Nations Unies

CCPR/C/ISL/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

31 août 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales adoptées par le Comité des droits de l’hommeà sa 105e session, tenue du 9 au 27 juillet 2012

Islande

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l’Islande (CCPR/C/ISL/5) à ses 2894e et 2895e séances (CCPR/C/SR.2894 et 2895), les 9 et 10 juillet 2012. À sa 2916e séance (CCPR/C/SR.2916), le 24 juillet 2012, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique soumis par l’Islande (CCPR/C/ISL/5), les informations qui y sont présentées et les réponses écrites à la liste des points (CCPR/C/ISL/Q/5/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises par celui-ci au cours de la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte.

B.Aspects positifs

3.Le Comité félicite l’État partie pour son bilan globalement positif concernant la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Il salue en particulier:

a)L’adoption de la loi no 85/2011 relative aux ordonnances d’éloignement;

b)L’adoption, le 17 mars 2009, du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains;

c)L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, d’un nouveau Code de procédure pénale (no 88/2008) qui, entre autres choses, améliore la situation juridique des personnes accusées;

d)L’adoption de la loi no 149/2009 portant modification du Code pénal général, en vue de ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants;

e)L’entrée en vigueur, le 18 mars 2008, d’une nouvelle loi sur l’égalité des sexes, la loi no 10/2008.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Tout en notant que l’État partie s’est fixé pour objectif d’incorporer dans l’ordre juridique interne tous les instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie, le Comité regrette que le Pacte ne l’ait pas encore été. Il note également avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas retiré toutes ses réserves au Pacte (art. 2).

L’État partie devrait envisager d’incorporer le Pacte dans l’ordre juridique interne. Il est invité à réévaluer les raisons pour lesquelles il a émis des réserves aux paragraphes 2  b) et 3 de l’article 10, au paragraphe 7 de l’article 14 et au paragraphe  1 de l’article 20 du Pacte, en vue de les retirer.

5.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore créé une institution nationale unique ayant compétence dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des dispositions pour créer une institution nationale des droits de l’homme disposant d’ un large mandat dans le domaine des droits de l ’ homme et la doter de ressources financières et humaines suffisantes , conformément aux Principes de Paris.

6.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas adopté de législation globale de lutte contre la discrimination. Il note aussi avec préoccupation que la loi no 38/2011 relative aux médias prévoit des sanctions contre les médias uniquement pour incitation à un comportement délictueux et non pour incitation à la haine (art. 2, 20 et 26).

L ’ État partie devrait prendre des mesures en vue d’adopter une législation globale de lutte contre la discrimination portant sur tous les aspects de la vie et offrant des voies de recours utiles dans les procédures j udiciaires et administratives. Il devrait également adopter le projet de loi portant modification de la loi relative aux médias de façon à ce que les sanctions prévues s ’ appliquent également à l’incitation à la haine, et faire en sorte que ce projet de loi s’applique aussi aux réseaux sociaux.

7.Tout en saluant l’adoption de la loi relative à l’égalité des sexes et la création du Centre pour l’égalité des sexes, le Comité note avec préoccupation qu’il y a d’importantes inégalités salariales entre hommes et femmes et qu’elles s’aggravent. Il relève aussi que les femmes restent sous-représentées aux postes de décision, en particulier dans la diplomatie, l’appareil judiciaire et le milieu universitaire (art. 2 et 3).

L ’ État partie devrait continuer à prendre des mesures, en particulier par l’intermédiaire du Centre pour l ’ égalité entre les sexes et en adoptant rapidement d es normes relatives à l’égalité salariale, pour continuer de lutter contre les disparités de salaire persistantes et importantes entre hommes et femmes, en garantissant un salaire égal pour un travail de valeur égale . L’État partie devrait également prendre des mesures pour accroître la représentation des femmes aux postes de décision, en particulier dans la diplomatie , l ’ appareil judiciaire et le milieu universitaire.

8.Le Comité constate avec inquiétude que la torture n’est pas expressément réprimée par la législation pénale nationale et que le fait que les actes de torture relèvent de diverses autres infractions dont les définitions se chevauchent ne garantit ni une punition appropriée de ces actes ni une réparation adéquate pour les victimes (art. 7).

L ’ État partie devrait ériger la torture en infraction spécifique dans son Code pénal, en veillant à ce que la définition qui en est donnée soit conforme à l ’ article 7 du Pacte et à ce que les peines prévues soient proportionnelles à la gravité de l’infraction .

9.Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour combattre et éliminer la violence familiale, mais note avec préoccupation que les victimes comme les professionnels n’ont pas accès à des informations complètes sur le problème ni sur les droits des victimes et les recours disponibles (art. 7).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour faire prendre conscience du problème de la violence familiale, notamment au moyen d ’un e formation dispensée aux juges, aux procureurs, aux policiers et aux agents de santé, ainsi que de campagnes de sensibilisation visant à informer les Islandaises comme les immigrées de leurs droits et des voies de recours disponibles.

10.Le Comité note qu’un pourcentage très limité de demandeurs d’asile obtient le statut de réfugié. Il constate avec préoccupationque l’article 45 de la loi sur les étrangers prévoit des exceptions au principe de non-refoulement dans des cas où le renvoi contreviendrait aux articles 6 ou 7 du Pacte. Il relève également avec préoccupation que les permis de séjour accordés pour raisons humanitaires ne précisent pas la durée du séjour (art. 2, 7 et 13).

L ’ État partie devrait revoir sa législation sur les réfugiés pour faire en sorte qu’elle soit pleinement conforme au Pacte et aux normes internationales relatives aux réfugiés et aux demandeurs d ’ asile. Il devrait également définir plus précisément la durée du séjour dans l ’ État partie pour les personnes qui ont obtenu un permis de séjour pour raisons humanitaires.

11.Le Comité constate avec inquiétude que le principe de la séparation des mineurs et des adultes dans les établissements de détention n’est pas garanti, comme en témoigne la réserve de l’État partie au paragraphe 2 b) de l’article 10 du Pacte. Il est également préoccupé de constater que l’État partie ne dispose pas de mécanisme indépendant chargé de surveiller les conditions de détention (art. 9 et 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le principe de la séparation des mineurs et des adultes dans les établissements de détention soit garanti, notamment en revoyant sa réserve au paragraphe 2 b) de l’article 10 du Pacte. Il devrait aussi prendre des dispositions pour établir un système de contrôle régulier et indépendant des lieux de détention, y compris des établissements psychiatriques.

12.Le Comité s’inquiète de ce que l’article 198 du Code de procédure pénale restreint le droit des personnes reconnues coupables d’une infraction mineure de faire appel, sauf dans certaines circonstances et avec l’autorisation de la Cour suprême (art. 14).

L’État partie devrait réviser l’article 198 de son Code de procédure pénale pour permettre à toutes les personnes reconnues coupables d’une infraction mineure de faire appel devant une juridiction supérieure, sans exception, et sans avoir besoin d’obtenir l’autorisation préalable de la Cour suprême, conformément au paragraphe  5 de l ’ article  14 du Pacte.

13.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie prélève un impôt pour l’église auprès des citoyens, qu’ils soient ou non membres d’une organisation religieuse. Il relève également avec préoccupation que, contrairement à l’Église évangélique luthérienne, d’autres organisations religieuses ou philosophiques ne peuvent pas recevoir de fonds publics (art. 18).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour veiller à ce que l ’ impôt pour l’église ne soit pas prélevé inconsidérément . Il devrait également modifier la loi sur les organisations religieuses afin que toutes les organisations religieuses et philosophiques puissent bénéficier de fonds public s .

14.Tout en prenant acte de la modification des critères pour l’obtention du permis de séjour après mariage, le Comité note que la modification apportée en 2008 à la loi sur les étrangers prévoit une enquête sur tous les couples mariés dont l’un des membres a moins de 24 ans, ce qui pourrait porter atteinte à l’exercice du droit à la vie familiale, au mariage et au choix du conjoint (art. 2, 23 et 26).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d’ évaluer les effets de l’introduction des nouveaux critères pour l’obtention de permis de séjour de ce type sur l’exercice du droit à la vie familiale, au mariage et au choix du conjoint , en déterminant s’il faudrait modifier les critères afin de mieux respecter le droit à la vie familiale.

15.Le Comité constate avec préoccupation que très peu d’affaires de violences sexuelles à l’égard d’enfants qui sont signalées aux services de protection de l’enfance donnent lieu à des poursuites et qu’il y en a encore moins qui débouchent sur la condamnation de l’auteur (art. 2 et 24).

L ’ État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour que toutes les affaires de violences sexuelles commises sur des enfants fassent l’objet, dans les meilleurs délais, d’une enquête efficace et que les auteurs en soient traduits en justice. Il devrait s’employer à mettre en place des mesures coordonnées pour prévenir les violences sexuelles visant des enfants. Il devrait également veiller à ce que les programmes d’enseignement des facultés qui forment les enseignants et d’ autres professionnels travaillant auprès des enfants, ainsi que des facultés qui forment les professionnels de santé , les avocats et les policiers comprennent des cours sur les violences sexuelles à l’égard des enfants et les moyens de prévention .

16.L’État partie devrait diffuser largement le Pacte, les Protocoles facultatifs s’y rapportant, le texte du cinquième rapport périodique et les présentes observations finales afin de les faire connaître aux autorités judiciaires, législatives et administratives, à la société civile et aux organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’au grand public. Le Comité demande à l’État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales quand il établira le prochain rapport périodique.

17.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 7 et 15.

18.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devrait lui parvenir d’ici au 27 juillet 2018, des renseignements précis et à jour sur toutes ses recommandations et sur le Pacte dans son ensemble.