Nations Unies

CCPR/C/UZB/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 avril 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

New York, 8-26 mars 2010

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Ouzbékistan

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/3) à ses 2692e à 2694e séances, les 11 et 12 mars 2010 (CCPR/C/SR.2692 à 2694). À sa 2710e séance, tenue le 24 mars 2010 (CCPR/C/SR.2710), il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait présenté dans les délais voulus son troisième rapport périodique, qui rend compte des mesures prises pour appliquer un certain nombre de recommandations énoncées dans ses précédentes observations finales (CCPR/CO/83/UZB). Il se félicite également des réponses écrites (CCPR/C/UZB/Q/3/Add.1) présentées en réponse à la liste des points à traiter, du dialogue mené avec la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires et éclaircissements que celle-ci a fournis oralement et par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et autres prises depuis l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie:

a)L’abolition de la peine de mort à compter du 1er janvier 2008 et l’adhésion de l’État partie au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte en décembre 2008;

b)L’adoption en avril 2009 d’amendements à un certain nombre de textes législatifs, dont le Code de procédure pénale et le Code d’exécution des peines, réformes qui ont notamment abouti au renforcement du Bureau du Médiateur, celui-ci étant désormais habilité à rendre visite aux détenus sans demande préalable et à communiquer avec eux en privé;

c)La mise en place, en janvier 2008, d’un système permettant d’exercer un contrôle judiciaire sur les mandats d’arrêt (habeas corpus);

d)La réforme, en 2008, des règles régissant le droit à la défense des personnes privées de liberté, qui sont désormais autorisées à prendre contact avec leur avocat et leurs proches au moment de leur arrestation;

e)L’adoption, en avril 2008, de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains; la création de la Commission pour la prévention de la traite, organisme national interinstitutions; l’adoption du Plan national d’action (2008-2010) visant à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains; et l’adhésion, en août 2008, au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants;

f)Les mesures prises pour lutter contre le travail des enfants et l’adhésion, en 2008, aux Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) no 138 (1973) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et no 182 (1999) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination; et l’adhésion, en décembre 2008, aux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant, respectivement, l’implication d’enfants dans les conflits armés, et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité est préoccupé par l’absence de progrès notable dans l’application d’un certain nombre de ses précédentes recommandations (CCPR/CO/83/UZB) et regrette que de nombreux problèmes n’aient pas été traités (art. 2).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet à l’ensemble des recommandations adoptées par le Comité.

5.Le Comité note que, conformément à la loi du 25 décembre 1995 relative aux traités internationaux, l’Ouzbékistan est tenu d’appliquer directement les dispositions des instruments internationaux auxquels il est partie et que, selon les informations données par l’État partie dans son rapport et dans ses réponses écrites, il applique le principe de la primauté du droit international sur le droit interne en cas de conflit de lois. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par la méconnaissance des dispositions du Pacte et les insuffisances constatées dans leur application concrète dans le système juridique national (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que les autorités nationales, notamment les instances judiciaires, connaissent parfaitement l es droits et libertés inscrits dans le Pacte et aient conscience de l ’ obligation qui leur incombe de veiller à leur application effective.

6.Le Comité regrette que l’État partie n’ait appliqué aucune des vues qu’il a adoptées au sujet de la présentation des communications individuelles en vertu du Protocole facultatif au Pacte. Il regrette également l’absence d’information sur l’organisme chargé de contrôler la suite donnée aux mesures prises, afin de garantir que les vues du Comité reçoivent l’attention requise (art. 2 et 7).

L ’ État partie devrait respecter pleinement les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et du Protocole facultatif. I l devrait assurer un recours utile aux victimes de toute violation des dispositions du Pacte constatée par le Comité dans ses vues et veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. Il devrait également donner, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les autorités chargées de contrôler la suite donnée aux vues adoptées par le Comité conformément au Protocole facultatif.

7.Le Comité reste également préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas informé les parents des condamnés à mort exécutés avant l’abolition de la peine de mort de la date exacte de l’exécution et du lieu d’inhumation, ce qui constitue une violation de l’article 7 du Pacte (art. 2 et 7).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour informer les familles des prisonniers qui ont été exécutés avant l ’ abolition de la peine de mort de la date de l ’ exécution et du lieu où ils ont été enterrés.

8.Le Comité note que l’État partie déclare avoir mené toutes les enquêtes nécessaires au sujet des événements survenus à Andijan en 2005 et avoir déjà condamné plusieurs personnes. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’aucune enquête exhaustive et pleinement indépendante n’ait été menée pour établir les circonstances exactes de ces événements au cours desquels 700 civils, dont des femmes et des enfants, ont été tués par des militaires et des agents des services de sécurité. Il regrette également que l’État partie n’ait pas présenté les informations demandées au sujet de la réglementation nationale régissant l’utilisation d’armes à feu par les forces de sécurité contre des civils (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie devrait mener une enquête pleinement indépendante et faire en sorte que les responsables présumés des homicides commis lors des événements d ’ Andijan soient traduits en justice et condamnés, s ’ ils sont jugés coupables, et que les victimes et leurs parents soient dûment indemnisés. Il devrait également réviser la réglementation nationale régissant l ’ utilisation d ’ armes à feu par les autorités de sorte qu ’ elle soit pleinement conforme aux dispositions du Pacte et aux Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois (1990).

9.Le Comité constate avec préoccupation que la réglementation existante au sujet de l’état d’urgence n’est pas pleinement conforme aux dispositions de l’article 4 du Pacte et ne prévoit pas toutes les garanties qui y sont énoncées. Il note que d’après l’explication fournie par l’État partie, un projet de loi sur l’état d’urgence est en cours d’élaboration (art. 2 et 4).

L ’ État partie devrait faire en sorte que tout es ses lois et réglementations régissant l ’ état d ’ urgence soient pleinement conformes aux dispositions de l ’ article 4 du Pacte. À ce sujet, le Comité rappelle son O bservation générale n o  29 (2001) relative aux dérogations en période d ’ état d ’ urgence.

10.Le Comité est toujours préoccupé par les allégations selon lesquelles la définition de la torture qui figure dans le Code pénal de l’État partie (art. 235) ne garantit pas la conformité de la législation nationale avec la définition établie à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui aurait une incidence sur les chefs d’accusation retenus contre les suspects. Il note par ailleurs une contradiction apparente entre, d’une part, le fait que l’État partie a affirmé que sa législation est bien conforme à cette définition, et, de l’autre, sa réponse écrite aux questions dans laquelle il a fait part de son intention de modifier la législation nationale pour la rendre conforme à la fois à l’article premier de la Convention contre la torture et à l’article 7 du Pacte, dans le cadre du Plan national d’action pour l’application des recommandations faites en 2007 par le Comité contre la torture (CAT/C/UZB/CO/3). Le Comité note qu’en 2003, la Cour suprême de l’Ouzbékistan a rendu un arrêt indiquant que les dispositions de la législation nationale relative à la torture doivent se lire à la lumière de l’article premier de la Convention contre la torture, mais il n’est toujours pas convaincu que cette législation soit conforme à toutes les dispositions dudit article (art. 7).

Le Comité réaffirme que l ’ État partie devrait réviser les dispositions de sa législation pénale, telle s qu ’ il les a exposées dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter, notamment l ’ article 235 de son Code pénal, afin qu ’ elles soient pleinement conformes à l ’ article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à l ’ article 7 du Pacte.

11.Le Comité constate avec préoccupation qu’il est régulièrement fait état de cas de torture et de mauvais traitements; que le nombre de condamnations est limité et les sanctions, qui peuvent être de simples mesures disciplinaires, généralement sans gravité; que selon certaines indications, des coupables ont été amnistiés; et, d’une manière générale, que les enquêtes menées sont inappropriées et insuffisantes. Il est également préoccupé par le fait que les tribunaux utiliseraient des éléments de preuve obtenue sous la contrainte, malgré l’arrêt rendu en 2004 par la Cour suprême sur l’irrecevabilité des preuves obtenues de manière illégale (art. 2, 7 et 14).

L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce qu ’ une enquête soit menée par un organisme indépendant sur chaque cas présumé de torture;

b) Renforcer les mesures prises pour mettre fin à la torture et autres formes de mauvais traitements, ouvrir une information judiciaire et mener une enquête sur chaque affaire et poursuivre et condamner tous les auteurs, afin de lutter contre l ’ impunité;

c) Indemniser les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements;

d) Envisager l ’ enregistrement audiovisuel des interrogatoires menés dans tous les postes de police et lieux de détention;

e) Veiller à ce que dans les cas de mauvais traitements allégués, un examen médical et médico- psychologique spécialisé soit pratiqué conformément aux dispositions du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul);

f) Réviser toutes les affaires pénales dans lesquelles il existe des allégations de recours à la force pour obtenir des aveux et de torture ou de mauvais traitements, et vérifier si ces allégations ont fait l ’ objet d ’ enquêtes appropriées.

12.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de loi régissant l’expulsion des étrangers et par le fait que l’expulsion et l’extradition sont essentiellement régies par des accords bilatéraux, qui peuvent permettre l’expulsion forcée d’étrangers vers des pays où ils risquent d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, en violation des dispositions des articles 7 et 13 du Pacte (art. 6, 7 et 13).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour adopter une législation nationale régissant le traitement des réfugiés et des demandeurs d ’ asile qui soit conforme aux dispositions du Pacte et au droit international relatif aux réfugiés. Il devrait également :

a) Veiller à ce que nul ne puisse être extradé, expulsé, reconduit ou renvoyé de force vers un pays où il risque d ’ être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, ou d ’ être victime d ’ une violation du droit à la vie;

b) Mettre en place un mécanisme qui permette à toute personne affirmant que son renvoi forcé la mettrait en danger, de faire appel de la décision d ’ expulsion, avec effet suspensif. À ce sujet, l ’ État partie devrait demander l ’ assistance d ’ organismes internationaux compétents.

13.Le Comité est toujours préoccupé par la persistance des informations faisant état d’actes de violence à l’égard des femmes, en particulier au sein de la famille, malgré les diverses mesures prises par l’État partie, et par le fait que la violence familiale ne constitue pas une infraction pénale. Il est également préoccupé par les informations faisant état, dans certaines régions du pays, de mariages forcés et de la persistance des enlèvements de femmes et de filles en vue de les épouser. À ce sujet, il s’inquiète de ce que le Code pénal de l’État partie ne contienne aucune disposition interdisant et punissant expressément ces enlèvements (art. 2, 3, 7 et 26).

L ’ État partie devrait adopter une législation qui incrimine expressément toutes les formes de violence familiale et interdise et punisse les enlèvements de femmes et de filles en vue de les épouser. Il devrait continuer à mener des campagnes ciblées destinées à sensibiliser la population à ces problèmes, notamment par l ’ intermédiaire des autorités locales et des mahallyas (conseils de quartier) . Les autorités locales, les forces de l ’ ordre, notamment les policiers, ainsi que les travailleurs sociaux et les professionnels de santé devraient recevoir une formation sur la manière de déceler et de conseiller les victimes de violence familiale. L ’ État partie devrait également veiller à ce qu ’ un nombre suffisant de centres d ’ accueil pleinement opérationnels soient à la disposition des victimes dans tout le pays.

14.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par la durée excessive (soixante-douze heures) pendant laquelle un suspect ou un accusé peut être gardé à vue avant d’être présenté à un juge. Il s’inquiète également de ce que, dans la pratique, la garde à vue peut être prolongée de quarante-huit heures dans les locaux de la police si un juge a besoin d’un complément d’information avant de statuer sur l’opportunité de remettre la personne en liberté ou de la placer en détention provisoire. Le Comité partage l’inquiétude exprimée au cours du dialogue par l’État partie, selon qui la nouvelle législation adoptée sur le contrôle judiciaire de la détention (habeas corpus) n’a pas encore pleinement produit ses effets parce que les juges, les procureurs et les avocats continuent, dans la pratique, d’appliquer les concepts juridiques traditionnels (art. 9).

L ’ État partie devrait :

a) Modifier sa législation pour que la durée de la garde à vue soit pleinement conforme aux dispositions de l ’ article 9 du Pacte;

b) Veiller à ce la législation régissant le contrôle judiciaire de la détention ( habeas corpus ) soit pleinement appliquée dans tout le pays, conformément à l ’ article  9 du Pacte.

15.Le Comité a pris note des explications données par l’État partie sur le champ d’application des notions de «terrorisme» et d’«activités terroristes» qui figurent dans la loi sur la lutte contre le terrorisme (art. 2) et dans le Code pénal (art. 155). Tout en notant que d’après l’État partie, la législation antiterroriste est entièrement conforme aux dispositions du Pacte, il continue de s’inquiéter de la façon dont les garanties prévues par celui-ci s’appliquent concrètement aux personnes soupçonnées ou accusées de ces infractions. Il reste également préoccupé par le nombre de personnes qui seraient détenues parce qu’elles sont soupçonnées d’être impliquées dans des activités terroristes/extrémistes ou pour cause de terrorisme (art. 9 et 14).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les droits, consacrés par le Pacte, de toute personne soupçonnée d ’ être impliquée dans des activités terroristes soient pleinement protégés. En particulier, il devrait faire le nécessaire pour que tout individu arrêté ou détenu du chef d ’ une infraction pénale, y compris les personnes soupçonnées de terrorisme, ait immédiatement accès à un avocat et pour que les motifs de la détention soient examinés par un tribunal.

16.Le Comité reste préoccupé par le fait que le pouvoir judiciaire n’est pas entièrement indépendant dans l’État partie, notamment parce que les nominations de juges sont renouvelées de facto tous les cinq ans par le pouvoir exécutif (art. 2 et 14).

L ’ État partie devrait garantir l ’ indépendance et l ’ impartialité totales du pouvoir judiciaire en assurant l ’ inamovibilité des juges.

17.Tout en notant avec intérêt les modifications apportées en 2008 à la législation, en vertu desquelles tout suspect ou tout accusé détenu a le droit d’entrer en contact avec un avocat ou avec ses proches dès le moment de l’arrestation, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur l’application concrète de ces garanties. Il note également avec préoccupation que la récente réforme du régime applicable aux avocats a renforcé le rôle du Ministère de la justice à l’égard des professions judiciaires, y compris le contrôle disciplinaire des avocats. Il s’inquiète en outre de ce que les autorisations de pratique du droit ont une durée limitée à trois ans et sont ensuite renouvelées par une commission des qualifications composée de représentants du Ministère de la justice et de la Chambre des avocats (art. 7, 9 et 14).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes appréhendées aient le droit d ’ entrer en contact avec leurs proches et avec un avocat. Il devrait revoir sa législation et sa pratique et les modifier de manière à garantir l ’ indépendance des avocats, notamment en révisant les dispositions relatives à l ’ octroi des licences.

18.Le Comité est toujours préoccupé par le fait que les personnes doivent obtenir un visa de sortie pour pouvoir se rendre à l’étranger. Il s’inquiète également de constater que l’État partie a maintenu le système d’enregistrement obligatoire du domicile (propiska) qui risque d’entraver l’exercice de plusieurs autres droits consacrés par le Pacte et de donner lieu à des abus et à la corruption (art. 12).

L ’ État partie devrait supprimer le régime des visas de sortie et veiller également à ce que son système d ’ enregistrement du domicile ( propiska ) soit conforme aux dispositions de l ’ article 12 du Pacte.

19.Le Comité est préoccupé par les limitations et restrictions imposées à la liberté de religion et de conviction, y compris pour les membres de groupes religieux non enregistrés, par la persistance des informations faisant état d’inculpations et de peines d’emprisonnement prononcées contre ces personnes et par les dispositions de l’article 216-2 du Code pénal qui incriminent le «fait de convertir les fidèles d’une religion à une autre religion (prosélytisme) et toute autre activité missionnaire» (CCPR/C/UZB/3, par. 707) (art. 18).

L ’ État partie devrait modifier sa législation, en particulier l ’ article 216-2 du Code pénal, pour la rendre conforme aux dispositions de l ’ article 18 du Pacte. À ce sujet, le Comité rappe lle son Observation générale n o 22 (1993) relative à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

20.Le Comité note avec préoccupation que les inégalités entre les femmes et les hommes subsistent dans de nombreux domaines d’activité, notamment dans l’emploi et dans la vie politique, malgré les avancées réalisées ces dernières années, telles que l’augmentation, grâce aux mesures positives prises par l’État, du nombre de députés de sexe féminin à l’issue des dernières élections législatives. De façon générale, il s’inquiète de la persistance des stéréotypes concernant la place des femmes dans la société, y compris dans les médias (art. 2, 3, 25 et 26).

L ’ État partie devrait lutter contre la discrimination à l ’ égard des femmes, en particulier dans le domaine de l ’ emploi, notamment en prenant des mesures ciblées à titre temporaire. Plus généralement, il devrait renforcer ses interventions en faveur de l ’ égalité des sexes dans tous les secteurs de la société et dans tous les domaines d ’ activité, notamment pour accroître la représentation des femmes dans la vie politique en organisant, entre autres, des campagnes de sensibilisation afin de faire évoluer les mentalités et de lutter contre les stéréotypes.

21.Le Comité reste préoccupé par le fait que même si la polygamie est juridiquement réprimée par le Code pénal de l’État partie (art. 126), elle existe toujours dans les faits. En outre, la responsabilité pénale prévue par la loi ne s’applique qu’aux personnes en cohabitation. Le Comité rappelle que selon lui, la polygamie est attentatoire à la dignité de la femme (voir l’Observation générale no 28 (2000) relative à l’égalité des droits entre hommes et femmes, par. 24) (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait modifier sa législation et veiller à ce que toutes les formes de polygamie soient interdites par la loi et passibles de poursuites. Plus généralement, il devrait aussi organiser des campagnes et des programmes d ’ information systématiques pour sensibiliser la société à cette question, faire évoluer les mentalités en luttant contre les stéréotypes et éliminer la polygamie.

22.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des personnes ont été victimes de harcèlements, d’agressions physiques ou de discriminations dans l’État partie en raison de leur orientation sexuelle. Il est également préoccupé par le fait que l’article 120 du Code pénal incrimine les activités sexuelles entre adultes de sexe masculin consentants (art. 7, 17 et 26).

L ’ État partie devrait revoir sa législation pour la mettre en conformité avec l ’ article 26 du Pacte. Il devrait aussi assurer une protection effective contre la violence et la discrimination fondées sur l ’ orientation sexuelle.

23.Tout en prenant note avec intérêt des différentes mesures prises par l’État partie pour renforcer la protection des droits de l’enfant, en particulier l’adoption de la loi sur les garanties en faveur des droits de l’enfant, en janvier 2008, et l’adhésion à deux Conventions de l’OIT (nos138 et 182) qui a déjà été mentionnée, le Comité reste préoccupé par les informations indiquant que des enfants seraient toujours employés et assujettis à des conditions de travail pénibles, notamment pour la récolte du coton (art. 24).

L ’ État partie devrait veiller à ce que sa loi nationale régissant le travail des enfants et ses obligations internationales en la matière soient pleinement respectées dans la pratique et à ce que les enfants bénéficient de la protection garantie par l ’ article 24 du Pacte.

24.Le Comité reste préoccupé par le nombre de représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes, de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme qui sont emprisonnés, agressés, harcelés ou victimes d’actes d’intimidation pour des motifs liés à l’exercice de leur profession. Il note également avec inquiétude que certains représentants d’organisations internationales, notamment d’ONG, se voient refuser l’entrée sur le territoire de l’État partie. Il s’inquiète également de l’absence d’enquêtes adéquates sur l’ensemble des agressions, menaces ou actes de harcèlement dont des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme auraient été victimes. Enfin, il craint que les dispositions actuelles des articles 139 et 140 du Code pénal relatifs à la diffamation et à l’insulte soient invoquées pour punir des personnes qui critiquent le régime en place (art. 19, 22 et 7).

L ’ État partie devrait autoriser les représentants d ’ organisations internationales et d ’ ONG à entrer et à travailler dans le pays et garantir aux journalistes et aux défenseurs des droits de l ’ homme présents en Ouzbékistan le droit à la liberté d ’ expression dans l ’ exercice de leurs activités. Il devrait également :

a) Prendre des mesures immédiates pour offrir une protection effective aux journalistes et aux défenseurs des droits de l ’ homme qui ont été victimes d ’ agressions, de menaces et d ’ actes d ’ intimidation en raison de leur activité professionnelle;

b) Faire le nécessaire pour que les menaces, le harcèlement et les agressions dont sont victimes les journalistes et les défenseurs des droits de l ’ homme fassent promptement l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et impartiales et, s ’ il y a lieu, pour que les auteurs de ces actes soient poursuivis devant les tribunaux;

c) Fournir au Comité, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur tous les cas de poursuites pénales liées à des menaces, actes d ’ intimidation ou agressions dirigées contre des journalistes et des défenseurs des droits de l ’ homme sur son territoire; et

d) Revoir les dispositions relatives à la diffamation et à l ’ insulte (art. 139 et 140 du Code pénal) et veiller à ce qu ’ elles ne soient pas invoquées pour harceler, intimider ou condamner des journalistes ou des défenseurs des droits de l ’ homme.

25.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par les dispositions juridiques et leurs modalités d’application qui, dans la pratique, imposent des restrictions déraisonnables à l’enregistrement des partis politiques et des associations publiques par le Ministère de la justice et qui risquent de créer des obstacles matériels considérables pour les partis et les organisations d’opposition (art. 19, 22 et 25).

L ’ État partie devrait mettre sa législation, ses réglementations et sa pratique concernant l ’ enregistrement des partis politiques en conformité avec les dispositions des articles 19, 22 et 25 du Pacte.

26.Le Comité note avec préoccupation qu’à l’heure actuelle, seuls les membres d’un petit nombre de groupes religieux enregistrés peuvent demander à accomplir un service de substitution au service militaire. Dans ce contexte, il craint que le faible nombre d’objecteurs de conscience (sept) qui ont accompli un service de substitution entre 2003 et 2007 ne soit le signe que ceux qui pourraient se prévaloir des dispositions en vigueur dans ce domaine redoutent des conséquences négatives. Par ailleurs, il s’inquiète de ce que les règlements de l’État partie relatifs au service de substitution ne s’appliquent pas aux personnes qui refusent d’accomplir un service militaire pour des raisons éthiques. Enfin, il est préoccupé par l’absence de renseignements détaillés sur la façon dont le système fonctionne dans la pratique et, en particulier, par les informations indiquant que c’est un organe militaire qui décide s’il y a lieu d’autoriser une personne à accomplir un service de substitution (art. 18).

L ’ État partie devrait adopter une loi reconnaissant expressément le droit à l ’ objection de conscience, en veillant à ce qu ’ aucun objecteur de conscience ne soit victime de discrimination ou de sanctions. L ’ autorité qui accorde l ’ autorisation d ’ accomplir un service de substitution devrait comprendre des civils.

27.L’État partie devrait diffuser largement son troisième rapport périodique, les réponses écrites qu’il a apportées à la liste de points à traiter établie par le Comité et les présentes observations finales auprès de ses autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des ONG présentes dans le pays, ainsi que du public. Des exemplaires de ces documents devraient être envoyés aux universités, aux bibliothèques publiques et à tous les autres lieux pertinents.

28.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait présenter dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 8, 11, 14 et 24 ci‑dessus.

29.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son quatrième rapport périodique, qui devrait lui parvenir avant le 30 mars 2013, des renseignements spécifiques et à jour sur toutes ses recommandations et sur le Pacte dans son ensemble. Il engage également l’État partie, lorsqu’il établira son quatrième rapport périodique, à consulter les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays.