NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.13346 juin 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1334e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 2 juin 2008, à 10 h 10

Présidente: Mme LEE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PÉRIODIQUES PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques de l’Érythrée sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PÉRIODIQUES PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques de l’Érythrée sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/ERI/3; liste des points à traiter (CRC/C/ERI/Q/3); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/ERI/Q/3))

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation érythréenne prend place à la table du  Comité.

2.MmeMENKERIOS (Érythrée) rappelle la situation du pays, qualifiée de «ni guerre ni paix», qui s’enracine dans le conflit lié au tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie. En dépit de cette situation difficile, l’Érythrée a enregistré des progrès remarquables en matière de développement, en particulier dans les secteurs économique et social. Le Gouvernement s’attache notamment à mettre en œuvre une stratégie de sécurité alimentaire et des mesures visant à améliorer le niveau de vie de la population en général, et le bien‑être des enfants érythréens en particulier.

3.Depuis l’examen de son rapport initial par le Comité des droits de l’enfant, le Gouvernement n’a eu de cesse de prendre des mesures pour mettre en œuvre la Convention. Ainsi, il a adopté une proclamation visant à interdire et à punir sévèrement les mutilations génitales féminines et élaboré un plan d’action national en la matière. Il a également publié une proclamation relative à la lutte contre le tabac, qui interdit d’offrir du tabac aux mineurs ou de vendre des produits du tabac dans des établissements scolaires.

4.En 2005, le Gouvernement a signé les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant et élaboré un plan d’action national visant à lutter contre l’exploitation commerciale des enfants par la prévention et la réadaptation.

5.La coordination des politiques et des mécanismes de suivi de la mise en œuvre de la Convention a été renforcée aux niveaux national, régional et sous‑régional. Sur le plan national, un comité composé du Ministère du travail et de la protection sociale, du Ministère de la justice, du Ministère de la santé et du Ministère de l’éducation, ainsi que de l’Union nationale des femmes érythréennes et de l’Union nationale des jeunes et des étudiants érythréens s’est employé à coordonner les divers programmes et politiques du Gouvernement à l’intention des enfants et à mettre en œuvre la Convention. Du personnel a été affecté dans toutes les régions et sous‑régions, et les travailleurs sociaux ont été formés au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de la Convention. De plus, 12 comités chargés du bien‑être de l’enfant ont été créés à l’échelle sous‑régionale, dans le cadre d’un projet pilote, pour traiter les questions relatives aux droits de l’enfant.

6.En collaboration avec différents partenaires nationaux et internationaux, le Ministère de la santé a créé des structures médicales et des instituts de formation. En outre, des programmes de santé materno‑infantile ont aussi été mis en œuvre. Ces initiatives, qui ont été intégrées au nouveau plan quinquennal de développement stratégique du secteur de la santé, ont permis de réduire notablement les taux de morbidité et de mortalité chez les enfants.

7.Le Gouvernement a engagé une transformation globale du système éducatif afin d’accroître l’accès à l’éducation, d’améliorer la qualité de l’enseignement et de réduire l’échec scolaire. Il a également mis en œuvre dès 2005 un programme quinquennal de développement du secteur éducatif.

8.Le Gouvernement a aussi consacré des efforts et des ressources considérables à la protection de l’enfant. Les programmes mis en place au niveau communautaire pour faciliter la réadaptation et la réinsertion des orphelins et des autres enfants vulnérables donnent de bons résultats. Des mesures importantes ont également été prises afin de promouvoir la justice des mineurs.

9.M. KRAPPMANN (Rapporteur pour l’Érythrée) salue les efforts déployés par le Gouvernement érythréen pour sortir de la situation désastreuse dans laquelle se trouve le pays, alors que celui‑ci manque cruellement de ressources naturelles et doit faire face à des événements tels que sécheresses, attaques de sauterelles, conflit latent avec l’Éthiopie, destructions et déplacements de population. L’Érythrée est un pays extrêmement pauvre, où le niveau de vie est très bas et la croissance économique faible.

10.Dans ces conditions, la délégation voudra bien expliquer pourquoi le Gouvernement a décidé d’expulser les organisations d’aide humanitaire, dont un organisme des Nations Unies, et entrave considérablement les activités des organisations nationales, qui ne peuvent fournir l’assistance nécessaire aux enfants pauvres et sous‑alimentés. Cette question avait déjà été évoquée dans les observations finales de 2003. Or, les restrictions imposées aux activités des organisations internationales ont encore été étendues et s’appliquent désormais aussi aux ONG nationales.

11.Les observations finales de 2003 définissaient un certain nombre de domaines où la coopération serait essentielle pour donner effet aux droits de l’enfant et suggéraient de rétablir et de renforcer de toute urgence la coopération avec les organisations non gouvernementales nationales et internationales. L’État partie affirme avoir établi cette coopération, ce que contredisent de nombreuses sources. La délégation voudra bien faire part de ses observations à ce sujet.

12.Cela étant, des progrès ont été enregistrés: les taux de mortalité infantile et maternelle sont en recul, les taux de vaccination ont augmenté, le nombre d’enfants scolarisés est en augmentation et les disparités entre hommes et femmes se réduisent, du moins dans certaines régions.

13.Le rapport et les réponses écrites font état d’une amélioration des services destinés aux enfants handicapés et du soutien apporté aux enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté, aux orphelins, ou encore aux enfants des rues. Toutefois, ils ne donnent pas d’informations sur les enfants ou les familles visés par ces programmes et les chiffres qu’ils fournissent ne sont pas exploitables. Le Comité demande donc une nouvelle fois à l’État partie quelles mesures il prend pour créer un système efficace de collecte de données.

14.Le rapport manque aussi de chiffres sur les allocations budgétaires, et les chiffres présentés ne sont pas spécifiques aux enfants ou ne sont pas mis en rapport avec le budget global du Gouvernement ou le PIB; il est donc difficile de se faire une idée de la place accordée à la réalisation des droits de l’enfant, alors que l’article 4 de la Convention dispose que les États parties doivent prendre des mesures «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent».

15.La délégation voudra bien fournir un complément d’information sur les allocations budgétaires, y compris sur les dépenses militaires. Le Comité s’inquiète du redéploiement de la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE), qui risque d’entraîner une augmentation du budget alloué aux forces armées et par conséquent une diminution des ressources consacrées au développement économique, social et culturel. Il serait aussi intéressant d’avoir l’opinion de la délégation sur le mauvais classement de l’Érythrée en ce qui concerne l’indice de perception de la corruption.

16.M. Krappmann souhaiterait des précisions sur la coordination entre les organes de coordination que sont, d’après le rapport, le Programme de développement intégré de la petite enfance et d’autres services sociaux et, d’après les réponses écrites, le Comité interministériel. Des informations complémentaires sur les capacités de ces organes de coordination, leur budget, leur personnel et leurs méthodes de travail seraient également utiles.

17.Enfin, M. Krappmann demande si le Gouvernement envisage d’élaborer un programme d’action global qui intégrerait les différents plans d’action, programmes et stratégies.

18.MmeKHATTAB (Rapporteuse pour l’Érythrée) félicite l’État partie pour sa participation active à la plupart des conférences internationales ou régionales sur les questions liées à l’enfant.

19.Elle salue les efforts réalisés pour faire baisser le taux de mortalité chez les nourrissons et les enfants de moins de 5 ans et demande quelles mesures le Gouvernement prend pour allouer des ressources suffisantes aux enfants, compte tenu de la situation difficile de l’Érythrée et de la crise mondiale provoquée par l’augmentation des prix du pétrole et des produits alimentaires.

20.Malgré la promulgation de la loi sur les mutilations génitales féminines et le lancement de campagnes de sensibilisation, les mutilations génitales féminines restent une pratique répandue. Le Comité s’inquiète de la persistance de la discrimination, à l’égard notamment des enfants pauvres, affectés ou infectés par le VIH/sida, orphelins, handicapés ou appartenant à des minorités. Il souhaiterait savoir ce que le Gouvernement a fait pour améliorer la situation des filles dans certaines communautés, et notamment pour lutter contre les mariages précoces, les pratiques traditionnelles nuisibles et l’analphabétisme. Il aimerait également connaître les mesures envisagées pour réduire les disparités régionales en matière d’éducation et de santé.

21.M. PARFITT prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’Érythrée pour mettre en œuvre la Convention en élargissant les services sociaux au niveau sous‑régional, mais regrette l’absence d’institution de contrôle indépendante. Il demande si le Gouvernement prévoit d’établir une telle institution qui serait accessible aux enfants, aurait compétence pour enquêter sur des allégations de violation des droits de l’enfant et recommander des voies de recours, conformément aux Principes de Paris et à l’Observation générale no 2 du Comité sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant.

22.M. Parfitt voudrait savoir si l’intérêt supérieur de l’enfant est un souci prioritaire dans les prises de décision aux niveaux administratif, législatif et judiciaire, notamment en ce qui concerne les allocations budgétaires et l’élaboration des politiques, des programmes et des lois, s’il existe des dispositions spécifiques dans la législation nationale obligeant le juge à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les affaires touchant au mariage, à la protection de remplacement, à l’adoption et à la justice pour mineurs, et si des mécanismes formels ou informels veillent au respect de ce principe. Il demande quelles mesures sont prises pour sensibiliser les agents de l’État à l’application de ce principe.

23.M. Parfitt souhaiterait aussi savoir si les enfants sont encouragés, dans leur famille, à l’école et dans leur communauté, à exprimer librement leur opinion. Il prend note de la persistance de pratiques traditionnelles, telles que le mariage précoce chez les jeunes filles. Rappelant que la Convention établit la possibilité pour l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, il demande si cette disposition est respectée.

24.Mme ORTIZ voudrait savoir comment l’État partie veille à ce que la Convention soit diffusée dans tout le pays, quel est le rôle joué par les médias dans ce domaine et si les enfants participent à des programmes de radio ou de télévision tendant à sensibiliser la population aux droits de l’enfant.

25.Mme AIDOO, notant que les communautés religieuses actives dans l’État partie ont l’autorisation d’enregistrer les naissances, demande si les autorités érythréennes font le nécessaire pour que tous les enfants soient enregistrés et si le Bureau national de l’état civil est doté de moyens suffisants pour surveiller la façon dont les autorités religieuses enregistrent les naissances. La délégation pourrait en outre préciser si ces formalités sont gratuites, si les parents sont encouragés à déclarer la naissance de leurs enfants aux services de l’état civil et quelles mesures sont prises afin de régulariser la situation des mineurs qui n’ont pas été enregistrés auprès de ces services.

26.Mme SMITH indique que, selon des informations portées à la connaissance du Comité, seules quatre communautés religieuses seraient officiellement reconnues. La délégation est invitée à expliquer pourquoi toutes les communautés religieuses qui coexistent en Érythrée ne sont pas traitées sur un pied d’égalité.

27.La PRÉSIDENTE, rappelant que la réduction de la pauvreté incombe davantage à l’État qu’aux organisations non gouvernementales, invite la délégation à fournir de plus amples détails sur le contenu du paragraphe 20 du rapport.

28.À la lecture des réponses écrites à la liste des points à traiter, il apparaît que de nombreux enfants séparés de leurs parents ne sont pas placés dans des structures familiales ou en institution. La délégation est priée de donner des précisions sur la situation de ces enfants. De même, il semble qu’environ 10 000 enfants handicapés vivant dans leur famille ne fréquentent pas d’établissement scolaire. Le Comité souhaiterait savoir si l’État fait en sorte que ces enfants aient accès à l’éducation. Enfin, si la mortalité néonatale est en recul, celle des enfants de moins de 5 ans est en augmentation. Le Comité souhaiterait savoir si cette tendance est due à une insuffisance des ressources budgétaires allouées aux soins de santé primaires.

La séance est suspendue à 11 heures; elle est reprise à 11 h 20.

29.La PRÉSIDENTE souhaiterait un complément d’information sur les activités des 12 comités chargés du bien-être de l’enfant. En particulier, des précisions seraient bienvenues sur l’efficacité avec laquelle ces comités traitent les plaintes dont ils sont saisis, les réparations qu’ils octroient aux victimes et le budget qui leur est alloué. Elle souhaiterait également savoir à quel stade en est la réforme des Codes civil et pénal et si des projets d’amendement ont déjà été élaborés. Enfin, bien que les traitements cruels, inhumains et dégradants soient interdits dans l’État partie, il semblerait, d’après des informations communiquées au Comité, que le recours à des châtiments corporels soit toléré dans certains contextes. La délégation pourrait peut‑être commenter ces allégations.

30.M. CITARELLA demande quelles mesures l’État partie a prises afin que la législation interne et la Convention soient appliquées dans l’ensemble du pays et, en particulier, pour que celles-ci l’emportent en cas de conflit avec le droit coutumier.

31.M. KOTRANE demande si les juges connaissent bien les dispositions de la Convention et, dans l’affirmative, s’ils les appliquent directement dans le cadre d’une procédure civile ou pénale.

32.M. KRAPPMANN (Rapporteur pour l’Érythrée) souhaiterait savoir si le Comité national sur les droits de l’enfant, qui avait pour tâche d’examiner la compatibilité de la législation nationale avec la Convention, est toujours opérationnel. Si tel est le cas, la délégation est invitée à décrire les activités menées par cet organe.

33.Étant donné que la Constitution fait certes mention des enfants en son article 22, mais qu’elle ne contient aucune disposition établissant que les enfants jouissent de droits, il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage de la modifier afin de combler cette lacune.

34.M. PARFITT dit que, d’après des informations portées à la connaissance du Comité, les dispositions de la Constitution ne seraient pas appliquées dans la pratique. Il voudrait donc savoir quelle est la place accordée à la Constitution et aux traités ratifiés par l’État partie dans le cadre d’une procédure.

35.Mme MENKERIOS (Érythrée) dit que la délégation a le sentiment que les membres du Comité n’ont pas pris toute la mesure des efforts qui ont été déployés par le Gouvernement érythréen et des progrès qu’il a accomplis depuis l’indépendance du pays. En particulier, il s’est employé à donner suite aux recommandations contenues dans les observations finales concernant le rapport initial (CRC/C/15/Add.204). En outre, la délégation estime que le Comité devrait se fonder sur les rapports et les réponses du Gouvernement érythréen et non sur des sources extérieures ou des informations diffusées par l’Internet, dont la fiabilité est douteuse. La situation sur le terrain est loin de correspondre au tableau sombre brossé par le Rapporteur. Le pays a connu une croissance économique de 7 à 8 % au cours des sept premières années qui ont suivi son indépendance, progression qui a toutefois été ralentie en raison du conflit qui a sévi de 1998 à 2000. Le Gouvernement est parvenu à rapatrier les quelque 80 000 personnes qui avaient dû fuir les zones de combat. Même si le pays dépend encore de l’aide internationale, il s’est fixé comme objectif d’être pleinement autosuffisant un jour. Actuellement, il est encore confronté à des menaces mettant en péril sa sécurité, raison pour laquelle il n’a pas d’autre choix que de privilégier la protection de ses frontières et de la stabilité intérieure.

36.La délégation reconnaît que les autorités érythréennes ne disposent pas encore d’un système efficace de collecte de données. Un comité a été chargé d’étudier la question, mais ses travaux n’ont pas encore commencé. S’agissant des questions posées par la Présidente sur les statistiques relatives aux enfants handicapés ou séparés de leurs parents, Mme Menkerios explique que, compte tenu du délai très bref dans lequel les réponses écrites ont été élaborées, ces informations contiennent probablement des inexactitudes et des lacunes. Une version revue et corrigée sera envoyée ultérieurement au Comité. Enfin, l’affirmation selon laquelle la plus grande part du budget de l’État serait consacrée aux dépenses militaires est dénuée de fondement. En effet, la majeure partie du budget est réservée aux activités du Ministère du travail et de la protection sociale.

37.Mme KHATTAB (Rapporteuse pour l’Érythrée) demande si le Gouvernement érythréen a demandé à l’UNICEF de l’aider à renforcer son système de collecte de données.

38.M. KOTRANE tient à souligner que, lorsque le Comité examine le rapport d’un pays, sa principale source d’information est le rapport périodique lui-même et non l’Internet, contrairement à ce que semble penser la délégation. Si le Comité réitère certaines de ses observations finales, c’est que l’État partie n’y a pas encore donné suite. C’est le cas notamment pour la ratification de la Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les pires formes de travail des enfants.

39.La PRÉSIDENTE dit que le Comité souhaiterait connaître les ressources budgétaires allouées à la santé, aux services sociaux et à l’éducation ainsi que la part consacrée aux activités visant les enfants.

40.Mme MENKERIOS (Érythrée) dit que l’Érythrée ne dispose pas actuellement de données statistiques permettant d’évaluer la mise en œuvre de la Convention dans le pays. La part du budget national consacrée aux enfants n’a pas été calculée. Les services destinés aux enfants sont fournis par les Ministères de l’éducation, de la santé, du travail et de la protection sociale et par les administrations locales. Le budget alloué aux Ministères comprend les fonds consacrés à la protection des droits de l’enfant, et la mise en œuvre des programmes de protection de l’enfance est assurée par de nombreux organes et organisations, dont l’Union nationale des femmes érythréennes et l’Union nationale des jeunes et des étudiants érythréens.

41.La Convention a été traduite dans les langues de différents groupes ethniques de l’Érythrée et ces traductions ont été fournies aux juges, qui peuvent s’y référer dans les affaires qu’ils instruisent. La radio et la télévision diffusent des programmes visant à éduquer la population aux dispositions de la Convention. La station de radio du Ministère de l’éducation diffuse des émissions pour les enfants et les adultes, qui traitent des droits de l’enfant et portent sur les dispositions de la Convention. Les journaux contribuent aussi à faire connaître les droits de l’enfant.

42.Mme Menkerios souligne qu’il n’y a pas de corruption en Érythrée.

43.Elle indique que la ratification des Conventions de l’Organisation internationale du Travail no 138 sur l’âge minimum et no 182 sur les pires formes de travail des enfants a été retardée pour des raisons techniques mais qu’aucune de leurs dispositions n’est en contradiction avec la législation nationale et que la procédure de ratification est en cours.

44.Les activités des organisations non gouvernementales sont régies par une proclamation. Les ONG qui ne répondaient pas aux critères fixés par cette proclamation ont dû cesser leurs activités. Aucune ONG n’a été expulsée pour un motif autre que ceux mentionnés dans la proclamation. Les autorités érythréennes accordent des subventions aux ONG qui exécutent des programmes portant sur la santé, l’éducation ou la réduction de la pauvreté. L’Érythrée n’est donc pas en train d’expulser toutes les ONG.

45.Mme Menkerios souligne que les enfants handicapés ne font l’objet d’aucune discrimination et qu’au contraire des budgets importants sont alloués aux enfants défavorisés. Des programmes de réadaptation organisés à l’échelon des communautés ont été mis en place dans trois sous‑régions et des programmes similaires seront mis sur pied dans les huit autres sous-régions avant la fin de 2008 grâce à l’appui de la Banque mondiale. L’Érythrée est en mesure d’accorder des prêts à taux zéro à toutes les personnes handicapées du pays, ce qui représente une grande réussite.

46.M. OGBAZGHI (Érythrée) dit que la création d’une institution nationale de défense des droits de l’homme conformes aux Principes de Paris est une très vaste entreprise. L’Érythrée, qui est un État très jeune, s’y attachera dès que possible.

47.Mme KHATTAB (Rapporteuse pour l’Érythrée) souligne que le Comité a pour mission d’encourager les États à prendre le plus rapidement possible toutes les mesures visant à promouvoir et à protéger les droits de l’enfant.

48.M. OGBAZGHI (Érythrée) dit que tout pays doit établir ses priorités. L’Érythrée est en situation de «ni guerre ni paix». Elle doit rester sur la défensive, protéger son intégrité territoriale, sa souveraineté et l’existence même de l’État. Il est certain que les droits de l’homme constituent une question très importante et les autorités feront tout leur possible pour créer, dans un avenir proche, un organe de contrôle du respect des droits de l’homme réellement indépendant. Elles doivent toutefois pouvoir choisir la forme qu’elles lui donneront. Les ressources dont elles disposent pour créer une telle institution sont limitées.

49.En vertu de la législation en vigueur, il doit être tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute décision relative à sa garde et à son adoption. Si l’enfant a plus de 10 ans, il doit pouvoir donner son avis en ce qui concerne son adoption. De manière générale, il est aujourd’hui admis que l’opinion de l’enfant doit être prise en considération. Toutefois, cette notion peut varier selon les groupes ethniques.

50.Il semble qu’il y ait un malentendu sur l’état de la législation érythréenne. Après la libération, le Front populaire de libération de l’Érythrée a créé un organe chargé de rédiger une législation mais, avant qu’elle ait pu être achevée, le pays est entré en guerre et a dû adopter la législation éthiopienne. Les droits de l’enfant y étaient déjà en partie reconnus, mais des modifications ont été apportées ou certaines dispositions supprimées comme par exemple celles relatives aux châtiments corporels ou à la flagellation. Le droit d’habeas corpus a été suspendu par le Gouvernement éthiopien, mais il sera restauré dans la législation érythréenne.

51.M. PARFITT demande si un juge qui doit prendre une décision en matière de relations familiales est tenu par la loi de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

52.M. OGBAZGHI (Érythrée) dit que le Code civil transitoire modifié prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en considération. Un groupe d’experts a été chargé d’élaborer la législation érythréenne, qui n’a pas encore été adoptée ni traduite dans les différentes langues du pays. Les lois coutumières ne sont plus en vigueur, sauf dans des domaines très étroits, et ont été remplacées par le Code civil, le Code pénal et les autres codes. L’Érythrée est un État très jeune mais elle a une tradition juridique vieille de presque deux mille ans. Un code civil ne peut pas être simplement importé, il doit être adapté au pays et tenir compte de ses traditions et de sa sociologie.

53.La Constitution érythréenne reconnaît les religions traditionnelles du pays, à savoir différentes religions chrétiennes et l’Islam. La Constitution reconnaît aussi le droit à toute croyance. Or, actuellement, un nombre très important de religions qui semblent venues de l’étranger, fleurissent en Érythrée. La législation relative aux religions et aux pratiques religieuses interdit aux institutions religieuses de mener des activités autres que religieuses, de la même façon qu’en vertu de la législation, l’État ne doit pas s’immiscer dans les affaires religieuses. Or, certaines de ces nouvelles religions ont un caractère politique. Elles ne pourront être enregistrées que si elles satisfont aux exigences de la législation en vigueur.

54.La PRÉSIDENTE demande à quelles exigences ces nouvelles religions doivent satisfaire pour être enregistrées.

55.M. OGBAZGHI (Érythrée) dit qu’en Érythrée, l’État et les institutions religieuses sont séparés. Les institutions religieuses ne peuvent défendre les idées d’un gouvernement étranger ou d’un mouvement politique. En vertu de la loi, toute institution religieuse qui mène des activités politiques risque des poursuites. Les institutions religieuses sont autorisées à financer des programmes de développement ou des services sociaux mais n’ont pas le droit de participer à leur planification ou à leur mise en œuvre.

56.Dans la plupart des cas, les tribunaux n’ont pas besoin d’invoquer les dispositions de la Convention car la plupart d’entre elles sont couvertes par la législation en vigueur, y compris en ce qui concerne la question des châtiments corporels, qui sont proscrits par le Code pénal. Toutefois, quand un enfant refuse de poursuivre ses études, ses responsables légaux sont autorisés à lui infliger de légers châtiments. Cette disposition a donné lieu à de nombreuses controverses mais il a semblé au législateur qu’il était parfois dans l’intérêt de l’enfant, pour sa bonne éducation, que ses parents puissent le taper légèrement. Les normes en la matière ne sont pas encore complètement fixées puisque le Code civil transitoire va être remplacé par le Code civil érythréen, qui sera conforme aux dispositions de la Convention.

57.Mme MENKERIOS (Érythrée) dit que tous les enfants du pays sont déclarés à l’état civil et que les autorités locales, les services du Ministère de la santé chargés de la vaccination des nouveau‑nés et les institutions religieuses sont habilités à procéder à leur enregistrement.

58.M. TESFASELLASSIE (Érythrée) dit que tous les hôpitaux ne sont pas concentrés à Asmara, au contraire: au cours des quatre dernières années, la construction d’hôpitaux de recours a été lancée dans les six régions du pays afin d’élargir l’offre de soins de santé primaires à l’ensemble du pays. D’anciens centres de santé et autres postes médicaux ont également été remis en état et dotés de matériel médical, et l’eau courante et l’électricité y ont été rétablies. Dans le cadre du plan national de développement du secteur de la santé, l’accent a été mis sur la qualité des soins de santé, l’accès aux soins et l’élargissement de la couverture du réseau de soins.

59.Face aux dysfonctionnements du système de collecte de données dans le domaine sanitaire, il a été décidé de mettre au point une base de données qui devrait permettre une meilleure analyse et une meilleure interprétation des informations recueillies sur le terrain de façon à ce que les décideurs puissent élaborer des plans d’action en connaissance de cause.

60.Un programme national de lutte contre le VIH/sida chez les enfants a été mis en place. Il est axé sur la prévention ainsi que sur la prise en charge médicale des enfants porteurs de ce virus, par l’administration d’antirétroviraux notamment.

61.Mme KHATTAB (Rapporteuse pour l’Érythrée) dit que le Comité est tout à fait conscient de l’existence d’un certain nombre de facteurs entravant la mise en œuvre de la Convention, dont les difficultés financières et le poids des traditions.

62.Elle déplore que, malgré la volonté de l’État partie d’abolir la pratique des mutilations génitales féminines et les efforts déployés dans ce sens, comme la campagne de sensibilisation et le plan quinquennal visant à éradiquer les pratiques traditionnelles préjudiciables, l’incidence de telles pratiques reste aussi élevée. La délégation pourrait indiquer si ce sont les réticences des professionnels pratiquant l’excision et les autres formes de mutilations féminines, la culture ou la religion − ou ces trois facteurs combinés − qui font qu’il est si difficile de combattre ce fléau, et quels ont été les résultats dans le pays de la campagne mise en œuvre en Afrique pour mettre un terme aux mutilations génitales féminines, lancée dans le cadre de l’initiative «Un monde digne des enfants».

63.Il serait intéressant de savoir quelles mesures l’État partie a adoptées pour combattre la pauvreté dont sont victimes les enfants, si le Ministère du travail entend recueillir des statistiques plus précises sur le travail des enfants et de quelle manière l’État partie entend veiller à ce que les enfants ne soient pas contraints de travailler et puissent jouir de leur droit à l’éducation et à la santé.

64.M. KRAPPMAN (Rapporteur pour l’Érythrée) dit que le Comité se félicite que l’État partie ait placé au premier rang de ses priorités l’accès de tous les enfants sans exception à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire. Regrettant que, malgré cela, le taux de scolarisation soit encore insuffisant, chez les petites filles notamment, et attribuant ce phénomène au fait que les écoles sont privées d’eau potable et dépourvues de toilettes pour la moitié d’entre elles, il demande quels plans l’État partie entend mettre en œuvre pour favoriser la scolarisation de tous les enfants et instaurer de meilleures conditions d’hygiène dans les écoles. La délégation voudra peut-être indiquer quelles mesures sont prises par l’État partie pour lutter contre l’abandon scolaire, dont le taux varie considérablement d’une région à l’autre, et améliorer la qualité de l’éducation. Elle précisera en outre s’il est prévu de former davantage d’enseignants pour faire en sorte de réduire le nombre d’élèves par classe, qui est actuellement de 60 en moyenne.

65.Enfin, la délégation confirmera ou infirmera les informations portées à la connaissance du Comité selon lesquelles les élèves seraient tenus d’intégrer en dernière année d’enseignement secondaire l’internat «Sawa», accolé à un camp militaire, faute de quoi ils ne recevraient pas leur diplôme de fin d’études secondaires et ne pourraient pas poursuivre leurs études. Elle pourra aussi préciser si l’administration de cet internat relève du Ministère de l’éducation ou des forces armées.

66.M. PURAS fait observer que l’amélioration du niveau de santé publique d’un pays passe inéluctablement par l’instauration d’une collaboration étroite entre les autorités et les organisations de la société civile, et plus particulièrement par l’association de la population aux divers programmes sanitaires. Aussi souhaiterait-il savoir si les communautés participent à la mise en œuvre des programmes de lutte contre les maladies transmissibles et non transmissibles, si les adolescents ont accès à des programmes de santé qui répondent en toute confidentialité à leurs besoins spécifiques, de quelle manière l’État partie veille à ce que soit protégée la santé physique et mentale des orphelins du sida au niveau communautaire, et si des organisations de parents ont été créées pour aider à la mise en œuvre de programmes spécifiquement destinés à la prise en charge des enfants handicapés.

67.M. Puras se demande quelle orientation a été donnée à la politique relative à la santé des adolescents et si un système de collecte de données spécifique a été prévu pour en mesurer les résultats. Il demande ensuite quelles mesures sont prises par l’État partie pour inciter les personnels de santé à se rendre dans les zones les plus reculées du pays pour prendre en charge les communautés isolées.

68.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande si l’État partie entend ratifier prochainement le Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

69.Croyant savoir que les victimes de violences sexuelles font l’objet de discrimination et qu’elles hésitent à dénoncer les faits de peur de ne pas pouvoir se marier par la suite, elle demande si les auteurs de violences sexuelles sur mineures sont poursuivis en justice, quel traitement leur réservent en général les tribunaux, et si des plans d’action et des stratégies sont mis en place dans l’État partie pour prévenir ces violences.

70.M. POLLAR, se félicitant du montant élevé du budget alloué par le Gouvernement érythréen à la réinsertion des enfants démobilisés, des enfants déplacés à l’intérieur de leur propre pays et des enfants victimes de mines, demande à la délégation de fournir au Comité des statistiques sur les enfants qui ne vivent avec aucun de leurs parents biologiques parce que ces derniers servent dans l’armée, et d’indiquer si ces enfants sont pris en charge par l’État.

71.Enfin, il demande si les enseignants font l’objet de procédures de conscription spécifiques afin de protéger le droit à l’éducation des enfants, et si la loi interdit aux mineurs de travailler dans les campements militaires.

72.Mme SMITH, faisant observer qu’il faut toujours du temps pour induire un changement de mentalité, dit que seule une loi interdisant expressément la discrimination contre les personnes handicapées, et a fortiori les enfants handicapés, pourrait faire avancer les choses dans ce domaine. La délégation pourrait indiquer si l’État partie envisage d’adopter une telle loi. Elle pourrait également fournir un complément d’information, assorti de données statistiques pertinentes, sur la prise en charge des enfants handicapés dans les écoles spécialisées.

73.Mme Smith voudrait savoir si en Érythrée comme dans d’autres pays, les victimes de mines antipersonnel sont mieux traitées que les enfants handicapés de naissance.

74.Enfin, la délégation pourrait indiquer quelle est la situation de l’Université d’Asmara, qui semble avoir fermé certaines filières récemment, et préciser les raisons d’une telle décision.

La séance est levée à 13 heures.

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