NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/JOR/CO/31er novembre 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: JORDANIE

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Jordanie (CRC/C/JOR/3) à ses 1188e et 1190e séances (voir CRC/C/SR.1188 et 1190), le 22 septembre 2006, et a adopté à sa 1199e séance, le 29 septembre 2006, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du troisième rapport périodique de l’État partie ainsi que des réponses que celui-ci a données par écrit à sa liste de points à traiter (CRC/C/JOR/Q/3 et Add.1), qui lui ont permis de mieux comprendre la situation des enfants dans l’État partie. Il relève en outre avec satisfaction les efforts constructifs faits par la délégation interministérielle pour donner un complément d’information au cours du dialogue qu’il a eu avec elle.

B. Mesures de suivi adoptées par l’État partie et progrès réalisés

3.Au niveau de la planification stratégique, le Comité note avec satisfaction que le pays a adopté plusieurs stratégies et plans nationaux relatifs aux droits de l’enfant, en particulier:

a)Le Plan d’action national pour la petite enfance (2004-2013) lancé en octobre 2004;

b)La Stratégie nationale pour la petite enfance en Jordanie, lancée en décembre 2000, et le plan d’action qui a suivi (2003‑2007); et

c)La Stratégie nationale pour la jeunesse (2005-2009) adoptée en décembre 2004.

4.Le Comité se félicite également des stratégies et plans visant à donner la priorité aux enfants dans les programmes de développement et de lutte contre la pauvreté, notamment le Plan stratégique du Ministère du développement social et du Fonds national d’assistance (2004-2006) et la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté: lutter contre la pauvreté pour renforcer la Jordanie (2002).

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la mise en place, en 2001, du Conseil national des affaires familiales, qui renforce la position des familles jordaniennes et élargit leur rôle dans la société et, en 2003, de la Division des droits de l’homme et des libertés publiques au sein du Ministère de l’intérieur afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris les droits de l’enfant.

6.Le Comité prend également note avec satisfaction des mesures prises pour lutter contre l’exploitation économique des enfants, notamment la ratification, en 2000, de la Convention no182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les pires formes de travail des enfants et sa publication au Journal officiel, la mise en place, en 2001, d’un service spécialisé dans le travail des enfants au Ministère du travail, la création d’une base de données sur le travail des enfants et l’adoption, en 2003, d’une Stratégie nationale pour l’élimination des pires formes du travail des enfants.

7.En outre, le Comité accueille avec satisfaction l’introduction et/ou l’adoption de nombreux amendements à la législation visant à protéger et à promouvoir les droits de l’enfant, mentionnés dans les observations finales ci-après.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales (art. 4, 42 et par. 6 de l’article 44)

Recommandations antérieures du Comité

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adopté des mesures législatives et des politiques pour tenir compte des différentes préoccupations et recommandations qu’il avait formulées (CRC/C/15/Add.125) lors de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/70/Add.4). Toutefois, certaines de ses observations n’ont pas été suffisamment prises en compte, notamment celles qui concernaient la législation, l’âge de la responsabilité pénale, la non-discrimination, le droit à la vie, la maltraitance dans la famille, les enfants handicapés et l’exploitation sexuelle.

9. Le Comité invite instamment l’État partie à faire tout son possible pour donner suite aux recommandations formulées dans ses observations finales portant sur le deuxième rapport périodique qui n’ont pas encore été appliquées, ainsi qu’aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales concernant le troisième rapport périodique.

Réserves

10.Le Comité est d’avis que la réserve de l’État partie aux articles 20 et 21 n’est pas nécessaire car il ne semble pas y avoir de contradiction entre la logique qui sous‑tend cette réserve et les dispositions des articles en question. De fait, les préoccupations exprimées par l’État partie dans sa réserve sont prises en compte dans le paragraphe 3 de l’article 20 de la Convention, qui admet expressément la kafalah de droit islamique comme protection de remplacement et l’article 21 fait expressément référence aux États parties qui «admettent et/ou autorisent l’adoption». Le Comité regrette également que l’État partie n’ait pas réexaminé le libellé général et imprécis de sa réserve à l’article 14.

11. Compte tenu du paragraphe 2 de l’article 51 de la Convention, le Comité réitère sa recommandation tendant à ce que l’État partie revoie la nature de ses réserves en vue de les retirer, conformément à la Déclaration et au Plan d’action de Vienne adoptés lors de la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme. En ce qui concerne le réexamen recommandé de la réserve à l’article 14, le Comité encourage l’ État partie à étudier l’ensemble de l’article 14, en accordant une attention particulière à son deuxième paragraphe.

Législation

12.Le Comité note qu’un projet de loi très complet sur les droits de l’enfant élaboré en 2004 a été soumis à l’Assemblée nationale. Malgré de nombreuses modifications législatives, le Comité est préoccupé par le statut juridique de la Convention dans l’État partie et regrette que celle‑ci n’ait pas été publiée au Journal officiel. Il note également avec préoccupation que le cadre juridique national n’a pas encore été mis en conformité avec les principes et les dispositions de la Convention.

13. Le Comité invite instamment l’État partie à tout mettre en œuvre, conformément à l’article 4 de la Convention, pour transposer les dispositions de la Convention dans son système juridique national et pour publier la Convention au Journal officiel. Il lui recommande de revoir scrupuleusement toutes les lois nationales ayant trait aux enfants ainsi que les règlements administratifs pertinents afin de s’assurer qu’ils sont fondés sur les droits et en conformité avec la Convention, ses Protocoles facultatifs et les autres instruments et normes relatifs aux droits de l’homme . Il lui recommande en outre de promulguer sans tarder la loi sur les droits de l’enfant et d’allouer toutes les ressources humaines et financières nécessaires pour assurer une application optimale de cette loi et des autres lois et règlements administratifs ayant trait aux enfants.

Plan d’action national

14.Le Comité accueille avec satisfaction le Plan d’action national global pour l’enfance (2004-2013) qui a été adopté à l’issue d’un processus d’élaboration auquel ont pris part de nombreux acteurs. Il prend note également avec satisfaction de la mise en place d’un comité technique du Conseil national des affaires familiales chargé de surveiller et d’évaluer la mise en œuvre du Plan d’action national.

15. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que toutes les activités liées au P lan d’action national visent clairement à mettre en œuvre les droits de l’enfant qu’énonce la Convention et à ce que ce plan tienne compte du document final intitulé «Un monde digne des enfants» adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa session extraordinaire de mai 2002 consacrée aux enfants (résolution  S-27/2, annexe) ;

b) D’allouer les ressources humaines et financières requises pour appliquer pleinement et efficacement le Plan d’action national à tous les niveaux; et

c) De continuer à veiller à ce que la société civile, notamment les enfants et les jeunes, participent largement à tous les aspects du processus de mise en œuvre.

16. Le Comité demande à l’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur l’application, les résultats et l’évaluation du Plan d’action national.

Coordination

17.Tout en prenant note avec satisfaction de la création, en 2001, du Conseil national des affaires familiales, qui est le principal organe mandaté pour surveiller et évaluer l’application de la Convention au niveau national, et de son Service de protection de l’enfant, le Comité est préoccupé par le fait que la coordination des mesures d’application au niveau des gouvernorats et au niveau local reste insuffisante.

18. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer davantage la coordination entre les divers organes et institutions qui s’occupent des droits de l’enfant à tous les niveaux, en vue d’assurer une application uniforme de la Convention dans tous les gouvernorats. Il recommande également que le Conseil national des affaires familiales établisse régulièrement des rapports sur le suivi et l’évaluation de l’application de la Convention et que ces rapports soient largement diffusés à tous les niveaux de la société. Il invite l’État partie à donner des renseignements sur les activités de suivi et d’évaluation du Conseil national des affaires familiales dans le prochain rapport périodique qu’il présentera au Comité.

Mécanisme indépendant de suivi

19.Le Comité accueille favorablement la création, par une loi provisoire de 2002, du Centre national des droits de l’homme et prend note, en particulier, de son mandat qui consiste, entre autres, à promouvoir et surveiller le respect des droits de l’enfant et à recevoir des plaintes individuelles émanant d’enfants. Il note également avec satisfaction que les ressources humaines nécessaires pour mettre l’accent sur les droits de l’enfant ont été allouées à ce centre. Tout en se félicitant de l’adoption, le 14 septembre 2006, d’une loi permanente relative au Centre national des droits de l’homme, le Comité regrette que le mandat de ce centre soit toujours limité en ce qui concerne les questions ayant trait à la police et à l’armée. Il note également avec intérêt que l’État partie envisage de nommer un médiateur.

20. Le Comité demande à l’ État partie de veiller à ce que le Centre national des droits de l’homme soit un mécanisme indépendant de suivi, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe). Il lui recommande également de veiller à doter le Centre de ressources humaines, financières et techniques suffisantes et des moyens nécessaires pour suivre et évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention aux niveaux national et local, ainsi que pour recevoir et examiner les plaintes émanant d’enfants et statuer à leur sujet. Il lui recommande en outre d’élargir le mandat de surveillance du Centre à tous les organismes de l’État, y compris la police et l’armée. Il souligne qu’il importe de veiller à ce que les enfants puissent facilement accéder à ce mécanisme. Il suggère à l’État partie d’accélérer le débat en cours sur la création éventuelle d’un poste de médiateur. Enfin, il appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o 2 (2002) concernant le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant.

Allocation de ressources

21.Le Comité salue le ferme engagement pris par l’État partie en faveur de l’éducation universelle et, en particulier, la part du budget allouée à l’éducation. Il prend acte des efforts faits par l’État partie pour accroître la dépense nationale consacrée aux programmes de soutien aux familles et à la protection de l’enfance mais craint que les ressources affectées notamment aux soins de santé ne demeurent insuffisantes, en particulier pour les enfants handicapés et les autres enfants appartenant à des groupes vulnérables et ne vivant pas dans la capitale.

22. Le Comité recommande à l’État partie d’accroître sensiblement la part du budget allouée à la réalisation des droits de l’enfant «dans toutes les limites des ressources dont il dispose» en portant une attention particulière aux enfants handicapés et à ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables.

Collecte de données

23.Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour améliorer la collecte des données mais note que dans certains domaines visés par la Convention, notamment la violence à l’égard des enfants, les enfants handicapés, l’exploitation sexuelle des enfants, la traite des enfants, les enfants migrants, réfugiés et demandeurs d’asile et les enfants en conflit avec la loi, les données n’existent pas ou sont insuffisantes.

24.Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer son mécanisme de collecte de données en établissant une base de données centrale sur les enfants. Il lui recommande également de veiller à ce que des données soient recueillies dans tous les domaines visés par la Convention et qu’elles soient ventilées, notamment, par âge pour toutes les personnes de moins de 18 ans, par sexe, par zone urbaine ou rurale et par groupes d’enfants qui ont besoin d’une protection spéciale. Il lui recommande en outre d’élaborer des indicateurs compatibles avec la Convention et de les utiliser, ainsi que les données qu’il aura recueillies, pour formuler des politiques et des programmes visant à assurer l’application effective de la Convention .

Diffusion de la Convention/formation

25.Tout en se félicitant des efforts qui ont été faits pour diffuser des informations sur les principes et dispositions de la Convention, notamment par l’intermédiaire du Parlement des enfants, du projet commun sur l’éducation dans le domaine des droits de l’homme mené par le Ministère de l’éducation et le Centre national des droits de l’homme, et du Programme «Scream» (défense des droits de l’enfant par l’éducation, les arts et les médias) lancé par le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Comité note avec préoccupation que ces mesures n’ont pas suffi à sensibiliser l’opinion aux droits de l’enfant. La Convention n’est pas diffusée à tous les niveaux de la société et il existe des disparités régionales, en particulier dans les zones les plus reculées. Le Comité note également avec préoccupation que les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants n’ont pas bénéficié d’une formation continue, complète et systématique dans le domaine de la Convention.

26. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De continuer à mettre au point des méthodes créatives et adaptées aux enfants pour favoriser la sensibilisation au contenu et au sens de la Convention, en particulier au niveau local et à travers les médias, pour toucher les enfants qui vivent dans les zones les plus reculées du pays;

b) De continuer à intensifier ses efforts pour offrir une formation adéquate et systématique et/ou une information concernant les droits de l’enfant aux catégories professionnelles qui travaillent avec et pour les enfants, telles que les juges, avocats, agents de la force publique, professionnels de la santé, enseignants, administrateurs d’établissements scolaires ou d’autres institutions, travailleurs sociaux, autorités religieuses, responsables locaux ainsi que journalistes;

c) D’adopter des programmes communs sur l’éducation dans le domaine des droits de l’homme et de renforcer ceux qui sont en place et d’intégrer l’éducation dans le domaine des droits de l’homme, et en particulier dans celui des droits de l’enfant, dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire; et

d) De continuer de solliciter l’assistance technique de l’UNICEF, entre autres.

2. Définition de l’enfant (art. 1 er )

27.Le Comité accueille avec satisfaction l’article 2 du projet de loi sur les droits de l’enfant, qui définit l’enfant comme «toute personne, de sexe masculin ou féminin, âgée de moins de 18 ans». En ce qui concerne l’âge minimum du mariage et les recommandations antérieures du Comité à cet égard (CRC/C/15/Add.125, par.27 et 28), le Comité se félicite de la modification de la loi intérimaire sur l’état civil (loi no 82 de 2001) qui fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les deux sexes. Cependant, il s’inquiète de ce que, malgré la modification de la loi et les campagnes médiatiques de sensibilisation aux risques sanitaires et aux effets sociaux néfastes des mariages précoces, des jeunes filles âgées de 14 et 15 ans peuvent être mariées dans certaines communautés avec le consentement d’un tuteur et d’un juge.

28.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier les efforts qu’il fait pour mettre effectivement en œuvre la disposition amendée de la loi intérimaire sur l’état civil (loi n o  82 de 2001) qui fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les deux sexes. Il lui recommande également de s’attaquer au problème, lié à la pauvreté, de la pression que les parents exercent sur les filles pour qu’elles se marient jeunes et de continuer à mener des campagnes de sensibilisation sur les nombreuses conséquences négatives des mariages précoces, afin d’empêcher totalement cette pratique .

3. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

29.Tout en notant que l’article 6 de la Constitution jordanienne consacre le principe de l’égalité de tous les Jordaniens devant la loi et que certaines dispositions législatives mettent l’accent sur le principe de non-discrimination, le Comité est profondément préoccupé par la discrimination en droit exercée à l’égard des enfants de mère jordanienne et de père étranger ainsi qu’à l’égard des enfants nés hors mariage, et par la discrimination de fait dont sont victimes les enfants qui vivent dans la pauvreté extrême et ceux qui vivent dans les zones reculées du pays. Il estime que, d’une manière générale, le fait de qualifier des enfants d’«illégitimes» est discriminatoire et constitue une violation des principes et des droits des enfants énoncés par la Convention.

30.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour garantir à tous les enfants vivant sur son territoire la jouissance de tous les droits consacrés par la Convention sans aucune discrimination, conformément à l’article 2, en assurant l’application effective des lois existantes qui garantissent le principe de non ‑discrimination . Il lui recommande également de cesser de qualifier des enfants d’«illégitimes», d’adopter une stratégie globale et volontariste pour garantir qu’aucun des groupes d’enfants vulnérables ne fasse l’objet d’une quelconque discrimination de fait et d’accorder la priorité aux services sociaux et sanitaires et à l’égalité d’accès à l’éducation des enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables.

31.Malgré les efforts que fait l’État partie pour régler le problème de l’égalité entre les sexes, le Comité note avec préoccupation que la persistance d’attitudes stéréotypées au sujet du rôle et des responsabilités des femmes et des hommes constitue un obstacle au plein exercice par les filles de tous les droits et de toutes les libertés fondamentales. Il s’inquiète également de ce qu’en raison des rôles traditionnellement dévolus aux femmes et aux hommes dans la société jordanienne, l’éducation des filles n’est pas considérée comme un investissement aussi intéressant que celle des garçons.

32. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de traiter les problèmes qui se posent aux petites filles et de mener des campagnes pour sensibiliser la population au sujet de l’égalité des filles et des garçons. Il suggère que les responsables locaux, religieux et autres soient invités à soutenir plus activement les efforts visant à prévenir et à éliminer la discrimination à l’égard des filles et à donner des conseils aux membres des communautés à cet égard. Il recommande également à l’ État partie de promouvoir le rôle général de la femme dans la société, notamment en élaborant des programmes scolaires comme l’a recommandé le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans ses observations sur les premier et deuxième rapports périodiques de la Jordanie à sa vingt-deuxième session tenue en 2000 (A/55/38, par. 139 à 193).

33.Le Comité est toujours préoccupé par la discrimination de fait qui s’exerce à l’égard des enfants handicapés. Il note également avec préoccupation que la loi sur les soins aux personnes handicapés (loi no 12 de 1993) et ses amendements ne sont pas suffisamment appliqués, en particulier au niveau local.

34. Compte tenu des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale) et des recommandations qu’il a adoptées lors de sa journée de débat général sur les droits des enfants handicapés, tenue le 6 octobre 1997 (CRC/C/69, par. 310 à 339), le Comité recommande à l’État partie d’empêcher et d’interdire toutes les formes de discrimination à l’égard des enfants handicapés et de faire en sorte qu’ils aient les mêmes chances de participer pleinement à toutes les sphères de la vie en appliquant la loi sur les soins aux personnes handicapées (loi n o 12 de 1993).

35. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les mesures et programmes concernant la Convention qu’il a mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, et tenant compte de l’Observation générale n o 1 du Comité concernant le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention sur les buts de l’éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

36.Le Comité juge encourageantes les dispositions du projet de loi sur les droits de l’enfant qui incorpore le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et il prend note des modifications législatives qui consacrent ce principe. Il s’inquiète cependant de ce que ce principe général ne soit pas pleinement mis en œuvre et dûment intégré dans l’application de la loi, des politiques et programmes de l’État partie ainsi que dans des décisions administratives et judiciaires. Ainsi, l’application de la loi sur la nationalité jordanienne peut avoir pour effet de rendre un enfant apatride.

37. En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, le Comité souligne que la Convention est indivisible et que ses articles sont interdépendants, et que l’intérêt supérieur de l’enfant est un principe général dont il faut tenir compte pour appliquer l’ensemble de la Convention. L’État partie devrait faire en sorte que l’intérêt supérieur de l’enfant soit un souci majeur pris en considération dans toutes les révisions de la législation, dans les décisions judiciaires et administratives et dans les projets, programmes et services qui ont des incidences sur les enfants.

Droit à la vie, à la survie et au développement

38.Le Comité a appris avec la plus grande inquiétude que des filles seraient victimes de crimes d’«honneur». Il est vivement préoccupé par les articles 340, 98 et 99 du Code pénal, qui prévoient une réduction de peine pour les crimes d’«honneur». Il s’inquiète de la possibilité que la peine soit encore allégée si la famille de la victime «renonce» à son droit de porter plainte (art. 99 du Code pénal). Tout en prenant note des efforts que fait l’État partie pour protéger les femmes et les filles qui sont ou risquent d’être victimes d’un crime d’«honneur», le Comité est préoccupé par l’insuffisance du nombre de structures d’accueil et de services de conseils accessibles.

39. Le Comité prie instamment l’État partie:

a) De revoir les dispositions du Code pénal en vue de supprimer toutes celles qui prévoient des réductions de peine pour les crimes d’«honneur»;

b) De mener des campagnes de sensibilisation du public, en y associant des responsables religieux et locaux, afin de combattre les attitudes sociétales discriminatoires et les traditions préjudiciables à l’égard des filles en démontrant que ces pratiques sont inacceptables;

c) De fournir une formation spéciale et des ressources aux agents de la force publique en vue de protéger les filles qui risquent d’être victimes d’un «crime d’honneur» et de poursuivre ces affaires plus efficacement; et

d) D’accroître le nombre de structures d’accueil et de services de conseils accessibles aux femmes et aux filles qui sont ou risquent d’être victimes de crimes d’«honneur».

Respect des opinions de l’enfant

40.Le Comité prend note avec satisfaction des nombreux efforts faits par l’État partie pour promouvoir la participation de l’enfant, comme le Parlement des enfants et le programme «Petites voix, grandes idées» mis en œuvre par le Centre national des droits de l’homme. Il note également avec satisfaction que l’article 3 d) du projet de loi sur les droits de l’enfants prévoit que les enfants sont libres d’exprimer leurs opinions et ont le droit d’intervenir dans tous les domaines qui les touchent. Cependant, il reste préoccupé par le fait que le respect des opinions de l’enfant est toujours limité en raison des attitudes sociétales traditionnelles à l’égard de l’enfant, dans la famille et la collectivité au sens large. Il note également avec préoccupation que les procédures juridiques et administratives ne prévoient pas systématiquement une participation active des enfants.

41. Compte tenu de l’article 12 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de continuer de promouvoir et de faciliter, au sein de la famille, des établissements scolaires et autres institutions, dans les tribunaux et les collectivités, le respect des opinions des enfants et leur participation dans tous les domaines qui les touchent. Afin de promouvoir une participation plus active des adolescents dans la société, il lui recommande de mettre en œuvre les objectifs de la Stratégie nationale pour la jeunesse (2005-2009) et de solliciter à cet égard l’assistance de l’UNICEF, entre autres. En outre, il appelle son attention sur les recommandations qu’il a adoptées lors de sa journée de débat général sur le droit de l’enfant à être entendu, tenue le 15 septembre 2006.

4. Droits et libertés civils (art. 7, 8, 13 à 17, 19 et 37 a))

42.Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas suffisamment d’informations sur la mise en œuvre des droits et libertés civils.

43. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur la mise en œuvre des droits et libertés civils des enfants, conformément aux articles 13 à 17 de la Convention.

Droit à une nationalité

44.Le Comité accueille avec satisfaction la modification en 2003 de la loi sur le passeport jordanien, en vertu de laquelle les femmes peuvent obtenir des passeports pour elles-mêmes et pour leurs enfants sans la permission écrite de leur mari. Il note cependant que les enfants de père jordanien acquièrent la nationalité jordanienne à la naissance, indépendamment de leur lieu de naissance, alors que les Jordaniennes ne peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants nés d’un mariage avec un non-Jordanien, sauf dans des circonstances humanitaires particulières. Il craint que, en conséquence de cela, des enfants ne se retrouvent apatrides.

45. Le Comité recommande à l’État partie de revoir et de modifier la loi sur la nationalité jordanienne (loi n o 7 de 1954) afin qu’une Jordanienne mariée à un non ‑Jordanien ait le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants, dans l’égalité et sans discrimination.

Châtiments corporels

46.Le Comité note que les châtiments corporels sont interdits dans les établissements scolaires et les institutions et qu’ils constituent une mesure disciplinaire illégale dans les institutions pénales. Cependant, il exprime sa préoccupation quant au fait que les châtiments physiques dans la famille sont culturellement acceptés et que l’article 62 du Code pénal autorise les parents à punir leurs enfants dans les limites établies par la «coutume générale». Il regrette que le projet de loi sur les droits de l’enfant ne contienne pas de dispositions portant interdiction générale de tous les châtiments corporels.

47. Le Comité réaffirme que les châtiments corporels ne sont pas compatibles avec les dispositions de la Convention et avec l’obligation de respecter la dignité de l’enfant , expressément prescrite au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention. Il recommande donc à l’État partie d’interdire dans sa législation toutes les formes de châtiments corporels dans la famille ainsi que dans d’autres contextes, y compris dans les institutions privées et publiques, et de veiller à l’application effective de cette interdiction. Il lui recommande également de revoir le projet de loi sur les droits de l’enfant en vue d’y insérer une interdiction générale des châtiments corporels.

48. Le Comité recommande à l’État partie de réaliser une étude approfondie pour évaluer la nature et l’ampleur des châtiments corporels infligés dans différents contextes, y compris dans le cadre familial. Il lui recommande également de sensibiliser et d’éduquer les parents, les tuteurs et les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, en menant des campagnes publiques d’éducation sur les conséquences préjudiciables des formes violentes de «discipline» et de promouvoir des méthodes d’éducation des enfants positives, non violentes et participatives. Enfin, il appelle l’attention de l’État partie sur l’Observation générale n o 8 (2006) qu’il a récemment adoptée concernant le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments et sur les recommandations qu’il a adoptées lors de sa journée de débat général sur la violence contre les enfants au sein de la famille et à l’école, tenue le 28 septembre 2001 (voir CRC/C/111).

5. Environnement familial et protection de remplacement (art. 5, par. 1 et 2 de l’article 18, art. 9 à 11, 19 à 21, 25, par. 4 de l’article 27 et art. 39)

Responsabilités parentales

49.Tout en prenant note des dispositions relatives aux responsabilités des parents, en particulier celles du Code pénal et du Code du travail, le Comité constate avec préoccupation que la loi ne reconnaît pas les mêmes responsabilités aux pères et aux mères et que les mères célibataires et leurs enfants n’ont pas droit aux mêmes prestations que les mères mariées et les enfants nés dans le mariage. Tout en notant avec préoccupation que certains parents sont peu au fait de certains aspects du développement de l’enfant, il se félicite que la Stratégie nationale pour la petite enfance en Jordanie ait notamment pour objectif de renforcer les capacités parentales. En ce qui concerne les responsabilités parentales des deux conjoints, le Comité félicite l’État partie de promouvoir les consultations familiales en cas de rupture du couple.

50. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de revoir ses lois internes pour faire en sorte que les hommes et les femmes aient les mêmes responsabilités parentales, indépendamment de leur situation matrimoniale. Il l’encourage à continuer de promouvoir le développement de la petite enfance et à intensifier ses efforts pour mieux éduquer et sensibiliser les familles, notamment en apportant un soutien aux parents, y compris une formation concernant la manière d’élever les enfants et les responsabilités parentales communes, à la lumière de l’article 18 de la Convention. Il l’encourage également à continuer d’avoir recours à la médiation en tant qu’autre moyen de régler des différends et à généraliser cette méthode dans le droit familial.

Protection de remplacement et placement dans des institutions

51.Le Comité prend note du programme de placement en famille d’accueil qui permet aux enfants qui en ont besoin – parce que ce sont des enfants «illégitimes» ou pour d’autres raisons – d’avoir une famille de remplacement. En ce qui concerne les enfants séparés de leur famille et placés en institution, le Comité constate avec préoccupation que les programmes éducatifs et sociaux destinés à ces enfants ne sont pas assez nombreux. Il s’inquiète également de ce que les besoins des enfants placés dans des institutions ne soient pas régulièrement évalués et que leur développement ne fasse pas nécessairement l’objet d’une planification appropriée.

52. Le Comité recommande à l’ État partie, compte tenu des recommandations qu’il a adoptées lors de sa journée de débat général sur les enfants sans protection parentale, tenue le 16 septembre 2005 (voir CRC/C/153), de fournir à tous les enfants qui bénéficient d’une protection de remplacement, notamment dans des familles d’accueil, des foyers d’accueil publics et privés ou auprès de dispensateurs de soins, des services sociaux et éducatifs appropriés et adaptés pour répondre à leurs besoins. Il recommande également que les enfants qui doivent être placés fassent l’objet d’une enquête sociale approfondie et qu’un dossier écrit détaillé les suive pendant toute la durée du placement. Ces dossiers pluridisciplinaires devraient également comprendre un plan de développement individuel.

Violence, abus et négligence, mauvais traitements

53.Le Comité salue le ferme engagement pris par l’État partie de prévenir et de combattre la violence contre les enfants et les diverses mesures qu’il a prises pour traiter ce problème, notamment la nouvelle stratégie du Ministère de la santé en matière de répression de la violence contre les enfants et la mise en place dans les principaux hôpitaux publics, en mai 2006, de comités de protection de l’enfant chargés de mener des enquêtes en cas de soupçon de maltraitance à enfant. Le Comité note avec satisfaction que l’État partie collabore étroitement avec des organisations non gouvernementales (ONG) dans ce domaine et relève que des programmes de protection plurisectorielle de l’enfant très fructueux ont été mis en place, notamment l’ouverture d’un foyer, Dar al-Aman, qui fournit une protection et des services aux enfants victimes d’abus et de négligence.

54.Malgré les nombreuses mesures positives prises par l’État partie, le Comité est vivement préoccupé par le fait que des enfants continuent d’être victimes de violence directe et/ou indirecte dans leur famille. Il note avec inquiétude l’absence d’informations et de données fiables sur la violence dans la famille et à l’égard des enfants. Nonobstant le cadre juridique qui protège les enfants contre la violence et la maltraitance, le Comité prend note de l’information selon laquelle aucune étude ni travaux de recherche n’ont été entrepris pour évaluer l’effet des mesures d’ordre juridique prises pour lutter contre la violence à l’égard des enfants. Il note également avec inquiétude qu’en raison du nombre plutôt limité de services fournis par les travailleurs sociaux, la police est en général le point de contact central dans les affaires de violence à l’égard d’enfants, d’abus et de mauvais traitements, ce qui peut parfois dissuader les enfants de contacter les autorités. Cependant, il note qu’un défenseur de la famille est présent 24 h sur 24 dans les postes de police sur l’ensemble du territoire.

55. À la lumière de l’article 19 et des autres dispositions pertinentes de la Convention et compte tenu des recommandations que le Comité a adoptées lors de ses journées de débat général consacrées à la violence d’État contre les enfants et à la violence contre les enfants au sein de la famille et à l’école, tenues respectivement les 22 septembre 2000 et 28 septembre 2001 (CRC/C/100, par. 866 et CRC/C/111, par. 701 à 745), le Comité prie instamment l’ État partie :

a) D’entreprendre une étude nationale sur la violence dans la famille, la maltraitance des enfants et les sévices infligés aux enfants dans la famille, afin d’évaluer l’ampleur et la nature de ce problème ainsi que les effets des mesures d’ordre juridique visant à combattre la violence à l’égard des enfants, en vue d’interdire toute forme de violence physique, sexuelle et mentale à l’encontre des enfants, y compris les sévices sexuels au sein de la famille;

b) Dans le cadre du Plan d’action national en faveur des enfants, d’élaborer une stratégie nationale globale pour prévenir et combattre la violence dans la famille, la maltraitance des enfants et les sévices à enfant, et d’adopter en outre des mesures et des politiques adéquates en vue de contribuer à faire évoluer les mentalités;

c) De concevoir et de mettre en œuvre un système efficace permettant de dépister, de signaler et de gérer les cas de maltraitance et de sévices à enfant et de renforcer le Service de la protection de la famille de manière que des procédures et mécanismes effectifs soient en place pour recevoir, contrôler et examiner les plaintes, intervenir si nécessaire, et engager des enquêtes et des poursuites dans les cas de violence familiale, de mauvais traitement et de sévices à enfant, notamment les sévices sexuels au sein de la famille, dans le cadre d’une procédure judiciaire adaptée à l’enfant, et imposer des sanctions aux coupables, tout en veillant à garantir le droit de l’enfant au respect de sa vie privée;

d) De faciliter l’accès à des points de contact appropriés et adaptés à l’enfant et de faire en sorte que tous les enfants victimes de violence et de sévices aient accès à des soins, à un refuge et/ou un foyer sûr, à des conseils et à une assistance adéquats en vue de leur réadaptation et de leur réinsertion;

e) De fournir un appui, notamment des ressources financières, techniques et humaines, afin de développer la ligne téléphonique nationale d’aide aux enfants, d’en assurer la maintenance et de la faire connaître, et de veiller à ce qu’un numéro gratuit à 3 ou 4 chiffres lui soit attribué, de sorte que ni les personnes chargées de cette ligne ni les enfants n’aient à payer pour avoir accès à ces services d’aide;

f) D’aider la Fondation du fleuve Jourdain à sensibiliser la population, avec la participation active des enfants eux-mêmes, afin de prévenir toutes les formes de violence contre les enfants et de mettre un terme aux sévices, notamment sexuels, qui leur sont infligés, en vue de faire évoluer les mentalités et les pratiques culturelles existantes à cet égard; et

g) De solliciter l’assistance, entre autres, de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

56. En ce qui concerne l’étude approfondie du Secrétaire général sur la question de la violence dont sont victimes les enfants, à l’occasion de laquelle un questionnaire a été envoyé aux gouvernements, le Comité prend note avec satisfaction des réponses écrites de l’État partie à ce questionnaire et de sa participation à la consultation régionale pour le Proche ‑Orient et l’Afrique du Nord qui a eu lieu en Égypte du 27 au 29 juin 2005 ainsi qu’à la consultation de suivi régional qui a eu lieu en Égypte du 25 au 28 mars 2006. Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer des résultats de ces consultations régionales pour prendre, en partenariat avec la société civile, des mesures visant à mettre tous les enfants à l’abri de toutes les formes de violence physique, sexuelle ou mentale et pour lancer des actions concrètes, éventuellement assorties de délais, visant à prévenir cette violence et ces sévices et à y faire face.

57. En outre, le Comité souhaite appeler l’attention de l’ État partie sur le rapport établi par l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299) et l’encourager à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations générales et les recommandations particulières figurant dans ce rapport.

6. Santé de base et bien ‑être (art. 6; par. 3 de l’article 18; art. 23, 24, 26; et par. 1 à 3 de l’article 27 de la Convention)

Enfants handicapés

58.Le Comité constate que le Plan d’action national jordanien pour l’enfance (2004‑2013) prend en compte les enfants handicapés et se félicite des projets de réadaptation, quoique encore peu nombreux, qui ont été mis en place au niveau local. Il déplore toutefois que, les enfants handicapés et leurs familles n’ayant pas connaissance de tous les services qui existent, seul un petit pourcentage d’enfants en bénéficie. Le Comité note également que ces services sont davantage axés sur la prévention, les traitements et la réadaptation que sur le soutien psychologique et le conseil et que les services fournis aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage ou des troubles du comportement sont insuffisants. En dépit de la création d’équipes itinérantes qui se rendent auprès des enfants handicapés dans les régions les plus reculées et les plus défavorisées, le Comité constate avec préoccupation que de nombreux enfants handicapés vivent dans la pauvreté et ont un accès limité aux services sanitaires et sociaux et à l’éducation.

59. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action national jordanien pour l’enfance (2004 ‑2013), l’attention soit accordée et des ressources suffisantes soient allouées aux besoins particuliers des enfants handicapés et à ce que les divers aspects des handicaps soient pris en compte dans l’élaboration des politiques et les activités de planification nationale en rapport avec cette question;

b) De garantir l’accès des enfants handicapés à des services sanitaires et sociaux appropriés, notamment en matière de soutien psychologique et de conseils, de fournir aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage et des troubles du comportement des services adaptés à leurs besoins et de faire connaître tous les services existants;

c) De faire en sorte que les professionnels qui travaillent avec et pour des enfants handicapés, tels que les personnels médicaux, paramédicaux et similaires, les enseignants et les travailleurs sociaux, soient convenablement formés; et

d) De continuer de collaborer avec l’UNICEF et l’OMS, notamment.

Santé et services sanitaires

60.Le Comité félicite l’État partie pour la qualité de son système de santé et pour les efforts qu’il déploie en permanence pour que tous les enfants aient accès aux services sanitaires. Il juge encourageants les progrès notables réalisés par l’État partie en ce qui concerne la baisse du taux de mortalité des nourrissons et des enfants de moins de 5 ans, en dépit des disparités régionales relevées à cet égard, et en ce qui concerne l’élimination et la prévention des maladies infectieuses. Pour ce qui est de la santé maternelle, le Comité partage les préoccupations de l’État partie en ce qui concerne le nombre relativement faible de mères qui bénéficient de soins après l’accouchement. Tout en prenant acte de l’initiative tendant à porter le congé maternité dans la fonction publique de 10 à 14 semaines, le Comité déplore que le pourcentage de l’allaitement au sein exclusivement soit si bas (26,7 %). Il prend note avec préoccupation du taux élevé d’infections respiratoires aiguës qui sont l’une des causes principales de décès parmi les nourrissons et la deuxième cause de décès parmi les jeunes enfants. Le Comité est préoccupé en outre par les carences en micronutriments, tels que le fer, la vitamine A et l’iode, dont souffrent les enfants.

61. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire en sorte que des ressources appropriées soient allouées au secteur de la santé et de continuer à élaborer et à mettre en œuvre des politiques et des programmes de grande ampleur pour améliorer la santé des enfants;

b) D’intensifier ses efforts en vue de fournir des services et établissements de soins prénataux et postnataux de qualité, en particulier dans les régions rurales;

c) De prendre des mesures visant à réduire le nombre de cas d’infections respiratoires aiguës parmi les nourrissons et les jeunes enfants;

d) D’encourager l’allaitement exclusif au sein pendant les six premiers mois après la naissance, notamment en prolongeant le congé de maternité et en instituant la pratique d’une heure d’allaitement au sein pour les mères qui travaillent, et de prendre des mesures en matière d’éducation et de promotion de saines pratiques d’alimentation des nourrissons, pour améliorer la situation nutritionnelle des enfants; et

e) De continuer à coopérer avec l’UNICEF et l’OMS.

62.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour améliorer la sécurité routière, et notamment du lancement d’une campagne nationale de sensibilisation en matière de sécurité routière, en avril 2005, et de l’élaboration d’une stratégie nationale pour la sécurité routière, mais il continue néanmoins d’être vivement préoccupé par le grand nombre d’accidents de la route faisant des morts et des blessés graves parmi les enfants.

63. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en matière de prévention des accidents de la circulation routière en adoptant et en mettant en œuvre une stratégie nationale multidisciplinaire et un plan d’action sur la sécurité routière. Il lui recommande aussi de continuer à mener des campagnes publiques pour sensibiliser davantage les enfants, les parents, les enseignants et la population en général aux questions de sécurité routière.

Santé des adolescents

64.Le Comité prend note avec satisfaction du fait que la plupart des adolescents jordaniens se considèrent en bonne santé. Toutefois, il est préoccupé de constater qu’ils sont peu au courant des questions de santé procréative et que leurs soins dentaires ne se sont pas améliorés. Le Comité prend acte de la loi intérimaire pour la surveillance de la conduite des mineurs (loi no 51 de 2001) qui interdit l’usage de l’alcool et du tabac aux adolescents, et du rôle de la Direction de la lutte contre les stupéfiants dans la prévention de la toxicomanie et la prise de conscience de ses dangers. Bien que le nombre d’enfants toxicomanes en Jordanie soit très faible, le Comité est préoccupé par la qualité et le nombre de services auxquels ils ont accès. En outre, il constate qu’il y a peu de services de santé mentale et qu’ils ne sont guère intégrés, dans l’éducation notamment.

65. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue d’améliorer la santé des adolescents, y compris par l’éducation à la santé sexuelle et génésique, à l’école ainsi que dans d’autres lieux appropriés fréquentés par les enfants. Il lui recommande de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les services de soins dentaires à leur intention. Le Comité recommande en outre à l’État partie de faire une étude pour connaître les chiffres exacts en ce qui concerne l’abus des drogues en Jordanie et, sur la base des résultats de cette étude, de fournir aux enfants toxicomanes des services adaptés. Il recommande également à l’État partie de développer et d’intégrer ses services de santé mentale pour adolescents. Enfin, il appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  4 (2003) concernant la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant.

VIH/sida

66.Le Comité prend acte avec satisfaction de la mise en œuvre du Programme national de lutte contre le sida et du faible pourcentage de personnes séropositives ou atteintes du sida dans l’État partie. Toutefois, étant donné l’absence de surveillance systématique du VIH dans le pays, le Comité craint que les chiffres disponibles ne reflètent pas la réalité de la situation. En outre, le Comité juge préoccupant que l’information sur le VIH/sida, en ce qui concerne les modes de transmission, le traitement et les mesures de prévention, reste un sujet tabou dans l’État partie.

67. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts en vue de mettre en œuvre le Programme national de lutte contre le sida afin d’éviter la propagation du VIH/sida, par exemple en mettant à la disposition des adolescents à l’école une information exacte et détaillée sur le VIH/sida, ses modes de transmission, les traitements et les mesures de prévention;

b) D’empêcher qu’une discrimination ne soit exercée à l’encontre des enfants séropositifs et atteints du sida, et de garantir à ces enfants l’accès à des services sanitaires et sociaux adéquats;

c) De faire en sorte que les enfants aient accès à des conseils sur le VIH/sida, dispensés en toute confidentialité et tenant compte de leur sensibilité, dans le plein respect de leur vie privée, lorsqu’ils en font la demande; et

d) De solliciter l’assistance technique d’ ONUSIDA , notamment.

68. En outre, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur l’Observation générale n o  3 (2003) du Comité sur le VIH/sida et les droits de l’enfant et sur les Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme (E/CN.45/1997/37).

Salubrité de l’environnement

69.Le Comité réitère les préoccupations que lui inspirent, pour la santé des enfants, les risques liés à l’environnement et provenant de la pollution et de la contamination de celui‑ci, y compris les pratiques inadéquates de traitement des déchets dangereux, tels que les déchets solides des ménages, les déchets industriels et les déchets d’activités de soins. Le manque d’eau et la rareté des approvisionnements en eau sont aussi une source de préoccupation.

70. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à prendre des mesures appropriées, y compris dans le cadre de la coopération internationale, pour prévenir et combattre les effets de la pollution et de la contamination de l’environnement. Il lui recommande également d’accélérer la mise en œuvre de la loi sur la protection de l’environnement et d’intensifier ses efforts pour que l’ensemble de la population, y compris dans les régions reculées, ait accès à de l’eau potable en quantité suffisante. Enfin, le Comité recommande à l’État partie de développer les connaissances des enfants en ce qui concerne les questions de santé liées à l’environnement en introduisant à l’école des programmes d’éducation à l’hygiène du milieu.

Niveau de vie

71.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour réduire les effets de la pauvreté sur la population et assurer une croissance économique durable, par exemple en mettant en œuvre la Stratégie de lutte contre la pauvreté et plusieurs programmes visant à réduire la pauvreté et le chômage, tels que l’Ensemble de mesures de protection sociale, le Fonds national d’assistance et le Fonds pour le développement et l’emploi. Bien que la pauvreté ait reculé ces dernières années, le Comité demeure préoccupé par le très faible niveau de vie d’un grand nombre d’enfants, en particulier dans les gouvernorats de Mafraq et de Zarqa, au nord‑est d’Amman, dans certains quartiers de la capitale et certaines communes de la vallée du Jourdain.

72. Conformément à l’article 27 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de poursuivre, à titre hautement prioritaire, la mise en œuvre de la Stratégie de lutte contre la pauvreté susmentionnée, ainsi que les autres programmes de réduction de la pauvreté, en accordant une attention particulière aux familles économiquement défavorisées, y compris les familles monoparentales, ayant besoin de soutien et d’assistance matérielle, et de garantir le droit de l’enfant à un niveau de vie suffisant.

7. Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelle

73.Le Comité se félicite de ce que l’éducation de base dans l’État partie soit obligatoire et gratuite et il relève avec satisfaction que l’État partie a consacré 20,6 % des fonds publics à l’éducation. Il se félicite en outre des efforts déployés par l’État partie pour donner la possibilité aux enfants de plus de 16 ans de suivre un enseignement professionnel. Il demeure préoccupé par le risque d’abandons scolaires avant la fin du primaire, et ce en dépit des efforts déployés par l’État partie pour les éviter. Il est préoccupé également par le taux d’abandon au niveau secondaire. En outre, le système des classes par roulement, le manque d’équipements et de matériel scolaires, le surpeuplement des salles de classe, la sous‑qualification des enseignants et l’insuffisance des méthodes d’enseignement sont également des questions qui préoccupent le Comité.

74. À la lumière des articles 28 et 29 de la Convention et compte tenu de l’Observation générale n o  1 (2001) du Comité sur les buts de l’éducation, le Comité recommande à l’État partie de continuer à allouer des ressources financières, humaines et techniques suffisantes:

a) Pour garantir à tous les enfants un accès égal à une éducation de qualité à tous les niveaux du système d’enseignement;

b) Pour continuer à prendre des mesures pour éviter que les enfants ne quittent l’école au stade de l’enseignement primaire et pour accroître les taux d’inscription et de persévérance dans l’enseignement secondaire;

c) Pour améliorer les équipements scolaires, notamment en construisant de nouvelles écoles, pour que les élèves disposent d’installations appropriées et, entre autres, pour abolir la pratique des classes par roulement;

d) Pour dispenser aux enseignants une formation appropriée pour améliorer leurs compétences et la qualité des méthodes d’enseignement;

e) Pour solliciter la coopération de l’UNESCO et de l’UNICEF, entre autres, pour continuer à améliorer le secteur de l’éducation.

75.En ce qui concerne l’enseignement préscolaire, le Comité constate avec satisfaction que le pourcentage d’enfants inscrits dans des jardins d’enfants a augmenté et que l’État partie a pris plusieurs mesures, y compris l’établissement d’un programme d’enseignement interactif pour les jardins d’enfants, afin de répondre aux besoins croissants en matière d’enseignement préscolaire.

76. Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’accès de tous les enfants, y compris les enfants des familles à faible revenu et des familles vivant dans les régions rurales, à l’éducation de la petite enfance et de sensibiliser et de motiver davantage les parents en ce qui concerne les possibilités d’apprentissage au stade préscolaire et de la petite enfance, compte tenu de l’Observation générale n o  7 (2005) du Comité sur la mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance.

8. Mesures spéciales de protection (art. 22, 38, 39, 40, par. b) et d) de l’article 37, art. 32 à 36 et 30 de la Convention)

Mines terrestres

77.Tout en étant conscient des efforts déployés par l’État partie, le Comité n’en demeure pas moins préoccupé par la situation des enfants victimes de minesantipersonnel et antivéhicules ou de munitions non explosées, et la menace qu’elles représentent pour la vie, la santé physique et le développement des enfants, en particulier dans les régions montagneuses du nord, dans la vallée du Jourdain et dans le Wadi Araba.

78. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants des effets destructeurs des mines terrestres, en mettant au point des programmes de sensibilisation à la présence des mines, en poursuivant et en renforçant ses programmes de déminage et en développant les services d’assistance psychologique et sociale aux enfants qui ont été touchés par l’explosion de mines.

Enfants réfugiés

79.Le Comité prend note du nombre élevé de réfugiés palestiniens et du nombre croissant de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants iraquiens en Jordanie. Il prend note également avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour répondre aux besoins de plus en plus importants des enfants réfugiés et des enfants demandeurs d’asile. Tout en se félicitant de la collaboration entre l’État partie et le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), d’une part, y compris des deux mémorandums d’accord, et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche‑Orient (UNRWA) d’autre part, le Comité exprime les préoccupations que lui inspire l’absence de cadre juridique pour la protection des enfants réfugiés et demandeurs d’asile en Jordanie. Il regrette notamment que l’État partie n’ait pas adhéré à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole facultatif de 1967 s’y rapportant, ni à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, ni à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

80. À la lumière des articles 3 et 22 et autres dispositions pertinentes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 s’y rapportant, ainsi qu’à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, et d’élaborer un cadre législatif pour la protection des enfants réfugiés et demandeurs d’asile, en particulier les enfants non accompagnés.

81.Bien que l’État partie promeuve l’éducation universelle pour tous les enfants, le Comité est très préoccupé de constater que les enfants réfugiés et demandeurs d’asile ont un accès limité à l’enseignement primaire. Les informations selon lesquelles les écoles publiques jordaniennes n’acceptent pas les enfants réfugiés iraquiens et les écoles privées n’acceptent que ceux qui sont en possession d’un permis de séjour préoccupent vivement le Comité.

82. Le Comité, se référant aux articles 2, 22 et 28 de la Convention, recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures de nature à garantir que les enfants demandeurs d’asile et réfugiés aient accès à l’enseignement primaire gratuit.

83.Tout en notant que l’État partie continue de dispenser des services dans tous les camps de réfugiés dans le cadre de plans de développement et de projets divers, le Comité est préoccupé de constater que les conditions de vie dans ces camps sont insatisfaisantes.

84. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue d’améliorer les conditions de vie des enfants réfugiés vivant dans les camps, en s’attachant tout particulièrement à améliorer les conditions d’hébergement. Il encourage l’État partie à solliciter, le cas échéant, l’assistance d’organisations internationales à cet égard.

85. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  6 (2005) concernant le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine. Il lui recommande d’accorder une attention particulière aux enfants réfugiés et demandeurs d’asile impliqués dans des conflits armés ou touchés par ces conflits, en les identifiant le plus tôt possible et en leur faisant bénéficier d’une assistance pluridisciplinaire aux fins de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale. Le Comité recommande en outre à l’État partie de poursuivre et de développer sa collaboration avec le HCR et l’ UNRWA .

Enfants de travailleurs migrants

86.Le Comité prend acte du nombre élevé de travailleurs migrants se trouvant dans l’État partie, en particulier du nombre estimatif de travailleurs sans papiers et du peu de mesures de protection qui ont été prises à leur égard pour les préserver de l’exploitation et des abus, et exprime les préoccupations que lui inspirent la situation et la vulnérabilité des enfants des travailleurs migrants qui séjournent en Jordanie.

87. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et des pratiques visant à améliorer la protection et les services à l’intention des enfants des travailleurs migrants. Il lui recommande en outre de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

88.Le Comité félicite l’État partie pour sa coopération avec l’OIT/IPEC, et notamment d’avoir signé avec l’OIT un mémorandum d’accord pour la mise en œuvre du programme par pays de l’IPEC. Il se félicite des diverses mesures qui ont été prises concernant le problème du travail des enfants en Jordanie, y compris l’amendement apporté en 2002 aux dispositions du Code du travail sur l’âge minimum de l’emploi des enfants dans des métiers dangereux, qui a été porté à 18 ans. Le Comité demeure néanmoins préoccupé, en dehors de ces mesures positives, par le problème du travail des enfants dans l’État partie. Les informations selon lesquelles l’emploi d’enfants a augmenté régulièrement ces dernières années, en particulier dans l’agriculture, lui inspirent de vives préoccupations. Il est préoccupé également de constater que la protection garantie par le Code du travail ne s’applique pas aux enfants qui travaillent dans le secteur non structuré (par exemple, dans de petites entreprises familiales, dans l’agriculture et comme domestiques).

89. Conformément à l’article 32 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) De continuer à prendre des mesures efficaces pour interdire l’exploitation économique des enfants, en particulier dans le secteur non structuré où cette exploitation est plus fréquente, par exemple, en réexaminant et en modifiant les dispositions du Code du travail protégeant les enfants de l’exploitation économique dans le secteur non structuré, y compris les entreprises familiales, les activités agricoles et le travail domestique;

b) D’œuvrer activement à faire appliquer les normes relatives à l’âge minimum pour l’emploi, en demandant notamment aux employeurs d’avoir, et de produire sur demande, la preuve de l’âge de tous les enfants qui travaillent dans leur établissement;

c) D’apporter aux inspecteurs du travail tout le soutien nécessaire, y compris des connaissances spécialisées en matière de travail des enfants, pour leur permettre de surveiller efficacement l’application, aux niveaux national et local, des normes du droit du travail et aussi de recevoir et d’examiner les plaintes faisant état de violations; et

d) De continuer à solliciter l’assistance technique de l’OIT/ IPEC .

Enfants des rues

90.Le Comité juge encourageants les efforts déployés par l’État partie pour apporter des solutions au problème des enfants qui travaillent et/ou vivent dans la rue, et notamment l’amendement qu’il a apporté à la loi sur les mineurs (loi no 52 de 2002), introduisant une nouvelle définition des enfants mendiants, décrits comme étant des enfants ayant besoin de protection et de soins. Le Comité note avec préoccupation que, les informations et les statistiques sur les enfants des rues étant insuffisantes, on ne peut qu’estimer le nombre d’enfants qui travaillent dans la rue. L’absence de stratégie systématique et détaillée pour faire face à cette situation et protéger ces enfants préoccupe également le Comité.

91. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire une étude approfondie à l’échelon national sur le nombre, la composition et les caractéristiques des enfants qui vivent et travaillent dans la rue afin d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies et des politiques de grande ampleur pour agir sur les causes fondamentales de la présence des enfants dans la rue dans le but de limiter et de prévenir ce phénomène, et pour identifier les enfants à risque;

b) De faire en sorte que les enfants des rues bénéficient de l’assistance de conseillers spécialisés, reçoivent une nourriture, des vêtements et un abri suffisants ainsi que des services sociaux et sanitaires, y compris des services de réadaptation et de réinsertion sociale et des moyens d’éducation, en matière notamment de formation professionnelle et d’acquisition d’aptitudes utiles à la vie, afin de soutenir leur plein développement; et

c) De collaborer avec des ONG travaillant avec les enfants des rues dans l’État partie ainsi qu’avec les enfants eux ‑mêmes et de solliciter l’assistance technique d’institutions spécialisées ou d’organes du système des Nations Unies et d’autres organisations régionales ou non gouvernementales.

Exploitation sexuelle et traite

92.Le Comité déplore le manque de données sur l’ampleur de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et de la traite des enfants à des fins d’exploitation dans l’État partie. Il déplore également l’insuffisance de la protection juridique pour les garçons de moins de 18 ans contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et l’absence d’un cadre juridique spécifique pour protéger les enfants de la traite.

93. Pour prévenir l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et lutter contre la traite des enfants à des fins sexuelles ou à des fins d’exploitation, le Comité recommande à l’État Partie:

a) De faire une étude de grande ampleur pour déterminer le caractère et l’ampleur de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et de la traite des enfants et, sur la base des conclusions et recommandations de cette étude, d’élaborer et d’adopter un plan d’action national détaillé pour prévenir et combattre l’exploitation et la traite des enfants;

b) De revoir et de modifier les dispositions du Code pénal de manière que les garçons et les filles de moins de 18 ans jouissent d’une égale protection contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales; et

c) D’intensifier ses efforts et de renforcer sa législation en vue d’identifier les cas de traite et d’enquêter à leur sujet, de mieux comprendre les problèmes qui y sont associés et de poursuivre les responsables.

Administration de la justice pour mineurs

94.Le Comité se félicite de l’adoption du Programme de réforme de la justice pour mineurs en Jordanie et de l’étroite collaboration de l’État partie avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’UNICEF et d’autres organes, dans le but d’améliorer la coordination et la collaboration entre partenaires travaillant dans le domaine de la justice pour mineurs. Tout en prenant acte des efforts déployés par l’État partie pour protéger les droits et l’intérêt supérieur des mineurs privés de liberté, par exemple en mettant en application les lois no 11 et no 52 de 2002, portant modification de la loi sur les mineurs, le Comité constate avec préoccupation que:

a)En dépit des informations selon lesquelles des travaux ont été entrepris dans l’État partie pour relever l’âge de la responsabilité pénale à 10 ans, celui‑ci est toujours trop bas (7 ans);

b)En l’absence de peines de substitution, la privation de liberté n’est pas utilisée en dernier recours;

c)Le manque de ressources empêche la création d’un tribunal spécial pour les mineurs;

d)Tous les enfants en conflit avec la loi ne bénéficient pas d’une aide juridictionnelle gratuite; et

e)Les enfants en conflit avec la loi, en particulier les filles, ne bénéficient pas de services de réadaptation et de réinsertion sociale suffisants.

95. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour assurer la pleine application des normes en matière de justice pour mineurs, en particulier les dispositions des articles 37, 40 et 39 de la Convention et des autres normes internationales dans ce domaine, comme l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane), en prenant en compte les recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de débat général consacrée à l’administration de la justice pour mineurs, tenue le 13 novembre 1995 (CRC/C/46, par. 203 à 238). Il recommande à l’État partie:

a) De relever dans les meilleurs délais l’âge minimum de la responsabilité pénale à un niveau acceptable selon les normes internationales;

b) D’intensifier ses efforts pour appliquer le Programme de réforme de la justice pour mineurs et garantir qu’elle soit pleinement conforme aux principes et dispositions de la Convention et de concevoir et de mettre au point un ensemble de mesures de substitution, telles que des peines de travail d’intérêt collectif et des interventions de justice réparatrice, afin que des peines privatives de liberté ne soient prononcées qu’en dernier ressort;

c) De créer des tribunaux pour mineurs dans l’ensemble du pays, dotés d’un personnel ayant reçu une formation appropriée;

d) De développer l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite et à des mécanismes d’examen des plaintes indépendants et efficaces pour toutes les personnes de moins de 18 ans;

e) De veiller à ce que tant les personnes condamnées que les personnes libérées de moins de 18 ans bénéficient de possibilités en matière d’éducation, y compris en matière de formation professionnelle et d’acquisition d’aptitudes utiles à la vie, ainsi que de services de réadaptation et de réinsertion sociale, pour soutenir leur plein développement; et

f) De solliciter l’assistance technique du Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs.

96. En ce qui concerne la protection des enfants victimes et témoins à tous les stades de la procédure pénale, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

9. Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant

97. Le Comité se félicite de ce que l’État partie a signé les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant, l’un, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l’autre, l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 6 septembre 2000, et lui recommande d’en accélérer le processus de ratification et d’en publier le texte au Journal officiel.

10. Suivi et diffusion

Suivi

98. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Conseil des ministres et de l’Assemblée nationale ainsi qu’aux gouvernorats, le cas échéant, pour examen et suite à donner.

Diffusion

99. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement son troisième rapport périodique et ses réponses écrites ainsi que les recommandations y afférentes (observations finales) adoptées par le Comité, dans les langues du pays, notamment (mais non exclusivement) par l’Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, de façon à susciter un débat et à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

11. Prochain rapport

100. Le Comité invite l’État partie à présenter en un seul document ses quatrième et cinquième rapports avant le 22 décembre 2011 (c’est-à-dire 18 mois avant la date à laquelle le cinquième rapport périodique devrait être présenté). Il s’agit d’une mesure exceptionnelle due au grand nombre de rapports reçus par le Comité chaque année. Ce document ne devrait pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente par la suite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

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