Nations Unies

C R C/C/SR.1728

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

14 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Soixante et unième session

Compte rendu analytique de la 1728 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 18 septembre 2012, à 10 heures

Président:M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties

Deuxième à quatrième rapports périodiques du Libéria sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant

La réunion est ouverte à 10 h 5 .

Examen des rapports soumis par les États parties

Deuxième à quatrième rapports périodiques du Lib é ria (CRC/C/LBR/2-4; CRC/C/LBR/Q/2-4; CRC/C/LBR/Q/2-4/Add.1)

1.Sur l’ invitation du Président, la délégation libérienne prend place à la table du Comité.

2.M me  Duncan  Cassell (Libéria) dit que les années de guerre au Libéria ont détruit des écoles, des hôpitaux, des routes et des infrastructures, dispersé des familles dans l’ensemble du pays et déplacé des centaines de milliers de Libériens. Les femmes et les enfants ont été particulièrement touchés. De nombreux enfants ont été recrutés comme soldats et d’autres ont été maltraités, exploités et privés d’années de scolarité.

3.Plusieurs avancées ont pourtant été enregistrées depuis 2006, notamment l’adoption de lois et politiques clés dans des domaines comme le genre, la jeunesse et l’éducation, la création d’entités pour la protection des droits de l’enfant, et le développement de nombreux services. La stratégie du pays pour la réduction de la pauvreté, qui témoigne de l’attachement de son Gouvernement à la cause des enfants, est axée sur le développement humain, l’éducation, la santé, l’eau, l’assainissement, la protection sociale, l’autonomisation de la jeunesse, le genre, le VIH/sida et la protection de l’enfance.

4.Le principal pas en avant sur la voie de la mise en œuvre de la Convention a sans conteste été l’adoption, en 2011, de la loi sur l’enfance, qui contient une déclaration exhaustive des droits des enfants. En vertu de cette loi, l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider toutes les décisions de l’État qui ont des incidences pour les enfants. Cette loi énonce les obligations des administrations publiques et des ministères en ce qui concerne les droits de l’enfant et prévoit l’instauration d’un Conseil national pour la protection de l’enfance. Des orientations claires ont en outre été formulées en ce qui concerne la réglementation des institutions de protection de remplacement et la mise en place de forums pour les enfants et de comités communautaires d’action sociale en faveur de l’enfance.

5.Des progrès ont aussi été accomplis dans le domaine des services destinés aux enfants, notamment avec l’ouverture de refuges pour victimes de violence, de centres de conseil et de réadaptation pour victimes de viol et de nouvelles écoles, ainsi que l’amélioration des équipements de santé, d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Au nombre des autres avancées figurent l’amélioration progressive de la réglementation des foyers pour enfants, l’introduction de solutions de substitution aux orphelinats, la restitution des enfants à leur famille et le développement de services communautaires à caractère familial pour les enfants privés de soins parentaux. Des mesures non privatives de liberté sont à l’étude pour les enfants en conflit avec la loi. Des programmes d’autonomisation de la jeunesse ont été instaurés et des perspectives d’emploi s’ouvrent pour les jeunes.

6.Le Libéria demeure néanmoins confronté à l’insuffisance des ressources humaines et financières, problème qui entrave la planification et la coordination des politiques tendant à protéger les droits des enfants. Beaucoup reste ainsi à faire en matière de budgétisation, de suivi et de collecte de données, mais la clarté de la vision et la ferme résolution du Gouvernement aideront à assurer le respect des droits des enfants. Le Gouvernement libérien continuera à s’employer à mettre en œuvre la loi sur l’enfance, à faire en sorte que tous les enfants libériens soient enregistrés à la naissance et qu’aucun enfant ne commence sa vie en souffrant de malnutrition, à assurer une éducation aux enfants qui habitent dans des zones reculées, à améliorer la protection sociale des ménages vulnérables et à empêcher que la pauvreté ne se perpétue de génération en génération.

7. M me Aidoo (Rapporteuse pour le Libéria) dit que les séquelles des coups d’état militaires, de l’instabilité et de la guerre civile qui ont ravagé le pays pendant des années continuent à peser sur les droits des enfants au Libéria. Au nombre des défis à relever figurent la situation sécuritaire encore fragile du pays, les disparités entre zones urbaines et zones rurales, l’inégalité entre hommes et femmes, les taux élevés d’analphabétisme et le fait qu’environ 80 % des habitants du pays vivent sous le seuil de pauvreté et que 50 % vivent dans l’extrême pauvreté. La pénurie de ressources humaines dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la protection sociale constitue un des autres freins à l’exercice des droits de l’enfant. La violence envers les femmes et les filles est généralisée et les pratiques coutumières néfastes persistent, en particulier le mariage précoce, les mutilations génitales féminines et le jugement par ordalie. Malgré ces difficultés, l’État partie doit être salué pour les nombreuses avancées significatives de ces dernières années, dont l’adoption de la loi sur l’enfance et les modifications majeures apportées aux dispositions du Code pénal relatives au viol.

8.L’État partie ayant été confronté aux effets des conflits armés sur les enfants ainsi que des abus sexuels et de l’exploitation sexuelle à l’encontre des enfants, en particulier les filles, Mme Aidoo a du mal à comprendre pourquoi le Libéria n’a pas ratifié les Protocoles facultatifs à la Convention et se demande s’il envisage de le faire. Croyant savoir que la loi sur l’enfance contient une série d’annexes pertinentes, elle invite la délégation à mettre tous ces documents à la disposition du Comité. Elle aimerait avoir des précisions sur l’autorité de la Division de la protection de l’enfance du Ministère du genre et du développement et savoir si cette Division est compétente pour coordonner les politiques en faveur de l’enfance dans des domaines comme l’eau, la santé et l’éducation. Elle aimerait en outre en savoir plus sur le degré de coordination entre la Division et le Département de la protection sociale du Ministère de la santé et de la protection sociale, ainsi que sur les ressources budgétaires affectées à cette coordination. Il serait utile d’avoir des précisions sur le rôle que le Conseil national pour la protection de l’enfance joue dans la coordination des efforts que déploient le Gouvernement et les partenaires pour mettre en œuvre la Convention et la loi sur l’enfance. D’autres informations sur les organisations de la société civile impliquées dans l’élaboration d’un plan d’action national en faveur des enfants s’imposent aussi.

9.L’État partie n’étant doté d’aucun mécanisme permettant d’assurer le suivi des ressources publiques consacrées aux enfants, Mme Aidoo souhaite savoir comment il veille à investir dans la protection des droits de l’enfant dans toutes les limites des ressources dont il dispose, conformément à l’article 4 de la Convention et si les enfants ont, au même titre que le genre, été pris en considération dans l’élaboration de ses budgets et à quel point. Elle demande quelle part de l’allégement de la dette, obtenu au titre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, est allée à l’action en faveur de l’enfance.

10.Enfin, Mme Aidoo aimerait avoir des renseignements sur les mesures destinées à faire mieux connaître les droits de l’enfant, y compris aux enfants eux-mêmes. Elle demande s’il existe une version simplifiée de la Convention adaptée aux enfants, si la Convention et la loi sur l’enfance ont été traduites dans les principales langues locales, comment les personnes analphabètes sont sensibilisées aux droits de l’enfant et si une formation systématique relative à la Convention et à la loi sur l’enfance est dispensée à tous les groupes professionnels concernés à tous les niveaux.

11.M me Nores de García souligne que la ratification des Protocoles facultatifs à la Convention est particulièrement vitale pour un pays qui a connu tant d’années de conflit armé et demande si l’État partie a pris des mesures de prévention contre l’emploi d’enfants sur les plantations d’hévéas appartenant à des sociétés transnationales.

12.M.  Guráňs’enquiert dela situation actuelle de l’institution nationale des droits de l’homme du pays étant donné que le Comité nourrit quelques doutes quant à sa crédibilité et à son indépendance. Il aimerait avoir des précisions sur la structure de cette institution et son personnel. Il demande si les membres de son personnel ont été formés pour examiner les plaintes des enfants et si l’institution est dotée d’un mécanisme efficace de plaintes. De plus amples informations sont nécessaires sur le rôle de l’Observatoire national des droits de l’enfant. Il serait utile en outre de savoir si des progrès ont été accomplis en matière de collecte de données dans l’État partie et d’avoir des détails sur les indicateurs relatifs aux enfants. Des progrès ont certes été réalisés dans ce domaine avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), mais il est difficile de déterminer ce que l’État partie a fait par lui-même pour assurer la création d’un système durable de collecte des données. Le rôle du Ministère du genre et du développement en la matière n’est pas clair car il ne semble pas être l’institution la plus apte à mener cette tâche; il pourrait être préférable de confier la collecte des données à un organisme national de statistiques, par exemple.

13.M.  Cardona  Llorens félicite l’État partie des mesures prises pour reconstruire l’État au sortir du conflit. Il rend hommage à l’État partie pour avoir incorporé le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la loi sur l’enfance. Il aimerait néanmoins savoir ce qui sera fait pour veiller à ce que les décideurs sachent comment prendre en considération ce principe et pour former les juges, les enseignants et les autres groupes professionnels travaillant avec des enfants à la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant au niveau individuel. Il demande comment l’État entend assurer aussi la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant dans son processus décisionnel, notamment lors de l’adoption des budgets et de textes législatifs.

14.M.  Kotrane dit que le Comité reste préoccupé par le fait qu’une grande partie de la législation de l’État partie va à l’encontre des dispositions de la Convention. De nombreux éléments du droit coutumier sont de plus contraires à des lois nationales. La loi sur l’enfance définit un enfant comme une personne âgée de moins de 18 ans, mais en vertu du droit coutumier les filles peuvent se marier dès 16 ans et le mariage dès 14 ans est toléré dans l’intérieur du pays. M. Kotrane demande comment l’État partie envisage d’harmoniser sa législation et d’interdire le mariage avant 18 ans pour les deux sexes. Il demande un complément d’information sur l’applicabilité de la Convention par les tribunaux nationaux, notamment des détails sur les affaires dans lesquelles elle a été invoquée directement. Il serait utile d’avoir des précisions sur le point de savoir si les tribunaux peuvent condamner à mort ou à l’emprisonnement à perpétuité des enfants âgés de 16 à 18 ans.

15.M. Madi demande des renseignements à jour sur les programmes que mènent les pouvoirs publics afin d’éliminer la discrimination envers les enfants, notamment les filles, et sur les mesures prises pour assurer l’accès à l’éducation et à la santé aux enfants des zones rurales. Il demande comment la population est sensibilisée au caractère néfaste des pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines. Il salue les efforts déployés par l’État partie pour accroître le taux d’enregistrement des naissances et exhorte le Gouvernement à axer son action sur l’enregistrement des naissances dans les régions rurales et à supprimer l’amende pour enregistrement hors délai. Il aimerait que la délégation explique pourquoi la citoyenneté libérienne ne peut être transmise à un enfant par la naissance que si ses deux parents sont d’origine africaine et indique si une mère libérienne mariée à un étranger peut transmettre sa nationalité à ses enfants.

16.M me Varmah demande si l’État partie a envisagé de créer des structures d’enregistrement des naissances dans les hôpitaux, les dispensaires et les écoles et de recourir à des moyens mobiles d’enregistrement des naissances. Elle aimerait savoir si l’État partie entend agir en vue de sensibiliser les parents à la nécessité d’enregistrer la naissance de leurs enfants et de faire en sorte que toutes les naissances soient médicalement assistées. Il serait utile de savoir si la loi sur l’enfance interdit la pratique de certains orphelinats consistant à changer le nom ou l’identité d’un enfant, mentionnée au paragraphe 129 du rapport périodique. Mme Varmah demande des précisions sur ce que l’État partie entend faire pour donner effet à la disposition de la loi sur l’enfance qui reconnait la liberté d’expression comme un droit fondamental de l’enfant (CRC/C/LBR/2-4, par. 131).

17.M me Sandberg demande si des mécanismes ont été institués pour donner effet au droit de l’enfant d’être entendu dans les procédures judiciaires et administratives le concernant, comme le veut l’article 12 de la Convention. Elle voudrait savoir ce qui est fait pour combattre le préjugé selon lequel les filles seraient moins enclines à participer et autonomes que les garçons dans la société en général et la prise de décisions individuelles.

18.M.  Koompraphant demande quelles ressources l’État partie pourrait mobiliser afin de faciliter l’application de la loi sur l’enfance et quel rôle les autorités locales pourraient jouer à cet effet. Il serait utile de savoir comment l’État partie entend interpréter et appliquer la loi sur l’enfance en cas de contradiction avec le droit coutumier, notamment, quelles mesures seraient prises dans le cas où des représentants des forces de l’ordre ou d’autres autorités appliqueraient des dispositions du droit coutumier violant la loi sur l’enfance. M. Koompraphant aimerait avoir des informations sur l’entité à laquelle doivent être signalés les actes de violence contre des enfants et sur l’autorité qui traite ces cas.

19.M.  Pollar aimerait avoir des détails sur le processus d’enregistrement des organisations non gouvernementales (ONG) et savoir si cet enregistrement est soumis à un réexamen périodique. Il voudrait connaître le point de vue du Gouvernement sur les dispositions législatives en vigueur relatives à la société civile. Il demande si les ONG se voient imposer le respect de prescriptions très strictes ou le paiement d’une redevance pour s’enregistrer et si les autorités peuvent facilement refuser d’enregistrer une ONG. Il aimerait avoir des informations sur les capacités des ONG libériennes et savoir à quel point elles ont été associées à l’élaboration du rapport périodique.

20.Il faudrait savoir comment l’État partie envisage de s’attaquer à la conception dominante selon laquelle les enfants, surtout les filles, ne doivent pas exprimer leur opinion. Comme le Gouvernement envisage de créer des instances devant permettre aux enfants de participer à la prise de décision (CRC/C/LBR/2-4, par. 131), M. Pollar demande si un mécanisme sera créé pour protéger ce processus et quels recours seront disponibles en cas de violation de ce droit.

21.Le Comité aimerait avoir des détails sur les mesures que l’État partie envisage de prendre pour renforcer le droit des enfants à la vie privée dans tous les cadres, notamment la famille, les structures de protection de remplacement et les mécanismes institutionnels. À ce sujet, M. Pollar demande comment l’État partie protège les familles et les foyers des enfants contre des immixtions arbitraires ou illégales. Il serait intéressant de savoir si les enfants peuvent recevoir des lettres à l’école sans qu’elles soient ouvertes par quelqu’un d’autre et si les enfants de l’État partie ont le droit à des conseils et avis confidentiels. M. Pollar demande quels moyens de contrôle ont été mis en place pour assurer la confidentialité des informations consignées dans les dossiers médicaux ou autres dossiers et fichiers concernant les enfants depuis leur naissance.

La séance est suspendue à 11 h 10 ; elle est reprise à 11 h 35.

22.M me Tah (Libéria) dit que le processus de ratification des deux Protocoles facultatifs à la Convention est en cours. Le Gouvernement prévoit de soumettre certaines des annexes à la loi sur les enfants à un examen de constitutionnalité plus poussé, en particulier les dispositions relatives à la peine de mort; la Présidente a créé un comité à cet effet. De plus, un atelier organisé par le secteur de la justice pénale se tiendra en novembre 2012 pour examiner certaines des lois non couvertes par la loi sur l’enfance. L’article 9 de la loi sur l’enfance mentionne l’incorporation d’une disposition sur l’intérêt supérieur de l’enfant dans la loi sur le système judiciaire, mais le Ministère de la justice sait que des instructions plus spécifiques s’imposent. L’atelier vise, entre autres, à déterminer les modifications précises à apporter à la loi sur le système judiciaire et au Code pénal.

23.La Commission nationale indépendante des droits de l’homme a tardé à devenir pleinement opérationnelle. Beaucoup reste à faire pour en renforcer les capacités. La possibilité de désigner un point focal pour les droits de l’enfant au sein de la Commission est en cours d’examen. Une meilleure coordination entre les organismes publics qui travaillent avec les enfants est requise. Le Ministère de la justice a commencé à élaborer un programme spécifique concernant les enfants en conflit avec la loi, par opposition aux enfants qui ont besoin d’assistance. À la lumière du projet pilote sur la justice pour mineurs, il est envisagé d’élaborer un projet de loi prévoyant la création d’une unité permanente de la justice pour mineurs au sein du Ministère.

24.Nombre de dispositions de la Convention et d’autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme ont été directement incorporées dans la loi sur l’enfance. La peine de mort est un sujet extrêmement délicat au Libéria. Les abolitionnistes sont nombreux, mais une large frange de la société souhaite maintenir cette peine comme mesure de dissuasion. La peine de mort sera sans aucun doute abolie le moment venu, mais le Gouvernement ne peut prendre aucun engagement fixant une échéance. Les tribunaux prononcent rarement la peine de mort; la Présidente n’est en outre pas encline à confirmer l’exécution d’adultes et il est donc exclu qu’elle puisse confirmer cette peine dans le cas d’un enfant.

25.Le droit coutumier et la législation divergent pour ce qui est de l’âge de la majorité et des incohérences existent au sein même du corpus de textes législatifs. Cette question est inscrite à l’ordre du jour de l’atelier sur la justice pénale prévu en novembre. Dans le système de justice pénale, la question de l’âge pose en effet problème, car les délinquants âgés de 16 à 18 ans peuvent être traités ‑ et punis ‑ comme des adultes à la discrétion du juge. La loi sur le système judiciaire sera aussi examinée lors de l’atelier de novembre. Le précédent atelier de ce type a abouti à une modification de la loi sur les juridictions avec jury qui a étendu les compétences des juges de première instance, en les habilitant à orienter les enfants vers un programme communautaire de redressement au lieu de les envoyer en prison, et a précisé le rôle des agents de probation.

26.Contrairement à des actes criminels tels que le meurtre ou le détournement de fonds, les mutilations génitales féminines ne sont pas considérées répréhensibles partout dans le monde car elles sont ancrées dans des pratiques culturelles. Une approche différente s’impose donc et les personnes les mieux placées pour œuvrer à l’abolition de cette pratique sont les personnes impliquées elles-mêmes dans la commission de ces actes. Les efforts déployés pour engager un dialogue en établissant des contacts avec les communautés et en tenant des réunions entre le Ministre de l’intérieur et les chefs communautaires ont abouti à une prise d’engagement en faveur du changement et de la coopération de la part des chefs locaux et même des femmes se livrant à cette pratique. Les efforts de coopération et de sensibilisation à tous les niveaux s’inscrivent dans une stratégie visant à éliminer cette pratique progressivement en évitant la controverse ou la confrontation.

27.Au sujet du jugement par ordalie, elle dit qu’une conférence s’est tenue en avril 2010 pour examiner l’harmonisation de la législation et du droit coutumier dans ce domaine. Durant les années de guerre les gens ont été privés d’accès aux tribunaux et ont alors eu recours au système de droit coutumier; les efforts visant à surmonter l’opposition des communautés au retour à l’état de droit nécessitent des consultations régionales et des mesures à assise communautaire. Le processus de consultation engagé a débouché sur un rapport et des dispositions ont alors été prises pour informer les communautés locales de ses conclusions, car il importe que le processus soit inclusif. Ces conclusions aboutiront en principe à l’introduction de nouvelles dispositions législatives. Le Libéria a de plus pris note de l’expérience d’autres pays, comme le Ghana et le Malawi, en ce qui concerne l’harmonisation du droit coutumier et de la législation.

28.M me Aidoo salue les efforts déployés pour dialoguer avec les personnes procédant à des mutilations génitales féminines, mais souligne que la demande pour ces pratiques émane des familles et des communautés et aimerait donc savoir si des efforts sont faits en vue d’aborder le problème sous l’angle de la demande plutôt que de l’offre.

29.M me Tah (Libéria) dit que les chefs communautaires traditionnels sont souvent aussi des parents qui tolèrent cette pratique. Des efforts sont faits en vue d’atteindre la communauté dans son ensemble tout en se focalisant sur les chefs communautaires du fait qu’ils sont dépositaires d’une autorité au sein de leur communauté.

30.S’agissant de la nationalité, en l’occurrence les dispositions législatives obsolètes selon lesquelles les enfants issus de l’union d’une personne de nationalité libérienne et d’une personne étrangère peuvent choisir leur nationalité à l’âge de 21 ans révolus, Mme Tah dit que des mesures sont en cours d’adoption en vue de leur révision car la nationalité devrait être déterminée à la naissance.

31.La corruption est un problème ardu et omniprésent au Libéria. Au sortir de la guerre, qui a mis les normes et les valeurs sens dessus dessous, la société libérienne avait besoin d’être «resocialisée». Les affaires de corruption font l’objet d’enquêtes, mais leur grand nombre, les problèmes de capacités et la pénurie d’avocats spécialisés sont causes de grandes difficultés. Le Ministère de l’éducation a indiqué que des juristes de métier allaient être formés à la conduite des poursuites dans les affaires de corruption, tandis que les autorités prennent diverses dispositions en vue de lutter contre la corruption, comme les mesures d’examen des états de paie instituées par le nouveau Ministre des finances.

32.L’enrôlement d’enfants soldats est considéré universellement comme un mal. Des personnes ont été arrêtées pour implication dans le recrutement d’enfants soldats, tant au Libéria que dans des pays voisins, comme la Côte d’Ivoire, mais le système judiciaire n’a pas la capacité nécessaire pour traiter toutes les affaires. Les Gouvernements ivoirien et libérien travaillent de concert pour lutter contre ce phénomène.

33.Le Président note que la loi sur l’enfance est une pièce maitresse de l’arsenal législatif mais que d’autres dispositions législatives et pratiques en vigueur en rendent difficile la pleine mise en œuvre. Des problèmes, comme le maintien de la peine de mort et la corruption, persistent. L’État partie doit prendre des mesures globales pour intégrer les dispositions de la Convention dans le cadre législatif national et les appliquer. La question de la compatibilité de la législation nationale avec la Convention reste à traiter.

34.M.  Kotrane salue les nouvelles dispositions législatives relatives aux droits de l’enfant, mais note que des difficultés subsistent quant à leur mise en œuvre, y compris la possibilité de condamner à mort des individus de moins de 18 ans et les questions liées à l’adoption et à la nationalité. Beaucoup reste à faire pour assurer la compatibilité de la législation nationale avec la Convention et la pleine application de ses dispositions.

35.M me Cherue (Libéria) dit que les naissances sont enregistrées dans les hôpitaux et les dispensaires. Des unités mobiles ont été déployées à titre expérimental mais ces tentatives n’ont guère été concluantes. Le principal défi est l’enregistrement des naissances assistées par des accoucheuses traditionnelles hors milieu médical. Les autorités coopèrent avec les infirmières et les sages-femmes pour enregistrer ces naissances. L’enregistrement est gratuit pour les enfants jusqu’à l’âge de 13 ans, mais à partir de l’âge de 14 ans une redevance d’environ 7 dollars des États-Unis est perçue. Les soins de santé sont gratuits dans les institutions médicales publiques. Des mesures spéciales ont été prises en faveur des réfugiés de Côte d’Ivoire et l’UNICEF a alloué 30 % des fonds nécessaires à la fourniture de soins de santé gratuits aux réfugiés.

36.M me Tarpeh (Libéria) dit qu’il est de la plus haute importance de mener une action d’information dans les zones rurales: les stations de radio jouent un grand rôle en diffusant des émissions sur la santé, l’éducation et l’état de droit dans une langue simple et directe. Les stations de radio diffusent aussi des émissions d’alphabétisation et des organisations de la société civile participent aux efforts d’alphabétisation, notamment des cours du soir et des cours ciblant les personnes ayant des enfants d’âge scolaire. Les stations de radio offrent aux enfants une tribune pour parler de questions les intéressant et obtenir des informations, permettant ainsi de recueillir et faire entendre avec sérieux les opinions des enfants.

37.Il serait judicieux que l’État partie inclue des enfants dans la délégation qu’il dépêchera devant le Comité pour l’examen de son prochain rapport périodique, car ces enfants pourraient donner aux membres du Comité un aperçu de la vie quotidienne et des préoccupations des enfants au Libéria.

38.Le  Président,appelant l’attention surle défaut de formation des groupes professionnels opérant dans le domaine des droits de l’enfant, en particulier la protection de l’enfance, souligne que ce point est fondamental, car aucun progrès ne saurait être accompli sans un personnel correctement formé pour mettre en œuvre les textes, et demande ce qui est fait dans ce sens. Il sollicite un complément d’information sur les mesures prises pour faire entendre la voix des enfants dans le processus décisionnel, en particulier dans le système d’administration publique, les hôpitaux, les écoles et le système de sécurité sociale.

39.M me Tarpeh (Libéria) dit que la Division de l’enfance du Ministère du genre et du développement ne possède en effet pas les capacités requises pour traiter ces problèmes, mais travaille avec d’autres organisations, organismes et ministères. La Commission de la gouvernance a procédé à une série de réformes, dont la modification du titre du Ministère du genre et du développement, pour y adjoindre la protection de l’enfance et conférer ainsi à la Division de l’enfance une plus grande autorité, et le transfert, afin de le renforcer, du Département de la protection sociale au Ministère du genre et du développement.

40.La loi sur l’enfance est en cours d’impression en langue vernaculaire en vue de sa diffusion auprès de la population et de sa popularisation sur le réseau de radiodiffusion. Des actions visant à sensibiliser et impliquer les parents et la société civile sont de plus en cours, y compris une formation relative à la loi sur l’enfance dans les 15 comtés du pays.

41.Pour obtenir l’accréditation d’une ONG, il faut adresser une demande écrite au Ministre du genre et du développement et soumettre une documentation au Ministère de la planification et des affaires économiques, lequel statue alors sur son accréditation.

42.L’UNICEF collabore avec des ministères et des organismes dans le domaine des droits de l’enfant au Libéria. Le pays s’est doté d’un Parlement des enfants, dont les membres, élus aux niveaux local et national, jouissent de la liberté d’expression et ont la possibilité d’assister à toutes les séances, y compris celles consacrées aux questions budgétaires, d’interpeler le Gouvernement et de rencontrer la Présidente. Des membres du Parlement des enfants participent en outre à des émissions de radio sur le thème des droits de l’enfant et travaillent avec le Ministère de la justice dans le cas d’une injustice pour y remédier. Les enfants participent activement au processus de prise de décisions et ont accès à un bureau au Ministère du genre et du développement. Le Parlement des enfants travaille avec l’Observatoire national des droits de l’enfant, lequel a besoin d’être restructuré pour en faire un organisme de plaidoyer distinct et le renforcer, et avec le Réseau de protection de l’enfance. La Division de l’enfance ne collecte pas de données par elle-même mais s’en procure auprès de l’Institut libérien de statistique et de géo-information.

43.M me Aidoo estime que l’État partie pourrait envisager de revoir le nom du Réseau de protection de l’enfance car l’expression «protection de l’enfance» est souvent associée à des actions de riposte à des violations des droits de l’enfant. Étant donné que la Convention traite un large éventail de questions relatives au bien-être et au développement des enfants, il pourrait être plus judicieux de se référer aux «enfants» ou aux «droits de l’enfant».

44.Elle demande si l’État partie fournit des ressources à des ONG locales pour s’occuper de questions qu’elles sont susceptibles de traiter avec plus d’efficacité que les pouvoirs publics. Une telle démarche a prouvé son efficacité dans nombre de pays.

45.Elle souhaite connaître l’état d’avancement du projet de loi sur l’adoption, en cours d’élaboration, et savoir si les pouvoirs publics exercent une surveillance sur l’adoption informelle et les placements en famille d’accueil. Elle demande en outre si au Libéria une éducation relative aux droits de l’enfant et à la Convention est dispensée aux élèves et étudiants et aux enseignants.

46.M me Maurás Pérez  aimerait en savoir plus sur les efforts visant à améliorer la santé des adolescents. Elle demande ce qui est fait pour réduire les taux de grossesse et d’avortement chez les filles et si un appui est apporté aux mères adolescentes désireuses de poursuivre leurs études. Elle demande comment la politique nationale pour la jeunesse permet de combattre l’usage très courant par les adolescents de substances toxiques comme la cocaïne, la marijuana et l’alcool et ce qui est fait pour combattre le VIH/sida.

47.Mme Maurás Pérez aimerait savoir comment l’État partie intègre les questions liées aux enfants dans sa stratégie de réduction de la pauvreté et avoir des renseignements, y compris des statistiques, sur l’efficacité du programme pilote de transfert d’argent aux familles pauvres.

48.M me Al-Shehail demande si un enseignement professionnel est proposé aux jeunes quittant le système d’enseignement obligatoire.

49.M.  Koompraphant demande quelles mesures juridiques, administratives, sociales et éducatives sont prises pour prévenir la maltraitance sur enfant, notamment à la maison. Il aimerait savoir en outre ce qui est fait pour encourager les parents à promouvoir le bien-être de leurs enfants et à quel point la responsabilité des parents qui maltraitent leurs enfants peut être mise en cause.

50.M.  Cardona Llorens demande à la délégation de lui confirmer que la loi sur l’enfance préconise d’intégrer les enfants handicapés dans le système éducatif ordinaire. À ce sujet, il aimerait savoir si des ressources sont allouées à des mesures comme la formation d’enseignants spécialisés et la construction d’écoles accessibles. Eu égard au faible taux de vaccination des enfants handicapés, il demande si l’État partie mène des campagnes de sensibilisation en direction des parents de ces enfants.

51.Concernant la justice pour mineurs, M. Cardona Llorens demande si les membres de l’appareil judiciaire qui s’occupent des enfants reçoivent une formation appropriée, s’il existe des tribunaux spéciaux pour mineurs et si dans les centres de détention, y compris hors de la capitale, les enfants sont clairement séparés des adultes.

52.M me Lee, notant que les dépenses que l’État partie consacre à l’éducation ne correspondent qu’à 2,7 % de son PIB, dit que bien plus peut et doit être fait pour améliorer le sort des enfants du pays, qui représentent son avenir. Qualifiant d’alarmants les faibles taux de scolarisation et de persévérance cités dans les réponses écrites, elle demande ce qui est fait pour améliorer la situation. Elle aimerait savoir si le Libéria s’est doté d’une stratégie de développement de la petite enfance et avoir des informations sur les «écoles de brousse» et l’impact de leur existence sur la fréquentation des écoles publiques.

53.M me Wijemanne demande ce que fait l’État partie pour promouvoir la scolarisation des filles et des femmes et si un enseignement non formel est proposé aux filles n’ayant pas bénéficié d’une instruction formelle. Elle demande si une éducation sanitaire est dispensée dans les écoles pour prévenir les grossesses de filles scolarisées et si les enfants abandonnant leurs études scolaires ont accès à une formation professionnelle.

54.Se référant au grand nombre d’enfants fugueurs, dont certains sont placés dans un orphelinat ou une autre institution, Mme Wijemanne demande comment l’État partie veille au bien-être de ces enfants et vérifie que les adoptions se déroulent en conformité avec la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

55.M.  Madi , tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour assurer l’accueil des personnes qui cherchent refuge au Libéria, notamment en provenance de Côte d’Ivoire, dit que le Comité s’inquiète du sort des enfants, qui sont près de 60 % du total, et demande quels moyens sont employés pour assurer la sécurité et le bien-être de ceux de ces enfants qui ne sont pas accompagnés. Il souhaite savoir en outre si parmi ces personnes figurent des enfants demandeurs d’asile et, dans l’affirmative, comment les autorités s’en occupent.

56.M.  Pollarconstate,au sujet des déplacements et non-retours illicites d’enfants à l’étranger visés à l’article 11 de la Convention, que le rapport de l’État partie est axé sur les aspects pénaux de la question et aimerait donc avoir de plus amples informations sur la façon dont le Libéria aborde les aspects civils, par exemple savoir si le pays a conclu des accords avec d’autres États pour récupérer les enfants illicitement déplacés.

57.M. Pollar demande ce qui est fait pour assurer l’intégration à long terme des anciens enfants soldats dans la société et éviter qu’ils ne soient recrutés à nouveau.

La séance est levée à 13 h 5 .