Nations Unies

CAT/C/BIH/CO/2-5

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 janvier 2011

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-cinquième session

1er-19 novembre 2010

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Bosnie-Herzégovine

1.Le Comité contre la torture a examiné les deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine, présentés en un seul document (CAT/C/BIH/2-5) à ses 961e et 962e séances, qui se sont tenues les 4 et 5 novembre 2010 (CAT/C/SR.961 et 962), et a adopté à sa 978e séance (CAT/C/SR.978), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission conjointe des rapports périodiques deux à cinq de la Bosnie-Herzégovine. Il se réjouit que le rapport soit soumis en accord avec la nouvelle procédure facultative d’établissement des rapports du Comité, qui consiste en réponses données par l’État partie à une liste de points à traiter, établie et transmise par le Comité. Le Comité exprime à l’État partie ses remerciements pour avoir accepté de rendre compte selon la nouvelle procédure, qui facilite la coopération entre l’État partie et le Comité.

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quarante-cinquième session du Comité et se réjouit de pouvoir engager un dialogue constructif avec la Bosnie-Herzégovine à propos de nombreux domaines qui relèvent de la Convention.

4.Le Comité note que l’État partie est constitué de deux entités, mais rappelle que la Bosnie-Herzégovine est un État unique au regard du droit international, et qu’elle a l’obligation d’appliquer pleinement la Convention sur son territoire.

B.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite du fait que, depuis l’examen du rapport périodique initial, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après:

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 24 octobre 2008;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 12 mars 2010; et

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 11 janvier 2008.

6.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts permanents déployés par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines qui intéressent les conventions, notamment:

a)L’adoption de la loi sur la circulation et le séjour des étrangers et sur l’asile, en 2008;

b)L’adoption de la loi sur la prévention de la discrimination, en 2009;

c)L’adoption de la loi sur l’entraide internationale, en 2009, visant à renforcer la coopération internationale, en particulier grâce à des accords bilatéraux avec les pays voisins, destinés à assurer la protection des victimes, ainsi que la poursuite et la condamnation des auteurs présumés d’infractions.

7.Le Comité approuve également les efforts faits par l’État partie pour modifier ses politiques et ses procédures dans le but de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption, en 2008, de la Stratégie portant sur la manière de traiter les crimes de guerre;

b)L’adoption d’une stratégie révisée pour la mise en œuvre de l’annexe 7 de l’Accord de paix de Dayton en 2010, visant à améliorer les conditions de vie des personnes déplacées restées au pays, ainsi que des rapatriés en Bosnie-Herzégovine;

c)L’adoption du troisième Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains et la migration illicite en Bosnie-Herzégovine pour la période 2008-2012;

d)L’adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’encontre des enfants, pour la période 2007-2010;

e)L’adoption de la Stratégie nationale de prévention et de répression de la violence familiale en Bosnie-Herzégovine, pour la période 2008-2010;

f)La mise sur pied d’un groupe de travail chargé d’élaborer une stratégie d’État en matière de justice transitionnelle, devant améliorer la situation et la protection de toutes les victimes de guerre.

C.Principaux sujets d’inquiétude et recommandations

Définition de l’infraction de torture

8.Tout en notant que l’État partie envisage d’amender le Code pénal et d’harmoniser la définition de la torture dans la législation nationale et les lois des entités, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas intégré dans son droit interne l’infraction de torture, telle que définie à l’article premier de la Convention, et n’a pas incriminé la pratique de la torture par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite (art. 1er et 4).

En accord avec ses précédentes recommandations (CAT/C/BIH/CO/1, par. 9), le Comité prie instamment l’État partie d’accélérer l’incorporation dans son droit interne de l’infraction de torture, telle que définie dans la Convention, et ce sur l’ensemble de son territoire, et d’harmoniser la définition légale que donnent de la torture la Republika Srpska et le district de Brcko avec celle du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine.L’État partie devrait également prendre les dispositions nécessaires pour rendre ces infractions passibles de peines appropriées, qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe2 de l’article4 de la Convention.

Le viol comme crime de guerre et autres formes de violence sexuelle

9.Le Comité se dit vivement préoccupé par la non-concordance de la définition donnée dans le Code pénal des actes de violence sexuelle commis en temps de guerre, par rapport à celle qu’en donnent la jurisprudence des tribunaux internationaux et les normes internationales, et par le fait que les articles 172 et 173 du Code pénal en particulier pourraient laisser de tels crimes impunis. En outre, le Comité reste préoccupé par le manque de données précises et à jour concernant le nombre des victimes de viols commis en temps de guerre, entre autres actes de violence sexuelle (art. 1er et 4).

Le Comité recommande à l’État partie d’amender son Code pénal de façon à yincorporer la définition de la violence sexuelle, en accord avec les normes internationales et la jurisprudence relative à la poursuite des actes de violence sexuelle commis en temps de guerre, et de supprimer de la définition actuelle la condition de «force ou menace d’attaque immédiate». Par ailleurs, l’État partie devrait incorporer dans son prochain rapport les données statistiques des cas non résolus relatifs à des cas de viol et autres violences sexuelles commis en temps de guerre.

Garanties juridiques fondamentales

10.Le Comité se dit inquiet de ce que, dans la pratique, les personnes privées de liberté ne se voient pas toujours accorder par l’État partie toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur placement en détention (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures juridiques et administratives nécessaires pour garantir aux suspects le droit d’avoir accès à un avocatet à un médecin indépendant de leur choix, d’informer un proche et d’être informés de leurs droits au moment du placement en détention, et de comparaître à brève échéance devant un juge, conformément aux normes internationales quelle que soit la nature de l’infraction dont ils sont soupçonnés.

Médiateur

11.Tout en prenant note de l’expansion des mandats du Bureau du Médiateur de l’État nouvellement fusionné, le Comité s’inquiète de certains rapports évoquant le manque d’indépendance et d’efficacité du Médiateur, ainsi que le besoin de ressources budgétaires adéquates pour lui permettre d’exercer efficacement son mandat. Il est regrettable que le Comité n’ait pas reçu d’explications claires concernant les mesures prises par les autorités compétentes comme suite aux recommandations du Médiateur relatives à plusieurs lieux de détention (CAT/C/BIH/2-5, par. 227) (art. 2).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour restructurer et renforcer le Bureau du Médiateur:

a)En adoptant un processus plus consultatif et plus transparent de sélection et de nomination du Médiateur, de façon à garantir l’indépendance du Médiateur en accord avec les Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale);

b)En mettant à sa disposition des ressources humaines, matérielles et financières adéquates;

c)En lui donnant les moyens de mieux surveiller tous les lieux de privation de liberté en Bosnie-Herzégovine, surtout en l’absence d’une inspection indépendante des prisons;

d)En assurant l’application des recommandations du Médiateur.

Impunité

12.Le Comité prend note de l’adoption de la Stratégie portant sur la manière de traiter les crimes de guerre, ainsi que des progrès accomplis dans la poursuite des responsables d’actes de torture commis durant le conflit de 1992-1995, et notamment les viols et autres actes de violence sexuelle commis en temps de guerre. En revanche, le Comité se dit gravement préoccupé par le nombre extrêmement faible de cas ayant à ce jour donné lieu à des poursuites devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine, compte tenu du grand nombre de crimes de guerre ainsi commis, et aussi par le fait que les tribunaux locaux se heurtent toujours à de graves obstacles lorsqu’il s’agit de poursuivre des crimes de guerre. En outre, le Comité se dit gravement préoccupé par la non-application d’un grand nombre de jugements rendus par la Cour constitutionnelle, même plusieurs années après leur adoption, et par le fait que la plupart des décisions de la Cour constitutionnelle qui n’ont pas été suivies d’effets se rapportent à des cas de violation des droits de l’homme, et principalement des cas de personnes disparues (art. 2, 9 et 12).

Le Comité prie instamment l’État partie de combattre l’impunité en veillant à ce que toutes les allégations de crime de cette nature fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces, en poursuivant et en condamnant les auteurs de ces actes à la hauteur de la gravité de leurs crimes. À cet égard, l’État partie est encouragé à assurer une entraide judiciaire dans toutes les questions de poursuite et à continuer de renforcer la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Il faut en outre que les jugements de la Cour constitutionnelle soient scrupuleusement appliqués dans les meilleurs délais, particulièrement en ce qui concerne les cas de disparition forcée, et que la non-application de ces jugements ne soit pas tolérée.

Violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment dans la famille

13.Tout en prenant note des mesures juridiques et administratives prises par l’État partie pour combattre les violences sexistes, notamment l’adoption par l’Assemblée parlementaire de la résolution relative à la lutte contre la violence faite aux femmes dans la famille, le Comité déplore la persistance des violences faites aux femmes et aux enfants, notamment dans la famille. S’il se félicite de l’intention de l’État partie de modifier les éléments constitutifs du crime de viol en supprimant les conditions de pénétration et de résistance active de la part de la victime, il est néanmoins préoccupé par l’insuffisance d’informations sur les lois en vigueur dans les entités qui proscrivent et répriment ce type de violence, de même que par le faible nombre d’enquêtes et de poursuites auxquelles donnent lieu les affaires de violence familiale. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les mesures de protection et les programmes de réadaptation pour les victimes seraient insuffisants (art. 1er, 2, 4, 11, 12 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour prévenir, poursuivre et condamner toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment dans la famille, et de veiller à ce que les lois existantes et les stratégies nationales adoptées à cette fin, notamment la Stratégie de prévention et de répression de la violence familiale et la Stratégie nationale de lutte contre la violence faite aux enfants, soient pleinement et efficacement mises en œuvre. L’État partie devrait venir en aide aux victimes en construisant d’autres centres d’accueil, en leur fournissant gratuitement des conseils et en prenant toutes autres mesures nécessaires pour protéger les victimes. L’État partie est en outre encouragé à mener à grande échelle des campagnes de sensibilisation et de formation sur la question de la violence familiale à l’intention des organes chargés de faire respecter la loi, des juges, des avocats et des travailleurs sociaux qui sont au contact direct des victimes, mais aussi à l’intention du grand public.

Non-refoulement

14.Tout en prenant note de l’article 91 de la loi sur la circulation et le séjour des étrangers et sur l’asile relatif au principe de non-refoulement (CAT/C/BIH/2-5, par. 76), le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine n’ont pas correctement évalué le risque de refoulement que couraient ceux qui demandent une protection internationale et selon lesquelles les personnes considérées comme représentant une menace pour la sécurité nationale peuvent être expulsées ou renvoyées vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles seront soumises à la torture. Il est en outre préoccupé par le très faible taux de succès des demandes d’asile (art. 3).

L’État partie devrait:

a)Veiller à ce que s’appliquent les garanties de procédure contre le refoulement et que des recours utiles contre les décisions de refoulement dans les procédures d’expulsion soient possibles, notamment qu’un organe judiciaire indépendant puisse les examiner;

b)Veiller à ce que les demandes d’asile soient examinées de façon approfondie dans chaque cas particulier et garantir aux demandeurs d’asile déboutés la possibilité d’exercer un recours utile avec effet suspensif de l’exécution de la décision d’expulsion ou de renvoi;

c)Réviser ses procédures et pratiques actuelles en matière d’expulsion, de refoulement et d’extradition et aligner pleinement son interprétation des notions fondamentales du droit d’asile interne sur le droit international des réfugiés et les normes en matière de droits de l’homme;

d)Suivre l’affaire du citoyen de Bosnie-Herzégovine qui demeure en détention à la base militaire de Guantanamo Bay et en tenir le Comité informé;

e)Veiller à ce que les considérations de sécurité nationale ne portent pas atteinte au principe de non-refoulement et que l’État partie honore l’obligation qui lui incombe de respecter le principe de l’interdiction absolue de la torture dans toutes les circonstances, conformément à l’article3 de la Convention.

15.Concernant les individus déchus de leur citoyenneté par la Commission d’État pour la révision des décisions de naturalisation des ressortissants étrangers et qui sont en conséquence détenus dans le centre de rétention, le Comité prend note du rapport de l’État partie selon lequel ils ont bénéficié de leur droit prévu par la loi à la protection judiciaire. Cependant, notant les préoccupations exprimées par plusieurs organismes internationaux, le Comité demeure préoccupé de ce que les cas signalés de détention prolongée de ces individus dans des conditions inappropriées et le déni de leur droit d’attaquer effectivement les décisions visant à les déchoir de leur nationalité, à les détenir et à les renvoyer n’ont pas été pleinement élucidés (art. 3 et 16).

L’État partie devrait revoir sa pratique concernant la détention prolongée de ces individus et pleinement respecter leur droit de contester effectivement les décisions visant à les déchoir de leur nationalité, à les détenir et à les renvoyer. En outre, l’État partie devrait garantir les principes fondamentaux relatifs à une procédure d’asile équitable et efficiente, prévoyant notamment des services de traduction et d’interprétation, une aide juridique gratuite et l’accès des requérants à leur dossier.

Retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays

16.Outre les problèmes reconnus par l’État partie, concernant notamment la sécurité des rapatriés appartenant à des minorités et l’absence d’enquête sur les crimes et actes de violence perpétrés contre des réfugiés et des déplacés ainsi que de poursuites contre leurs auteurs (CAT/C/BIH/2-5, par. 142), le Comité se déclare préoccupé par les informations qu’il continue de recevoir selon lesquelles les programmes de restitution des biens en cours d’exécution ne tiennent pas compte des besoins psychologiques des victimes de violences sexuelles des deux sexes. Il s’inquiète aussi de l’absence de débouchés économiques et des mauvaises conditions de vie (art. 3, 7 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faciliter le retour des réfugiés et des déplacés, notamment en construisant des logements et des infrastructures et en s’attaquant à la situation particulière des personnes qui sans cela auraient des difficultés à bénéficier de l’aide à la reconstruction. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour s’attaquer effectivement aux obstacles identifiés et veiller à ce que tous les crimes et actes de violence contre les réfugiés et les personnes déplacées fassent rapidement l’objet d’enquêtes et de poursuites appropriées. En outre, il est nécessaire d’appliquer pleinement les recommandations faites par le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays dans le rapport sur sa mission en Bosnie‑Herzégovine (E/CN.4/2006/71/Add.4).

Protection et soutien des témoins

17.Tout en notant certaines améliorations de la protection des témoins dans les procédures pénales, le Comité reste profondément préoccupé par l’absence de mesures suffisantes de protection et de soutien des témoins avant, pendant et après les procès, ce qui a des effets négatifs sur la volonté des témoins de participer aux enquêtes ou de témoigner lors du procès, ou sur leur aptitude à le faire. Le Comité exprime aussi sa préoccupation devant les cas d’intimidation des témoins et de tentative de corruption perpétrés par l’auteur, l’insuffisance de l’aide apportée aux témoins par les autorités compétentes telles que l’Agence d’État pour les enquêtes et la protection (art. 2, 11, 12, 13 et 15).

Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à ce que les victimes soient efficacement protégées, et ne subissent plus de pression pour qu’elles retirent leur témoignage ni ne soient menacées par les auteurs présumés, notamment:

a)En renforçant la capacité des organes compétents, en particulier l’Agence d’État pour les enquêtes et la protection des témoins et son Département de la protection des témoins, et en veillant à ce qu’ils respectent le droit des survivants à l’intimité de leur vie privée et fournissent aux témoins gravement menacés une protection à long terme ou permanente, notamment en modifiant leur identité ou en les déplaçant à l’intérieur ou à l’extérieur de la Bosnie-Herzégovine;

b)En accordant une plus grande attention aux besoins psychologiques des témoins pour réduire au minimum la possibilité d’une nouvelle traumatisation des survivants au cours du procès;

c)En veillant à ce que les témoins disposent de moyens de transport appropriés à destination et en provenance du tribunal et à leur fournir des escortes sur ce trajet, selon que de besoin.

Réparation, y compris indemnisation et réadaptation

18.Le Comité note que l’État partie a renforcé ses efforts pour garantir les droits des victimes à réparation, notamment en élaborant la Stratégie de justice transitionnelle. Toutefois, le Comité s’inquiète de la lenteur de l’adoption du projet de loi sur les droits des victimes de torture et des victimes civiles de guerre, de l’absence d’une définition appropriée du statut et des droits des victimes civiles de guerre dans le droit interne, et de l’insuffisance de l’aide médicale ou psychosociale et de la protection juridique offerte aux victimes, en particulier aux victimes de violence sexuelle en temps de guerre (art. 14).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter sans délai le projet de loi sur les droits des victimes de torture et des victimes civiles de guerre ainsi que la Stratégie de justice transitionnelle afin de protéger pleinement les droits des victimes, en veillant notamment à leur indemnisation et à leur réadaptation, et en veillant aussi à leur pleine récupération physique et psychologique et à leur réintégration sociale. À cette fin, l’État partie est vivement encouragé à réduire la politisation de ses efforts, à finaliser un plan d’action qui identifie clairement les activités et les responsabilités correspondantes que doivent se partager l’État et les autorités de l’Entité et veiller à l’allocation de ressources financières suffisantes.

Conditions de détention

19.S’il salue les mesures adoptées par l’État partie pour améliorer considérablement les conditions de détention, notamment la construction de nouveaux bâtiments et la rénovation des structures existantes, le Comité reste particulièrement préoccupé par les conditions matérielles et sanitaires actuelles, le recours à l’isolement cellulaire, les problèmes de surpeuplement et la violence constante entre les détenus dans les lieux de privation de liberté (art. 11, 12 et 16).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour rendre les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (résolutions 663 C (XXIV) et 2076 (LXII) du Conseil économique et social) et aux autres normes juridiques internationales et nationales pertinentes, notamment:

a)En coordonnant la supervision judiciaire des conditions de détention entre les organes compétents et en veillant à enquêter de façon approfondie sur toutes les allégations de sévices ou de mauvais traitements commis dans les établissements de détention;

b)En élaborant un plan global pour traiter la question des violences entre détenus et des violences sexuelles dans tous les établissements de détention, y compris la prison de Zenica et en veillant à ce que des enquêtes soient effectivement menées sur ces affaires;

c)En réduisant le surpeuplement carcéral, grâce en particulier au recours à des formes de détention non privatives de liberté;

d)En veillant à ce que l’emprisonnement cellulaire ne soit utilisé que comme mesure de dernier ressort pour une durée aussi courte que possible sous stricte supervision;

e)En renforçant l’action menée pour améliorer le régime de détention, notamment en prévoyant des activités professionnelles et physiques et en facilitant la réintégration des détenus dans la société;

f)En veillant à ce que les mineurs soient détenus séparément des adultes pendant toute leur période de détention ou de rétention et en leur proposant des activités éducatives et récréatives; et

g)En fournissant un hébergement et un appui psychosocial adéquats aux détenus qui ont besoin d’une supervision et d’un traitement psychiatriques.

Établissements psychiatriques

20.Tout en notant les progrès réalisés dans les établissements psychiatriques, notamment la clinique psychiatrique de Sokolac, le Comité demeure préoccupé par les questions relatives au placement en institution des personnes souffrant de troubles mentaux, s’agissant en particulier du surpeuplement des institutions et de l’absence de soutien psychosocial suffisant de la part des organes compétents (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les patients des institutions psychiatriques bénéficient d’un soutien psychosocial adéquat de la part d’équipes multidisciplinaires, à ce que tous les lieux où séjournent pour un traitement non volontaire des patients souffrant de troubles mentaux fassent l’objet d’inspections régulières par des organismes de surveillance indépendants pour garantir l’application appropriée des mesures de précaution en vigueur, et que d’autres formes de traitement soient mises en place. En outre, l’État partie devrait veiller à ce que les recommandations faites par les médiateurs dans leur rapport spécial sur la situation dans les institutions accueillant les personnes souffrant de troubles mentaux soient appliquées pleinement et en temps voulu.

Plaintes individuelles

21.Malgré les informations fournies dans le rapport de l’État partie sur la possibilité pour les prisonniers et détenus de déposer des plaintes, le Comité est préoccupé par le fait qu’il continue de recevoir des informations faisant état de l’absence d’un mécanisme de plaintes indépendant habilité à recueillir les allégations de torture et à enquêter de manière impartiale et approfondie sur ces allégations et par le fait que les prisonniers et détenus ne sont pas autorisés à se prévaloir des procédures de plainte existantes (art. 12 et 13).

L’État partie devrait veiller à ce que tout individu qui soutient avoir été victime de torture ou de mauvais traitements ait le droit de se plaindre aux autorités compétentes sans entrave et qu’il ait accès à son dossier médical sur sa demande. En outre, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, des informations sur les possibilités de dépôt de plainte devraient être fournies à tous les détenus et prisonniers, notamment sur le droit de correspondre de manière confidentielle avec les organismes judiciaires et de recueil de plaintes extérieurs, et des boîtes fermées destinées à recevoir les plaintes devraient être installées dans les prisons (CPT/Inf (2010) 10, par.36).

Formation

22.Le Comité se félicite des renseignements détaillés fournis par l’État partie au sujet des programmes de formation des responsables de l’application des lois et des magistrats, mais il demeure préoccupé de voir qu’il n’existe pas au niveau de l’État de système de formation uniforme pour tous les fonctionnaires et s’inquiète du peu de renseignements fournis quant au suivi et à l’évaluation de l’efficacité de ces programmes pour prévenir et détecter les cas de torture et de mauvais traitements (art. 10 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De veiller à ce que le personnel médical et ceux qui s’occupent de la garde à vue, de l’interrogatoire ou de la prise en charge d’individus soumis à toute forme d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement reçoivent une formation régulière et systématique sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements, cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul)et que le Manuel soit traduit dans toutes les langues voulues et utilisé aussi largement que possible;

b)D’élaborer et de mettre en œuvre une méthode visant à évaluer l’efficacité des programmes d’enseignement et de formation professionnelle et leur impact sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements, et procéder périodiquement à l’évaluation de la formation dispensée aux responsables de l’application des lois;

c)D’intensifier ses efforts afin d’incorporer une approche fondée sur l’égalité entre les sexes à la formation des personnes qui sont chargées de la garde à vue, de l’interrogatoire ou du traitement des femmes mises en état d’arrestation ou de détention ou emprisonnées; et

d)De renforcer la formation professionnelle des personnes qui travaillent dans les institutions de protection sociale pour handicapés mentaux et dans les cliniques psychiatriques.

Traite des personnes

23.Le Comité prend note de plusieurs mesures adoptées par l’État partie, parmi lesquelles l’adoption du Plan d’action national contre la traite des êtres humains et l’immigration clandestine pour 2008-2010, la création d’une base de données centrale concernant les victimes de la traite, et la publication par le Ministère de la sécurité du règlement relatif à la protection des victimes de la traite. Le Comité demeure toutefois préoccupé face à l’absence, dans le Code pénal, de dispositions définissant les peines applicables aux auteurs du délit de traite ou aux personnes impliquées dans la commission de ce délit ainsi qu’à la légèreté des peines prononcées dans ce genre d’affaire. Il constate aussi avec préoccupation la lenteur et la complexité des procédures de réparation pour les victimes de la traite (art. 2, 4 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en prenant les mesures ci-après:

a)Faire en sorte que la traite soit érigée en délit dans toutes les parties de l’État partie conformément aux normes internationales et que ces délits soient passibles de peines à la mesure de leur gravité;

b)Améliorer l’identification des victimes de la traite et permettre à ces personnes d’avoir véritablement accès à des soins médicaux et à un soutien psychologique;

c)Dispenser une formation aux responsables de l’application des lois et autres groupes de personnes et sensibiliser la population au problème de la traite.

Personnes disparues

24.Le Comité prend acte des précisions données par l’État partie selon lesquelles l’Institut des personnes disparues est pleinement opérationnel et note que l’État partie coopère avec la Commission internationale des personnes disparues. Il est néanmoins préoccupé de constater que les droits des proches des personnes disparues ne sont pas suffisamment protégés et que le fonds d’État destiné à leur venir en aide n’a pas encore été créé. Le Comité déplore également l’absence d’harmonisation des lois en vigueur dans l’État partie, qui empêche de poursuivre les disparitions forcées en tant que crimes contre l’humanité (art. 1er, 4, 14 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux recommandations préliminaires formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ouinvolontaires à la suite de sa mission d’établissement des faits de juin2010 en Bosnie-Herzégovine:

a)De garantir l’entière indépendance de l’Institut des personnes disparues et de lui fournir des ressources matérielles, financières et humaines suffisantes, y compris les moyens technologiques nécessaires pour détecter des fosses ou procéder à des exhumations;

b)Faire en sorte que le fonds d’aide aux familles de personnes disparues soit mis en place sans plus attendre et que son financement soit entièrement garanti;

c)Achever sans plus attendre la mise au point du registre central des personnes disparues et le mettre à la disposition du public;

d)Respecter le droit à la vérité des familles de personnes disparues, y compris celles qui vivent en dehors de la Bosnie-Herzégovine, en les tenant informées de l’avancement du processus d’exhumation et d’identification des cadavres et en leur communiquant régulièrement tous autres renseignements pertinents;

e)Honorer son obligation d’enquêter sur tous les cas de disparitions forcées;

f)Envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Mécanisme national de prévention

25.Le Comité relève que l’État partie s’apprête à mettre en place un mécanisme national de prévention en collaboration avec le Médiateur et avec le concours de la Mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Bosnie-Herzégovine, mais il reste préoccupé de voir que les autorités compétentes n’ont pas pris de mesures efficaces sur le plan législatif et logistique afin de créer un mécanisme national de prévention indépendant conformément aux articles 17 à 23 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait, pour donner suite aux recommandations du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel (A/HRC/14/16, par.90 (recommandation 17) et A/HRC/14/16/Add.1, par.10), accélérer la création du mécanisme national de prévention, selon les prescriptions minimales énoncées dans le Protocole facultatif. Le mécanisme national de prévention devrait être doté de ressources financières, humaines et matérielles suffisantes pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat.

Rassemblement de données

26.Le Comité déplore qu’il n’existe pas de données complètes et ventilées concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture et de mauvais traitements imputables à des responsables de l’application des lois et des personnes travaillant dans les établissements carcéraux, les viols de guerre et la violence sexuelle, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle.

L’État partie devrait rassembler des données statistiques ventilées par type d’infraction, origine ethnique, âge et sexe, relatives au suivi de la mise en œuvre de la Convention à l’échelon national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture et de mauvais traitements imputables à des responsables de l’application des lois et des personnes travaillant dans les établissements carcéraux, les viols de guerre et la violence sexuelle, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle, ainsi que les moyens pour les victimes d’obtenir réparation, y compris une indemnisation et des services de réhabilitation.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport présenté au Comité, ainsi que ses observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite donnée aux recommandations du Comité contenues aux paragraphes9, 12, 18 et 24 du présent rapport.

Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives concernant l’établissement des rapports à lui présenter et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base mis à jour conformément aux exigences relatives au document de base contenu dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) adoptées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages prévue pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent à eux deux l’obligation en matière d’établissement de rapport qui incombe à l’État partie en vertu de la Convention.

L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, soit son sixième rapport, avant le 19 novembre 2014.