NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/SR.100520 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1005e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 13 janvier 2005, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Luxembourg

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Luxembourg (CRC/C/104/Add.5); document de base (HRI/CORE/1/Add.10/Rev.1); liste des points à traiter (CRC/C/Q/LUX/2); réponses écrites du Luxembourg (CRC/C/RESP/79)

1. Sur l’invitation du Président, M. Berns, M me Pesch, M. Majerus, M. Welter, M me Schaack et M me Petry (Luxembourg) prennent place à la table du Comité.

2.M. BERNS (Luxembourg) dit que son Gouvernement se prête volontiers aux critiques et recommandations du Comité car il estime que c’est la meilleure façon d’améliorer continuellement l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant.

3.M. FILLALI salue la ponctualité avec laquelle le Luxembourg a présenté son rapport et répondu aux questions posées. L’État partie fait preuve d’une constance exemplaire dans ses efforts pour donner effet aux droits de l’enfant. Il a créé différents organes spécialisés, comme le médiateur, la Commission consultative des droits de l’homme et l’Ombuds-Comité. Il a également ratifié le Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et la Convention n°182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants.

4.Malgré ce bilan positif, quelques points exigent des éclaircissements. Le Comité aimerait notamment comprendre pour quelles raisons le Luxembourg maintient ses réserves aux articles 2, 6, 7 et 15 de la Convention, puisque rien dans sa législation ne semble faire obstacle à leur retrait. Par ailleurs, le Comité relève l’absence d’une véritable stratégie globale sur l’enfance; le Luxembourg certes a pris des initiatives dans ce sens, par exemple en réunissant les départements ministériels concernés, mais aucune information nouvelle n’est fournie.

5.Il est dommage que la recommandation du Comité concernant le droit des enfants nés sous X de connaître leurs parents biologiques n’ait pas été suivie, pas plus que celle visant à supprimer la connotation négative attachée à l’expression «enfant illégitime» dans le Code civil.

6.L’Ombuds-Comité est une instance très prometteuse mais il serait intéressant de savoir s’il organise des rencontres avec les autres organismes compétents, comment il évite que leurs initiatives respectives fassent double emploi et de quels moyens il dispose.

7. On ne saurait en outre trop rappeler l’importance de la collecte de données, essentielle pour toute évaluation, et il est donc regrettable que le Luxembourg ne dispose pas de statistiques ventilées sur des sujets aussi importants que les services aux enfants handicapés ou la réadaptation des enfants victimes d’exploitation sexuelle.

8.Des précisions seraient aussi bienvenues sur la manière dont les tribunaux appliquent le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Enfin, au sujet du respect des opinions de l’enfant, le Comité relève que l’État partie, au paragraphe 79 de son rapport, parle d’une participation «limitée» des élèves et de leurs parents au fonctionnement des lycées et lycées techniques et il serait dès lors utile de savoir ce que le Gouvernement prévoit de faire pour y remédier.

9.Mme AL-THANI appelle l’attention sur les résultats d’une enquête menée en 1993 qui a révélé que 49 % des personnes interrogées estimaient les châtiments corporels utiles pour discipliner les enfants, alors que 29 % les trouvaient peu utiles et 22 % pensaient qu’il fallait les interdire. La délégation pourrait indiquer si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour interdire les châtiments corporels à la maison, comme c’est déjà le cas dans les écoles, et d’organiser des campagnes d’information pour encourager les parents à chercher d’autres méthodes de discipline.

10.M. KOTRANE demande des précisions sur la définition de l’enfant car il semblerait que les enfants du groupe d’âge 16‑18 ans soient parfois traités comme des adultes, et notamment détenus avec des adultes. D’une façon générale, les différentes catégories d’enfants ne sont pas clairement définies. Ainsi, les enfants en situation de conflit avec la loi, qui ont besoin d’une aide à la réinsertion, ne sont pas toujours distingués des enfants qui sont eux-mêmes victimes ou menacés.

11.Mme ORTIZ, faisant observer que dans ses programmes de coopération pour le développement l’Union européenne ne tient pas compte des principes de la Convention, demande si le Luxembourg pourrait exercer une quelconque influence à cet égard, en particulier dans le cadre de la présidence de l’Union européenne qu’il assume actuellement.

12.Mme KHATTAB constate que malgré le très haut niveau de respect des droits de l’enfant au Luxembourg certains enfants n’y jouissent pas encore de leurs droits sur un pied d’égalité, notamment les enfants étrangers, demandeurs d’asile ou handicapés. On constate en particulier une attitude négative vis-à-vis des musulmans, qui, sans se traduire par des actes de violence, consiste à penser qu’ils ne peuvent pas s’intégrer en raison des différences culturelles. Il conviendrait de sensibiliser la population aux valeurs de cette communauté et au fait qu’elle contribue comme les autres à l’économie nationale. Quant aux enfants demandeurs d’asile, il semble être souvent hébergés en compagnie d’adultes dans les centres d’accueil et encadrés par du personnel qui n’est pas formé à la Convention.

13.Mme SMITH note avec satisfaction que les enfants peuvent exprimer leurs opinions dans le cadre des procédures judiciaires, mais s’inquiète de ce que cela ne soit pas systématique, puisque c’est au juge qu’il appartient d’apprécier s’il convient d’entendre ou non l’enfant. Elle aimerait des précisions sur la participation des enfants aux affaires scolaires.

14.M. CITARELLA s’associe aux questions posées par les autres membres du Comité concernant les réserves du Luxembourg à certains articles de la Convention, la distinction entre enfant légitime et illégitime dans le Code civil et l’impossibilité pour les enfants nés par accouchement anonyme de connaître leur mère biologique.

15.M. LIWSKI voudrait savoir si l’incorporation dans le Code pénal des dispositions de la Convention contre la torture, en particulier celles concernant la torture psychologique, s’est accompagnée de la diffusion de nouvelles directives auprès du personnel concerné, de formations appropriées, et de campagnes de sensibilisation pour informer les enfants et les adolescents de cette évolution juridique.

16.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande des précisions sur la coopération avec la société civile. Les relations avec les acteurs civils sont traditionnellement bonnes au Luxembourg mais il reste à savoir dans quelle mesure les ONG influent sur l’élaboration des politiques destinées aux enfants. D’une façon générale, il serait intéressant de connaître le degré de priorité accordée aux questions touchant les enfants, non seulement au niveau des structures mais également en ce qui concerne leurs besoins psychologiques. Enfin, des précisions seraient bienvenues sur les programmes de formation destinés aux personnes qui s’occupent d’enfants, en particulier les médecins, les enseignants et le personnel judiciaire.

17.M. KRAPPMANN fait observer que la participation des enfants doit s’étendre également aux différents domaines de la vie communautaireterrains de jeux, circulation, services, etc. et ne pas concerner seulement les élèves des lycées et lycées techniques mais aussi les plus jeunes. Il serait intéressant en outre de savoir à quel point les enfants peuvent participer à la prise de décisions dans leur famille.

18.Le PRÉSIDENT juge alarmant qu’environ 43 % des décès de jeunes soient imputables à des accidents de voiture et quelque 7 % à des suicides et il aimerait doncsavoir si le Gouvernement partage cette préoccupation et envisage des mesures pour améliorer la sécurité routière et prévenir les suicides.

19.Il aimerait également savoirsi les autorités luxembourgeoises disposent de statistiques sur la fréquence avec laquelle le régime d’isolement pénitentiaire est appliqué aux jeunes délinquants et si après avoir déjà ramené la durée de l’isolement de 20 à 10 jours, elles envisagent de reconsidérer cette pratique eu égard à son caractère particulièrement inhumain et dégradant dénoncé dans un rapport du Conseil de l’Europe.

20. Tout en se félicitant de la loi ayant porté modification du Code civil et du Code de procédure civile pour garantir aux enfants le droit d’être entendus par le juge dans toute procédure les concernant, il s’inquiète de la complexité du dispositif, source éventuelle de découragement.

21. La délégation p o urrait également exposer la position du Gouvernement sur la question de la communication aux enfants nés par accouchement anonyme de renseignements sur leur mère biologique, compte tenu de l’avis rendu par la Commission consultative nationale d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé en faveur de la révélation de tels renseignements.

La séance est suspendue à 10 h 50; elle est reprise à 11 h 10

22.M. BERNS (Luxembourg) dit que le Luxembourg figure parmi les cinq pays au monde à consacrer plus de 0,7 % de son revenu national à la coopération et à l’aide au développement et axe son action, sans en faire une conditionnalité, sur la réalisation de droits de l’enfant essentiels comme l’éducation, l’abolition du travail des enfants et la non-implication des enfants dans les conflits armés. Les projets de coopération dans lesquels le Luxembourg choisit de s’investir sont toujours accompagnés d’un cadre permettant un dialogue politique, en particulier sur la question des droits de l’homme et des droits de l’enfant.

23.Les autorités luxembourgeoises, parfaitement conscientes des insuffisances de leur système d’élaboration des statistiques, entendent remédier à la situation au plus vite mais il est difficile pour un si petit pays de ventiler ses données, au risque d’obtenir des résultats peu crédibles tendant vers 0. Le manque de statistiques s’explique parfois aussi par les contraintes liées au secret professionnel.

24. Faire un lien entre le niveau de vie et de richesse du pays et le bonheur est hasardeux puisque les taux de suicide chez les jeunes comme chez les adultes tendent à démontrer le contraire. La réduction du nombre d’enfants qui périssent dans les accidents de la route est une autre priorité du Gouvernement qui, face à ce problème de société, organise depuis des années de multiples campagnes, notamment contre l’alcoolisme et la vitesse au volant. La dernière campagne télévisée en date, axée sur les enfants, a été très controversée du fait de la violence des images.

25.Mme ORTIZ fait observer que la quasi-totalité des pays du monde ayant ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, le Luxembourg peut très bien utiliser la réalisation des droits de l’enfant comme critère de sélection pour la définition de ses programmes de coopération.

26.Le PRÉSIDENT invite l’État partie à tenir compte, le cas échéant, des observations finales du Comité dans la planification de ses activités de coopération et d’aide au développement international et à transposer cette méthode de travail au niveau de l’Union européenne pour faciliter la tâche des personnels concernés, qui disposeraient ainsi de données de référence.

27.M. FILALI demande si dans ses relations avec la communauté musulmane le Gouvernement luxembourgeois ne pourrait pas s’inspirer des mesures prises récemment en France par le Ministère de l’Intérieur.

28.M. BERNS (Luxembourg) explique qu’au Luxembourg, la présence d’une communauté musulmane de taille conséquente ne remonte qu’aux guerres de Yougoslavie, ce qui explique son hétérogénéité et le fait que dans son travail législatif et administratif le Gouvernement ne dispose pas encore d’un interlocuteur unique avec lequel s’entretenir des mesures éventuelles à prendre, en matière d’éducation et de liberté de culte par exemple.

29.M. MAJERUS (Luxembourg) dit quaprès avoir demandéà la Commission nationale d’éthique pour les sciences de la vie et la santé de réexaminer les réserves formulées au sujet des dispositions relatives aux droits à la vie dans la Convention − conformément à unerecommandation formulée par le Comité à l’issue de l’examen du rapport initial, le Gouvernement luxembourgeois n’envisage pas de les retirer. Le Conseil d’État luxembourgeois estime toujours que la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et la loi relative à l’accouchement anonyme sont incompatibles avec les dispositions pertinentes de la Convention. Même si la vie associative au Luxembourg est extrêmement dynamique, la troisième réserve porte sur le droit d’association des jeunes mineurs car les autorités luxembourgeoises n’arrivent pas à trancher sur la question de la responsabilité civile qui se pose en pareil cas.

30.M. WELTER (Luxembourg) ajoute que les réserves formulées par le Luxembourg donnent une interprétation de la Convention ou de la législation nationale et ne visent qu’à servir l’intérêt de l’enfant. S’agissant des droits des enfants nés hors mariage, qui font l’objet de deux autres réserves, le législateur luxembourgeois estime dangereux de proclamer un lien de filiation vis‑à‑vis de personnes dont le mariage est interdit ou d’élever un enfant au domicile d’un couple dont l’un des membres au moment de la conception était engagé dans les liens du mariage avec une autre personne.

31.Mme PETRY (Luxembourg) dit qu’au Luxembourg, la scolarité est obligatoire pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. Des cours d’appui et des aides spécifiques sont mis en place pour favoriser la réussite scolaire des enfants d’origine étrangère. Pour les primo-arrivants, des classes d’accueil existent au niveau de l’enseignement primaire et secondaire. Les élèves y apprennent les principales langues d’enseignement, à savoir le français et l’allemand, de façon intensive. Des classes d’insertion et des classes à régime linguistique spécifique ont également été mises en place dans le cycle inférieur de l’enseignement secondaire et secondaire technique.

32.Dans un système scolaire où près de 40 % des élèves sont d’origine étrangère, les défis les plus importants sont la coexistence harmonieuse entre enfants et jeunes d’origines différentes ainsi que le maintien de la cohésion sociale. Le parlement luxembourgeois s’est penché à plusieurs reprises sur cette question et a fixé comme priorité la préservation de l’unité de l’école ainsi que de ses diplômes et certificats. Lors de l’aménagement des structures et programmes scolaires, le grand défi consiste donc à garantir les meilleures chances de qualification à tous les élèves en développant des mesures équitables pour l’ensemble de la communauté.

33.Des efforts particuliers sont ainsi faits pour scolariser les enfants de demandeurs d’asile. Des cours sur la pédagogie de la différenciation, la méthodologie de l’apprentissage des langues étrangères, l’éducation interculturelle et les cultures d’origine des élèves étrangers ont été inclus dans la formation initiale et continue de tous les enseignants. Afin de permettre aux enfants de langue étrangère de rester en contact avec leur langue maternelle tout en apprenant le luxembourgeois, l’allemand et le français, des cours en langue portugaise et italienne, dispensés par des enseignants engagés et payés par les ambassades respectives, sont aménagés dans l’horaire normal.

34.En vue de faciliter l’insertion scolaire des enfants d’âge préscolaire, des intervenants de langue maternelle portugaisecommunauté étrangère la plus nombreuse présente sur le territoire peuvent assister l’enseignant pendant quelques heures par semaine. Les enfants se sentent ainsi sécurisés, ont moins de problèmes de compréhension et s’intègrent plus rapidement. Par ailleurs, une bonne connaissance de la langue maternelle favorise les apprentissages ultérieurs, en particulier celui des langues étrangères.

35.Les aspects pluriculturels sont introduits dans la plupart des manuels scolaires utilisés au Luxembourg, l’objectif étant d’informer sur les droits de l’enfant, de prévenir l’intolérance, le racisme et le sexisme, et de permettre à tout élève de pouvoir s’identifier avec les contenus. Un accent est mis sur l’information des parents étrangers: en plus des réunions d’information en langue française ou luxembourgeoise, des réunions spécifiques à l’intention des parents portugais et cap-verdiens sont organisées avec traduction en langue portugaise et créole. De très nombreux documents d’information sont traduits dans les principales langues étrangères. Pour favoriser le dialogue entre parents de langue étrangère, autorités scolaires, enseignants et élèves, le Ministère de l’éducation nationale a engagé des médiateurs interculturels parlant portugais, cap-verdien, albanais, serbo-croate, russe et chinois.

36.Conformément au principe de l’égalité de tous les enfants devant la loi, la scolarisation des enfants handicapés est placée sous l’unique responsabilité du Ministère de l’éducation nationale. L’introduction de l’obligation scolaire des enfants handicapés en 1973 a été sans conteste un progrès important. Aujourd’hui, les enfants handicapés ou à besoins éducatifs spécifiques peuvent être scolarisés dans des classes ordinaires, avec ou sans l’appui d’une personne extérieure, ou dans des centres d’éducation différenciée.

37.Mme AL‑THANI demande s’il est vrai que les parents d’un enfant handicapé ont le droit de choisir entre le scolariser dans une école ordinaire et le placer en établissement spécialisé ets’il en est ainsi laquelle de ces deux options a généralement la préférence de la société luxembourgeoise.

38.Mme PETRY (Luxembourg) répond que l’orientation d’un enfant handicapé est définie par une commission médico-psycho-sociale, en accord avec les parents. Le choix du type d’établissement relève de l’autorité parentale, mais pas exclusivement; d’une manière générale on cherche à favoriser l’intégration en milieu scolaire ordinaire et la volonté des parents de scolariser leur enfant handicapé dans le système ordinaire est respectée, sauf dans les cas où cela est incompatible avec le bon déroulement de la classe.

39.Se fondant sur la Convention, le Luxembourg s’est attelé au vaste chantier nécessaire pour faire du principe du respect de l’opinion de l’enfant une réalité. Il revoit actuellement une loi sur la mission de l’école et les relations entre l’école et les parents d’élèves trop ancienne, puisque datant de 1912, le Conseil d’éducation a été institué par règlement grand‑ducal du 23 mai 1991 et depuis un an est menée à bien une réorganisation des lycées et lycées techniques à la suite de laquelle tous ces établissements auront obligation d’adopter une charte scolaire, élaborée avec la participation des élèves. De manière générale, de plus en plus d’établissements scolaires élaborent des codes de vie en partenariat avec leurs élèves. Les médiateurs interculturels, dont il a déjà été question, ont grandement contribué au développement de la participation de l’enfant dans le milieu scolaire, de même que plusieurs projets de médiation et de responsabilisation.

40.Au niveau collectif, l’étude récemment consacrée au bien‑être des jeunes est en passe de devenir un instrument de travail majeur dans les écoles et les organisations de jeunes car elle a permis de cerner les priorités et les préoccupations des mineurs. Au niveau individuel, le respect de l’opinion de l’enfant est assuré au moment de fixer le profil d’orientation, lors du passage d’un cycle d’enseignement à un autre, puisque la décision se prend non seulement en fonction des résultats scolaires et des aptitudes intellectuelles de l’élève mais aussi selon son profil psychologique et son projet de vie.

41.Le PRÉSIDENT voudrait savoirsi les élèves et les parents d’élèves sont représentés dans les conseils de classe et s’il est exact que seulement 15,6 % des enfants étrangers ayant achevé leur scolarité primaire s’inscrivent dans l’enseignement secondaire.

42.Mme PETRY (Luxembourg) indique que les élèves et les parents d’élèves ne participent pas aux conseils de classe à l’heure actuelle mais que cela pourrait changer puisque le Ministère de l’éducation nationale s’est engagé avec ses partenaires dans une phase de consultation qui porte entre autres sur ce point. Le chiffre de 15,6 % est malheureusement exact. Une étude approfondie sur les raisons d’une telle situation est en cours de dépouillement. Selon des conclusions préliminaires, différents facteurs seraient en cause, parmi lesquels un niveau d’exigence linguistique important dans l’enseignement secondaire (où il faut maîtriser à la fois le français, l’allemand et l’anglais) mais, plus encore, la situation socioéconomique des élèves considérés. Le Luxembourg est conscient du fait qu’il doit lutter contre l’échec scolaire et y travaille. Un de ses axes de travail est la création d’un lycée pilote, où une plus grande attention est accordée au rythme de l’élève.

43.M. MAJERUS (Luxembourg) dit que la participation de l’enfant est l’un des sujets pour lesquels l’État se heurte encore à des blocages au niveau de la société. C’est ainsi que les initiatives des écoles des parents, si elles ont le mérite d’exister, restent facultatives, ce qui signifie que les familles qui y participent sont déjà convaincues, et que ce type de mesure ne parvient pas à toucher les familles les plus réticentes. La médiation constitue peut‑être un outil plus efficace. Elle est en plein développement au Luxembourg depuis quelques années, qu’il s’agisse de la médiation scolaire, de la médiation familiale ou de la médiation judiciaire. Elle s’avère particulièrement utile dans les conflits familiaux pendant l’adolescence et dans les cas de séparation des parents. Bon nombre de communes se mettent à instituer des mécanismes de type commission consultative intergénérations, parlements pour enfants et autres. Le 20 novembre, Journée des droits de l’enfant, est en outre depuis quelques années l’occasion de lancer des campagnes de sensibilisation et d’écouter les doléances des enfants. Feu la Grande-Duchesse Joséphine‑Charlotte a beaucoup œuvré pour la cause des droits de l’enfant et cette tradition est perpétuée par la Grande-Duchesse Maria‑Teresa, qui a ainsi récemment reçu une cinquantaine d’enfants pour recueillir leur avis. La principale préoccupation qu’ils ont exprimée à cette occasion a été la surcharge de travail causée par les devoirs à la maison.

44.Mme SCHAACK (Luxembourg) rappelle que la ratification de la Convention par le Luxembourg est intervenue tardivement parce que ce dernier a choisi d’adapter sa législation pour la mettre en conformité avant la ratification, et non l’inverse. C’est ainsi que le Code civil prévoit désormais que le juge a l’obligation d’entendre un mineur dans toute procédure le concernant. Le mineur peut saisir lui‑même le juge, qui, s’il ne veut pas l’entendre, doit motiver sa décision. Le mineur peut être entendu seul ou avec un avocat, commis d’office s’il le faut. Dans certaines circonstances, notamment si le mineur ne veut pas être entendu de ses parents, l’audition peut se faire en chambre du conseil. Dans les procédures de divorce, le juge de la jeunesse entend l’enfant avant de décider de l’attribution de la garde. À partir de l’âge de 15 ans, l’enfant doit donner son consentement pour tout changement de nom ainsi que pour toute adoption.

45.Les mineurs en conflit avec la loi ne sont pas visés par le Code pénal mais par la loi sur la protection de la jeunesse, adoptée en 1992, qui a pour objet non pas de réprimer mais de protéger. Les audiences devant le tribunal de la jeunesse peuvent elles aussi avoir lieu en chambre du conseil et là aussi, un mineur qui a besoin d’aide peut saisir directement le parquet ou le juge de la jeunesse. Les mesures de placement, jusqu’à l’âge de 18 ans, et les mesures d’assistance éducative, jusqu’à l’âge de 21 ans, sont prises avec l’accord du mineur concerné.

46.Conformément au Code d’instruction criminelle, tout mineur auditionné qui en éprouve le besoin peut demander à ce que sa déposition fasse l’objet d’un enregistrement sonore ou audiovisuel, qui pourra être reproduit pour lui éviter de redonner son témoignage. Un projet de loi a en outre été déposé en mai 2003 qui vise à renforcer le droit des victimes et la protection des témoins, qui prévoit que l’enregistrement sonore sera effectué d’office s’agissant de victimes de violences ou d’outrage public aux bonnes mœurs.

47.La connotation péjorative inhérente à l’appellation «enfant illégitime» a également été soulignée par le Comité des droits de l’homme à l’occasion de son examen du troisième rapport périodique du Luxembourg. Les autorités luxembourgeoises avaient pris bonne note de ces critiques et ont l’intention de supprimer toutes les occurrences de cette expression au profit de l’expression «enfant né hors mariage» dans un avenir proche. On ne parle toutefois ici que d’un petit nombre d’oublis dans quelques textes, et le problème est purement terminologique car en droits comme en obligations, les enfants nés dans le mariage et hors mariage sont égaux; la discrimination entre eux n’existe plus depuis 1979.

48.M. MAJERUS (Luxembourg) indique que le droit de correction paternel a été aboli en 1939. Les châtiments corporels sont désormais une infraction et le fait que la victime soit mineure ou que l’auteur soit une personne ayant autorité sur elle constitue une circonstance aggravante. Il n’en reste pas moins que dans les faits, la gifle ou la fessée est trop souvent banalisée par les parents. La Ministre de la famille a confié à un groupe de travail le soin d’étudier s’il est nécessaire de rappeler dans une nouvelle loi que les violences, physiques et psychiques, sont formellement interdites. En tout état de cause, des efforts devront être faits sur le front de la formation et de la sensibilisation.

49.Ce n’est que dans de très rares exceptions que le juge de la jeunesse peut se dessaisir d’une affaire et la renvoyer devant une juridiction pour adultes, c’est-à-dire si l’accusé a entre 16 et 18 ans et pour des crimes très graves, en cas de récidive et si les méthodes éducatives ont été épuisées.

50.Les centres socioéducatifs de l’État accueillent les jeunes délinquants et les mineurs confrontés à des problèmes de toxicomanie. Ceux qui fuguent, exercent une violence physique, commettent des actes de vandalisme ou encore introduisent des drogues dans l’enceinte du centre peuvent faire l’objet d’une mesure disciplinaire d’isolement temporaire sous réserve qu’un médecin atteste de leur bonne santé. Suite aux critiques formulées par le Comité contre la torture à ce sujet, l’isolement a été remplacé par des travaux d’intérêt général.

51.Au cours des dernières années, de nombreux efforts ont été déployés pour sensibiliser les pédagogues, les psychologues et les éducateurs ainsi que les magistrats et les infirmiers aux principes consacrés par la Convention.

52.L’ensemble du secteur du travail social et socioéducatif est géré par des ONG conventionnées, qui coopèrent étroitement avec les divers ministères compétents en fonction du secteur d’activité précis dans lequel elles interviennent. Il convient de noter l’existence du Conseil supérieur de la famille et de l’enfance ainsi que de l’Observatoire luxembourgeois de l’enfance et des générations.

53.Il y a 20 ans, à l’exception des institutions chargées d’accueillir des enfants en détresse, rares étaient les établissements scolaires ou les centres de jeunes dotés de services de supervision des activités menées en faveur des enfants qu’ils encadraient. Aujourd’hui, une telle supervision est systématique, qui permet de veiller à la mise en œuvre des lois relatives à l’enfance.

54.M. FILALI demande si les enfants participent à la vie des communes et s’ils sont consultés dans le cadre des aménagements urbains, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer l’emplacement des espaces verts ou des pistes cyclables par exemple. Il voudrait savoir si le terme «d’enfant naturel» figure sur les documents concernant les enfants nés de parents anonymes, et s’il existe des instructions officielles régissant l’attribution à ces derniers d’un nom et d’un prénom.

55.Il serait intéressant de connaître la raison pour laquelle un nombre aussi élevé d’enfants luxembourgeois sont scolarisés dans les pays limitrophes, et quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour améliorer le niveau scolaire des enfants d’immigrants qui n’ont la plupart du temps pas un bagage éducatif suffisant lorsqu’ils accèdent au marché de l’emploi et pour réduire le nombre de demandeurs d’asile renvoyés dans leur pays d’origine avec leur famille, ce qui constitue souvent un traumatisme pour les enfants. Il serait également intéressant de savoir quelle est la composition du conseil de discipline qui a compétence pour infliger une peine d’isolement pénitentiaire, et si un juge d’application des peines pénales ou encore un médecin peut faire obstacle à l’application de cette décision. Le fait que les enfants âgés de 16 ans à 18 ans puissent dans certains cas être renvoyés devant une juridiction pour adultes est en contradiction avec l’esprit et la lettre de la Convention.

56.Mme AL-THANI demande si l’État partie envisage d’adopter une loi visant à rendre tous les bâtiments et transports publics accessibles aux handicapés. Elle déplore l’absence de services de soins psychiatriques destinés aux enfants de moins de 12 ans et voudrait savoir si des programmes de santé mentale ont été mis en place dans les écoles à l’intention des élèves souffrant de troubles de l’alimentation, comme l’anorexie mentale ou la boulimie. Les autoritéscompétentes devraient être chargées de mener une étude sur les causes des suicides, si nombreux chez les jeunes.

57. La délégation pourrait indiquer si la toxicomanie, l’abus d’alcool et la consommation de tabac gagnent du terrain dans l’État partie ou parviennent à être jugulés, si des campagnes sont menées pour lutter contre ces fléaux, si la hausse de l’incidence du VIH/sida touche davantage les enfants que les adultes et si des programmes sont mis en place en faveur des orphelins du sida ou des enfants vivant avec le VIH/sida.

58.Enfin, il serait utile de savoir quelles mesures l’État partie a prises pour remédier à la faiblesse persistante du taux d’allaitement maternel, malgré l’allongement louable du congé de maternité porté de 12 semaines à 9 mois.

59.Mme ANDERSON aimerait savoir pourquoi l’examen périodique du placement des mineurs dans des structures d’accueil n’est pas obligatoire et déplore que le suivi de la prise en charge des mineurs au sein de ces structures ne soit pas dévolu à un seul et unique ministère. Elle se demande dès lors dans quelle mesure on peut avoir l’assurance que les principes consacrés dans la Convention sont bien respectés dans ces établissements.

60.Mme ORTIZ, notant que les parents biologiques d’un mineur placé dans une structure ou une famille d’accueil sont déchus de leur autorité parentale au profit des parents d’adoption, demande un complément d’information sur les règles qui régissent les relations entre ces jeunes et leurs parents biologiques une fois qu’ils ont atteint l’âge de la majorité et sur la nouvelle loi visant à protéger ce lien qui devait être adoptée en 2003.

61.Enfin, il faudrait savoir comment le Luxembourg, qui a une longue expérience en matière de lutte contre la pornographie à caractère pédophile, parvient à mettre les enfants à l’abri de ce fléau malgré l’essor de la pornographie sur Internet.

62.Mme LEE demande à quoi ont abouti les recommandations du groupe de travail chargé d’élaborer un projet relatif à la prise en charge individuelle de la personne handicapée et quels ont été les résultats du projet pilote mis en place pour une durée de deux ans visant la population handicapée jusqu’à l’âge de 6 ans, insistant sur l’importance de dépister les handicaps et d’intervenir dès le plus jeune âge.

63.M. CITARELLA déplore que la législation luxembourgeoise n’ait pas fixé l’âge de la responsabilité pénale et voudrait obtenir des données plus précises sur le nombre de mineurs déférés devant des juridictions pour adultes. Il demande en outre si la durée du placement du mineur délinquant dans un centre socioéducatif est fixée par un juge ou par une autorité administrative.

64.M. KOTRANE demande des informations complémentaires sur la notion «d’enfant viable» mentionnée au paragraphe 114 du rapport et se demande si l’absence de mesures de prévention de la consommation de drogues légales par les jeunes ne peut pas s’expliquer par le fait que ces drogues sont une importante source de revenu pour l’État.

65.Mme SMITH voudrait savoir si les membres de l’appareil judiciaire savent que la Convention est directement applicable dans le droit interne et si un mineur peut consulter un médecin sans le consentement de ses parents.

66.M. LIWSKI demande si des études ont permis de déterminer le profil psychologique des jeunes toxicomanes et de mettre en évidence le lien entre la consommation de drogues et le taux élevé de suicides.

67.Mme KHATTAB demande si l’État partie a pris des mesures pour veiller à ce que les personnes qui travaillent dans les 60 cabarets du pays, dont un grand nombre sont originaires d’Europe centrale et orientale, ne soient pas victimes d’exploitation sexuelle à des fins de pornographie ou de prostitution.

68.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC dit que selon des informations émanant d’ONG œuvrant sur le terrain, le système éducatif luxembourgeois utiliserait encore certaines méthodes d’enseignement archaïques, ce quiamène à se demander si l’État partie tient compte de l’article 29 de la Convention qui oblige les États à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités.

69.Le PRÉSIDENT demande un complément d’information sur la manière dont le Ministère de la famille coordonne toutes les activités relatives à la promotion des droits de l’enfant, sachant que de nombreuses réalisations au bénéfice des enfants relèvent de la compétence de nombreux autres départements ministériels.

70. Le Comité aimerait en outre savoir si l’État partie envisage de créer un service hospitalier pour la prise en charge psychiatrique des enfants de moins de 14 ans et si l’abandon denfant est un sujet de préoccupation au Luxembourg.

La séance est levée à 13 h 5.

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