NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.86517 juin 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 865e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 20 mai 2003, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

Rapport initial de l’Érythrée

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 6 de l’ordre du jour)

Rapport initial de l’Érythrée [CRC/C/41/Add.12; liste des points à traiter (CRC/C/ERI/1); réponses écrites (CRC/C/RESP/30)]

1.Sur l’invitation du Président, M me  Askalu Menkorios Berhane, M. Eden Fassil Ogbazgi, M. Petros Hailemariam Tesfi et M.  Girmai Tessaseilase Ghebremedhin (Érythrée) prennent place à la table du Comité.

2.Mme BERHANE (Érythrée) se félicite de l’occasion qui lui est donnée d’engager un dialogue avec le Comité des droits de l’enfant et souhaite tout d’abord rappeler la situation générale que connaît la jeune nation érythréenne, afin de placer le dialogue dans la juste perspective.

3.C’est en 1993 que l’Érythrée est devenue un pays indépendant, à l’issue d’une longue guerre de libération qui a fait d’innombrables morts, blessés et invalides, et a laissé l’économie et les infrastructures en ruines. Bien avant l’indépendance, le Front de libération de l’Érythrée a respecté tous les instruments internationaux concernant le traitement des prisonniers de guerre, des personnes déplacées et des réfugiés ainsi que les droits des femmes et des travailleurs.

4.Une commission des lois avait été créée pour élaborer une législation nationale pour le futur État mais cette instance n’a pas pu terminer son travail et, à l’indépendance, la législation éthiopienne a été conservée à titre transitoire, avec les ajustements nécessaires, afin d’éviter un vide juridique.

5.Jusqu’à ce qu’elle soit contrainte de reprendre les armes pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale, l’Érythrée a connu un certain nombre d’années de paix et de stabilité, qui ont été marquées par un taux de croissance économique d’environ 7 % et par des avancées dans le domaine du droit international et national.

6.L’Érythrée a ainsi ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant dès septembre 1993, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1995 et les sept Conventions de l’OIT relatives aux droits fondamentaux des travailleurs, dont la Convention no 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi. Les deux Protocoles se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant sont actuellement étudiés par le Ministère des affaires étrangères.

7.Sur le plan national, la Constitution de l’Érythrée a été promulguée en mai 1997 et toutes les lois subsidiaires nécessaires (code civil, code pénal, code de procédure pénale, code commercial) devraient être achevées sous peu et soumises à l’Assemblée nationale.

8.La politique économique et la politique nationale en matière de santé ont été arrêtées et leur application porte ses fruits puisque le pays a enregistré une réduction du taux de mortalité infantile, qui est revenu de 136 à 93 pour 1 000 entre 1995 et 2002, et du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, tombé à 49 pour 1 000 en 2002 contre 72 pour 1 000 en 1995.

9.La nouvelle politique en matière d’éducation nationale a elle aussi donné de très bons résultats; au cours des 10 dernières années le nombre d’enfants scolarisés est passé de 100 000 à 500 000 et le nombre total d’enseignants et d’établissements scolaires a quasiment doublé. De plus, une attention particulière a été portée aux enfants en situation de vulnérabilité et les autorités se sont particulièrement occupées des orphelins de la guerre et du sida en décourageant leur placement en institutions pour privilégier leur réinsertion dans la famille élargie; à ce jour, près de 40 000 orphelins ont bénéficié de cette protection et les familles les accueillant ont reçu une aide financière. En outre, des politiques en faveur des jeunes travailleurs et travailleuses sexuels et en faveur des handicapés ont été mises au point.

10.Malgré ces progrès encourageants, le pays éprouve toujours de grandes difficultés à assurer son développement national. Il faudrait en premier lieu que le conflit à la frontière soit définitivement réglé pour que, avec la paix revenue, les autorités puissent s’atteler à la lourde tâche de renforcer la capacité des institutions et d’exécuter les divers programmes de développement prévus. La sécheresse actuelle et le manque de ressources constituent de lourdes entraves, mais l’engagement des autorités érythréennes en faveur d’un avenir de paix et de prospérité où tous les droits des enfants seront respectés demeure inébranlable.

11.Mme KHATTAB, rapporteuse pour l’Érythrée, remercie la représentante de l’Érythrée de son introduction aussi franche que détaillée et prend acte des progrès signalés en soulignant que le Comité n’ignore pas les grands obstacles − effets de la guerre, de la sécheresse et de la pauvreté − que le pays rencontre dans ses efforts pour garantir la protection des droits.

12.On ne peut que se féliciter de la ratification de nombreux instruments internationaux par le Gouvernement érythréen, qui devrait en outre envisager de ratifier la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 et ses deux Protocoles additionnels. Elle demande si au nombre des conventions de l’OIT ratifiées par l’Érythrée figure la Convention no 182, qui interdit les pires formes du travail des enfants.

13.Il ressort des réponses écrites qu’un effort particulier est fait pour allouer des ressources budgétaires aux secteurs de l’éducation et de la protection sociale mais, compte tenu de la dévaluation de la monnaie nationale, le montant de l’aide internationale s’inscrit en baisse. Si les crédits budgétaires pour le secteur de la santé sont en hausse, les crédits affectés au secteur de l’enseignement sont au contraire en diminution et, malgré des progrès, force est de reconnaître que l’alphabétisme demeure un problème sérieux.

14.Les chiffres donnés dans le rapport et les réponses écrites sont fondés non pas sur un recensement national mais sur des estimations faites au niveau des villages et il y a donc lieu de demander quelle peut être la fiabilité des estimations faites localement et à quand remonte le dernier recensement national. La question est d’autant plus importante que le système d’enregistrement des naissances est insuffisant et que des chiffres sont indispensables pour évaluer l’ampleur de problèmes tels que l’infection au VIH ou les mauvais traitements à l’égard des enfants par exemple.

15.En ce qui concerne les mesures d’application générales, il faut se féliciter que les autorités privilégient la communauté de base et fassent participer les organisations non gouvernementales et il serait bon de savoir, à ce sujet, si le débat engagé avec la société civile pour préparer l’élaboration de divers textes législatifs se poursuit et quelles sont les priorités qu’il a permis de dégager eu égard aux ressources limitées.

16.Elle se félicite de la création du Comité chargé de la législation relative à l’enfance, dont la mission est de veiller à la compatibilité de la législation nationale avec la Convention; elle croit savoir que la question ne se pose pas tant avec la Constitution qu’avec le droit coutumier qui, à bien des égards, est incompatible avec la Convention, par exemple en ce qui concerne l’âge minimum pour contracter mariage et l’autorité conférée au conseil des familles. Des précisions seraient nécessaires pour bien comprendre dans quels cas la pratique coutumière l’emporte et s’il existe une autorité habilitée à régler d’éventuels conflits de normes.

17.Mme SARDENBERG note que le rapport initial de l’Érythrée révèle une indéniable volonté de promouvoir les droits de l’enfant et demande des précisions sur la collaboration entre ministères et ONG, mentionnée dans le rapport, à laquelle a donné lieu l’élaboration dudit rapport car il s’agit là d’un élément révélateur de la mise en œuvre de la Convention.

18.En ce qui concerne le fond, il serait bon d’avoir des précisions sur la structure actuelle du Gouvernement et plus précisément sur la coordination entre les divers départements et divisions du Ministère du travail et de la protection sociale qui s’occupent des enfants, d’autant plus qu’il existe également un comité chargé de la législation relative à l’enfance, ce qui conduit à se demander si le Gouvernement entend élaborer un texte législatif, du type code du mineur. Des informations sur les stratégies adoptées par le Ministère du travail et de la protection sociale et sur les principales lignes d’action seraient également bienvenues.

19.Enfin, elle demande si le système de la conscription généralisée et obligatoire entre 18 et 40 ans, que la situation de guerre justifiait à une certaine époque, demeure en vigueur et s’il a des incidences sur la formation des cadres du Gouvernement, qui laisserait à désirer.

20.M. AL‑SHEDDI note que c’est le Ministère du travail et de la protection sociale qui s’occupe de l’enfance, par l’intermédiaire de son Département des affaires sociales et de sa Division de la protection sociale de l’enfance et de la famille, et que considérer que les besoins des enfants relèvent de la protection sociale peut avoir des incidences sur l’orientation des programmes consacrés aux enfants. La coordination des programmes du Département et de la Division est également en jeu et il voudrait savoir comment et par quelle autorité la mise en œuvre des plans d’action est évaluée. Par ailleurs, il se demande si le Ministère du travail et de la protection sociale est seul habilité à recueillir et diffuser des renseignements sur les enfants et comment sont traitées les éventuelles plaintes portant sur la situation des enfants.

21.Le rôle des organisations non gouvernementales dans la mise en œuvre de la Convention ne ressort pas clairement du rapport et il voudrait donc savoir plus précisément ce qu’il en est de leur contribution et si des organismes et institutions spécialisés des Nations Unies apportent également une aide.

22.M. CITARELLA note que la quasi‑intégralité du financement du budget provient de sources extérieures au Gouvernement (Banque mondiale, ONG, organismes des Nations Unies) et demande si cette considérable dépendance a une chance de disparaître dans les prochaines années, ce qui donnerait plus de liberté dans l’affectation des ressources.

23.La nouvelle Constitution paraît de nature à garantir les principes des droits de l’homme en général et des enfants en particulier, mais la révision des textes législatifs n’avance pas très vite et la place de la Convention relative aux droits de l’enfant dans le droit interne n’est pas très claire. On ne sait pas si un juge ou un organe administratif peut l’appliquer directement.

24.Comme dans beaucoup de pays, certaines coutumes et traditions locales sont contraires aux dispositions de la Convention et il faut savoir ce qui se passe en cas de conflit entre la coutume et la loi. L’âge du mariage selon la coutume ne correspond pas à l’âge légal et des discriminations réelles existent entre filles et garçons, notamment en matière successorale. Par ailleurs, alors que la Constitution prévoit que l’on cesse d’être un enfant à l’âge de 18 ans, la justice traite comme des adultes des enfants de moins de 15 ans.

25.M. LIWSKI souhaite savoir si les enfants déplacés du fait de la guerre, et éventuellement de la sécheresse, ainsi que les enfants ayant été impliqués dans la violence régionale − comme acteurs ou victimes − bénéficient d’une politique particulière ou s’ils sont traités dans le cadre des projets généraux de protection de l’enfance. Leur situation exigerait en effet des programmes d’aide particuliers et il en est de même des enfants porteurs du virus VIH ou orphelins du sida.

26.Dans le rapport figurent peu de renseignements sur le travail des enfants et les conditions dans lesquelles il se déroule. Comme un programme de coopération avec l’Organisation internationale du Travail est mentionné, il serait utile de connaître les mesures qui sont prévues dans ce cadre.

27.Le PRÉSIDENT, en sa qualité de membre du Comité, note que l’Érythrée a beaucoup à faire dans le domaine de l’élaboration des lois et demande si la délégation peut indiquer quand ce travail législatif pourrait être achevé.

28.Sachant que la sécheresse frappe de nouveau le pays et que la situation de malnutrition est déjà grave − avec plus de 10 000 enfants qui en souffrent − il serait utile de savoir comment les autorités érythréennes comptent faire face à la famine qui se profile, d’autant plus que, selon certaines sources, les réserves alimentaires étaient épuisées en avril 2003 et que l’appui extérieur dans ce domaine reste très faible.

29.Mme ALUOCH demande si une fois ratifié par l’Érythrée, un instrument international fait ipso facto partie intégrante du droit interne de l’État partie. Elle relève que la Constitution érythréenne n’énumère par les droits des enfants et souhaiterait savoir si ceux‑ci figurent dans une autre loi. Il serait en outre intéressant de savoir quelles mesures sont prises pour lutter contre la pratique très répandue des mariages précoces, sachant que le projet de code civil fixe à 18 ans l’âge minimum pour contracter mariage.

30.M. FILALI demande si les justiciables peuvent invoquer la Convention devant les tribunaux, si les juges connaissent suffisamment les dispositions de cet instrument, s’il est déjà arrivé que ses dispositions entrent en conflit avec d’autres dispositions législatives ou constitutionnelles et, dans l’affirmative, quelle instance est habilitée à déterminer la hiérarchie des normes.

31.Il serait par ailleurs intéressant de savoir quelles mesures sont prises d’une part pour assurer la suprématie des dispositions législatives sur le droit coutumier, notamment en ce qui concerne l’âge de la majorité et d’autre part pour venir en aide aux enfants dont les parents sont morts du sida ou qui sont eux-mêmes atteints du sida.

32.Mme BERHANE (Érythrée) dit que l’Érythrée va ratifier très prochainement la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants ainsi que les deux Protocoles à la Convention relative aux droits de l’enfant.

33.En 1996, le Gouvernement a créé un comité national chargé de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui se compose de représentants des ministères concernés (travail et protection sociale; intérieur; santé; justice; information; éducation) ainsi que de l’UNICEF, d’ONG locales, de l’Union nationale des femmes érythréennes et de l’Union nationale de la jeunesse et des étudiants érythréens. Placé sous l’autorité du Ministère du travail et de la protection sociale, ce comité a pour tâche de coordonner, en étroite collaboration avec la Division des droits de l’enfant de ce même ministère, les activités visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Il a été étroitement associé à l’élaboration du rapport présenté par l’Érythrée et a participé activement, aux côtés notamment des dirigeants religieux et des parents, à la campagne «Dites oui pour les enfants».

34.Quelque 7 000 enfants se sont retrouvés sans famille à cause du conflit avec l’Éthiopie. En collaboration avec l’UNICEF, le Gouvernement leur a apporté une assistance matérielle (nourriture et logement) ainsi qu’un soutien psychologique, pour les aider à surmonter le traumatisme de la guerre et la perte de leurs parents, et un appui éducatif en les scolarisant.

35.Sur le plan sanitaire, les enfants bénéficient, entre autres, de la mise en œuvre du programme de surveillance du VIH/sida, de la malaria, des maladies sexuellement transmissibles et de la tuberculose (HAMSET) − lancé en 2000 avec l’aide de la Banque mondiale − et du programme intégré de développement concernant la petite enfance, qui vise à améliorer la qualité des soins dispensés aux enfants de moins de cinq ans. Les Ministères de la santé, de l’éducation, et de la protection sociale sont associés à leur mise en œuvre.

36.Mme KHATTAB souhaite savoir s’il existe une instance habilitée à recevoir des plaintes émanant d’enfants ou concernant des enfants et à enquêter sur ces plaintes et si l’aide étrangère que reçoit l’Érythrée lui permet de répondre aux besoins essentiels de la population.

37.Mme BERHANE (Érythrée) dit qu’actuellement les deux tiers de la population sont touchés par la famine, que les réserves alimentaires sont épuisées, et que 28 % seulement des besoins sont couverts par l’aide extérieure. L’Érythrée a donc besoin d’une aide d’urgence et met tout en œuvre pour l’obtenir.

38.En ce qui concerne le VIH/sida, l’Érythrée est relativement moins atteinte que d’autres pays, avec 3 % des habitants touchés, et le projet HAMSET a beaucoup contribué à une modification des comportements, notamment chez les jeunes. Les enfants dont les parents sont morts du sida bénéficient du programme de réinsertion des orphelins dans leur famille élargie.

39.Mme AL‑THANI souhaiterait savoir si des études ont été réalisées en vue d’évaluer l’efficacité tant du programme de l’UNICEF visant à lutter contre la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant que des campagnes de sensibilisation sur les risques de transmission du VIH/sida, menées notamment auprès des jeunes, et si ces derniers sont informés des mesures à prendre pour se protéger.

40.Mme KHATTAB demande à quels grands facteurs est imputable la propagation du sida en Érythrée.

41.M. TESFIE (Érythrée) dit que tous les ministères, ONG et organismes du système des Nations Unies intéressés ont été associés à l’élaboration d’une stratégie de lutte contre le VIH/sida, qui comprennent des activités d’éducation, de sensibilisation et de prévention, menées notamment auprès des militaires, des jeunes, des femmes, des personnes voyageant beaucoup, comme les chauffeurs routiers, et des professionnels du sexe, en particulier dans les zones urbaines les plus touchées. L’usage du préservatif et la distribution de préservatifs sont encouragés, notamment dans l’armée, mais il n’est pas facile de modifier du jour au lendemain des comportements profondément ancrés dans la tradition.

42.Mme BERHANE (Érythrée) dit qu’il n’existe pas encore d’organe habilité à recevoir les plaintes émanant d’enfants mais que le Gouvernement va engager une réflexion sur la possibilité d’en créer un. Cela étant, on organise le 8 décembre de chaque année des manifestations à l’occasion desquelles les enfants peuvent exprimer leurs doléances, concernant par exemple l’attitude de leurs parents ou de leurs professeurs, et on leur distribue en outre gratuitement un magazine dans lequel figurent des articles d’enfants exprimant leurs griefs.

43.De nombreuses familles sont pauvres et ont été durement touchées par la guerre et c’est pourquoi certains enfants doivent aider leurs parents en faisant de petits travaux, par exemple en vendant des babioles dans la rue, mais de telles activités ne saurait être considérées comme une violation de la Convention. Le Gouvernement mène actuellement une vaste enquête sur le travail des enfants et en communiquera les résultats au Comité.

44.M. OGBAZGI (Érythrée) dit que les personnes intéressées compétentes sont consultées lors de l’élaboration de projets de loi mais qu’il ne servirait à rien de demander à l’homme de la rue son avis sur des sujets très techniques qui sont l’affaire des spécialistes.

45.S’agissant des mariages précoces, beaucoup de temps sera nécessaire pour faire évoluer les mentalités. Les campagnes de sensibilisation sont d’autant plus difficiles à mener que dans les régions reculées, certaines populations n’ont pas accès aux moyens d’information. Les enfants nés hors mariage sont facilement reconnus par la société et ont les mêmes droits que leurs frères et sœurs, y compris en matière d’héritage.

46.Mme AL‑THANI fait observer que, comme l’indique le rapport, dans certains groupes ethniques les enfants nés hors mariage sont néanmoins en butte à des privations sociales et économiques, notamment en ce qui concerne l’héritage − auquel ils n’ont pas droit.

47.Mme KHATTAB demande s’il arrive que le droit coutumier l’emporte sur la législation écrite.

48.M. CITARELLA demande quelles dispositions prévalent en cas de conflit entre les règles de droit coutumier et les dispositions de la Constitution ou d’instruments internationaux ratifiés.

49.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande à la délégation si des mesures sont prises pour obliger les pères à contribuer financièrement à l’éducation de leurs enfants nés hors mariage.

50.M. OGBAZGI (Érythrée) indique que les textes législatifs pertinents ont été amendés et que désormais il y a présomption de paternité dès lors qu’une femme peut apporter des éléments probants donnant à penser qu’il y a bien eu relations sexuelles, alors qu’auparavant l’homme devait reconnaître par écrit la véracité des faits. En cas de viol, la paternité et les devoirs qui en découlent sont automatiquement imputés à l’agresseur. En l’absence de testament, un enfant hérite uniquement si le lien du sang est établi.

51.Mme KHATTAB demande si la mère peut bénéficier d’une aide juridique.

52.M. KOTRANE fait observer que la question de l’établissement de la paternité reste posée en l’absence de mari et aimerait savoir si l’enfant né hors mariage a droit à un nom, à une identité complète et à un passeport, entre autres.

53.M. FILALI n’est pas sûr d’avoir compris la hiérarchie entre droit écrit et coutume. Il aimerait également des éclaircissements sur la façon dont la Constitution et les codes sont appliqués dans la pratique. S’appliquent‑ils de la même manière dans toutes les régions, y compris celles où la charia est applicable, sachant par exemple que la charia ne met pas les enfants nés hors mariage sur un pied d’égalité avec les autres en matière d’héritage?

54.M. OGBAZGI (Érythrée) dit que les mères des enfants nés hors mariage ne bénéficient pas d’une aide juridique particulière, aucune structure n’ayant été mise en place à cet effet, mais qu’elles peuvent intenter une action en justice en reconnaissance de paternité. En tout état de cause, l’enfant concerné ne rencontrera aucun problème particulier en matière civile. Il aura le nom de famille de sa mère et bénéficiera des mêmes droits que tout autre citoyen. En Érythrée, tout ce qui touche à la naissance est régi non par la charia mais par le droit civil.

55.La Constitution est la norme juridique suprême et toute disposition contraire peut être contestée et annulée. Les dispositions constitutionnelles sont complétées et précisées par les lois, qui elles‑mêmes l’emportent sur le droit coutumier. Par droit coutumier on entend des façons de procéder héritées des traditions. Les questions couvertes par le droit coutumier le sont aussi par le Code civil, instrument moderne conforme pour l’essentiel aux dispositions de la Convention.

56.Les lois internes reposent sur les lois éthiopiennes rédigées à la fin des années 60 et modifiées par la suite, au besoin. Mettre au point de nouveaux codes à partir des lois éthiopiennes est une tâche énorme; elle n’a pas encore été totalement menée à son terme et se poursuit, en collaboration avec des experts − notamment d’Europe et d’Amérique du Nord − et en tenant dûment compte des instruments internationaux ratifiés. De nombreux projets de loi ont d’ores et déjà été traduits dans deux langues locales au moins et sont en attente d’adoption par le Parlement. Les instruments internationaux doivent, eux, être incorporés dans le droit interne.

57.Contrairement a ce qui a été affirmé, les mineurs de plus de 15 ans ne sont pas traités comme des adultes en matière judiciaire. Par exemple, ils ne sont pas passibles de la peine capitale et le juge peut envisager, les concernant, de substituer à la peine d’emprisonnement un placement en institution de traitement. En théorie, les individus de cette classe d’âge sont susceptibles d’être placés en établissement de correction plutôt qu’en prison mais faute de moyens ce type d’établissements n’a malheureusement pas encore pu être mis en service. L’Érythrée ne dispose pas non plus de tribunaux spécifiques pour enfants et n’a pas l’intention d’en créer car l’approche qu’elle a choisie est de garantir à tous les individus leurs droits dans le cadre d’un système unique.

58.Au sujet des mariages précoces, il convient de rappeler que l’âge minimum du mariage est fixé à 18 ans mais que le respect de ce principe général est difficile à contrôler, notamment dans les zones rurales. On peut du reste se demander s’il est vraiment dans l’intérêt d’une jeune fille que les autorités interviennent dans une affaire de mariage précoce si cette jeune fille consent à l’union. Le Parlement s’est en revanche clairement prononcé en supprimant la disposition qui levait la responsabilité d’un homme coupable de viol si celui‑ci épousait la victime.

59.MmeOUEDRAOGO, comprenant l’argument selon lequel il est difficile pour l’État d’avoir prise sur certaines zones rurales, attire l’attention de la délégation sur l’importance de travailler avec les chefs traditionnels et avec les dignitaires religieux pour faire progresser les mentalités et bien faire comprendre le caractère nuisible des mariages précoces.

60.M. OGBAZGI (Érythrée) souligne que la lutte pour l’indépendance a aussi été une lutte pour les droits de l’homme et les libertés et que de vastes campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme ont été mises en œuvre et que d’autres le seront.

61.Mme KHATTAB demande à la délégation de présenter plus en détail les activités de sensibilisation menées dans le pays ainsi que de préciser le sens de l’expression «selon les circonstances» figurant au paragraphe 91 du rapport, concernant la répression des atteintes à l’intégrité sexuelle.

62.M. KOTRANE croit comprendre que les 15‑18 ans sont jugés dans le cadre des dispositions générales et que la seule protection dont ils bénéficient est le fait que le juge puisse choisir de prononcer des peines moins lourdes à leur encontre. Or, la protection des mineurs doit être explicitement prévue par la loi et non être laissée à la discrétion des juges. Il relève également avec préoccupation que la délégation présente l’absence de système spécifique de justice pour mineurs non comme un problème conjoncturel mais bien comme une position de principe et ne peut qu’appeler l’État partie à travailler avec des experts internationaux à la mise en place d’un vrai système de justice pour mineurs à tous les stades du processus judiciaire.

63.M. CITARELLA demande si les mariages contractés avant l’âge légal sont légaux et s’ils sont enregistrés.

64.Mme LEE regrette que dans ses réponses écrites l’État partie n’ait pas fourni de données actualisées sur la mise en œuvre du plan d’action national pour l’éducation car il serait intéressant de connaître les progrès accomplis vers la scolarisation universelle. Elle croit savoir que les taux de scolarisation des filles demeurent insuffisants et que beaucoup reste à faire pour donner effet au droit des enfants handicapés à l’éducation, y compris auprès des parents de ces enfants.

65.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC aimerait savoir si les organisations non gouvernementales sont nombreuses dans le pays, si elles sont bien réparties sur le territoire et si leurs activités sont encadrées par une loi.

66.Mme BERHANE (Érythrée) dit qu’il faut faire la distinction entre la Constitution, dont l’application demandera du temps, et le droit coutumier, qui reste prédominant. Ainsi, dans certaines régions, les jeunes filles sont normalement mariées avant 15 ans, même si cela est contraire à la Constitution. Il est essentiel de sensibiliser la population, en particulier les jeunes filles, à ce problème. C’est par l’éducation que l’on fera prendre conscience aux jeunes filles de leurs droits. On ne peut exiger de la population qu’elle renonce brutalement à des coutumes traditionnelles ou religieuses profondément ancrées. C’est pourquoi il faut mettre l’accent sur l’éducation et la sensibilisation.

67.Il y a actuellement en Érythrée 42 organisations non gouvernementales internationales qui s’intéressent à la situation des enfants, ainsi que plusieurs ONG locales. Un organe gouvernemental, la Commission érythréenne de secours et de relèvement, a été chargé de suivre leurs activités.

68.L’Érythrée met en œuvre un vaste programme de réinsertion sociale des handicapés. Des efforts sont faits pour changer l’attitude de la société à leur égard. Le Ministère du travail et de la protection sociale collabore avec le Ministère de l’éducation à la mise en place d’un programme éducatif visant à intégrer les enfants handicapés dans le système scolaire.

69.Le président, en sa qualité d’expert, demande si la base de données sur les enfants créée en coopération avec l’UNICEF est opérationnelle et si une collaboration a été mise en place avec le Bureau de statistique.

70.Mme BERHANE (Érythrée) indique que le premier recensement national est en préparation et que les données recueillies jusqu’à présent proviennent de différentes sources, notamment les autorités locales et le Ministère de la santé qui, par le canal de son programme de vaccination, a les moyens de recenser les enfants. La base de données sur les enfants n’est pas encore totalement opérationnelle et des efforts s’imposent.

71.MmeKHATTAB demande si la non‑déclaration des naissances touche davantage les filles que les garçons et aimerait obtenir des précisions sur la répartition des tâches dans la famille − ces deux questions ayant des incidences sur l’accès des filles à l’éducation et à la santé. Elle souhaite connaître les progrès réalisés par l’Érythrée dans l’application de l’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des filles et la place accordée dans les programmes scolaires à l’amélioration de l’estime de soi chez les filles et à la lutte contre la discrimination.

72.Elle demande s’il existe des lois contre les mutilations génitales féminines et ce qui est fait sur le terrain pour remédier à ce problème. De même, elle souhaiterait connaître les mesures concrètes prises pour lutter contre les mariages précoces et les mariages arrangés et souhaiterait obtenir des précisions sur les mesures prises pour faire comprendre à la société la nécessité de tenir compte de l’avis des filles lors de la prise de décisions les concernant.

73.Enfin, elle voudrait savoir ce qui est fait concrètement pour lutter contre la violence familiale et faire prendre conscience de la réalité de ce problème trop souvent nié.

74.Mme AL‑THANI demande si les enfants victimes de violences sexuelles reçoivent une aide psychologique et s’il existe un mécanisme chargé de protéger les enfants des actes de violence physique ou sexuelle. Sachant que les châtiments corporels, bien qu’interdits, sont encore très répandus dans les écoles, elle voudrait savoir quelles mesures sont prises sur le terrain pour y mettre un terme. Certains groupes ethniques interdisant les châtiments corporels, elle demande s’il n’y aurait pas moyen de promouvoir cette attitude auprès des autres groupes ethniques. La délégation a indiqué que les autorités privilégiaient le placement des enfants dans des familles plutôt que dans des institutions et il serait utile de savoir si des contrôles sont effectués une fois l’enfant placé et si ces familles sont dédommagées financièrement.

75.Mme Ortiz demande s’il a été envisagé de recourir aux médias pour faire connaître à la population ses droits ainsi que les lois nouvellement adoptées.

76.Mme OUEDRAOGO souligne qu’il est discriminatoire que le nom de l’enfant comprenne le nom de son père et de son grand-père sans qu’il soit fait mention de la mère et demande s’il est prévu de revoir cette disposition. Elle voudrait savoir qui est chargé de donner un nom aux enfants abandonnés et quelles procédures sont appliquées. Elle s’inquiète de savoir quelles mesures ont été prises pour assurer l’enregistrement des nouvelles naissances ainsi que des naissances qui n’ont pas été déclarées précédemment et voudrait connaître les causes de la non‑déclaration des naissances. Elle remarque que le Code civil transitoire ne comporte pas de disposition concernant le droit de l’enfant de connaître ses parents, ce qui est contraire à la Convention, et demande s’il est prévu d’harmoniser la loi avec les dispositions de la Convention. Elle voudrait en outre savoir quelle est la place de l’enfant dans la société, en particulier dans le groupe Hedarib.

77.Elle demande s’il existe une commission de censure ou une réglementation de l’accès à l’information, empêchant par exemple les enfants de voir des films pornographiques ou trop violents. Elle aimerait savoir si des brutalités policières ont été signalées et connaître les mesures prises pour promouvoir une politique de paix et de tolérance.

78.Mme SARDENBERG constate, en le déplorant, que la délégation n’a pas abordé le sujet de la conscription pour les hommes et femmes âgés de 18 à 40 ans. Elle demande si le Gouvernement collabore avec les chefs religieux et les dirigeants communautaires s’agissant de questions comme les mutilations génitales féminines ou les châtiments corporels.

79.Elle demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté eu égard à la situation difficile dans laquelle se trouve le pays.

80.M. FILALI demande si les écoles et le système judiciaire coopèrent pour poursuivre les auteurs de violences à l’égard des filles, les jeunes filles étant en effet susceptibles de se confier à leur enseignant. Il s’inquiète aussi de savoir s’il existe des structures à même de prendre en charge les jeunes filles qui ont été violées et sont rejetées par leur famille.

81.MmeVUCKOVIC-SAHOVIC souhaiterait des précisions sur la pratique de l’avortement qui, bien qu’illégale, persiste.

82.Elle voudrait par ailleurs savoir à partir de quel âge il est possible de créer une organisation ou d’adhérer à un syndicat, sachant qu’un enfant peut commencer à travailler à 14 ans. Elle demande ce qu’il faut entendre par «peine d’emprisonnement simple» ou «sévère».

83.M. LIWSKI demande des précisions sur la situation dans les camps de personnes déplacées en ce qui concerne l’accès aux services et l’exercice des droits civils et politiques. Par ailleurs, il souhaiterait que la délégation explique l’énorme différence entre le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité des moins de cinq ans et expose les mesures prises à cet égard.

84.Le président demande quels ont été les résultats de la campagne de sensibilisation relative à la participation des enfants lancée en 1997, avec la collaboration de Save the Children, et si elle se poursuit. Il voudrait savoir si les structures existantes suffisent à accueillir tous les orphelins ou s’il est prévu de poursuivre la construction de foyers.

85.Il s’interroge sur les raisons poussant l’Érythrée à limiter les possibilités d’adoption; en effet, seuls les enfants abandonnés peuvent être adoptés et seuls les couples qui n’ont pas d’enfants ou n’en ont qu’un peuvent être candidats à l’adoption.

86.Des Témoins de Jéhovah, dont des enfants, auraient été arrêtés, ce qui amène à se demander s’il faut y voir une limitation de la liberté religieuse.

La séance est levée à 13 h 5.

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