur les registres, la durée de la garde à vue, les conditions de celle-ci et l’hygiène. Le commissariat n’avait pas reçu de rapport d’inspection, mais des recommandations avaient été faites sur-le-champ. La dernière visite au commissariat central de Porto-Novo, en novembre 2007, avait été effectuée par une délégation de la police. À la gendarmerie de Séhoué, il était indiqué sur le registre de garde que la gendarmerie avait reçu la visite de la hiérarchie militaire le 8 mai 2008 et qu’il n’y avait rien eu à signaler. Or, comme il est indiqué au paragraphe 118 ci-dessous (sect. 11. a)), les conditions matérielles à l’intérieur de la gendarmerie auraient en elles-mêmes justifié des observations et des recommandations.

103.La délégation a été informée par des représentants du Ministère de la défense que, théoriquement, les juges et les membres de la Cour constitutionnelle pouvaient effectuer des visites inopinées dans les gendarmeries. Néanmoins, il n’existe pas de système interne ni externe de contrôles inopinés réguliers par la hiérarchie de la police/gendarmerie et le parquet, respectivement. Dans l’hypothèse où de telles visites de contrôle auraient lieu, l’état des registres dans les établissements concernés n’offrirait aucune base solide permettant d’évaluer la légalité de la garde à vue ou le respect des délais légaux; néanmoins, les conditions de la garde à vue seraient évidentes pour tout inspecteur qui entrerait dans les cellules et parlerait aux personnes détenues. Le SPT recommande que les services de police et de gendarmerie se dotent d’un système interne de contrôle régulier de la garde à vue portant tant sur les aspects juridiques que sur les conditions matérielles de la détention. Ce système devrait fonctionner parallèlement à celui relevant du mécanisme national de prévention lorsqu’il sera établi.

104. Avec l’établissement du mécanisme national de prévention, le SPT table sur l’élaboration d’un programme prospectif et régulier de visites indépendantes dans les commissariats et les gendarmeries afin de veiller à ce que les garanties contre les mauvais traitements fonctionnent bien dans la pratique; ces visites effectuées régulièrement, y compris de manière inopinée, dans les commissariats et les gendarmeries, devraient comporter des entretiens individuels avec les détenus ainsi que des discussions avec le personnel.

10.Adolescents privés de liberté

105.La délégation a rencontré quelques adolescents en garde à vue. Les responsables lui ont indiqué que les enfants pouvaient être interrogés et pouvaient faire des déclarations sans qu’un parent ou un autre adulte de confiance soit présent. Dans les établissements visités, il n’y avait aucun local spécial de détention pour les enfants et il a été confirmé à la délégation que ceux-ci étaient détenus avec les adultes, alors que, normalement, les femmes n’étaient pas placées dans les cellules de garde à vue, sauf motif particulier tenant à la sécurité.

106.Au commissariat central de Cotonou, la délégation a interrogé un détenu adolescent de moins de 18 ans originaire du Niger qui n’avait pas pu communiquer convenablement avec les policiers. Lorsque la délégation l’a rencontré, il se trouvait depuis la veille dans l’une des cellules de garde à vue avec des adultes. Il a été impossible de vérifier sur le registre la date de sa mise en détention. Il était mentionné qu’il était âgé de 12 ans. Le téléphone mobile de l’adolescent lui avait été confisqué et il n’avait pas pu prendre contact avec sa famille. Il ne se souvenait pas du numéro de téléphone de son frère pour l’informer de sa détention et ce n’est qu’après l’intervention de la délégation qu’il a été autorisé à récupérer son téléphone pour trouver ce numéro. Enfin, sous la surveillance de la police, il a été autorisé à appeler son frère, qui s’est arrangé pour venir au commissariat central. La délégation a été informée que l’adolescent avait ensuite été libéré et remis à son frère le lendemain.

107.À la gendarmerie de Séhoué, la délégation s’est entretenue avec un détenu adolescent qui avait été conduit au poste de police la veille au soir; il a indiqué n’avoir reçu ni eau ni nourriture depuis son placement en cellule, et avoir eu les mains menottées derrière le dos toute la nuit jusqu’au début de la matinée. Le SPT considère que le fait d’enfermer un adolescent dans une cellule et d’entraver ses mouvements en le maintenant menotté toute une nuit est constitutif d’une peine et d’un traitement inhumains et dégradants. Nul ne devrait être menotté en garde à vue sauf motif grave valable tenant à la sécurité. Toute utilisation de menottes ou d’autres moyens d’immobilisation devrait être dûment consignée dans le registre pertinent avec l’indication des motifs de sécurité justifiant cette contrainte et la durée de celle-ci.

108.L’adolescent a également indiqué qu’un des gendarmes l’avait menacé en lui disant qu’avant d’être libéré à la fin de la journée, il recevrait d’abord une correction pour apprendre la leçon. Les enfants, dans le système de justice pénale, sont particulièrement vulnérables. Il faudrait s’efforcer autant que possible d’éviter aux enfants la privation de liberté et de veiller à ce qu’il ne soit fait usage de la garde à vue qu’en dernier recours. Les garanties applicables à toute personne privée de liberté devraient a fortiori s’appliquer aux enfants.

109. Le SPT recommande aux autorités de prendre des mesures pour:

Que les enfants ne soient pas placés en garde à vue, si ce n’est véritablement en dernier recours;

Que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes;

Que leurs droits soient pleinement et clairement expliqués aux enfants d’une manière facilement compréhensible;

Que la famille ou une personne de confiance soit immédiatement informée de la garde à vue de l’enfant concerné;

Qu’aucun enfant ne soit soumis à un interrogatoire sans qu’un adulte de confiance soit présent; et

Qu’aucune entrave ne soit appliquée à un enfant dans une cellule de garde à vue.

11.Conditions matérielles dans les gendarmeries et les commissariats

110.La délégation a constaté que les conditions matérielles de garde à vue variaient sur une échelle allant d’acceptable à affligeant, par suite du manque d’accès à des sanitaires, de l’obscurité totale dans certaines cellules, du très rare accès à des douches, de l’absence de toute sorte de literie, et du manque de nourriture.

a)Cellules

111.La Compagnie de gendarmerie de Cotonou, brigade territoriale de Godomey, possédait deux cellules de garde à vue. Il a été dit à la délégation que la capacité normale était de 10 personnes mais qu’en fonction des fluctuations, chaque cellule pouvait accueillir jusqu’à 20 personnes. La première cellule, carrelée, d’une surface de 15 mètres carrés (3 m x 5 m x 3 m), était très sale et très sombre car la seule lumière artificielle ne fonctionnait pas et une lucarne à barreaux (d’environ 40 cm sur 80 cm, à 2,50 m du sol de la cellule) ne laissait entrer aucune lumière et que très peu d’air. La cellule était humide et sentait l’urine. Un seau placé dans un coin servait d’équipement sanitaire, et la cellule était dépourvue d’eau. La deuxième cellule, carrelée, était légèrement plus grande (environ 20 m2) et recevait plus de lumière naturelle grâce à des orifices dans le mur éloigné. Cette cellule était également sale, imprégnée d’une forte odeur d’urine et elle aussi dépourvue de mobilier, à l’exception d’un seau en guise d’équipement sanitaire. Les occupants de ces deux cellules devaient dormir sur le sol. Les femmes détenues à la gendarmerie se trouvaient dans une pièce en retrait d’un bureau. Cette pièce n’était pas verrouillée, était naturellement éclairée et aérée et contenait quelques meubles, mais il n’y avait ni lit ni natte de couchage pour les détenues. Cette pièce était dépourvue de toilettes.

112.Le commissariat de police de Dantokpa, à Cotonou, possédait deux grandes cellules (3 m sur 3,50 m et 3,60 m de hauteur) situées de chaque côté de la réception. La première était délimitée par une grille allant du sol au plafond, avec une porte intégrée, si bien que la personne détenue dans cette cellule était visible de quiconque entrait dans le commissariat. L’autre cellule était totalement dépourvue de fenêtre, à l’exception d’un petit volet métallique dans la porte pleine. Lorsque le volet était fermé, il n’y avait aucune lumière dans la cellule; la température y était de 30 ºC à 21 h 30. Il n’y avait aucun meuble dans les deux cellules, à l’exception d’un seau en guise d’équipement sanitaire, et les détenus devaient dormir sur le sol. Ceux avec qui la délégation s’est entretenue se sont plaints des moustiques et de la saleté des cellules.

113.C’est dans le commissariat de police de Dodji que la délégation a observé les conditions les plus acceptables. Il y avait deux cellules, l’une de 1,90 m sur 3,40 m et de 2,80 m de hauteur et l’autre de 2,90 m sur 3,60 m et 2,80 m de hauteur. Les deux cellules bénéficiaient d’une ventilation et d’un éclairage naturels. Il n’y avait aucun éclairage artificiel la nuit. Les portes pleines qui fermaient les cellules étaient percées d’une petite lucarne métallique à abattant. Les cellules étaient propres; il y avait des toilettes à côté des cellules auxquelles les détenus avaient librement accès durant la journée. La nuit, les détenus étaient enfermés dans les cellules et devaient faire appel à un agent de police s’ils souhaitaient utiliser les toilettes. À 12 h 40, la température était de 32 ºC dans l’une des cellules avec un facteur d’humidité de 74. Les cellules étaient dépourvues de tout mobilier et les détenus devaient dormir sur le sol.

114.Au commissariat central de Porto-Novo, il y avait deux cellules, l’une pour les hommes et l’autre pour les femmes. La délégation a rencontré une femme en garde à vue avec son bébé nu de 8 mois. La cellule était grande, délimitée par des murs pleins sur trois côtés et par une grille allant du sol au plafond sur le quatrième côté, avec une porte intégrée. La cellule dégageait une très forte odeur d’urine et d’excréments. La femme a expliqué que la cellule était dépourvue de seau hygiénique, les policiers ayant indiqué qu’ils la laisseraient sortir pour utiliser les toilettes; elle avait néanmoins appelé en vain durant la nuit et le bébé avait fait ses besoins dans le coin de la cellule. La femme n’avait aucun moyen de la nettoyer. Les mouches bourdonnaient dans la cellule et le bébé portait plusieurs piqûres de moustique. Le matin suivant, le personnel était venu et l’avait emmenée aux toilettes près de la cellule. La délégation a aussi vu une deuxième cellule (5 m sur 4,40 m et de 2,70 m de hauteur) dans laquelle cinq hommes étaient détenus. Cette cellule bénéficiait de l’eau courante et était dotée d’un coin toilettes avec une douche. La cellule était sombre et sentait très mauvais.

115.À la gendarmerie de Zogbodomey, il y avait une petite cellule de garde à vue (2 m sur 2,40 m et 2,60 m de hauteur) munie de barreaux sur le côté donnant sur le bureau principal et l’accueil. Elle était vide de tout meuble et hébergeait deux personnes qui y passaient la nuit. Le gendarme de service a indiqué qu’en fonction des effectifs, les détenus pouvaient s’asseoir sur le banc du bureau durant la journée jusqu’au moment d’aller travailler, et qu’ils pouvaient sortir de la cellule pour faire leurs besoins. Sinon, ils devaient utiliser un seau dans la cellule. Il faut noter qu’il n’y avait pas de toilettes ni pour les détenus ni pour le personnel dans la gendarmerie. Il n’y avait pas non plus d’eau courante. La cellule des femmes n’était pas utilisée comme telle mais servait de pièce de rangement. Il a été indiqué que durant la journée les femmes n’étaient pas gardées dans des cellules mais étaient autorisées à s’asseoir à l’extérieur du bâtiment et que la nuit elles dormaient dans les bureaux verrouillés.

116.À la brigade territoriale de Bohicon, la section de détention de la brigade de recherches était constituée de quatre cellules individuelles et de deux grandes cellules communes. Il y avait aussi des sanitaires, malgré l’absence de chasse d’eau dans les toilettes parce que l’établissement était privé d’eau courante depuis plusieurs mois. Les cellules individuelles mesuraient chacune 3,80 m sur 0,80 m et 3 m de hauteur et étaient fermées par une porte pleine métallique avec une fenêtre grillagée. Les cellules étaient dépourvues de mobilier et de literie, et le sol pavé était couvert d’une épaisse couche de poussière. Apparemment, aucune des lumières artificielles ne fonctionnait. Il y avait un petit seau dans les cellules en guise de toilettes. Les deux cellules communes mesuraient chacune 3,80 m sur 3,80 m et 3,70 m de hauteur. Un des murs était entièrement constitué d’une grande grille métallique si bien que toute la cellule était entièrement visible du couloir. Une étroite fenêtre laissait pénétrer un peu de lumière naturelle. L’alimentation électrique était, semblait-il, «variable» et les détenus se plaignaient de n’avoir aucune électricité dans les cellules. Le sol pavé des cellules communes était lui aussi couvert d’une épaisse poussière. Les deux salles de bains étaient dans un état consternant, sans eau courante, le sol jonché de poussière et de déchets qui emplissaient aussi les toilettes. Aux dires des gendarmes, les détenus avaient accès à ces salles de bains qui comportaient aussi des douches, mais les détenus ont indiqué qu’ils urinaient dans de vieilles bouteilles d’eau qu’ils déversaient ensuite dans les toilettes.

117.Au commissariat central de Cotonou, la cellule des hommes était vaste (9,60 m sur 9,83 m), sentait très mauvais et était très médiocrement éclairée par un unique tube au néon. À 20 heures, la température y était de 30,5 ºC, avec un facteur d’humidité de 70, ce qui représentait un indice de chaleur de 37 ºC. Il y avait un W.C. et une douche derrière un muret à l’arrière de la cellule. La cellule des femmes, plus petite (5,50 m sur 9,83 m), était sombre et sentait l’urine. Il y avait une douche en état de marche qui permettait de se procurer de l’eau, et des fenêtres près de la porte de la cellule. Les seules toilettes disponibles étaient bouchées depuis quelque temps par des déchets, et des monceaux de détritus, y compris de vieilles arêtes de poisson, jonchaient certaines parties du sol de la cellule. La température était de 29,7 ºC, avec un facteur d’humidité de 53. Les personnes détenues se plaignaient des moustiques, du manque d’hygiène et de la chaleur dans les cellules due au toit de tôle nue.

118.À la brigade de gendarmerie de Séhoué, l’unique cellule était sombre et imprégnée d’une humidité oppressante et d’une forte odeur d’urine. Les murs étaient noirs d’humidité, de saleté et de moisissure, le sol était crasseux et la pièce était totalement dépourvue de mobilier et de literie. La cellule mesurait 4,15 m sur 1,94 m et 2,70 m de hauteur, et était percée d’une unique fenêtre étroite grillagée donnant sur la rue adjacente. La grande fenêtre d’origine avait été obturée, si bien qu’il n’entrait que très peu de lumière naturelle dans la cellule. Celle-ci était dépourvue d’électricité. Un petit puits devant le bâtiment servait à tirer de l’eau. Les détenus n’y avaient pas accès et, comme il n’y avait pas d’eau courante, les toilettes ne pouvaient être utilisées.

119.Au commissariat d’arrondissement de Ouando, les deux cellules étaient sales (l’une mesurant 3,20 m sur 2,20 m et l’autre 3 m sur 1,75 m). Il y avait des toilettes et une douche à proximité des cellules et si la douche était relativement propre, les toilettes étaient très sales. Le seul moyen pour les détenus d’avoir de l’eau était de demander à sortir des cellules pour se servir du robinet d’eau dans les toilettes.

b)Nourriture

120.La délégation a rencontré des représentants du Ministère de la défense et du Ministère de l’intérieur qui ont expliqué qu’il n’y avait actuellement aucun crédit budgétaire pour assurer la nourriture des personnes gardées à vue. Ils ont admis, comme cela a été confirmé par les policiers et les gendarmes, que les personnes privées de liberté comptaient sur leur famille et leurs amis pour recevoir des vivres.

121.Il a été indiqué que dans les cas où il n’y avait ni famille ni amis, les policiers et les gendarmes fournissaient des vivres aux gardés à vue. Néanmoins, la délégation a entendu dire que, dans la pratique, les détenus ne recevaient souvent aucune nourriture pendant toute la durée de leur garde à vue dans les commissariats et les gendarmeries. Par exemple, le détenu du commissariat de police de Dodji a dit que son dernier repas remontait au matin du jour précédent, en expliquant que les détenus ne pouvaient recevoir de provisions que s’ils les commandaient et les payaient, à moins qu’elles ne soient apportées par leur famille. La police lui avait proposé d’informer sa famille, mais il n’avait aucune famille proche et le seul numéro d’ami qu’il avait sur lui ne fonctionnait pas. Il a indiqué n’avoir pas d’argent pour acheter des vivres.

122.La femme en garde à vue au commissariat central de Porto-Novo a indiqué que la veille de son arrestation, elle avait mangé du riz le matin tandis que le bébé qui se trouvait avec elle dans la cellule avait eu du porridge. Le bébé était allaité au sein. En garde à vue, ne pouvant acheter du porridge, elle donnait de l’eau au bébé. Elle n’avait pas d’argent et espérait en obtenir de sa famille pour acheter des vivres. Alors que la délégation partait, le frère de la femme est arrivé pour lui venir en aide.

123.L’adolescent détenu à la gendarmerie de Séhoué a dit n’avoir reçu ni nourriture ni eau depuis son arrivée à la gendarmerie la veille au soir.

124.De nombreux détenus ont également parlé du problème de la corruption à propos de l’obtention de nourriture en garde à vue. Il n’est pas difficile de percevoir l’ampleur du problème: la délégation a vu des gens apporter de l’argent au commissariat, par exemple au commissariat de police de Dantokpa, sans que cela soit enregistré.

125.Par une lettre en date du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT que: «au-delà de la solidarité existante dans les locaux de sûreté et qui consiste à se partager la nourriture apportée par un parent de gardé à vue, il est envisagé de doter les unités dans la limite des moyens disponibles, des caisses de menues dépenses pour pallier cette insuffisance». Le SPT demande à recevoir davantage d’informations sur la proposition des autorités de doter de caisses de menues dépenses les locaux de sûreté. À cet égard, le SPT recommande qu’un budget spécifiquement consacré à la nourriture des personnes en garde à vue soit institué et soigneusement administré pour que les vivres parviennent effectivement aux personnes concernées. Si les familles peuvent apporter des provisions à leurs proches en garde à vue, ce processus aussi doit être scrupuleusement surveillé en vue de prévenir les abus, et être dûment et promptement consigné dans un registre.

c)Eau et assainissement

126.S’agissant de l’alimentation en eau, tant pour la boisson qu’à des fins sanitaires, la délégation a constaté qu’aucune cellule n’était dotée de robinets et qu’en conséquence, l’accès à l’eau était dans le meilleur des cas sporadique sinon inexistant, et dépendait des agents responsables. Dans les deux cellules du commissariat central de Cotonou, les douches fournissaient de l’eau aux détenus mais il leur fallait avoir des bouteilles pour la recueillir. Au commissariat de police de Dantokpa, un détenu a indiqué qu’il y avait déjà de l’eau dans la cellule à son arrivée. Au commissariat de police de Dodji, à Porto-Novo, le seul gardé à vue a dit n’avoir pas osé en demander. Par une lettre en date du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT que: «l’État met à la disposition des commissariats de l’eau potable destinée à l’usage des gardés à vue. D’autres mesures sont en cours pour une meilleure accessibilité des personnes gardées à vue au point d’eau sans avoir à sortir de leur cellule.». Le SPT recommande qu’il soit systématiquement fourni aux détenus au moins deux litres d’eau potable par jour gratuitement, sans que cela soit subordonné à une demande effective de leur part. Les personnes privées de liberté doivent pouvoir accéder régulièrement aux toilettes et aux salles de bain. Les sections et cellules de détention doivent être régulièrement balayées et lavées par le personnel. Les toilettes doivent être débouchées et faire l’objet d’un nettoyage approfondi.

127. En outre, et plus particulièrement à propos de la gendarmerie de Bohicon, il faut impérativement prendre des mesures immédiates pour rétablir l’alimentation en eau, tant pour le personnel travaillant à la gendarmerie que pour les gardés à vue. En l’absence d’eau courante, un réservoir surélevé d’une capacité minimale de 500 litres devrait être installé et régulièrement rempli par camion-citerne.

128.Dans aucun des établissements visités il n’était permis aux détenus de faire de l’exercice physique en plein air. La seule possibilité offerte à certains détenus de quitter la cellule concernait le petit nombre d’établissements où ils pouvaient aller aux toilettes ou utiliser la douche. Autrement, ils restaient dans la cellule pour toute la durée de la garde à vue. Le SPT recommande, dans la mesure du possible, d’offrir aux personnes gardées à vue pendant plus de vingt-quatre heures la possibilité de faire quotidiennement de l’exercice physique en plein air.

129.Le SPT constate que de manière générale, la durée de la garde à vue au Bénin est inférieure ou égale à quatre-vingt-seize heures. Il considère néanmoins que, même pour une garde à vue de courte durée, toutes les personnes détenues doivent bénéficier de conditions minimales de santé et d’hygiène. Le SPT recommande que toute personne placée en garde à vue par les agents de l’autorité publique dispose d’un endroit propre où se tenir, doté au minimum d’une natte de couchage et d’un accès à des équipements sanitaires, ainsi que de nourriture et d’eau potable pour satisfaire les besoins élémentaires de la vie. La cellule devrait bénéficier d’une ventilation et d’un éclairage naturels et artificiels.

12.Soins de santé des personnes placées en garde à vue par la police et la gendarmerie

130.Il n’y avait aucun agent de santé dans les commissariats ou gendarmeries visités. Au commissariat central de Cotonou, le personnel a indiqué que si une consultation au service des urgences de l’hôpital était gratuite, les médicaments ne l’étaient pas et qu’il fallait donc un budget pour la pharmacie. Théoriquement, si une personne demandait à voir un médecin, l’agent responsable en informait le directeur de l’établissement qui à son tour en informait le procureur, à qui il incombait d’autoriser le transfert d’un détenu dans un service médical. Dans la pratique, bien que certains détenus rencontrés par la délégation aient sollicité un traitement médical, toutes les demandes avaient été refusées par l’agent responsable. De plus, tout en expliquant qu’en cas d’urgence, le procureur pouvait être joint durant le week-end, les fonctionnaires ont insisté sur le grave manque de coopération entre le Ministère de la justice et le Ministère de la santé.

131.L’absence de services de soins de santé adéquats peut en soi être constitutive de mauvais traitements. Ainsi, la délégation avait recommandé au chef de la police judiciaire du commissariat central de Cotonou de transférer à l’hôpital deux personnes afin d’évaluer leur état de santé. Le lendemain soir, lorsque la délégation est revenue au commissariat, aucune des deux n’avait été hospitalisée. Au commissariat de police de Dantokpa, le personnel a indiqué que, si une personne gardée à vue était malade, elle pouvait être emmenée vers un dispensaire proche ou vers un hôpital à 5 kilomètres. À la suite de l’examen médical d’un des détenus, la délégation a recommandé qu’il soit transféré dans un hôpital ou un dispensaire. Cette demande a été refusée, au motif qu’il n’y avait pas de personnel disponible pour effectuer le transfert et que la femme du détenu allait apporter des médicaments. La délégation ayant réitéré sa demande, le détenu a été emmené à l’hôpital le lendemain. Le SPT rappelle que l’article 18 de la Constitution garantit le droit de tout détenu ou prévenu de se faire examiner par un médecin, et il recommande que tout détenu sollicitant un traitement médical, ou ayant manifestement besoin de soins médicaux urgents, soit transféré sans délai dans un hôpital ou un dispensaire, en particulier lorsque personne, dans le commissariat ou la gendarmerie, ne possède les compétences médicales nécessaires pour évaluer les besoins sanitaires des personnes privées de liberté. Un accord entre le Ministère de l’intérieur (pour la police) et le Ministère de la défense (pour la gendarmerie), et le Ministère de la santé devrait être négocié afin que les détenus bénéficient de soins et de médicaments gratuits en cas d’urgence, ainsi que d’un examen médical à leur arrivée. À défaut, un budget destiné à financer le traitement médical des détenus devrait être établi dans le cadre des ministères compétents.

13.Recours à des moyens de contrainte

132.Une femme et un adolescent gardés à vue ont indiqué avoir été entravés et menottés dans leur cellule, y compris la nuit. Le SPT considère que le recours à des moyens de contrainte sur des personnes privées de liberté doit être exercé avec une très grande prudence, et systématiquement consigné, avec l’indication du nom de l’agent ayant pris la décision, du motif précis de sécurité ayant conduit à cette décision, et de la durée pendant laquelle la personne a subi cette contrainte. Aucun moyen de contrainte ne devrait être utilisé sur des personnes en garde à vue dans une cellule.

14.Allégations de mauvais traitements et conclusions concordantes

133.D’une manière générale, la délégation a entendu peu d’allégations de mauvais traitements corporels de personnes privées de liberté par des policiers ou des gendarmes. Néanmoins, les deux situations suivantes ont été signalées dans les observations préliminaires communiquées aux autorités béninoises le 26 mai 2008: le traitement des personnes privées de liberté au commissariat de police de Dantokpa (Cotonou) et à la brigade territoriale de la gendarmerie de Bohicon.

134.Il y avait deux cas distincts de personnes physiquement maltraitées au commissariat de police de Dantokpa (Cotonou). À titre d’exemple, la première allégation de mauvais traitements a été enregistrée par la délégation le 20 mai 2008 à 21 heures, et de nouveau le lendemain matin. Le détenu a déclaré à la délégation qu’il avait été conduit au commissariat à la suite de son arrestation durant la nuit du lundi au mardi; soupçonné d’avoir commis un cambriolage, il avait refusé d’avouer une quelconque infraction. Selon ses dires, il aurait été frappé le mardi avant l’aube dans la cour du commissariat. Quatre policiers étaient présents; il a été frappé par l’un d’entre eux à l’aide d’un «fouet» et par un autre avec une fine baguette. Il a décrit précisément à la délégation ce qu’il appelait un «fouet», à savoir un manche de cuir prolongé d’un côté par des lanières de cuir.

135.L’homme portait des lésions visibles au poignet droit, au coude gauche et sur la face inférieure de l’avant-bras ainsi que sur les jambes, dont certaines saignaient encore. Après avoir examiné l’homme, l’expert médical de la délégation a estimé que les lésions très nettement dessinées sur de nombreuses parties de son corps remontaient à un ou deux jours. Leur forme correspondait tout à fait aux coups qui, selon lui, lui avaient été assenés avec un instrument long et mince comme une baguette ou une «mèche de fouet».

136.La description faite par l’intéressé des deux instruments utilisés pour le frapper correspondait exactement à deux objets que la délégation avait vus dans les locaux du commissariat. La délégation avait observé que l’un des fonctionnaires de garde portait une fine baguette qui, selon lui, lui appartenait personnellement. La délégation a également trouvé un «fouet» par terre sous le bureau de l’accueil situé juste à l’extérieur de la cellule. Tout d’abord, les agents du commissariat ont tenté d’expliquer la présence du «fouet» en prétendant qu’il s’agissait d’une pièce à conviction saisie pour être produite dans une affaire criminelle; cette explication peu convaincante ne cadrait pas avec l’exposé qu’avait fait le haut gradé des procédures applicables pour répertorier, étiqueter et conserver les objets confisqués à titre de pièces à conviction par la police − procédures dont la délégation a vérifié qu’elles étaient appliquées à d’autres objets conservés comme éléments de preuve dans le commissariat.

137. Le SPT recommande qu’aucun objet autre que l’équipement normal fourni aux policiers ne puisse se trouver dans les commissariats sans l’autorisation expresse de l’officier supérieur et sans que soient consignés tous les détails pertinents, y compris les motifs justifiant la présence de cet objet. Le SPT recommande en outre que dès leur réception dans les commissariats, tous les objets saisis comme éléments de preuve soient répertoriés, étiquetés et conservés en toute sécurité.

138.La délégation a recommandé au commissaire Édouard Babatoundji Konfo de mettre le «fouet» en lieu sûr. Le lendemain matin, lorsque la délégation au complet est revenue, elle a constaté que cet objet se trouvait de nouveau à l’accueil du commissariat. Deux membres de la délégation ont vu un agent de sécurité privé qui se tenait à cet endroit mettre le «fouet» dans la vaste poche de son pantalon et l’emporter hors du commissariat. Lorsque la délégation a signalé ce fait au commissaire, il n’a fait aucun commentaire, expliquant seulement que l’homme travaillait pour une société privée de sécurité qui avait dans le passé fourni des services de sécurité au marché voisin.

139.Les deux fonctionnaires de police en service lors de la première visite et des visites ultérieures de la délégation ont refusé de lui communiquer leurs noms. Ce refus a été exprimé, sans soulever d’objection, en présence du commissaire. Les deux hommes faisaient l’objet de graves allégations de mauvais traitements; durant leur service, l’un était en possession d’une arme qui était selon lui un objet personnel et qui correspondait singulièrement aux lésions constatées par la délégation et l’autre était assis au bureau où se trouvait le «fouet».

140.Dans l’optique de la prévention, il importe qu’il n’y ait visiblement aucune impunité lorsque des agents de l’autorité publique maltraitent des personnes durant leur garde à vue. Afin de faire reculer l’impunité, le SPT recommande qu’il soit fait obligation à tous les agents de l’autorité publique de porter sur eux une indication claire de leur identité, comme un badge nominatif ou tout autre moyen d’identification lorsqu’ils sont en service.

141.La seconde allégation de mauvais traitements concernait deux personnes en garde à vue à la gendarmerie de Bohicon. Le 19 mai 2008, un groupe d’environ quatre gendarmes de rang subalterne serait entré dans la cellule, et les gendarmes auraient commencé à frapper un détenu à l’aide de matraques et d’une batte en bois de quelque 50 cm de long sur 10 cm de large appelée «parmatoire». Un tel objet a été observé par la délégation juste à l’extérieur de la cellule à la gendarmerie de Bohicon durant la visite. Aux dires du détenu, il aurait été contraint de s’asseoir sur le sol de la cellule, tandis qu’un gendarme lui tenait les jambes tendues et qu’un autre lui frappait la plante des pieds avec une matraque. Contraint de lever les bras, il a reçu plusieurs coups de batte sur la paume des mains. Il a aussi déclaré à la délégation qu’il avait dû se tenir debout face au mur, les bras levés au-dessus de la tête, et qu’il avait alors reçu des coups de batte sur les fesses. Un examen médical pratiqué sur le détenu a montré des lésions compatibles avec les sévices qu’il avait décrits. Un second détenu a déclaré avoir reçu des coups de matraque sur le dos et les épaules; et ces zones étaient effectivement contusionnées. L’examen médical pratiqué par la délégation a permis de conclure que les contusions observées correspondaient tout à fait à des coups portés par un objet cylindrique contondant comme une matraque.

142.Dans les observations préliminaires communiquées aux autorités le 26 mai 2008, la délégation a prié celles-ci de faire procéder à une enquête sur le traitement des personnes privées de liberté au commissariat de police de Dantokpa et à la gendarmerie de Bohicon. Le SPT a ensuite écrit aux autorités pour leur demander de lui communiquer des informations sur les mesures prises pour répondre à cette demande et sur les résultats des enquêtes.

143.Dans une lettre datée du 7 novembre 2008, les autorités ont répondu en communiquant les informations préliminaires suivantes: «Les instructions ont été immédiatement données aux services compétents aux fins de vérifier comment les personnes privées de liberté sont traitées non seulement dans les commissariats sus-cités mais également dans beaucoup d’autres unités sur toute l’étendue du territoire national. Des enquêtes, il ressort que l’exiguïté des locaux, la non-disponibilité de budget dans les commissariats et le manque d’effectifs dans certaines unités annihilent l’effort du Bénin à traiter de façon plus décente les personnes privées de liberté. Cependant, des dispositions sont déjà prises afin de mettre sur pied une commission pouvant analyser ces différentes difficultés et proposer des solutions urgentes adéquates aux fins d’y remédier.». Le SPT souhaiterait obtenir des précisions sur les services qui ont mené les enquêtes, ainsi que la confirmation que ces services étaient indépendants des commissariats et des gendarmeries qui en faisaient l’objet. Dans leur réponse, les autorités invoquent des contraintes matérielles comme la non - disponibilité de budget et le manque d’effectifs qui annihilent leurs efforts. Le SPT réaffirme que le manque de ressources ne peut jamais être un motif de mauvais traitement. Pour ce qui est des conditions matérielles, le SPT note le fait nouveau positif que constitue la mise sur pied d’une commission, et il souhaite rester informé des résultats de ses travaux. Il réaffirme enfin ses préoccupations, et recommande qu’il soit procédé à une enquête indépendante sur le traitement des personnes en garde à vue par les agents du commissariat de police de Dantokpa et de la gendarmerie de Bohicon.

144.Ces exemples concernant des allégations de torture et d’autres conclusions concordantes de la délégation font ressortir que le triomphalisme n’est pas de mise s’agissant du risque de torture et d’autres mauvais traitements par la police et la gendarmerie. Il faut redoubler de vigilance en ce qui concerne les interventions de la police et de la gendarmerie en matière d’arrestation et d’enquête. Dans l’optique de la prévention, il importe de reconnaître le risque que soient commis des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements lors de l’arrestation et de veiller à prévenir de tels abus en faisant savoir qu’ils seront traités avec sévérité. Le SPT voit dans l’établissement d’un organe indépendant chargé d’examiner les plaintes portées à l’encontre de la police et de la gendarmerie une occasion décisive de renforcer le message adressé aux agents de l’autorité publique pour qu’ils sachent que les mauvais traitements ne resteront pas impunis.

145. Le SPT recommande aux autorités de rappeler à l’ensemble des personnels de la police et de la gendarmerie à tous les niveaux que la torture et les autres formes de mauvais traitements infligés à des personnes dont ils ont la garde sont interdites. Le SPT recommande aussi que la formation aux méthodes d’enquête mette l’accent sur la nécessité de respecter les droits de l’homme, y compris le droit au silence d’un suspect ou d’un prévenu, et sur l’obligation de rechercher des éléments de preuve avant de considérer une personne comme suspecte. De l’avis du SPT, et eu égard aux obligations imposées aux États par les articles 12 et 16 de la Convention contre la torture, même en l’absence d’une plainte formelle, les autorités sont juridiquement tenues de procéder à une enquête chaque fois qu’elles reçoivent des informations crédibles, quelle qu’en soit la source, indiquant que des mauvais traitements ont peut - être été commis sur des personnes privées de liberté.

B. Dans les prisons

1.Surpopulation et stratégies de réduction de la population carcérale

146.La délégation a visité trois des neuf prisons du Bénin. Elle a rendu une visite ciblée à la prison civile d’Akpro-Missérété mais a effectué une visite complète de la prison civile de Cotonou et de la prison civile d’Abomey.

147.Le SPT note que le Bénin compte environ 77 détenus pour 100 000 habitants (le nombre d’habitants étant d’environ 7 900 000), alors que le nombre officiel de places disponibles en prison est d’environ 2 675. Les données officielles confirment que, à l’exception de la nouvelle prison d’Akpro-Missérété, qui accueille encore de nouveaux prisonniers, les prisons béninoises sont massivement surpeuplées, avec, dans certains quartiers, un surpeuplement extrême. Cet état de choses pose, du point de vue de la prévention de la maltraitance, de sérieuses préoccupations car les pressions qui s’exercent sur les conditions matérielles, le régime et les services s’accroissent avec le taux de surpopulation; la promiscuité exacerbe aussi les tensions inhérentes à la détention, au détriment des relations entre les détenus eux-mêmes et entre les détenus et le personnel.

148.Au moment de la visite de la prison de Cotonou, le régisseur a fait état de 2 257 détenus, dont environ 180 avaient été condamnés, la grande majorité des détenus étant donc inculpés. Les détenus étaient pour la plupart des hommes, dont un petit groupe d’adolescents; 118 étaient des femmes, dont 7 adolescentes. Le quartier des condamnés à mort abritait 16 détenus. La prison hébergeait aussi 10 nourrissons ou jeunes enfants (de 10 à 24 mois) qui vivaient avec leur mère et n’étaient absolument pas pris en compte dans les statistiques officielles ni dans le budget de la prison. L’établissement avait été conçu pour accueillir 400 détenus avant d’être agrandi. Le régisseur de la prison de Cotonou a confirmé qu’il n’existait aucun critère permettant d’établir avec fiabilité la capacité d’accueil de la prison.

149.Au moment de la visite, la prison d’Abomey aurait compté 1 105 détenus, dont 1 035 hommes, y compris 22 adolescents détenus dans un quartier à part; toutes les femmes détenues sont logées dans deux parties d’une unité qui leur est réservée, y compris 4 adolescentes, en plus de 10 nourrissons et jeunes enfants de 30 jours à 4 ans. La prison, composée d’une dizaine de bâtiments, avait été construite en 1950 pour accueillir 200 détenus, à raison de 20 personnes par bâtiment. D’après l’actuel régisseur, le taux d’occupation n’était jamais respecté. Les détenus s’entassent donc dans la cour intérieure de la prison qui ne leur offre guère d’espace pour faire de l’exercice en dehors des bâtiments où ils dorment.

150.Le SPT relève que les autorités ont l’intention de transférer tous les détenus condamnés dans la nouvelle prison ouverte en novembre 2007 à Akpro-Missérété, de sorte que les huit prisons restantes n’accueilleront plus que les personnes placées en détention préventive. La délégation a aussi entendu parler de projets de construction de nouvelles prisons sur le modèle de celle d’Akpro-Missérété. À cet égard, le régisseur de la prison d’Abomey a évoqué un site que les pouvoirs publics auraient d’ores et déjà retenu pour y construire une nouvelle prison d’un millier de places. Il reste qu’il ne suffira pas et que l’on ne saurait considérer comme suffisant de construire des prisons pour résoudre le problème actuel de surpopulation.

151.Des représentants du Ministère de la justice ont informé la délégation que plusieurs mesures avaient été prises pour remédier au problème de surpopulation, et qu’il était notamment question d’adopter des mesures autres que privatives de liberté, en particulier quand il s’agissait d’adolescents, d’exploiter la possibilité offerte chaque année par l’exercice du droit de grâce présidentiel, de lancer des activités de réadaptation sociale pour réduire le nombre de récidivistes et de rédiger un projet de loi sur les travaux d’intérêt général en remplacement de la détention. Le SPT encourage le Bénin pour ses efforts à cet égard et note que, selon l’article 118 du Code de procédure pénale, la détention préventive devrait être une mesure exceptionnelle.

152.Le SPT note qu’il ne lui a été fourni aucun élément d’information sur la possibilité d’obtenir une libération sous caution en lieu et place du placement en détention préventive. Bien que le tribunal puisse accorder une libération sous caution, celle-ci peut se heurter à des obstacles dans la pratique. Un certain nombre de détenus se sont plaints des très fortes sommes imposées par le juge à titre de caution. Peut-être y a-t-il là un facteur qui contribue au placement d’un grand nombre de personnes en détention préventive . Le SPT voudrait savoir si la situation financière d’un individu est prise en compte dans la fixation du montant à verser à titre de caution et recevoir des informations sur les modalités de ce calcul, sur le nombre de personnes libérées sous caution en 2007 et sur le nombre de personnes qui, alors qu’elles auraient pu être libérées sous caution, n’ont pu l’être parce qu’elles se trouvaient dans l’impossibilité de verser la somme qui leur était réclamée. Il invite les autorités à garantir le respect du principe selon lequel la libération sous caution devrait être la règle et la détention préventive l’exception et à envisager de fixer des délais légaux pour l’ouverture des procès.

153. Le SPT recommande aux autorités d’adopter, pour réduire la population carcérale, une stratégie concertée conjuguant différentes mesures, et notamment:

a) D’examiner de façon approfondie tout ce qui fait obstacle au bon déroulement des procédures pénales devant les différentes instances afin de repérer les lacunes au niveau des ressources et les raisons structurelles à l’origine des retards;

b) D’accroître la communication et la coopération entre les tribunaux et les prisons pour réduire le plus possible les retards de transmission des jugements et des ordonnances et en particulier des ordonnances de libération, afin que les personnes soient libérées dès que le tribunal en donne l’ordre;

c) D’imposer aux mineurs des mesures autres que privatives de liberté, conformément à l’ordonnance n o 69 - 23 du 10 juillet 1969 relative au jugement des infractions commises par des mineurs;

d) De substituer au placement en détention de personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mineures d’autres mesures (telle que la libération sous caution) ou des amendes d’un montant proportionnel à leurs moyens financiers;

e) De réduire le nombre de personnes placées en détention préventive en recourant à la mise en liberté provisoire conformément à l’article 120 du Code de procédure pénale (avec ou sans caution) et à l’article 358 de ce même code;

f) De respecter les délais légaux prévus dans le Code de procédure pénale;

g) De libérer toutes les personnes placées en détention préventive qui ont déjà passé en détention plus de temps que ne le justifierait la peine de prison maximale dont est passible l’infraction qui leur est reprochée;

h) De réduire le nombre de personnes condamnées à une peine de prison en imposant des peines de travaux d’intérêt général, des mesures de réparation et de restitution;

i) De recourir plus souvent au régime de semi - liberté conformément à l’article 574 du Code de procédure pénale;

j) D’accorder plus souvent la libération conditionnelle conformément à l’article 580 du Code de procédure pénale (libération conditionnelle des condamnés qui répondent aux cri tères d’évaluation des risques); et

k) De commuer toutes les condamnations à mort en condamnations à perpétuité afin qu’il y ait une possibilité de révision et, éventuellement, de libération.

a)Personnes placées en détention préventive

154.Selon l’article 570 du Code de procédure pénale, les personnes placées en détention préventive peuvent être détenues dans des prisons où des condamnés exécutent leur peine. Cependant, elles devraient être détenues à part de ceux-ci et, si possible, dans des cellules individuelles. La séparation entre prévenus et inculpés d’une part et prisonniers condamnés de l’autre est également prévue à l’article 15 du décret no 73-293. Comme on le verra plus en détail ci-dessous, la délégation n’a constaté aucune séparation entre les deux catégories de détenus dans les deux prisons dont elle a fait une visite complète.

155.Selon les statistiques fournies par les autorités, 81 % de la population carcérale est en détention préventive. Les statistiques fournies à la délégation par l’administration pénitentiaire au moment de la visite indiquent que, dans la prison de Cotonou, 8,75 % seulement de la population carcérale totale se composait de condamnés. À la prison d’Abomey, plus de 80 % des détenus adultes n’avaient pas encore été jugés coupables et condamnés. La délégation a relevé que les autorités n’établissaient pas de statistiques pour les adolescents, de sorte qu’il leur était impossible de savoir combien d’entre eux avaient été condamnés ou combien avaient été placés en détention préventive.

156.La délégation a rencontré des détenus qui lui ont dit qu’ils étaient en détention préventive depuis des années. À la prison d’Abomey, il ressortait de l’examen des dossiers qu’un grand nombre de prisonniers en détention préventive étaient en prison depuis des années. D’après les registres examinés, un prisonnier présent au moment de la visite avait été placé en détention préventive le 22 octobre 1993. La délégation a sélectionné au hasard deux prisonniers en détention préventive qui étaient en prison depuis plus de trois ans. L’un a raconté, et ses dires étaient confirmés par les registres, qu’il était en prison depuis quatre ans et un mois, et l’autre qu’il était à la prison d’Abomey depuis sept ans; ce dernier n’avait pas assisté à une audience depuis quatre ans. La délégation a demandé au personnel chargé des dossiers pénitentiaires de retrouver la trace de l’affaire de ce prisonnier dans les dossiers; le personnel a fait des recherches sans succès.

157.Certains prisonniers en détention préventive à la prison d’Abomey ont signalé que, au lieu de les conduire devant le tribunal pour que celui-ci prolonge leur détention, on leur faisait signer un document dans lequel ils réclamaient d’être mis en liberté; le tribunal était alors saisi de ce document qui leur revenait avec la mention «refusé». Pour autant que le SPT le sache, la législation ne prévoit pas que la question de la prolongation de la détention préventive puisse être réglée par un simple courrier. Le SPT demande aux autorités de confirmer que cette procédure n’est pas conforme à la loi.La comparution devant un juge appelé à se prononcer sur la prolongation de la privation de liberté représente une garantie importante que le détenu ne subira pas de mauvais traitements. Le SPT recommande que dans tous les cas où il doit être statué sur la prolongation de sa détention préventive, l’inculpé soit présenté à un juge.

158.La durée de la détention avant jugement est telle qu’elle contribue au surpeuplement carcéral, exacerbant ainsi les problèmes existants au niveau des conditions de détention et des relations entre les détenus et le personnel; elle alourdit aussi le fardeau des tribunaux. Du point de vue de la prévention de la maltraitance, elle suscite de sérieuses préoccupations face à un système déjà surchargé.

159.La délégation a appris que de nombreux prisonniers placés en détention préventive avaient passé en prison bien plus de temps que la peine maximale d’emprisonnement à laquelle ils pouvaient être condamnés s’ils étaient reconnus coupables de l’infraction dont ils étaient accusés. Cet état de choses n’est pas conforme à l’état de droit. Il va de soi que les personnes placées en détention préventive, qui sont présumées innocentes, ne devraient pas se trouver dans une situation pire que celle des personnes condamnées pour le même type d’infractions que celles dont les premières sont accusées: les condamnés peuvent, pour autant qu’ils remplissent certaines conditions, prétendre à une libération conditionnelle accordée de façon discrétionnaire après examen de leur dossier. Rien ne saurait justifier la détention préventive au-delà de la durée équivalant à la peine maximale dont est passible l’infraction dont l’intéressé est accusé. Le SPT a été informé d’un ancien programme pilote novateur permettant d’identifier tous les prisonniers en détention préventive dans cette situation et qui avait pour objet d’assurer leur libération immédiate.

160. Le SPT recommande la mise en place d’un mécanisme permanent de réexamen, à intervalle régulier, de la durée de la détention préventive des personnes incarcérées au Bénin, afin de libérer toutes celles qui sont restées en prison plus longtemps que la durée de la peine maximale dont est passible l’infraction dont elles sont accusées.

161.À cet égard, vu l’absence de registres clairs et détaillés, il est difficile d’évaluer avec certitude la durée du séjour en prison des personnes placées en détention préventive. Le fait que l’on perde la trace des prisonniers ou que l’on manque d’informations sur leur statut pénal semble être une cause fréquente de la durée excessive de la détention préventive.

b)Registres

162.Une difficulté majeure à laquelle se heurtent les autorités pénitentiaires tient, comme on l’a vu plus haut, au fait que les registres ne sont pas tenus comme ils le devraient et manquent d’exactitude. L’article 575 du Code de procédure pénale prévoit que tout établissement doit tenir un registre d’écrou dans lequel devraient être consignés le mandat d’arrêt, le jugement et la date de libération de chaque détenu. De plus, le décret no 73-293 prévoit une longue liste de registres que les greffiers des prisons sont censés tenir, mais la réalité est bien différente.

163.À la prison de Cotonou, en plus d’une partie des registres papier susmentionnés, la délégation a pu voir un système informatique dans lequel étaient consignés les principaux faits intéressant chaque détenu et des données détaillées, exception faite des dates d’arrivée et de sortie. La délégation a pu ainsi faire des recherches par nom et vérifier que les données correspondaient à celles figurant dans les registres papier. Le SPT se félicite de la base de données informatisée qui existe à la prison de Cotonou et qui permet au greffe de connaître la durée de détention de chaque prisonnier (voir plus bas). Cela dit, la prison de Cotonou est la seule à disposer d’un tel fichier, et encore en format Excel de base. Le SPT recommande d’équiper toutes les prisons du Bénin d’au moins un ordinateur, de créer une base de données nationale normalisée pour permettre aux autorités de suivre chaque détenu, et d’en faire profiter les tribunaux ainsi que les autorités centrales au niveau ministériel. Les usagers devraient tous recevoir une formation appropriée. Les systèmes de données informatiques ont la capacité de signaler chaque cas où le délai légal est atteint, ce peut être un outil important pour prévenir la prolongation indue de la détention avant jugement.

164.À la prison d’Abomey, les registres sont encore tenus exclusivement sous leur forme papier et la délégation a constaté de nombreuses lacunes et incohérences. Il manquait certains registres concernant telle ou telle période et d’autres n’avaient pas été mis à jour. La délégation a examiné les registres pour 2004 et 2005 et remarqué que, alors que des détenus accusés de petits larcins commis à cette époque attendaient toujours d’être jugés, d’autres qui avaient commis des crimes plus graves à une époque plus récente avaient déjà été condamnés et libérés.

165.Les greffiers des prisons de Cotonou et d’Abomey ont insisté sur le fait que le palais de justice ne transmettait pas toujours certaines informations, dont les ordonnances de mise en liberté: ainsi, des informations pouvaient être communiquées à un cabinet mais si elles ne parvenaient jamais à la prison, le dossier du détenu était perdu à toutes fins utiles. Comme les détenus ne disposaient que de la copie de leur mandat de dépôt, il était souvent difficile de savoir à quelle étape de la procédure l’affaire était parvenue. Faute de téléphone à la prison d’Abomey, il était encore plus difficile de recevoir des informations du palais de justice. La délégation a appris que le greffier de la prison d’Abomey avait été prié dernièrement par le Ministère de la justice de lui communiquer la liste des prisonniers condamnés qui seraient susceptibles de bénéficier d’une liberté conditionnelle. Vu les problèmes décrits ci-dessus, il est pratiquement impossible d’en dresser la liste exhaustive.

166. À titre de garantie à la fois pour les prisonniers et pour le personnel pénitentiaire, le SPT recommande que les registres soient conçus selon un format uniformisé (comme cela semble être le cas dans les gendarmeries). Les registres devraient contenir au minimum les informations fondamentales suivantes, mises à jour au quotidien: la date et l’heure précises de l’arrivée de chaque détenu dans la prison; les raisons légales motivant la privation de liberté et la mention de l’autorité qui a ordonné le placement en détention; les visites médicales ordonnées ou demandées; la date et l’heure de tout déplacement (par exemple pour assister à une audience) et du retour sur le lieu de détention; la date et l’heure du transfèrement à un autre lieu de détention ou de la mise en liberté et la décision motivant le transfèrement ou la libération, et des informations sur l’identité du détenu, y compris sa signature et celle de la personne responsable de tout transfèrement ou mise en liberté. Les établissements pénitentiaires devraient consigner tout incident survenu dans la prison et les mesures prises, y compris l’utilisation d’entraves et autres moyens de contrainte; ils devraient aussi tenir un registre de toutes les procédures et sanctions disciplinaires, y compris d’isolement ou de séparation. En outre, ils devraient dresser l’inventaire de tous les effets personnels du détenu, lesquels doivent être placés en sécurité, et veiller à ce qu’un reçu soit remis à chaque détenu qui arrive en prison.

2.Gestion des prisons

167.La délégation a observé que les trois établissements qu’elle avait visités appliquaient un régime de libre circulation dans l’enceinte de la prison pendant la journée pour la plupart des détenus, dont la majorité n’étaient enfermés que la nuit dans des locaux exigus à l’intérieur des bâtiments réservés à l’hébergement. La journée, la plupart des détenus vaquaient à leurs occupations dans la cour, ce qui est un aspect positif de la vie en prison.

168.La délégation a noté qu’un régime d’autogestion se pratiquait à l’intérieur de la prison. Les gendarmes en poste à l’extérieur autour du mur d’enceinte de la prison et dans la partie intérieure jouxtant le mur d’enceinte qu’il fallait traverser pour pénétrer à l’intérieur même de l’établissement assurent une certaine sécurité. À l’intérieur même de l’établissement, il existe une prison dans la prison. La vie y est réglée par la hiérarchie des détenus; la délégation a constaté que le personnel pénitentiaire semblait hésiter à y pénétrer.

169.L’autogestion peut a priori paraître positive car elle a l’avantage de susciter le sens des responsabilités collectives et individuelles et d’inciter les détenus à exploiter au mieux le temps passé en prison. Cependant, en l’absence de surveillance de la part des autorités pénitentiaires, elle peut facilement dégénérer en loi de la jungle, les plus forts (ou les plus riches) détenant un pouvoir arbitraire sur les plus faibles. La délégation a noté que le Ministère de la justice lui-même avait reconnu une tendance à l’abus de pouvoir parmi les détenus impliqués dans l’autogestion.

170.Le régisseur de la prison de Cotonou a expliqué le système dans ces termes: à chaque bâtiment sont assignés un «chef bâtiment», un contrôleur qui fait l’appel au moment de la fermeture des portes et un comité dont les membres sont les «anciens» de la communauté carcérale et qui traitent de tout problème susceptible de se poser dans le bâtiment, en plus d’un «chef pot» (qui s’occupent des toilettes) et d’un «chef douche» (qui remet les tickets pour la douche). Chaque prisonnier cotise à une cagnotte qui permet de venir en aide aux détenus démunis ou qui ne peuvent compter sur personne à l’extérieur. Le «chef cour général», à la tête de la population carcérale, répond au gardien-chef et au régisseur. Pour le régisseur, le système marche bien et l’administration pénitentiaire n’a pas à intervenir. Il a aussi expliqué qu’il procédait aux nominations à ces différentes fonctions sur la recommandation des codétenus. Les détenus sélectionnés portent des salopettes vertes distinctives et remplissent toutes sortes de tâches: ils aident notamment le greffier et les infirmiers/infirmières et sont responsables de l’hygiène dans les dortoirs.

171.Dans les prisons d’Abomey et de Cotonou, la délégation a constaté que ce régime d’autogestion produisait de grandes inégalités ou était à l’origine de violations des droits de l’homme. Pratiquement tous les domaines de la vie en détention étaient touchés, dans la mesure où il déterminait ceux qui avaient un espace pour dormir ou accès à des vivres et à l’eau, ceux qui faisaient l’objet de restrictions de liberté supplémentaires ou de sanctions; ceux qui travaillaient et en faveur de qui et ceux qui tiraient le maximum d’avantages au détriment des autres. De nombreux prisonniers ont rapporté qu’ils devaient payer pour recevoir des visites de l’extérieur et des détenus se sont plaints de ce que ceux qui ne pouvaient pas verser leur contribution à leur arrivée (voir plus bas) devaient faire des corvées comme le ménage des bâtiments et des toilettes jusqu’à ce qu’ils aient gagné suffisamment d’argent pour s’en acquitter. La délégation a observé de la déférence ou de la résignation face à cette inégalité, encore que certains détenus n’aient pas craint de dire qu’ils éprouvaient un sentiment d’injustice.

172.Cependant, force est à la délégation de conclure que le personnel pénitentiaire à différents niveaux a sa part de responsabilité dans l’organisation inéquitable de la vie en prison. Par exemple, elle a vu des agents empocher de l’argent de visiteurs sans chercher à justifier ces remises d’argent. De nombreux prisonniers interrogés séparément ont raconté que le tarif perçu actuellement pour les nouveaux arrivés qui veulent disposer d’un espace pour dormir s’élève à 5 000 francs CFA (2 000 francs CFA pour un espace dans le quartier des femmes de la prison d’Abomey). En outre, des détenus de la prison d’Abomey ont dit qu’ils devaient payer un supplément pour dormir dehors ou rester dehors jusqu’à la fermeture des portes ou pour être affectés à un bâtiment donné. La délégation a eu l’impression que ces pratiques s’inscrivaient dans un système plus large dans lequel le personnel pénitentiaire comme les caïds à la tête de la population carcérale tiraient profit des transactions quotidiennes de la vie en détention.

173.Le régisseur de la prison de Cotonou a informé la délégation que pour mettre un terme au racket, les autorités pénitentiaires avaient placé deux troncs dans la cour intérieure par laquelle passaient les visiteurs pour leur permettre, s’ils le souhaitaient, de faire un geste en faveur des détenus qui facilitaient les visites. L’argent était ensuite réparti entre les détenus qui occupaient des fonctions de garde. Malgré cela, des représentants du Ministère de la justice ont informé la délégation que la corruption était toujours répandue et que le Ministère avait reçu des plaintes de familles contraintes de verser une contribution pour avoir accès à un détenu pendant les horaires de visite.

174.La situation à la prison d’Akpro-Missérété semblait, pour le moment, moins problématique. La délégation a appris que les détenus pouvaient se procurer ce dont ils avaient besoin et par exemple avoir accès à un endroit pour dormir et recevoir des visites sans avoir à payer qui que ce soit. Mais peut-être cela s’explique-t-il par le fait que pour l’instant le taux d’occupation est très faible. Au fur et à mesure que des détenus seront transférés d’autres établissements et que la prison se remplira, les mêmes abus du système d’autogestion risquent de se reproduire à moins que les autorités pénitentiaires fassent rapidement et résolument le nécessaire.

175. Le SPT recommande de soumettre le système d’autogestion à la surveillance attentive de l’administration pénitentiaire pour empêcher les abus ou la corruption. Les autorités devraient prendre immédiatement des mesures pour assumer effectivement et complètement le contrôle des prisons. En aucun cas les prisonniers ne devraient être chargés de décider des sanctions disciplinaires et de les infliger à leurs codétenus.

3.La visite médicale à l’arrivée, garantie contre la maltraitance

176.Il est indispensable de faire passer une visite médicale aux personnes qui sont écrouées après une garde à vue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie pour empêcher toute maltraitance de la part de celles-ci. Il est capital de profiter de la mise sous écrou pour dépister d’éventuelles lésions et déterminer s’il y a eu maltraitance. C’est pourquoi la délégation a prêté attention à la pratique de la visite médicale à l’arrivée en prison et à la procédure de signalement d’éventuels cas de maltraitance aux mains de la police. À cet égard, elle a pris acte des affirmations du Ministère de la justice selon lesquelles tous les détenus étaient examinés par le personnel médical de la prison lors de leur incarcération, comme prévu par l’article 62 du décret no 73-293.

177.À la prison de Cotonou, le médecin chef a dit examiner les personnes placées en détention à leur arrivée pour repérer d’éventuelles lésions. La délégation a consulté les procès-verbaux de ces examens qui, quoique sommaires, contenaient tous les éléments d’information nécessaires. Des échanges avec des détenus ont confirmé que ceux-ci passaient devant des professionnels de la santé mais parfois plusieurs heures, voire plusieurs jours après leur incarcération.

178.La délégation a conclu d’échanges avec des détenus de la prison d’Abomey que, dans la pratique, il n’était pas toujours possible d’avoir accès à un médecin mais qu’une infirmière était de garde à l’infirmerie. Les prisonniers ne passaient pas de visite médicale à leur arrivée et beaucoup de ceux qui avaient été interrogés ont indiqué qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de voir un médecin à leur arrivée. Il en allait de même pour les détenus de la prison d’Akpro-Missérété. Le SPT recommande que tous les détenus passent une visite médicale lors de leur incarcération, suivant pour l’essentiel la procédure mise en place à la prison de Cotonou.

Le SPT recommande aux autorités de faire passer systématiquement des visites médicales à tous les nouveaux détenus et de dûment respecter ensuite leur droit de consulter une infirmière ou un médecin (ou un autre agent du personnel médical) s’ils le demandent. Il recommande aussi de procéder aux examens médicaux et de tenir les dossiers médicaux conformément au principe du secret médical; les personnes, autres que le patient, n’appartenant pas au personnel médical, ne devrait pas assister à la visite.

Le SPT recommande que la visite médicale pratiquée lors de leur incarcération comporte un examen suffisamment approfondi pour repérer d’éventuelles lésions et dépister une éventuelle maladie préexistante qui pourrait nécessiter de nouveaux traitements ou la poursuite d’un traitement en cours. Elle recommande par ailleurs de modifier la présentation du rapport médical normalisé de manière à garder trace de toute lésion. Le formulaire à remplir lors de l’examen médical devrait comporter: a) les antécédents médicaux, b) le récit par la personne examinée de toute violence éventuelle, c) le résultat de l’examen clinique, y compris la description de toute lésion éventuelle, indiquant en outre si l’examen a porté sur tout le corps, et d) la conclusion du médecin quant à la cohérence de ces trois éléments d’information.

Ensuite, le SPT recommande de mettre au point une procédure de signalement direct au Ministère de la justice et des droits de l’homme, compte dûment tenu du caractère confidentiel des données médicales et du consentement de l’intéressé, de tous les cas d’actes de violence et de mauvais traitements allégués que des médecins ou d’autres agents du personnel de santé ont pu constater.

4.Conditions matérielles

a)Hébergement

179.Dans les prisons de Cotonou et d’Abomey, la promiscuité, conjuguée à la vétusté et au délabrement des bâtiments, produit des conditions de détention déplorables comme l’ont reconnu les responsables de ces établissements. De plus, la séparation théorique des femmes et des hommes n’était en fait pas appliquée dans la pratique car les femmes dépendaient beaucoup des détenus de sexe masculin pour avoir accès à certains services. La délégation a aussi noté que, si les adolescents de sexe masculin étaient séparés des adultes, comme le veut la loi, les adolescentes, elles, vivaient au côté des détenues adultes.

180.Les conditions étaient particulièrement mauvaises dans les dortoirs la nuit où les détenus étaient enfermés douze heures d’affilée (correspondant à l’absence de lumière naturelle). Les membres de la délégation ont vu de leurs propres yeux, lors d’une visite de nuit à la prison d’Abomey le 23 mai 2008, que les détenus étaient obligés de dormir au contact physique constant d’au moins deux autres détenus. Les dortoirs étaient surpeuplés au point que certains détenus ne pouvaient s’allonger pour dormir et devaient se tenir debout ou rester assis pendant les douze heures où ils étaient enfermés. La délégation a mesuré la température de l’un des dortoirs qui abritaient une centaine de détenus et constaté qu’à 23 h 30 il y faisait 36 ºC avec un facteur d’humidité de 72 %, soit un indice de chaleur compris entre 51 et 54 ºC. Une température aussi élevée peut être à l’origine de coups de chaleur. En l’absence de toilettes dans les dortoirs fermés à clef la nuit, les détenus doivent se servir d’un seau en plastique sans couvercle. L’air est chaud, humide, avec des relents de sueur.

181.La délégation a aussi remarqué qu’environ 150 détenus de sexe masculin dormaient en dehors des dortoirs fermés à clef dans la cour de la prison d’Abomey, privilège qu’ils devaient monnayer, lui a-t-on dit.

182.Dans l’unité de la prison d’Abomey réservée aux adolescents, l’un d’eux dormait sous le préau dans la cour, alors que les 21 autres dormaient dans une unique pièce de 3,48 m par 4,74 m, avec une hauteur de plafond de 3,20 m. La pièce n’avait pas de fenêtre et lorsque la porte était fermée il n’y avait aucun moyen d’aération. Le plafond était équipé d’un ventilateur qui brassait l’air dans la pièce. L’adolescent a confirmé qu’ils étaient enfermés pour la nuit à 18 heures. Certains jeunes dormaient sur les six bancs de la salle mais la plupart dormaient par terre. Le seul autre meuble de la pièce était un petit poste de télévision fourni par l’UNICEF.

183.Même lorsque les équipements laissent beaucoup à désirer, ils peuvent avoir un effet plus ou moins néfaste sur les détenus selon l’usage qui en est fait. Par exemple, malgré le problème que peut poser la présence de moustiques, les adolescents considèrent manifestement comme un privilège de pouvoir dormir dans la cour du quartier qui leur est réservé. La cour est suffisamment spacieuse pour que tous les adolescents couchent dehors, mais ils n’en profitent pas.

184.À la prison d’Abomey, les femmes donnent l’impression de s’entasser dans leur quartier et, la nuit, elles sont enfermées dans deux dortoirs, l’un de 4 m sur 4 pour 32 femmes et l’autre de 7 m sur 4 pour 33 femmes. Toutes les détenues dorment par terre sur des nattes, à raison de 3-4 femmes par natte. Elles font leur cuisine dans leur quartier et conservent la nourriture dans une cour couverte. Vu la chaleur étouffante et l’entassement dans les dortoirs, l’administration pénitentiaire devrait envisager de permettre à un plus grand nombre de détenues de dormir en plein air comme certains hommes et adolescents le font déjà de leur côté.

185.À la prison de Cotonou, le quartier des femmes est séparé de celui des hommes dans la mesure où il faut passer par une porte métallique pour y pénétrer. La porte, fermée, est surveillée par un détenu en uniforme vert. Dans la pratique, la délégation a constaté qu’à plusieurs reprises le détenu qui assurait la garde et d’autres hommes (dont le chef de brigade) entraient dans le quartier des femmes sans avertissement. Les détenues dorment dans quatre dortoirs, mais une soixantaine de femmes, dont des nourrissons et des jeunes enfants et toutes les adolescentes couchent dehors faute de place à l’intérieur. Des détenues ont dit qu’il n’y avait pas de places disponibles à acheter dans aucun des quatre dortoirs à cause de la surpopulation. À l’extérieur les conditions étaient extrêmement difficiles, notamment sur le plan de l’hygiène, en particulier pour les mères de nourrissons et les femmes enceintes.

186.Dans les quartiers de femmes visités, la situation se compliquait en outre du fait que les adolescentes étaient logées avec les adultes, tout comme les nourrissons et les jeunes enfants jusqu’à l’âge de 4 ans qui vivaient avec leur mère. L’absence de texte prévoyant la différenciation des différentes catégories de détenues est contraire à l’article 8 d) de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

187.Certains détenus de sexe masculin de la prison de Cotonou bénéficient de conditions d’hébergement meilleures que celles accordées aux autres détenus. Un bâtiment qui porte le nom de Rotary, par reconnaissance envers les donateurs, abrite des détenus privilégiés. Le régisseur a fait allusion au fait que certains détenus, dont deux ambassadeurs, étaient issus d’un milieu social très élevé. Les détenus logés au Rotary peuvent sortir de la prison équipés d’un bracelet électronique. Le greffier ne s’est guère montré empressé d’expliquer à la délégation comment il répartissait les nouveaux arrivés entre les différents bâtiments de la prison. Certains bâtiments de la prison de Cotonou sont extrêmement surpeuplés et les prisonniers ont fait des conditions dans lesquelles ils dormaient une description qui allait dans le sens de ce que la délégation avait observé à la prison d’Abomey (voir plus haut).

188.Dans le quartier de la prison de Cotonou réservé aux adolescents, une soixantaine de détenus (âgés de 12 à 18 ans) se partagent une cellule et 15 couchettes. Par conséquent, la moitié des détenus couchent à même le sol. Les adolescents ont affirmé que la séparation d’avec les adultes n’était pratiquement que de pure forme: ainsi, les adultes utilisaient les toilettes du quartier des mineurs.

189.La situation à la prison d’Akpro-Missérété est bien meilleure qu’à Abomey ou à Cotonou en raison du petit nombre de détenus. Mais le régisseur a informé la délégation que la prison n’avait pas encore reçu de lits ni de matelas pour équiper les dortoirs et que par conséquent les détenus dormaient par terre sur des nattes.

190. Le SPT recommande d’améliorer les conditions matérielles dans toutes les prisons du Bénin afin de prévoir:

Une place où se reposer et un couchage (au moins une natte) pour chaque détenu, conformément à l’article 59 du décret n o 73 - 293 ;

L’accès à la lumière du jour et à une ventilation dans les cellules;

Un système de communication dans les dortoirs pour pouvoir appeler le personnel en cas de besoin;

Une gamme de services extérieurs qui répondent aux normes d’hygiène et de santé (accès à l’eau, à l’assainissement, à des douches, à la possibilité de faire sa lessive et à des moyens convenables d’évacuation des déchets).

191. De façon plus générale, le SPT recommande de passer de toute urgence en revue les conditions matérielles dans les prisons, y compris l’utilisation de l’espace actuellement disponible et les programmes de rénovation et de remise en état.

192. Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que des mesures permanentes soient prises pour réduire le surpeuplement et en atténuer les effets. Elles devraient notamment garantir à tous les détenus l’égalité d’accès à chacun des services susmentionnés quelles que soient leurs ressources personnelles, conformément au principe de non-discrimination.

193. Enfin, les autorités devraient veiller à ce que les détenus adultes et adolescents soient effectivement séparés, y compris les femmes adultes des adolescentes qui ne leur sont pas apparentées.

b)Nourriture

194.La délégation a appris que le montant de l’allocation par détenu et par jour au titre de l’alimentation s’élevait à 290 francs CFA. Aux réunions qu’elle a eues avec des représentants du Ministère, il lui a été confirmé qu’il était prévu dans l’enveloppe budgétaire du Ministère de la justice une allocation pour la nourriture. Le personnel des prisons visitées a confirmé que le budget alimentation n’était pas administré par les prisons elles-mêmes. Mais l’allocation effective par détenu n’a pas été confirmée officiellement. Le SPT en a demandé le montant lors des derniers entretiens, puis après sa visite. Par une lettre datée du 7 novembre 2008, les autorités ont fait savoir au SPT que le prix d’un repas par détenu variait de 250 à 350 francs CFA. Aujourd’hui on peut estimer le budget de la ration annuelle pour l’alimentation des détenus à la somme de 500 millions de francs CFA. Des dispositions sont en cours pour augmenter ce budget afin d’offrir deux (2) repas chauds aux détenus par jour. Calculé sur la base d’une population carcérale officielle d’environ 6 000 détenus, le prix par détenu et par jour serait donc de 230 francs CFA. Le SPT demande aux autorités de fournir des précisions sur l’allocation budgétaire par détenu au titre de l’alimentation et de lui faire savoir ce qui est prévu pour la revoir à la hausse.

195.Le régisseur de la prison de Cotonou a expliqué que le Ministère passait des marchés pour la fourniture de vivres pour l’année avec différents prestataires de services, en général un fournisseur par jour de la semaine. De même, à la prison d’Abomey, le régisseur a indiqué que chaque jour de la semaine un prestataire de services différent livrait le plat cuisiné convenu. Les prestataires distribuaient les rations avec le personnel pénitentiaire. Le régisseur a évoqué le problème de l’inégalité des rations mais considérait qu’il devait être réglé par le détenu responsable des vivres dans chaque bâtiment. Selon le greffier de la prison d’Abomey, chaque jour, les autorités pénitentiaires informaient le Ministère du nombre effectif de détenus actualisé, lequel transmettait l’information au prestataire de services basé à Cotonou, qui la relayait auprès de ses distributeurs sur l’ensemble du territoire. Le SPT aimerait recevoir un complément d’information sur le point de savoir si l’allocation budgétaire par détenu au titre de la nourriture comprend des crédits destinés à rémunérer les fournisseurs et, dans l’affirmative, quelle est la part de l’allocation qui leur revient. Il aimerait aussi recevoir des informations sur les marchés attribués à des prestataires de services extérieurs, en particulier sur le contrôle de la qualité des repas fournis et sur toute inspection à laquelle le Ministère de la justice soumettrait ces prestataires.

196.Le système d’achat de vivres est géré par la hiérarchie des détenus. Par exemple, les adolescents d’une prison ont décrit comment, dans leur unité de 26 personnes, ils mettaient leurs ressources en commun pour que chacun ait à manger. Ils reçoivent des personnes qui viennent leur rendre visite de l’argent qu’ils partagent si l’un d’eux n’a pas de visite. Un détenu est nommé secrétaire chargé des vivres et décide de ce qui est fourni et des modalités de partage; un détenu va chercher des provisions pour l’ensemble du quartier des mineurs. Dans le quartier des femmes de la prison d’Abomey, les deux chefs bâtiment adjointes vont chercher des provisions auprès des détenus de sexe masculin puis les distribuent entre les femmes des deux bâtiments.

197.La délégation s’est aperçue qu’en général le prix des denrées alimentaires ou des plats cuisinés disponibles pour chaque détenu était bien inférieur à la ration dont on lui avait parlé. Force est donc de conclure que certains individus, de l’administration pénitentiaire ou de la hiérarchie des détenus ou des deux bords, tirent un profit personnel du système d’approvisionnement en vivres. Certains détenus comme certains agents pénitentiaires semblent donc avoir intérêt à ce que la population carcérale reste nombreuse.

198.Des commerçants des marchés locaux qui se rendent en prison pour y vendre aux détenus des plats cuisinés ou des produits que ceux-ci font cuire eux-mêmes, assurent une source d’approvisionnement supplémentaire. Des détenus ont aussi déclaré à la délégation qu’ils comptaient beaucoup sur les membres de leur famille pour compléter leur ration alimentaire et leur donner de l’argent pour acheter plus de nourriture sur les places de marché de la prison. À cet égard, la délégation a noté que les prix des denrées alimentaires vendues sur les places de marché de la prison ou par des commerçants de l’extérieur étaient sensiblement plus élevés que les prix pratiqués en dehors de la prison . Le SPT recommande d’aligner autant que faire se peut les prix sur ceux des denrées alimentaires pratiqués à l’extérieur de la prison.

199.À la prison d’Abomey, les adolescents reçoivent des vivres non seulement de leur famille à l’extérieur mais aussi du Programme alimentaire mondial par l’intermédiaire de l’UNICEF. Celui-ci fournit les denrées alimentaires à cuire et les adolescents font eux-mêmes la cuisine pour l’ensemble de leur unité. Lorsque le niveau des provisions baisse, ils font une liste et l’UNICEF renouvelle les stocks. Les femmes détenues ont elles aussi confirmé qu’elles avaient reçu dernièrement des vivres de l’UNICEF pour les adolescentes et pour les nourrissons et les jeunes enfants des mères détenues.

200.Il reste que les nourrissons et les jeunes enfants qui vivent avec leur mère en prison ne reçoivent pas officiellement d’allocation de nourriture et que les mères doivent partager leur ration avec leurs enfants . Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires et au Ministère de la justice de recenser immédiatement le nombre de nourrissons et de jeunes enfants qui vivent avec leur mère dans toutes les prisons du Bénin et de garantir la distribution d’une ration alimentaire supplémentaire suffisante aux mères, dont beaucoup continuent d’allaiter leur enfant.

201.Les prisonniers nouvellement arrivés à la prison de Cotonou rencontrent un problème particulier. L’un d’eux a dit lors d’un entretien qu’il était arrivé le lundi soir après avoir été en garde à vue depuis le vendredi sans manger à part un peu de pain que son frère lui avait donné au moment de sa comparution devant le juge; lorsque la délégation l’a interrogé le mardi à 11 h 45, il n’avait toujours rien eu à manger. Un autre prisonnier en détention préventive interrogé un mardi à midi a fait le même récit: il avait été arrêté le jeudi précédent, dernier jour où il avait mangé; on lui avait dit en prison qu’on lui donnerait à manger à 15 heures.

202.Un problème particulier se pose en ce qui concerne les prisonniers condamnés à mort et détenus à la prison de Cotonou. Ils ont fait savoir que deux adolescents étaient censés leur acheter des vivres et les cuisiner. Outre le fait que cette pratique était contraire à la règle de séparation des adolescents des adultes, les prisonniers condamnés à la peine capitale avaient difficilement sinon aucun accès à des vivres pour compléter la ration quotidienne assurée par la prison.

203.À la prison d’Akpro-Missérété, le principal problème des prisonniers est de compléter leur ration quotidienne. Ils se sont plaints de ce que, du fait de l’emplacement de la prison (un peu en dehors de la ville), ils ne pouvaient pas avoir accès aux marchands extérieurs. De plus, les détenus qui avaient été transférés de prisons situées loin d’Akpro-Missérété, comme Abomey et Kandi, ne pouvaient plus compter sur leur famille pour compléter leur ration quotidienne. De ce fait, quelques détenus s’étaient mis à cultiver, dans l’enceinte de la prison, des terres auxquelles, selon le régisseur, les détenus n’étaient pas censés avoir accès. La délégation a aussi constaté qu’un civil tenait une boutique dans l’enceinte de la prison mais elle ignorait combien de détenus avaient les moyens de s’y procurer des vivres.

204.Le SPT juge indispensable que chaque détenu reçoive de la nourriture en quantité suffisante pour satisfaire ses besoins nutritionnels. La ration quotidienne fournie par le Ministère de la justice laisse sérieusement à désirer pour ce qui est de la quantité minimale requise par jour en énergie, vitamines et minéraux. En particulier, la teneur énergétique quotidienne de la ration satisfait apparemment de 45 à 75 % seulement des besoins quotidiens et la plupart du temps elle est pauvre en protéines, graisse, vitamines A et C, riboflavine, fer, calcium et iode. Le SPT recommande que, dans chaque prison, les détenus reçoivent tous sans discrimination de la nourriture, contrôlée de près par l’administration pénitentiaire qui doit veiller à ce qu’elle réponde aux besoins nutritionnels des détenus.

205.Par une lettre datée du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT qu’une séance de sensibilisation avait été organisée à l’endroit des prestataires de services au Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme. De même, une mission effectuée dans les prisons civiles a permis d’instaurer un registre de contrôle qui sert à recueillir l’avis d’un représentant des détenus, du régisseur, du personnel infirmier et du greffier sur la qualité et la quantité du repas. Le régisseur a aussi reçu pour instructions de refuser les repas qui n’étaient pas satisfaisants.

c)Eau et assainissement

206.Dans les prisons visitées, les installations sanitaires ne sont absolument pas en mesure de répondre aux besoins d’une population carcérale en surnombre. L’approvisionnement en eau posait problème à certains moments de la journée. Les détenus devaient se doucher, se laver et même uriner à la vue de tous, ce qui est évidemment contraire au droit de tout détenu au respect de l’intimité de sa vie privée.

207.Pour ce qui est de l’approvisionnement en eau, les conditions à la prison d’Abomey pour les femmes détenues sont particulièrement mauvaises. Les robinets d’eau dans le quartier des femmes ont été coupés et pour remplir des récipients d’eau fraîche pour la journée, les femmes doivent se rendre dans le quartier des hommes avant que les hommes ne sortent des dortoirs où ils sont enfermés ou après qu’ils ont été enfermés, mais il reste toujours une trentaine d’hommes dans la cour. La plupart des femmes réutilisent l’eau sale pour laver la vaisselle et essayer de se rafraîchir pendant la journée. Cela veut dire aussi que le peu d’espace disponible dans le quartier où les femmes s’entassent est encombré par un grand nombre de récipients. Les hommes se sont faits l’écho de ces préoccupations car, dans leur quartier, les deux robinets d’eau disponibles sont mis à contribution toute la journée pour remplir la citerne et les bidons des détenus. Les femmes se sont aussi plaintes de ce que les autorités pénitentiaires ne leur donnaient pas de produits de nettoyage en quantité suffisante pour tenir propres leurs dortoirs, salis par les nuages de fumée noire et de poussière qui s’échappaient des réchauds à bois.

208.La prison de Cotonou est reliée au réseau d’alimentation en eau de la ville et il n’y a pas de grande citerne sur place. De ce fait, les détenus doivent eux aussi stocker de l’eau pour leur usage quotidien dans des bidons en s’approvisionnant aux robinets dont la prison est équipée. Il semble que l’inégalité règne entre les détenus selon le bâtiment dans lequel ils dorment. Certains détenus ont dit devoir payer pour avoir accès aux robinets, y compris pour se doucher. Dans les bâtiments qui sont particulièrement surpeuplés, les détenus doivent payer pour utiliser les toilettes. À cet égard, le nombre de douches et de toilettes est tout à fait insuffisant par rapport à la population carcérale et on voit des détenus uriner directement dans les caniveaux d’évacuation des eaux usées. Dans le quartier des femmes, deux douches et deux robinets sont en état de marche pour 136 détenues; celles-ci se plaignent de coupures d’eau quotidiennes. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires d’augmenter sensiblement le nombre de toilettes et de douches dans chaque unité . L’eau ne devrait jamais être coupée dans le quartier des femmes.

209.L’approvisionnement en eau de la prison d’Akpro-Missérété serait plus régulier qu’aux prisons d’Abomey et de Cotonou. Les détenus ont dit avoir librement accès à l’eau dans les cours comme dans les dortoirs, ainsi qu’aux toilettes et aux douches partout dans l’établissement. Cependant, la délégation a constaté des fuites d’eau usée partout dans la prison et a relevé que les bâtiments quoique relativement récents étaient déjà sales et délabrés.

210.Il est important d’assurer des conditions de détention décentes pour le bien-être des détenus et du personnel. Or les mauvaises conditions de détention sont exacerbées par la promiscuité et nuisent à tous ceux qui vivent ou travaillent dans la prison; elles contribuent aux tensions pendant la détention et à la détérioration des relations entre les détenus et entre les prisonniers et le personnel, d’où un risque accru de maltraitance.

211. Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que les détenus aient accès dans de bonnes conditions à des installations sanitaires et à l’eau pour se désaltérer, se laver et évacuer les eaux usées. Il recommande que de toute urgence et au minimum:

Les ordures soient ramassées et placées dans des conteneurs en béton à l’abri des rats et incinérées régulièrement pour empêcher les invasions de rats;

Tous les seaux qui servent de latrine dans les bâtiments soient équipés d’un couvercle; et

Des gants de caoutchouc soient au moins fournis aux détenus qui vident chaque jour les seaux et à ceux qui ont pour corvée de nettoyer les toilettes.

5.Soins de santé en milieu carcéral

212.Le SPT se félicite de ce que l’article 18 de la Constitution béninoise prévoit le droit de toute personne privée de liberté de se faire examiner par un médecin. Le décret no 73‑293 prévoit aussi que les détenus ont le droit de consulter un médecin pour se faire soigner et que tout traitement ordonné par le médecin est gratuit, sauf en cas d’hospitalisation. La délégation a constaté qu’en principe les soins de santé dans les prisons étaient dispensés gratuitement aux détenus. C’est là une constatation positive. Mais elle a aussi appris que les détenus devaient d’abord acheter un carnet de soins (à 100 francs CFA) avant de pouvoir prendre leur premier rendez-vous, somme qui pouvait être prohibitive pour certains détenus indigents.

213.La délégation a été informée par des détenus que dans la grande majorité des cas on faisait droit à leur demande de consulter l’infirmier. Mais elle a noté que celui-ci n’exerçait aucune surveillance sur les détenus placés en cellule disciplinaire. Les femmes détenues avaient un obstacle supplémentaire à franchir, elles devaient passer par le détenu chargé des affaires sociales pour avoir accès à l’infirmier. La délégation s’est entretenue avec des mères de très jeunes enfants qui n’avaient pas passé de visite médicale depuis leur accouchement et dont les bébés n’avaient pas non plus été examinés. Le SPT recommande de réexaminer les modalités de prestation de soins de santé et autres aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les prisons.

214.Certains détenus qui étaient de toute évidence dans un état de faiblesse avancé n’avaient pas demandé à consulter l’infirmier parce qu’ils étaient convaincus qu’ils ne recevraient pas de médicaments gratuits. À ce propos, une fois épuisée la provision de médicaments disponibles au centre de soins de santé de la prison, la pharmacie ne serait pas réapprovisionnée. Les infirmiers se contentaient ensuite d’écrire des ordonnances et les détenus étaient contraints de se procurer eux-mêmes les médicaments s’ils en avaient les moyens. La délégation a appris que la situation de l’approvisionnement en médicaments s’était détériorée depuis que la responsabilité des soins de santé en prison était passée du Ministère de la santé au Ministère de la justice. Le Ministère de la justice a précisé qu’il n’y avait pas d’enveloppe budgétaire calculée expressément pour chaque prison et que le budget global était calculé en fonction de la population carcérale effective. Le SPT recommande aux autorités de réexaminer le système d’approvisionnement en médicaments des prisons, en particulier de veiller à ce que des médicaments soient distribués gratuitement aux détenus atteints des maladies les plus courantes. Le Ministère de la santé et le Ministère de la justice devraient resserrer leurs liens afin d’assurer une prestation plus équitable des soins de santé et en particulier de se mettre d’accord sur une liste type de médicaments et des procédures d’achat types pour toutes les prisons.

215.Dans les prisons d’Abomey et de Cotonou, le nombre particulièrement faible de consultations corroborait l’avis des détenus qu’il était inutile de demander à voir l’infirmier. Entre autres indicateurs donnant à penser que le système de santé pénitentiaire ne fonctionnait pas bien, on peut citer les déclarations de détenus, le faible nombre de consultations quotidiennes, l’absence, à la prison d’Abomey, du personnel de santé le week-end et les jours fériés, et le fait qu’environ la moitié des détenus qui étaient décédés au cours des trois dernières années étaient morts en prison et non à l’hôpital. À ce propos, le SPT recommande que des procédures judiciaires soient mises en place pour envisager, sur la base de rapports médicaux, la libération anticipée, le transfert au domicile ou à l’hôpital de détenus atteints d’une maladie en phase terminale.

216.Pour ce qui est des conditions matérielles, à la prison d’Abomey, l’infirmerie est sombre et vétuste et on a l’impression à la vue des locaux qu’ils ne sont pas utilisés et qu’aucun patient n’y est en fait traité. La nouvelle prison d’Akpro-Missérété possède de vastes locaux spécialement conçus pour servir d’infirmerie, construits dans la cour intérieure et comprenant quatre grandes pièces équipées de tables, de chaises, d’éviers et de lits. Mais l’infirmerie ne servait pas car la seule personne nommée au poste d’infirmier de la prison avait demandé à quitter la cour intérieure pour occuper un bureau beaucoup plus petit dans le bâtiment des visiteurs. À la prison de Cotonou, les détenus fréquentent l’infirmerie mais, comme on l’a vu plus haut, les placards sont en grande partie vides de médicaments.

217. Le SPT recommande aux autorités de prendre des mesures pour veiller à ce que les services de soins de santé pénitentiaires soient pleinement opérationnels dans toutes les prisons, en termes de niveaux d’effectifs, de locaux, d’installations et de matériel. Une surveillance devrait s’exercer sur la pharmacie et la distribution des médicaments de façon à ce que l’infirmerie ne soit jamais à court de médicaments.

a)Formation du personnel médical

218.La délégation a pris acte de ce que les personnels de la santé des établissements pénitentiaires ne recevaient aucune formation spécifique aux soins de santé en milieu carcéral, y compris à l’hygiène, à la prophylaxie, aux droits de l’homme et aux moyens médico-légaux de dépistage de lésions. À titre d’illustration, bien que la prison de Cotonou soit équipée d’une cellule spéciale pour les détenus atteints de maladies contagieuses, cette pièce reste en fait ouverte et n’importe quel détenu y a accès. Dans les trois prisons qu’ils ont visitées, les membres de la délégation ont observé sur le corps de nombreux détenus les symptômes de problèmes médicaux, dont de nombreux cas de maladies de la peau qui peuvent être attribuées à la promiscuité, au manque d’hygiène, à la difficulté d’accéder à des soins médicaux et à l’absence de mesures de prévention. Le SPT recommande aux autorités de mettre davantage l’accent sur les mesures de prévention, comme l’élimination des lieux de reproduction des moustiques, l’évacuation systématique des déchets et le traitement massif des infestations de gale, en plus de mesures d’hygiène plus strictes. À cet égard, il recommande au Ministère de la justice et au Ministère de la santé de mettre au point un programme de formation spécifique que tous les personnels de la santé suivraient avant et pendant leur affectation dans une prison afin de garantir la qualité et le caractère approprié des programmes de soins de santé et de prévention exécutés par des professionnels de la santé.

219.Le SPT note que l’article 62 du décret no 73-293 prévoit qu’un médecin chef de la circonscription médicale est chargé de la surveillance des prisons de son ressort. Il visite les prisons au moins une fois par quinzaine et propose les mesures d’assainissement nécessaires. Le SPT considère que la mise en œuvre de cette disposition pourrait contribuer pour beaucoup à l’amélioration des conditions sanitaires en prison et, partant, jouer un rôle prophylactique. Il aimerait recevoir la copie des rapports de visite des trois dernières années, ainsi que des recommandations formulées, et recommande aux autorités de garantir l’application de cette disposition légale dans la pratique.

b)Registres médicaux

220.À la prison de Cotonou, il est pris acte, dans un registre, dans des conditions acceptables, de la visite médicale initiale. Mais il n’est pas fait spécifiquement mention des lésions ni des transferts vers un hôpital dans le carnet pertinent. À la prison d’Akpro-Missérété, l’infirmier tenait des statistiques de base sur les maladies en milieu carcéral à l’aide de formulaires du Ministère de la santé qu’il s’était procurés auprès de la Direction départementale de la santé. Le SPT recommande au Ministère de la justice d’étendre à toutes les prisons du Bénin la pratique des visites médicales initiales et de l’enregistrement des statistiques sur les maladies et de fournir les formulaires appropriés à tous les professionnels de la santé. Cette information permettra aussi au Ministère de la justice de savoir quels médicaments livrer aux établissements pénitentiaires. À cet égard, le SPT recommande d’établir pour toutes les prisons une liste type de médicaments génériques. Le budget des soins de santé, y compris des mesures de prévention, devrait être établi sur la base de cette liste en fonction du nombre effectif de détenus.

c)Taux de mortalité et registres

221.À la prison de Cotonou, la délégation a été mise au courant des efforts que faisait le régisseur pour réduire le taux de mortalité au moyen du dépistage des signes de malnutrition; il était pris note de symptômes comme les pieds enflés, qui indiquaient que les détenus étaient mal nourris ou n’avaient pas pu s’allonger la nuit. Les décès en prison ou à l’hôpital étaient notés ensemble dans un carnet. La teneur de ce carnet correspondait tout à fait à la liste des décès en détention que les autorités avaient remise à la délégation. Les décès avaient pour causes toutes sortes de maladies ordinaires, mais deux personnes étaient décédées de mort violente: l’une était morte des suites de blessures subies lors d’une tentative d’évasion et l’autre des suites de mauvais traitements. Ni le carnet, ni la liste fournie par les autorités n’indiquaient clairement qui était l’auteur de ces mauvais traitements. Le SPT voudrait recevoir un complément d’information sur le décès en détention causé par des mauvais traitements et en particulier des détails sur toute enquête, procédure pénale ou disciplinaire engagée et toute sanction pénale ou disciplinaire prise.

222.La délégation a également relevé que les statistiques sur les décès en détention ne précisaient pas l’âge du défunt. En outre, faute de certitude quant à la précision du diagnostic, il était difficile de tirer des conclusions. Néanmoins, il ressortait clairement des statistiques fournies que près de la moitié des décès étaient survenus en prison et que la plupart étaient dus à des maladies ordinaires, notamment à des problèmes qui auraient justifié une intervention chirurgicale à l’hôpital. Les condamnés à mort détenus à la prison de Cotonou ont ainsi raconté à la délégation qu’un prisonnier était décédé dans sa cellule le 2 janvier 2006. Ils avaient appelé l’infirmier la veille en urgence; celui-ci était venu et reparti. Le prisonnier est décédé dans sa cellule le lendemain matin.

223.L’infirmier de la prison d’Akpro-Missérété ne tient pas de registre des décès en prison et la délégation n’a pas pu consulter le registre des décès à la prison d’Abomey. Le SPT recommande de mettre en place un dispositif d’enquête, de signalement et d’enregistrement pour chaque décès qui se produit en prison.

d)Les prisonniers condamnés à mort

224.À la prison de Cotonou, les prisonniers condamnés à mort ont montré des documents attestant de leur difficulté à avoir accès à des soins de santé: lorsque l’un des prisonniers avait un problème de santé, il pouvait inscrire son nom pour demander à voir l’infirmier. L’infirmier s’entretenait avec lui à travers les barreaux de la porte de la cellule et ne pénétrait jamais dans la cellule. Il était donc impossible aux prisonniers de se faire examiner en bonne et due forme par l’infirmier. Le SPT recommande de ne jamais tenir de consultations à travers les barreaux d’une porte de cellule et de les organiser dans un local approprié.

225.Les condamnés à mort se sont plaints de ce que, en plus du fait qu’ils ne subissaient pas d’examen en bonne et due forme, ils n’avaient pas accès aux soins de spécialistes. Deux des prisonniers étaient aveugles; ils ont déclaré avoir perdu la vue en prison et n’avoir pas pu consulter de spécialistes. Un autre a montré son carnet de santé dans lequel il réclamait avec insistance de passer une radiographie à cause de douleurs abdominales persistantes qui rayonnaient jusqu’au dos et à la hanche gauche; le carnet ne faisait état d’aucune réponse.

226.Les prisonniers ont fait part d’une difficulté supplémentaire pour accéder à l’infirmier. La délégation a vu un livre dans lequel étaient consignées les demandes de consultation des détenus. De toute évidence, il s’écoulait un délai considérable entre le moment où un prisonnier demandait à consulter l’infirmier et celui où l’infirmier se rendait dans leur quartier. Par exemple, la délégation a relevé une liste de neuf détenus qui demandaient à voir l’infirmier entre le 26 février et le 7 mars 2008, date à laquelle celui-ci s’est déplacé (soit un délai de neuf jours à compter de la première demande). Plus grave encore, neuf prisonniers, qui avaient demandé à consulter l’infirmier entre le 8 avril et le 12 mai 2008, ont dû attendre ce jour-là pour voir enfin arriver l’infirmier. Le prisonnier qui avait déposé la première demande avait dû attendre plus d’un mois pour voir l’infirmier. Cet état de choses est inacceptable. Chaque prisonnier, indépendamment de son statut, a le droit d’avoir accès rapidement à des soins médicaux. Le SPT recommande aux autorités de faire le nécessaire pour garantir que chaque prisonnier qui demande à voir le personnel médical puisse le consulter sans retard.

e)Accès aux soins hospitaliers

227.Il semblait que du personnel non médical contrôlait les demandes de transfert vers un hôpital car la demande devait être adressée au greffier, puis approuvée par le procureur et ensuite par le Ministère de la justice, procédure qui, au dire du régisseur de la prison de Cotonou, pouvait prendre de trois jours à une semaine. Le SPT recommande de ne pas faire intervenir de personnel non médical dans l’examen des demandes de consultation d’un médecin. Si le personnel médical de la prison recommande le transfert vers un hôpital, l’administration pénitentiaire et les autorités judiciaires devraient se contenter d’approuver la demande de transfert.

228.En outre, la délégation a été informée que, à moins que l’intéressé ne puisse prendre à sa charge le traitement en hôpital et les médicaments qui lui étaient prescrits, le prisonnier avait peu de chances d’être hospitalisé. Le SPT recommande d’assurer la gratuité des soins et du traitement dispensés à tout prisonnier transféré à l’hôpital.

6.Personnel

229.Le personnel des prisons visitées était détaché de la gendarmerie, dont le régisseur qui appartenait à la hiérarchie militaire. À la prison d’Abomey, le régisseur a décrit les gendarmes comme étant «aptes» au travail pénitentiaire, mais a confirmé qu’ils n’avaient reçu aucune formation spécifique pour la garde et le soin des personnes privées de liberté. Le SPT considère que la formation au maintien de l’ordre ne prépare pas comme il se doit au travail en milieu carcéral. Le SPT recommande aux autorités de mettre au point un programme spécial de formation pour l’ensemble du personnel pénitentiaire, qui devrait porter notamment sur les droits des détenus, et de créer un service distinct regroupant l’ensemble des personnels pénitentiaires, dûment formés à leurs fonctions.

230.Les niveaux d’effectifs sont tout à fait insuffisants dans les deux prisons que la délégation a visitées dans le détail.

231.À la prison de Cotonou, les 21 agents comprennent le régisseur et les gardes, dont 2 femmes ainsi que 4 infirmiers (dont 1 infirmier major). Le personnel travaille principalement dans la partie de l’établissement qui jouxte le mur d’enceinte. En plus, 30 militaires détachés assurent la sécurité du périmètre. Ils renforcent la capacité du personnel de la prison en escortant les détenus qui sortent se faire soigner à l’extérieur ou se rendent au tribunal et en apportant leur concours en cas de fouilles approfondies ayant pour objet de saisir drogues, armes et téléphones portables. Le régisseur de la prison de Cotonou était d’avis que, si la prison ne comptait qu’un millier de détenus au lieu de 2 257 et disposait d’une centaine d’agents, dont 10 femmes, la prison pourrait être gérée sans que les détenus aient à intervenir.

232.À la prison d’Abomey, le régisseur a dit que son personnel comptait 4 officiers supérieurs, dont lui-même, et 5 gendarmes pour la garde et le soin de 1 105 détenus, en plus d’un infirmier. Le personnel militaire (8 en permanence) désigné pour garder le périmètre ne participait pas aux déplacements ou aux escortes, lesquels étaient considérés comme relevant des fonctions des gendarmes de la prison.

233.Le régisseur de la prison d’Akpro-Missérété a dit disposer de 9 agents détachés de la gendarmerie en plus de 10 autres gendarmes affectés à des fonctions de sécurité. Les militaires devaient fournir prochainement des troupes. Le régisseur pensait déjà que ces effectifs étaient insuffisants pour l’établissement qui abritait 187 détenus au moment de la visite; les détenus assuraient, par le biais de l’autogestion, des fonctions élémentaires comme les appels et la garde des clefs de différentes pièces de l’établissement. Le SPT ne voyait pas bien en quoi l’arrivée de détenus condamnés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda modifierait l’organisation et les effectifs en personnel de la prison d’Akpro-Missérété.

234. Le SPT recommande de revoir le nombre d’agents pénitentiaires pour faire en sorte que les effectifs de chaque établissement pénitentiaire soient suffisants pour garantir la sécurité des détenus et du personnel, sans avoir à faire intervenir les détenus dans des tâches de gestion élémentaires.

235.Un autre sujet de préoccupation tient à l’absence de ressources pour des fonctions essentielles, dont le transport des détenus. La prison d’Abomey n’avait apparemment pas de véhicule à cet effet. Les gendarmes escortaient les détenus à pied; le parquet était proche mais la cour d’appel se trouvait à l’autre bout de la ville. Le régisseur de la prison a aussi indiqué que certains détenus refusaient de marcher jusqu’au palais de justice et que par conséquent la prison devait louer un véhicule de transport à ses frais. Les fonctions d’escorte diminuaient d’autant la capacité du personnel d’exercer ses fonctions dans les établissements que la délégation avait visités.

236.Le déploiement du personnel est une source de préoccupation majeure. Dans chacune des trois prisons, la délégation a vu les gendarmes passer une bonne partie de leur temps de travail dans la partie séparant le mur d’enceinte du mur intérieur, c’est-à-dire qu’en fait ils ne se trouvaient pas à l’intérieur même de la prison. Pendant la journée, la partie intérieure de la prison était contrôlée par les détenus qui circulaient dans ses murs, avec la présence très occasionnelle d’agents pénitentiaires. Lorsque la délégation a décidé de se rendre de nuit à la prison d’Abomey, elle s’est rendu compte qu’il était tout à fait inhabituel de pénétrer, la nuit, après la fermeture des portes, dans la prison intérieure. La nuit en effet, cette zone était pratiquement interdite au personnel.

7.Sécurité et contrôle: discipline, ségrégation, usage de la force et moyens de contrainte

237.Le SPT note qu’en dehors du Code pénal et du Code de procédure pénale, qui s’appliqueraient si des crimes étaient commis à l’intérieur de la prison, la principale source de renseignements sur la discipline et les sanctions appliquées est le décret no 73/293 sur l’organisation des prisons. Les régisseurs des prisons visitées ont confirmé que les prisons n’avaient pas de règlement interne, outre le décret. Parmi les sanctions prévues par le décret on peut citer la suppression du droit de visite, de fumer, de correspondre avec le monde extérieur et de recevoir de la nourriture de l’extérieur, sanctions qui, toutes, peuvent être appliquées pour un maximum d’un mois. En outre, au nombre des sanctions possibles figure également le placement dans une cellule qui entraînera automatiquement les autres sanctions prévues. Le régisseur peut ordonner le placement dans une cellule pour une durée maximum de huit jours, le procureur pour une durée de trente jours et le Ministre de la justice pour une durée de quarante-cinq jours et, dans des circonstances exceptionnelles, de trois mois. Toutes ces sanctions devraient, d’après le décret, être décrites de manière détaillée dans le registre des sanctions.

a)Mesures disciplinaires

238.À la prison de Cotonou, le régisseur a précisé que la Brigade pénitentiaire serait chargée d’enquêter sur tout crime commis dans l’enceinte de la prison, tandis que le gardien-chef serait chargé des sanctions disciplinaires. Il a également indiqué qu’il y avait deux cellules à la Brigade pénitentiaire, dont l’une était utilisée pour les sanctions disciplinaires et pouvait accueillir deux détenus simultanément. La délégation a constaté que cette cellule mesurait 2,40 m ´ 1,96 m, qu’elle avait une hauteur de plafond de 3,40 m et comportait un dégagement de 1,80 m ´ 0,90 m. Elle avait une petite fenêtre haut placée et une porte pleine avec une lumière au-dessus. Il y avait un baquet en métal servant de toilettes dans le coin du dégagement. La délégation a également vu une cellule disciplinaire dans le quartier des femmes, qui mesurait 2 m2 (avec une hauteur de plafond d’environ 3 m) et n’avait ni toilettes ni eau courante. Elle était équipée d’une petite fenêtre et d’une porte métallique pleine, qui était verrouillée lorsque la délégation est arrivée. Le gendarme chef avait la clef.

239.Le régisseur a dit que les détenus de la cellule disciplinaire recevaient un repas par jour, comme tous les autres détenus, et que leurs proches à l’extérieur pouvaient leur faire parvenir de la nourriture en complément. Des femmes détenues ont signalé qu’il était rare que des femmes soient placées dans une cellule disciplinaire et que, lorsque cela arrivait, ce n’était que pour quelques jours tout au plus.

240.Le régisseur a également parlé du système d’autogestion des détenus, en vertu duquel les détenus pouvaient émettre des avertissements pour des affaires mineures mais ne pouvaient imposer de sanctions disciplinaires. Si l’affaire était suffisamment grave pour justifier une sanction disciplinaire, la direction de la prison en était saisie. Le régisseur de la prison de Cotonou a déclaré que les détenus n’étaient pas informés à leur arrivée des règles s’appliquant à l’intérieur de la prison.

241.À la prison d’Abomey, le régisseur a indiqué que les sanctions officielles incluaient la privation de la liberté de circulation à l’intérieur de la prison (confinement dans une pièce) et le placement dans l’une des deux cellules disciplinaires. Des femmes détenues ont déclaré que le port d’entraves pouvait être ordonné à titre de sanction par le Commandant de Brigade ou le régisseur et que la dernière fois qu’une femme détenue avait été soumise au port d’entraves, à titre de sanction disciplinaire parce qu’elle s’était battue, remontait à novembre 2007. Des détenus masculins ont mentionné le confinement en cellule disciplinaire et l’imposition du port d’entraves.

242.La délégation a appris avec inquiétude qu’en vertu du système d’autogestion en place dans les prisons de Cotonou et d’Abomey, les détenus responsables pouvaient, semblait-il, imposer des sanctions à des détenus supposés avoir transgressé les règles tacites de la communauté pénitentiaire. Des détenus interrogés ont déclaré que la procédure normale du placement en cellule disciplinaire commençait par un passage à tabac suivi d’un confinement en cellule. Ils ont expliqué que cette procédure était appliquée par les gendarmes, par exemple en cas de tentative d’évasion, ou par le chef des détenus, à qui les gendarmes remettaient la clef de la cellule disciplinaire. Des détenus ont déclaré que, parfois, les détenus placés dans une cellule disciplinaire étaient soumis au port d’entraves; les détenus pensaient que cette mesure nécessitait l’autorisation de l’administration pénitentiaire. Certains détenus ont également indiqué que des détenus avaient été attachés à un arbre à l’aide de menottes dans la cour principale pendant des périodes prolongées.

243. Le SPT recommande que ne soit confié à aucun détenu une fonction ou un pouvoir disciplinaire dans la prison. Il recommande en outre que l’usage d’entraves soit abandonné et que les détenus ne soient pas soumis à des moyens de contrainte pendant leur séjour en cellule disciplinaire.

244.À la prison d’Aktpro-Missérété, la délégation a vu deux séries de cellules disciplinaires (24 au total). Chaque cellule mesurait 2 m2 et un peu d’air et de lumière naturelle filtraient au travers d’ouvertures faites dans les murs. Chaque cellule était équipée d’un urinoir et d’un robinet, qui ne fonctionnait pas, et avait la lumière artificielle. D’après le régisseur et le chef de brigade, les détenus pouvaient être placés, de une heure à huit jours, dans ce type de cellule pour des infractions mineures. Les clefs de ces cellules sont détenues par le gendarme. L’examen de la main-courante, où il apparaissait que certaines sanctions avaient été inscrites, a révélé qu’aucune heure d’entrée ou de sortie des cellules disciplinaires n’était indiquée, ce qui rendait impossible de connaître la durée des séjours des détenus dans ces cellules. Le régisseur et l’adjudant-chef ont tous les deux déclaré que les règles et les sanctions étaient portées à la connaissance des nouveaux arrivants, dans un but dissuasif. Toutefois, les entretiens avec des détenus ont révélé que certains ne connaissaient pas les règles.

245.La délégation a constaté qu’il n’y avait de registre officiel des sanctions dans aucune des prisons visitées. Dans une lettre datée du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT que des sanctions disciplinaires étaient prises par les régisseurs contre les détenus qui perturbaient leurs codétenus. Les données chiffrées de ces plaintes n’étaient pas disponibles. Le SPT souligne que toutes les procédures relatives aux sanctions devraient être strictement enregistrées, avec mention détaillée des raisons, de la date, de la nature et de la durée de la sanction et de l’autorisation.

246. Le SPT recommande que toutes les procédures disciplinaires soient autorisées et mises en œuvre par l’administration pénitentiaire et fassent l’objet de règles dûment établies et enregistrées, dont tous les détenus devraient être informés. L’isolement disciplinaire ne devrait concerner ni les mineurs (adolescents) ni les malades mentaux. Les détenus placés dans des cellules disciplinaires conservent le même droit d’accès aux soins de santé et peuvent nécessiter de la part de l’ensemble du personnel une vigilance accrue quant à leur état de santé. Le SPT recommande également, en ce qui concerne spécifiquement les prisons visitées, que les détenus placés dans une cellule disciplinaire pendant plus de douze heures aient accès aux espaces extérieurs une heure chaque jour et que le personnel sanitaire de la prison procède à des contrôles quotidiens de leur état de santé dans la cellule disciplinaire, étant entendu que le médecin devrait, comme toujours, prendre les mesures visant à garantir l’intérêt supérieur de la santé du détenu.

247.La délégation a été très préoccupée d’apprendre que les châtiments corporels faisaient partie des peines imposées par des détenus à d’autres détenus. À la prison d’Abomey, des hommes détenus ont déclaré que des coups sur les paumes des mains pouvaient leur être assénés par d’autres détenus, à titre de sanction.

248.À la prison d’Abomey, même les adolescents de sexe masculin détenus dans une unité séparée ont parlé ouvertement du nombre de coups infligés avec un bâton à des détenus adolescents pour différents types de faute. Le détenu adolescent élu chef (chef de sécurité) par les autres était le plus important et dormait sous les arbres dans la cour. Il a expliqué le processus:

Si l’un des adolescents détenus n’observait pas les règles, il le frappait sur les mains avec un bâton de 37 cm: 4 coups pour une première faute et 10 coups en cas de récidive;

Si une bagarre éclatait entre deux adolescents, le chef des adolescents détenus les écoutait tous les deux; les deux étaient frappés mais celui qui était jugé le plus coupable recevait 10 coups tandis que l’autre en recevait 5;

À ce jour, les adolescents n’avaient saisi le régisseur d’aucune affaire disciplinaire et avaient réglé toutes les questions d’ordre disciplinaire eux-mêmes;

Aucun détenu adolescent n’avait jamais été placé dans une cellule disciplinaire.

249.Ils ne voyaient rien de mal à la pratique des châtiments corporels qui faisaient partie de la vie en prison.

250. Le SPT considère que les châtiments corporels, quels qu’ils soient, sont inacceptables et constituent des traitements inhumains et dégradants. Il recommande que l’interdiction des châtiments corporels soit consacrée par la loi et qu’aucune forme de châtiment corporel ne soit jamais autorisée dans la pratique.

251.Lorsque l’État prive une personne de sa liberté, il devient responsable de la sécurité de celle-ci. Il a notamment pour obligation de protéger cette personne de ses codétenus. Le non-respect de cette obligation est un manquement au devoir de protection, même si la gestion de la violence entre les détenus peut être extrêmement difficile.

b)Armes et usage de la force

252.À la prison d’Abomey, le régisseur a déclaré que les militaires ne rentraient pas dans l’enceinte de la prison, à la différence des gendarmes. Ces derniers ont été vus portant des fusils. Le garde de service au bureau d’accueil des visiteurs, situé immédiatement à l’extérieur du portail intérieur, était assis, son fusil sur l’épaule.

253.À la prison de Cotonou, le régisseur a indiqué que le personnel militaire détaché pouvait participer à des interventions. Le régisseur portait aussi une arme sur lui à tout moment, ce qui était préoccupant pour la sécurité de l’arme. Ce type de pratique n’était pas de nature à favoriser l’établissement de relations positives entre le personnel et les détenus. Il serait préférable que le personnel pénitentiaire ne porte pas d’armes du tout. Si toutefois le port d’arme était jugé indispensable, le SPT recommandait que les armes portées ne soient pas exposées à la vue.

254.D’autre part, les armes étaient stockées dans le bureau du régisseur, ce qui n’était pas un endroit approprié pour des armes dans une prison. À la prison d’Akpro-Missérété, la délégation a demandé à voir la pièce dans laquelle les armes étaient gardées. Les autorités de la prison n’ont trouvé les clefs et ouvert la porte sécurisée qu’au bout de vingt minutes.

255. Sauf opération d’urgence, le personnel pénitentiaire ne devrait pas porter d’armes meurtrières dans le périmètre de la prison. Le SPT recommande que le port visible d’autres armes, y compris de matraques, par des personnes en contact avec les détenus, soit interdit dans le périmètre de la prison, à moins que la sûreté et la sécurité l’exigent en cas d’incident particulier.

c)Moyens de contrainte

256.À la prison de Cotonou, la délégation a vu un certain nombre de détenus munis d’entraves (menottés aux chevilles avec des entraves métalliques reliées entre elles par une barre métallique rigide derrière les chevilles). Selon les informations fournies, le nombre de détenus munis d’entraves variait de 11 à 17. La délégation a appris de détenus qu’elle avait interrogés que les détenus munis d’entraves présentaient des problèmes de surveillance particuliers, certains d’entre eux ayant tenté de s’évader. Les détenus chargés de la surveillance avaient décidé qu’ils devaient être munis d’entraves. La délégation n’a pas trouvé de registre officiel concernant l’usage de ce moyen ou de tout autre moyen de contrainte, bien que la pratique existe visiblement.

257.À la prison d’Abomey, le régisseur a indiqué que les moyens de contrainte n’étaient pas utilisés dans la prison, les détenus étant «déjà en prison». Si un détenu était jugé «dangereux», il serait menotté durant le trajet jusqu’au tribunal et les menottes lui seraient retirées dans la salle d’audience.

258. Le SPT recommande que jamais aucun moyen de contrainte ne soit utilisé à titre de sanction ni en principe, imposé à des détenus lorsqu’ils se trouvent dans une cellule ou dans d’autres lieux sûrs. Tout usage de moyens de contrainte devrait faire l’objet d’un processus motivé et documenté avec soin, sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire, les garanties de procédure étant observées dans tous les cas. Le SPT recommande également que l’usage d’entraves, de chaînes et de fers soit interdit.

d)Sécurité et contrôle

259.À la prison de Cotonou, 28 militaires au total assuraient la surveillance du périmètre de sécurité. Des gendarmes au portail d’entrée et dans la cour extérieure supervisaient les 85 détenus chargés de la sécurité, qui travaillaient par équipes de 12 environ et portaient, pour qu’on les distingue, une combinaison verte. Le régisseur a expliqué qu’ils vérifiaient l’identité des personnes en visite entrant et sortant et étaient là pour empêcher les évasions. (Il y avait eu une évasion en janvier 2007, lors de laquelle un détenu avait été tué par un tir militaire.)

260.À la prison d’Abomey, la délégation a constaté que le périmètre de sécurité était limité (quasiment inexistant). Quelquefois, lorsque la délégation arrivait, même pendant la nuit, il n’y avait personne au portail d’entrée et, parfois, pas de garde à l’extérieur du mur d’enceinte intérieur. En une occasion (à 14 h 40), la délégation n’avait trouvé en arrivant ni garde au portail d’entrée ni garde de service en vue dans la zone située entre les murs intérieur et extérieur; les seules personnes en vue étaient quelques détenus en train de couper du bois dans la zone située entre le mur intérieur et le mur extérieur. Il semblait que soit la sécurité extérieure ne fonctionnait pas convenablement, soit elle ne dépendait pas de la surveillance du périmètre mais de contrôles exercés depuis l’intérieur. La délégation avait de vives réserves concernant la sécurité extérieure et la capacité du personnel pénitentiaire à prendre des mesures effectives et appropriées en cas d’urgence, tel qu’un incendie.

261.À la prison d’Akpro-Missérété, le régisseur a informé la délégation que le Ministre de la défense n’avait pas encore envoyé de militaires pour renforcer le maintien de la sécurité du périmètre. La sécurité de l’ensemble de la prison était assurée par 10 gendarmes. D’autre part, ainsi qu’il a été noté plus haut, le SPT est préoccupé par le manque d’informations et de formation qu’ont ces gendarmes quant à l’accès à la pièce où sont stockées les armes, en cas d’urgence en particulier.

262. Le SPT recommande que la sécurité à l’extérieur des prisons soit revue de manière que:

La sécurité du périmètre soit assurée par l’administration pénitentiaire plutôt que par des détenus exerçant un contrôle depuis l’intérieur;

Une intervention efficace et appropriée soit possible en cas d’urgence.

263.La délégation a également observé le système de contrôle à l’intérieur de la prison. Il semblait qu’il soit assuré en grande partie, sinon exclusivement, par des détenus. Lorsqu’un détenu avait un visiteur, il était appelé et sortait de la prison intérieure, pour se rendre dans la pièce située immédiatement au-delà du portail intérieur. À la prison de Cotonou, cette pièce était gardée par des gendarmes armés de fusils. À l’arrivée des visiteurs, les gardes donnaient le nom du détenu à un membre de sa hiérarchie, qui faisait amener le détenu de l’intérieur de la prison à la porte située entre l’espace intérieur et l’espace extérieur de la prison. Les détenus affectés à cette fonction frappaient à la porte intérieure, appelaient par son nom le détenu qui avait été amené; la porte était alors brièvement ouverte pour lui laisser le passage. Tout semblait se dérouler sans heurt. Toutefois il était à noter que les gardes n’étaient pas présents au-delà de la porte.

264.Il était clair que les autorités avaient cédé le contrôle des prisons aux détenus. Le SPT est extrêmement préoccupé par cette situation constatée dans les prisons de Cotonou et d’Abomey. Il considère que les autorités et l’administration pénitentiaire ne devraient pas abdiquer leurs responsabilités quant au fonctionnement à l’intérieur des prisons, qu’il s’agisse de pourvoir aux besoins de première nécessité, notamment en matière de nourriture, d’eau potable et de conditions minimales de santé et d’hygiène, ou d’imposer des mesures de contrôle, y compris des moyens de contrainte et des sanctions. Ces questions sont du ressort des autorités et doivent le rester. Le SPT considère que le contrôle effectif de tout lieu dans lequel se trouvent des personnes privées de liberté par des autorités publiques est du ressort de l’État et doit le rester.

265. Le SPT recommande aux autorités de prendre immédiatement des mesures pour mettre en place un système leur permettant d’assurer efficacement et pleinement le contrôle des prisons afin d’être à même de s’acquitter comme il convient de leurs obligations en ce qui concerne la garde et la protection des personnes privées de liberté par l’État.

8.Activités

266.À la prison de Cotonou, la journée s’organise autour des temps passés dans la cellule; à 7 heures, les portes de chaque unité, l’une après l’autres, sont ouvertes brièvement, pour la fouille des locaux. À 7 h 30, les portes de tous les locaux destinés au logement (à l’exception de la cellule des condamnés à mort) sont ouvertes pour que débutent les activités quotidiennes. La plupart des détenus sont de nouveau enfermés vers 17 h 30 ou 18 heures. Ainsi, la grande majorité des détenus passent plus de douze heures enfermés la nuit.

267.À la prison d’Abomey, le même système d’enfermement cellulaire prévaut. Les exceptions concernent les détenus privilégiés ayant des fonctions qui leur permettent de dormir dehors dans la cour.

268.La délégation a observé qu’un système de libre circulation pendant la journée était en vigueur dans l’enceinte des prisons pour la plupart des détenus. Dans la journée, la plupart des détenus sont dans la cour et s’occupent de leurs activités quotidiennes. Ceci pourrait être considéré comme un point positif de la vie des détenus. La relative autonomie dont jouit la population carcérale dans l’enceinte de la prison est en principe un élément positif également, à condition qu’il y ait une surveillance suffisante pour empêcher les abus. Cela pourrait rendre le temps passé en prison moins pénible et permettre aux détenus d’avoir des activités constructives. Actuellement, les activités se concentrent sur les besoins essentiels de l’existence, à savoir obtenir de la nourriture et de l’eau potable, obtenir de l’eau pour se laver et laver ses vêtements et trouver une place pour dormir.

a)Activités et éducation des détenus adultes

269.La place du marché à l’intérieur de la prison est un point central d’activités à la prison de Cotonou. Là, les détenus se livrent à diverses activités liées à la vie quotidienne, notamment la vente de produits alimentaires, la préparation de la nourriture pour la cuisine, la cuisine, la lessive et la fabrication d’objets utiles. Le régisseur a informé la délégation que les détenus avaient accès à divers ateliers organisés par des ONG, tels que des cours de coiffure, mais que la participation à ces ateliers était peu nombreuse. Il a également signalé que la bibliothèque comptait quelque 800 livres; la délégation a brièvement vu la bibliothèque, installée dans un bâtiment près du marché; elle servait également d’église. Elle avait été rénovée grâce à des dons d’ONG.

270.La délégation a constaté que dans les prisons dans lesquelles elle s’était rendue certains détenus adultes ne savaient ni lire ni écrire. Le SPT prend acte du fait positif que constitue l’éducation fournie aux jeunes détenus de sexe masculin et recommande aux autorités de prendre des mesures pour qu’une instruction élémentaire au moins soit dispensée aux jeunes femmes détenues ainsi qu’aux détenus adultes qui ne savent ni lire ni écrire.

271.À la prison d’Abomey, le régisseur a déclaré que le Ministère avait mis en place, en 2007, un programme de formation à l’intention des détenus, organisée sous la forme d’ateliers consacrés à la fabrication du gari, de la moutarde, des galettes et du pain. Ce travail générait également des revenus, bien que les détenus aient indiqué qu’ils n’avaient encore rien touché sur les revenus produits. La délégation a constaté qu’en dehors du mur intérieur de la prison il y avait un bâtiment moderne, construit grâce à des sources de financement extérieures, qui semblait inutilisé. L’espace entre le mur intérieur et le mur extérieur de la prison était utilisé pour couper du bois et d’autres travaux exécutés par un petit nombre de détenus.

272.À la prison d’Akpro-Missérété, aucune activité n’était proposée aux détenus. Ils fabriquaient divers articles pour les vendre à leurs codétenus et plantaient des légumes dans la cour principale pour compléter leur ration quotidienne. Le régisseur avait fait une enquête auprès des détenus et écrit au Ministère de la justice en avril 2008 pour demander du matériel et des ressources afin d’organiser un certain nombre d’activités, comme la couture, la coiffure, l’informatique et les langues.

273.Les programmes d’activité mis sur pied à l’intention des détenus jouent un rôle important dans le bien-être et la sécurité des détenus et du personnel. L’oisiveté forcée accroît les tensions dans les établissements de détention et peut avoir de graves conséquences sur la santé et le bien-être des personnes privées de liberté, ainsi que sur leur future réadaptation à leur sortie de prison. À l’extrême, l’inactivité totale forcée sur une période prolongée est inhumaine. Le SPT recommande qu’aucun effort ne soit épargné pour prévoir des programmes et des activités à l’intention de tous les détenus, y compris les condamnés à mort. À cet égard, le SPT se félicite de l’initiative prise par les autorités de la prison d’Akpro - Missérété et recommande que des crédits budgétaires soient alloués à la mise en place d’activités dans toutes les prisons du Bénin.

b)Activités pour les détenus adolescents

274.À la prison de Cotonou, la délégation a constaté qu’il y avait un abri de forme circulaire, en béton, dans le quartier des mineurs, qui, d’après les informations fournies, servait de lieu de cours. Des détenus adolescents de sexe masculin ont expliqué que des professeurs donnaient parfois des cours, de lecture ou de religion, et que des ONG leur enseignaient d’autres techniques, comme la coiffure.

275.La délégation a constaté qu’à la prison d’Abomey, l’éducation se limitait à des cours dispensés aux détenus adolescents de sexe masculin. En 2000, l’UNICEF avait mis au point à leur intention un programme d’instruction élémentaire en français; à l’origine, ce programme était dirigé par un détenu qui, depuis, avait été libéré; son assistant de 19 ans, qui était toujours en détention, dirigeait maintenant les cours, avec un salaire de 5 000 francs CFA par mois, versé par l’UNICEF. Le matériel pédagogique, tel que tableau, livres et crayons, était également fourni par l’UNICEF. Il n’y avait de cours pour les détenues adolescentes dans aucun des établissements dans lesquels la délégation s’était rendue. À cet égard, le SPT recommande que des cours analogues soient organisés pour les détenues adolescentes incarcérées dans le quartier des femmes dans tout le Bénin, ainsi que pour les enfants des femmes détenues lorsqu’ils atteignent l’âge de la scolarité obligatoire.

276.À la prison d’Abomey, il y avait deux machines à coudre et du tissu pour faire des chemises sur des tables installées sous les arbres dans la cour de l’unité de détention des adolescents de sexe masculin. Selon les informations qui avaient été données à la délégation, des détenus adultes leur apprenaient à coudre; les cours avaient lieu le matin et entre 16 heures et 18 heures. Le SPT recommande aux autorités de mettre en place des activités et des ateliers analogues pour les détenus adolescents des deux sexes dans toutes les prisons, afin de faciliter leur réintégration à leur libération.

c)Activités pour les détenues

277.Les activités pour les femmes étaient limitées par le fait qu’elles étaient en théorie séparées des hommes détenus et n’avaient donc qu’un accès restreint aux structures collectives, comme le marché de la prison. Le non-accès aux activités que les hommes avaient dans la zone du marché de la prison était une difficulté pour les femmes. À la prison de Cotonou, certaines femmes étaient autorisées à travailler au marché pour gagner de l’argent. La plupart d’entre elles n’avaient pas accès au marché, même pour acheter de la nourriture, et dépendaient donc des hommes détenus pour leurs achats. À la prison d’Abomey, les femmes détenues voulaient avoir accès aux activités que, pour le moment, seuls les hommes pouvaient avoir. Il semblait qu’elles ne bénéficiaient pas de l’égalité d’accès aux cours de formation aux ateliers ouverts à quelques détenus de sexe masculin ni aux cours ouverts aux détenus adolescents de sexe masculin. De nombreuses femmes ont émis le vœu d’être autorisées à participer aux divers ateliers. Le SPT recommande que les femmes détenues bénéficient d’activités et de cours.

278.Les adolescentes détenues n’avaient pas d’argent pour acheter de la nourriture pour compléter leur ration quotidienne et se trouvaient donc exposées à un risque accru de malnutrition et de maladie. Les membres de la délégation se sont entretenus avec quelques détenues adolescentes qui étaient devenues les esclaves virtuelles de détenues plus âgées pour pouvoir se procurer davantage de nourriture.

279.Les bébés et les jeunes enfants qui vivaient dans le quartier des femmes posaient un problème particulier. Le régisseur de la prison de Cotonou a indiqué que les enfants jusqu’à l’âge de 4 ans étaient autorisés à rester avec leur mère détenue. Toutefois, le budget de la prison ne prenait pas en compte ces enfants, que ce soit en termes d’espace pour dormir ou de nourriture. De ce fait, la maigre ration quotidienne devait être partagée pour nourrir les enfants de ces détenues. Dans le quartier des femmes, il y avait une salle de jeux dont une ONG avait fait don mais lors des visites de la délégation, cette salle, qui contenait quelques jouets, était inoccupée.

280. Le SPT recommande:

D’agrandir les quartiers des femmes pour remédier à leur extrême exiguïté;

De tenir compte des bébés et des enfants des femmes détenues dans les comptes afin de prévoir à leur intention, dans le quartier des femmes, un espace suffisant et aussi de la nourriture et de l’eau en quantité suffisante;

De fournir, pour les bébés et les enfants des femmes détenues, des vêtements, des couches, du savon et des serviettes en quantité suffisante ainsi qu’un endroit pour dormir qui leur soit propre, par exemple un berceau;

De permettre aux femmes et aux adolescentes détenues de bénéficier de l’égalité d’accès aux activités et aux ateliers organisés dans l’enceinte de la prison ainsi qu’à des activités spécifiques conçues pour répondre à leurs besoins; et

De faire en sorte qu’au minimum, toutes les adolescentes détenues et les enfants de femmes détenues d’âge scolaire aient accès à une éducation.

9.Contacts avec le monde extérieur

281.Le maintien de contacts avec le monde extérieur et, en particulier, l’entretien des liens familiaux et autres liens affectifs, est un élément important de la protection des détenus, indispensable si l’on veut que les détenus réintègrent un jour la société sans retomber dans la délinquance. D’autre part, la possibilité de communiquer avec sa famille et ses amis peut être une sauvegarde contre les mauvais traitements qui ont tendance à être très répandus dans les espaces extrêmement confinés.

282.À la prison de Cotonou, il y avait deux téléphones pour 2 241 détenus (sans compter les détenus condamnés à mort) et à la prison d’Abomey, un téléphone pour les 1 105 détenus, qui étaient contrôlés et gérés par la hiérarchie des détenus. Les détenus qui avaient de l’argent pouvaient acheter une carte de téléphone, à un prix prohibitif selon les informations reçues. Les appels étaient surveillés pour des raisons de sécurité. Les téléphones mobiles avaient été confisqués depuis une récente tentative d’évasion de la prison de Cotonou le 24 décembre 2006. Il était clair que le nombre de téléphones était insuffisant pour le nombre élevé de détenus. Dans une lettre datée du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT que les détenus se plaignaient de ne pouvoir communiquer avec leurs proches. Dans les prisons civiles où ces plaintes avaient été enregistrées, les régisseurs avaient été autorisés à installer des cabines publiques pour permettre aux prisonniers de pouvoir communiquer avec leurs proches.

283.D’après le directeur de la prison de Cotonou, les détenus organisaient le planning des visites et la fouille des détenus, sous la supervision de deux gendarmes. À la prison d’Abomey, des détenus ont déclaré qu’ils ne devaient pas payer pour recevoir une visite mais que le temps de visite alloué à chaque détenu était très court et que les visiteurs ou le détenu devaient payer s’ils voulaient qu’il soit prolongé. Ceci expliquerait pourquoi la délégation avait vu des visiteurs donner de l’argent liquide au gendarme de service au bureau d’accueil des visiteurs.

284. Le SPT recommande que les règles concernant les heures et la durée des visites soient claires et affichées à l’entrée de chaque prison. Toutes les visites devraient être notées dans un registre et les autorités pénitentiaires devraient contrôler le système des visites pour s’assurer que les règles sont respectées et que ni le personnel ni des détenus ne reçoivent de pots - de - vin. Tous les détenus devraient être informés des règles oralement et celles - ci devraient être inscrites sur des affiches et des dépliants répartis dans l’ensemble de la prison. Tous les détenus, y compris les condamnés à mort, devraient avoir la possibilité de recevoir des visites de leur famille.

10.Allégations de mauvais traitements physiques et constatations concordantes

285.D’une manière générale, la délégation a entendu peu d’allégations de mauvais traitements physiques, infligés à des détenus par le personnel pénitentiaire, en dehors de celles émanant de détenus ayant tenté de s’évader ou étant considérés comme mettant en danger la sécurité. Le régisseur de la prison d’Abomey a déclaré qu’il n’y avait pas de torture physique dans la prison mais que la surpopulation était «une sorte de torture», les détenus ne pouvant dormir convenablement. Dans une lettre du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT que les châtiments corporels n’existaient pas dans les prisons civiles, sauf entre détenus. Mais les autorités pénitentiaires n’en étaient pas témoin. Néanmoins, afin de prévenir ces châtiments, il était prévu de: sensibiliser les agents travaillant dans les prisons; recruter les agents spécialisés en charge de surveiller les prisons; réduire l’effectif des prisonniers au prorata du nombre d’agents ayant en charge leur garde; sanctionner les agents ainsi que les détenus qui se livreraient à ce genre de pratique; et renforcer les mécanismes existants afin de permettre aux prisonniers de dénoncer les sévices dont ils étaient victimes.

286.La délégation a entendu de nombreuses allégations de mauvais traitements, sous forme de violences entre détenus dans le contexte du système d’autogestion observé dans les prisons de Cotonou et d’Abomey (voir plus loin la section III.B.7). Elle a entendu plusieurs détenus dire qu’ils redoutaient la violence de leurs codétenus. Il y aurait des tensions entre groupes de détenus, en rapport souvent avec la drogue à l’intérieur de la prison, et des frictions entre détenus béninois et quelques détenus étrangers, en particulier des ressortissants de pays voisins.

287.Lorsque l’État prive une personne de sa liberté, il devient responsable de sa sécurité. Il a notamment pour obligation de la protéger de ses codétenus. Le non-respect de cette obligation est un manquement au devoir de protection, même si la gestion de la violence entre détenus peut être extrêmement difficile. Étant donné que, dans les deux prisons, le personnel ne contrôle pas la situation, il ne peut assurer la sécurité des uns face à la violence des autres. La direction devrait élaborer une politique claire en matière de gestion de la violence entre détenus et le personnel devrait être dûment formé et préparé à travailler en contact étroit avec les détenus, à exercer leur vigilance pour détecter les signes d’un conflit avant qu’il ne dégénère et à prendre les mesures appropriées en tant que de besoin. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires d’élaborer une politique de gestion de la violence entre détenus, notamment en augmentant sensiblement les effectifs du personnel et en faisant bénéficier celui - ci d’une formation axée sur l’établissement et le maintien de relations positives entre détenus, ainsi qu’entre le personnel et les détenus, soit une approche du travail pénitentiaire fondée sur une sécurité dynamique.

288. Le SPT recommande en outre aux autorités de revoir entièrement la gestion des prisons de sorte que l’administration pénitentiaire ait le contrôle et soit en mesure de garantir la sécurité de tous à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, y compris leur protection contre la violence entre détenus.

11.Détenus condamnés à mort

289.La prison de Cotonou est la seule prison parmi celles que la délégation a visitées qui contenait des détenus condamnés à mort. Lors de sa visite, il y en avait 16. Le régisseur a indiqué que les 16 étaient regroupés dans une unité située à proximité de l’entrée de la prison. Il s’agissait en fait d’une unique cellule. Le régisseur a décrit ces détenus comme présentant des risques importants étant donné qu’ils n’avaient rien à perdre. Il les a décrits comme étant les plus gâtés car ils bénéficiaient d’un traitement préférentiel. La délégation a constaté que, dans la pratique, ce n’était pas le cas.

290.Les 16 détenus condamnés à mort étaient regroupés dans une petite cellule cadenassée de 10 m2, dotée d’une porte à barreaux ouvrant sur un étroit couloir. Il y régnait une atmosphère chaude et sans air et le local était infesté de rats venus d’une remise voisine. La cellule était faiblement éclairée, ce qui aurait eu des incidences sur la vue de trois des détenus. Les détenus étaient enfermés et n’avaient pas de visites de leur famille. Ils n’étaient autorisés à sortir de la cellule qu’une fois par mois pendant quinze minutes pour être rasés et c’était le seul moment où ils voyaient le ciel, qui n’était pas visible de la cellule. Un membre de la délégation est entré dans la cellule pour interroger les condamnés à mort. Ceux-ci ont déclaré que c’était la première fois en dix ans que quelqu’un rentrait dans la cellule (celui qui y avait passé le plus de temps était arrivé en juillet 1998). Cette situation est un affront à la dignité humaine et constitue une peine cruelle et inhumaine.

291. Le SPT recommande que les détenus condamnés à mort soient logés dans d’autres locaux, de manière à pouvoir bénéficier de conditions satisfaisantes, y compris d’un espace pour dormir, et que le régime et les restrictions auxquels ils sont soumis soient revus d’urgence, en sorte qu’ils puissent sortir de la cellule tous les jours et faire une heure d’exercice en plein air.

292.Dans une lettre datée du 7 novembre 2008, les autorités ont informé le SPT qu’«aucune mesure ne permettait actuellement aux condamnés à mort de faire une heure d’exercice en plein air par jour, leur cellule n’ouvrant pas sur une cour spéciale. Cependant, ils sortaient de leur cellule une fois par mois pour être rasés et prendre un “bain de soleil”. Des consultations étaient en cours pour déterminer comment le Gouvernement pouvait améliorer la situation ou prendre une décision en ce sens.».

293.La situation dans laquelle se trouvaient les détenus condamnés à mort n’était pas sûre. Lorsqu’un membre de la délégation a insisté pour qu’on le fasse entrer dans la cellule afin qu’il puisse s’entretenir avec les détenus en privé, il a fallu un certain temps au personnel pour trouver les clefs ouvrant les quatre cadenas de la porte. Le personnel n’a pas été en mesure d’expliquer comment il évacuerait les détenus à temps en cas d’incendie. Le SPT recommande que, tant que la cellule dans laquelle les détenus condamnés à mort sont logés continuera d’être utilisée, des mesures soient prises pour garantir que la porte puisse être ouverte sans difficulté en cas d’urgence.

294.Les détenus ont décrit comment les conditions de détention s’étaient améliorées quatorze mois auparavant grâce à l’installation d’un W.C. muni d’une chasse d’eau dans une ancienne pièce de rangement adjacente qui avait été intégrée à la cellule. Le W.C. avait remplacé le seau dans le coin de la cellule qui était utilisé auparavant et que l’on vidait à travers les barreaux de la porte. Une douche avait été installée l’année précédente mais il a été dit que l’eau était souvent coupée durant la journée. Six mois auparavant, le nouveau régisseur avait fait installer un ventilateur plafonnier.

295.L’emploi du temps quotidien était d’une extrême monotonie: un petit poste de télévision, reçu en don par l’intermédiaire d’une détenue, apportait un peu de distraction. Les détenus ont déclaré qu’ils passaient la plupart de leur temps à lire ou à prier; tous étaient musulmans et ont déclaré que l’imam n’était venu que deux fois en dix ans; par contre, une religieuse venait tous les dimanches. Ils passaient aussi la journée à dormir chacun leur tour, car il leur était difficile de tous dormir la nuit. Ils ont montré comment ils s’allongeaient sur le sol de la cellule la nuit; ils étaient entassés comme des sardines dans une boîte.

296.La situation de ces détenus, enfermés depuis de nombreuses années sans perspective de libération, présentait un risque d’effets psychologiques graves, de problèmes de santé mentale et à la longue de désintégration de la personnalité. De l’avis du SPT, il est cruel et inhumain de maintenir des personnes en détention dans des conditions de ce genre des années de suite.

297.Les détenus ont informé la délégation que la plupart d’entre eux ignoraient à quel stade de la procédure leur affaire en était. Ils ont déclaré que la condamnation de deux d’entre eux seulement avait été confirmée par la Cour suprême, tandis que d’autres attendaient toujours le résultat de la procédure de recours engagée. Le SPT considère que la possibilité pour tous les détenus, y compris ceux qui sont condamnés à mort, de communiquer avec leur avocat ainsi qu’avec leur famille, est un droit important.

298.Le SPT est conscient que les autorités ont institué un moratoire sur la peine de mort et qu’il n’y aurait pas eu d’exécutions depuis 1986. Il les encourage à franchir le pas suivant consistant à abolir la peine capitale en droit et en pratique. Le SPT recommande que toutes les condamnations à mort soient commuées en condamnations à perpétuité afin qu’il y ait une possibilité de révision et, éventuellement, de libération.

299. Dans tous les cas décrits ci-dessus, et compte tenu des conditions matérielles extrêmement mauvaises qui sont imposées à certains détenus et du temps depuis lequel ils les subissent, le SPT estime que la situation dans laquelle ceux-ci se trouvent équivaut à un traitement cruel et inhumain.

12.Procédures de plainte et contrôles en tant que moyens de protection contre les mauvais traitements

300.Interrogé au sujet du contrôle des prisons, le régisseur de la prison de Cotonou a déclaré que l’Inspecteur général faisait des visites, soit pour vérifier une plainte soit pour procéder à des contrôles de routine; sa dernière visite avait eu lieu en 2007. Le Département des droits de l’homme du Ministère de la justice faisait des visites; invité avec insistance à citer les dates des visites les plus récentes, le régisseur a dit qu’il y avait eu une visite en 2007 et une en 2008. Il a également fait état de visites d’ONG, telles qu’Amnesty International; celles-ci faisaient des visites annoncées à l’avance après avoir obtenu l’autorisation du Ministère de la justice. Il était mentionné dans le registre de la prison d’Abomey que le procureur avait effectué une visite, de même que la Commission de surveillance des prisons mais il n’y avait pas trace de rapports de visite. Par ailleurs, les registres de la prison d’Abomey avaient été examinés par l’Inspecteur général adjoint des services de la justice le 13 juillet 2005; il avait recommandé qu’il soit fait un usage moins fréquent de Tipp-Ex. Il n’y avait aucune trace écrite à la prison de Cotonou quant à un contrôle quel qu’il soit. Pour ce qui concernait les contrôles internes, le supérieur du régisseur (au sein de la hiérarchie militaire) était venu à la prison le vendredi précédent pour voir comment la sécurité était organisée. Le SPT recommande que chaque visite donne lieu à un rapport écrit détaillé qui devrait être communiqué aux autorités pénitentiaires et au Ministère de la justice.

301.Plusieurs détenus interrogés dans les prisons de Cotonou et d’Abomey ont indiqué qu’ils avaient adressé des plaintes, par écrit, au Ministre de la justice au sujet de leurs conditions de détention mais qu’ils n’avaient reçu aucune réponse.

302.Le SPT considère que l’une des garanties fondamentales contre les mauvais traitements est le droit qu’a toute personne en détention, ou son conseil, d’adresser une requête ou une plainte au sujet du traitement dont elle est l’objet, en particulier en cas de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux autorités chargées de l’administration du lieu de détention ou à des instances supérieures et, si nécessaire, aux autorités dotées de pouvoirs de révision ou de réparation. Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce qu’un système efficace, confidentiel et indépendant en matière de plaintes soit en place.

IV. C oopération

A. Mesures prises pour faciliter la visite

303.Le SPT est conscient des efforts que les autorités ont déployés pour faciliter la visite. En particulier, divers documents demandés avant la visite lui ont été fournis, notamment des textes juridiques, des statistiques et des informations concernant les adresses des locaux de détention. À cet égard, le SPT note que sur la liste officielle des commissariats qui lui a été remise figure Zogbodomey (commissariat de police de localité); or la délégation a été informée par des agents de l’autorité publique que ce commissariat de police n’avait jamais existé.

B. Accès

304.La délégation a rencontré un certain nombre de problèmes en matière d’accès.

305.Elle n’a notamment reçu d’autorisation de visite de la part du Ministère de la défense que le samedi 24 mai 2008, soit deux jours avant son départ. On lui a, pour ce motif, refusé l’accès aux cellules de détention de la Brigade territoriale et de la Brigade de recherche de Porto-Novo. Toutefois, elle a pu avoir accès aux cellules de détention de la Brigade territoriale de Godomey, en s’y présentant de manière impromptue le 18 mai 2008. Cet accès a été possible grâce à la présence du commandant Valette Chrysostome qui, bien qu’il ait déclaré ne pas avoir reçu d’informations concernant le SPT, a compris la situation et s’est montré conscient de l’obligation qui lui incombait de faciliter la tâche de la délégation.

306.Un autre problème est apparu par suite de l’insuffisance d’informations essentielles concernant le SPT et son mandat communiquées par les autorités aux agents de l’autorité publique à tous les niveaux. Par exemple, la délégation s’est vu refuser l’accès à des personnes privées de liberté au commissariat de police de Dantokpa, à Cotonou, le 18 mai 2008, n’ayant reçu d’autorisation du Ministère de l’intérieur que le 19 mai 2008. Après l’intervention du chargé de liaison, l’accès a finalement été possible les 20 et 21 mai 2008. Le refus initial d’accès était un manquement grave à l’obligation d’accorder au SPT l’accès à tous les lieux de privation de liberté et à tous les détenus s’y trouvant. Lorsque la délégation s’est ensuite entretenue en privé avec des personnes détenues à Dantokpa, des cas de mauvais traitements graves lui ont été rapportés; la délégation a été en mesure d’obtenir des rapports médicaux concordant fortement avec ces allégations et a trouvé des armes qui correspondaient de manière frappante aux lésions observées. Le refus fait au SPT, lors de sa première visite au commissariat de police, de s’entretenir de manière confidentielle avec des personnes détenues pourrait facilement être interprété comme une tentative de dissimulation de preuves de mauvais traitements.

307.À la prison de Cotonou, la délégation s’est d’abord vu opposer de la résistance quant à l’accès aux détenus condamnés à mort. On l’a informée qu’elle ne pouvait communiquer avec eux qu’à travers les barreaux de la porte de la cellule. Le SPT estime qu’un entretien à travers une porte à barreaux pourrait être ressenti par les détenus comme étant un traitement dégradant. La délégation a insisté pour que son droit d’accès soit reconnu. Après des consultations avec l’administration pénitentiaire, des dispositions ont été prises pour qu’un membre de la délégation puisse entrer dans la cellule partagée par les 16 détenus condamnés à mort. L’entretien a eu lieu à l’intérieur de la cellule sous la forme d’un entretien collectif.

308.À la prison d’Abomey, la première demande de visite de nuit que le SPT a adressée aux autorités pénitentiaires lui a été refusée pour des raisons de sécurité. Lorsque la délégation est arrivée, aucun garde de sécurité n’était en vue au portail extérieur et il n’y en avait qu’un au portail intérieur. Après des consultations avec le régisseur de la prison, il a été convenu que des dispositions seraient prises pour renforcer la sécurité le soir suivant afin que la délégation du SPT puisse visiter la prison de nuit. Au bout d’un temps d’attente le soir suivant et après l’intervention du chargé de liaison, la délégation a finalement pu entrer dans la prison à 23 heures pour visiter des cellules.

309.Lors de cette première visite du SPT au Bénin, les autorités ne connaissaient pas les méthodes de travail de celui-ci, en dépit des explications qui leur avaient été fournies à l’avance. Le SPT a conscience que, lors de visites ultérieures, les agents de l’État seront mieux préparés pour faciliter l’accès rapide de la délégation afin de lui permettre de faire son travail, même s’ils n’ont pas été avertis au préalable et à tout moment du jour ou de la nuit.

C. Répercussions de la visite

310.Le SPT est très préoccupé par les répercussions que sa visite pourrait avoir.

311.Des personnes privées de liberté dans différents lieux ont exprimé la crainte de représailles pour s’être entretenues avec la délégation. Il a été rapporté à la délégation qu’il avait été déconseillé à de nombreuses personnes privées de liberté de parler ouvertement à la délégation du SPT.

312.Toute intimidation ou conséquence subie par des personnes privées de liberté est inacceptable et constitue un manquement à l’obligation de coopérer avec le SPT qui incombe à l’État en vertu du Protocole facultatif. Invoquant l’article 15 du Protocole facultatif, le SPT exhorte les autorités béninoises à veiller à ce que nul ne soit l’objet de représailles liées à sa visite. Cette question a été soulevée dans les observations préliminaires du 26 mai 2008. Le SPT invite les autorités à fournir des informations détaillées sur les mesures qu’elles ont prises pour garantir que nul ne subisse de conséquences liées à sa visite.

D. Dialogue avec les autorités et réactions/réponses

313.Les rencontres avec les autorités ont été très utiles pour comprendre l’organisation du système de privation de liberté. Le SPT tient à remercier les ministères et les institutions pour les renseignements utiles qu’ils lui ont fournis.

314.À l’issue de sa visite, la délégation a présenté ses observations préliminaires aux autorités béninoises de manière confidentielle. Le SPT sait gré aux autorités de l’esprit dans lequel les observations de la délégation ont été reçues. Il les a priées de lui faire part des mesures qu’elles avaient prises ou qu’elles prévoyaient de prendre pour donner suite aux points soulevés dans les observations préliminaires. D’autre part, le SPT a écrit aux autorités le 10 juin et le 4 novembre 2008 pour leur demander des informations actualisées sur toutes les mesures qui avaient été prises depuis sa visite concernant certains points qui pouvaient ou devaient être traités dans les semaines faisant suite à ladite visite. Il s’agissait, entre autres, des mesures prises par les autorités concernant le traitement des détenus au commissariat de police de Dantokpa et à la gendarmerie de Bohicon, des mesures prises concernant la fourniture de nourriture et d’eau aux personnes détenues dans des locaux de police ou de gendarmerie, des mesures prises pour supprimer les châtiments corporels dans les prisons et des mesures prises concernant des détenus condamnés à mort.

315.Dans une note verbale datée du 7 novembre 2008, les autorités ont communiqué quelques réponses préliminaires qui sont exposées dans le présent rapport. Le SPT accueille avec satisfaction les réponses préliminaires qui ont été fournies et réitère sa demande de précisions complémentaires sur des questions concernant lesquelles des informations insuffisantes ont été fournies.

316.Le SPT invite les autorités à fournir, dans un délai d’un mois, des informations sur les mesures prises pour que les détenus condamnés à mort soient logés dans des locaux convenables, conformément à la recommandation faite par le SPT à la fin de sa visite et réitérée au paragraphe 291. Le SPT invite également les autorités à apporter, dans un délai de six mois, une réponse écrite exhaustive à son rapport de visite et en particulier aux conclusions, recommandations et demandes d’informations complémentaires contenues dans ledit rapport. Ce délai de six mois a été fixé pour permettre de donner concrètement suite au moins à certaines des mesures prévues ou en cours d’exécution et de commencer à mettre en œuvre le programme concernant les mesures à prendre à plus long terme. Le SPT se réjouit de continuer à coopérer avec les autorités béninoises aux fins d’honorer l’engagement qu’ils ont pris ensemble, tendant à améliorer les garanties de prévention de toutes les formes de mauvais traitement à l’encontre des personnes privées de liberté.

V. R écapitulatif des recommandations et demandes de renseignements

A. Recommandations

1.Mécanisme national de prévention

317.Le SPT recommande:

a)Que l’impossibilité pour quiconque exerce une activité professionnelle d’être membre du mécanisme national de prévention soit réexaminée car cela semblerait exclure de la possibilité d’en faire partie toute personne exerçant une profession juridique ou médicale;

b)Que le projet de loi sur le mécanisme national de prévention dispose que la qualité de membre du mécanisme est incompatible avec toute autre fonction qui pourrait compromettre son indépendance et son impartialité;

c)Que priorité soit donnée à la présence au sein du mécanisme national de prévention d’un professionnel de la médecine;

d)Que les dispositions relatives à la gestion autonome par le mécanisme national de prévention de son budget et à ses rapports financiers à la Chambre des comptes de la Cour suprême soient rétablies;

e)Que les méthodes de travail du mécanisme national de prévention soient énoncées clairement dans le projet de loi sur le mécanisme et ne fassent pas l’objet de décrets ultérieurs, à moins que ceux-ci ne soient aussi soumis à une vaste consultation de la population et à un large débat;

f)Que le processus d’adoption du projet de loi sur le mécanisme national de prévention soit mené à bien dans les meilleurs délais. Tout amendement de fond au projet de loi devrait faire l’objet de consultations complémentaires;

g)Que le mécanisme national de prévention devrait faire des recommandations aux autorités compétentes visant à améliorer le traitement, y compris les conditions de détention, des personnes privées de liberté, et à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce faisant, le mécanisme national de prévention devrait tenir dûment compte des normes pertinentes de l’Organisation des Nations Unies ainsi que des recommandations faites par le SPT. Par ailleurs, l’un des aspects clefs du travail du mécanisme national de prévention est de maintenir le contact direct avec le SPT et de faciliter l’échange de données permettant de suivre la mise en œuvre des recommandations du SPT.

2.Cadre juridique et institutionnel

318.Le SPT recommande:

a)Que l’État partie fasse participer des ONG et des experts universitaires à la révision de la législation nationale, à savoir le projet de code pénal et le projet de code de procédure pénale, en vue de l’aligner sur les dispositions de la Convention. Les autorités béninoises devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces deux projets de lois soient adoptés dans les meilleurs délais;

b)Que les autorités établissent des critères clairs et objectifs pour sélectionner les ONG auxquelles le droit de visiter des lieux de détention sera accordé et qu’elles envisagent d’accorder à ces ONG une autorisation permanente de visite;

c)Que le Bénin garantisse l’accès de l’aide juridictionnelle aux personnes dont les revenus sont insuffisants.

3.Privation de liberté par la police et la gendarmerie

319.Le SPT recommande:

a)Que la durée légale maximum de quarante-huit heures de la garde à vue au-delà de laquelle tout détenu doit être présenté à un tribunal ait pour pendant un système d’audiences judiciaire permettant de respecter ce délai dans la pratique;

b)Qu’un registre normalisé et unifié soit mis au point par la police et la gendarmerie sur tout le territoire du Bénin pour permettre l’enregistrement exhaustif et en temps réel de toutes les informations essentielles concernant chaque personne privée de liberté, et que le personnel soit formé pour en faire un usage approprié et régulier;

c)Que soient consignés dans le registre normalisé et unifié les motifs de l’arrestation, l’heure et le jour exacts du début de la garde à vue, la durée de celle-ci, la personne responsable de son autorisation et l’identité des responsables de l’application des lois concernées, des indications précises quant au lieu de détention et le moment de la première comparution de la personne gardée à vue devant une autorité judiciaire ou autre;

d)Que toutes les mentions portées dans les registres soient contrôlées et validées par les directeurs de chacun des établissements;

e)Que les autorités prennent immédiatement des mesures pour que soient officiellement consignés les renseignements relatifs à la privation de liberté de toutes les personnes, quelle que soit leur situation en droit, qui sont retenues par les responsables de l’application des lois;

f)Que la législation soit modifiée afin d’expliciter les droits des personnes privées de liberté, ainsi que le droit de ces personnes d’être informées de leurs droits dès le début de la privation de liberté;

g)Que les agents de l’autorité publique reçoivent une formation afin d’informer les personnes privées de liberté de leurs droits, y compris oralement dans la langue habituellement parlée par la personne concernée, et de faciliter l’exercice de leurs droits dès le début de la privation de liberté;

h)Qu’il ne soit exercé aucune pression pour obtenir l’aveu d’un détenu;

i)Que l’on veille à ce que les détenus puissent connaître et comprendre le contenu de toute déclaration avant de la signer, par exemple en leur remettant un exemplaire à lire ou en leur en donnant lecture;

j)Que les autorités envisagent de réexaminer la législation afin de garantir le droit de garder le silence;

k)Que les autorités réexaminent la législation relative à l’aveu en vue de supprimer la possibilité de fonder une condamnation sur le seul aveu;

l)Que la formation de la police aux méthodes d’investigation mette l’accent sur la nécessité de passer des éléments de preuve aux suspects plutôt que l’inverse;

m)Que le droit d’aviser la famille ou tout autre proche de la privation de liberté d’une personne soit inscrit dans la loi;

n)Que le droit de notification du placement en garde à vue figure parmi les droits normalement garantis aux personnes privées de liberté et que ces personnes en soient informées et invitées à indiquer le nom de la personne qu’elles souhaitent informer. Il faudrait former les personnels de la police et de la gendarmerie pour qu’ils puissent informer comme il convient les détenus de ce droit et procéder à la notification;

o)Que les autorités fassent en sorte que toutes les personnes jouissent de l’égalité d’accès à un conseil non seulement en droit mais aussi en pratique. Elles devraient prendre les mesures nécessaires pour étendre à la garde à vue le droit à l’aide juridictionnelle;

p)Qu’en l’absence d’un nombre suffisant d’avocats inscrits au barreau et d’un véritable système d’aide juridictionnelle couvrant tous les stades de la privation de liberté, les autorités, à titre transitoire, accordent aux détenus le droit de demander qu’un tiers de confiance soit présent lors de leur interrogatoire en garde à vue;

q)Que toutes les personnes privées de liberté par la police soient systématiquement informées, dès le début de cette privation, de leur droit d’avoir accès à un avocat ou à un autre tiers de confiance, et qu’il leur soit accordé les moyens nécessaires pour s’entretenir en privé avec un avocat ou un autre tiers de confiance;

r)Que les autorités réexaminent la loi et le système d’assistance juridique aux suspects et aux prévenus dans le cas de la justice pénale en vue d’accorder l’aide juridictionnelle aux personnes gardées à vue par la police et la gendarmerie;

s)Que les autorités instituent un examen médical systématique de toutes les personnes placées en garde à vue par la police ou la gendarmerie, dès leur arrivée, et fassent consigner les antécédents de chaque gardé à vue ainsi que tout symptôme de maladie ou toute lésion;

t)Que les examens soient conduits conformément au principe du secret médical; les personnes, autres que le patient, n’appartenant pas au personnel médical, ne devraient pas y assister. Les résultats, et toutes notes éventuelles, de l’examen médical doivent aussi être tenus secrets par le médecin ayant procédé à l’examen, et ne doivent pas être communiqués aux personnes qui retiennent le patient en garde à vue. Dans les cas où le médecin recommande le transfert dans un dispensaire ou un hôpital aux fins de traitement, seul le minimum d’information nécessaire sur les motifs du transfert doit être communiqué aux autorités;

u)Que le médecin qui procède à l’examen systématique des personnes privées de liberté par la police ou la gendarmerie consigne tous les renseignements essentiels se rapportant à l’examen médical, notamment: a) les antécédents médicaux; b) le récit par la personne examinée de toute violence éventuelle; c) le résultat de l’examen clinique, y compris la description de toute lésion éventuelle, indiquant en outre si l’examen a porté sur tout le corps; et d) la conclusion du médecin quant à la cohérence de ces trois éléments d’information;

v)Que des ressources soient allouées au transport des détenus, notamment vers les hôpitaux, et que des fonds soient consacrés à l’achat de médicaments et au traitement des détenus;

w)Que les plaintes portées contre la police et la gendarmerie soient instruites et examinées par des organismes indépendants de la police ou de la gendarmerie;

x)Que des statistiques à propos des enquêtes, poursuites ou actions disciplinaires soient rassemblées et tenues en permanence et ventilées pour permettre un suivi précis des procédures et leur issue dans les affaires mettant en cause des allégations de mauvais traitements par la police ou la gendarmerie;

y)Que les services de police ou de gendarmerie se dotent d’un système interne de contrôle régulier de la garde à vue portant tant sur les aspects juridiques que sur les conditions matérielles de la détention. Ce système devrait fonctionner parallèlement à celui relevant du mécanisme national de prévention lorsqu’il sera établi;

z)Que les autorités prennent des mesures pour:

Que les enfants ne soient pas placés en garde à vue, si ce n’est véritablement en dernier recours;

Que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes;

Que leurs droits soient pleinement et clairement expliqués aux enfants d’une manière facilement compréhensible;

Que la famille ou une personne de confiance soit immédiatement informée de la garde à vue de l’enfant concerné;

Qu’aucun enfant ne soit soumis à un interrogatoire sans qu’un adulte de confiance soit présent; et

Qu’aucune entrave ne soit appliquée à un enfant dans une cellule de garde à vue;

aa)Qu’un budget spécifiquement consacré à la nourriture des personnes en garde à vue soit institué et soigneusement administré pour que les vivres parviennent effectivement aux personnes concernées. Si les familles peuvent apporter des provisions à leurs proches en garde à vue, ce processus aussi doit être scrupuleusement surveillé en vue de prévenir les abus, et être dûment et promptement consigné dans un registre;

bb)Qu’il soit systématiquement fourni aux détenus au moins deux litres d’eau potable par jour gratuitement, sans que cela soit subordonné à une demande effective de leur part. Les personnes privées de liberté doivent pouvoir accéder régulièrement aux toilettes et aux salles de bains. Les sections et cellules de détention doivent être régulièrement balayées et lavées par le personnel. Les toilettes doivent être débouchées et faire l’objet d’un nettoyage approfondi;

cc)Que des mesures soient prises immédiatement pour rétablir l’alimentation en eau à la gendarmerie de Bohicon, tant pour le personnel travaillant à la gendarmerie que pour les gardés à vue. En l’absence d’eau courante, un réservoir surélevé d’une capacité minimale de 500 litres devrait être installé et régulièrement rempli par un camion-citerne;

dd)Que les personnes gardées à vue pendant plus de vingt-quatre heures aient la possibilité de faire quotidiennement de l’exercice physique en plein air;

ee)Que toute personne placée en garde à vue par les agents de l’autorité publique dispose d’un endroit propre où se tenir, doté au minimum d’une natte de couchage et d’un accès à des équipements sanitaires, ainsi que de nourriture et d’eau potable pour satisfaire les besoins élémentaires de la vie. La cellule devrait bénéficier d’une ventilation et d’un éclairage naturels et artificiels;

ff)Que tout détenu sollicitant un traitement médical, ou ayant manifestement besoin de soins médicaux urgents, soit transféré sans délai dans un hôpital ou un dispensaire, en particulier lorsque personne, dans le commissariat ou la gendarmerie, ne possède les compétences médicales nécessaires pour évaluer les besoins sanitaires des personnes privées de liberté. Un accord entre le Ministère de l’intérieur (pour la police) et le Ministère de la défense (pour la gendarmerie), et le Ministère de la santé devrait être négocié afin que les détenus bénéficient de soins et de médicaments gratuits en cas d’urgence, ainsi que d’un examen médical à leur arrivée. À défaut, un budget destiné à financer le traitement médical des détenus devrait être établi dans le cadre des ministères compétents;

gg)Que le recours à des moyens de contrainte sur des personnes privées de liberté soit exercé avec une très grande prudence, et systématiquement consigné, avec l’indication du nom de l’agent ayant pris la décision, du motif précis de sécurité ayant conduit à cette décision, et de la durée pendant laquelle la personne a subi cette contrainte. Aucun moyen de contrainte ne devrait être utilisé sur des personnes en garde à vue dans une cellule;

hh)Qu’aucun objet autre que l’équipement normal fourni aux policiers ne puisse se trouver dans les commissariats sans l’autorisation expresse de l’officier supérieur et sans que soient consignés tous les détails pertinents, y compris les motifs justifiant la présence de cette objet;

ii)Que dès leur réception dans les commissariats, tous les objets saisis comme élément de preuve soient répertoriés, étiquetés et conservés en toute sécurité;

jj)Qu’il soit fait obligation à tous les agents de l’autorité publique de porter sur eux une identification claire de leur identité, comme un badge nominatif ou tout autre moyen d’identification lorsqu’ils sont en service;

kk)Qu’il soit procédé à une enquête indépendante sur le traitement des personnes en garde à vue par les agents du commissariat de police de Dantokpa et du commissariat de Bohicon;

ll)Que les autorités rappellent à l’ensemble des personnels de la police et de la gendarmerie à tous les niveaux que la torture et les autres formes de mauvais traitements infligés à des personnes dont ils ont la garde sont interdites;

mm)Que la formation aux méthodes d’enquête mette l’accent sur la nécessité de respecter les droits de l’homme, y compris le droit au silence d’un suspect ou d’un prévenu, et sur l’obligation de rechercher les éléments de preuve avant de considérer une personne comme suspecte.

4.Privation de liberté en établissement pénitentiaire

Questions de justice pénale

320.Le SPT recommande aux autorités:

a)D’assurer le respect du principe selon lequel la libération sous caution devrait être la règle et le placement en détention provisoire l’exception, et d’envisager de fixer des délais légaux pour l’ouverture des procès;

b)D’adopter pour réduire la population carcérale une stratégie concertée conjuguant différentes mesures, et notamment:

D’examiner de façon approfondie tout ce qui fait obstacle au bon déroulement des procédures pénales devant les différentes instances afin de repérer les lacunes au niveau des ressources et les raisons structurelles à l’origine des retards;

D’accroître la communication et la coopération entre les tribunaux et les prisons pour réduire le plus possible les retards de transmission des jugements et des ordonnances et en particulier des ordonnances de libération, afin que les personnes soient libérées dès que le tribunal en donne l’ordre;

D’imposer aux mineurs des mesures autres que privatives de liberté, conformément à l’ordonnance no 69-23 du 10 juillet 1969 relative au jugement des infractions commises par des mineurs;

De substituer au placement en détention de personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mineures d’autres mesures (telles que la libération sous caution) ou des amendes d’un montant proportionnel à leurs moyens financiers;

De réduire le nombre de personnes placées en détention préventive en recourant à la mise en liberté provisoire conformément à l’article 120 du Code de procédure pénale (avec ou sans caution) et à l’article 358 de ce même code;

De respecter les délais légaux prévus dans le Code de procédure pénale;

De libérer toutes les personnes placées en détention préventive qui ont déjà passé en détention plus de temps que ne le justifierait la peine de prison maximale dont est passible l’infraction qui leur est reprochée;

De réduire le nombre de personnes condamnées à une peine de prison en imposant des peines de travaux d’intérêt général, des mesures de réparation et de restitution;

De recourir plus souvent au régime de semi-liberté conformément à l’article 574 du Code de procédure pénale;

D’accorder plus souvent la libération conditionnelle conformément à l’article 580 du Code de procédure pénale (libération conditionnelle des condamnés qui répondent aux critères d’évaluation des risques); et

De commuer toutes les condamnations à mort en condamnations à perpétuité afin qu’il y ait une possibilité de révision et, éventuellement, de libération;

c)De veiller à ce que chaque fois que la prolongation de la détention préventive d’un individu est demandée, l’intéressé comparaisse devant un juge;

d)De mettre en place un mécanisme permanent de réexamen, à intervalle régulier, de la durée de la détention préventive des personnes incarcérées au Bénin, afin de libérer toutes celles qui sont restées en prison plus longtemps que la durée de la peine maximale dont est passible l’infraction dont elles sont accusées.

Registres pénitentiaires

a)D’équiper toutes les prisons du Bénin d’au moins un ordinateur, de créer une base de données nationale normalisée pour permettre aux autorités de suivre chaque détenu, et d’en faire profiter les tribunaux ainsi que les autorités centrales au niveau ministériel. Les usagers devraient tous recevoir une formation appropriée.

b)De concevoir les registres selon un format normalisé. Les registres devraient contenir au minimum les informations fondamentales suivantes, mises à jour au quotidien: la date et l’heure précises de l’arrivée de chaque détenu dans la prison; les raisons légales motivant la privation de liberté et la mention de l’autorité qui a ordonné le placement en détention; les visites médicales ordonnées ou demandées; la date et l’heure de tout déplacement (par exemple pour assister à une audience) et du retour sur le lieu de détention; la date et l’heure du transfèrement à un autre lieu de détention ou de la mise en liberté et la décision motivant le transfèrement ou la libération, et des informations sur l’identité du détenu, y compris sa signature et celle de la personne responsable de tout transfèrement ou mise en liberté. Les établissements pénitentiaires devraient consigner tout incident survenu dans la prison et les mesures prises, y compris l’utilisation d’entraves et autres moyens de contrainte; ils devraient aussi tenir un registre de toutes les procédures et sanctions disciplinaires, y compris d’isolement ou de séparation. En outre, ils devraient dresser l’inventaire de tous les effets personnels du détenu, lesquels doivent être placés en sécurité, et veiller à ce qu’un reçu soit remis à chaque détenu qui arrive en prison.

c)De soumettre le système d’autogestion à la surveillance attentive de l’administration pénitentiaire pour empêcher les abus ou la corruption. Les autorités devraient prendre immédiatement des mesures pour assumer effectivement et complètement le contrôle des prisons. En aucun cas les prisonniers ne devraient être chargés de décider des sanctions disciplinaires et de les infliger à leurs codétenus.

Visites médicales en prison

a)De faire passer à tous les détenus une visite médicale lors de leur incarcération, suivant pour l’essentiel la procédure mise en place à la prison de Cotonou.

b)De faire passer systématiquement des visites médicales à tous les nouveaux détenus et de dûment respecter ensuite leur droit de consulter une infirmière ou un médecin (ou un autre agent du personnel médical) s’ils le demandent.

c)De procéder aux examens médicaux et de tenir les dossiers médicaux conformément au principe du secret médical; les personnes, autres que le patient, n’appartenant pas au personnel médical, ne devraient pas assister à la visite.

d)De prévoir lors de la visite médicale pratiquée lors de l’incarcération un examen suffisamment approfondi pour repérer d’éventuelles lésions et dépister une éventuelle maladie préexistante qui pourrait nécessiter de nouveaux traitements ou la poursuite d’un traitement en cours.

e)De modifier la présentation du rapport médical normalisé de manière à garder trace de toute lésion. Le formulaire à remplir lors de l’examen médical devrait comporter: a) les antécédents médicaux, b) le récit par la personne examinée de toute violence éventuelle, c) le résultat de l’examen médical, y compris la description de toute lésion éventuelle, indiquant en outre si l’examen a porté sur tout le corps, et d) la conclusion du médecin quant à la cohérence de ces trois éléments d’information.

f)De mettre au point une procédure de signalement direct au Ministère de la justice et des droits de l’homme, compte dûment tenu du secret médical et du consentement de l’intéressé, de tous les cas de violence et de mauvais traitements allégués que des médecins ou d’autres agents du personnel de santé ont pu constater.

Conditions de vie en détention

a)D’améliorer les conditions matérielles dans toutes les prisons du Bénin afin de prévoir:

Un espace où se reposer et un couchage (au moins une natte) pour chaque détenu, conformément à l’article 59 du décret no 73-293;

L’accès à la lumière du jour et à une ventilation dans les cellules;

Un système de communication dans les dortoirs pour pouvoir appeler le personnel en cas de besoin;

Une gamme de services extérieurs qui répondent aux normes d’hygiène et de santé (accès à l’eau, à l’assainissement, à des douches, à la possibilité de faire sa lessive et à des moyens convenables d’évacuation des déchets);

b)De passer de toute urgence en revue les conditions matérielles dans les prisons, y compris l’utilisation de l’espace actuellement disponible et les programmes de rénovation et de remise en état;

c)De veiller à ce que des mesures permanentes soient prises pour réduire le surpeuplement et en atténuer les effets. Ces mesures devraient notamment garantir à tous les détenus l’égalité d’accès à chacun des services susmentionnés quelles que soient leurs ressources personnelles, conformément au principe de non-discrimination;

d)De veiller à ce que les détenus adultes et adolescents soient effectivement séparés, y compris les femmes adultes des adolescentes qui ne leur sont pas apparentées;

e)D’aligner autant que faire se peut les prix sur ceux des denrées alimentaires pratiqués à l’extérieur de la prison;

f)De faire recenser immédiatement par les autorités pénitentiaires et le Ministère de la justice le nombre de nourrissons et de jeunes enfants qui vivent avec leur mère dans toutes les prisons du Bénin et de garantir la distribution d’une ration alimentaire supplémentaire suffisante aux mères, dont beaucoup continuent d’allaiter leur enfant;

g)De distribuer dans chaque prison, à tous les détenus sans discrimination, de la nourriture contrôlée de près par l’administration pénitentiaire qui doit veiller à ce qu’elle réponde aux besoins nutritionnels des détenus;

h)D’augmenter sensiblement le nombre de toilettes et de douches dans chaque unité. L’eau ne devrait jamais être coupée dans les quartiers de femmes;

i)De veiller à ce que les détenus aient accès dans de bonnes conditions à des installations sanitaires et à l’eau pour se désaltérer, se laver et évacuer les eaux usées. Le SPT recommande que de toute urgence et au minimum:

Les ordures soient ramassées et placées dans des conteneurs en béton à l’abri des rats et incinérées régulièrement pour empêcher les invasions de rats;

Tous les seaux qui servent de latrine dans les bâtiments soient équipés d’un couvercle; et

Des gants de caoutchouc soient au moins fournis aux détenus qui vident chaque jour les seaux et à ceux qui ont pour corvée de nettoyer les toilettes.

Soins de santé en prison

a)De réexaminer les modalités de prestation de soins de santé et autres aux nourrissons et aux jeunes enfants dans les prisons.

b)De réexaminer le système d’approvisionnement en médicaments des prisons, en particulier de veiller à ce que des médicaments soient distribués gratuitement aux détenus atteints des maladies les plus courantes. Le Ministère de la santé et le Ministère de la justice devraient resserrer leurs liens afin d’assurer une prestation plus équitable des soins de santé et en particulier de se mettre d’accord sur une liste type de médicaments et des procédures d’achat types pour toutes les prisons.

c)De mettre en place des procédures judiciaires pour envisager, sur la base de rapports médicaux, la libération anticipée, le transfert au domicile ou à l’hôpital de détenus atteints d’une maladie en phase terminale.

d)De prendre des mesures pour veiller à ce que les services de soins de santé pénitentiaires soient pleinement opérationnels dans toutes les prisons, en termes de niveaux d’effectifs, de locaux, d’installations et de matériel. Une surveillance devrait s’exercer sur la pharmacie et la distribution des médicaments de façon à ce que l’infirmerie ne soit jamais à court de médicaments.

e)De mettre davantage l’accent sur les mesures de prévention, comme l’élimination des lieux de reproduction des moustiques, l’évacuation systématique des déchets et le traitement massif des infestations de gale, en plus de mesures d’hygiène plus strictes.

f)De veiller à ce que le Ministère de la justice et le Ministère de la santé mettent au point un programme de formation spécifique que tous les personnels de la santé suivraient avant et pendant leur affectation dans une prison afin de garantir la qualité et le caractère approprié des programmes de soins de santé et de prévention exécutés par des professionnels de la santé.

g)De garantir l’application de l’article 62 du décret no 73-293 dans la pratique.

h)De veiller à ce que le Ministère de la justice étende à toutes les prisons du Bénin la pratique des visites médicales initiales et de l’enregistrement des statistiques sur les maladies, et fournisse les formulaires appropriés à tous les professionnels de la santé.

i)D’établir pour toutes les prisons une liste type de médicaments génériques. Le budget des soins de santé, y compris des mesures de prévention, devrait être établi sur la base de cette liste en fonction du nombre effectif de détenus.

j)De mettre en place un dispositif d’enquête, de signalement et d’enregistrement pour chaque décès qui se produit en prison.

k)De ne jamais tenir de consultations à travers les barreaux d’une porte de cellule et de les organiser dans un local approprié, en particulier quand il s’agit de condamnés à mort.

l)De faire le nécessaire pour garantir que chaque prisonnier qui demande à voir le personnel médical puisse le consulter sans retard, y compris les condamnés à mort.

m)De ne pas faire intervenir de personnel non médical dans l’examen des demandes de consultation d’un médecin. Si le personnel médical de la prison recommande le transfert vers un hôpital, l’administration pénitentiaire et les autorités judiciaires devraient se contenter d’approuver la demande de transfert.

n)D’assurer la gratuité des soins et du traitement dispensés à tout prisonnier transféré à l’hôpital.

Autres questions touchant les établissements pénitentiaires

a)De mettre au point un programme spécial de formation pour l’ensemble du personnel pénitentiaire, qui devrait porter notamment sur les droits des détenus, et de créer un service distinct regroupant l’ensemble des personnels pénitentiaires, dûment formés à leurs fonctions.

b)De revoir le nombre d’agents pénitentiaires pour faire en sorte que les effectifs de chaque établissement pénitentiaire soient suffisants pour garantir la sécurité des détenus et du personnel, sans avoir à faire intervenir les détenus dans des tâches de gestion élémentaires.

c)De ne confier à aucun détenu une fonction ou un pouvoir disciplinaire dans la prison.

d)De renoncer à l’utilisation d’entraves et de faire en sorte qu’aucun moyen de contrainte ne soit utilisé sur des détenus enfermés en cellule disciplinaire.

e)D’enregistrer strictement toutes les procédures relatives aux sanctions, avec mention détaillée des raisons, de la date, de la nature et de la durée de la sanction et de l’autorisation.

f)De veiller à ce que toutes les procédures disciplinaires soient autorisées et mises en œuvre par l’administration pénitentiaire et fassent l’objet de règles dûment établies et enregistrées, dont tous les détenus devraient être informés. L’isolement disciplinaire ne devrait concerner ni les mineurs (adolescents) ni les malades mentaux. Les détenus placés dans des cellules disciplinaires devraient conserver le même droit d’accès aux soins de santé et peuvent nécessiter de la part de l’ensemble du personnel une vigilance accrue quant à leur état de santé.

g)En ce qui concerne spécifiquement les prisons visitées, de veiller à ce que les détenus placés dans une cellule disciplinaire pendant plus de douze heures aient accès aux espaces extérieurs une heure chaque jour et que le personnel sanitaire de la prison procède à des contrôles quotidiens de leur état de santé dans la cellule disciplinaire, étant entendu que le médecin devrait, comme toujours, prendre les mesures visant à garantir l’intérêt supérieur de la santé du détenu.

h)De consacrer par la loi l’interdiction des châtiments corporels et de ne jamais autoriser aucune forme de châtiment corporel dans la pratique.

i)D’interdire au personnel pénitentiaire le port visible d’armes.

j)De veiller à ce que, sauf opération d’urgence, le personnel pénitentiaire ne porte pas d’armes meurtrières dans le périmètre de la prison.

k)D’interdire le port visible d’autres armes, y compris de matraques, par des personnes en contact avec les détenus, dans le périmètre de la prison, à moins que la sûreté et la sécurité l’exigent en cas d’incident particulier.

l)De ne jamais imposer aucun moyen de contrainte à titre de sanction ni en principe à des détenus lorsqu’ils se trouvent dans une cellule ou dans d’autres lieux sûrs. Tout usage de moyens de contrainte devrait faire l’objet d’un processus motivé et documenté avec soin, sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire, les garanties de procédure étant observées dans tous les cas.

m)D’interdire l’usage d’entraves, de chaînes et de fers.

n)De revoir la sécurité à l’extérieur des prisons de manière que:

La sécurité du périmètre soit assurée par l’administration pénitentiaire plutôt que par des détenus exerçant un contrôle depuis l’intérieur;

Une intervention efficace et appropriée soit possible en cas d’urgence.

o)De veiller à ce que les autorités pénitentiaires prennent immédiatement des mesures pour mettre en place un système leur permettant d’assurer efficacement et pleinement le contrôle des prisons afin d’être à même de s’acquitter comme il convient de leurs obligations en ce qui concerne la garde et la protection des personnes privées de liberté par l’État.

p)De prendre des mesures pour qu’une instruction élémentaire au moins soit dispensée aux jeunes femmes détenues ainsi qu’aux détenus adultes qui ne savent ni lire ni écrire.

q)De n’épargner aucun effort pour prévoir des programmes et des activités à l’intention de tous les détenus, y compris les condamnés à mort.

r)D’allouer des crédits budgétaires à la mise en place d’activités dans toutes les prisons du Bénin.

s)D’organiser des cours pour les détenues adolescentes incarcérées dans les quartiers des femmes dans tout le Bénin, ainsi que pour les enfants des femmes détenues lorsqu’ils atteignent l’âge de la scolarité obligatoire.

t)De mettre en place des activités et des ateliers pour les détenus adolescents des deux sexes dans toutes les prisons, afin de faciliter leur réintégration à leur libération.

u)De prévoir des activités et des cours pour les femmes détenues.

v)En ce qui concerne les femmes, les adolescentes et les nourrissons:

D’agrandir les quartiers des femmes pour remédier à leur extrême exiguïté;

De tenir compte des bébés et des enfants des femmes détenues dans les comptes afin de prévoir à leur intention, dans le quartier des femmes, un espace suffisant et aussi de la nourriture et de l’eau en quantité suffisante;

De fournir, pour les bébés et les enfants des femmes détenues, des vêtements, des couches, du savon et des serviettes en quantité suffisante ainsi qu’un endroit pour dormir qui leur soit propre, par exemple un berceau;

De permettre aux femmes et aux adolescentes détenues de bénéficier de l’égalité d’accès aux activités et aux ateliers organisés dans l’enceinte de la prison, ainsi qu’à des activités spécifiques conçues pour répondre à leurs besoins; et

De faire en sorte qu’au minimum, toutes les adolescentes détenues et les enfants de femmes détenues d’âge scolaire aient accès à une éducation.

w)D’afficher clairement à l’entrée de chaque prison les règles concernant les heures et la durée des visites. Toutes les visites devraient être notées dans un registre, et les autorités pénitentiaires devraient contrôler le système des visites pour s’assurer que les règles sont respectées et que ni le personnel ni des détenus ne reçoivent de pots de vin. Tous les détenus devraient être informés des règles oralement et celles-ci devraient être inscrites sur des affiches et des dépliants répartis dans l’ensemble de la prison. Tous les détenus, y compris les condamnés à mort, devraient avoir la possibilité de recevoir des visites de leur famille.

x)D’élaborer une politique de gestion de la violence entre détenus, notamment en augmentant sensiblement les effectifs du personnel et en faisant bénéficier celui-ci d’une formation axée sur l’établissement et le maintien de relations positives entre détenus, ainsi qu’entre le personnel et les détenus.

y)De revoir entièrement la gestion des prisons de sorte que l’administration pénitentiaire ait le contrôle et soit en mesure de garantir la sécurité de tous à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, y compris leur protection contre la violence entre détenus.

z)De loger les détenus condamnés à mort dans d’autres locaux, de manière à ce qu’ils puissent bénéficier de conditions satisfaisantes, y compris d’un espace pour dormir, et que le régime et les restrictions auxquels ils sont soumis soient revus d’urgence, en sorte qu’ils puissent sortir de leur cellule tous les jours et faire une heure d’exercice en plein air.

aa)Tant que la cellule, à la prison de Cotonou, dans laquelle les détenus condamnés à mort sont logés continuera d’être utilisée, de prendre des mesures pour garantir que la porte puisse être ouverte sans difficulté en cas d’urgence.

bb)De reconnaître à tous les détenus, y compris ceux qui sont condamnés à mort, la possibilité de communiquer avec leur avocat ainsi qu’avec leur famille.

cc)De commuer toutes les condamnations à mort en condamnations à perpétuité afin qu’il y ait une possibilité de révision et, éventuellement, de libération.

dd)De veiller à ce que chaque visite d’un établissement pénitentiaire donne lieu à un rapport écrit détaillé qui devrait être communiqué aux autorités pénitentiaires et au Ministère de la justice.

ee)De veiller à ce qu’un système efficace, confidentiel et indépendant soit mis en place en matière de plaintes.

B. Demandes d’informations

1.Mécanisme national de prévention

321.Le SPT demande:

a)D’être tenu informé des dispositions prises pour favoriser à ce stade avancé un débat public sur l’adoption du texte législatif relatif au MNP et la mise en place de celui-ci;

b)Au cas où le projet de loi serait à nouveau amendé au cours du processus d’adoption, de recevoir une copie de toute disposition modifiée.

2.Cadre juridique et institutionnel

322.Le SPT demande:

a)Des informations sur les infractions visées aux articles 114 (et suiv.), 119 et 186 du Code pénal et des statistiques sur le nombre de plaintes et de sanctions infligées en vertu de ces dispositions du Code pénal en 2006, 2007 et 2008;

b)Un supplément d’information couvrant la période 2006-2008 sur le mandat de l’Inspection générale de la police, de l’Inspection technique, de l’Inspection générale des forces de sécurité et de la Direction de la police, le nombre annuel de plaintes reçues et de plaintes ayant abouti, avec indication des infractions en cause et de leurs auteurs ainsi que de l’issue de toutes ces plaintes, en particulier les sanctions infligés aux fonctionnaires auteurs desdites infractions;

c)Des statistiques sur les activités au cours des trois dernières années de la Direction des affaires civiles et pénales du Ministère de la justice chargée de recevoir les plaintes pour mauvais traitements visant les forces de l’ordre et pour garde à vue abusive, ainsi que davantage de détails sur l’issue de ces plaintes (en particulier et selon l’Annuaire statistique pour 2005 sur les trois plaintes déposées pour violences exercées par les forces de l’ordre);

d)Copie de tout rapport d’inspection établi suite à des visites entreprises par les organes chargés entre autres de surveiller les prisons (dont la Cour suprême);

e)Un complément d’information, pour les trois dernières années, sur les visites effectuées et sur les recommandations formulées par la Direction de l’administration pénitentiaire et de l’assistance sociale (DAPAS) visant à améliorer le traitement des personnes privées de liberté, notamment leurs conditions de détention;

f)Copie des rapports de mission des commissions de surveillance des prisons et des informations sur toute suite donnée à ces visites. Le SPT prie en outre les autorités de préciser si ces visites ont lieu régulièrement et de fournir des informations sur toute visite effectuée après 2005;

g)Des informations sur les ressources affectées à l’action de prévention de la Direction des droits de l’homme du Ministère de la justice en 2007 et 2008, ainsi que des exemplaires de tous les rapports de visites effectuées depuis 2006. Le SPT prie en outre les autorités d’exposer leurs vues sur la recommandation tendant à donner mandat à la Direction des droits de l’homme d’effectuer des visites inopinées;

h)Copie des rapports de visite établis par l’Inspection générale des services de la justice (IGSJ), les recommandations formulées, et des renseignements sur les mesures prises dans le prolongement de ces visites;

i)Copie des rapports de visite effectuées par d’autres directions du Ministère de la justice habilitées à visiter les lieux de détention (y compris par exemple la Direction de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse) au cours des trois dernières années, les recommandations formulées, et des renseignements sur les mesures prises dans le prolongement de ces visites;

j)Des informations sur la teneur de l’infraction visée à l’article 120 du Code pénal et sur le point de savoir si elle couvre, par exemple, l’éventualité dans laquelle les autorités de la prison n’accèdent pas rapidement à la requête d’un détenu qui a demandé à être présenté à un juge. Le SPT demande en outre des données statistiques sur les résultats ou l’issue de toute affaire relevant de cette disposition du Code pénal survenue depuis 2005;

k)Un complément d’information sur le mandat de la Direction des droits de l’homme d’instruire les plaintes relatives aux droits de l’homme, des détails sur les plaintes instruites, des données statistiques sur les résultats/l’issue de ces plaintes, en particulier, de toute plainte ayant fait suite à la visite d’un lieu de détention;

l)De plus amples renseignements sur le mandat de l’IGSJ en matière de plaintes, le type de plaintes qu’elle a instruites depuis 2005, ainsi que des statistiques sur les résultats ou l’issue de ces plaintes;

m)Plus généralement, des informations sur les modalités d’accès aux différents mécanismes d’examen de plaintes décrits et sur la manière dont les autorités veillent à ce que les personnes privées de liberté soient avisées de leurs droits au titre des différents mécanismes d’examen de plaintes;

n)De plus amples renseignements sur la pratique des procureurs en matière de vérification de la régularité de l’incarcération et de réception des plaintes, ainsi que des statistiques relatives à la période 2005-2008 sur les résultats ou l’issue de ces plaintes;

o)Des renseignements sur le nombre annuel de plaintes relatives au traitement des personnes privées de liberté (s’agissant en particulier de la durée de la garde à vue, des conditions de détention et des allégations de mauvais traitements exercés par des fonctionnaires pendant la garde à vue) portées pour les trois dernières années devant la Cour constitutionnelle, ainsi que les résultats ou l’issue de ces plaintes;

p)Les rapports du Président de la Chambre d’accusation sur les visites trimestrielles effectuées dans les prisons, conformément à l’article 199 du Code pénal et depuis 2005;

q)Un complément d’information sur les enquêtes ouvertes, dont des exemples concrets, sur des infractions commises par des fonctionnaires et sur les sanctions infligées à ces derniers en application des articles 183, 200 et 201 du Code de procédure pénale, et les procédures engagées à ce titre devant la Chambre d’accusation pour la période 2005-2008;

r)Un complément d’information sur les enquêtes ouvertes, dont des exemples concrets, sur des infractions commises par des fonctionnaires et sur les sanctions imposées à ces derniers en application de l’article 551 du Code de procédure pénale pour la période 2005-2008;

s)De plus amples renseignements sur la manière dont le Bénin entend veiller à ce que l’accès à un avocat soit garanti à toutes les personnes privées de liberté, y compris celles qui n’ont pas les moyens de constituer avocat, à la lumière du projet de code de procédure pénale qui prévoit l’assistance d’un avocat dès le début de l’enquête préliminaire;

t)Confirmation de ce que le juge d’instruction donne effectivement avis à tous les inculpés de leur droit de choisir un avocat lors de la première comparution devant lui (art. 98 du Code de procédure pénale).

3.Dans les gendarmeries et commissariats

323.Le SPT demande:

a)Des informations sur la façon dont les autorités entendent accroître le nombre d’avocats qualifiés et le type de formation qui sera dispensé aux avocats à propos des spécificités du travail de la police et de la gendarmerie, à la lumière du projet de code de procédure pénale qui prévoit l’assistance d’un avocat dès le début de l’enquête préliminaire;

b)D’être tenu informé de tout fait nouveau au sujet de sa recommandation de rassembler et de tenir en permanence des statistiques à propos des enquêtes, poursuites ou actions disciplinaires et de les ventiler pour permettre un suivi précis des procédures et de leur issue dans les affaires mettant en cause des allégations de mauvais traitements par la police ou la gendarmerie;

c)Un complément d’information sur la proposition des autorités de doter les lieux où des personnes sont privées de liberté de caisses de menues dépenses pour couvrir les frais de nourriture des personnes en garde à vue;

d)Des précisions sur les services qui ont mené les enquêtes sur les allégations de mauvais traitements au commissariat de police de Dantokpa et à la gendarmerie de Bohicon et confirmation de l’indépendance de ces services par rapport au commissariat de police et à la gendarmerie qui ont fait l’objet des enquêtes;

e)Des informations sur l’issue des travaux de la commission créée pour passer en revue les difficultés rencontrées par le Bénin pour traiter de façon plus décente les personnes privées de liberté et proposer des solutions urgentes adéquates aux fins d’y remédier.

4.Dans les prisons

324.Le SPT demande:

a)Des informations sur le point de savoir si la situation financière d’un individu est prise en compte dans la fixation du montant à verser à titre de caution et recevoir des informations sur les modalités de ce calcul, sur le nombre de personnes libérées sous caution en 2007 et sur le nombre de personnes qui, alors qu’elles auraient pu être libérées sous caution, n’ont pu l’être parce qu’elles se trouvaient dans l’impossibilité de verser la somme qui leur était réclamée;

b)Confirmation que la procédure décrite par certains individus placés en détention préventive à la prison d’Abomey (au lieu de les conduire devant le tribunal pour que celui-ci prolonge leur détention, on leur fait signer un document dans lequel ils réclament d’être mis en liberté) n’est pas conforme à la loi;

c)Des précisions sur l’allocation budgétaire par détenu au titre de l’alimentation et sur ce qui est prévu pour la revoir à la hausse;

d)Un complément d’information sur le point de savoir si l’allocation budgétaire par détenu au titre de la nourriture comprend des crédits destinés à rémunérer les fournisseurs et, dans l’affirmative, quelle est la part de l’allocation qui leur revient. Il aimerait aussi recevoir des informations sur les marchés attribués à des prestataires de services extérieurs, en particulier sur le contrôle de la qualité des repas fournis et sur toute inspection à laquelle le Ministère de la justice soumettrait ces prestataires;

e)Copie des rapports de visite effectuées conformément à l’article 62 du décret no 73-293 pour les trois dernières années et les recommandations dont ils étaient assortis;

f)Un complément d’information sur le décès en détention causé par des mauvais traitements et consigné dans le registre des décès, et en particulier des détails sur toute enquête, procédure pénale ou disciplinaire engagée et toute sanction pénale ou disciplinaire prise.

5.Coopération

325.Le SPT demande:

a)Des informations détaillées sur les mesures prises pour garantir que nul ne subisse de conséquences liées à la visite;

b)Des précisions complémentaires sur des questions concernant lesquelles des informations insuffisantes ont été fournies en réponse aux observations préliminaires et notes verbales qui ont suivi;

c)Dans le délai d’un mois, des informations sur les mesures prises afin de loger les détenus condamnés à mort dans des conditions satisfaisantes dans d’autres locaux, conformément à la recommandation faite par le SPT à l’issue de sa visite et dans le présent rapport;

d)Dans un délai de six mois, une réponse écrite exhaustive au présent rapport de visite et en particulier aux conclusions, recommandations et demandes d’informations complémentaires qui y sont formulées.

Annexes

Annexe I

L iste des lieux de privation de liberté visités par la délégation

I . Lieux de détention des forces de l’ordre

A . Commissariats de police

Commissariat central de Cotonou

Commissariat central de Porto-Novo

Commissariat de police de Dantokpa

Commissariat de police de Dodji

Commissariat d’arrondissement d’Ouando

B. Gendarmeries

Compagnie de gendarmerie de Cotonou − Brigade territoriale de Godomey

Brigade de gendarmerie de Zogbodomey

Brigade territoriale et de recherches de Porto-Novo

Brigade territoriale et de recherches de Bohicon

Brigade de gendarmerie de Séhoué

II . Prisons

Prison civile de Cotonou

Prison civile d’Akpro-Missérété

Prison civile d’Abomey

III . Autres établissements

Palais de justice d’Abomey

Annexe II

L iste des fonctionnaires et autres personnes que la délégation a rencontrés

I . Autorités nationales

Ministère d’État chargé de la défense nationale

Adj. J. C. Adjile

Représentant

Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme

M. H. Akpomey

Directeur de Cabinet

M. H. Koukoui D

Secrétaire général

Mme M. Zinkpe

Direction des droits de l’homme

Mme O. Edon

Direction des droits de l’homme

M. H. Dadjo

Direction de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse

M. B. Alanmenou

Directeur, Centre national de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence

Mme H. Falana

Direction de l’administration pénitentiaire et de l’assistance sociale

M. I. Adtiba

Direction de l’administration pénitentiaire et de l’assistance sociale

M. G. Ganye

Brigade de protection des mineurs

M. D. G. Ganhou

Direction des affaires civiles et pénales

Mme D. Tossounon-Zakari Allou

Inspection générale des services de la justice

Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique

M. A. Agountchou

Représentant de la Compagnie républicaine de sécurité

M. S. A. Fassassi

Représentant (CTJ)

M. A. Lassissi

Représentant de l’Inspection générale de la Police nationale

Ministère des affaires étrangères, de l’intégration africaine, de la francophonieet des Béninois de l’extérieur

Service pénitentiaire du Bénin

Capt. E. Odoh

Régisseur, Prison civile d’Akpro-Missérété

M. C. P. Agbanehoun

Gardien-chef, Prison civile d’Akpro-Missérété

Adjudant-Chef H. Ayelo

Commandant, Brigade pénitentiaire, Prison civile d’Akpro-Missérété

M. P. Nahum

Régisseur intérim, Prison civile de Cotonou

M. Hounkpe

Régisseur, Prison civile de Cotonou

M. L. Houndonongbo

Régisseur, Prison civile d’Abomey

M. B. Ahouanyjinou

Régisseur, Prison civile de Porto-Novo

LCL I. Mama Toure

Commandant, Brigade pénitentiaire

Force de police du Bénin

M. B. Gbeha

Commissariat central de Cotonou

M. F. Agbo

Commissariat central de Cotonou

Comm. E. B. Konfo

Commissariat de Dantokpa

Officiers de la gendarmerie du Bénin

M. H. Daves

Commandant, Brigade de gendarmerie de Bohicon

M. Koui-Ho

Brigadier-adjoint pour la recherche de la gendarmerie de Bohicon

M. L. Akalone

Commandant-adjoint de la Brigade de gendarmerie de Séhoué

Colonel A. G. Assavedo

Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)

Lieutenant D. Agassoumon

Commandant-adjoint de la Compagnie de Cotonou

M. E. F. Tella

Gendarmerie de Zogbodomey

M. V. Chrysostome

Commandant de la gendarmerie de Godomey

Autres autorités

Procureur d’Abomey

M. V. Adossou

Juge à la Cour suprême

Mme V. Mongbo

Présidente de la Chambre d’accusation de la cour d’appel de Cotonou

M. E. Moutcho

Faculté de droit et de sciences politiques/Université d’Abomey-Calavi

M. E. Vovonou Kponou

Barreau du Bénin

Mme E. Egué-Adote

Barreau du Bénin, Rapporteur du Comité de suivi pour la mise en place du Mécanisme national de prévention (MNP)

Mme M. Medegan ép. Fassinoy

Juge d’instruction, Tribunal de première instance de Cotonou

M. J. Chabi Mouka

Représentant, juge du Premier Cabinet, Tribunal de première instance de Cotonou

M. A. Bodhrenou

Chef du service de statistique à la DEA/Ministère de l’économie et des finances

M. M. Tognode

Professeur de psychiatrie, CNHU-HKM de Cotonou

M. B. A. S. Oteyami

Direction générale du budget au Ministère de l’économie et des finances

II . Programme des Nations Unies pour le développement

Mme E. Gasana

Représentante résidente, Coordonnatrice résidente

M. A. L. Imam

PNUD Bénin

Mme A. Pognon

PNUD Bénin

M. N. Ouedraogo

Agent de sécurité

III . Organisations non gouvernementales

Amnesty International Bénin

ACAT-Bénin (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture)

Ligue pour la défense des droits de l’homme

Association des femmes juristes du Bénin

Annexe III

P rojet de loi sur le mécanisme national de prévention

P rojet de loi portant création, organisation, attributions et fonctionnement de l’Observatoire national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Titre premier D es dispositions générales

Chapitre premier De la création et du siège de l’Observatoire national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Article premier

Il est créé, en République du Bénin, un observatoire national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ci-après dénommé «l’Observatoire».

L’Observatoire jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

Article 2

L’Observatoire a son siège à Cotonou. Toutefois, il peut être transféré en tout autre lieu du territoire national par décret pris en Conseil des ministres, sur rapport motivé de l’Observatoire.

Chapitre II Du but de l’Observatoire

Article 3

L’Observatoire est un organe indépendant qui a pour but de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment dans les lieux de détention.

Titre II D e la composition, de la désignation et de la cessation des fonctions des membres de l’Observatoire

Chapitre premier De la composition et de la désignation des membres de l’Observatoire

Article 4

L’Observatoire est composé de cinq (05) membres dont deux (02) femmes au moins choisis parmi des personnalités remplissant les conditions suivantes:

Être de nationalité béninoise;

Être âgé de trente (30) ans au moins;

Jouir de ses droits civiques et politiques;

Être de bonne moralité;

Avoir les compétences requises:

En matière de droits de l’homme, ou avoir une expérience professionnelle d’au moins cinq (05) ans dans le domaine de l’administration de la justice en particulier en matière de droit pénal, d’administration pénitentiaire ou policière;

Dans divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté.

Ils doivent être de nationalité béninoise, âgés de trente (30) ans au moins et jouir de leurs droits civiques et politiques.

Article 5

La qualité de membre de l’Observatoire est incompatible avec l’exercice de tout emploi public, de toute activité politique ou professionnelle, ainsi que de tout mandat électif.

Article 6

La désignation des membres de l’Observatoire se fait sur appel à candidatures du Ministre de la justice par un organe de sélection composé comme suit:

a)Un (01) membre de la Commission des lois de l’Assemblée nationale;

b)Un (01) membre de la Cour constitutionnelle;

c)Un (01) magistrat de l’ordre judiciaire;

d)Un (01) représentant du Conseil de l’ordre des avocats;

e)Un (01) représentant de l’ordre des médecins;

f)Un (01) représentant du Président de la République;

g)Un (01) représentant des organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans le domaine de la promotion et de la protection des droits humains.

Les membres de l’organe de sélection sont désignés chacun par leurs pairs à l’exception du représentant du Président de la République.

Article 7

Les membres de l’Observatoire ainsi désignés sont nommés par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du Ministre de la justice et des droits de l’homme.

Chapitre II De la durée du mandat des membres de l’Observatoire

Article 8

Les membres de l’Observatoire sont nommés pour une durée de cinq (05) ans renouvelable une fois.

Toutefois, le mandat de trois (03) membres nommés lors de la première mandature prend fin au bout de trois (03) ans et le mandat des deux autres, au bout de cinq (05) ans.

Un (01) an après la première nomination, les noms des trois (03) membres visés à l’alinéa précédent sont tirés au sort par le Secrétaire général de l’Observatoire. Leurs remplaçants sont nommés dans les conditions prévues aux articles 4, 5, 6 et 7 de la présente loi.

Article 9

Tout fonctionnaire, nommé membre de l’Observatoire, est mis en position de détachement.

Article 10

Avant leur entrée en fonction, les membres de l’Observatoire prêtent devant la Cour suprême le serment dont la formule est:

«Je jure de remplir mes missions avec exactitude et probité, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la loi.».

Chapitre III De la cessation des fonctions de membre de l’Observatoire

Article 11

La fonction de membre de l’Observatoire prend fin soit par décès, par démission, soit par perte de mandat en cas de manquement grave aux dispositions de la présente loi et conformément aux conditions fixées par le règlement intérieur de l’Observatoire.

La gravité de la faute est expressément reconnue par les membres de l’Observatoire à la majorité simple des autres membres. Dans ce cas, la démission est d’office.

Article 12

En cas de perte de mandat, de démission ou de décès d’un membre de l’Observatoire, celui-ci est remplacé dans un délai maximum de trente (30) jours.

Le nouveau membre est désigné conformément aux dispositions des articles 4, 5 et 6 de la présente loi.

Titre III D es attributions, de l’organisation et du fonctionnement de l’ O bservatoire

Chapitre premier Des attributions de l’Observatoire

Article 13

L’Observatoire a pour attributions:

a)D’effectuer des visites régulières, annoncées ou inopinées, dans tous les lieux de détention;

b)D’examiner la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans ces lieux en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c)Dans le cadre de ses compétences:

D’émettre des avis et de formuler des recommandations aux autorités compétentes;

De présenter des propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi;

d)Dans le cadre de ses activités, de développer une coopération avec des structures nationales, régionales et internationales.

Article 14

Les lieux de détention s’entendent de tout lieu placé sous la juridiction ou le contrôle de la République du Bénin où se trouvent, ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite.

Article 15

La privation de liberté s’entend de:

1.Toute forme de détention;

2.Toute forme d’emprisonnement;

3.Tout placement d’une personne dans un établissement public ou privé.

Chapitre II De l’organisation

Article 16

L’Observatoire dispose d’un secrétariat général dirigé par un Secrétaire général.

Le règlement intérieur de l’Observatoire déterminera les règles relatives au recrutement du Secrétaire général et des autres membres du personnel, à leur rémunération, à l’organisation et au fonctionnement du secrétariat général.

Article 17

L’Observatoire peut, s’il l’estime nécessaire, avoir recours à des experts pour des missions spécifiques.

Les experts agissent sur les instructions et sous la responsabilité de l’Observatoire. Ils doivent posséder une compétence et une expérience propres aux matières relevant des attributions de l’Observatoire. Les experts et les interprètes sont tenus à une obligation de réserve.

Chapitre III Du fonctionnement

Article 18

L’Observatoire siège à huis clos.

Le quorum est constitué par les trois cinquièmes (3/5) de ses membres.

Les décisions de l’Observatoire sont prises à la majorité des membres présents.

Article 19

Un décret pris en Conseil des ministres déterminera les modalités de fonctionnement de l’Observatoire.

Titre IV D es prérogatives et immunités des membres de l’Observatoire

Chapitre premier Des prérogatives

Article 20

L’Observatoire a accès à:

1.Tous les lieux de détention et à toute personne y résidant;

2.Tous les renseignements relatifs aux traitements des personnes privées de liberté et à leurs conditions de détention;

3.Toutes informations utiles à sa mission.

Il s’entretient sans témoin, avec les personnes privées de liberté, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un interprète si cela paraît nécessaire, ainsi qu’avec toute autre personne dont il pense qu’elle pourrait fournir des renseignements pertinents.

Il peut librement choisir les lieux qu’il visite et les personnes qu’il rencontre.

Les renseignements recueillis par l’Observatoire sont protégés; aucune donnée personnelle ne peut être publiée sans le consentement exprès de la personne concernée.

Article 21

L’Observatoire formule à l’issue de chaque visite, des recommandations à l’endroit des autorités compétentes à l’effet d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Article 22

Les autorités compétentes ou les structures visitées sont tenues d’examiner les recommandations de l’Observatoire, d’y donner suite et d’engager avec lui dans les trente (30) jours, un dialogue au sujet des mesures qui pourront être prises pour leur mise en œuvre.

Article 23

L’Observatoire peut décider de faire une déclaration publique si les autorités compétentes ou les structures visitées ne coopèrent pas ou ne donnent pas suite aux recommandations dûment transmises.

Article 24

L’Observatoire présente un rapport annuel au Président de la République et en adresse copie au Président de l’Assemblée nationale.

L’Observatoire publie le rapport par la suite.

Chapitre 2 Des immunités

Article 25

Les membres de l’Observatoire ne peuvent être recherchés, poursuivis, détenus ou jugés pour les opinions émises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

L’Observatoire a seule qualité pour prononcer la levée des immunités.

Article 26

Aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire n’ordonnera, n’appliquera, n’autorisera ou ne tolérera des sanctions à l’encontre d’une personne ou d’une organisation au motif d’avoir communiqué des renseignements à l’Observatoire dans la mesure où cette communication a été faite conformément à la loi. Le cas échéant, la responsabilité personnelle de l’autorité pourra être engagée.

Titre V D es ressources et de la gestion financière de l’Observatoire

Article 27

Les ressources de l’Observatoire sont constituées:

De la dotation initiale composée des immeubles, mobiliers, matériels appartenant à l’État et mis à sa disposition et d’un fonds de démarrage dont le montant est fixé par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du Ministre de la justice;

Des dotations annuelles octroyées à l’Observatoire par l’État; elles seront décidées dans le cadre de la loi de finances sur proposition du Ministre de la justice.

L’Observatoire peut recevoir des dons et legs conformément à la législation en vigueur.

Article 28

Un décret pris en Conseil des ministres déterminera le règlement financier de l’Observatoire et les modalités de recrutement de l’agent comptable.

Titre VI D es dispositions finales

Article 29

Toute question non définie par la présente loi, notamment l’adoption d’un logo ou d’un signe distinctif, le port de la carte professionnelle, sera réglée par le règlement intérieur.

Article 30

Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires.

Article 31

La présente loi sera exécutée comme loi de l’État.

Fait à Cotonou, le

Annexe IV

D irectives préliminaires pour la mise en place des MNP

Soucieux de faciliter le dialogue avec les MNP en général, le SPT voudrait proposer quelques directives préliminaires concernant le processus de mise en place des MNP, qu’il s’agisse d’organes nouveaux ou d’organes existants, et certaines caractéristiques clefs des MNP:

i)La législation nationale, qu’il s’agisse d’un texte constitutionnel ou d’un texte de loi, devrait définir clairement et expressément le mandat et les pouvoirs du MNP. Ce texte doit reprendre la large définition donnée des lieux de privation de liberté dans le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

ii)Le MNP devrait être le fruit d’un processus de création public, transparent et sans exclusive, faisant appel à la société civile et aux autres acteurs qui interviennent dans la prévention de la torture; s’il est envisagé de désigner un organe existant comme MNP, la question devrait être ouverte à la discussion, avec participation de la société civile;

iii)Il faudrait encourager l’indépendance du MNP, telle qu’elle se manifeste effectivement ou est ressentie, par un processus transparent de sélection et de nomination de ses membres, lesquels doivent être indépendants et ne pas occuper de poste de nature à susciter des conflits d’intérêts;

iv)Les membres du MNP devraient être choisis en fonction de critères déclarés touchant à l’expérience et aux connaissances techniques requises pour mener à bien la tâche du MNP avec efficacité et impartialité;

v)Le MNP devrait être constitué d’un nombre égal d’hommes et de femmes et sa composition devrait être suffisamment représentative des groupes ethniques, minoritaires et autochtones. L’État prend les mesures nécessaires pour que les membres experts du MNP aient les capacités et les connaissances professionnelles requises. Une formation devrait être dispensée aux membres des MNP;

vi)Les MNP devraient pouvoir compter sur des ressources suffisantes à la fois en financement et en ressources humaines, qui leur soient expressément affectées, pour s’acquitter de leur tâche spécifique conformément au paragraphe 3 de l’article 18 du Protocole facultatif;

vii)Le programme de travail des MNP devrait couvrir tous les lieux où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté;

viii)La périodicité des visites du MNP devrait assurer le contrôle effectif de ces lieux de façon à constituer une garantie contre les mauvais traitements;

ix)Il faudrait mettre au point et revoir les méthodes de travail des MNP afin de repérer avec certitude les bonnes pratiques et les lacunes en matière de protection;

x)Les États devraient encourager les MNP à faire rapport sur les visites et à relever les bonnes pratiques et les lacunes en matière de protection à l’intention des institutions intéressées, ainsi qu’à adresser des recommandations aux autorités responsables sur les améliorations à apporter dans la pratique, la ligne politique et la législation;

xi)Les MNP et les autorités devraient instaurer un dialogue permanent fondé sur les recommandations de changements faites à l’issue des visites et les mesures prises pour donner suite à ces recommandations, conformément à l’article 22 du Protocole facultatif;

xii)Le rapport annuel des MNP est publié, conformément à l’article 23 du Protocole facultatif;

xiii)L’obligation de mettre en place un MNP devrait être considérée comme l’obligation permanente d’en renforcer les aspects formels et d’en affiner et améliorer progressivement les méthodes de travail.