Nations Unies

CCPR/C/ETH/CO/1

Pacte international relatifaux droits civils et politiques

Distr. générale

19 août 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

102e session

Genève, 11-29 juillet 2011

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Éthiopie

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de l’Éthiopie (CCPR/C/ETH/1) à ses 2804e, 2805e et 2806e séances, les 11 et 12 juillet 2011 (CCPR/C/SR.2804, 2805 et 2806). À sa 2823e séance, le 25 juillet 2011 (CCPR/C/SR.2823), il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial de l’Éthiopie et les renseignements qui y figurent, mais regrette que le rapport ait été soumis avec dix‑sept ans de retard. Il est reconnaissant à l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/ETH/Q/1/Add.1) apportées à la liste des points à traiter, qui ont été complétées par les réponses données oralement par la délégation éthiopienne.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles ci‑après prises par l’État partie:

a)L’adoption en 2004 du Code pénal révisé, qui criminalise tous les actes de torture et les traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, les violences sexuelles et les pratiques traditionnelles préjudiciables;

b)La soumission d’un document de base complet, conforme aux directives révisées pour l’établissement des rapports, élaboré dans le cadre d’un projet commun du Ministère des affaires étrangères, de la Commission éthiopienne des droits de l’homme et du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur la présentation des rapports aux organes conventionnels.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010;

b)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les Protocoles additionnels, en 2007;

c)La Convention (no 29) de l’OIT concernant le travail forcé ou obligatoire, en 2003;

d)La Convention (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, en 2003 également.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité note que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme que l’État partie a ratifiés l’emportent sur les lois nationales, sans toutefois qu’ils priment la Constitution, mais il note avec préoccupation qu’aucune des dispositions du Pacte n’a été invoquée devant les juridictions nationales, que le Pacte n’a pas encore été traduit dans les langues locales et que le Journal officiel fédéral n’en a pas encore publié le texte intégral (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour mieux faire connaître les dispositions du Pacte aux juges, aux avocats et aux procureurs de façon à assurer qu’elles soient prises en considération dans les procédures judiciaires internes. Dans ce contexte, l’État partie devrait prendre des mesures effectives pour diffuser largement le Pacte dans les langues nationales. Il devrait également envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.Le Comité salue l’établissement de la Commission éthiopienne des droits de l’homme mais note qu’elle n’est pas encore conforme aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Il relève que cette Commission n’a fait aucune recommandation sur des lois existantes ou futures, qu’elle a réalisé très peu d’enquêtes sur des violations présumées de droits de l’homme et que les recommandations et suggestions qu’elle fait à l’issue de ses inspections des lieux de détention ne sont pas mises en œuvre par l’État partie (art. 2).

L’État partie devrait prendre rapidement les mesures nécessaires pour garantir le développement et le bon fonctionnement de la Commission éthiopienne des droits de l’homme. Il devrait prendre toutes les dispositions voulues pour en garantir l’indépendance, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

7.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment par l’inclusion du principe de l’égalité des sexes dans la Constitution et par l’adoption du Plan d’action national en faveur de l’égalité des sexes, mais il note avec préoccupation qu’il existe des différences notables entre les régions en ce qui concerne l’amélioration de la situation des femmes (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour améliorer dans la pratique l’accès des femmes à l’emploi, à la vie publique, à l’éducation, au logement et aux services de santé dans toutes les régions du pays. L’État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques ventilées sur cette question.

8.Le Comité est préoccupé par le fait que le viol entre époux n’est pas érigé en infraction dans le Code pénal révisé (art. 2, 3 et 26).

L’État partiedevrait ériger le viol entre époux en infraction pénale. Il devrait poursuivre et punir énergiquement les auteurs de viol entre époux et donner à la police des directives claires, assorties de mesures de sensibilisation et d’autres types de formation.

9.Le Comité est préoccupé par le fait que même si la polygamie est interdite dans la loi au niveau fédéral cette pratique reste largement répandue et est toujours légale en vertu de la législation sur la famille de certains États régionaux de l’Éthiopie. Le Comité rappelle qu’il considère que la polygamie est attentatoire à la dignité de la femme, comme il est indiqué au paragraphe 24 de l’Observation générale no 28 (2000) relative à l’égalité des droits entre hommes et femmes (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait faire en sorte que la polygamie soit effectivement poursuivie au niveau fédéral et soit interdite à tous les niveaux et passible de poursuites. L’État partie devrait poursuivre son action de sensibilisation de façon à faire évoluer les mentalités et à éliminer la polygamie, qui est une forme de discrimination à l’égard des femmes.

10.Le Comité note la récente réduction du nombre de cas de mutilations génitales féminines et d’autres pratiques traditionnelles préjudiciables, comme l’a indiqué l’État partie dans son rapport, mais il constate avec regret que ces pratiques perdurent. Il regrette l’écart entre les statistiques présentées par différentes sources concernant ces pratiques, qui ne lui permet guère de se représenter clairement la situation dans le pays. Le Comité regrette également le manque d’informations sur les cas éventuels de poursuites contre les auteurs de tels actes (art. 2, 3, 7 et 26).

L’État partie devrait accroître encore ses efforts pour prévenir et éliminer les pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment les mutilations génitales féminines, et renforcer ses programmes de sensibilisation et d’éducation dans ce domaine, en particulier dans les communautés où ces pratiques sont toujours répandues. Il devrait veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice et présenter des données sur la question dans son prochain rapport.

11.Si le Comité reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des enfants, il demeure préoccupé par l’ampleur de ce phénomène en Éthiopie et par l’absence de renseignements concernant les enquêtes sur les cas de traite, les poursuites auxquelles ils auraient donné lieu et la protection des droits des victimes (art. 3, 8, 24 et 26).

L’État partie devrait renforcer les mesures appliquées pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et poursuivre et punir les auteurs. Il devrait recueillir des données sur cette question et les faire figurer dans son prochain rapport périodique. L’État partie devrait également mettre en place des programmes efficaces pour aider les victimes à faire valoir leurs droits fondamentaux.

12.Le Comité s’inquiète de l’incrimination de l’«homosexualité et d’autres actes indécents», comme d’autres organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Comme l’a souligné le Comité, cette incrimination viole le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection contre la discrimination énoncés dans le Pacte. Les inquiétudes du Comité ne sont pas dissipées par l’information donnée par l’État partie, qui indique que la disposition pertinente n’est pas appliquée dans la pratique, ni par la déclaration de l’État partie qui a indiqué qu’il importait de faire évoluer les mentalités avant de modifier la loi dans ce domaine (art. 2, 17 et 26).

L’État partie devrait prendre des mesures pour dépénaliser les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe de façon à rendre sa législation compatible avec le Pacte. Il devrait également prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la stigmatisation sociale de l’homosexualité et faire clairement comprendre qu’il ne tolère aucune forme de harcèlement, de discrimination ou de violence contre des personnes au motif de leur orientation sexuelle.

13.Le Comité accueille avec satisfaction l’application depuis août 2010 de la politique «hors camp» à l’égard des réfugiés érythréens et il est conscient que la vaste population de réfugiés à l’intérieur des frontières de l’État partie ne cesse de croître, mais il s’inquiète des difficultés auxquelles se heurtent les autres réfugiés, qui empêchent toute solution à long terme pour ces réfugiés, si ce n’est leur réinstallation (art. 2 et 26).

L’État partie devrait s’employer à favoriser l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés, notamment en élargissant la politique «hors camp» dans la mesure du possible. Le Comité invite l’État partie à ratifier la Convention relative au statut des apatrides (1954) et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961).

14.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas mis en place un mécanisme complet qui permettrait de répondre aux besoins de protection des personnes déplacées, et en particulier des personnes déplacées en raison d’un conflit (art. 2, 3, 12 et 24).

L’État partie devrait, conformément aux normes internationales dans ce domaine, notamment aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, prendre des mesures pour:a) accroître la protection des personnes déplacées; b) élaborer et adopter un cadre juridique et une stratégie nationale applicables à toutes les étapes du déplacement; c) créer des conditions offrant des solutions durables pour les personnes déplacées, y compris leur retour librement consenti en toute sécurité. Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (2009).

15.Si le Comité comprend la nécessité pour l’État partie d’adopter des mesures visant à lutter contre les actes de terrorisme, il regrette la définition vague de certaines infractions qui est donnée dans la Proclamation antiterroriste no 652/2009 et s’inquiète de la portée de certaines de ses dispositions, notamment celles qui érigent en infraction pénale le fait d’encourager et d’inciter au terrorisme par le biais de publications, qui peut entraîner des atteintes aux médias (art. 2, 15 et 19).

L’État partie devrait veiller à ce que sa législation antiterroriste donne une définition des actes terroristes suffisamment précise pour permettre aux individus de régler leur conduite en conséquence. Il devrait faire en sorte que sa législation soit limitée aux crimes qui méritent d’entraîner les graves conséquences associées au terrorisme, et réviser sa législation qui impose des restrictions injustifiées à l’exercice des droits énoncés dans le Pacte.

16.Le Comité note avec préoccupation les nombreuses informations reçues concernant des violations graves des droits de l’homme commises dans l’État régional Somali par des membres de la police et des forces armées, notamment des cas de meurtre, de viol, de disparition forcée, de détention arbitraire, de torture, de destruction de biens, de déplacement forcé et d’attaques contre les civils, ainsi que les informations récentes faisant état de l’arrestation de journalistes étrangers dans la région. Le Comité s’inquiète également de ce qu’il n’y a eu aucuns cas dans lesquels les auteurs d’infractions graves ont été poursuivis et punis et du refus de l’État partie de faire procéder à une enquête indépendante sur la situation (art. 2, 3, 4, 6, 7 et 12).

L’État partie devrait faire cesser ces violations et veiller à ce que toutes les allégations de telles violations fassent l’objet d’une enquête effective, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines appropriées, et que les victimes aient accès à des recours utiles, y compris une réparation adéquate.

17.Le Comité relève avec préoccupation les nombreuses informations qui indiquent que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont courants dans l’État partie et sont pratiqués contre les détenus par les membres de la police, les agents pénitentiaires et les membres de l’armée, en particulier à l’égard de personnes qui seraient membres de groupes insurgés armés actifs dans certaines régions de l’Éthiopie (l’État régional Somali et l’État régional d’Oromia). De plus, d’après les renseignements reçus, les auteurs de ces actes restent très souvent impunis (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait: a) garantir que toutes les allégations de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant fassent effectivement l’objet d’une enquête et que les auteurs présumés de tels actes soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines suffisantes et que les victimes aient accès à des recours effectifs et à une réparation adéquate; b) améliorer la formation des agents de l’État dans ce domaine de façon à garantir que toutes les personnes en état d’arrestation ou en détention soient traitées avec respect; c) dans son prochain rapport, faire figurer des données ventilées sur toutes les allégations de torture.

18.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de l’utilisation d’une force excessive et parfois meurtrière par les forces de sécurité, particulièrement pendant les violences postélectorales de 2005, et par la manière dont la Commission d’enquête établie pour faire la lumière sur ces faits peut être présumée avoir utilisé un critère de proportionnalité et de nécessité inapproprié, dont le contenu réel n’a pas été précisé par l’État partie (art. 6 et 7).

L’État partie devrait prendre des mesures visant à éliminer toute forme d’utilisation excessive de la force par les agents des services chargés de faire appliquer la loi. Il devrait en particulier: a) mettre en place un mécanisme chargé de mener à bien des enquêtes indépendantes sur les plaintes; b) engager des actions en justice contre les personnes qui seraient responsables; c) assurer une formation aux agents des services chargés de faire appliquer la loi; d) rendre ses dispositions législatives et ses politiques conformes aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois; e) assurer une réparation adéquate aux victimes.

19.Le Comité reconnaît qu’il existe un moratoire de facto sur les exécutions capitales mais il est toujours préoccupé de ce que les tribunaux continuent de prononcer la peine de mort pour des faits qui semblent avoir une dimension politique, et continuent aussi à mener des procès en l’absence du prévenu sans que des garanties juridiques suffisantes soient respectées (art. 6 et 14).

L’État partie devrait envisager d’abolir la peine de mort. Il devrait garantir que, si la peine de mort est prononcée, ce ne soit que pour les crimes les plus graves et dans le respect des garanties de l’article 14 du Pacte. L’État partie devrait envisager de commuer toutes les condamnations à mort et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il devrait garantir que les personnes jugées par contumace bénéficient des garanties judiciaires.

20.Le Comité note les informations données par l’État partie au sujet des garanties judiciaires appliquées pendant les procédures pénales. Toutefois, il est toujours préoccupé par le fait que le temps nécessaire pour conduire la personne en état d’arrestation jusqu’au bureau d’un juge ne soit pas compté dans la règle qui impose un délai de défèrement de quarante-huit heures. Il est également préoccupé par les informations indiquant que dans la pratique la fourniture de l’aide juridictionnelle, gratuite, a été sérieusement entravée par les restrictions imposées à l’activité des organisations non gouvernementales (ONG) par l’application de la Proclamation no 621/2009 relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations, car souvent ce sont des ONG qui assurent la représentation en justice à titre gratuit étant donné le manque de moyens du Bureau des défenseurs publics (art. 14).

L’État partie devrait veiller à ce que, quand une personne n’est pas représentée, le Bureau des défenseurs publics assure à toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction l’assistance d’un avocat, dès le début de la détention. Il devrait également prendre des mesures pour que toutes les autres garanties soient mises en œuvre dans la pratique. L’État partie devrait aussi supprimer les restrictions concernant les ONG qui concrètement les empêchent d’assurer des services d’aide juridictionnelle.

21.Le Comité note avec préoccupation qu’une loi exclut totalement la possibilité de faire appel d’une condamnation prononcée sur reconnaissance de culpabilité. Si limiter les questions qui peuvent être soulevées en appel en cas de condamnation sur reconnaissance de culpabilité peut être compatible avec le paragraphe 5 de l’article 14, le Pacte n’autorise pas une impossibilité totale de faire appel (art. 14).

L’État partie devrait modifier sa loi de façon à reconnaître, avec des limites appropriées, le droit de faire appel à la fois de la condamnation et de la peinedans le cas des personnes condamnées pour une infraction pénale sur reconnaissance de culpabilité.

22.L’État partie reconnaît que les tribunaux de la charia ne peuvent être saisis qu’avec le consentement des parties, mais il est préoccupé par le fait que ces tribunaux peuvent prendre des décisions exécutoires qui ne sont pas susceptibles d’appel sur le fond, dans des affaires telles que le mariage, le divorce, la garde des mineurs, l’héritage. Le Comité note également avec préoccupation que le Pacte ne fait pas partie des textes appliqués par les tribunaux de la charia (art. 14).

L’État partie devrait veiller à ce que tous les tribunaux et cours de justice en Éthiopie fonctionnent conformément aux principes énoncés à l’article 14 du Pacte et au paragraphe 24 de l’Observation générale no 32 (2007) du Comité. Ainsi, les tribunaux religieux ne devraient pas rendre des jugements exécutoires reconnus par l’État, à moins qu’il soit satisfait aux prescriptions suivantes: les procédures de ces tribunaux sont limitées à des questions de caractère civil et à des questions pénales d’importance mineure; elles sont conformes aux prescriptions fondamentales d’un procès équitable et aux autres garanties pertinentes du Pacte et leurs jugements sont validés par des tribunaux d’État à la lumière des garanties énoncées dans le Pacte et peuvent être attaqués par les parties intéressées, selon une procédure répondant aux exigences de l’article 14. Ces principes sont sans préjudice de l’obligation générale de l’État de protéger les droits, consacrés par le Pacte, de toute personne touchée par le fonctionnement des tribunaux religieux.

23.Le Comité note que l’État partie met en œuvre des plans pour atténuer la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, en particulier en construisant de nouveaux établissements, mais il regrette de n’avoir pas reçu d’informations concrètes détaillées au sujet de ce plan et de sa mise en œuvre. Il note avec inquiétude qu’actuellement les conditions carcérales sont toujours alarmantes, en particulier pour les femmes et les enfants, et ne sont pas compatibles avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il note aussi avec regret que le Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) n’a pas le droit de se rendre dans les prisons et autres lieux de détention (art. 10).

Le Comité rappelle la recommandation faite par le Comité contre la torture, engageant l’État partie à instaurer un système national indépendant et efficace pour surveiller et inspecter tous les lieux de privation de liberté et chargé de donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. De plus, l’État partie devrait donner aux dispositifs internationaux indépendants de surveillance la possibilité de se rendre dans les prisons, les lieux de détention et tout autre lieu où des personnes sont privées de liberté, y compris dans l’État régional Somali.

24.Le Comité est préoccupé par les dispositions de la Proclamation no 591/2008 relative à la liberté des organes d’information et à l’accès à l’information, en particulier l’obligation d’enregistrement pour les journaux, les sanctions pénales encourues pour diffamation et l’application abusive de cette loi dans la lutte contre le terrorisme, comme l’illustrent la fermeture de nombreux journaux et les charges portées contre certains journalistes. Le Comité est également préoccupé par les informations qu’il a reçues indiquant qu’il est impossible d’accéder à plusieurs sites Web et stations de radio étrangers (art. 19).

L’État partie devrait revoir sa législation de façon à garantir que toute restriction au droit à la liberté d’expression soit strictement conforme au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte et devrait en particulier revoir l’obligation d’enregistrement faite aux journaux et garantir que les médias opèrent sans subir de harcèlement et d’intimidation.

25.Le Comité est préoccupé par les dispositions de la Proclamation no 621/2009 relative à l’enregistrement et à la réglementation des œuvres caritatives et des associations, qui interdisent aux ONG éthiopiennes d’obtenir plus de 10 % de leur financement de donateurs étrangers et interdisent parallèlement aux ONG considérées par l’État partie comme étrangères de mener des activités de défense des droits de l’homme et de la démocratie. Cette législation empêche l’exercice de la liberté d’association et de réunion, comme l’illustre le fait qu’un grand nombre d’ONG et d’associations professionnelles n’ont pas été autorisées à s’enregistrer en vertu de la nouvelle Proclamation ou ont dû changer de domaine d’activité (art. 21 et 22).

L’État partie devrait réviser sa législation de façon que toute restriction au droit à la liberté d’association et de réunion soit strictement conforme à l’article 21 et à l’article 22 du Pacte et devrait en particulier réexaminer les restrictions concernant le financement des ONG locales à la lumière du Pacte et autoriser toutes les ONG à travailler dans le domaine des droits de l’homme. L’État partie ne devrait pas exercer de discrimination à l’encontre des ONG dont certains membres résident à l’extérieur des frontières.

26.Le Comité note que le droit des communautés ethniques et linguistiques à l’autodétermination est reconnu au niveau de l’État régional, conformément au «fédéralisme ethnique» établi par la Constitution, mais il s’inquiète du manque de reconnaissance et de participation à la vie publique des minorités ethniques et linguistiques qui vivent à l’extérieur des «régions ethniques» désignées (art. 1, 2, 25, 26 et 27).

L’État partie devrait reconnaître l’existence des différentes minorités ethniques et linguistiques présentes dans chaque État régional et faire en sorte qu’elles soient représentées et qu’elles participent suffisamment à la vie politique, au niveau de l’État régional et au niveau fédéral.

27.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du rapport initial, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité, et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans les langues officielles de l’État partie. Il demande que pour élaborer le prochain rapport périodique l’État partie consulte largement la société civile, l’institution nationale des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales.

28.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 16, 17 et 25.

29.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devrait lui parvenir avant le 29 juillet 2014, des renseignements spécifiques et à jour sur toutes les autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.