NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.96310 août 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 963e SÉANCE*

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 28 mai 2004, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial de la Dominique

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Dominique [CRC/C/8/Add.48; liste des points à traiter (CRC/C/Q/DMA/1); réponses écrites du Gouvernement dominiquais à la liste des points à traiter (CRC/C/RESP/55)]

1.Sur l’invitation du Président, la délégation de la Dominique, composée de M. Letang, M me  Fontaine et M. Anthony, prend place à la table du Comité.

2.M. LETANG (Dominique) dit que la Dominique connaît de graves difficultés économiques liées à la suppression progressive des conditions préférentielles d’accès dont bénéficiaient auparavant ses exportations de bananes, à la baisse de l’activité touristique due aux attentats du 11 septembre 2001 et aux problèmes que rencontre son secteur offshore. En 2002, le Gouvernement a lancé un programme de stabilisation budgétaire et de reprise économique visant à corriger les déséquilibres macroéconomiques et à lever les obstacles structurels qui entravent la croissance à long terme. Ses efforts ont reçu l’aval du FMI, avec lequel il a conclu un accord de confirmation d’un an et un arrangement portant sur trois ans dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance.

3.Malgré les difficultés économiques, les enfants demeurent une des premières priorités de la Dominique, qui a pris diverses mesures pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant. En 1999, l’examen de toutes les lois concernant les enfants, effectué en collaboration avec l’UNICEF, a montré que la législation dominiquaise était conforme à l’esprit et à la lettre de la Convention mais qu’il convenait de renforcer les lois en vigueur et de créer des services et des structures d’appui. Plusieurs lois ont été adoptées ou modifiées. Ainsi, les institutions de la petite enfance accueillent désormais les enfants dès leur naissance et non plus à partir de 3 ans seulement comme auparavant, le montant des allocations de maternité a été doublé et un établissement d’enseignement supérieur a été créé.

4.Des procédures régissant l’intervention des organismes de protection de l’enfance en cas de maltraitance à enfant ont été instituées, de même qu’un programme d’assistance juridique, dont peuvent bénéficier les mineurs.

5.Dans le domaine de l’éducation, diverses politiques ont été mises en œuvre, notamment en faveur des enfants handicapés, et une politique nationale pour la jeunesse est en cours d’examen au Parlement.

6.Le Gouvernement a lancé une politique nationale contre le VIH/sida et a mis en place des programmes de prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant. Il a aussi adopté des politiques visant à atteindre une couverture vaccinale de 100 % chez les enfants de moins de 5 ans et à lutter contre l’asthme, les maladies diarrhéiques et les affections respiratoires aiguës.

7.En mai 2004, le Ministère du développement communautaire, des affaires féminines et de l’information et le Comité national sur la Convention relative aux droits de l’enfant ont organisé une journée de réflexion sur la situation des enfants à la Dominique et les mesures à prendre en priorité pour l’améliorer. Il a été notamment décidé de renforcer l’appui budgétaire, de poursuivre la réforme législative, de créer des mécanismes appropriés et de resserrer la collaboration avec les organisations non gouvernementales. Il a été décidé de créer un Comité interministériel pour l’enfance, chargé de veiller à la prise en compte des questions relatives aux enfants à tous les niveaux.

8.Les enfants représentent plus de 20 % de la population de la Dominique. Dans ces conditions, le Gouvernement est conscient qu’il est essentiel de répondre à leurs besoins, tant pour le bien‑être des enfants eux‑mêmes que pour l’avenir de la nation dans son ensemble. Malheureusement, les difficultés économiques que connaît le pays rendent la tâche particulièrement ardue. C’est pourquoi la Dominique engage instamment la communauté internationale à appuyer ses efforts de restructuration de la dette afin qu’elle puisse être en mesure d’appliquer pleinement les dispositions de la Convention.

9.Mme AL‑THANI, rapporteur pour la Dominique, déplore que la Dominique ne soit pas partie aux Conventions n° 138 et n° 182 de l’OIT, à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à la Convention contre la torture et aux Conventions de La Haye. Elle demande si l’élaboration du projet de loi sur les enfants et la famille a progressé et si la Division de la protection sociale, qui est chargée de la coordination des questions relatives aux enfants, travaille en collaboration avec les différents ministères concernés. Elle voudrait également savoir si le Comité national sur la Convention relative aux droits de l’enfant est un organe non gouvernemental indépendant, s’il tient des consultations avec le Gouvernement et s’il est habilité à recevoir des plaintes et à procéder à des enquêtes. Il serait également bon de savoir si l’élaboration du plan d’action national en faveur de l’enfance a progressé.

10.Elle s’inquiète de savoir si la Convention est traduite en langue caraïbe et si elle est diffusée sous une forme adaptée à un public d’enfants. Elle demande des précisions sur le niveau de vie des Caraïbes et sur les mesures prises pour lutter contre la discrimination dont ils pourraient être victimes.

11.La délégation pourrait préciser s’il est envisagé de prendre des mesures pour mettre un terme aux châtiments corporels, qui sont autorisés par la loi.

12.M. CITARELLA demande si des organisations de la société civile ont participé à l’élaboration du rapport. Notant que les budgets de l’éducation et de la santé n’augmentent pas, il demande des précisions sur les prévisions budgétaires pour les années suivantes et s’inquiète de savoir si le pays dispose de sources de revenu susceptibles de pallier le manque à gagner dû à la diminution des exportations de bananes. La délégation pourrait en outre indiquer si la Convention peut être invoquée devant les tribunaux. Constatant que la législation dominiquaise manque cruellement de cohésion en matière d’âges légaux, il invite l’État partie à revoir sa définition de l’enfant.

13.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC aimerait obtenir des précisions sur les priorités définies lors de la journée de réflexion sur la situation des enfants à la Dominique ainsi que des renseignements sur l’enregistrement des naissances, dont le rapport ne fait pas mention, et sur les mesures prises pour aider les mères adolescentes à poursuivre leurs études.

14.Mme LEE relève une contradiction entre l’âge de la scolarité obligatoire, fixé à 16 ans, et l’âge minimum d’accès à l’emploi, fixé à 12 ans, et demande si la loi qui interdit de donner ou de vendre de l’alcool à un mineur de 12 ans est toujours en vigueur. Elle note que la naissance d’un enfant doit être enregistrée dans un délai de 14 jours mais que les parents ont jusqu’à 12 mois pour lui donner un nom et demande des explications à ce sujet.

15.M. LIWSKI demande s’il existe une stratégie de conversion de la dette et si des mesures ont été prises pour éviter que les difficultés économiques du pays ne pèsent sur les services de base offerts aux enfants. Il aimerait que la délégation donne des exemples concrets de la participation des enfants à la vie culturelle et sociale du pays.

16.Mme OUEDRAOGO, notant que le Gouvernement s’efforce de mettre en place un système de collecte des données qui devrait être opérationnel en septembre 2004, demande si les informations recueillies couvriront tous les aspects de la Convention relative aux droits de l’enfant.

17.La délégation pourrait indiquer si le personnel de la Division de la protection sociale est spécialement formé à recevoir des plaintes et si les enfants sont informés de l’existence de cette structure et encouragés à l’utiliser. Elle pourrait également préciser si les discussions qui devaient être engagées avec les médias afin d’accroître le nombre d’émissions éducatives destinées aux enfants ont donné des résultats et si des mesures vont être prises pour étendre le réseau de bibliothèques sur le territoire.

18.Mme SMITH souhaiterait savoir quelles mesures prend l’État partie pour mieux faire accepter la Convention par les parents, apparemment plutôt réservés voire hostiles à son égard, et garantir aux enfants l’exercice de leur droit d’exprimer librement leur opinion et de voir celle‑ci dûment prise en considération dans les décisions les intéressant, dans les établissements scolaires, dans la famille et dans les décisions de justice. Il serait également intéressant de savoir, à la lumière du paragraphe 150 du rapport, dans quelle mesure la liberté de pensée, de conscience et de religion des enfants en tant que tels est respectée à la Dominique.

19.Mme ORTIZ aimerait connaître la structure organisationnelle de l’État partie en matière de fiscalité et de répartition des ressources, en faveur des enfants notamment, et savoir en particulier si l’administration est centralisée ou si les gouvernements locaux ont certains pouvoirs en matière de perception de recettes et, le cas échéant, s’ils possèdent leurs propres services de protection de la famille et des enfants.

20.La délégation pourrait en outre donner des renseignements supplémentaires sur l’autonomie dont jouissent véritablement les Caraïbes, qui vivent actuellement dans une réserve, et indiquer si les autorités dominiquaises entendent leur accorder la pleine propriété de leurs terres et si, dans le cadre du plan national d’action, elles envisagent de trouver des solutions aux problèmes auxquels ces populations − dont les enfants − se trouvent confrontées, à savoir, la maltraitance, l’alcoolisme, la toxicomanie et le chômage.

21.M. KOTRANE souligne que, contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport, les textes législatifs de la Dominique relatifs aux enfants ne sont pas strictement conformes aux dispositions de la Convention puisque, par exemple, la loi sur l’emploi des enfants fixe l’âge de l’admission à l’emploi à 14 ans (et même à 12 ans si ce travail est effectué pour le compte de leurs parents) et il invite l’État partie à aligner ses âges légaux sur ceux de la Convention. Il serait bon également, qu’outre les dispositions de l’article 15 de la Constitution, l’État partie offre aux enfants et aux adolescents la possibilité de consulter un avocat ou d’obtenir des conseils juridiques ou médicaux sans le consentement de leurs parents.

22.Il y a tout lieu de se féliciter de l’adoption par l’État partie de la loi sur les successions, qui accorde le même statut aux enfants nés dans le mariage ou hors mariage en matière de succession légale touchant à des biens mobiliers ou immobiliers, et de l’inscription du principe de non‑discrimination dans la Constitution. Il conviendrait néanmoins de revoir la définition de l’«acte discriminatoire», qui ne reprend pas intégralement tous les critères (dont l’incapacité et l’origine nationale) énoncés par la Convention dans son article 2.

23.M. FILALI demande si l’État partie s’est fixé une échéance pour l’aboutissement du grand chantier législatif (Code des droits de l’enfant, loi sur les tribunaux des affaires familiales, loi sur la légitimation, entre autres) qu’il a entrepris et si une quelconque structure est chargée de veiller à la réelle mise en œuvre de tous ses projets. Dans ce contexte, il serait également utile que la délégation précise le statut exact de la Convention dans l’ordre juridique interne.

24.S’agissant des âges légaux, il serait intéressant de savoir s’il existe des modes de prise en charge des enfants dits «incorrigibles» autres que le transfert d’un centre de formation fermé à la prison et de connaître les modalités d’annulation et les effets d’un mariage célébré entre des personnes âgées de moins de 16 ans, notamment quant à la possibilité pour un jeune père marié de 15 ans de reconnaître son enfant à 16 ans.

25.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, souhaiterait savoir si dans le cadre des arrangements que l’État partie a récemment conclu avec le FMI en matière de lutte contre la pauvreté et de promotion de la croissance, les services aux enfants font l’objet de dispositions particulières, notamment concernant l’allocation de crédits budgétaires spécifiques à la santé ou à l’éducation.

La séance est suspendue à 11 heures; elle est reprise à 11 h 15.

26.M. LETANG (Dominique) explique que le Ministère du développement communautaire, des affaires féminines et de l’information, par l’intermédiaire, entre autres, de sa Division de la protection sociale, est la principale structure gouvernementale chargées des questions relatives à l’enfance, mais que plusieurs autres départements ministériels disposent de compétences en la matière. Faute de ressources, le coordonnateur des activités relatives aux droits de l’enfant assume bien d’autres fonctions au sein de la Division de la protection sociale.

27.Le Comité sur la Convention relative aux droits de l’enfant, constitué de représentants des différents ministères et de la société civile, a pour mission de fournir des avis au Gouvernement sur les questions liées aux droits de l’enfant, d’assurer la mise en œuvre de la Convention et son suivi et de promouvoir les activités en faveur des droits de l’enfant. À ce titre, il organise, de concert avec le Comité en faveur de l’enfance, une organisation non gouvernementale, des consultations d’enfants et de nombreuses campagnes et ateliers d’information destinés à mieux faire connaître à la population les principes et dispositions de la Convention.

28.La Dominique est dotée d’une Division des statistiques qui compile les données générales relatives à la population et à la croissance économique. Les différents ministères recueillent des données portant plus spécifiquement sur leur domaine de compétence. Par exemple, la Section des statistiques du Ministère de l’éducation s’occupe des données relatives à l’enseignement à tous les niveaux. Le Ministère de la santé est responsable des données sanitaires concernant les enfants. La Division de la protection sociale met actuellement en place un système de gestion de l’information visant à recueillir des données plus complètes.

29.Au sujet de la participation de la société civile, il importe de noter que le rapport a été élaboré dans le cadre d’un long processus de consultation avec toutes les parties intéressées, à savoir les enfants et les jeunes, les départements ministériels, les groupes d’intérêts et les médias, afin de refléter, dans la mesure du possible, tous les avis.

30.M. ANTHONY (Dominique) indique que pour vaincre les réticences des parents dominiquais et de certains professionnels vis‑à‑vis de la Convention, le Gouvernement s’est engagé, ces dernières années, dans une démarche d’éducation et de sensibilisation. L’accent a été mis non seulement sur la sensibilisation des enfants aux dispositions de la Convention mais aussi sur leurs responsabilités au sein de la famille et de la société.

31.En ce qui concerne la définition de l’enfant, notamment l’harmonisation des âges légaux, les autorités de la Dominique ont récemment pris l’engagement de revoir leur législation pour l’aligner davantage sur les dispositions et les principes de la Convention. En outre, elles ne manqueront pas d’accorder une attention toute particulière à la loi sur les enfants et les adolescents qui, à l’heure actuelle, fixe à 12 ans l’âge à partir duquel l’alcool peut être vendu à un mineur.

32.Pour remédier au manque de statistiques, le Département des affaires sociales centralisera, à terme, toutes les données relatives aux domaines de la Convention qui auront été collectées et compilées par les différents ministères.

33.Même si la Convention ne peut être invoquée directement devant les tribunaux, de nombreuses dispositions législatives spécifiques, par exemple, la loi sur les infractions sexuelles et la loi sur la protection contre la violence au foyer, permettent de veiller au respect et à l’application des droits et des principes consacrés dans la Convention.

34.Mme FONTAINE (Dominique) précise qu’en dehors de la capitale où se trouve la bibliothèque centrale, quatre villes possèdent aujourd’hui une bibliothèque publique; une bibliothèque itinérante se déplace en outre de village en village. Des bibliothèques scolaires − ouvertes à tous − sont de plus ouvertes peu à peu dans les écoles, qui disposent désormais de bien plus de manuels que dans le passé. Des centres de documentation communautaires sont mis en place dans les zones rurales pour permettre aux enfants et aux jeunes d’avoir également accès à l’information.

35.S’agissant de l’éducation des jeunes filles enceintes, le Gouvernement travaille actuellement à l’élaboration de directives visant à permettre aux élèves de poursuivre leur scolarité après la naissance de leur enfant.

36.La Dominique s’est par ailleurs engagée dans un processus de concertation visant à abolir les châtiments corporels, qui restent autorisés par la loi. La route sera sans doute longue, mais des dispositions ont d’ores et déjà été prises pour restreindre leur utilisation à des situations de dernier recours. Ainsi l’infliction de châtiments corporels dans le cadre d’une décision judiciaire doit être confirmée par un juge de la Haute Cour et conformément à la loi sur l’éducation, ce type de correction ne peut être administré que par le directeur de l’établissement ou tout enseignant désigné, par écrit, à cette fin par ce dernier.

37.Mme AL‑THANI demande quelles mesures sont prises par l’État partie pour lutter contre la pratique − courante dans les pays des Caraïbes − des châtiments corporels à la maison et pour promouvoir auprès des parents d’autres méthodes de discipline.

38.Mme FONTAINE (Dominique) dit que la question des châtiments corporels occupe une place importante dans les activités de sensibilisation du public aux dispositions de la Convention. Elle est abordée dans les brochures d’information sur la Convention et ses objectifs, mais aussi dans le cadre des réunions de parents et d’enseignants et d’autres débats publics. Elle sera également traitée dans la vidéo sur la Convention qui doit être produite prochainement. Une campagne d’éducation des parents a en outre été lancée dans les écoles et les communautés. Il faudra néanmoins du temps pour parvenir à un changement véritable des comportements, les châtiments corporels étant toujours considérés par la plupart comme culturellement acceptables.

39.M. KOTRANE fait observer qu’il sera impossible d’empêcher le recours aux châtiments corporels dans la famille et les institutions tant que les juges auront le pouvoir d’infliger ce type de peine. C’est pourquoi il serait souhaitable de commencer par amender la législation pour en supprimer les dispositions prévoyant ou autorisant de tels traitements.

40.M. ANTHONY (Dominique) dit qu’il faut pour cela sensibiliser les responsables politiques et les décideurs, ce qui a d’ailleurs été un des objectifs de la récente journée de réflexion des membres du Gouvernement. La question des châtiments corporels, qui figurait à l’ordre du jour de cette journée, compte parmi les domaines d’action prioritaires du tout nouveau Comité interministériel chargé des questions relatives aux enfants. Le processus de réflexion et de dialogue nécessaire à l’évolution des mentalités et, à terme, de la législation et des pratiques est donc bien engagé.

41.Mme LEE demande qui exactement a participé à cette journée de réflexion et quels ont été ses résultats.

42.M. LETANG (Dominique) indique que tous les membres du Gouvernement (Premier Ministre, ministres, secrétaires permanents et chefs de divisions) ont pris part à cette journée, qui a débouché sur l’adoption d’une déclaration signée par le Premier Ministre, par laquelle le Gouvernement s’est engagé à prendre des mesures dans un certain nombre de domaines prioritaires, parmi lesquels la mise au point d’un plan national d’action en faveur des enfants, la protection des enfants autochtones, l’enregistrement des naissances ou encore le traitement des délinquants juvéniles. Dans le domaine de la santé, les principaux objectifs définis lors de cette journée ont été la mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte contre le VIH/sida, le dépistage systématique de certaines maladies chez les nouveau‑nés, l’amélioration des services destinés aux adolescents, la vaccination universelle et le renforcement des programmes de santé scolaire. Dans le domaine de l’éducation, l’accent a été mis notamment sur l’amélioration des résultats scolaires des garçons, la réintégration des adolescentes ayant eu un enfant en cours de scolarité et la mise en place de mécanismes de soutien et de conseil aux élèves (notamment par la présence de travailleurs sociaux dans les écoles).

43.M. ANTHONY (Dominique) précise que l’UNICEF, dont le représentant local a également participé à la journée de réflexion, s’est engagé à appuyer l’action du Gouvernement dans tous ces domaines. L’UNICEF continuera en outre de participer à ce type de journée et aidera à l’organisation de visites d’étude à l’étranger.

44.Mme CHUTIKUL demande des précisions sur le mandat du Comité interministériel et sur ses liens avec le Comité national des droits de l’enfant.

45.M. LETANG (Dominique) précise que le Comité interministériel est un organe gouvernemental composé des hauts fonctionnaires chargés de la mise en œuvre et de la coordination des politiques relatives à l’enfance. Le Comité national des droits de l’enfant, qui comprend des agents de l’État mais aussi des représentants de la société civile et des ONG, exerce pour sa part des fonctions de surveillance et de suivi. Ces deux comités, dont les mandats respectifs n’ont pas encore été définitivement arrêtés, devraient donc jouer un rôle complémentaire.

46.Mme FONTAINE (Dominique) précise que les activités de sensibilisation du public aux questions relatives aux droits de l’enfant reposent sur un plan d’action annuel établi par le Comité national des droits de l’enfant. Elles font appel non seulement aux professionnels de l’éducation, de la santé et de la justice mais aussi aux responsables communautaires et aux enfants eux‑mêmes. D’importantes consultations avec les enfants et les jeunes ont eu lieu en 2002; elles ont débouché sur l’élaboration d’un document intitulé «Voices of Dominican children» contenant diverses recommandations qui a été soumis au Gouvernement. La plupart des parents ont dans un premier temps réagi négativement à la campagne de sensibilisation à la Convention, qui remettait en question leurs méthodes autoritaires. Toutefois, les activités de sensibilisation ont commencé à porter leurs fruits et on note un changement progressif d’attitude. En ce qui concerne la liberté de religion, aucun problème particulier ne se pose, les enfants sont élevés dans la religion de leurs parents mais peuvent tout à fait manifester leur intérêt pour une autre religion et en débattre avec leur entourage.

47.M. LETANG (Dominique) souligne qu’il existe un certain nombre de mécanismes permanents visant à encourager la participation des enfants et des jeunes. Le Conseil national de la jeunesse, mis sur pied avec l’appui du Gouvernement, a pris part à l’élaboration de la politique nationale en faveur de l’enfance, qui prévoit notamment la tenue d’un Parlement des enfants. Dans les écoles, diverses structures permettent d’associer les élèves à la prise des décisions les concernant. En vertu de la loi sur l’éducation de 1997, des conseils d’école comprenant des représentants des élèves ont été constitués dans tous les établissements subventionnés par l’État. Dans les autres établissements, ce sont les comités de gestion ou encore les associations parents‑enseignants qui remplissent des fonctions analogues. Au niveau du secondaire, il existe des conseils d’élèves à part entière.

48.M. ANTHONY (Dominique) reconnaît que l’enregistrement des naissances continue de poser problème. La plupart des naissances ont lieu à l’hôpital central et peuvent donc être consignées. Toutefois, les parents quittent très souvent l’hôpital sans avoir donné de nom à leur enfant et n’entreprennent pas toujours les démarches nécessaires par la suite pour le faire enregistrer auprès des services compétents. Des mesures d’information et de sensibilisation des parents ont été prises pour tenter de corriger cette situation. À l’issue de sa récente journée de réflexion, le Gouvernement a décidé de lancer une campagne de 6 mois au cours de laquelle tous les enfants pourront être enregistrés gratuitement, même si le délai obligatoire de 12 mois a été dépassé. Il convient de préciser que ce délai correspond à la période pendant laquelle les parents n’encourent aucuns frais administratifs.

49.Mme FONTAINE (Dominique) dit que le peuple caraïbe vit dans une réserve mais n’est nullement exclu de la société dominiquaise. Les Caraïbes sont libres de s’installer dans n’importe quelle autre partie de l’île s’ils le souhaitent. Les terres qui leur ont été attribuées, il y a tout juste 100 ans, n’appartiennent à personne en propre et ne peuvent être occupées et exploitées que collectivement, ce qui contribue à entretenir la pauvreté dans laquelle vivent les Caraïbes en limitant leurs possibilités de développement individuel. Une réflexion a donc été engagée sur les moyens d’améliorer la situation des Caraïbes à cet égard. La traduction éventuelle de la Convention en langue caraïbe ne s’impose guère car cette langue n’est plus comprise aujourd’hui que par deux ou trois personnes. Les enfants caraïbes ont les mêmes droits que tous les autres enfants dominiquais. On trouve sur leur territoire des écoles, des centres de santé et tous les équipements collectifs de base.

50.M. LETANG (Dominique) souligne que les ressources dont dispose le Gouvernement sont très limitées, comme en témoigne le budget pour 2003/2004, qui ne prévoit par exemple aucune augmentation des crédits alloués à l’éducation. Un certain nombre de projets bénéficient toutefois d’un financement extrabudgétaire, notamment dans le cadre du Fonds d’affectation spéciale pour les besoins essentiels, qui a permis de financer la rénovation et l’agrandissement de plusieurs écoles, du Fonds d’affectation spéciale pour l’éducation, qui est utilisé pour venir en aide aux élèves les plus démunis, et du Programme de protection sociale financé par l’Union européenne. De plus, le Gouvernement s’efforce de diversifier et renforcer ses sources de revenus par une stratégie de croissance axée essentiellement sur le renforcement de la valeur ajoutée de sa production agricole et sur le développement du tourisme. Celle‑ci se double d’une stratégie de réaménagement de la dette reposant sur l’émission d’obligations remboursables en 10, 20 ou 30 ans.

51.La Dominique garde en permanence à l’esprit la priorité à accorder aux programmes sociaux en général et en faveur de l’enfance en particulier, ainsi qu’aux programmes orientés vers la défense de l’environnement, dans le cadre des discussions qu’elle mène actuellement, avec la France notamment et avec l’aide du Programme des Nations Unies pour le développement, au sujet de la conversion de sa dette. Le Gouvernement a aussi récemment conclu des accords d’assistance avec la République populaire de Chine pour la construction d’équipements sportifs de grande envergure dans la ville principale et la construction d’un nouvel établissement d’enseignement secondaire, dans l’optique d’atteindre l’objectif d’accès universel à l’enseignement secondaire, que la Dominique s’est fixé pour 2005.

52.M. ANTHONY (Dominique) indique que le Comité sur la Convention relative aux droits de l’enfant comme la Division de la protection sociale sont habilités à recevoir des plaintes et à les porter à l’attention des autorités judiciaires le cas échéant. On ne saurait cependant parler de mécanisme de dépôt de plainte indépendant. Il n’existe pas d’institution du type médiateur.

53.Mme AL‑THANI s’interroge en outre sur la connaissance des enfants de la possibilité de déposer une plainte et de la marche à suivre.

54.M. ANTHONY (Dominique) dit qu’en moyenne, quatre à cinq plaintes par mois sont déposées selon cette procédure, parfois par l’intermédiaire du système scolaire. C’est une procédure qui est systématiquement expliquée aux enfants dans toutes les initiatives de sensibilisation aux droits de l’enfant. La suite donnée à une plainte dépend de la nature des faits dénoncés. En cas de sévices, par exemple, une enquête est menée par la Division de la protection sociale, laquelle peut décider de retirer la garde de l’enfant à la famille si nécessaire.

55.Mme AL‑THANI rend hommage au travail que l’État partie réalise de concert avec l’UNICEF dans le domaine de la responsabilisation parentale, même si la figure paternelle semble rester encore trop peu présente dans la vie des enfants. La volonté de l’État partie de ne pas placer en institution les enfants privés de milieu familial mérite aussi d’être saluée et la délégation voudra bien préciser à cet égard combien d’enfants peuvent être accueillis simultanément dans le cadre de l’Opération Youth Quake et pour quelle durée.

56.Elle demande si les policiers ont été suffisamment formés pour interroger avec toute la sensibilité nécessaire les enfants victimes de sévices.

57.Elle constate que le handicap n’est pas recensé parmi les motifs de discrimination interdits et qu’il n’existe aucun organisme, gouvernemental ou indépendant, chargé de la question des handicapés. Il serait bon que la délégation indique si les résultats de la politique adoptée en faveur des handicapés ont fait l’objet d’une évaluation, si les familles ayant des enfants handicapés à charge sont soutenues – aussi bien financièrement que sur un plan pratique – et si tous les handicapés (y compris ceux des communautés autochtones) en âge d’être scolarisés dans le système formel le sont – que ce soit dans les établissements ordinaires ou dans l’un des deux centres d’enseignement spécialisé que compte le pays.

58.Les informations manquent concernant la consommation d’alcool et de drogues et le suicide chez les jeunes. Le pays est touché par l’obésité, apparemment sous l’influence des traditions, ce qui appelle des explications plus précises. Le Comité souhaiterait en savoir plus sur l’enquête consacrée à l’allaitement maternel et sur ses résultats ainsi que sur les mesures prises pour permettre aux mères de concilier vie professionnelle et allaitement. Les problèmes qu’elle souhaite mettre en relief sont les grossesses adolescentes, dont le nombre est préoccupant, et l’assainissement et l’accès à l’eau potable, qui, s’ils ne suscitent pas l’inquiétude sur la majeure partie du territoire, laissent à désirer dans la réserve caraïbe.

59.Mme OUEDRAOGO regrette que l’État partie ait utilisé dans son rapport certaines appellations stigmatisatrices, comme «enfant illégitime» tout en reconnaissant qu’il peut être salué pour sa politique de placement familial ou communautaire par opposition au placement en institution, même si cette politique peut évidemment être encore améliorée. Il est fait état notamment d’une insuffisance de ressources financières et humaines, de difficultés à recruter des familles d’accueil et d’une faible implication des hommes dans ces familles. La délégation est invitée à préciser comment il est prévu d’améliorer ces différents points et dans quelle mesure cette politique est décentralisée; elle voudra bien par ailleurs faire état des mesures prises pour prévenir les risques de tourisme sexuel, auquel tout pays pauvre est malheureusement confronté.

60.M. KRAPPMAN est impressionné par les progrès que l’État partie a enregistrés dans le secteur de l’éducation mais l’enseignement a été décrit comme trop académique et une place à part entière devrait être faite à l’enseignement professionnel. Le tableau H des réponses écrites dénote une tendance à l’absentéisme et à l’abandon scolaire, raison pour laquelle il serait intéressant que l’État partie développe le rôle des conseillers scolaires pour veiller à l’application des dispositions relatives à la scolarisation obligatoire. La délégation pourrait préciser aussi les moyens mis en œuvre pour aider ceux qui ont quitté précocement le système scolaire à trouver un emploi.

61.Il aimerait savoir si le fonds spécial prévu pour aider les familles pauvres à scolariser leurs enfants est suffisamment doté. L’émigration de nombreux enseignants qualifiés donne à penser que le montant de leur rémunération est inadapté.

62.Mme ORTIZ note que certaines sources font état du versement de sommes d’argent lors d’une adoption alors que de tels versements sont interdits par la loi sur l’adoption. Il serait bon que la délégation donne plus d’informations sur l’adoption, qui ne semble pas être une pratique courante mais qui gagnerait peut‑être à être développée pour se substituer à des placements en foyer d’accueil d’une durée excessive. Elle se demande à ce sujet à qui revient la décision de maintenir un enfant en foyer ou de le réintégrer dans son milieu familial.

63.M. KOTRANE s’étonne de lire dans le rapport que l’obligation alimentaire existe jusqu’au quinzième anniversaire de l’enfant «et même jusqu’à ses 18 ans s’il poursuit des études secondaires ou supérieures à plein temps» car elle devrait exister au moins jusqu’au dix‑huitième anniversaire dans tous les cas. De plus, les seuls moyens possibles pour garantir le versement de la pension sont judiciaires et il y aurait donc lieu de réfléchir à des moyens autres.

64.Il est aussi étonnant que l’État partie ait concédé aux parents le droit d’instruire leurs enfants à domicile, d’autant qu’il l’a fait après avoir ratifié la Convention, et que le droit à la sécurité sociale ne soit pas garanti sans condition à tout âge mais soit parfois subordonné à l’exercice d’une activité professionnelle.

65.Un complément d’information s’impose concernant les buts de l’éducation et sur la situation de «garde juridique» évoquée au paragraphe 420 du rapport, qui, si elle revient à condamner un mineur à une peine d’emprisonnement à perpétuité, est clairement contraire à la Convention.

66.M. CITARELLA constate que le principe du respect de l’opinion de l’enfant dans les procédures judiciaires et administratives le concernant n’est pas respecté, notamment dans les procédures de divorce. Il fait par ailleurs observer que la référence, au paragraphe 181, à la possibilité d’attribuer la garde de l’enfant à un tiers «si la mère décède, souffre d’aliénation mentale ou est emprisonnée», sans mention aucune du père, va à l’encontre du principe de l’égalité des sexes, ce qui appelle des éclaircissements.

67.Mme CHUTIKUL note que dans l’enseignement secondaire le taux de scolarisation des garçons est très inférieur à celui des filles et en demande la raison. Elle relève en outre avec préoccupation que certains enseignants sont à peine formés et guère plus âgés que leurs élèves.

68.M. LIWSKI aimerait que la délégation commente le paragraphe 197 du rapport, où il est dit que des enfants peuvent être retirés de leur famille parce que celle‑ci est dans l’incapacité matérielle de subvenir à leurs besoins. Par ailleurs, tout en se félicitant des allocations budgétaires dont bénéficient les soins de santé primaire, il aimerait savoir dans quelle mesure les communautés locales et les adolescents sont associés aux stratégies de prévention et à la définition des politiques sanitaires locales. Une approche participative serait particulièrement utile en matière de prévention des grossesses précoces.

La séance est levée à 13 heures.

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