Nations Unies

CERD/C/ALB/CO/5-8

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

14 septembre 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Soixante- dix- neuvième session

8 août-2 septembre 2011

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Albanie

1.Le Comité a examiné les cinquième à huitième rapports périodiques de l’Albanie soumis en un seul document (CERD/C/ALB/5-8), à ses 2110e et 2111e séances (CERD/C/SR.2110 et CERD/C/SR.2111), tenues les 22 et 23août 2011. À sa 2125e séance (CERD/C/SR.2125), tenue le 1erseptembre2011, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du rapport de l’État partie, pourtant attendu depuis 2007. Il regrette cependant que le rapport ne soit pas entièrement conforme aux directives du Comité pour l’établissement de rapports (CERD/C/2007/1). Le Comité encourage l’État partie à les suivre lors de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

3.Le Comité se félicite de la reprise du dialogue avec une délégation de haut niveau de l’État partie et des réponses que cette dernière a apportées oralement aux questions des membres du Comité.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec intérêt que l’État partie a pris les mesures suivantes, à caractère notamment législatif:

a)La préparation du recensement de la population et de l’habitation qui devrait être fait avant la fin de 2011;

b)La loi no 10221 pour la protection contre la discrimination, du 4 février 2010, qui a porté création du poste de commissaire à la protection contre la discrimination;

c)Le plan d’action de la Décennie pour l’inclusion des Roms, adopté en 2009;

d)La loi no 10023 portant modification du Code pénal et la loi no 10054 portant modification du Code de procédure pénale, respectivement adoptées en novembre et décembre 2008, contiennent des dispositions matérielles et procédurales relatives aux poursuites et aux peines se rapportant aux infractions pénales à caractère raciste et discriminatoire liées aux systèmes informatiques;

e)Le Code de déontologie des médias albanais, adopté en 2006;

f)La création du Comité national pour les minorités, en 2004;

g)Les programmes, plans, politiques, initiatives et mesures pris depuis 2003 dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’amélioration des conditions de vie de la communauté rom, afin de promouvoir les droits des personnes appartenant à cette minorité.

5.Le Comité salue la ratification par l’État partie de la Convention sur la cybercriminalité, entrée en vigueur en juillet 2004, ainsi que la ratification du Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, entré en vigueur en mars 2006.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité juge de nouveau préoccupante l’absence, dans le rapport périodique de l’État partie, de données ventilées sur la composition de la population donnant des informations sur la discrimination raciale. Il note que l’État partie assure que, dans le recensement de la population et de l’habitation, qui devrait avoir lieu avant la fin de 2011, les groupes minoritaires seront déterminés sur la base de l’auto-identification (art. 1er et 2).

Le Comité recommande que le recensement reflète précisément la situation de tous les groupes vulnérables. Le Comité encourage l’État partie à élaborer à partir de ce recensement un recueil de données ventilées sur la composition de sa population et demande à l’État partie d’inclure les informations actualisées pertinentes dans son prochain rapport périodique. À cet égard, le Comité souhaite attirer l’attention de l’État partie sur les paragraphes 10 à 12 des d irectives du Comité pour l’établissement de rapports (CERD/C/2007/1).

7.Le Comité juge de nouveau préoccupante la distinction faite dans le droit national entre les minorités nationales (grecque, macédonienne et serbo-monténégrine) et les minorités linguistiques (rom et aroumaine). Tout en notant que l’État partie a déclaré que cette distinction n’avait aucun effet sur les droits dont jouissent les personnes qui appartiennent à ces minorités, le Comité note néanmoins avec préoccupation que la justification de cette distinction pourrait être incompatible avec le principe de non-discrimination (art. 2).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de revoir les critères sur lesquels se fonde la distinction entre les minorités nationales et les minorités linguistiques, en consultation avec les groupes concernés, et de veiller à ce qu’il n’y ait aucune discrimination, entre les groupes ou les régions, en matière de protection ou de jouissance de droits ou d’avantages .

8.Tout en tenant compte de ce que l’État partie applique des mesures spéciales pour promouvoir les droits des personnes appartenant à des groupes minoritaires dans des zones spécifiques, en particulier en ce qui concerne la promotion de l’accès des enfants roms à l’éducation, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris clairement position sur l’application de mesures spéciales pour promouvoir les droits des minorités et d’autres groupes défavorisés (art. 1er et 2).

Le Comité, rappelant sa r ecommandation générale n o 32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, recommande à l’État partie d’adopter des principes clairs relatifs à l’ application de mesures spéciales propres à permettre aux personnes membres des minorités d’ exercer leurs droits sans discrimination , et de veiller à ce que les groupes ciblés soient dûment consultés en vue de l’adoption et de la mise en œuvre de ces mesures.

9.Tout en saluant les informations fournies par l’État partie sur les mesures prises pour renforcer le cadre institutionnel de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, le Comité est préoccupé par l’adéquation des ressources allouées, l’insuffisance des informations fournies sur la coordination entre ces institutions et le chevauchement apparent de certaines de leurs compétences. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles certains groupes minoritaires seraient incorrectement ou insuffisamment représentés dans le Comité national pour les minorités (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de s’attacher à renforcer le cadre institutionnel national de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, notamment en allouant les ressources budgétaires et humaines suffisantes pour en garanti r le bon fonctionnement. Le Comité recommande également à l’État partie d ’assurer une représentation appropriée des minorités qui s’identifient en tant que telles au sein du Comité national pour les minorités. Il demande également à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises pour assurer une coordination suffisante et éviter tout chevauchement de fonctions et d’ activités entre les différentes institutions en matière de mise en œuvre de la Convention, ainsi que sur les mesures d’évaluation de leurs travaux et des effets de ceux-ci .

10.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour harmoniser sa législation nationale avec la Convention. Le Comité salue à cet égard la législation adoptée pour interdire la diffusion d’idées racistes et de propos haineux ainsi que l’incitation à la discrimination raciale. Il prend note du projet de loi sur les minorités. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence d’une législation d’ensemble contre la discrimination raciale et de lois incriminant les organisations racistes et la participation à ces organisations (art. 4).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un ensemble de lois qui permette d’agir efficacement dans toutes les affaires relatives à la discrimination raciale et, conformément aux dispositions de l’article 4 de la Convention, d’adopter une loi spécifique in crimina nt les organisations racistes et la participation à ces organisations, de consulter les groupes minoritaires au sujet du projet de loi sur les minorités et d e faire en sorte que l’auto-identification soit l’un des principes fondamentaux de cette législation .

11.Le Comité, tout en saluant l’adoption de nombreuses stratégies et politiques visant à améliorer la situation de la minorité rom, note que l’efficacité et l’effet de ces mesures n’ont pas été suffisamment évalués. Le Comité note avec intérêt que l’État partie a déclaré que la Stratégie nationale pour l’amélioration des conditions de vie des Roms et le Plan d’action de la Décennie pour l’inclusion des Roms étaient en cours d’évaluation (art. 5).

Le Comité, rappelant sa r ecommandation générale n o 27 (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms, prie instamment l’État partie de mettre pleinement en œuvre toutes les politiques de lutte contre la discrimination à l’égard de la minorité rom qui ont été adoptées concerna nt l’accès à l’éducation, au logement, à l’emploi, à la santé et à d’autres services sociaux, ainsi qu’aux lieux publics, de suivre et d’ évalu er étroit ement l ’avancement de la mise en œuvre de ces politiques aux niveaux national et local, et de faire une évaluation de s effet s des mesures déjà mises en œuvre dans son prochain rapport périodique.

12.Le Comité juge la situation préoccupante, s’agissant de l’exercice, par les Aroumains, de leurs droits sans discrimination.

Le Comité recommande à l’État partie d e remédier à la situation d es personnes appartenant aux minorités aroumaines , s’agissant de leurs droits à la liberté d’opinion et d’expression, à l’éducation et à l’accès aux services publics sans aucune forme de discrimination.

13.Le Comité regrette l’absence d’informations sur la mesure dans laquelle les personnes appartenant aux minorités participent effectivement à la vie publique et politique (art. 5).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir la participation effective des personnes appartenant aux minorité s à la vie publique et politique et de lui fournir des informations sur la situation dans son prochain rapport périodique.

14.Tout en se félicitant des informations fournies par l’État partie sur les mesures prises pour faire face à la situation des Roms non enregistrés, le Comité est préoccupé par le fait que beaucoup de Roms continuent de rencontrer des difficultés pour obtenir des documents personnels, notamment les actes de naissance et les cartes d’identité (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour donner à tous les Roms accès aux documents personnels dont ils ont be soin pour exercer, entre autres , leurs droits économiques, sociaux et culturels , notamment le droit à l’emploi, au logement, aux soins de santé, à la sécurité sociale et à l’éducation.

15.Le Comité est de nouveau préoccupé par les allégations selon lesquelles les membres de la communauté rom, en particulier les jeunes, sont victimes du profilage ethnique, de mauvais traitements et de l’usage inapproprié de la force par les fonctionnaires de police. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas apporté d’informations sur ce point (art. 5).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de prendre des mesures pour mettre un terme à ces pratiques, sensibiliser davantage les responsables de l’application des lois aux droits de l’homme et les former aux questions relatives à la discrimination raciale.

16.Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie en matière d’éducation des minorités, notamment en dispensant un enseignement dans leur langue et des cours de langue maternelle, le Comité regrette que l’exercice effectif du droit à l’éducation ne soit pas garanti pour tous les enfants appartenant aux minorités et à d’autres groupes vulnérables, beaucoup d’entre eux n’ayant pas accès à un enseignement dans leur langue (art. 5).

Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour garantir l’accès effectif des enfants appartenant aux groupes minoritaires à l’éducation. Le Comité demande également à l’État partie de lui fournir des informations détaillées dans son prochain rapport périodique, notamment des statistiques ventilées, sur l’inscription dans les établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur des membres des minorités ou d’autres groupes vulnérables.

17.Le Comité est vivement préoccupé par les mauvaises conditions de vie et la marginalisation des membres de la communauté égyptienne (art. 5).

Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures efficaces, en consultation avec la communauté égyptienne, pour améliorer l’accès de ses membres à la santé, à l’éducation, à l’emploi et à d’autres services sociaux. Le Comité recommande également à l’État partie de respecter le principe d’auto-identification à l’égard des personnes appartenant à la communauté égyptienne.

18.Le Comité demeure préoccupé par la situation des femmes appartenant à des minorités et par les différentes formes de discrimination dont elles peuvent être victimes (art. 5).

Le Comité, rappelant sa r ecommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, encourage l’État partie à surveiller et , si nécessaire, à prendre des mesures pour lutter contre les discrimination s multiples touchant les femmes appartenant aux minorités et à d’autres groupes vulnérables.

19.Le Comité note qu’il n’y a aucune information sur les plaintes pour discrimination raciale et qu’aucune affaire de discrimination raciale n’a été portée devant les tribunaux (art. 6 et 7).

À la lumière de sa r ecommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale , le Comité rappelle que l’absence d’affaires judiciaires peut être due au fait que les victimes ignorent les recours qui existent et recommande donc à l’État partie de veiller à ce que l’ensemble de la population soit dûment informée de ses droits et des recours disponibles lorsqu’ils ont été violés . Le Comité recommande également à l’État partie de lui fournir , dans son prochain rapport périodique , des informations plus détaillées sur les plaintes qui auront été déposées et sur les affaires judi ciaires qui auront été traitées .

20.Le Comité se félicite des informations fournies par la délégation de l’État partie sur la coopération avec les États voisins en matière de promotion des droits des personnes appartenant aux groupes minoritaires. Il prend également note de l’intention de l’État partie de rechercher une coopération étroite avec les organisations régionales au sujet de la minorité rom.

Le Comité encourage l’État partie à poursuivre l es efforts qu’il fait pour tisser des liens de coopération avec d’ autres États et les organisations régionales pour résoudre les problèmes auxquels se heurtent les personnes appartenant à la minorité rom et à d’autres groupes minoritaires.

21.Ayant à l’esprit l’indivisibilité de l’ensemble des droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il n’a pas encore ratifiés, en particulier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

22.À la lumière de sa recommandation générale no 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, qui s’est tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il applique la Convention dans son ordre juridique interne. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au plan national.

23.Le Comité recommande à l’État partie de continuer de procéder à des consultations et de développer le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier pour lutter contre la discrimination raciale, aux fins de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

24.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention en vue de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.

25.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale, dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité rappelle les résolutions 61/148, 63/243 et 65/200 dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification de l’amendement à la Convention concernant le financement du Comité et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

26.Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également ses observations finales concernant ces rapports dans les langues officielles et dans les autres langues les plus couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

27.Étant donné que l’État partie a soumis son document de base en 2003, le Comité l’encourage à soumettre une version mise à jour conforme aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui visent le document de base commun, adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).

28.Le Comité recommande à l’État partie de mener, en lui donnant la publicité voulue, un programme approprié d’activités pour célébrer en 2011 l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine, proclamée par l’Assemblée générale, dans sa résolution 64/169.

29.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur révisé, le Comité demande à l’État partie de l’informer dans l’année suivant l’adoption des présentes observations finales de la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 6, 7 et 14 ci-dessus.

30.Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur l’importance particulière que revêtent les recommandations figurant aux paragraphes 9, 10, 11 et 12 et le prie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour les mettre en application.

31.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses neuvième à onzième rapports périodiques en un seul document le 10 juin 2015 au plus tard, en tenant compte des directives spécifiques adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en veillant à répondre à tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage également à respecter la limite fixée à 40 pages pour les documents périodiques et à 60 à 80 pages pour le document de base commun (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I, par. 19).