NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.855

19 mars 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 855e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le lundi 27 janvier 2003, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial d’Haïti (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial d’Haïti [CRC/C/51/Add.7; HRI/CORE/1/Add.113 (document de base); CRC/C/Q/HAI/1 (liste des points à traiter); CRC/C/Q/RESP/21 (réponses écrites d’Haïti)] (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation haïtienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme DUCHATELLIER (Haïti) indique que la loi haïtienne ne précise pas l’âge de la majorité en matière de santé mais que, dans la pratique, un jeune peut consulter sans autorisation parentale dès l’âge de 15 ans, notamment pour demander un test de dépistage du VIH/sida − ce qui est important vu qu’en Haïti le taux de prévalence du sida est très élevé (plus de 7 % dans la tranche des 15-49 ans). À ce propos, les pouvoirs publics font de gros efforts de prévention, en particulier contre la transmission de la mère à l’enfant. Haïti a été le premier pays de la région à recevoir une aide (25 millions de dollars) du Fonds global des Nations Unies pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Parmi les projets retenus figure une initiative tendant à former 15 groupes de la société civile qui, à leur tour, engageront des actions de prévention au sein de la population.

3.M. ETZER (Haïti) dit que les enfants nés en République dominicaine de parents haïtiens ne sont pas considérés comme dominicains par les autorités de ce pays. Étant donné que leurs parents ne font bien souvent pas les démarches nécessaires pour qu’ils aient la nationalité haïtienne, ces enfants ne possèdent ni nationalité ni papiers. La République dominicaine semble exercer une véritable discrimination à l’égard des enfants d’Haïtiens car les autres enfants nés sur son territoire peuvent prétendre à sa nationalité. Les deux États ont entamé des négociations en vue de résoudre ce problème mais elles sont freinées par la mauvaise volonté des autorités dominicaines.

4.Mme KHATTAB demande si un Haïtien établi à l’étranger et qui a renoncé à la nationalité haïtienne pour acquérir celle de son pays d’accueil peut par la suite retrouver sa nationalité d’origine.

5.M. ETZER (Haïti) répond par l’affirmative.

6.M. JOSEPH (Haïti) dit, au sujet de l’âge de la responsabilité pénale, que la loi haïtienne distingue trois catégories de mineurs: les moins de 13 ans, les 13-16 ans et les 16-18 ans. Les moins de 13 ans ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales. Les 13‑16 ans peuvent être poursuivis devant les tribunaux pour enfants et les 16‑18 ans peuvent être traduits en cour d’assises. Les tribunaux pour mineurs n’étant pas encore constitués, une attention particulière est accordée à la formation des juges des enfants délégués à chacune des 15 juridictions civiles du pays.

7.Même s’il est vrai que l’on a eu à déplorer quelques cas de violences policières, l’Inspection générale de la police veille au respect des droits de l’homme et tout policier coupable de violation s’expose à des sanctions et peut être déféré au parquet.

8.La création de l’École de la magistrature et la refonte des codes s’inscrivent dans la réforme du système judiciaire entreprise dès 1986.

9.Les châtiments corporels sont interdits à l’école depuis plus de 30 ans. Dans la famille, les corrections qui dépassent le stade de la simple fessée sont également interdites, et tout enfant victime de maltraitance bénéficie d’une protection (placement dans une famille d’accueil ou en institution).

10.Mme OUEDRAOGO se dit préoccupée par le fait que de nombreux jeunes sont enrôlés dans des milices armées à la solde de partis politiques car, outre l’insécurité qui en résulte, c’est l’avenir même de ces jeunes qui est fortement compromis.

11.Mme DUCHATELLIER (Haïti) reconnaît que la condition de la femme haïtienne laisse à désirer bien que l’égalité entre les sexes soit consacrée par la Constitution. De gros efforts ont été accomplis, notamment avec la création du Ministère des droits de la femme, en 1996. La société civile se montre très dynamique, et les organisations de femmes se multiplient. Depuis la deuxième moitié des années 90, l’écart entre le taux de scolarisation des filles et celui des garçons a été considérablement réduit. L’avortement est théoriquement interdit, mais dans la pratique, il est souvent toléré par les autorités. Les femmes qui dirigent un ménage reçoivent une aide du Ministère des affaires sociales.

12.En ce qui concerne la diffusion des textes de loi haïtiens, le fait qu’ils soient publiés en français alors que la majorité de la population ne parle que le créole a été vivement critiqué mais il convient de souligner que la publication en créole n’est pas une solution car, d’une part, un grand nombre de personnes ne parlent pas cette langue et, d’autre part, une forte proportion d’Haïtiens sont analphabètes. Les autorités s’orientent plutôt vers la radiodiffusion des textes de loi, la radio étant un moyen privilégié d’atteindre un large public.

13.M. ETZER (Haïti) dit que les enfants séparés de leurs parents et vivant dans la rue ne peuvent pas tous être placés en structure d’accueil faute de moyens mais qu’ils sont les destinataires de nombreuses initiatives menées aussi bien par l’État que par le secteur privé ou des organisations non gouvernementales.

14.M. JOSEPH (Haïti) dit que différents cas de figure peuvent se présenter. Certains enfants sont séparés de l’un des deux parents du fait d’un divorce, auquel cas les tribunaux accordent le plus souvent la garde à la mère. D’autres sont privés de la présence d’un parent parce que ce dernier est en prison. Dans d’autres cas encore, les parents ont immigré, confiant leur enfant à un membre de la famille élargie. On recense aussi un certain nombre de mineurs qui quittent leur foyer pendant plusieurs mois pour travailler comme domestiques. Les autorités sont conscientes que, dans tous les cas, les enfants séparés de leurs parents ont des besoins spéciaux.

15.M. ETZER (Haïti) souligne que, même si son pays n’a pas ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, dans la grande majorité des adoptions, les procédures fixées par la loi sont appliquées dans l’intérêt de l’enfant et que des travailleurs sociaux assurent un suivi tout au long du processus. Il est possible que, dans une infime minorité de cas, des individus passent outre ces procédures, mais ils sont alors coupables d’une infraction pénale et s’exposent à des poursuites.

16.Mme DUCHATELLIER (Haïti) rappelle que, de par la loi, tout enfant victime de mauvais traitements a droit à une protection de remplacement sous la forme d’un placement en famille d’accueil ou en institution. Toutes les institutions de placement publiques ont été fermées pour des raisons budgétaires mais elles ont été relayées par des structures privées. Placées sous le contrôle de l’Institut du bien‑être social et de la recherche (IBESR) et soumises à son autorisation, ces structures privées sont régulièrement contrôlées par des inspecteurs qui ont toute latitude pour effectuer des visites ou examiner les registres, sans préavis. Des efforts restent à faire car, selon certaines rumeurs, non confirmées à ce jour, des institutions auraient ouvert leurs portes sans en avoir reçu l’autorisation de l’IBESR.

17.M. ETZER (Haïti) indique que, s’il existe bien dans les textes, le principe de l’incarcération d’un enfant sur demande des parents n’est pas appliqué dans les faits, hormis dans les cas aussi rares que graves où l’enfant attente à l’intégrité physique de ses parents.

18.M. JOSEPH (Haïti) ajoute que des organisations non gouvernementales militent pour la suppression de la disposition qui prévoit ce type d’incarcération et qu’une commission de réforme des codes y travaille.

19.Il souligne par ailleurs que le versement de la pension alimentaire est un droit que confère tout divorce. Cette question ne soulève aucune ambiguïté du point de vue strictement juridique mais des difficultés d’ordre pratique font qu’il est bien souvent impossible de recouvrer la pension, en particulier lorsque celui qui devrait la verser n’a pas d’emploi fixe. Le seul moyen de pression à la disposition des juges est l’emprisonnement.

20.Mme OUEDRAOGO constate que dans plusieurs domaines les principes du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et de sa participation ne sont à l’évidence pas respectés et qu’il revient dès lors aux pouvoirs publics de sensibiliser la population pour faire progresser les mentalités en la matière.

21.Tout en ayant conscience de la pénurie de ressources à laquelle est confronté le pays, elle se demande quels résultats donne la décentralisation du système de santé et comment les politiques sanitaires peuvent être appliquées dans les départements et les communes. Elle aimerait savoir si le nouveau programme élargi de vaccination a été mis en œuvre et si la réforme de la politique sanitaire prévue a pu être menée à bien.

22.Elle aimerait également avoir davantage d’informations sur la promotion de la santé intégrale des adolescents, notamment pour ce qui touche aux maladies sexuellement transmissibles et au VIH/sida, ainsi que sur la relation mère-enfant en général et l’allaitement maternel en particulier, sujet sur lequel le rapport est trop sommaire. Elle croit savoir que les efforts de promotion de l’allaitement maternel n’ont pas donné de résultats satisfaisants et que le Code de commercialisation des produits de substitution du lait maternel n’est pas appliqué. Elle espère que l’initiative «Hôpitaux amis des bébés», au moins, a été fructueuse.

23.Il serait utile de savoir si des cours d’éducation sexuelle sont dispensés dans les écoles et si les adolescentes peuvent poursuivre leurs études en cas de grossesse. Des détails sur les stratégies mises en œuvre pour la santé mentale et contre l’abus d’alcool et de drogues ou le tabagisme seraient également les bienvenus.

24.Le rapport manque d’informations sur le niveau de vie, en particulier l’approvisionnement en eau potable, l’assainissement et la qualité de l’habitat, alors qu’il est de notoriété publique que la capitale de l’État partie compte un grand nombre de bidonvilles. Il serait en outre intéressant de savoir ce que fait l’État partie dans le domaine de la prévention des catastrophes naturelles et de la préparation de la population à celles qui pourraient se produire.

25.Les établissements scolaires suscitent de vives préoccupations, non seulement parce qu’ils sont le théâtre de multiples actes de discrimination, voire d’agressions, à l’encontre des filles, mais aussi du fait de la mauvaise qualité de l’enseignement qui y est dispensé − problème qui ne pourra être résolu qu’avec une meilleure formation des enseignants et un plus grand contrôle de l’État sur les écoles privées. Il est regrettable que l’éducation ne fasse pas l’objet d’une politique cohérente pensée sur le long terme au lieu de susciter chaque année de nouveaux plans et effets d’annonce qui bien souvent s’avèrent sans lendemain.

26.Avec le développement de la pauvreté, les filles sont de plus en plus vulnérables à l’exploitation sexuelle, ce qui appelle une action protectrice de la part de l’État. Or, dans la mesure où il n’a ratifié aucune des conventions régionales existantes contre l’exploitation sexuelle, on est en droit de se demander à quel point l’État partie prend part aux efforts menés en la matière à l’échelle multilatérale.

27.Mme AL‑THANI constate que, malgré certains progrès, les indicateurs, notamment les taux de mortalité infantile et maternelle, demeurent à des niveaux très préoccupants dans l’État partie, ce qui s’explique pour beaucoup par la quasi‑inexistence de services de soins de santé primaires et de soins prénatals et néonatals, en particulier dans les zones rurales. À ce propos, il serait souhaitable d’envisager de former des sages‑femmes chargées de seconder les femmes qui accouchent à domicile dans les zones rurales. Comme la résurgence de la rougeole vient brutalement le rappeler, les vaccinations doivent elles aussi être développées. La malnutrition reste de l’aveu même de l’État partie le problème le plus critique.

28.Il serait utile d’obtenir des informations à jour sur l’action menée en faveur de l’intégration des personnes handicapées, non seulement dans le système éducatif, mais dans toutes les sphères de la vie quotidienne, et de savoir comment l’État partie entend prévenir les handicaps en l’absence d’études sur leurs causes et le nombre de personnes touchées.

29.M. CITARELLA voudrait savoir jusqu’à quel âge l’enseignement est obligatoire et s’il est gratuit. Les informations à sa disposition lui font craindre que le nombre d’écoles ne suffise pas à traduire dans les faits le principe selon lequel l’enseignement primaire doit être obligatoire. De plus, les taux de déperdition indiqués dans les réponses écrites sont étonnants et appellent des éclaircissements.

30.M. AL‑SHEDDI a lui aussi connaissance d’éléments donnant à penser que l’enseignement n’est pas accessible à tous les enfants en âge d’être scolarisés et est de médiocre qualité. Il serait bon que la délégation fournisse des renseignements sur la teneur du plan d’action national sur l’éducation et la formation adopté en 1998 ainsi que sur le comité créé pour assurer le suivi de la mise en œuvre de ce plan, notamment ses modalités de fonctionnement et de financement.

31.Il voudrait savoir comment s’explique une telle discrimination à l’égard des filles et des femmes en matière d’éducation − les écolières constituant seulement 40 % des effectifs et les enseignantes 33 % du corps professoral − et à l’égard des enfants des zones rurales, qui ont peu ou pas accès à l’éducation. Il se demande en outre quelle suite est donnée aux cas d’abus sexuels perpétrés contre des enfants dans le milieu scolaire, quel sort est réservé aux adolescentes enceintes et notamment si elles sont autorisées à poursuivre leurs études malgré leur grossesse.

32.Déplorant la faible qualité de l’enseignement, il souhaite savoir pourquoi seuls 10 % des enseignants ont suivi une formation pédagogique et se demande si cet état de fait n’explique pas que de nombreux élèves redoublent plusieurs fois et mettent en moyenne 14 ans pour arriver au terme du cycle d’études primaires, censé être effectué en 6 ans. Il aimerait en outre savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour développer l’enseignement préscolaire

33.Enfin, il demande comment le Gouvernement entend lutter contre l’enlèvement et la traite d’enfants, qui selon les statistiques seraient au nombre de 2 500 à avoir été acheminés clandestinement par des passeurs en République dominicaine voisine.

34.Mme CHUTIKUL souhaite un complément d’information sur les enfants des rues, notamment sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour assurer leur protection. Elle souhaite aussi savoir si le Gouvernement a pris part à l’étude menée conjointement par l’UNICEF et l’OIM, et quels en ont été les résultats.

35.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, souhaiterait obtenir des informations supplémentaires sur le système de justice pour mineurs, plus précisément sur la pratique de la détention provisoire des enfants qui semble pouvoir se prolonger indéfiniment.

La séance est suspendue à 16 h 30; elle est reprise à 16 h 40.

36.M. ETZER (Haïti) dit que l’allaitement maternel n’est pas encore suffisamment répandu, malgré les efforts constants de sensibilisation de la population à ses bienfaits entrepris sur le terrain dans le cadre de l’initiative «Hôpitaux amis des bébés».

37.La question de l’accès à l’eau potable est effectivement préoccupante, et la tâche reste immense malgré les programmes mis en place par le Gouvernement pour améliorer la situation sur ce plan. À cet égard, il convient de saluer l’aide apportée dans ce domaine par l’UNICEF et l’UNESCO. Le Gouvernement a bien mis en place une politique de prévention des catastrophes naturelles et créé une instance à cet effet mais elle en est encore à un stade quasi embryonnaire et devra être structurée au niveau national avant de pouvoir donner des résultats concrets.

38.Les fonds promis n’ayant pas été débloqués, le Plan national d’éducation et de formation n’a pu être mis en œuvre dans son intégralité, ce qui est regrettable, mais il convient de souligner que le Gouvernement s’en inspire systématiquement pour définir ses plans et politiques en la matière.

39.L’âge du début de la scolarité obligatoire est de 5 ans et la gratuité n’est garantie que dans l’enseignement public alors que la majorité des établissements scolaires sont privés. En milieu rural, les disparités entre filles et garçons en termes d’accès à l’éducation s’expliquent par le fait que lorsque seul un des enfants de la fratrie peut faire des études, la préférence va généralement aux garçons plutôt qu’aux filles, alors que dans les villes les enfants des deux sexes sont scolarisés dans les mêmes proportions. Seul le développement des campagnes pourra mettre un terme à ces disparités.

40.Quant au pourcentage très faible d’enseignants ayant reçu une formation pédagogique (10 %), il s’explique par le fait que, face à la grave pénurie de professeurs, le ministère compétent a dû faire appel à des personnes ayant un diplôme d’études secondaires. C’est aussi ce qui explique qu’on ait créé des classes où l’on enseigne concomitamment plusieurs niveaux et que des sessions de même niveau soient dispensées plusieurs fois dans la journée, à différents groupes d’élèves. Pour l’heure, aucune autre solution ne peut être envisagée faute de ressources, même si la qualité de l’enseignement en pâtit.

41.La situation des 120 000 enfants handicapés est effectivement préoccupante. Seuls 1,7 % d’entre eux sont scolarisés, mais il faut saluer les efforts entrepris par le secteur privé pour leur porter assistance, même si les enfants qui en bénéficient restent trop peu nombreux.

42.La question des enfants des rues est elle aussi préoccupante car il n’est pas rare que certains disparaissent ou soient retrouvés morts. Des initiatives sont prises par plusieurs centres privés en vue de leur réinsertion, mais, à long terme, ces enfants doivent quitter cette structure d’accueil pour laisser la place à des enfants plus jeunes et ayant besoin d’une protection, avec souvent pour seule issue de retourner dans la rue et tomber dans la délinquance.

43.Mme DUCHATELLIER (Haïti) reconnaît que, malgré les efforts entrepris en vue d’un plus grand respect de l’opinion de l’enfant, les mentalités doivent encore évoluer pour qu’elle soit systématiquement prise en considération pour toute affaire le concernant. L’enfant est cependant désormais consulté en cas de divorce de ses parents et son opinion influence la décision d’octroi de la garde.

44.En matière de sexualité, les mentalités évoluent aussi, ce qui a facilité la mise en œuvre de campagnes de prévention des MST et du VIH/sida ainsi que la tenue de cours d’éducation sexuelle dans les écoles. Ces initiatives sont l’occasion pour les adolescents de poser des questions et d’exprimer leurs préoccupations liées à la sexualité. Les adolescentes enceintes sont autorisées à poursuivre leurs études et l’opinion publique est plus indulgente à leur égard que dans le passé.

45.La paupérisation des femmes en Haïti les rend encore plus vulnérables et les expose davantage à la prostitution et à l’exploitation sexuelle. Sans être partie aux instruments régionaux pertinents, Haïti n’en œuvre pas moins au niveau sous-régional, où sa participation aux réunions organisées par l’OIM a été active.

46.De plus en plus d’enfants − filles et garçons − sont poussés à se prostituer par la pauvreté et la détresse sociale et sont victimes d’exploitation sexuelle. Haïti n’étant pas une destination touristique très prisée en raison de la situation économique, le tourisme sexuel y est quasi inexistant, mais la traite des enfants vers la République dominicaine est un problème très grave. Les autorités ont du reste demandé à l’OIM d’entreprendre une vaste étude sur le problème de la traite des personnes en Haïti couvrant tous les cas de figure: traite à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé et d’adoption internationale. En attendant les résultats, le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de dispositions, dont le renforcement des contrôles aux frontières et l’interdiction pour un mineur de sortir du pays sans ses parents ou sans une autorisation de sortie du territoire.

47.Un certain nombre de questions, parmi lesquelles les abus sexuels en milieu scolaire ou encore la qualité des soins obstétricaux, réclament effectivement une plus grande attention de la part des autorités et des solutions.

48.M. JOSEPH (Haïti) dit que ce n’est pas tant le système de justice pour mineurs que l’ensemble du système judiciaire qui doit être réformé. Un seul tribunal pour enfants fonctionne, à Port‑au‑Prince, sur les 15 prévus par la loi et, faute de magistrats et de locaux suffisants, les mineurs sont souvent détenus, avec des adultes, pendant plus de deux ans avant d’être jugés. Bon nombre de ces mineurs sont des enfants des rues, dont la police a établi qu’ils se rendaient souvent coupables d’actes de violence après avoir eux‑mêmes été abusés et manipulés.

49.M. PHILLIPS (UNICEF) dit que l’UNICEF collabore avec le Ministère des affaires sociales (par l’intermédiaire de l’Institut du bien–être social et de la recherche), qui est le principal organe de coordination des questions relatives à l’enfance mais dont l’action est limitée par un budget très insuffisant. L’Institut ne dispose pas non plus des moyens qui permettrait de concrétiser les objectifs pour lesquels il a été mis en place. Cela étant, les activités qu’il mène au titre d’un programme décentralisé dans le secteur de la santé donnent des résultats très encourageants, comme l’élaboration d’une stratégie de santé publique et d’un programme de lutte contre le sida. L’UNICEF regrette toutefois que, pour l’application du Programme élargi de vaccination, la démarche retenue ait été celle de l’organisation de grandes campagnes ponctuelles (qui ont permis de vacciner tous les enfants de moins de 10 ans contre la rougeole et la poliomyélite) au détriment des activités de vaccination routinières, et sans que des efforts soient menés en parallèle pour développer le système de soins de santé primaires.

50.Des activités d’information sur les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida sont organisées par un certain nombre d’ONG, et l’UNICEF compte allouer une part importante de ses fonds d’action générale au renforcement de l’accès des jeunes à ce type de renseignements. Les efforts déployés en vue de l’allaitement exclusif au sein ont été entravés par les problèmes liés à la transmission de la mère à l’enfant. Par ailleurs, les chiffres indiquent que seulement 45 % des Haïtiens avaient accès à l’eau potable en 2000.

51.Outre les difficultés touchant la formation des maîtres et la qualité de l’enseignement, l’état physique des locaux pose un problème majeur (insalubrité, manque de lumière, etc.) auquel l’UNICEF s’efforce d’apporter une solution dans le souci de rendre l’environnement scolaire propice à l’apprentissage et de retenir les élèves, principalement les filles, à l’école. En effet, alors que le taux de scolarisation est le même initialement pour les deux sexes, on s’aperçoit qu’à 15 ans la plupart des filles ont quitté l’école, les principales raisons en étant les grossesses précoces et le coût de l’enseignement.

52.Des mesures sont également prises en vue d’établir un programme d’études distinct pour les élèves qui ont largement dépassé l’âge de l’école primaire et dont la présence dans les classes constitue une entrave au processus d’apprentissage. Enfin, le Ministère de l’éducation a prévu, dans le cadre de son plan sectoriel, des mesures visant à lutter contre les agressions sexuelles dont les élèves, filles comme garçons, sont victimes de la part des enseignants.

53.La coopération régionale est encore insuffisante, mais Haïti a récemment adhéré à la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et, plus qu’en matière commerciale, c’est dans le domaine social que des accords devraient être conclus pour renforcer notamment la lutte contre l’infection au VIH/sida; à ce propos, les autres pays de la région pourront tirer les enseignements de l’expérience acquise par Haïti dans la prévention de la transmission de la mère à l’enfant.

54.Pour ce qui est des soins prénatals et périnatals, l’UNICEF concentre ses efforts sur la formation de personnel qualifié. Toutefois, les sages‑femmes formées dans le cadre du programme du Ministère de la santé (une quarantaine par an seulement) sont encore trop peu nombreuses et refusent souvent d’aller travailler en dehors des villes.

55.La gestion intégrée des maladies infantiles fait désormais partie de la politique de santé publique et les activités correspondantes sont menées au titre du Programme de protection et de développement de la petite enfance.

56.Dans le cadre du rapprochement entre Haïti et la République dominicaine, l’UNICEF s’efforce de sensibiliser les ministères des deux pays à la nécessité de coopérer dans des domaines comme l’application du Programme élargi de vaccination et la lutte contre le sida. La coordination a aussi été renforcée en vue de mettre un terme au trafic d’enfants, qu’il s’agisse du système consistant à placer un enfant dans une famille pour y effectuer un travail domestique (connu sous le nom de restavèk) − qui est très courant en Haïti et constitue en général une forme de travail forcé ou d’esclavage − ou de l’envoi par les parents de leurs enfants en République dominicaine pour y travailler. Les régions d’origine des enfants restavèk sont bien connues et un programme d’action est en cours d’élaboration avec la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens et d’autres partenaires.

57.Les enfants des rues, dont le nombre exact est très difficile à établir en raison de leur extrême mobilité (de l’ordre de 7 000 selon les dernières estimations), posent le même problème car il s’agit souvent de restavèk en fuite. Les ONG déploient de nombreux efforts pour leur venir en aide, y compris en ouvrant des centres où ces enfants peuvent prendre un repas chaud, se laver et acquérir quelques compétences de base, mais les moyens dont elles disposent ne leur permettent pas de venir seules à bout d’un problème aussi vaste que complexe. Enfin, l’UNICEF aide les mineurs placés en détention préventive en leur fournissant un conseil.

58.Mme CHUTIKUL demande ce qu’il en est des formes non traditionnelles d’enseignement qui permettraient de régler le problème des élèves surâgés et de renforcer, de façon plus générale, l’éducation des adultes.

59.M. PHILLIPS (UNICEF) rappelle que plus de 80 % des écoles sont des établissements privés et que le grand laisser‑aller qui caractérise l’ensemble du secteur de l’éducation s’explique avant tout par l’absence de réglementation et de contrôle au niveau central et par la pénurie des ressources tant humaines que financières. Cette absence de financement explique aussi pourquoi il n’a pas encore été possible de lancer, à l’intention des adultes comme des enfants, un programme ambitieux d’éducation hors institution et d’alphabétisation fonctionnelle.

60.Mme OUEDRAOGO demande des éclaircissements sur le projet de code de l’enfant.

61.M. PHILLIPS (UNICEF) dit que le Ministère haïtien des affaires sociales a annoncé son intention de reprendre l’élaboration de ce projet. Pour sa part, l’UNICEF, qui espère que cela sera l’occasion d’y incorporer les dispositions de la Convention, a inscrit cet objectif dans son plan d’action pour 2003. Par ailleurs, le Fonds considère qu’avec un minimum d’appui de la part d’autres partenaires, il serait possible de mettre au point un programme concernant la protection de l’enfant qui, avec les stratégies déjà définies en matière de santé et d’éducation, formerait la base d’un véritable plan d’action national en faveur de l’enfance et pourrait être adopté sans difficulté par le Parlement.

62.Le PRÉSIDENT remercie le représentant de l’UNICEF qui, par la qualité de ses interventions, a contribué à donner au Comité une image concrète de la situation des enfants en Haïti.

63.Mme OUEDRAOGO remercie la délégation de ses efforts visant à répondre aussi précisément que possible aux questions du Comité, mais regrette qu’aucun expert de l’application de la Convention ne se soit déplacé. Les nombreux problèmes soulevés au cours de ce dialogue feront l’objet de recommandations dans les observations finales du Comité.

64.M. ETZER (Haïti) remercie le Comité de ses suggestions et conseils et l’assure qu’il en sera tenu compte dans la poursuite de l’application de la Convention.

La séance est levée à 17 h 50.

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