Nations Unies

CAT/C/BIH/CO/6

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 décembre 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine *

1.Le Comité contre la torture a examiné le sixième rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine (CAT/C/BIH/6) à ses 1578e et 1581e séances (voir CAT/C/SR.1578 et 1581), les 10 et 13novembre 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 1602e séance, le 28 novembre 2017.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine et les renseignements qu’il contient. Il regrette toutefois que le rapport ait été soumis avec un an et demi de retard.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation, ainsi que des réponses qui ont été apportées aux questions posées et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2012 ;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2013.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction l’adoption les mesures législatives prises par l’État partie, notamment l’adoption des lois ci-après :

a)La loi relative au programme de protection des témoins en Bosnie-Herzégovine, en 2014 ;

b)La loi portant modification du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine, en 2015 ;

c)La loi relative aux étrangers, en 2015 ;

d)La loi relative à l’asile, en 2016 ;

e)La loi relative à l’aide juridictionnelle gratuite en Bosnie-Herzégovine, en 2016.

6.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser ses politiques et procédures afin de donner effet à la Convention, notamment l’adoption des textes suivants :

a)Le Plan d’action pour l’enfance de Bosnie-Herzégovine 2015-2018, en 2015 ;

b)La Stratégie officielle de lutte contre la violence familiale et les violences faites aux femmes 2015-2019, en 2015 ;

c)Le Plan national de lutte contre la traite 2016-2019, en 2015 ;

d)La Stratégie pour les migrations et le droit d’asile 2016-2020 et le plan d’action associé, en 2016.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

7.Au paragraphe 28 de ses précédentes observations finales (CAT/C/BIH/CO/2-5), le Comité a demandé à l’État partie de fournir de plus amples renseignements sur certains points suscitant des préoccupations particulières qu’il avait relevés. Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir fourni des informations sur ses questions (CAT/C/BIH/CO/2-5/Add.1). Le Comité considère que ses recommandations concernant la modification de la définition de la violence sexuelle figurant dans le Code pénal et la compilation de données sur les cas de viol et de violence sexuelle pendant la guerre (voir CAT/C/BIH/CO/2-5, par. 9) ont été pleinement appliquées. Il regrette toutefois que les recommandations concernant l’impunité des auteurs de crimes de guerre, les mesures de réparation en faveur des victimes d’actes de torture et les disparitions forcées (ibid., par. 12, 18 et 24, respectivement) n’aient été que partiellement mises en œuvre.

Définition de la torture

8.Tout en se félicitant des modifications apportées en 2015 au Code pénal qui visent à mettre l’article 190 du Code en conformité avec la Convention, le Comité demeure préoccupé par le fait que, dans le Code pénal de la Republika Srpska, les dispositions sur l'infraction de torture ne comportent pas tous les éléments énumérés à l’article premier de la Convention et que les Codes pénaux de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et du district de Brčko ne définissent pas la torture en tant qu’infraction distincte.Il regrette également que les peines prévues pour l’infraction de torture ne soient pas identiques sur tout le territoire de l’État partie (art. 1 et 4).

9. Rappelant les recommandations qu’il avait formulées dans ses précédentes observations finales (voir CAT/C/BIH/CO/2-5, par. 8), le Comité engage instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour harmoniser les définitions juridiques de la torture en Republika Srpska et dans le district de Brčko avec le Code pénal de la Bosnie ‑Herzégovine de façon qu’elles soient pleinement conformes à la définition qui figure à l’article premier de la Convention. L’État partie devrait faire en sorte que les actes de torture soient passibles de peines appropriées et proportionnées à leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, et que les peines infligées soient uniformes sur l’ensemble de son territoire.

Garanties juridiques fondamentales

10.Eu égard aux garanties de procédure prévues par la législation de l’État partie, le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles, dans la pratique, les personnes détenues ne bénéficient pas toujours de l’ensemble des garanties juridiques fondamentales dès leur placement en détention. Il note avec préoccupation que la nouvelle loi sur l’attribution de l’aide juridictionnelle gratuite en Bosnie-Herzégovine n’est pas encore appliquée de manière effective. Il est également préoccupé par les informations indiquant que le droit de demander et d’obtenir d’être examiné par un médecin indépendant n’est pas explicitement garanti aux personnes détenues dans les postes de police, et que lorsqu’un tel examen a lieu il se fait souvent en la présence de policiers. Il prend note avec regret de l’information reçue selon laquelle les déclarations des détenus et les explications qu’ils donnent concernant les blessures constatées ne sont pas consignées dans le rapport établi à l’issue de l’examen médical effectué au moment de l’admission en prison, et que l’examen médical se déroule souvent en présence de membres du personnel pénitentiaire (art. 2, 11 et 12).

11. L’État partie devrait faire en sorte que, dans la loi comme dans la pratique, toutes les personnes détenues bénéficient de l’ensemble des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, notamment des garanties mentionnées aux paragraphes 13 et 14 de l’observation générale n o  2 (2007) du Comité sur l’application de l’article 2 de la Convention. En particulier, l’État partie devrait :

a) Adopter des mesures législatives, administratives et autres pour faire en sorte que toutes les personnes détenues, y compris dans les locaux de la police, aient le droit de demander et d’obtenir d’être examinées par un médecin indépendant dès le début de leur placement en détention, et que cet examen soit conduit hors de portée de voix et hors de la vue des policiers et du personnel pénitentiaire, à moins que le médecin concerné ne demande expressément qu’il en soit autrement dans un cas donné. L’État partie devrait également veiller à ce que le rapport établi à l’issue de l’examen médical contienne, entre autres : i) un compte rendu des déclarations pertinentes faites par l’intéressé (y compris sa description de son état de santé et toute allégation de mauvais traitement) ; ii) un exposé complet des constatations médicales objectives faites sur la base d’un examen approfondi ; iii) les conclusions du professionnel de la santé, compte tenu des éléments indiqués aux points i) et ii) ci-dessus, contenant, le cas échéant, des informations quant à la cohérence entre les allégations formulées par la personne détenue et les constatations médicales objectives faites . Les résultats de l’examen devraient être mis à la disposition de la personne détenue concernée et de son avocat. Ni les professionnels de santé ni les personnes concernées ne devraient être exposés à quelque forme de pression indue ou de représailles que ce soit de la part de l’administration lorsqu’ils s’acquittent de cette tâche ;

b) Renforcer le système d’aide juridictionnelle gratuite, notamment par l’application effective de la loi sur l’aide juridictionnelle gratuite en Bosnie ‑Herzégovine, pour que le droit aux services d’un avocat compétent et indépendant s’applique effectivement à toute personne privée de liberté dès le début de cette détention, y compris aux personnes en garde à vue ;

c) Vérifier régulièrement que tous les agents de l’État respectent les garanties juridiques et veiller à ce que ceux qui ne les respectent pas soient sanctionnés comme il se doit .

Mauvais traitements infligés par la police

12.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie pendant le dialogue, mais est vivement préoccupé par les conclusions du rapport établi par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) à l’issue de la visite qu’il a effectuée dans l’État partie en 2015, selon lesquelles les personnes détenues par la police étaient couramment maltraitées voire torturées et que le fait de donner de façon répétée des gifles, des coups de poing, des coups de pied et des coups de matraque à des détenus pour leur arracher des aveux était même considéré comme normal. Le Comité est gravement préoccupé par les informations selon lesquelles certains détenus ont été menacés au moyen d’un pistolet introduit dans leur bouche et soumis à des simulacres d’exécution. Il regrette que cette situation déplorable n’ait pas changé depuis les précédentes visites du CPT en 2011 et 2012 (art. 12 et 13).

13. Le Comité demande instamment à État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Envoyer un message clair, émanant du plus haut niveau possible de sa hiérarchie, pour faire bien comprendre que la torture et les mauvais traitements sont inacceptables et que les auteurs de tels faits seront tenus pénalement responsables de leurs actes ;

b) Faire en sorte que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements imputés de la part de membres des forces de l’ordre fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie et impartiale menée par un organe indépendant, et que les auteurs soient dûment poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs crimes ;

c) Concevoir à l’intention de la police des modules de formation aux techniques d’interrogatoire et d’enquête non coercitives, pour que les condamnations soient moins souvent fondées sur des aveux ;

d) Faire installer du matériel d’enregistrement vidéo dans toutes les salles utilisées pour les interrogatoires de police, sauf dans les cas où cela risquerait d’entraîner une violation du droit des personnes concernées au respect de la vie privée ou à la confidentialité des entretiens avec leur conseil ou un médecin. L’enregistrement vidéo des interrogatoires devrait faire l’objet d’un suivi indépendant et régulier, et les enregistrements obtenus devraient être mis à la disposition des victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements et de leur avocat et être acceptés dans les procédures judiciaires.

Impunité des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements

14.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles il n’existe pas de procédure unifiée de traitement des plaintes émanant des détenus ni d’organe pleinement indépendant habilité à recevoir les plaintes des détenus contre la police et à y donner suite. Il regrette en particulier que, dans le canton de Sarajevo, le service des plaintes contre la police relève directement du Directeur de la police et fasse partie des services de police et que, souvent, des auteurs d’infractions soient désignés pour enquêter sur des plaintes par lesquelles ils sont eux-mêmes visés. Il est également préoccupé par des informations selon lesquelles les autorités s’abstiennent d’ouvrir des enquêtes sur des allégations de mauvais traitements et par le très faible nombre de cas résolus ; alors que 269 plaintes avaient été déposées entre 2010 et 2013 en Republika Srpska, deux cas seulement ont été officiellement résolus. Le Comité regrette en outre que, selon certaines informations, les examens médicaux demandés par les personnes affirmant avoir subi des mauvais traitements sont souvent conduits en présence de l’auteur supposé des faits (art. 12 et 13).

15. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour en finir avec la culture de l’impunité des actes de torture et des mauvais traitements, et notamment de faire en sorte :

a) Que toutes les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements donnent rapidement lieu à une enquête impartiale et efficace et que les accusés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

b) Qu’un organe pleinement indépendant soit créé pour recevoir les allégations de torture et de mauvais traitements et y donner suite, et que cet organe n’ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique avec les auteurs supposés des faits ;

c) Que les agents de l’État soumis à une enquête pénale ou disciplinaire à la suite d’ allégations de torture ou de mauvais traitements soient immédiatement suspendus de leurs fonctions et le restent tout au long de l’enquête, sans préjudice du principe de la présomption d’innocence ;

d) Que les victimes soient protégées contre les mauvais traitements ou les actes d’intimidation qu’elles pourraient subir pour avoir déposé une plainte, soient dûment informées de la suite donnée à celle-ci et des résultats de leur démarche et soient en mesure d’exercer leur droit à un recours juridictionnel et de participer aux procédures en cas d’inaction du parquet.

Crimes de guerre, y compris les actes de violence sexuelle commis dans le contexte du conflit

16.Tout en prenant acte des informations fournies par la délégation au sujet du processus de modification de la stratégie nationale sur les crimes de guerre, à savoir qu’un groupe de travail a été constitué aux fins de fixer de nouvelles dates limites pour le traitement des affaires de crimes de guerre, le Comité note avec préoccupation que le nombre d’affaires en instance demeure élevé et que de nombreux arrêts de la cour constitutionnelle n’ont pas encore été appliqués. Il est gravement préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes reconnues coupables de crimes de guerre consistant en des actes de violence sexuelle sont fréquemment condamnées à des peines allégées sans qu’il soit tenu compte des circonstances de chaque cas et sont autorisées à payer des amendes au lieu de purger une peine d’emprisonnement. Tout en prenant note des progrès effectués en matière de protection des témoins dans les salles d’audience, le Comité demeure préoccupé par le fait que la loi de 2014 relative au programme de protection des témoins ne s’applique qu’aux témoins qui font des dépositions devant la Cour de Bosnie-Herzégovine (art. 2, 12 et 16).

17. Le Comité invite instamment l’État partie à accélérer les poursuites à l’encontre des auteurs de crimes de guerre et le traitement des affaires de crimes de guerre et à faire en sorte que :

a) Toutes les personnes soupçonnées de crimes de guerre, notamment de viols et d’actes de violence sexuelle, ou de complicité de tels faits soient dûment et rapidement traduites en justice ;

b) La législation nationale sur les crimes de guerre soit harmonisée sur l’ensemble de son territoire et soit toujours appliquée d’une manière conforme aux normes internationales ;

c) Des mesures législatives soient prises pour empêcher que des personnes reconnues coupables de crimes de guerre échappent aux sanctions, et notamment éviter qu’elles soient condamnées à des peines allégées ou qu'elles payent une amende plutôt que de purger une peine d’emprisonnement ;

d) Des enquêtes efficaces et impartiales soient rapidement menées lorsque sont formulées des allégations de mauvais traitements, de représailles et d’actes d’intimidation à l’encontre des victimes et des témoins, et à ce que les témoins et leur famille bénéficient du plus haut niveau de protection tout au long de la procédure pénale, notamment en étendant l’application de la loi de 2014 relative au programme de protection des témoins à tous les tribunaux nationaux.

Mesures de réparations en faveur des victimes de crimes de guerre, y compris les actes de violence sexuelle

18.Tout en étant conscient des efforts menés depuis 2012 par l’État partie pour mettre en place un mécanisme national de réparation, le Comité est vivement préoccupé par le retard prolongé dans l’adoption du projet de stratégie nationale sur la justice transitionnelle, du projet de loi relative à la protection des victimes de torture et des victimes civiles de la guerre et du Programme en faveur des victimes d’actes de violence sexuelle commis dans le contexte du conflit. Il regrette qu’en raison de l’absence d’un mécanisme national de réparation, les victimes de crimes de guerre et, en particulier, d’actes de violence sexuelle, soient obligées de passer par une procédure longue et complexe au niveau de chaque entité pour obtenir une modeste assistance, notamment des prestations sociales. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles certaines dispositions de l’avant-projet de loi relative à la protection des victimes d’actes de torture commis dans le contexte du conflit de la Republika Srpska pourraient être de nature à empêcher de nombreuses victimes n’appartenant pas à l’ethnie serbe de faire valoir leur droit à réparation (art. 14).

19. Rappelant son observation générale n o  3 (2013) sur l’application de l’article 14 de la Convention, le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, y compris les victimes d’actes de violence sexuelle commis dans le contexte du conflit, d’exercer leur droit à réparation. Il devrait, en particulier, prendre des mesures pour :

a) Se doter au niveau national d’un mécanisme efficace habilité à accorder toute forme de réparation aux victimes de crimes de guerre, y compris d’actes de violence sexuelle, notamment en accélérant l’adoption du projet de stratégie nationale sur la justice transitionnelle et du programme en faveur des victimes d’actes de violence sexuelle commis dans le contexte du conflit ;

b) Concevoir et adopter une loi-cadre qui définisse clairement les critères pour la reconnaissance du statut de victime de crimes de guerre, y compris d’actes de violence sexuelle, et qui définisse un ensemble de droits et d’aides garantis aux victimes sur tout le territoire de l’État partie ;

c) Veiller à ce que les autorités au niveau des entités suppriment les dispositions législatives et les politiques restrictives et discriminatoires concernant les réparations assurées aux victimes civiles de la guerre, notamment les victimes de violences sexuelles commises dans le contexte du conflit ;

d) Rassembler des données, ventilées par âge, sexe et appartenance ethnique, sur le nombre de victimes afin d'évaluer pleinement leurs besoins, et fournir des services de réadaptation complets aux victimes sans discrimination fon dée sur leur lieu de résidence.

Médiateur et mise en place du mécanisme national de prévention

20.À l’instar du Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme, le Comité est préoccupé par le mandat restreint confié au Médiateur en matière de promotion des droits de l’homme, par le manque d’indépendance de cette institution en raison du pouvoir conféré à l’Assemblée parlementaire de nommer et de démettre de ses fonctions le Médiateur et par l’insuffisance des fonds disponibles résultant d’importantes réductions budgétaires. Le Comité est également préoccupé par le long retard pris dans l’adoption des modifications à la loi relative au Médiateur pour les droits de l’homme et par le fait qu’aucun mécanisme national de prévention n’ait été mis en place. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’explications concernant le nombre extrêmement faible de fonctionnaires affectés au Département de la protection des personnes détenues et des personnes emprisonnées (art. 2).

21. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) A ccélérer l’adoption des projets de modification de la loi relative au Médiateur pour les droits de l’homme ;

b) F aire en sorte : i) que le Médiateur ait suffisamment de ressources financières et humaines pour s’acquitter pleinement de son mandat d’une manière efficace et en toute indépendance, en pleine conformité avec les Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) ; ii) que les recommandations du Bureau du Médiateur soient effectivement appliquées ; iii) que le mécanisme national de prévention soit rapidement mis en place.

Conditions de détention

22.Tout en prenant note de la construction d’une nouvelle prison d’État à Vojkovici et des rénovations en cours dans des installations existantes, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de conditions de vie médiocres, mettant parfois en danger la vie des détenus, dans les lieux de détention. Il est préoccupé par les conditions de détention généralement très mauvaises dans les locaux de garde à vue, notamment le manque de lumière naturelle et d’aération, et les conditions d’hygiène déplorables. Tout en prenant note du recours accru à des mesures de substitution telles que l’assignation à résidence avec surveillance électronique et les travaux d’intérêt général, le Comité demeure préoccupé par la grave surpopulation dans l’établissement pénitentiaire de Sarajevo et par l’accès insuffisant des détenus à des soins de santé, à des médecins à temps complet et à des activités utiles. Le Comité prend note du recrutement récent de nouveau personnel, mais regrette l’insuffisance des effectifs dans la plupart des prisons de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine. Il prend également note de la fréquence des violences entre détenus et regrette l’absence d’informations sur les mesures préventives prises par l’État partie et sur leurs effets (art. 2, 11 et 16).

23. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention dans les prisons et dans les locaux de détention de la police et veiller à ce qu’elles soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Il devrait en particulier :

a) Réduire la surpopulation dans les établissements pénitentiaires, notamment en ayant recours à des mesures de substitution à l’emprisonnement, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), et en accélérant la construction de la nouvelle prison d’État à Vojkovici ;

b) Améliorer les conditions matérielles dans les prisons et les locaux de détention de la police, notamment en ce qui concerne la lumière naturelle, la ventilation et, en cas de détention pour la nuit, les lits, et garantir aux détenus l’accès à de la nourriture et à de l’eau en quantité suffisante ;

c) Assurer un accès adéquat à des soins de santé de haute qualité et faire en sorte que l’accès à des médecins en prison soit comparable à ce qu’il est à l’extérieur de la prison ;

d) Adopter des mesures préventives pour réduire la violence entre détenus, notamment en augmentant le nombre d’agents pénitentiaires et en les formant afin qu’ils réagissent de manière appropriée et efficace à la violence entre détenus, et veiller à ce que tous les cas de violence entre détenus soient enregistrés et donnent lieu à une enquête et à ce que des peines à la mesure de la gravité de l’infraction soient infligées aux personnes reconnues coupables ;

e) Améliorer les activités professionnelles et physiques offertes aux détenus afin de faciliter leur réinsertion dans la société.

Régime spécial et unité de surveillance renforcée en Republika Srpska

24.Le Comité est préoccupé par l’absence de garanties procédurales dans les cas où un détenu jugé perturbateur ou provocateur est placé dans un quartier à régime spécial et de surveillance renforcée, dans des prisons de type fermé de la Republika Srpska (art. 2, 11 et 16).

25. Le Comité recommande à l’État partie de modifier la loi relative au régime spécial pour garantir que la décision de placer un détenu dans une unité de surveillance renforcée ne soit pas arbitraire et que les détenus soumis à cette mesure se voient garantir le droit de faire recours auprès d’une autorité indépendante.

Disparitions forcées

26.Tout en prenant acte des mesures prises pour créer un registre central des personnes disparues, le Comité demeure préoccupé par les informations indiquant que dans plus de la moitié des cas de personnes disparues, aucune vérification n’a été effectuée, que l’Institut des personnes disparues continue à subir des restrictions budgétaires et manque toujours de personnel et du matériel nécessaire, et que le fonds d’aide aux familles de personnes disparues n’a pas été établi en raison de désaccords politiques. Le Comité regrette le manque d’informations sur l’assistance fournie aux familles de personnes disparues (art. 1, 4, 14 et 16).

27. Le Comité engage instamment l’État partie à achever la mise en place d’un registre central des personnes disparues et à créer sans retard un fonds d’aide aux familles de personnes disparues, conformément à la loi relative aux personnes disparues. L’État partie devrait également doter l’Institut des personnes disparues de ressources financières et humaines suffisantes afin qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions sans aucune contrainte, et veiller à ce que l’Institut dispose des moyens techniques et de l’équipement nécessaires pour repérer des fosses et procéder à des exhumations. L’État partie devrait également recueillir des données sur l’assistance fournie aux familles de personnes disparues et déterminer avec précision leurs besoins, y compris en ce qui concerne les services de réadaptation.

Réfugiés et non-refoulement

28.Le Comité est préoccupé par la très faible proportion de demandes d’asile acceptées par l’État partie et note avec préoccupation qu’aucun statut de réfugié n’a été accordé en 2015 et en 2016. Bien que la législation nationale sur l’asile prévoie l’exercice de leurs droits par les réfugiés et les demandeurs d’asile, le Comité est préoccupé par le fait que, dans la pratique, l’insuffisance de l’aide juridique et la faible qualité des services d’interprétation empêchent les demandeurs d’asile d’accéder à la procédure d’asile et d’être identifiés à un stade précoce. Il note avec préoccupation qu’en 2016, 42 % des demandeurs d’asile n’avaient demandé l’asile qu’après avoir été placés dans un centre de détention. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie place en détention des demandeurs d’asile qui attendent qu’il soit statué sur leur demande et que ni la procédure de recours devant la Cour de Bosnie-Herzégovine ni celle devant la Cour constitutionnelle n’ont d’effet suspensif automatique sur une ordonnance d’expulsion (art. 2, 3 et 16).

29. L’État partie devrait garantir une protection totale contre le refoulement en établissant les garanties et recours juridiques et administratifs nécessaires dans le cadre des procédures de retour forcé, de façon à garantir à tout moment qu’aucune personne nécessitant une protection internationale ne sera renvoyée dans un pays où elle risque d’être soumise à des actes de torture ou à des traitements, conditions ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants. À cette fin, l’État partie devrait :

a) Faciliter l’accès rapide et équitable à une procédure individualisée de détermination du statut de réfugié, notamment en assurant une identification en temps voulu des demandeurs d’asile et en dispensant une formation à la police des frontières et aux agents de l’immigration sur la fourniture rapide d’informations sur le droit de demander l’asile ;

b) Garantir, en droit et dans la pratique, l’accès à une représentation en justice et à des services d’interprétation indépendants, de qualité et gratuits pour les demandeurs d’asile pendant la procédure d’asile ;

c) Renforcer la capacité des agents de l’immigration à évaluer de façon approfondie l’information sur le pays d’origine et exiger un niveau de preuve raisonnable s’agissant des persécutions dont peuvent être victimes les demandeurs d’asile ;

d) S’abstenir de détenir des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants sans papiers pendant de longues périodes, ne recourir à la détention qu’en dernier ressort et pour une période aussi courte que possible, notamment en encourageant l’application de mesures de substitution à la détention.

Justice pour mineurs

30.Tout en se félicitant de l’adoption par la Republika Srpska de la loi de 2011 relative à la protection et au traitement des enfants et des jeunes en contact avec la loi, et de l’ouverture du Centre d’éducation et de redressement d’Orasje, le Comité demeure préoccupé par les informations indiquant que les mineurs bénéficient rarement de services de réadaptation et de mesures de substitution à la détention, sont parfois détenus avec des adultes et peuvent être placés en détention provisoire pendant de longues périodes (art. 11).

31. L’État partie devrait mettre son système de justice pour mineurs en pleine conformité avec les normes internationales, en particulier l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), notamment :

a) Utiliser davantage des mesures de substitution à la condamnation et à l’emprisonnement pour les mineurs et veiller à ce que l’emprisonnement ne soit utilisé qu’en dernier ressort pour la durée la plus courte possible, conformément aux règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) ;

b) Mettre sur pied des programmes d’éducation et de réadaptation spécialement conçus pour les mineurs ;

c) Garantir que les mineurs soient séparés des adultes da ns tous les lieux de détention.

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

32.Tout en prenant note de l’amélioration du cadre juridique de l’État partie applicable à la violence familiale, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la violence contre les femmes demeure largement répandue et qu’une faible proportion de cas sont dénoncés. Il est également préoccupé par les informations faisant état du caractère inadéquat des mesures de protection et de l’insuffisance de l’aide aux victimes. Le Comité regrette l’absence de données, ventilées par âge et appartenance ethnique des victimes, sur les cas de violence à l’égard des femmes (art. 2, 12 à 14 et 16).

33. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence familiale, notamment en veillant à ce que :

a) Tous les cas de violence à l’égard des femmes soient enregistrés et fassent l’objet d’une enquête rapide, efficace et impartiale, à ce que les accusés soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, sanctionnés en fonction de la gravité de leurs actes ;

b) Les victimes de violence familiale bénéficient en urgence de mesures de protection efficaces, et à ce qu’elles aient promptement accès à des centres d’accueil convenables et financés de manière adéquate, à une aide médicale et juridique, à un soutien psychosocial et à des dispositifs d’aide sociale ;

c) Les autorités compétentes compilent des données, ventilées par âge et appartenance ethnique, sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes afin de faciliter l’évaluation des risques, d’améliorer la protection et d’évaluer la situation et l’effet des mesures prises.

Traite des personnes

34.Le Comité prend acte de l’introduction de l’infraction pénale de traite des êtres humains en tant qu’infraction distincte dans les codes pénaux de toutes les entités au cours de la période considérée, mais demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a condamné que deux personnes pour cette infraction en 2016 et aucune en 2014 et 2015. Il est également préoccupé par les informations indiquant que ce n’est qu’après que les services chargés de l’application de la loi ont ouvert une enquête et qu’un procureur a reconnu officiellement les victimes en tant que telles que celles-ci peuvent bénéficier d’une assistance et d’un soutien. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les mécanismes d’orientation des victimes sont inefficaces et les juges et les membres des forces de l’ordre s’occupant des cas de traite ont besoin de davantage de formation (art. 2, 12 à 14 et 16).

35. L’État partie devrait :

a) Appliquer rigoureusement la législation relative à la lutte contre la traite pour combattre la traite des êtres humains , ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur toute allégation de traite, poursuivre les personnes qui en sont accusées et, si elles sont reconnues coupables, les condamner à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

b) Garantir que l’accès des victimes à toutes les formes de réparation, y compris une indemnisation, des services d’hébergement et des services d’accompagnement, ne dépende pas de l’issue des procédures pénales, et allouer suffisamment de fonds aux services d’aide et de réadaptation destinés aux victimes de la traite ;

c) Améliorer les mécanismes d’orientation des victimes entre les prestataires de services et les autorités compétentes ;

d) Mettre effectivement en œuvre le Plan national de lutte contre la traite 2016 ‑2019, et procéder à une évaluation de l’effet du précédent plan d’action contre la traite ;

e) Poursuivre ses efforts visant à dispenser des formations spécialisées aux magistrats et aux responsables de l’application des lois sur le traitement des affaires de traite et la protection des victimes.

Violence contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les personnes transgenres et intersexuées

36.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les personnes transgenres et intersexuées, ainsi que les personnes qui militent en faveur de ces groupes continuent d’être attaqués, menacés et intimidés, et par le fait qu’aucune des affaires de ce type signalées à la police et au Bureau du Procureur n’a donné lieu à une procédure devant les tribunaux depuis 2015. Le Comité regrette que les données concernant les crimes haineux fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne soient pas systématiquement recueillies (art. 2, 12, 13 et 16).

37. Le Comité engage l’État partie à condamner publiquement les menaces et les attaques visant les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les personnes transgenres et intersexuées, ainsi que les personnes qui militent en leur faveur, et à protéger efficacement ces personnes contre les menaces et les agressions motivées par leur identité de genre, leur orientation sexuelle et leurs activités. À cette fin, l’État partie devrait :

a) Ouvrir sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de menaces et d’agressions visant ces personnes et en poursuivre les auteurs et, s’ils sont reconnus coupables, les punir en fonction de la gravité de leurs actes ;

b) Dispenser une formation aux agents des forces de l’ordre et de l’appareil judiciaire sur les crimes haineux, en particulier ceux motivés par l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et assurer un suivi systématique de ces crimes ;

c) Rassembler des données statistiques ventilées par âge, sexe et appartenance ethnique sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de crimes haineux contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les personnes transgenres et intersexuées, mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes et adopter des politiques adaptées pour prévenir et combattre les crimes haineux.

Formation

38.Le Comité se félicite de la mise en place par l’État partie d’une formation professionnelle à l’intention du personnel pénitentiaire, mais regrette qu’une formation obligatoire aux dispositions de la Convention ne soit pas régulièrement dispensée à tous les agents publics travaillant au contact des personnes privées de liberté. Il est également préoccupé par l’absence de formation sur l’attestation et le signalement des blessures et autres conséquences pour la santé résultant d’actes de torture et de mauvais traitements, fondée sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

39. L’État partie devrait prendre des mesures pour :

a) Faire en sorte que la formation aux dispositions de la Convention, à l’interdiction absolue de la torture et aux méthodes d’interrogatoire non coercitives soit obligatoire pour tous les membres des forces de l’ordre et les autres agents publics qui travaillent au contact des personnes privées de liberté, des migrants et des demandeurs d’asile ;

b) Faire en sorte que le Protocole d’Istanbul soit un élément essentiel de la formation de tous les professionnels de la médecine et des autres fonctionnaires qui s’occupent de personnes privées de liberté ;

c) Élaborer et mettre en œuvre des méthodes spécifiques pour évaluer l’efficacité et les effets de la formation sur la prévention de la torture et des mauvais traitements, en particulier la formation sur la Convention.

Procédure de suivi

40. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir au plus tard le 6 décembre 2018 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations figurant aux paragraphes 13, 19 et 21 b) ci-dessus. Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

41. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

42. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le septième, le 6 décembre 2021 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait qu’il a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter.