Nations Unies

CERD/C/UZB/CO/6-7

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

15 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-dix-septième session

2-27 août 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Ouzbékistan

1.Le Comité a examiné les sixième et septième rapports périodiques de l’Ouzbékistan présentés en un seul document (CERD/C/UZB/6-7) à ses 2018e et 2019e séances (CERD/C/SR.2018 et 2019), les 5 et 6 août 2010. À ses 2040e et 2041e séances (CERD/C/SR.2040 et 2041), les 20 et 23 août 2010, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport détaillé de l’État partie, qui a été soumis en temps voulu et élaboré conformément à ses directives. Il se félicite du dialogue franc et sincère qu’il a eu avec la délégation de haut niveau et des efforts qui ont été faits pour qu’il soit répondu en détail aux nombreuses questions qu’il a posées dans la liste de thèmes et au cours du dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité relève avec satisfaction la ratification par l’État partie de plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et en particulier l’adhésion, en décembre 2008, au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.Le Comité accueille avec intérêt les mesures législatives prises depuis l’examen des quatrième et cinquième rapports périodiques pour améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme dans l’État partie, en particulier l’abolition de la peine de mort et l’instauration en janvier 2008 de l’examen judiciaire des décisions de mise en détention (habeas corpus), ainsi que d’autres réformes judiciaires et législatives.

5.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a autorisé 100 000 réfugiés du Kirghizistan à entrer sur son territoire après la récente flambée de violence et que son Gouvernement participe activement à l’assistance humanitaire fournie aux personnes dans le besoin.

6.Le Comité se félicite de l’élaboration d’un plan national de mise en œuvre des recommandations qu’il a formulées dans ses observations finales précédentes et de l’annonce faite par la délégation qu’un plan analogue serait adopté pour les présentes observations finales. Il invite l’État partie à fournir des renseignements détaillés sur la mise en œuvre de ce plan.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité se dit de nouveau préoccupé par l’absence dans le droit interne d’une définition de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme à la définition figurant dans la Convention, même si les dispositions de la Convention peuvent être invoquées directement devant les tribunaux nationaux, et par la nécessité d’établir assez clairement le lien entre la Convention et la législation interne.

Le Comité estime que l’élaboration d’une législation portant spécifiquement sur la discrimination raciale et comprenant tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention est indispensable pour lutter efficacement contre la discrimination raciale et recommande à l’État partie de faire figurer une telle définition dans sa législation , couvrant tou s les domaines de la vie publique et privée .

8.Le Comité note que l’État partie n’a pas apporté des informations concernant les résultats concrets des mesures prises pour donner suite à ses précédentes observations finales (CERD/C/UZB/CO/5). Il note également que nombre de préoccupations exprimées continuent d’exister et que les changements structurels nécessaires n’ont pas été réalisés.

L’État partie est engagé à donner suite à toutes les recommandations et décisions formulées par le Comité et à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œ uvre effective de la Convention.

9.Le Comité relève que le dernier recensement de la population de l’État partie remonte à 1989, ce qui enlève peut-être de la précision aux données citées dans le rapport. Il constate avec préoccupation que si certaines données démographiques ont été fournies, les données ventilées relatives à l’application de la Convention sont insuffisantes. Il n’y a pas d’indicateurs économiques et sociaux ventilés par appartenance ethnique et par sexe, de sorte qu’il est difficile de mettre en évidence la discrimination, et donc de s’y attaquer.

Rappelant qu’il importe de recueillir des données précises et actualisées sur la composition ethnique de la population, le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des données ventilées, détaillées et à jour sur la composition ethnique et la répartition par sexe de sa population. À ce sujet , il attire l’attention de l’État partie sur les paragraphes 10 , 11 et 12 de ses directives générales concernant la forme et le contenu des rapports (CERD/C/2007/1).

10.Le Comité fait remarquer que des renseignements insuffisants lui ont été communiqués sur le niveau effectif de participation des membres de minorités nationales et ethniques dans les institutions de l’État et d’autres secteurs, et sur le nombre de personnes, notamment de femmes d’origine ethnique non ouzbèke, qui occupent des postes de responsabilité dans les institutions judiciaires, administratives et politiques et dans le secteur privé. Le Comité relève que les personnes en butte à la discrimination raciale sont souvent les femmes qui sont aussi membres de minorités ethniques et appelle l’attention sur le manque de données démographiques rendant compte à la fois du sexe et de l’origine raciale, et sur le manque d’informations concernant les mesures prises pour protéger les droits des femmes appartenant à une minorité et pour en assurer la réalisation (art. 5 c)).

L’État partie devrait fournir de plus amples informations sur ces questions, en particulier des données statistiques ventilées par sexe, origine ethnique, secteur d’activité et fonctions occupées, ainsi que des renseignements sur les procédures de recrutement et de sélection .

11.Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’apatrides dans l’État partie, par la complexité des procédures régissant l’acquisition de la nationalité ouzbèke et par l’insuffisance des mesures prises pour éviter l’apatridie. Il s’inquiète en particulier de ce que l’acquisition de la nationalité ouzbèke soit subordonnée à la renonciation à toute autre nationalité, ce qui peut conduire à l’apatridie. Il est également préoccupé par la situation des enfants d’apatrides (art. 5 b)).

Afin de prévenir l’apatridie, le Comité encourage l’État partie à modifier sa législation et à supprimer les obstacles administratifs à l’acquisition de la nationalité ouzbèke par les apatrides présents sur son territoire, et par leurs enfants, et l’engage à envisager la possibilité de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

12.Le Comité est préoccupé par l’absence de législation portant expressément sur les réfugiés, et en particulier par le manque de garanties légales contre l’expulsion forcée vers des pays où la vie ou la santé des intéressés peut être menacée. Il prend note de l’information fournie par l’État partie au sujet de la mise en œuvre d’accords bilatéraux d’extradition et regrette qu’aucun renseignement n’ait été fourni sur les mécanismes juridiques internes qui garantissent l’application du principe du non-refoulement. Il note avec satisfaction que la question de la ratification de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et du Protocole facultatif y relatif de 1967 est actuellement à l’examen.

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’élaborer un cadre législatif de protection des réfugiés conforme aux normes internationales, à poursuivre sa collaboration avec le Haut-C ommissariat des Nations Unies pour les réfugiés et à protéger les personnes qui se sont réfugiées sur son territoire. Il lui recommande également de veiller, conformément à l’article 5  b) de la Convention, à ce que nul ne soit renvoyé de force dans un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’il sera persécuté et que sa vie ou son intégrité physique pour rait être menacée. À ce sujet , l’État partie est invité à mettre en place un mécanisme de réexamen des décisions d’expulsion des étrangers ayant un effet suspensif sur ces décisions. Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole facultatif y relatif de 1967 .

13.Le Comité note qu’il existe toujours dans l’État partie un système d’enregistrement obligatoire du lieu de résidence (propiska). Même s’il est maintenu aux fins de l’enregistrement des adresses, ce régime peut nuire de fait à l’exercice d’un certain nombre de droits et de libertés (art. 5, par. d) i) et ii)) pour les étrangers qui résident dans le pays et pour les personnes appartenant à des groupes vulnérables à la discrimination raciale.

Le Comité invite l’État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur le nombre de demandes d’enregistrement obligatoire déposées (ventilées par région et par origine ethnique des demandeurs) et sur la suite qui leur a été donnée.

14.Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie attestant qu’aucune affaire de discrimination raciale n’a été portée devant les tribunaux au cours de la période à l’examen et qu’il n’y a aucun élément direct montrant que des plaintes ont été reçues pour ce motif par le Médiateur; il craint que cette situation ne soit due à l’ignorance de leurs droits dans laquelle se trouvent les victimes ou à l’absence de voies de recours effectives (par. 1 d) de l’article 2 et art. 6).

Le Comité, estimant qu’aucun pays n’est exempt de discrimination raciale, invite instamment l’État partie à s’interroger sur la raison pour laquelle le nombre de plaintes enregistrées pour discrimination raciale est si faible . Il recommande à l’État partie de s’assurer que l’absence de plaintes n’est pas due au manque de voies de recours utiles qui permettraient aux victimes de demander réparation, à l’ignorance de leurs droits par celles-ci, à la crainte de représailles, au manque de confiance dans les autorités policières et judiciaires, ni au désintérêt et à l’insensibilité des autorités à l’égard des affaires de discrimination raciale. Il le prie de fournir dans son prochain rapport des informations actualisées sur les plaintes pour faits de discrimination raciale et sur les décisions rendues à l’issue des procédures pénales, civiles ou administratives. Ces informations devraient porter notamment sur le nombre et la nature des affaires jugées, sur les condamnations et les peines prononcées, ainsi que sur les réparations et autres formes de dédommagement éventuellement accordées aux victimes.

15.Le Comité prend note des renseignements concernant la commission d’interprètes dans les affaires où sont en cause des personnes ne comprenant pas la langue du procès. Il regrette qu’il ne semble pas exister de statistiques indiquant l’origine ethnique des personnes placées en détention provisoire ou détenues dans les établissements pénitentiaires.

Le Comité rappelle sa Recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale et demande à l ’ État partie de donner dans son prochain rapport des informations actualisées sur la commission d ’ interprètes dans les affaires mettant en cause des personnes qui ne comprennent pas la langue du procès, ainsi que des données sur l ’ origine ethnique des personnes placées en détention provisoire ou détenues dans les établissements pénitentiaires.

16.Le Comité regrette que le rapport périodique ne contienne que très peu d’informations sur la situation des Roms et ne dise rien de la stratégie qu’il a mise au point pour protéger cette population de la discrimination (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situ ation des Roms et en particulier sur les mesures prises pour améliorer leur niveau d ’ instruction, qui est considérablement inférieur à la moyenne nationale. Il rappelle sa Recommandation générale n o 27 (2000) concernant la discrim in ation à l ’ égard des Roms et recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie visant à protéger cette population contre toute discrimination dont elle pourrait être l’objet de la part des organes de l ’ État ou de toute personne ou organisation.

17.Le Comité a noté avec intérêt les informations données par l’État partiesur l’action menée par le Centre national des droits de l’homme et par le Commissaire pour les droits de l’homme de l’Oliy Majlis (Médiateur). Il constate néanmoins que les informations ne permettent pas de vérifier si ces institutions sont bien conformes aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 6).

Le Comité invite l ’ État partie à faire en sorte qu ’ il existe un organe national clairement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) et à veiller à ce qu e l’organe dispose des ressources humaines et financières nécessaires (résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale).

18.Rappelant le caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions ont un rapport direct avec la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990.

19.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il incorpore la Convention dans son ordre juridique interne. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les plans d’action et les autres mesures qu’il a adoptés pour appliquer au plan national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

20.Le Comité engage l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité à l’égard de communications émanant de particuliers.

21.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements visant le paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième session des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À ce propos, le Comité renvoie aux résolutions 61/148 et 63/243 dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer leur procédure interne de ratification des modifications relatives au financement du Comité et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de ces modifications.

22.Le Comité invite l’État partie à consulter différentes organisations de la société civile qui s’occupent de la protection des droits de l’homme, en particulier de la lutte contre la discrimination raciale, et d’élargir et d’approfondir son dialogue avec elles, pour ce qui est de la suite à donner aux présentes observations finales et pour l’élaboration du prochain rapport périodique.

23.Étant donné que l’État partie a soumis son document de base (HRI/CORE/1/Add.129) en 2004, le Comité l’invite à faire parvenir une mise à jour selon les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme − en particulier celles qui visent les documents de base − adoptées par la cinquième réunion intercomités de juin 2006 des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3).

24.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de fournir dans l’année qui suit l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées dans les paragraphes 12 et 15 ci-dessus.

25.Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 8, 9, 10 et 16, et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour leur donner suite.

26.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses huitième et neuvième rapports périodiques en un seul document, attendu pour le 28 octobre 2012, en tenant compte des directives concernant l’élaboration du document propre au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qu’il a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage également à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un traité particulier et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base (voir les directives harmonisées données au paragraphe 19 du document HRI/GEN.2/Rev.6).