Nombre d’affaires

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Plaintes

67

150

151

168

190

235

337

329

330

354

278

263

229

246

273

293

Affaires examinées d’office par le médiateur

3

4

1

2

4

3

5

4

4

6

10

9

3

2

3

6

Total

70

154

152

170

194

238

342

333

334

360

288

272

232

248

280

299

40.Les décisions administratives peuvent être soumises aux tribunaux pour annulation. Le tribunal examine si la décision a une base légale et si elle a été prise régulièrement. Si le tribunal considère qu’une décision est illégale, par exemple parce qu’elle est en conflit avec des droits garantis par la Constitution, il peut l’annuler. Si une personne considère qu’une loi donnée est en conflit avec ses droits, elle peut s’adresser au tribunal pour lui demander de ne pas appliquer cette loi à son égard ou d’annuler une décision administrative prise sur la base de cette loi. Si la situation financière d’une personne l’empêche d’agir ainsi en justice ou si la solution de la question présente un intérêt public général ou un intérêt privé important, une demande peut être adressée au Ministère de la justice pour obtenir la gratuité de la procédure, ce qui signifie que les honoraires d’avocat et autres frais seront payés par le Trésor public. Une commission spéciale, la Commission de la gratuité de la procédure, donne son avis sur ces demandes, mais la décision d’accorder la gratuité de la procédure appartient au Ministre de la justice. Le chapitre XX du Code de procédure privée (no 91/1991) et un règlement sur les règles de procédure de la Commission de la gratuité de la procédure (no 69/2000) contiennent des dispositions détaillées en la matière. Les personnes qui considèrent que des mesures de contrainte employées par la police, telles qu’arrestation, fouille, confiscation, détention provisoire ou autres mesures privatives de liberté, sont illégales se voient reconnaître des droits spéciaux pour obtenir réparation. Par exemple, elles ont toujours le droit d’engager gratuitement une procédure en indemnisation contre l’État. La procédure doit cependant être engagée dans les six mois suivant la date à laquelle la mesure a été prise ou la privation de la liberté a pris fin.

41.Comme nous l’avons déjà dit, une personne qui considère qu’une loi adoptée par le Parlement est en conflit avec ses droits constitutionnels ou avec les droits protégés par le Pacte peut engager une action devant les tribunaux ordinaires pour demander un jugement déclarant que la loi est contraire à la Constitution. Ce recours s’est avéré d’un grand intérêt pratique comme on l’a vu ci‑dessus, et les tribunaux ont plusieurs fois jugé que des lois étaient en conflit avec les dispositions de la Constitution relatives aux droits de l’homme. Le Parlement a réagi rapidement à ces décisions, en modifiant la loi compte tenu des conclusions des tribunaux.

Article 3. Égalité des droits des hommes et des femmes

42.Il a beaucoup été fait dans ce domaine depuis le troisième rapport de l’Islande. Il est évident que la loi reconnaît la pleine égalité des droits des hommes et des femmes du point de vue de la jouissance des droits civils et politiques prévus par le Pacte et l’article 3 est donc pleinement en vigueur en droit islandais. L’article 65 de la Constitution affirme d’abord dans son paragraphe 1 le principe général d’égalité, puis il répète expressément dans son paragraphe 2 que les hommes et les femmes doivent jouir de droits égaux à tous égards. Nous examinerons plus en détail les effets de cette disposition constitutionnelle à propos de l’article 26 du Pacte.

43.Si, dans la loi, l’égalité est complète, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes n’est pas encore pleinement réalisée. Bien que les recherches montrent que les écarts de salaires se sont considérablement réduits, l’examen des conditions d’emploi dans le marché général du travail fait encore apparaître des différences entre les sexes. Il semble aussi y avoir des différences de rémunération entre les travaux traditionnellement masculins et les travaux traditionnellement féminins. Nous pouvons dire que les mesures prises par les autorités islandaises ont surtout été centrées sur ces différences, mais nous ne les décrirons pas en détail ici, car cela sortirait du champ d’application du Pacte. À cet égard, nous renvoyons à l’étude détaillée contenue dans le cinquième rapport de l’Islande sur la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, établi en mars 2003 et communiqué récemment au Comité correspondant.

44.Nous mentionnerons néanmoins quelques mesures récentes qui ont été prises expressément pour donner aux hommes et aux femmes un statut égal dans toute la société. On notera d’abord que, en 2000, une nouvelle loi a été adoptée sur l’égalité de statut et de droits entre les hommes et les femmes (no 96/2000). Nous indiquons ci‑après quelques‑uns des principaux buts de cette loi et des nouvelles dispositions qu’elle contient.

a)Une nouvelle institution, le Bureau de l’égalité des droits, a été créée sous la tutelle du Ministère des affaires sociales et chargée de certaines tâches concernant le contrôle de l’application de la loi. Le principal changement qui en résulte est que les tâches qui, selon la loi antérieure, relevaient du Conseil de l’égalité des droits, composé de représentants des associations et des partenaires sociaux, sont aujourd’hui confiées à une institution publique spéciale;

b)Les dirigeants des institutions ou entreprises employant plus de 25 personnes ont désormais l’obligation d’établir des plans pour l’égalité des droits, portant notamment sur la rémunération et les conditions générales d’emploi, ou prévoyant en particulier l’égalité des femmes et des hommes dans leurs politiques en matière d’emploi. Il existe des dispositions similaires dans la loi des autres pays nordiques, et ces plans se sont révélés être de très bons instruments pour conduire les institutions et les entreprises dans la direction de l’égalité des droits;

c)La loi contient diverses dispositions sur la coordination de la vie familiale et de la vie professionnelle, qui est un objectif particulier au sein de la coopération nordique, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et de l’Organisation des Nations Unies;

d)La loi définit le harcèlement sexuel et impose des obligations particulières aux employeurs et aux directeurs d’établissements scolaires en vue de le prévenir, et elle prévoit les procédures à appliquer en cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou à l’école;

e)La loi contient une disposition particulière sur l’analyse des renseignements statistiques par sexe. Cette disposition a été adoptée en raison de l’importance, lorsqu’on veut prendre des mesures dans le domaine de l’égalité des droits, de disposer de renseignements exacts et accessibles sur le statut des hommes et des femmes dans la société;

f)La loi régit les activités d’un comité spécial, le Comité chargé des plaintes en matière d’égalité des droits, qui a pour tâche d’examiner les allégations de violation de la loi, et de rendre un avis écrit et motivé. Cet avis n’est pas obligatoire comme le serait un jugement, mais les contestations auxquelles il peut donner lieu peuvent être soumises aux tribunaux, et ne sont donc pas susceptibles de recours hiérarchique. Les individus et les associations, en leur nom propre ou au nom de tout membre qui considère qu’il a été victime d’une violation des dispositions de la loi sur l’égalité des droits, peuvent adresser une plainte au Comité. Celui‑ci peut aussi, dans des cas particuliers, être saisi par des tiers. Le Comité a reçu un nombre considérable de plaintes ces dernières années. Entre 2000 et fin 2003, il a reçu 40 plaintes au total. Dans 12 affaires, il a conclu à une violation de la loi sur l’égalité des droits et dans 18 affaires, il a conclu qu’il n’y avait pas eu de violation; 6 affaires se sont conclues par un règlement amiable ou ont été classées sans suite et 4 affaires sont toujours pendantes. Dans 3 affaires, l’avis concluant à la violation a été soumis au juge; un avis a été confirmé et les deux autres renversés.

45.Complétant la nouvelle loi générale sur l’égalité des droits, la nouvelle loi sur le congé à la naissance et le congé parental (no 95/2000) marque une étape importante dans le domaine de l’égalité sur le marché du travail. Son objectif est de permettre à l’enfant de tisser des liens avec ses deux parents, et à ceux‑ci de mieux concilier vie de famille et vie professionnelle. Indépendamment du congé de maternité, la loi donne au père le droit de prendre un congé de trois mois à la naissance de son enfant, pendant lequel il recevra 80 % de son salaire normal alors que, dans la loi antérieure, le droit à un congé payé à la naissance était réservé à la mère. Le droit accordé au père par la nouvelle loi n’est pas transférable à la mère. Un fonds spécial pour le congé à la naissance a été créé pour effectuer les versements aux parents bénéficiant de ce congé. Le but principal de la nouvelle loi est de permettre aux parents qui travaillent à l’extérieur − le père et la mère − de mieux coordonner les tâches qu’ils assument dans le travail et la vie familiale. La loi repose sur l’idée qu’une politique réussie d’égalité des droits ne peut être qu’intégrée et globale, visant à une meilleure organisation du temps de travail et à une plus grande souplesse à cet égard, et facilitant le retour des parents sur le marché du travail. En dehors de ce congé parental à la naissance, les deux parents ont droit à un congé de trois mois, qui peut être pris intégralement par l’un ou par l’autre ou partagé entre les deux. Ce partage ainsi prévu par la loi tend à promouvoir l’égalité des responsabilités entre les parents et l’égalité des sexes sur le marché du travail. Cette mesure est limitée dans le temps, et elle vise surtout les hommes, l’expérience montrant que, dans le système antérieur, ce sont surtout les femmes qui ont exercé le droit au congé à la naissance, même si en fait les deux parents y avaient également droit.

46.On notera que la nouvelle loi a déjà entraîné des changements fondamentaux en ce qui concerne la participation des pères aux soins aux jeunes enfants, les pères exerçant très largement ce droit au congé à la naissance. La loi peut être considérée comme une étape importante dans la lutte pour l’égalité des droits puisqu’elle reconnaît qu’hommes et femmes ont un rôle également important à jouer dans l’éducation des enfants et la responsabilité du foyer, ce qui entraînera nécessairement un changement d’attitude et conduira à la pleine égalité des salaires sur le marché du travail.

Article 4. Mesures en période d’urgence

47.Il n’y a pas eu de modification dans le droit ou la pratique de l’Islande en ce qui concerne cette disposition du Pacte, et aucune modification n’est envisagée. Bien que la Constitution islandaise ne contienne pas de disposition autorisant des dérogations en période d’urgence, et que les lois existantes ne prévoient pas non plus ce cas, l’urgence serait probablement considérée comme justifiant des dérogations aux dispositions légales. Cependant, la République d’Islande serait alors indubitablement liée par les limites qu’imposent l’article 4 du Pacte et l’article 15 de la Convention européenne. La loi interne ne changerait rien à cet égard: l’état d’urgence ne pourrait jamais justifier la moindre dérogation aux principes des nations civilisées concernant la protection des droits fondamentaux de la personne.

Article 5. Interdiction de l’abus de droit

48.Il n’y a pas eu de modification dans le droit ou la pratique concernant cette disposition du Pacte. On notera que, dans une décision relativement récente rendue par la Cour suprême d’Islande le 24 avril 2002, une condamnation a été prononcée pour la première fois en vertu de la disposition du Code pénal général érigeant en délit la propagation des préjugés raciaux et de la haine raciale. Le jugement rendu le 25 octobre 2001 par le tribunal de district faisait référence à l’article 17 de la Convention européenne, dont les objectifs sont voisins de ceux de l’article 5 du Pacte. L’argument selon lequel la liberté d’expression du défendeur l’autorisait à s’attaquer à un groupe d’une race particulière n’a pas été retenu. On trouvera des détails sur cette décision dans le contexte de l’article 20 du Pacte concernant l’incitation à la haine raciale.

Article 6. Le droit à la vie

49.À la fin de l’année 2003, le Parlement a adopté la loi no 128/2003 incorporant dans le droit interne le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances. Ce protocole, signé par l’Islande le 3 mai 2002, va bientôt être ratifié.

50.Il n’y a pas eu d’autres modifications dans le droit islandais concernant la mise en œuvre de cette disposition du Pacte ou du Protocole relatif à la peine de mort. Nous renvoyons donc pour plus de détails au troisième rapport de l’Islande et à l’article 69, paragraphe 2, de la Constitution islandaise, qui interdit expressément d’instituer la peine de mort dans la loi. Avec la ratification du Protocole no 13 à la Convention européenne, la protection des citoyens est encore renforcée et la République d’Islande affirme aussi au niveau international qu’elle défend l’idée que la peine de mort doit être abolie en toutes circonstances.

Article 7. Interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

51.La situation décrite dans le deuxième et le troisième rapports de l’Islande au sujet des lois se rapportant au contenu de l’article 7 du Pacte reste essentiellement inchangée. L’article 68, paragraphe 1, de la Constitution contient une disposition comparable à cette disposition du Pacte, et le Code pénal général rend possibles de sanctions pénales les comportements des agents publics visés par la définition qui figure dans l’article 7 du Pacte. Il n’y a pas eu en Islande d’affaires dans lesquelles cette disposition ait été invoquée, et il n’y a pas eu non plus de plaintes adressées aux institutions internationales sur ce point.

52.Pour plus de détails sur la législation islandaise et son application, on pourra se reporter au deuxième rapport de l’Islande sur l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT/C/59/Add.2), examiné par le Comité contre la torture les 1er et 2 mai 2003, et aux conclusions du Comité datées du 13 mai 2003 (CAT/C/30/CR/3). Y étaient mentionnées, entre autres aspects positifs, l’adoption d’une nouvelle loi sur la protection de l’enfance (no 80/2000), qui offre aux enfants une protection accrue contre les traitements inhumains, et une modification de la loi sur la police, en vertu de laquelle les infractions commises par les forces de police doivent être soumises pour enquête directement au Procureur général.

53.Le droit islandais ne limite pas la protection contre la torture ou autres traitements inhumains aux personnes qui sont privées de liberté parce qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou parce qu’elles exécutent la peine à laquelle elles ont été condamnées. Le législateur est parti du principe que le danger d’un tel traitement n’existe pas seulement dans les lieux de détention ou d’emprisonnement, mais qu’y sont aussi exposées, par exemple, les personnes privées de liberté parce qu’elles souffrent de troubles psychiatriques et ont été internées à l’hôpital contre leur volonté, ou les jeunes qui ne sont pas pénalement responsables et qui sont internés dans des foyers pour adolescents. Il faut aussi avoir à l’esprit que ce danger existe de façon générale, lorsqu’une personne est soumise à l’autorité d’une autre personne, ou est dépendante d’une autre personne en raison de sa vulnérabilité. Le traitement des enfants à la crèche ou à l’école, ou le traitement des patients dans les hôpitaux, peut aussi nécessiter une attention à cet égard. La loi répond dans une certaine mesure à ces préoccupations par des dispositions spécifiques visant à prévenir les traitements cruels, inhumains ou dégradants dans ces situations. Les patients sont protégés par la loi sur les droits des patients (no 74/1997) qui porte, notamment, sur le droit du patient de refuser un traitement (voir art. 7) et exige l’autorisation écrite du patient en cas de participation à la recherche médicale, par exemple par l’expérimentation de nouveaux médicaments (art. 10). Ainsi, des dispositions particulières ont été adoptées pour garantir les droits prévus dans la seconde phrase de l’article 7.

Article 8. Interdiction de l’esclavage et du travail forcé

54.La loi islandaise interdit l’esclavage et le travail forcé sous toutes leurs formes, et l’article 68, paragraphe 2, de la Constitution énonce un principe de base dans ce sens. La loi islandaise ne prévoit pas d’obligations civiles qui seraient contraires à cette disposition. Il n’y a jamais eu de service militaire en Islande, et il n’y a pas d’armée islandaise. Dans les domaines qui peuvent se rapporter à cette disposition du Pacte, la législation demeure pour l’essentiel inchangée, et on pourra donc se reporter aux rapports antérieurs de l’Islande.

55.Dans son troisième rapport, l’Islande rendait compte, dans le contexte de l’article 8, d’une nouvelle loi sur le service communautaire (no 55/1994), des buts du service communautaire et des conditions à remplir à cet égard. Depuis lors, plusieurs modifications ont été apportées à cette loi. Par la loi no 123/1997, les dispositions de la loi sur le service communautaire ont été incorporées dans un chapitre spécial de la loi sur les prisons et l’emprisonnement (no 48/1988). Compte tenu des résultats obtenus, l’application du service communautaire a été étendue, et il est désormais possible d’exécuter jusqu’à six mois de service communautaire dans le cadre de l’exécution d’une peine, et non plus de trois mois comme dans la loi initiale. À la suite de cette modification, le nombre des peines ainsi exécutées, en substitution d’une peine d’emprisonnement, a naturellement augmenté. C’est l’Administration des prisons et du régime de probation qui recherche des postes de travail adaptés pour le service communautaire. Cela n’a guère suscité de difficultés, et les travailleurs concernés ont dans tous les cas été bien accueillis. L’Administration des prisons et du régime de probation conclut un contrat avec l’employeur avant le début du service communautaire. Ces contrats, qui sont limités dans le temps et peuvent être résiliés par les deux parties, contiennent des clauses sur les obligations du superviseur du service communautaire. Un représentant de l’Administration des prisons et du régime de probation explique en détail à l’employeur et au superviseur en quoi consiste le service communautaire, en insistant sur leurs devoirs de supervision. Les emplois envisagés pour le service communautaire correspondent depuis le début à des tâches auxiliaires dans les institutions publiques, les institutions recevant des subventions publiques et les associations privées. L’employeur est censé fournir un travail qui puisse être facilement exécuté par des personnes non qualifiées. Il en existe deux catégories: d’une part, le travail purement manuel − nettoyage, entretien ou saisie de données informatiques, par exemple; d’autre part, les soins et l’aide aux activités sociales des jeunes, des personnes âgées ou des personnes souffrant d’un handicap psychique ou autre.

56.Il convient de répéter que nul ne peut être forcé à travailler contre son gré dans le cadre du service communautaire. Conformément à l’article 23 de la loi sur les prisons et l’emprisonnement (no 48/1988), une demande de la personne condamnée, adressée par écrit à l’Administration des prisons et du régime de probation et sollicitant la substitution du service communautaire à l’emprisonnement, est une condition absoluedu service communautaire.

57.On notera que, ces dernières années, il est question en Islande de l’esclavage et du travail forcé dans le contexte de la participation du pays à la coopération internationale sur la lutte contre la criminalité transnationale et la traite des personnes. L’Islande y participe activement, par exemple dans le cadre de la coopération policière, et elle a ratifié ou envisage de ratifier les principaux instruments internationaux applicables dans ce domaine. Le 13 décembre 2000, elle a signé la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, du 15 novembre 2000, ainsi que le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Des mesures sont actuellement prises en vue de la ratification de la Convention et du Protocole, telle l’adoption de la loi no 40/2003 introduisant dans le Code pénal général une disposition spéciale, l’article 227 a), qui repose sur la définition de la «traite des personnes» figurant dans le Protocole. Selon cette nouvelle disposition, toute personne qui commet un des actes suivants aux fins de l’exploitation sexuelle, du travail forcé ou du prélèvement d’organes se rend coupable de traite des personnes et s’expose à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à huit ans:

a)Le recrutement, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de toute personne qui a été soumise à une contrainte illicite punissable en vertu de l’article 225, à une privation de liberté au sens de l’article 226 ou à des menaces au sens de l’article 233, ou qui a été victime d’une tromperie consistant à évoquer, renforcer ou utiliser l’erreur de cette personne quant à sa situation ou commise par d’autres moyens illicites;

b)Le recrutement, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’une personne âgée de moins de 18 ans, ou l’offre de paiement ou d’autres avantages en vue d’obtenir le consentement d’une personne responsable de la garde d’un enfant.

Toute personne qui accepte les paiements ou autres avantages visés à l’alinéa b du paragraphe 1 encourt la même peine.

58.La loi contient désormais des dispositions pénales plus claires que celles qui existaient auparavant en matière de traite des personnes. Avec la ratification du Protocole, les autorités de la police islandaises auront davantage de possibilités de coopérer aux enquêtes internationales sur ce type de délit, d’appliquer les moyens prévus sur le plan international pour lutter contre la criminalité transnationale organisée et de coopérer avec d’autres États parties dans la répression de cette activité.

Article 9. Le droit à la liberté et à la sécurité de la personne

59.Il n’y a pas eu de changements fondamentaux en ce qui concerne la loi ou la pratique relative à la privation de liberté et au statut juridique des personnes privées de liberté depuis l’examen du troisième rapport de l’Islande. Il est clair que tous les droits protégés par l’article 9 du Pacte sont protégés par l’article 67 de la Constitution et, de façon plus détaillée et plus pratique, par le Code de procédure pénale (no 19/1991). L’article 67, paragraphe 5, de la Constitution prévoit le droit à indemnisation pour toute personne privée de liberté sans raison suffisante. L’article 176 du Code de procédure pénale énonce de manière plus détaillée les règles applicables à l’indemnisation au titre de mesures de police. Selon cette disposition, une indemnisation peut être ordonnée en cas d’arrêt, de détention provisoire ou d’autres mesures qui attentent à la liberté, si les conditions fixées par la loi pour de telles mesures n’étaient pas réunies, si les mesures n’étaient pas justifiées dans les circonstances considérées, ou si elles ont été exécutées d’une manière inutilement dangereuse, injurieuse ou offensante. L’article 177 du Code de procédure pénale prévoit séparément le droit à indemnisation d’une personne innocente condamnée pour une infraction pénale, mais aucune action n’a été engagée jusqu’ici sur la base de cette disposition.

60.L’action en indemnisation devant les tribunaux est particulièrement facilitée pour la personne qui considère qu’il a été porté une atteinte illicite à sa liberté, le Code de procédure pénale prévoyant, dans son article 178, que le plaignant a droit à la gratuité de la procédure pour les deux degrés de juridiction. Cette règle a pour objet d’accroître la sécurité offerte par la loi et d’inciter la police à faire preuve de prudence dans l’exécution de ses fonctions. Quelques actions en indemnisation ont été engagées ces dernières années contre l’État sur la base de l’article 176 pour des cas de détention provisoire, mais surtout d’arrestation illicite. La principale question est alors de savoir si l’arrestation était suffisamment justifiée. Entre 1988 et 2003, il y a eu 36 actions en indemnisation pour arrestation par la police et détention de brève durée en cellule. L’État a obtenu gain de cause dans 13 affaires, a été condamné à payer une indemnisation dans 22 affaires et un non‑lieu a été prononcé. Ces chiffres montrent que le recours permettant à une personne arrêtée de demander au tribunal de déterminer si son arrestation était autorisée par les règles pertinentes ou si la police a respecté le principe de proportionnalité dans l’exercice de ses fonctions est réaliste et pratique.

61.On peut peut‑être mentionner que, dans son arrêt du 30 septembre 1999 (affaire no 65/1999), la Cour suprême a examiné le point de savoir si l’article 67 de la Constitution autorisait l’arrestation, dans une affaire où huit manifestants avaient été arrêtés au centre de Reykjavík parce que, pendant le tournage de l’émission de télévision «Good Morning America», diffusée en direct sous les auspices d’une chaîne américaine de télévision, ils avaient brandi des pancartes et crié des slogans contre le Gouvernement des États‑Unis. La Cour suprême a jugé que, en organisant leur manifestation, les participants n’avaient pas troublé l’ordre public ni risqué de provoquer de troubles de l’ordre public et que, en conséquence, les droits que leur reconnaissait l’article 67 de la Constitution avaient été violés. La Cour a ajouté qu’une manifestation de cette nature constituait de façon indubitable une «expression» au sens de l’article 73 de la Constitution, et était donc également protégée par cet article. Pour que des personnes qui manifestent de cette façon puissent être arrêtées, il faudrait une loi spécifique appliquant des critères stricts.

Article 10. Traitement des personnes privées de liberté

62.Il n’y a pas eu de modifications importantes dans le droit islandais en ce qui concerne le traitement des détenus depuis l’examen du troisième rapport par le Comité des droits de l’homme. Le principal texte dans ce domaine est la loi sur les prisons et l’emprisonnement (no 48/1988), qui contient des dispositions relatives à la direction et à l’organisation du système pénitentiaire, aux conditions de détention, aux droits des détenus et au service communautaire. Il y a en Islande cinq établissements pénitentiaires contenant au total 136 places (personnes en détention provisoire et personnes exécutant une peine). En 2003, le nombre journalier moyen de détenus s’est élevé à 116.

63.La loi no 123/1997, entrée en vigueur le 1er janvier 1998, a ajouté à l’article 2 de la loi sur les prisons et la détention une disposition selon laquelle les détenus doivent bénéficier en prison de services de santé comparables à ceux du reste de la population, en plus des services sanitaires et médicaux particuliers prévus dans les lois et règlements relatifs aux détenus. Le Ministère des affaires sociales et de l’assurance sociale est responsable de la prestation des soins médicaux dans les prisons après consultation de l’Administration des prisons et du régime de probation. Cette modification de la loi avait essentiellement pour but de répondre aux recommandations faites par le Comité européen pour la prévention de la torture après son séjour en Islande au cours de l’été 1993. Les conclusions de ce comité étaient décrites dans les observations relatives à cet article du Pacte qui figuraient dans le troisième rapport de l’Islande.

64.Le Comité européen pour la prévention de la torture s’est rendu à nouveau en Islande au cours de l’été 1998, et il a inspecté des établissements pénitentiaires, des commissariats de police et des institutions psychiatriques. Dans son rapport du 10 décembre 1998, le Comité a déclaré que, au cours de sa visite, il n’avait pas reçu d’accusations de torture ni eu autrement connaissance de tels actes. Le Comité a aussi déclaré qu’il avait très rarement été allégué devant lui que la police soumettait les individus à d’autres brutalités et que les allégations qu’il avait entendues concernaient essentiellement l’emploi inutile de la force par la police lors d’arrestations. Le Comité a conclu que les personnes privées de leur liberté par la police ne couraient guère de risques d’être maltraitées. À la suite de cette visite, le Comité a fait diverses recommandations aux autorités islandaises en vue d’améliorations possibles. Il a notamment recommandé d’améliorer les installations utilisées pour la détention provisoire dans certains postes de police, ainsi que les installations prévues pour les étrangers qui n’ont pas eu l’autorisation d’entrer en Islande à l’aéroport de Keflavik et qui, sous contrôle de la police, attendent dans la zone de transit un vol pour quitter le pays. Le Comité a fait quelques observations au sujet des prisons qu’il avait visitées, par exemple sur l’équipement de certaines cellules qu’il avait inspectées. Enfin, il a fait certaines recommandations concernant les services médicaux aux détenus. Le manque de services psychiatriques et l’absence de toutes politiques ou directives visant à prévenir les suicides en prison avait préoccupé le Comité. Les autorités islandaises ont pris diverses mesures pour donner suite aux recommandations du Comité. Une nouvelle loi générale sur les établissements pénitenciers et les questions relatives aux détenus est en préparation, comme on le verra plus loin. On trouvera d’autres renseignements sur la visite et les conclusions du Comité dans le texte même du rapport, à l’adresse Internet http://www.cpt.coe.int/documents/isl/1990‑01‑inf‑eng.htm, et les réponses du Gouvernement islandais à l’adresse http://www.cpt.coe.int/documents/isl/1999‑13‑inf‑eng.htm.

65.Bien que l’Islande n’ait pas retiré sa réserve à l’article 10, paragraphe 2 b), et à la deuxième phrase du paragraphe 3 de cet article concernant la séparation entre les jeunes détenus et les adultes, cette séparation existe dans les faits, même si la loi ne la prévoit pas dans tous les cas. Un progrès important a été réalisé vers cet objectif en octobre 1998, date à laquelle l’Administration des prisons et du régime de probation et le Bureau de la protection de l’enfance, organisme central chargé de la protection des enfants en Islande, ont conclu un contrat de coopération dont l’objectif était l’hébergement des détenus de moins de 18 ans dans des foyers administrés selon la loi sur la protection de l’enfance, et offrant un traitement spécial adapté à leur âge et à leur situation juridique. Ce contrat, renouvelé le 5 novembre 1999, représente un effort pour respecter les obligations découlant de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que de l’article 10, paragraphe 3, du Pacte concernant la séparation des jeunes détenus d’avec les adultes.

66.Comme il n’y a pas en Islande de prison pour mineurs, les dispositions pertinentes de la Convention relative aux droits de l’enfant ne peuvent être respectées que de cette manière. En ce qui concerne le placement en général, il est soumis aux règles qui s’appliquent au placement des mineurs dans des foyers de traitement, sous la supervision du Bureau de la protection de l’enfance. Lorsque l’Administration des prisons et du régime de probation reçoit l’ordre d’exécuter un jugement par lequel une personne de moins de 18 ans a été condamnée sans conditions, elle doit en avertir immédiatement le Bureau de la protection de l’enfance. Celui‑ci examine la possibilité pour le jeune condamné d’exécuter sa peine dans un foyer de traitement, sous réserve qu’il souhaite le faire. Si la chose est possible, le Bureau de la protection de l’enfance demande l’avis du Comité pour le bien‑être des enfants compétent. Il en va de même en cas de détention provisoire d’un mineur, mais le placement se fait alors également en consultation avec l’autorité chargée de l’enquête. Le Bureau de la protection de l’enfance choisit le foyer de traitement dans chaque cas et il évalue notamment si l’intéressé doit être placé pour diagnostic et traitement dans le foyer de traitement d’État Stuðlar. Avant la décision sur le placement, il faut qu’un accord soit conclu par écrit avec le détenu et son responsable légal au sujet du placement et du traitement pour une période d’au moins six mois, quelle que soit la durée de la peine, ou que le Bureau de la protection de l’enfance ait pris une décision formelle. Cet accord doit indiquer ce que le traitement comportera et quelles sont les dispositions légales applicables. Il doit être aussi prévu que, si le détenu enfreint les conditions qui ont été fixées ou le règlement du foyer de traitement, par exemple en quittant le foyer ou en tentant de le faire, il sera immédiatement transféré dans un établissement pénitentiaire pour y exécuter le reste de sa peine. Cela s’applique aussi si le jeune condamné réside dans le foyer au moment où est reçu l’ordre d’exécution du jugement. Le Bureau de la protection de l’enfance s’engage à offrir aux détenus qui atteignent l’âge de 18 ans pendant qu’ils résident dans un foyer de traitement d’y rester pour une durée maximum de six mois, ou jusqu’à la fin de leur peine.

67.Une réforme complète de l’organisation pénitentiaire et des règles régissant les droits des détenus est actuellement en cours. Une nouvelle loi générale sur l’exécution des peines est en préparation, et un projet a été soumis à cette fin au Parlement à l’automne 2003. Ce projet propose de regroupe une multitude de dispositions légales et administratives concernant l’exécution des peines dans un seul et même texte régissant les droits et les devoirs des personnes condamnées. L’objectif est à la fois de clarifier les règles actuellement en vigueur et de renforcer la base légale de diverses dispositions. Par exemple, le projet contient diverses dispositions sur les droits et devoirs des détenus en ce qui concerne l’utilisation du téléphone et la correspondance, les objets que les détenus sont autorisés à conserver dans leur cellule, leur droit à des activités extérieures et à des activités de loisirs, l’hygiène, l’accès aux médias pour se tenir au courant de l’actualité et le droit d’entrer en contact avec un prêtre ou autre représentant d’une organisation religieuse enregistrée. Le projet a en outre pour but d’améliorer la sûreté et la sécurité en prison, dans l’intérêt des détenus et celui du personnel. Il prévoit une obligation de secret, analogue à celle qui s’applique au personnel de police. Il propose aussi que les gardiens de prison soient autorisés par la loi à faire usage de la force, à condition de rester dans les strictes limites de ce qui est nécessaire. Ces principes sont déjà appliqués mais ils n’ont jamais été inscrits dans la loi. À cet égard, le projet prend pour modèle les dispositions de la loi sur la police qui autorisent la police à faire usage de la force. Il contient aussi des dispositions visant à empêcher de faire parvenir clandestinement aux détenus des objets et substances interdits dans les prisons, en proposant d’autoriser la fouille des personnes qui rendent visite aux détenus. La remise ou la tentative de remise de tels objets ou substances aux détenus est également déclarée punissable dans le projet.

68.Après sa présentation, le projet a donné lieu à des débats nourris, et il a été critiqué comme ne garantissant pas suffisamment certains droits des détenus ou allant trop loin dans la restriction de ces droits. Des modifications sont en cours pour tenir compte de ces critiques, et le projet devrait être présenté à nouveau au Parlement au cours de l’automne 2004.

Article 11. Interdiction de l’emprisonnement pour incapacité

d’exécuter une obligation contractuelle

69.On trouvera des explications sur l’application de cette disposition dans les deuxième et troisième rapports de l’Islande. Il n’y a pas eu de modifications dans la loi ni dans la pratique islandaises en ce qui concerne les droits prévus par cet article, qui sont intégralement garantis en conformité avec ses dispositions.

Article 12. Liberté de circulation

70.Il n’y a pas eu de modifications dans la loi ou la pratique de l’Islande concernant cette disposition du Pacte depuis l’examen du troisième rapport de l’Islande. L’article 66, paragraphe 3, de la Constitution dispose que nul ne peut se voir interdire de quitter l’Islande sauf par décision judiciaire; toutefois, une personne peut être empêchée de quitter l’Islande par une arrestation légale. Le paragraphe 4 ajoute que toute personne séjournant régulièrement en Islande est libre de choisir son lieu de résidence et jouit de la liberté de se déplacer sous réserve des éventuelles restrictions établies par la loi. Ces deux dispositions ont été introduites en 1995, sur le modèle de l’article 12 du Pacte et de l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention européenne des droits de l’homme. Les tribunaux islandais n’ont pas eu à juger d’affaires dans lesquelles ces dispositions constitutionnelles auraient été invoquées.

Article 13. Le statut juridique des étrangers en cas de

refus d’admission ou d’expulsion

71.L’article 66, paragraphe 2, de la Constitution énonce le principe selon lequel le droit des étrangers de pénétrer en Islande et d’y séjourner, et les raisons pour lesquelles ils peuvent être expulsés, doivent être inscrits dans la loi. Cette disposition a été introduite dans la Constitution en 1995 et le commentaire qui l’accompagnait indiquait que l’article 13 du Pacte avait été l’une des dispositions internationales prises pour modèle.

72.Des modifications importantes concernant cette disposition ont été introduites dans le droit islandais depuis l’examen du troisième rapport de l’Islande, et une évolution notable a eu lieu. Le changement le plus important a été apporté par la nouvelle loi générale sur les étrangers (n° 96/2002), approuvée au printemps 2002 mais entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Ce texte a remplacé la loi sur le régime applicable aux étrangers (n° 42/1965); bien que celle‑ci ait subi diverses modifications, la nécessité d’une réforme globale était devenue apparente, car on manquait singulièrement de dispositions claires sur les questions relatives aux étrangers et à leur statut juridique, y compris sur la procédure en cas de refus d’admission, les questions relatives aux demandeurs d’asile, etc.

73.La nouvelle loi contient des dispositions détaillées sur le statut juridique des étrangers en Islande à leur arrivée, pendant leur séjour et à leur départ, et prévoit aussi le droit des réfugiés de demander l’asile en Islande et d’être protégés contre les persécutions. Elle est, dans une certaine mesure, calquée sur la loi norvégienne relative aux étrangers, la Norvège et l’Islande étant les seuls pays nordiques qui sont parties à l’Accord sur l’espace économique européen et ne sont pas membres de l’Union européenne, et étant aussi dans une position analogue vis-à-vis de l’Union européenne, puisqu’ils participent tous deux à la coopération Schengen. La caractéristique principale de la coopération Schengen est que la liberté de circulation à travers les frontières internes des États participants est garantie et les contrôles d’identité des individus voyageant entre ces États sont supprimés. La coopération Schengen s’étend aussi à d’autres aspects touchant à la législation sur les étrangers, par exemple les contrôles coordonnés de personnes aux frontières extérieures des États qui constituent l’espace Schengen, la coopération en matière de visas, qui comprend entre autres choses l’établissement d’un visa uniforme valide dans tous les États de l’espace Schengen, et des règles communes sur certains aspects de la procédure concernant les demandes d’asile.

74.La responsabilité des questions régies par cette loi incombe au premier chef au Ministre de la justice, qui édicte les dispositions administratives concernant le droit des étrangers de pénétrer en Islande et d’y demeurer. Pour certains aspects, l’application de la loi relève de la Direction de l’immigration −  organe administratif central indépendant couvrant l’ensemble du pays et relevant du Ministère de la justice − et aussi de la police.

75.Les règles sur le refus d’admission des étrangers sont énoncées dans les articles 20 à 22 de la loi, telle qu’elle a été modifiée par la loi no 20/2004. Les motifs de refus d’admission, qui sont limitativement énumérés à l’article 20, correspondent à trois situations: premièrement, lorsqu’un étranger a violé les dispositions de cette loi, réside illégalement dans le pays ou n’a pas obéi à une décision impliquant pour lui l’obligation de quitter le pays; deuxièmement, lorsqu’un l’étranger a été condamné pour une infraction grave; troisièmement, lorsque cette mesure est nécessaire pour la sécurité nationale. Diverses restrictions au refus d’admission sont prévues à l’article 20, paragraphe 2, et à l’article 21 pour les étrangers nés en Islande ou possédant un permis de séjour dans ce pays.

76.La Direction de l’immigration a le pouvoir de décider de refuser l’admission (art. 22, par. 1). Le chapitre V de la loi contient des règles de procédure détaillées pour tous les cas se rapportant aux droits et obligations des étrangers, y compris le refus d’admission. Ces règles réaffirment certains des principes qui s’appliquent en vertu des dispositions de la loi sur les procédures administratives (no 97/1993), par exemple en ce qui concerne le droit de contestation et l’obligation d’information mais, à d’autres égards, cette dernière loi est d’application directe. Selon l’article 30 de la loi sur les étrangers, la décision de refus d’admission peut toujours être contestée devant le Ministre de la justice, qui réexamine la décision et la confirme ou l’annule. L’étranger doit être informé de son droit de recours, et il doit déposer le recours dans les 15 jours de la notification de la décision.

77.L’article 34 de la loi, modifié par la loi no 20/2004, prévoit l’aide judiciaire aux étrangers. En cas de recours contre une décision concernant un refus d’admission, une expulsion ou la révocation d’un permis, et dans les cas concernant les demandes d’asile, l’étranger a droit à ce qu’un porte‑parole soit désigné par l’autorité administrative pertinente, qui doit en informer l’étranger. Cette disposition ne s’applique cependant pas aux cas d’expulsion pour condamnation pénale en Islande ou ailleurs, ni au cas où la demande d’asile n’est pas examinée en Islande, mais dans un autre État partie à la Convention de Dublin (aujourd’hui Règlement no 343/2003 du Conseil de l’Union européenne en date du 18 février 2003), car il s’agit alors de décider en même temps si un étranger aura la qualité de réfugié ou pas. Les dispositions du Code de procédure pénale sur les avocats de la défense s’appliquent en ce qui concerne l’aide judiciaire aux étrangers. Le remboursement des frais afférents à l’aide judiciaire sera réclamé en tout ou en partie à l’étranger, si celui‑ci a les moyens de les payer.

78.En 2002, 20 étrangers ont été expulsés d’Islande sur la base de la loi alors en vigueur, qui prévoyait des conditions d’expulsion identiques à celles de la nouvelle loi. Trois de ces décisions ont été contestées auprès du Ministère de la justice qui les a confirmées. Le motif de l’expulsion, dans 15 affaires, était que les personnes en cause avaient été reconnues coupables de violations de la loi sur les stupéfiants ou de violations graves des dispositions relatives à l’abus de stupéfiants du Code pénal général. Dans deux affaires, l’expulsion avait pour motif une condamnation prononcée en vertu d’autres dispositions du Code pénal général (fraude et délit sexuel) et, dans trois autres cas, des violations de la législation relative aux étrangers. En 2003, 29 étrangers ont été expulsés sur la base des dispositions de la nouvelle loi. Deux décisions ont fait l’objet d’un recours auprès du Ministère de la justice, qui a confirmé la décision de l’Office de l’immigration dans un cas et annulé la décision dans l’autre. Les décisions relatives à l’expulsion et à l’interdiction de retour sur le territoire étaient essentiellement motivées par des condamnations pénales pour violation des dispositions sur l’abus des stupéfiants (9 cas), pour violation du Code pénal général (14 cas) et violation de la loi relative aux étrangers (un cas). De plus, cinq étrangers ont été expulsés parce qu’ils séjournaient illégalement en Islande, ce qui constitue aussi une violation de la loi relative aux étrangers.

Article 14. Le droit à un procès équitable

79.Quelques modifications ont été apportées aux lois relatives à l’organisation judiciaire et à la procédure depuis l’examen du troisième rapport. Les grands principes de l’article 14 du Pacte sont repris dans l’article 70 de la Constitution, qui a été ajouté à la Constitution en 1995 et affirme le droit à un procès équitable.

80.Comme il est dit dans la partie générale de ce rapport, une nouvelle loi sur la justice (no15/1998) est entrée en vigueur le 1er juillet 1998. Elle concerne l’organisation judiciaire en Islande, les juridictions inférieures et la Cour suprême, les droits et devoirs des magistrats et le fonctionnement interne des tribunaux. L’un des principaux objectifs de cette loi était de renforcer encore l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux autres branches du gouvernement. À cette fin, la loi a créé une institution distincte, le Conseil judiciaire, à qui ont été transférées toutes les fonctions administratives des tribunaux de district relevant jusque‑là du Ministère de la justice.

81.Plusieurs modifications ont été apportées aux règles de procédure en matière pénale, pour garantir le statut juridique du défendeur et affirmer divers droits protégés par l’article 14 du Pacte, et aussi pour améliorer le statut de la victime dans le procès pénal. Ces modifications ont leur origine, en partie, dans des décisions et arrêts rendus par la CEDH dans des affaires mettant en cause l’Islande et se rapportant à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et à d’autres règles de procédure énoncées dans le protocole no 7 à la Convention. Les affaires en question sont brièvement décrites dans la partie générale de ce rapport. Les modifications au Code de procédure pénale (no 19/1991) qui ont le plus d’importance pour l’article 14 du Pacte ont été adoptées par la loi no 36/1999 qui est entrée en vigueur le 1er mai 1999. L’une des modifications apportées par cette loi concernait les dispositions de l’article 175 du Code de procédure pénale sur l’indemnisation. Auparavant, cet article disposait que, si une personne placée en détention provisoire dans le cadre d’une enquête de police engageait une action en indemnisation après un jugement d’acquittement, il n’y avait pas lieu de lui accorder une indemnisation sauf si son innocence était plus vraisemblable que sa culpabilité. Ainsi, le tribunal saisi de l’action en indemnisation devait en fait apprécier à nouveau si le plaideur était coupable, alors que le juge pénal avait déjà conclu qu’il ne l’était pas. Compte tenu du principe de la présomption d’innocence jusqu’à la preuve de la culpabilité − voir l’article 14, paragraphe 2, du Pacte, l’article 70, paragraphe 2, de la Constitution et l’article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme − ainsi que de la règle selon laquelle toute personne privée de liberté sans cause légitime a droit à une indemnisation − voir l’article 9, paragraphe 5, du Pacte, l’article 67, paragraphe 5, de la Constitution et l’article 5, paragraphe 5, de la Convention européenne des droits de l’homme − cette condition a été supprimée de la loi. Après cette modification, l’affaire Vilborg Yrsa Sigurðardóttir c. Islande (requête no 32451/96), dans laquelle cette condition devait être examinée par la CEDH, a été réglée à l’amiable entre les parties le 30 mai 2000.

82.L’un des principaux buts des modifications apportées par la loi no 36/1999 était de renforcer le statut juridique des victimes d’infraction. Un effort particulier a été fait pour améliorer le statut, dans le procès pénal des victimes de toutes les formes de violence, et une attention particulière a été prêtée aux enfants victimes, ce qui a conduit à prévoir les mesures à prendre lorsqu’un enfant est appelé à déposer. La raison en est que, souvent, les victimes d’une infraction pénale ont, plus que les autres, des intérêts particuliers qui doivent être protégés dans le procès, même si elles n’y sont pas parties au même titre que le défendeur ou le ministère public. La principale modification à cet égard est que la nomination ou la désignation d’un représentant de la victime qui sera chargé de défendre les intérêts de celle‑ci pendant la procédure dans les cas de violence ayant entraîné un préjudice important, lorsque l’assistance spéciale d’un tel représentant est nécessaire, est désormais obligatoire. Cette obligation est encore plus stricte lorsque l’on soupçonne des violences sexuelles contre des personnes âgées de moins de 18 ans: celles‑ci ont le droit d’être représentées en toutes circonstances. Par ailleurs, le législateur a ajouté des dispositions obligeant la police à informer la victime des droits qui sont les siens en vertu de la loi, ainsi qu’une disposition selon laquelle, en cas d’enquête sur un délit sexuel que l’on soupçonne avoir été commis contre une personne âgée de moins de 18 ans, le juge reçoit la déclaration de la victime présumée dès que possible, c’est‑à‑dire avant la mise en accusation.

83.Des modifications ont été apportées à la loi en vue de renforcer l’application de l’article 14, paragraphe 5, du Pacte. Elles ont leur origine dans une affaire portée devant la CEDH et intéressant l’Islande: il s’agit de l’affaire Siglfirðingur ehf c. Islande(requête no 34142/96), qui portait sur une violation de l’article 2 du Protocole no 7 à la Convention européenne et dans laquelle le requérant se plaignait de ce que la décision du tribunal du travail − tribunal ayant compétence spéciale pour les affaires de droit du travail − lui imposant une amende n’était pas susceptible de recours devant la Cour suprême. L’affaire a été conclue par voie de règlement amiable devant la CEDH le 30 mai 2000, à la suite de quoi la loi no 20/2001 a modifié la loi sur les syndicats et les conflits du travail (no 80/1938) de manière à permettre le recours devant la Cour suprême en cas d’imposition d’une amende par le tribunal du travail.

84.Comme il est indiqué dans la partie générale du présent rapport, la CEDH a conclu dans deux affaires contre l’Islande en 2003 qu’il y avait eu violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans la première décision, l’arrêt rendu le 10 avril 2003 dans l’affaire Pétur Thór Sigurðsson(requête no 39731/98), la CEDH a conclu qu’un juge de la Cour suprême n’avait pas été impartial dans un procès auquel le requérant était partie. Dans la seconde décision, l’arrêt rendu le 15 juillet 2003 dans l’affaire Sigurþór Arnarsson(requête no 44671/98), la CEDH a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, le requérant ayant été reconnu coupable d’une infraction pénale par la Cour suprême, alors qu’il avait été acquitté en première instance, sans que la Cour suprême ait procédé à l’audition du requérant ni à celle des témoins, la Cour ayant fondé sa décision sur les transcriptions des débats de la juridiction inférieure. Dans ces deux affaires, les demandeurs ont été indemnisés comme la CEDH l’avait ordonné. Toutefois, ces décisions n’appelaient pas de modification de la loi islandaise, car seules étaient en question l’application et l’interprétation de lois qui, en elles‑mêmes, sont conformes aux exigences procédurales de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

85.On notera finalement que diverses décisions rendues ces dernières années par les tribunaux islandais ont donné lieu à l’interprétation de l’article 70 de la Constitution sur des questions telles que l’accès aux tribunaux, le droit à un procès équitable, les droits de la défense, les retards de la procédure etc. Un arrêt de la Cour suprême datant du 18 décembre 2000 (affaire no 419/2000) mérite une mention spéciale: l’affaire mettait en cause les restrictions imposées par la loi sur l’enfance alors en vigueur (no 20/1992) en ce qui concerne le droit des hommes à avoir la qualité de demandeur dans les procès en reconnaissance de paternité, ce droit d’intenter un procès de ce type étant réservé aux mères et aux enfants. En statuant sur cette affaire, la Cour suprême s’est référée aux modifications apportées à la Constitution après l’entrée en vigueur de la loi sur l’enfance, qui consistaient à insérer dans ses articles 65 et 70 des dispositions sur l’égalité des citoyens et leur droit d’obtenir des décisions judiciaires déterminant leurs droits et leurs obligations. La Cour a également déclaré qu’il était important, dans l’intérêt de l’enfant, que l’identité de son père soit correctement établie. Elle a donc jugé qu’une loi restreignant dans ces circonstances le droit d’un homme d’obtenir une décision de justice dans une affaire intéressant ses droits était contraire à l’article 70 de la Constitution − et donc à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme − et elle a rejeté l’argument selon lequel des raisons matérielles suffisantes justifiaient la distinction opérée par la loi sur l’enfance s’agissant des parties aux procès en reconnaissance de paternité. Par référence à l’article 70 de la Constitution, la Cour a donc conclu que les restrictions apportées par la première phrase de l’article 43, paragraphe 1, de la loi sur l’enfance empêchaient M. X. d’obtenir une décision de justice sur le fond de sa demande. La loi ayant été jugée contraire à la Constitution, les restrictions en question ont été supprimées de la nouvelle loi sur l’enfance (no 76/2003).

Article 15. Pas de peine sans loi

86La législation générale concernant les droits prévus à l’article 15 du Pacte n’a pas été modifiée depuis l’examen du troisième rapport par le Comité des droits de l’homme. Comme il était indiqué dans ce rapport, ces droits sont désormais particulièrement protégés par l’article 69, paragraphe 1, de la Constitution. Bien que cette disposition ait été insérée pour la première fois dans la Constitution en 1995, les droits correspondants sont protégés par la loi pénale islandaise depuis des décennies, et ils sont considérés comme faisant partie des principes fondamentaux du droit pénal islandais.

87.Il existe déjà une certaine pratique quant à l’application de cette disposition constitutionnelle par les juridictions islandaises, mais les problèmes dont elles ont eu à connaître concernent tous la question de savoir si les lois pénales sont suffisamment précises et prévisibles pour répondre aux conditions énoncées à l’article 69, paragraphe 1. Durant cette période, aucune décision n’a été rendue à propos de la rétroactivité de dispositions pénales.

Article 16. Le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique

88.La législation islandaise est en tous points conforme à cette disposition du Pacte, même si la règle n’est pas expressément énoncée. La législation et la pratique relatives à la portée de l’article 16 du Pacte sont restées inchangées depuis l’examen du troisième rapport de l’Islande et il ne s’est posé aucune question à leur sujet.

Article 17. Le droit au respect de la vie privée

89.Comme il a été indiqué dans le troisième rapport de l’Islande, les dispositions constitutionnelles relatives à la protection de la vie privée ont fait l’objet d’une révision importante en 1995, le libellé de la disposition précédemment en vigueur ayant été restreint à l’inviolabilité du domicile et de la correspondance, en vue principalement de soumettre à certaines conditions l’exercice des pouvoirs de police quant aux investigations touchant ces droits. L’article 71 de la Constitution comporte désormais une disposition prévoyant expressément que nul ne peut faire l’objet d’ingérences dans sa vie privée, son domicile ou sa vie familiale. Les deuxième et troisième paragraphes de l’article imposent des conditions précises à d’éventuelles restrictions de cette liberté, à savoir que celles‑ci doivent être prévues par la loi et, dans certains cas également, par une décision judiciaire, et qu’elles doivent viser un certain but. L’article 17 du Pacte ayant une portée très large, il est évident qu’il n’est pas donné effet à chacune de ses dispositions par une seule loi, mais il y a de nombreuses lois en vigueur en Islande qui visent à protéger les droits consacrés à l’article 17, ou à influer sur ces droits d’une manière ou d’une autre.

90.Parmi les diverses lois relatives à l’article 17 du Pacte qui ont été adoptées en Islande depuis l’examen du troisième rapport, la plus importante est sans aucun doute la loi sur la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, no 77/2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2002, qui a remplacé la loi no 121/1989 précédemment applicable dans le même domaine. Cette révision d’ensemble s’explique principalement par l’entrée en vigueur d’une nouvelle directive de l’Union européenne sur ces questions, la Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995. Il est indiqué dans l’exposé des motifs de la loi adoptée que celle‑ci vise notamment à se conformer aux exigences de divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme concernant le droit au respect de la vie privée. Les dispositions visées à cet égard sont notamment l’article 17 du Pacte, ainsi que la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies no 45/95 du 14 décembre 1990 (Principes directeurs pour la réglementation des fichiers personnels informatisés) et les Conventions du Conseil de l’Europe relatives aux normes minimales à respecter pour le traitement de données personnelles. La nouvelle loi est très précise, et on se bornera ici à en indiquer quelques traits essentiels concernant sa teneur et ses objectifs.

91.Les dispositions de fond de la loi se décomposent en sept chapitres: le chapitre premier concerne les objectifs, les définitions et le champ d’application; le chapitre II les conditions générales de traitement des données à caractère personnel; le chapitre III l’obligation de publicité et la fourniture d’informations, d’avertissements et de motifs; le chapitre IV les rectifications, l’effacement, le verrouillage, etc.; le chapitre V le transfert de données à caractère personnel vers des pays étrangers; le chapitre VI l’obligation de notification, les conditions d’autorisation, etc.; et le chapitre VII les contrôles et les sanctions. La loi s’applique à tout traitement électronique de données à caractère personnel, ainsi qu’à leur traitement manuel, si ces données font ou doivent devenir partie intégrante d’un fichier, ce qui élargit quelque peu la définition du champ d’application par rapport à la loi précédente. Cette définition tient compte des dispositions de l’article 3 de la Directive de l’Union européenne selon lesquelles cette directive s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier. La nouvelle loi a créé un organe administratif distinct, l’autorité de protection des données, qui est chargée de contrôler l’application de la loi. L’autorité exerce ses fonctions en toute indépendance et ses décisions ne sont pas susceptibles de recours devant une instance supérieure comme un ministère, mais elles peuvent faire l’objet d’une demande d’annulation devant les tribunaux. La loi renforce considérablement les droits des personnes auxquelles se rapportent les données, c’est‑à‑dire les personnes concernées, de trois façons. Tout d’abord, le responsable du traitement est tenu de prendre diverses mesures de sa propre initiative, afin que toute personne concernée puisse exercer les droits prévus. Ainsi, le responsable du traitement, c’est‑à‑dire celui qui détermine la finalité de l’enregistrement, est tenu de fournir à la personne concernée certaines informations lorsqu’il procède à la collecte de données la concernant. Deuxièmement, la loi prévoit un certain nombre de droits supplémentaires ou élargis, que la personne concernée exerce de sa propre initiative. Le droit à une information générale sur le traitement des données, et les règles régissant le droit de toute personne concernée de connaître la logique des décisions prises, en sont quelques exemples. Troisièmement, la loi prévoit un contrôle général, en ce que l’autorité de protection des données doit tenir un registre de tous les traitements notifiés et autorisés. Ce registre est ouvert au public.

92.La Cour suprême a rendu un certain nombre d’arrêts concernant l’article 71 de la Constitution, à propos de questions comme les mesures d’investigation de la police, la protection de la réputation, et la protection de données à caractère personnel. Elle a notamment rendu un arrêt touchant à l’un des sujets les plus controversés en Islande ces dernières années, à savoir la loi relative à la base de données du secteur de la santé (no 139/1998), qui est entrée en vigueur le 30 décembre 1998. L’objet de la loi était de permettre la constitution et l’utilisation d’une base de données centralisée contenant des données provenant de dossiers de patients des services de santé censés rester anonymes, afin d’améliorer par la connaissance de ces données la santé publique et le service de soins de santé. Le traitement des dossiers, des données et des renseignements sera soumis aux conditions jugées nécessaires dans chaque cas par l’autorité de protection des données. Un patient peut décider que des renseignements le concernant ne doivent pas être transférés dans la base de données, et en aviser le directeur général de la santé.

93.Le 27 novembre 2003, la Cour suprême (affaire no 151/2003) a fait droit à la requête d’une femme contre la République d’Islande tendant à faire annuler le rejet, par le directeur général de la santé, de sa demande visant à ce que les données médicales relatives à son père décédé, consignées dans des revues médicales, ne soient pas transférées à la base de données du secteur de la santé. La Cour, après avoir constaté que les revues médicales contiennent des données très diverses sur la santé de patients, les traitements médicaux, les modes de vie et les conditions sociales, le travail et la situation familiale, ainsi qu’une claire identification de la personne à laquelle les données se rapportent, a conclu que les dispositions de l’article 71, paragraphe 1, de la Constitution garantissant à toute personne la protection de sa vie privée, visaient incontestablement ces données. La Cour a admis que le codage dit unilatéral de données à caractère personnel pouvait être pratiqué avec un degré de sécurité rendant le décodage quasiment impossible. En revanche, il fallait tenir compte du fait que la loi no 139/1998 ne précisait pas davantage quelles données tirées de revues médicales devaient être codées de cette manière, ni si des données particulières contenues dans ces revues ne devaient pas être transférées dans la base de données. La Cour a également considéré que, bien qu’il soit affirmé à plusieurs reprises dans diverses dispositions de la loi no139/1998 que les données médicales contenues dans la base de données du secteur de la santé devaient rester anonymes, aucune disposition légale ne garantissait effectivement la réalisation de cet objectif déclaré. En l’absence de critères légaux, les obligations imposées au législateur par l’article 71, paragraphe 1, de la Constitution ne pouvaient pas être remplacées par les diverses mesures de contrôle relatives à la préparation et la gestion de la base de données. Compte tenu de ces considérations ainsi que des principes du droit islandais concernant la protection de la vie privée, il a été fait droit aux demandes de la requérante.

94.Cette décision a considérablement ravivé le débat, au sein de la société, sur la base de données du secteur de la santé. Il ressort clairement de l’arrêt que le fonctionnement de la base de données en soi n’est pas jugé contraire à l’article 71 de la Constitution. L’arrêt exige cependant expressément que ses conditions de fonctionnement soient définies par la loi, laquelle devrait aussi préciser les données dont l’anonymat doit être garanti . Ainsi, le fait de confier aux autorités administratives la tâche de préciser les règles sur des questions d’une telle importance touchant à la vie privée a été jugé contraire à l’article 71. Une révision de la loi no 139/1998 a, depuis, été entreprise, mais la base de données du secteur de la santé n’a pas encore été mise en service, et aucune donnée n’y a été transférée jusqu’à présent.

Article 18. Liberté de conscience et de conviction religieuse

95.Nous renvoyons aux deuxième et troisième rapports de l’Islande en ce qui concerne la protection constitutionnelle des convictions religieuses. Les droits consacrés à l’article 18 sont protégés par les articles 63 et 64 de la Constitution, dont le libellé a été quelque peu modifié en 1995, comme il est indiqué dans le troisième rapport.

96.Une communauté religieuse n’est pas tenue par la loi de solliciter une autorisation préalable pour entreprendre une activité, et aucun enregistrement auprès des autorités n’est nécessaire. De telles conditions ne seraient pas compatibles avec l’article 63 de la Constitution, aux termes duquel les citoyens ont le droit de se réunir en communautés religieuses et de pratiquer leur religion sans ingérence des autorités publiques. L’enregistrement d’une communauté religieuse est néanmoins nécessaire pour permettre à ses responsables de célébrer des cérémonies ayant des incidences juridiques, comme les mariages. De même, l’enregistrement est une condition requise pour que l’État puisse percevoir l’impôt au bénéfice de la communauté auprès de ses membres. C’est pourquoi il a été jugé nécessaire d’édicter des dispositions définissant les conditions d’enregistrement des communautés religieuses, ainsi que les droits et obligations de celles‑ci.

97.Une nouvelle loi générale sur les communautés religieuses enregistrées (no 108/1999) a été adoptée depuis l’examen du troisième rapport, et vise à préciser les modalités d’application des dispositions constitutionnelles pertinentes. Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, a remplacé la loi relative aux communautés religieuses (no 18/1975). La nouvelle loi a modifié à de nombreux égards le cadre juridique de l’activité des communautés religieuses enregistrées. Les principaux aspects en sont exposés ci‑après.

98.Tout d’abord, comme le sous‑entend l’intitulé de la loi no 108/1999, celle‑ci ne s’applique qu’aux communautés religieuses enregistrées, et ne vise nullement celles qui n’ont pas demandé leur enregistrement. Il n’y a donc aucune raison pour que les autorités publiques collectent des données sur ces communautés ou les fassent enregistrer. Deuxièmement, la loi fixe expressément les conditions à remplir pour l’enregistrement. Son article 3 prévoit que, pour être enregistrée, une communauté doit pratiquer une foi ou une croyance liée aux religions enracinées dans l’histoire ou la culture de l’humanité. Il en découle qu’un groupe de personnes ne saurait instituer une communauté religieuse sans aucune référence aux religions reconnues dans le monde, afin d’obtenir une part de l’impôt sur le revenu qui revient aux communautés religieuses enregistrées. Troisièmement, la nouvelle loi n’exige plus que le responsable d’une communauté religieuse enregistrée soit un citoyen islandais. La suppression de cette condition profite aux communautés religieuses exerçant leur activité en Islande qui ont des liens avec des structures transnationales. En réalité, son intérêt est limité dans la mesure où, par exemple, les fonctions officielles de ces responsables sont limitées à la célébration des cérémonies de mariage, la délivrance de certificats, et la remise de rapports aux autorités publiques. Quatrièmement, les règles sont précisées en ce qui concerne le contrôle financier des communautés religieuses enregistrées. Ces communautés disposent de ressources légales perçues pour leur compte par l’État qui leur attribue une certaine proportion de l’impôt sur le revenu. Il est donc raisonnable qu’une communauté fournisse un état de l’utilisation des fonds qui lui sont attribués sur la base des dispositions de la loi relative à l’impôt paroissial.

99.Aux termes de l’article 62 de la Constitution, l’Église évangélique luthérienne est l’Église nationale d’Islande, suivant un arrangement en vigueur depuis la première Constitution écrite de l’Islande en 1874. L’article 62, paragraphe 2, prévoit que cet arrangement peut être modifié par une loi, mais l’article 79, paragraphe 2, de la Constitution précise qu’une telle modification doit être soumise à référendum. Une grande majorité de la population, supérieure à 86 %, appartient à  l’Église nationale, mais cette proportion a quelque peu diminué au cours de la dernière décennie. Ces dernières années, des voix se sont élevées publiquement pour demander une révision constitutionnelle de l’organisation de l’Église nationale, mais aucune proposition en ce sens n’a été approuvée par le Parlement.

100.Au 1er décembre 2003, le nombre de membres enregistrés des communautés religieuses en Islande, et celui des personnes n’appartenant à aucune communauté religieuse, étaient les suivants:

Total

Population totale

290 490

Église nationale

250 051

Église luthérienne libre de Reykjavík

5 933

Église indépendante

2 496

Église luthérienne libre de Hafnarfjkörŏur

4 127

Église catholique romaine

5 582

Adventistes du septième jour

727

Assemblée pentecôtiste

1 721

Congrégation Sjónarhæǒ

54

Témoins de Jéhovah

655

Bahaïs

374

Communauté Asatru

777

La Croix

572

Église de Jésus‑Christ des Saints des Derniers Jours

190

Église libre La Voie

704

Le Verbe de Vie

0

The Rock Society

0

Mouvement bouddhiste islandais

518

KEFAS − Christian Fellowship

129

Première Église baptiste

10

Communauté musulmane d’Islande

289

Église islandaise (évangélique luthérienne) du Christ

203

Église évangéliste

83

Believers’ Fellowship

35

Bouddhisme Soto Zen d’Islande

40

Béthanie

147

Église orthodoxe russe d’Islande

97

Église orthodoxe serbe

118

Autres ou non spécifiées

7 929

Personnes n’appartenant à aucune communauté religieuse

6 929

Article 19. La liberté d’opinion et d’expression

101.La liberté d’opinion et d’expression est protégée par l’article 73 de la Constitution, lequel, comme il était dit dans le troisième rapport, a été considérablement remanié et amélioré par la loi de 1995 portant modification de la Constitution. Relevons là encore que le commentaire de cette nouvelle disposition constitutionnelle cite expressément l’article 19 du Pacte et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 73 ayant été libellé précisément à la lumière de ces dispositions.

102.La législation qui met en œuvre les principes généraux de la liberté d’expression n’a pas été modifiée de manière significative par rapport à la description qui en était faite dans le troisième rapport de l’Islande, même s’il est évident que nombre de nouvelles lois peuvent, d’une façon ou d’une autre, avoir une incidence sur cette liberté. En 1997, la Cour suprême d’Islande a rendu plus de 10 arrêts portant sur plusieurs questions fondamentales liées à l’interprétation de l’article 73. Il s’agissait des diverses questions classiquement liées aux limites de la liberté d’expression en cas de diffamation écrite ou verbale, y compris dans le cadre du débat politique, mais aussi de questions nouvelles portées devant les juridictions islandaises, telles que les restrictions à la propagation des préjugés raciaux, le droit d’organiser des manifestations publiques ou d’y participer, l’accès aux informations détenues par les autorités administratives, l’interdiction de faire de la publicité pour les boissons alcoolisées, etc. Il n’est possible d’examiner ici que quelques-unes de ces décisions, les plus importantes, celles qui donnent un aperçu de l’évolution de la jurisprudence. Ces décisions montrent que, depuis l’entrée en vigueur du nouvel article de la Constitution, les décisions des tribunaux, dans les affaires touchant à cette disposition, sont motivées de façon beaucoup plus détaillée. En règle générale, les dispositions de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme y sont également visées, de même que celles de l’article 19 du Pacte. Les méthodes utilisées pour apprécier le bien‑fondé des restrictions à la liberté d’expression ont elles aussi considérablement évolué: par exemple, les tribunaux appliquent le principe de proportionnalité et examinent si les restrictions en cause sont nécessaires dans une société démocratique.

103.Dans certains domaines, la liberté d’expression est sensiblement mieux protégée qu’avant. C’est le cas notamment en ce qui concerne le débat public sur les institutions de l’État et les critiques visant les fonctions de ces institutions et leurs fonctionnaires. Dans certains arrêts, par exemple ceux du 4 décembre 1997 (affaire no 274/1997 relative à des commentaires visant le Directeur de l’Administration des prisons et du régime de probation) et du 2 avril 1998 (affaire no 280/1997 relative à des commentaires visant le personnel de l’organisme de gestion des logements publics), la Cour suprême a souligné la nécessité de protéger le débat public sur les questions d’intérêt général. Elle a également conclu, dans son arrêt du 30 septembre 1999 (affaire no 65/1999), que le droit de manifester en public était protégé par l’article 73 de la Constitution et que toute disposition limitant l’exercice de ce droit devait être particulièrement claire et dénuée d’équivoque (l’affaire concernait l’arrestation, par la police, de manifestants qui protestaient contre la politique du Gouvernement des États‑Unis, dans le centre de Reykjavík). Dans son arrêt du 14 mars 2002 (affaire no 397/2001), la Cour suprême a également jugé que les dispositions limitant l’accès public aux informations détenues par les autorités administratives, conformément à la loi sur l’information (no 50/1996), devaient être interprétées à la lumière des principes relatifs à la liberté d’expression et que leur nécessité dans une société démocratique devait être démontrée. On notera ainsi l’arrêt rendu par la Cour suprême le 24 avril 2002 (affaire no 461/2001), dans la première affaire pénale concernant une violation de l’article 233, alinéa a, du Code pénal général interdisant la propagation de préjugés raciaux, que nous examinerons plus loin à propos de l’article 20 du Pacte.

104.À la fin 2003 s’est ouvert un débat sur la propriété des médias en Islande, qui n’est régie par aucune règle spécifique hormis celles qui découlent de la législation générale relative à la concurrence commerciale. Des voix se sont élevées contre le fait que quelques-uns des plus grands quotidiens et des principales stations de radio d’Islande étaient concentrés entre les mains d’un trop petit nombre de propriétaires, et ont réclamé l’imposition de limites à cet égard pour protéger l’indépendance et l’impartialité des médias et leur permettre de remplir la fonction qui est la leur dans une société démocratique. En réaction à ces critiques, le Ministre de l’éducation a nommé à la fin de l’année 2003 un comité chargé d’examiner l’opportunité d’une loi spécifique sur la propriété des médias. Ce comité a achevé ses travaux en avril 2004: il a proposé l’adoption d’une réglementation précise sur la propriété, qui, entre autres, fixe une limite à la part du marché des médias pouvant être occupée par une même entité. À cet égard, rappelons les obligations internationales qu’a l’Islande, dans le cadre du Conseil de l’Europe, de favoriser le pluralisme des médias et de garantir leur indépendance.

105.Au moment de la rédaction du présent rapport, le Gouvernement venait de soumettre au Parlement un projet de loi sur la propriété des médias, établi à partir des recommandations du comité. Ce texte propose de modifier la loi sur la radiodiffusion (no 53/2000) et la loi sur la concurrence (no 8/1998), afin de limiter la propriété des médias radiophoniques en fixant de nouvelles conditions pour la délivrance des licences de radiodiffusion. Ces licences ne pourraient plus être délivrées aux stations appartenant en totalité ou en partie à une ou à plusieurs sociétés occupant une position dominante dans un quelconque secteur commercial. Il est également proposé d’interdire la délivrance d’une licence de radiodiffusion à une société si plus de 25 % de ses actions sont détenus par d’autres sociétés du même groupe. Enfin, il est proposé d’interdire la délivrance d’une licence de radiodiffusion à une société si celle-ci, ou une autre société du même groupe, est propriétaire ou copropriétaire d’un quotidien, ou si elle appartient en totalité ou en partie à une société ou à un groupe de sociétés publiant un quotidien. Ce projet de loi a suscité un vaste débat public, et on lui a reproché de porter atteinte, en particulier, aux droits d’un groupe qui détient des sociétés déjà présentes sur le marché des médias, ainsi que des sociétés dont l’activité est sans rapport avec les médias, en sus d’un quotidien et de stations de radio. S’il est adopté, le projet de loi aura probablement des conséquences sur la possession de médias par ce groupe; il prévoit toutefois une période de transition de deux ans.

Article 20. L’interdiction de faire de la propagande en faveur de la guerre et d’appeler à la haine raciale

106.La législation islandaise touchant à la substance de l’article 20 du Pacte n’a pas été modifiée depuis l’examen du troisième rapport périodique de l’Islande, auquel nous renvoyons donc le Comité sur ce point. Il n’est pas prévu de retirer la réserve formulée par l’Islande au paragraphe 1 de cet article, concernant l’interdiction de faire de la propagande en faveur de la guerre.

107.L’arrêt de la Cour suprême du 24 avril 2002 (affaire no 461/2001) mérite d’être mentionné à propos du paragraphe 2 de l’article 20. C’était la première fois que les juridictions islandaises étaient saisies d’une inculpation pour violation d’une disposition ajoutée en 1973 à l’article 233 a) du Code pénal général pour réprimer l’incitation à la haine raciale. Cette disposition prévoit une peine en cas d’agression perpétrée contre une personne ou un groupe de personnes, pour différents motifs dont l’origine raciale, par dérision, diffamation, dénigrement, menace ou tout autre moyen. Elle trouve son origine dans les obligations internationales assumées par l’Islande au titre de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’inculpation en question visait le vice-président d’une association de nationalistes islandais et avait été motivée par une interview de l’intéressé publiée dans un journal, sur deux pages centrales, sous le titre «L’Islande blanche». Cet homme, dont un portrait à la une annonçait l’interview, exposait son opinion sur les personnes de race noire, ce qui consistait principalement à comparer l’Islandais de souche et le «Noir africain». Il se déclarait convaincu de la supériorité incontestable de la race blanche et énonçait plusieurs défauts propres aux Africains. Pour le reste, l’entretien était entièrement consacré à son association et aux opinions qu’elle représentait, son objectif étant d’arrêter l’immigration de personnes d’origine non européenne et de protéger la race islandaise. Dans cette affaire, la Cour suprême a soupesé les intérêts contraires en présence, principalement dans le souci de protéger la liberté d’expression de l’accusé. Elle a jugé que les commentaires formulés par celui-ci correspondaient clairement à la description de l’acte déclaré punissable par l’article 233 a) du Code pénal général, que cette disposition, qui avait pour but d’empêcher la discrimination et la haine raciales, était donc légale, et que les restrictions à la liberté d’expression qui en découlaient étaient nécessaires et conformes aux traditions démocratiques.

108.Cet arrêt constitue un important précédent dans l’interprétation de l’alinéa a de l’article 233 du Code pénal général, surtout en raison de son argumentation détaillée sur les restrictions à la liberté d’expression et les intérêts à protéger dans une société démocratique.

Article 21. La liberté de réunion

109.La liberté de réunion est protégée par l’article 74, paragraphe 3, de la Constitution. La législation relative à la liberté de réunion n’a pas été modifiée depuis l’examen du troisième rapport, mais certaines affaires liées à son application ont été soumises aux tribunaux ou au Médiateur parlementaire. Mentionnons pour commencer l’arrêt de la Cour suprême du 30 septembre 1999 (affaire no 65/1999), évoqué plus haut à propos de l’article 19 du Pacte, qui concernait l’intervention de la police lors d’une manifestation publique au cours de laquelle des manifestants avaient été arrêtés sur les lieux du rassemblement et emmenés ailleurs. La Cour a fait observer qu’arrêter des personnes participant à une manifestation de ce genre revenait à restreindre considérablement la liberté d’expression et la liberté de réunion protégées par les articles 73 et 74 de la Constitution, et elle a conclu qu’il y avait eu également violation de l’article 67 de celle‑ci, aux termes duquel nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est pour un motif prévu par la loi.

110.Il convient de signaler aussi qu’en juin 2002 diverses questions ont été soulevées à propos des restrictions imposées par la police aux manifestations organisées par des membres du Falun Gong à l’occasion d’une visite officielle en Islande du Président de la Chine. Les mesures policières avaient consisté notamment à refuser l’entrée en Islande à un grand nombre de personnes venues de différents pays pour participer au mouvement de protestation, et à cantonner les manifestations dans des zones délimitées. Ces mesures ont conduit les membres du Falun Gong à déposer une plainte auprès du Médiateur parlementaire, au motif qu’elles portaient atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, notamment à la liberté d’expression et de réunion pacifique, à la liberté de circulation et au droit de chacun au respect de sa vie privée.

111.Après un examen préliminaire de l’affaire et des informations demandées aux autorités administratives islandaises, le Médiateur a décidé le 29 décembre 2003 de clore son enquête sur tous les points de la plainte à l’exception d’un seul, qui concernait la décision d’interdire aux membres du Falun Gong de monter à bord d’avions reliant des aéroports d’Europe et d’Amérique du Nord à l’Islande. Dans l’exposé détaillé de ses motifs, le Médiateur a souligné que les dispositions constitutionnelles relatives à la liberté d’expression et de réunion ne donnaient pas aux ressortissants étrangers un droit autonome de venir en Islande ou d’y séjourner. Par conséquent, on ne pouvait conclure que le refus de laisser entrer un ressortissant étranger en Islande impliquât en soi une violation de la liberté d’expression de l’intéressé, pour autant que ce refus fût fondé sur des considérations légales. Le Médiateur a également relevé que la Constitution ne garantissait pas cette liberté en toutes circonstances. Il a rappelé que la loi confère aux autorités de police, dans une large mesure, le pouvoir de s’ingérer dans la vie des habitants si elles estiment que la situation répond aux conditions fixées par les textes applicables. Une telle ingérence pouvant être considérée comme une restriction à la liberté d’expression et de réunion protégée par la Constitution, le Médiateur a estimé que c’était aux autorités de police qu’il appartenait d’appliquer et de faire respecter les dispositions de la loi sur la police (no 90/1996), ainsi que celles des règlements policiers locaux et les autres dispositions pertinentes, en se conformant aux restrictions autorisées par la Constitution. Les mesures prises par la police devaient donc être conçues de manière à atteindre un but légal, tel que le maintien de l’ordre public et, pour être jugées nécessaires dans une société démocratique et compatibles avec les traditions démocratiques, elles ne pouvaient légalement aller au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre le but visé. Le Médiateur a fait observer qu’il n’avait reçu aucun élément démontrant que les membres du Falun Gong aient été empêchés d’exercer leurs droits protégés par la Constitution pendant leurs manifestations au moment de la visite du Président, ou que les mesures prises aient outrepassé les limites autorisées par la Constitution.

Article 22. La liberté d’association

112.La législation générale relative à la création d’associations et à la protection de la liberté d’association n’a pas été modifiée depuis l’examen du troisième rapport périodique de l’Islande. Il était indiqué dans ce rapport que les droits énoncés à l’article 22 du Pacte sont protégés par les paragraphes 1 et 2 de l’article 74 de la Constitution. Il convient de noter que la protection constitutionnelle est plus large que celle offerte par l’article 22 du Pacte pour ce qui est de la liberté négative d’association, puisque le paragraphe 2 de l’article 74 dispose que nul ne peut être obligé à être membre d’une association sauf dans les conditions prévues par la loi, si cela est nécessaire pour permettre à l’association concernée de s’acquitter de ses fonctions dans l’intérêt général ou pour défendre les droits d’autrui.

113.Dans une affaire récente qui touchait à l’article 74 de la Constitution, plusieurs questions fondamentales ont été soulevées quant à la portée de cette disposition eu égard à la protection du droit de grève des syndicats. La Cour suprême a rendu sa décision le 14 novembre 2002 (affaire no 167/2002); la procédure avait été engagée par la Fédération islandaise du travail contre la Confédération des employeurs islandais et la République d’Islande, au sujet de la loi no 34/2001 qui régit les conditions de travail des marins. Cette loi avait été adoptée pour mettre fin aux grèves entreprises par des marins appartenant à des syndicats membres de la Fédération islandaise du travail, et qui duraient depuis 44 jours au moment de l’entrée en vigueur du nouveau texte, le 16 mai 2001. La loi prévoyait également la mise en place d’un tribunal d’arbitrage chargé de fixer certaines des conditions d’emploi applicables aux pêcheurs membres des associations énumérées à son article premier. Elle visait à instaurer des mesures pour protéger l’intérêt public, en raison des préjudices que la grève avait causés à l’industrie islandaise et de ses conséquences sur l’utilisation des ressources de la mer, les intérêts du secteur de l’exportation et d’autres facteurs. Au nombre des arguments invoqués figuraient les graves conséquences de la grève pour le personnel des entreprises de traitement du poisson ainsi que pour les entreprises et les collectivités locales dont les activités économiques reposent sur l’industrie de la pêche, et le fait qu’elle avait une incidence manifeste sur l’économie nationale et qu’à défaut de mesures, elle entraînerait un préjudice irréparable. Les juges ont conclu que le droit de grève revêtait une grande importance pour les activités des syndicats visant à défendre les intérêts de leurs membres, et qu’il était par conséquent protégé par l’article 74 de la Constitution. Des restrictions à l’exercice de ce droit pouvaient cependant être imposées par la loi à condition d’avoir un but légal et d’être nécessaires pour atteindre celui-ci.

114.L’arrêt contient un exposé détaillé des motifs, dans lequel sont invoqués, entre autres, les effets de divers accords internationaux protégeant la liberté d’association, ainsi que l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 22 du Pacte. Il y est fait référence également aux dispositions de la Charte sociale européenne et des conventions de l’Organisation internationale du travail relatives aux droits syndicaux et au droit de grève. Cependant, la loi no 34/2001 s’appliquait aussi à trois syndicats membres de la Fédération islandaise du travail qui ne s’étaient pas mis en grève. À leur égard, la Cour a jugé qu’une interdiction de grève ne pouvait pas être imposée au nom de l’intérêt public dans des secteurs où aucune grève n’était en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi. Considérant qu’une telle interdiction serait contraire au paragraphe 1 de l’article 74 de la Constitution, elle a conclu que ces trois syndicats membres de la Fédération islandaise du travail pouvaient se mettre en grève malgré l’interdiction légale.

Article 23. La protection de la famille et le droit de se marier

115.Comme il était dit dans les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Islande, la société islandaise repose sur le principe que la famille en est l’unité fondamentale naturelle et qu’elle jouit à ce titre de la protection de l’État, bien que cette règle ne soit exprimée nulle part dans la Constitution ou la législation. Toutes les lois qui régissent les questions relatives à la famille et aux enfants se fondent sur ce principe. Aucune modification particulière n’a été apportée à la législation relative au mariage depuis l’examen du troisième rapport périodique. Le texte principal dans ce domaine reste la loi sur le mariage (no 31/1993) dont les grandes lignes sont décrites dans le troisième rapport. Cette loi s’inspire largement des vues partagées par les législateurs des pays nordiques en ce qui concerne la conclusion et la dissolution du mariage et les affaires financières des époux. Elle privilégie l’idée qui prédomine dans le droit de la famille actuellement en vigueur dans ces pays, à savoir que le mariage est un contrat conclu librement entre un homme et une femme. Cependant, comme par le passé, il est jugé souhaitable de garantir contre toute dissolution précipitée des mariages, en prévoyant notamment une procédure officielle de réconciliation. Lorsque les époux ont la garde légale d’enfants mineurs, cette procédure de réconciliation est obligatoire.

116.La loi sur le mariage vise également à établir une parfaite égalité entre mari et femme, de façon à ce qu’ils aient des droits et obligations identiques pour ce qui touche à leurs enfants, à la conclusion du mariage et, le cas échéant, à sa dissolution. Diverses mesures ont été prises en vue d’encourager les époux à partager sur un pied d’égalité les responsabilités de l’éducation des enfants et de l’entretien du foyer familial. L’initiative la plus importante dans ce domaine est sans aucun doute la nouvelle loi relative au congé à la naissance (no 95/2000), qui accorde au père un droit indépendant à un congé à la naissance et à un congé parental, afin de favoriser la relation de l’enfant avec ses deux parents et de permettre tant aux hommes qu’aux femmes de concilier leur travail avec leur vie familiale. Un commentaire plus détaillé de cette loi est fait plus haut, à propos de l’article 3 du Pacte.

117. La nouvelle loi sur l’enfance (no 76/2003) énonce des règles précises sur la garde des enfants et les modalités de garde en cas de séparation ou de divorce. La principale nouveauté par rapport aux dispositions de la loi précédente est que, désormais, les différends concernant la garde des enfants dans une affaire de séparation ou de divorce ne peuvent être réglés que par les tribunaux et non par le Ministère de la justice alors que, selon la loi antérieure, ce dernier pouvait en être saisi si les deux parents décidaient d’un commun accord de s’adresser à lui plutôt qu’au juge.

118.Enfin, il convient de signaler, à propos de l’article 23 du Pacte, certaines modifications qui ont été apportées depuis l’élaboration du troisième rapport en ce qui concerne le statut juridique des homosexuels vivant ensemble. Le projet de loi mentionné dans le troisième rapport a été adopté en tant que loi sur le partenariat confirmé, no 87/1996, qui dispose que les couples homosexuels peuvent faire confirmer de manière officielle et formelle leur partenariat. La loi ne prévoit pas de cérémonie religieuse à cette fin, mais il y a eu quelques débats sur l’attitude de l’Église nationale à l’égard de ce genre de cérémonie pour les personnes homosexuelles, attitude inchangée à ce jour. Le partenariat confirmé a les mêmes effets juridiques que le mariage, hormis en matière d’adoption. L’adoption conjointe n’est pas autorisée, mais il est permis d’adopter l’enfant de son partenaire. En outre, les couples homosexuels n’ont pas accès à la procréation artificielle dans le système de santé publique.

119.À l’automne 2003, le Premier Ministre a nommé un comité chargé de se pencher sur le statut juridique des homosexuels, et d’examiner notamment si des modifications législatives étaient nécessaires pour mettre un terme à la discrimination. Ce comité doit étudier la possibilité de modifier la législation de façon que les couples homosexuels puissent conclure, à l’instar des couples hétérosexuels, un contrat d’union enregistrée, qui a des effets juridiques plus limités que ceux du mariage. Le comité doit également examiner s’il convient de modifier les conditions relatives à la nationalité et au domicile auxquelles doivent satisfaire les candidats au partenariat confirmé, et si ces couples devraient avoir accès à l’adoption conjointe et à la procréation artificielle. Les propositions du comité sont attendues avant la fin de l’année.

Article 24. Les droits de l’enfant

120.Ainsi que l’expliquait le troisième rapport de l’Islande, une disposition a été ajoutée en 1995 à l’article 76, paragraphe 3, de la Constitution. Le nouveau texte, qui dispose que la loi doit garantir à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, s’inspire en particulier de l’article 3, paragraphe 2, de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Il vise à mettre en relief l’obligation des autorités publiques d’adopter des lois et d’autres dispositions et de prendre des mesures pour protéger les droits de l’enfant en toutes circonstances.

121.De nombreux changements ont été apportés à la législation islandaise relative aux droits de l’enfant depuis l’examen du troisième rapport de l’Islande sur sa mise en application du Pacte. Deux nouveaux textes de loi d’une importance primordiale ont été adoptés: d’une part, la nouvelle loi sur la protection de l’enfance (no 80/2002), entrée en vigueur le 1er juin 2002, et, d’autre part, la nouvelle loi sur l’enfance (no 76/2003), entrée en vigueur le 1er novembre 2003. Les principales dispositions de la nouvelle loi sur la protection de l’enfance sont examinées en détail dans le deuxième rapport de l’Islande au Comité des droits de l’enfant (CRC/C/83/Add.5), ainsi que dans les conclusions finales (CRC/C/15/Add.203) adoptées le 31 janvier 2003 par le Comité à l’issue de l’examen de ce rapport. Nous aborderons ici les principaux buts de la nouvelle loi. L’article 2 énonce l’objet essentiel de la loi, qui est de garantir que les enfants qui vivent dans des conditions inacceptables, ou qui mettent en danger leur santé et leur épanouissement, bénéficient de l’aide dont ils ont besoin. Il dit également que des efforts doivent être déployés pour atteindre les buts de la loi et que, à cette fin, le rôle de la famille dans l’éducation des enfants doit être renforcé, et que des mesures de protection doivent être prises si nécessaire dans les cas individuels. L’article 4 énonce plus en détail les principes sur lesquels doivent se fonder les initiatives des autorités chargées de la protection de l’enfance, qui doivent privilégier les mesures jugées les plus favorables au bien–être de l’enfant, en tenant compte de l’avis et des demandes de l’enfant lui-même, dans la mesure où son âge et sa maturité le permettent, et qui doivent veiller à ce que toute décision respecte le principe de l’égalité. La loi souligne que les autorités chargées de la protection de l’enfance doivent faire en sorte, autant que possible, que des mesures générales et modérées soient prises avant tout autre moyen. Elles doivent également veiller à ce que toute mesure adoptée soit aussi modérée que le permet l’objectif visé, conformément au principe de proportionnalité. La loi a introduit plusieurs modifications fondamentales d’ordre institutionnel concernant les questions liées à la protection de l’enfance et les procédures dans ce domaine, dont une nouveauté applicable aux cas de retrait de la garde parentale, dans lesquels le pouvoir de décision est passé des comités pour le bien‑être de l’enfant aux tribunaux. Cette nouvelle disposition vise à garantir une procédure encore plus rigoureuse dans ces affaires délicates.

122.La nouvelle loi sur l’enfance (no 76/2003) contient elle aussi plusieurs nouveautés qui visent, entre autres, à protéger les droits propres aux enfants énoncés aux deuxième et troisième paragraphes de l’article 24 du Pacte. Ainsi, l’article 7 de la loi dispose expressément que tout enfant doit être inscrit au registre national immédiatement après sa naissance, de façon que celle‑ci soit officiellement reconnue. Cette disposition n’existait pas dans les lois antérieures, mais elle est l’expression d’une pratique d’enregistrement des naissances établie de longue date. Une autre nouveauté est la disposition de l’article 1 qui oblige la mère à indiquer l’identité du père de son enfant au moment de la naissance. Cette règle a pour but de garantir le droit de l’enfant de connaître ses deux parents, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, comme le précise l’exposé des motifs du projet de loi. La nouvelle loi est plus précise quant aux moyens d’établir la paternité d’un enfant, et reconnaît à tout homme qui pense être le père d’un enfant le droit d’engager une action en reconnaissance de paternité. Comme nous l’avons dit plus haut dans les observations générales, cette modification fait suite à l’arrêt de la Cour suprême du 18 décembre 2000 (affaire no 419/2000), dans lequel la Cour a déclaré que les restrictions au droit d’engager ce genre de procédure étaient incompatibles avec l’article 70 de la Constitution, qui garantit à chacun le droit de faire déterminer par les tribunaux ses droits et ses obligations. Enfin, rappelons que la nouvelle loi sur l’enfance introduit de nouvelles dispositions pour les différends concernant la garde des enfants, dont le règlement, désormais, ressortit exclusivement aux tribunaux et non plus au Ministère de la justice, qui était habilité à statuer sur ces différends selon la législation antérieure.

123.En ce qui concerne l’article 24, paragraphe 3, du Pacte, qui affirme le droit des enfants à une nationalité, la législation islandaise prévoit que tout enfant trouvé en Islande est présumé avoir la nationalité islandaise tant que l’on n’a pas établi qu’il a une autre nationalité. Rappelons également que la loi no 62/1998 portant modification de la loi sur la citoyenneté islandaise a modifié les règles en vertu desquelles la nationalité était attribuée à un enfant de mère étrangère selon qu’il était légitime ou naturel. Un enfant né en Islande de mère étrangère et de père islandais acquiert désormais la citoyenneté islandaise dès lors que la paternité est légalement établie, toute discrimination fondée sur la situation maritale étant ainsi supprimée.

Article 25. Le droit à des élections démocratiques

124.Ainsi qu’il était dit dans le troisième rapport de l’Islande, un débat est en cours depuis longtemps dans le pays sur la question de savoir s’il faut modifier la législation relative aux élections de façon à supprimer la différence du poids des voix selon le lieu de résidence. Cette différence s’explique principalement par l’évolution démographique des dernières décennies, au cours desquelles une proportion croissante de la population est venue habiter dans la capitale, Reykjavík, et dans les municipalités environnantes tandis que, dans plusieurs autres circonscriptions électorales, la proportion d’habitants diminuait. Cette situation a motivé l’adoption de la Loi constitutionnelle no 77/1999 modifiant l’article 31 de la Constitution, suivie d’importantes modifications de la législation relative aux élections. La Constitution a été modifiée selon les propositions d’un comité qui avait été nommé par le Premier Ministre, à l’automne 1997, pour revoir le découpage électoral et l’organisation des élections parlementaires afin de réduire les différences dans le poids des voix et de tenir compte de l’évolution démographique. Ce comité était formé de représentants de tous les partis politiques, dont les dirigeants présentèrent conjointement le projet de loi qui allait être adopté sous le nom de Loi constitutionnelle no 77/1999. Cette modification de l’article 31 de la Constitution visait essentiellement à assouplir le système électoral tout en lui donnant un caractère plus permanent. Il était ainsi proposé de remplacer les dispositions constitutionnelles qui fixaient en détail les limites des circonscriptions électorales et la répartition des sièges au Parlement par d’autres, moins nombreuses et donc plus générales, définissant les grandes lignes du découpage électoral et de l’organisation des élections, le soin étant laissé au Parlement de les préciser ensuite, dans les limites du cadre constitutionnel, par des lois ordinaires.

125.Le nombre total de sièges au Parlement – 63 – reste fixé par la Constitution, de même que la durée du mandat parlementaire de quatre ans et les principales modalités du processus électoral, telles que le scrutin secret. Le législateur, pour sa part, peut fixer le nombre des circonscriptions électorales et le nombre des sièges représentant chacune d’elles au Parlement, dans les limites fixées par la Constitution. De cette manière, le découpage électoral et les règles électorales peuvent être modifiés sans qu’il soit nécessaire de toucher à la Constitution. Deux nouvelles dispositions ont également été introduites dans l’article 31 de la Constitution. L’une visait à supprimer la règle jusqu’alors en vigueur, qui voulait que seules les organisations politiques dont des candidats avaient été élus dans une ou plusieurs circonscriptions électorales puissent prétendre à l’attribution de sièges dits compensateurs. La Constitution prévoit maintenant que seules les organisations politiques ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés peuvent prétendre à ces sièges, même si elles n’ont pas remporté un siège au Parlement au nom d’une circonscription électorale. La deuxième disposition visait à habiliter la Commission électorale nationale à transférer des sièges d’une circonscription électorale à l’autre en vue d’empêcher que le rapport entre le nombre de voix respectives de deux représentants au Parlement puisse dépasser un pour deux. Une fois la Constitution ainsi modifiée, une nouvelle loi générale sur les élections parlementaires a été promulguée − la loi no 24/2000 −, introduisant les principaux changements suivants:

Les circonscriptions électorales sont au nombre de six au lieu de huit; leurs limites doivent être définies par la loi, à l’exception de celles qui séparent les deux circonscriptions électorales de Reykjavík, que la Commission électorale nationale est habilitée à définir cinq semaines avant le jour des élections, en fonction de la liste des habitants dressée par les services du registre national;

Le nombre de sièges au Parlement par circonscription électorale est fixé à neuf sièges élus, plus un ou deux sièges compensateurs;

La faculté pour la Commission électorale nationale de transférer des sièges entre circonscriptions électorales aux fins de réduire la différence entre le poids des voix est limitée aux sièges élus pour chaque circonscription;

Les électeurs ont davantage de pouvoirs pour influer sur l’ordre dans lequel sont inscrits les premiers candidats de chaque parti politique.

126.La loi sur les élections municipales (no 5/1998) a été modifiée de façon à donner aux ressortissants étrangers le droit de voter et d’être élus sous certaines conditions (loi no 27/2002, art. 1). En vertu de cette modification, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé à tous les ressortissants étrangers, à l’exception des Danois, Finlandais, Norvégiens et Suédois, qui résident en Islande depuis cinq années consécutives à la date des élections. Pour les ressortissants des pays nordiques, la durée de résidence exigée est toujours de trois années consécutives. Il est dit dans les notes explicatives du projet de loi que le fait de donner des droits politiques accrus aux étrangers permet de faciliter leur intégration, et que cette modification constitue un pas important pour les accueillir en tant que participants aux affaires de la communauté islandaise.

127.Aucune modification particulière n’a été apportée aux autres lois, procédures ou pratiques liées à l’article 25 du Pacte, et nous renvoyons par conséquent le Comité aux deuxième et troisième rapports de l’Islande pour ce qui touche aux alinéas a et c de cet article.

Article 26. L’égalité devant la loi

128.Ainsi qu’il est dit dans le troisième rapport de l’Islande, une nouvelle disposition a été ajoutée en 1995 à l’article 65 de la Constitution de façon à garantir l’égalité de tous devant la loi et à interdire toute discrimination. Cette disposition s’inspire principalement de l’article 26 du Pacte, auquel il est fait référence dans les notes explicatives du projet de loi qui a été adopté. La règle générale d’égalité énoncée à l’article 65 de la Constitution a eu une influence très marquée sur la jurisprudence islandaise et a servi de base à un grand nombre de décisions judiciaires, que nous ne pouvons toutefois décrire que brièvement ici. L’article 26 du Pacte est souvent invoqué dans les décisions qui portent sur l’article 65 de la Constitution.

129.Pour essayer de donner un aperçu des domaines du droit concernés, nous allons évoquer quelques affaires dans lesquelles la règle d’égalité énoncée à l’article 65 de la Constitution a eu une influence importante sur la pratique judiciaire. Mentionnons tout d’abord les décisions concernant des demandes présentées par des handicapés en vue de jouir des mêmes droits que les autres et l’obligation des autorités administratives de prendre des mesures en leur faveur. Dans un arrêt du 4 février 1999 (affaire no 177/1998), la Cour suprême s’est penchée sur le cas d’une étudiante handicapée de l’Université d’Islande qui s’était vu dénier le droit aux mesures spéciales qui lui auraient permis de jouir, dans la mesure du possible, d’un statut égal à celui des autres étudiants. Invoquant la législation relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que l’article 65 de la Constitution, la Cour a accordé une indemnité à l’étudiante. Dans un arrêt du 6 mai 1999 (affaire no 151/1999), la Cour suprême a statué sur les demandes de personnes sourdes qui réclamaient l’interprétation en langue des signes des discours prononcés à la télévision publique par les représentants des partis politiques la veille des élections. Invoquant notamment l’article 65 de la Constitution et l’obligation qu’avait l’organisme public de radio et télévision de diffuser les débats électoraux conformément aux dispositions de la loi sur la radio et la télévision, la Cour a estimé que cet organisme devait faire le nécessaire pour diffuser ces débats en langue des signes.

130.D’importantes décisions ont également été rendues dans des affaires où les tribunaux étaient appelés à interpréter l’article 65 de la Constitution pour déterminer s’il y avait eu discrimination illicite. Ainsi, dans un arrêt du 20 février 1997 (affaire no 147/1996), la Cour suprême a estimé que le mode de calcul du préjudice subi par une adolescente devenue handicapée à la suite de dommages corporels, qui se fondait sur les conclusions d’enquêtes générales relatives aux conditions de salaire selon lesquelles le revenu moyen des femmes était inférieur à celui des hommes, était contraire à l’article 65 de la Constitution. Dans un arrêt du 4 juin 1998 (affaire no 317/1997), la Cour suprême a jugé que la loi sur l’indemnisation était en contradiction avec l’article 65 en ce qu’elle subordonnait l’indemnisation du préjudice moral à la condition que le préjudice subi dépasse un certain seuil. À la suite de cet arrêt, cette condition a été supprimée de la loi sur l’indemnisation.

131.Plusieurs décisions judiciaires ont porté sur la question de savoir si certaines restrictions à la liberté du travail, qui est protégée par l’article 75 de la Constitution, étaient discriminatoires et donc contraires à l’article 65. Au cœur de ces différends se trouve généralement le débat dont font l’objet le système de gestion des pêcheries islandaises et le bien‑fondé, au regard de l’article 65 de la Constitution, des restrictions imposées par la loi islandaise à la pêche professionnelle, ainsi que le bien‑fondé des autorisations requises pour les captures provenant de certains stocks ichtyologiques. Dans un arrêt du 3 décembre 1998 (affaire no 145/1998), la Cour suprême a déclaré que la loi sur la gestion des pêcheries, en restreignant strictement les permis de pêche délivrés aux bateaux de la flotte de pêche, allait à l’encontre des dispositions des articles 65 et 75 de la Constitution. À la suite de cette décision, la loi a été modifiée de façon à étendre le pouvoir des autorités administratives de délivrer des permis à de nouveaux bateaux de pêche. Dans un arrêt du 6 avril 2000 (affaire no 12/2000), la Cour suprême a de nouveau statué sur cette question: il s’agissait cette fois d’une affaire pénale concernant l’armateur et le capitaine d’un bateau accusés d’avoir enfreint la loi sur la gestion des pêcheries, le capitaine étant allé pêcher sans être en possession d’une autorisation de captures. La Cour a conclu que les dispositions limitant la délivrance d’autorisations de captures avaient un but légitime, celui de protéger les stocks ichtyologiques islandais, que la gestion des pêcheries était primordiale pour l’économie islandaise, et que la distinction opérée par la loi était fondée sur des considérations licites. Les défendeurs ont donc été déclarés coupables. Ainsi que nous l’avons indiqué dans les observations générales du présent rapport, l’un d’eux a saisi le Comité des droits de l’homme au titre du Protocole facultatif au Pacte, alléguant que les conclusions de la Cour suprême constituaient une violation de l’article 26. Nous renvoyons le Comité aux observations détaillées qui ont été soumises au Comité des droits de l’homme par l’intéressé et par le Gouvernement islandais dans l’affaire Björn Kristjánsson(communication no 951/2000). Le Comité des droits de l’homme a conclu, sur le fondement de l’article premier du Protocole facultatif, que la communication était irrecevable ratione personae et l’a donc rejetée par une décision rendue le 30 juillet 2003 (CCPR/C/78/D/951/2000).

132.Enfin, l’arrêt rendu le 19 décembre 2000 par la Cour suprême dans une affaire opposant la Fédération islandaise des handicapés à la République d’Islande (affaire no 125/2000) mérite une mention particulière. Dans cette affaire, la Cour a conclu que des modifications à la loi sur la sécurité sociale qui avaient une incidence négative sur les prestations versées aux personnes handicapées étaient incompatibles avec les articles 76, paragraphe 1, et 65 de la Constitution. La Cour a estimé que l’article 76, interprété à la lumière des obligations internationales imposées par des instruments tels que la Charte sociale européenne et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, devait garantir la protection d’un soutien social minimum; l’article 26 du Pacte a également été invoqué.

Article 27. Les droits des minorités

133.S’agissant du domaine couvert par l’article 27, aucune modification importante n’a été apportée à la législation islandaise en vue de protéger spécifiquement les droits des groupes minoritaires islandais. Ainsi qu’il était expliqué dans les deuxième et troisième rapports, l’Islande, depuis le début de son peuplement au IXe siècle, a une population homogène ayant les mêmes origines historiques, culturelles, linguistiques et religieuses, et elle n’a pas de population autochtone. Plusieurs changements se sont toutefois produits depuis la parution du troisième rapport, du fait que le nombre d’étrangers en Islande a considérablement augmenté et représente un pourcentage croissant de la population. Au 1er décembre 2003, l’Islande comptait 290 570 habitants dont 10 180 ressortissants étrangers. À cette date, la proportion de ressortissants étrangers en Islande avait quasiment doublé par rapport à 1994, passant de 1,8 à 3,5 % de la population. La plupart des ressortissants étrangers − environ 70 % − viennent d’autres pays européens. Les ressortissants originaires de la Pologne sont les plus nombreux, car, depuis plusieurs années, beaucoup de Polonais viennent chercher du travail en Islande, où divers secteurs manquent de main‑d’œuvre. Quant aux ressortissants étrangers non européens, approximativement 17 % d’entre eux viennent de pays asiatiques, dont les deux tiers environ des Philippines et de la Thaïlande.

134.Il convient de garder à l’esprit que le nombre des immigrés naturalisés et de leurs descendants a augmenté, et qu’il faut donc inclure également dans les statistiques le nombre des ressortissants islandais nés à l’étranger, sans oublier cependant que ce nombre inclut les enfants de parents islandais nés à l’étranger. Au 1er décembre 2003, les Islandais nés à l’étranger étaient 19 072 au total, soit près de 7 % de la population. La plupart − environ les deux tiers − sont nés dans des pays européens ou aux États‑Unis, mais la proportion de ressortissants islandais nés dans des pays asiatiques a beaucoup augmenté ces dernières années, leur nombre dépassant légèrement 3 000 en décembre 2003.

135.Les statistiques des dernières années montrent que, sur le nombre total d’immigrés en Islande, la proportion des immigrés asiatiques est celle qui a le plus augmenté. Ces immigrés ne sont toutefois pas habituellement considérés ou désignés comme un groupe minoritaire distinct car ils n’ont en commun aucune autre particularité. Les autorités gouvernementales islandaises n’entravent en aucune façon l’exercice des droits qui leur sont reconnus par l’article 27. Ces immigrés sont libres de vivre leur culture, de créer des organisations religieuses et de pratiquer leur religion comme les autres citoyens, et de faire enregistrer leurs associations religieuses conformément aux lois applicables, comme le montre la diversité des associations religieuses officiellement reconnues.

136.Les municipalités islandaises, qui sont responsables des écoles primaires, aident activement, par différentes initiatives, les immigrés et les autres étrangers en Islande, dans le cadre du système scolaire comme en dehors de celui‑ci. À cet égard, mentionnons en particulier la Maison internationale de Reykjavík. Cet établissement a été créé en décembre 2001 par la ville de Reykjavík, les municipalités voisines et la section de la Croix‑Rouge islandaise dans la capitale. Différentes activités y sont organisées, dans le cadre des politiques adoptées par les municipalités en faveur d’une société multiculturelle, en vue de promouvoir les relations interculturelles. La Maison internationale emploie 12 personnes dont 6 sont d’origine étrangère. Plusieurs cours y sont proposés, aussi bien aux Islandais de souche qu’aux étrangers. Il y a par exemple des programmes sur les préjugés, des cours culturels, des formations pour les jeunes et des cours d’islandais pratique. La Maison internationale accueille également des activités de recherche et offre différentes informations sur la société multiculturelle. Les étrangers peuvent y demander des conseils sur divers sujets, par exemple les permis de travail et de résidence, la sécurité sociale, ou leurs droits en général. Le personnel comprend un avocat, ainsi que des spécialistes de domaines tels que l’éducation multiculturelle, les questions propres aux enfants bilingues et les droits de l’homme.

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