Nations Unies

CAT/C/AND/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 décembre 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le rapport initialde l’Andorre *

Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de l’Andorre (CAT/C/ AND/1) à ses 1190e et 1193e séances, tenues les 11 et 12 novembre 2013 (CAT/C/SR.1190 et CAT/C/SR.1193), et adopté à sa 1206e séance (CAT/C/SR.1206), tenue le 21 novembre 2013, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Andorre (CAT/C/ AND/1), qui est conforme aux Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux (CAT/C/4/Rev.3). Il regrette néanmoins que le rapport ait été présenté avec cinq ans de retard.

Le Comité se félicite également du dialogue ouvert et constructif qu’il a pu avoir avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie, ainsi que des informations complémentaires détaillées qui lui ont été données.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie, depuis qu’il a ratifié la Convention en 2006, a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés:

a)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (22 septembre 2011);

b)Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (entrée en vigueur le 1er juillet 2011).

Le Comité salue également les efforts déployés par l’État partie pour donner effet à la Convention, notamment en reconnaissant la primauté des traités et accords internationaux sur la législation nationale et leur application directe en droit interne dès leur publication au Journal officiel de la Principauté d’Andorre, conformément au paragraphe 4 de l’article 3 de la Constitution.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas modifié la définition de la torture figurant à l’article 110 du Code pénal, qui ne comprend pas tous les éléments visés à l’article premier de la Convention, notamment le fait d’infliger intentionnellement des actes de torture à une personne, le fait de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne est soupçonnée d’avoir commis, l’exercice de pressions, la discrimination, la complicité d’un acte de torture ou la participation à un tel acte et la notion d’acte infligé à l’instigation ou avec le consentement d’une personne agissant à titre officiel (art. 1er et 4).

Tout en notant qu ’ e n Andorre les tr aités internationaux priment la législation nationale, le Comité recommande à l ’ État partie de modifier l ’ article 110 du Code pénal de façon à y inclure une définition de la torture conforme à la Convention et couvrant tous les éléments de l ’ article premier, notamment le fait d ’ infliger intentionnellement des actes de torture à une personne, le fait de la punir d ’ un acte qu ’ elle ou une tierce personne est soupçonnée d ’ avoir commis, l ’ exercice de pressions, la discrimination, la complicité d ’ un acte de torture ou la participation à un tel acte et la notion d ’ acte infligé à l ’ instigation ou avec le consentement d ’ une personne agissant à titre officiel.

Peines imposées pour actes de torture et délai de prescription

Le Comité note que, malgré le fait que la torture soit considérée comme un crime contre l’humanité dans le Code pénal, l’article 110 de ce code prévoit pour les actes de torture et le génocide une peine maximale d’emprisonnement de six ans seulement, qui peut être prolongée de la moitié de cette durée au plus. Il constate également avec inquiétude que le crime de torture est soumis à un délai de prescription de dix ans pour les poursuites et de quinze ans pour la peine, ce qui fait que des actes de torture risquent de demeurer impunis (art. 2 et 4).

L ’ État partie devrait modifier son Code pénal afin d ’ y prévoir des sanctions appropriées pour les actes de torture et le crime de génocide, à savoir des peines d ’ emprisonnement d ’ une durée supérieure à dix ans, et faire le nécessaire pour que les poursuites et les peines concernant le crime de torture ne soient pas soumises à un délai de prescription, de façon que les actes de torture puissent faire l ’ objet d ’ enquêtes, de poursuites et de sanctions et que le risque d ’ impunité soit écarté.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité note que, d’après les renseignements qu’il a reçus, aucune plainte n’a été déposée pour torture. En ce qui concerne les mesures visant à garantir les droits fondamentaux des personnes privées de liberté, il note avec préoccupation que, dans certains cas, ces personnes n’ont pas la possibilité de consulter un médecin de leur choix, même à leurs propres frais, dès le début de leur privation de liberté (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait garantir à toute personne privée de liberté le droit de se faire examiner par un médecin indépendant, si possible de son choix, dès le début de sa privation de liberté.

Détention avant jugement

L’État partie a accepté les recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel, concernant l’adoption de mesures concrètes pour réduire le nombre de personnes en détention avant jugement, mais le Comité note avec préoccupation qu’il n’a pas encore pris de dispositions suffisantes à cet égard (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour réduire le nombre de personnes en détention avant jugement et de mettre en pl ace des mesures de substitution non privatives de liberté, en tenant compte des dispositions des Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et des recommandations formulées à l ’ occasion de l ’ Examen périodique universel.

Contrôle du travail de la police

Le Comité note avec préoccupation qu’il n’y a pas d’organe indépendant pour contrôler le travail de la police et enquêter sur les allégations et les plaintes concernant des mauvais traitements imputés à des membres des forces de police (art. 2, 10, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait mettre en place un mécanisme indépendant pour contrôler le travail de la police et enquêter sur les allégations et les plaintes concernant des mauvais traitements imputés à des membres des forces de police, et veiller à ce que les fonctionnaires de police reçoivent une formation sur l ’ interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements.

Discrimination, propos haineux et violence à l’égard des groupes vulnérables

Le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions législatives spécifiques ou autres mesures pour prévenir et réprimer la discrimination, l’incitation à la violence, les propos haineux et les crimes motivés par la haine (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire et réprimer la discrimination et l ’ incitation à la violence à l ’ égard des groupes vulnérables , et veiller à ce que tous les crimes motivés par la haine fassent systématiquement l ’ objet d ’ une enquête et de poursuites et que leurs auteurs soient condamnés et punis. En outre, l ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et condamner les propos haineux.

Institution nationale des droits de l’homme

Tout en notant que l’État partie s’est engagé dans le cadre de l’Examen périodique universel, en novembre 2010, à créer une institution nationale des droits de l’homme conformément aux principes concernant le statut de ces institutions (Principes de Paris), le Comité constate avec inquiétude que cette institution, trois ans plus tard, n’a toujours pas été mise en place (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de créer une institution nationale indépendante pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme, dotée d ’ un mandat approprié , ainsi que de ressources financières et humaines suffisantes, en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) et de présenter une demande d ’ accréditation au Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité est préoccupé par l’absence d’une législation distincte interdisant toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment la violence au foyer, la violence sexuelle et le viol conjugal, ainsi que par le faible nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans les affaires de violence à l’égard des femmes (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Modifier sa législation en vue d ’ ériger toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des enfants en infraction pénale , notamment la violence au foyer, la violence sexuelle et le viol conjugal;

b) Veiller à ce que les informations relatives à des actes de violence au foyer, notamment de violence sexuelle et de violence à l ’ égard des enfants, soient enregistrées par la police, que de tels actes fassent l ’ objet d ’ enquêtes rapides, impartiales et effectives et que leurs auteurs soient poursuivis et punis de peines à la mesure de la gravité de leurs actes;

c) Sensibiliser et former les membres de la force publique et le personnel judiciaire du ministère public aux procédures à suivre pour les enquêtes et les poursuites dans les affaires de violence au foyer, et mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention du grand public;

d) Faire en sor te que les victimes de violence au foyer, y compris de violences sexuelles, bénéficient d ’ une protection, au moyen notamment de mesures d ’ éloignement contre les auteurs, et qu ’ elles aient accès à des services médicaux et juridiques, y compris des services de soutien psychosocial et de réadaptation , ainsi qu ’ à des foyers d ’ accueil sûrs et suffisamment financés.

Traite des êtres humains

Le Comité note avec préoccupation que le Code pénal n’érige pas en infraction spécifique la traite des personnes et qu’aucune mesure législative ou politique n’est prise pour combattre la traite aux fins de travail forcé ou de prostitution (art. 2, 10, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Modifier son Code pénal de façon à interdire spécifiquement la traite des êtres humains en tant qu ’ infraction pénale;

b) Enquêter de manière rapide, effective et impartiale sur la traite de personnes et les pratiques connexes et poursuivre et punir les responsables;

c) Fournir une protection accrue et des moyens de recours aux victimes de la traite, notamment une aide judiciaire, un suivi médical et psychologique et des services de réadaptation, mettre à leur disposition des foyers d ’ accueil appropriés et les aider à signaler les cas de traite à la police;

d) Fournir une formation spécialisée à la police, aux procureurs et aux juges sur les moyens de mener une action efficace pour prévenir les actes de traite, enquêter sur ces actes et poursuivre et punir leurs auteurs, et informer le grand public par des campagnes dans les médias sur la nature criminelle de tels actes.

Asile

Le Comité note que les lois nationales ne contiennent aucune disposition sur l’octroi de l’asile ou du statut de réfugié et qu’il n’existe pas de procédure pour déterminer ce statut (art. 3).

L ’ État partie devrait créer une procédure de détermination du statut de réfugié pour les personnes auxquelles ce statut pourrait être reconnu. Il devrait en outre prendre des mesures législatives claires pour faire en sorte que nul ne soit expulsé, refoulé ou extradé vers un autre État où il y a de sérieux motifs de croire qu ’ il risque d ’ être soumis à la torture.

Formation

Le Comité note avec préoccupation que les agents de la force publique ne reçoivent aucune formation spécifique aux dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture, et que les professionnels de la santé qui s’occupent des personnes privées de liberté et des demandeurs d’asile ne reçoivent pas de formation au sujet du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L ’ État partie devrait assurer la formation des agents de la force publique, du personnel pénitentiaire, des gardes frontière, des juges et des procureurs en ce qui concerne l ’ interdiction absolue de la torture et d ’ autres dispositions de la Convention. Il devrait également faire en sorte que le Protocole d ’ Istanbul fasse partie de la formation dispensée aux professionnels de la santé et autres fonctionnaires amenés à être en contact avec les personnes privées de liberté et les demandeurs d ’ asile.

Isolement cellulaire

Tout en notant que, dans les prisons de l’État partie, aucun détenu n’a été placé en cellule d’isolement pendant plus de sept jours depuis 2008, le Comité constate avec préoccupation que les règlements disciplinaires en vigueur autorisent encore l’isolement cellulaire en tant que mesure disciplinaire pendant une période pouvant aller jusqu’à trente jours (art. 11 et 16).

Le Comité recommande de modifier les règlements disciplinaires afin de ramener la durée de l ’ isolement cellulaire, en tant que mesure disciplinaire, à une période aussi courte que possible et de n ’ appliquer cette mesure qu ’ en cas de nécessité.

Fouilles corporelles

Le Comité note avec préoccupation que les prisonniers sont régulièrement soumis à des fouilles à nu avant et après les visites de leur famille, ce qui peut constituer un mauvais traitement (art. 11 et 16).

Le Comité recommande que le personnel pénitentiaire s ’ abstienne de soumettre régulièrement les prisonniers à des fouilles à nu qui peuvent constituer un traitement dégradant. De telles fouilles ne doivent être effectuées qu ’ exceptionnellement, en suivant les méthodes les moins invasives , uniquement en cas d ’ absolue nécessité et en respectant la dignité des détenus.

Armes à impulsion électrique

Tout en notant que les armes à impulsion électrique (comme les «tasers») n’ont été utilisées qu’en de rares occasions, le Comité note avec préoccupation qu’elles l’ont été dans des espaces confinés, tels que les prisons, et font partie de l’équipement de base du personnel pénitentiaire (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les règlements relatifs à l ’ utilisation d es armes à impulsion électrique soient modifiés afin que ces armes soient retirées de l ’ équipement de base du personnel pénitentiaire et utilisées exclusivement dans des situations extrêmes et bien déterminées −  dans lesquelles il existe un danger réel et immédi at de mort ou de blessure grave − et par des membres des forces de l ’ ordre formés à cet effet, à la place d ’ armes létales. L ’ État partie devrait revoir les règlements régissant l ’ emploi de telles armes , de sorte que leur utilisation soit soumise à des conditions très restrictives et expressément interdite contre les enfants et l es femmes enceintes. Le Comité estime que l ’ utilisation d ’ armes à impulsion électrique devrait être soumise au principe de nécessité et de proportionnalité et interdite au personnel de surveillance dans les prisons ou dans tout autre lieu de privation de liberté. Il demande instamment à l ’ État partie de donner des instructions détaillées et une formation appropriée aux agents de la force publique habilités à utiliser des armes à impulsion électrique , et de surveiller et de superviser de près l ’ utilisation de ces armes .

Châtiments corporels

Vu que l’État partie s’est engagé dans le cadre de l’Examen périodique universel à adopter et appliquer un texte de loi pour interdire tous les châtiments corporels infligés aux enfants, le Comité note avec préoccupation que ces châtiments ne sont pas encore expressément interdits dans tous les contextes (art. 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et d ’ appliquer un texte de loi qui interdise explicitement les châtiments corporels infligés aux enfants dans tous les contextes.

Questions diverses

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que d’autres instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif s’y rapportant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. En outre, l’État partie devrait songer à adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et à son Protocole facultatif, ainsi qu’à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité et les observations finales de ce dernier dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à soumettre son document de base commun, conformément aux instructions qui figurent dans les Directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6).

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 22 novembre 2014, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations concernant: a) la possibilité, pour les personnes privées de liberté, de se faire examiner par un médecin de leur choix, dès le début de leur privation de liberté; b) la sensibilisation et la formation des membres de la force publique et du personnel judiciaire; et c) la stricte surveillance et supervision de l’emploi d’armes à impulsion électrique (par. 8, 13 c) et 19 du présent document).

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième, le 22 novembre 2017 au plus tard. À cette fin, le Comité prie l’État partie de lui indiquer d’ici au 22 novembre 2014 s’il accepte de lui soumettre son rapport en suivant la procédure facultative d’établissement de rapports, qui consiste pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter transmise par le Comité avant la soumission du rapport périodique. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son prochain rapport périodique au titre de l’article 19 de la Convention.