Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

RESTREINTE*

CCPR/C/75/D/940/2000

26 juillet 2002

Original: FRANÇAIS

Comité des droits de l’homme

Soixante-quinzième session

8‑26 juillet 2002

DÉCISION

Communication no 940/2000

Présentée par:Zébié Aka Bi (représenté par un conseil, Maîtres Joël Bataille et Jean-Claude Richard)

Au nom de:Le requérant

État partie: Côte d’Ivoire

Date de la communication:27 juillet 2000 (date de la lettre initiale)

Références:Décision du Rapporteur spécial prise en application de l’article 91, communiquée à l’État partie le 8 août 2000 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:9 juillet 2002

[Annexe]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS

CIVILS ET POLITIQUES

Soixante-quinzième session

concernant la

Communication no 940/2000**

Présentée par:Zébié Aka Bi (représenté par un conseil, Maîtres Joël Bataille et Jean-Claude Richard)

Au nom de:Le requérant

État partie: Côte d’Ivoire

Décision de la recevabilité:1er août 1997

Le Comité des droits de l’homme , institué en vertu de l’article 28 du Pacte i n ternational relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 9 juillet 2002,

Adopte ce qui suit:

DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ

1.Le requérant est M. Zébié Aka Bi, né en Côte d’Ivoire et demeurant en France. Il se déclare victime de la violation par la Côte d’Ivoire de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le requérant est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant déclare ne pas pouvoir participer aux élections présidentielles en Côte d’Ivoire, en l’occurrence celle fixée pour le 17 septembre 2000, à la fois en tant qu’électeur et candidat, suite aux nouvelles dispositions de l’article 35 de la Constitution et du Code électoral.

2.2Le requérant explique que par décret no 200-497 du 17 juillet 2000 portant modification du projet de Constitution, le Chef de l’État, le général Robert Guei a révisé l’alinéa 3 de l’article 35 de la Constitution relativement aux conditions d’éligibilité du Président de la République dans les termes suivants: «Il doit être Ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d’origine. Il doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne.». Ces critères d’éligibilité ont également été repris aux articles 53 et 54 du projet de code électoral. Enfin, ils ont été approuvés par référendum du 23 juillet 2000 ayant conduit à l’adoption des projets de constitution et de code électoral.

2.3Le requérant précise que cette révision constitutionnelle et électorale est intervenue dans le contexte politique particulier de la Côte d’Ivoire, à savoir la destitution de l’ancien Président de la République par la junte militaire désormais au pouvoir et responsable de l’organisation de la prochaine élection présidentielle.

2.4En raison des nouvelles dispositions constitutionnelles et électorales, le requérant soutient être privé, tout d’abord, de la possibilité, en tant qu’électeur, de voter pour le candidat de son choix qui ne pourrait se présenter aux élections présidentielles car ne satisfaisant pas aux critères relatifs à l’ascendance nationale et à la nationalité. De plus, le requérant attire l’attention sur sa double nationalité, ivoirienne et française, et affirme que dès lors en raison des critères d’éligibilité relatifs à la non-renonciation à la nationalité ivoirienne impliquant, selon lui, de ne pas avoir revendiqué une autre nationalité, il ne peut, contrairement à son souhait, se présenter lui-même en tant que candidat aux élections présidentielles.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant conteste les critères instaurés pour les candidatures aux élections présidentielles dans la mesure où ils constituent une discrimination à son encontre, contraire à l’article 25 du Pacte.

3.2Se référant à l’Observation générale no 25 du Comité des droits de l’homme sur l’article 25 du Pacte, le requérant soutient, d’une part, que seule la citoyenneté détermine l’octroi de droits politiques, et d’autre part, que tout citoyen doit jouir de ces droits politiques, sans aucune distinction, notamment de race, de couleur, de naissance ou de toute autre situation. Il rappelle, en outre, que seules des restrictions fondées sur des critères objectifs et raisonnables sont admises. Enfin, il cite le paragraphe 15 de l’Observation générale no 25, à savoir: «Les personnes qui à tous égards seraient éligibles ne devraient pas se voir privées de la possibilité d’être élues par des conditions déraisonnables ou discriminatoires, par exemple [...] l’ascendance [...]».

3.3Le requérant estime que la condition d’épuisement des voies de recours internes doit s’apprécier au regard de l’efficacité et de l’urgence. Il fait valoir qu’en raison de la légitimité politique et juridique attachée à l’adoption par référendum des projets de constitution et de code électoral, aucun recours interne ne pourrait efficacement être exercé à l’encontre des critères d’éligibilité. Il ajoute que doit être prise en compte la situation politique de la Côte d’Ivoire, à savoir l’organisation d’élections présidentielles suite à la prise de pouvoir par l’autorité militaire. Enfin, le Code électoral stipulant que la liste des candidatures doit être dressée au plus tard 15 jours avant l’échéance électorale du 17 septembre 2000, le requérant ayant saisi le Comité des droits de l’homme le 27 juillet 2000, met en avant l’urgence de sa communication.

3.4Le requérant invoque une violation de la part de la Côte d’Ivoire de l’article 25 du Pacte.

3.5Le requérant précise que l’affaire n’a pas été soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication

4.1Dans ses observations du 7 octobre 2000, l’État partie conteste la recevabilité de la communication.

4.2En premier lieu, l’État partie soutient que la nationalité ivoirienne du requérant n’est pas prouvée. L’État partie rappelle que la loi no 61-45 du 14 décembre 1961 sur le Code de la nationalité ivoirienne, modifiée par la loi no 72-852 du 21 décembre 1972 stipule, en son article 1, alinéa 2, que «La nationalité s’acquiert ou se perd après la naissance par l’effet de la loi ou par une décision de l’autorité publique prise dans les conditions fixées par la loi». Par ailleurs, en vertu de l’article 89 de cette loi, la preuve de la qualité d’Ivoirien doit être rapportée par celui qui prétend avoir la nationalité ivoirienne.

4.3L’État partie fait valoir qu’à aucun moment, le requérant n’a produit de pièces pour justifier qu’il est Ivoirien d’autant plus que la naissance sur le sol ivoirien n’est pas une condition suffisante d’acquisition de la nationalité ivoirienne.

4.4L’État partie ajoute que l’article 48 du Code de la nationalité ci-dessus mentionné stipule que: «Perd la nationalité ivoirienne, l’Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ou qui déclare reconnaître une autre nationalité.».

4.5D’après l’État partie, quand bien même le requérant apporterait la preuve qu’il était Ivoirien, M. Zébié Aka Bi, ayant acquis la nationalité française le 24 août 1983 en vertu de l’article 135 du Code de la nationalité française, a perdu la nationalité ivoirienne à compter de cette date, c’est-à-dire depuis 17 ans.

4.6L’État partie conclut que le requérant ne relève, dès lors, pas de la juridiction de la Côte d’Ivoire, et que conformément à l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité doit se déclarer incompétent dans le cas d’espèce.

4.7En troisième lieu, l’État partie fait valoir que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes.

4.8L’État partie indique que le requérant n’a, à aucun moment, apporté la preuve qu’il a saisi les juridictions ivoiriennes et épuisé toutes les voies de recours. De plus, l’État partie souligne que la date du 17 septembre 2000 fixée pour les élections présidentielles est une date erronée et qui plus est, utilisée par le requérant comme un prétexte pour écarter les voies de recours internes. L’État partie précise que la date des élections présidentielles a été reportée au 22 octobre 2000. Or, selon l’État partie, le requérant n’apporte pas la preuve d’un commencement de saisine de la juridiction ivoirienne depuis ce report de date. L’État partie explique que le requérant pouvait saisir le Conseil constitutionnel prévu par la nouvelle Constitution et dont les attributions sont temporairement exercées par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême. En outre, d’après l’État partie, le requérant pouvait saisir, par voie de simple requête, le Président de la Cour suprême par voie de référé – disposition prévue en cas d’urgence en vertu de l’article 79 de la loi no 94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême.

4.9L’État partie souligne finalement que le requérant n’a pas déposé sa candidature à la présidence, ce qui constitue un abus du droit de présenter une communication au Comité.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.Dans sa lettre du 10 janvier 2002, le requérant a déclaré «ne pas entendre répliquer aux observations de l’État partie».

Délibérations du Comité sur la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme l’exige le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité constate que le requérant n’a produit aucune argumentation faisant état de ses démarches pour faire valoir ses droits, tant pour être électeur que candidat à l’élection présidentielle. Le Comité estime dès lors que le requérant n’a pas démontré sa qualité de victime et que la communication est donc irrecevable au titre de l’article premier du Protocole facultatif.

6.4Dans ces circonstances, il est par conséquent inutile que le Comité examine les autres arguments relatifs à la recevabilité présentés par l’État partie.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article premier du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

[Adopté en français (version originale), en anglais et en espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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