Nations Unies

CERD/C/MEX/CO/18-21

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

19 septembre 2019

Français

Original : espagnol

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Mexique valant dix-huitième à vingt et unième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Mexique valant dix-huitième à vingt et unième rapports périodiques (CERD/C/MEX/18-21) à ses 2745e et 2746e séances (CERD/C/SR.2745 et 2746), les 8 et 9 août 2019. À sa 2765e séance, le 23 août 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant dix-huitième à vingt et unième rapports périodiques. Il est satisfait du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qui représentait toutes les branches de l’administration, et apprécie les informations complémentaires fournies après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les progrès que l’État partie a accomplis en ce qui concerne la lutte contre la discrimination raciale et salue en particulier l’adoption des mesures législatives et institutionnelles et des politiques publiques suivantes :

a)La reconnaissance constitutionnelle des communautés et peuples mexicains d’ascendance africaine, en 2019 ;

b)Les modifications apportées à la loi fédérale relative à la prévention et à l’élimination de la discrimination, en juin 2018 ;

c)La création de l’Institut national des peuples autochtones, en 2018 ;

d)L’adoption du Programme national en faveur des peuples autochtones 2018‑2024 ;

e)La conduite, par l’Institut national de statistique et de géographie, de la première enquête nationale sur la discrimination, en 2017.

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À ce sujet, il relève également avec satisfaction qu’au cours de ces dernières années, l’État partie a reçu la visite d’un grand nombre de titulaires de mandat, notamment celle de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, en novembre 2017, et il encourage l’État partie à veiller à ce que toutes les recommandations que la Rapporteuse spéciale a formulées dans son rapport (A/HRC/39/17/Add.2) soient dûment appliquées.

5.Le Comité note avec satisfaction que les organisations de la société civile mexicaines, y compris des autorités et des organisations de peuples autochtones et de personnes d’ascendance africaine, ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme, ont participé activement à l’examen des rapports en communiquant des renseignements par écrit et oralement au Comité. Il encourage l’État partie à continuer de promouvoir la participation de la société civile et à renforcer sa coopération avec la Commission nationale des droits de l’homme.

C.Préoccupations et recommandations

Collecte de données

6.Le Comité prend note des efforts que l’État partie fait pour améliorer la collecte de données, mais constate avec inquiétude qu’aucun critère définitif n’a été adopté pour ce qui est d’obtenir des informations fiables sur la composition ethnique de la population, lacune qui a pour effet la persistance de graves écarts entre les données produites. Il relève que l’enquête intercensitaire menée en 2015 donnait à la population d’ascendance africaine la possibilité de s’auto-identifier comme appartenant à une minorité, mais constate avec préoccupation que, dans certaines régions, les personnes mexicaines d’ascendance africaine ne se sont pas pleinement identifiées à la terminologie utilisée, ce qui a limité la collecte d’informations fiables sur cette population (art. 2).

7. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts visant à étendre la collecte systématique de données et de réviser les catégories et méthodes employées pour l’auto-identification dans la collecte systématique de données afin de produire des informations fiables, actualisées, ventilées et complètes sur la composition ethnique de la population de l’État partie, ainsi que sur sa situation socioéconomique, qui rendent compte, entre autres, de critères tels que l’accès à l’emploi, à l’éducation, aux services de santé et à la justice. Il encourage l’État partie, avec la participation active des peuples autochtones, de la population mexicaine d’ascendance africaine, d’autres groupes ethniques et des organisations de la société civile, à poursuivre ses efforts en vue d’adopter une méthode appropriée pour le recensement de la population et des logements de 2020, en veillant à intégrer des critères qui donnent la possibilité de s’auto-identifier comme appartenant à une minorité. À ce sujet, il renvoie l’État partie à sa recommandation générale n o  4 (1973) concernant les rapports des États parties, en particulier aux éléments ayant trait à la composition démographique de la population.

Définition de la discrimination raciale

8.Le Comité est préoccupé par le fait que, selon les informations fournies par la délégation, la législation sur la prévention et l’élimination de la discrimination raciale de chacun des 32 États fédérés n’intègre pas de manière homogène tous les éléments prévus à l’article premier de la Convention (art. 1).

9. Le Comité recommande à l’État partie de passer en revue la législation de l’État fédéral et celle des différents États fédérés pour s’assurer que la définition et l’interdiction de la discrimination raciale couvrent tous les aspects visés à l’article premier de la Convention et s’appliquent aux actes de discrimination tant directe qu’indirecte dans tous les domaines du droit et de la vie publique. Il renvoie l’État partie à sa recommandation générale n o  14 (1993) concernant le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention.

Haine raciale et incitation à la discrimination raciale

10.Le Comité constate une nouvelle fois avec préoccupation (CERD/C/MEX/CO/16-17, par. 11) que la législation pénale n’érige pas en infraction tous les actes visés à l’article 4 de la Convention et que le fait qu’une infraction soit commise pour des motifs raciaux ne constitue pas une circonstance aggravante (art. 4).

11. Le Comité prie instamment l’État partie, en application de ses recommandations antérieures et de la décision rendue par la Cour suprême de justice dans son arrêt 805/2018 du 30 janvier 2019, d’ériger en infraction les actes de discrimination raciale et les actes visés à l’article 4 de la Convention. Il lui recommande en outre de veiller à ce que la motivation raciale soit considérée comme une circonstance aggravante pour les infractions pénales. Il renvoie l’État partie à ses recommandations générales n o  15 (1993) concernant l’article 4 de la Convention et n o  35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale.

Institutions

12.Le Comité relève avec inquiétude que, malgré les efforts déployés, le Conseil national pour la prévention de la discrimination ne dispose pas de ressources financières, humaines et techniques suffisantes pour accorder l’attention voulue à tous les cas de discrimination raciale dans l’ensemble du territoire de l’État partie. De plus, la majorité des États fédérés ne sont pas dotés d’un organe chargé de la prévention et de l’élimination de la discrimination raciale (art. 2).

13. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour doter le Conseil national pour la prévention de la discrimination de ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat et de prendre les mesures voulues pour que chaque État fédéré dispose d’un organe chargé de recevoir les plaintes pour discrimination raciale et de promouvoir des politiques et mesures visant à éliminer la discrimination raciale. À cet égard, il encourage l’État partie à mettre en place des mécanismes de coordination appropriés entre ces organes et le Conseil national.

Lutte contre la discrimination raciale

14.Le Comité prend note de l’exécution du Programme national pour l’égalité et la non-discrimination, mais constate avec préoccupation que la discrimination raciale structurelle et historique à l’égard des peuples autochtones et de la population mexicaine d’ascendance africaine demeure profondément enracinée dans l’État partie et constitue un obstacle à l’édification d’une société multiculturelle fondée sur l’égalité et l’équité (art. 2 et 7).

15. Le Comité invite instamment l’État partie à élaborer une politique nationale globale de lutte contre la discrimination raciale qui intègre l’adoption d’un plan national contre le racisme et la discrimination, en veillant à ce que les peuples autochtones, la population mexicaine d’ascendance africaine et les autres groupes minoritaires qui continuent de subir la discrimination raciale participent tant à l’élaboration de cette politique qu’à sa mise en œuvre. Il recommande en outre à l’État partie d’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires, et de mettre en place des mécanismes de coordination entre les autorités locales et celles des États fédérés et de l’État fédéral afin de veiller à la bonne exécution de la politique susmentionnée.

Discrimination à l’égard de la population mexicaine d’ascendance africaine

16.Le Comité salue les efforts que déploie l’État partie afin de rendre plus visible la population mexicaine d’ascendance africaine, mais constate avec préoccupation l’absence d’informations précises sur les mesures concrètes prises pour garantir à ces personnes l’exercice et la pleine jouissance de leurs droits. Il constate avec préoccupation que la population et les communautés mexicaines d’ascendance africaine continuent d’être touchées par la discrimination et caractérisées par des taux de marginalisation et d’exclusion sociale plus élevés (art. 1er, 2 et 5).

17. À la lumière de ses recommandations générales n o  32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention et n o  34 (2011) concernant la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine, avec la participation de la population mexicaine d’ascendance africaine et compte tenu de ses besoins particuliers, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures spéciales nécessaires pour garantir à la population mexicaine d’ascendance africaine l’exercice et la pleine jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, afin de promouvoir son inclusion sociale et sa participation active à la vie publique et politique, y compris à des postes de prise de décisions ;

b) De redoubler d’efforts en vue d’éliminer la discrimination raciale à l’égard de la population mexicaine d’ascendance africaine et de garantir la protection de celle-ci contre tout acte de discrimination, qu’il soit commis par des organes ou des agents de l’État ou par des particuliers, des groupes ou des organisations quelconques.

Situation des peuples autochtones

18.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises par l’État partie, les peuples autochtones continuent d’être touchés par la discrimination raciale, laquelle se manifeste par des taux élevés de pauvreté et de marginalisation et des difficultés à accéder au travail, à l’éducation et aux services de santé (art. 1, 2 et 5).

19. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour éliminer la discrimination institutionnelle et structurelle à l’égard des peuples autochtones et de veiller à ce que le Programme national en faveur des peuples autochtones 2018 ‑2024 et d’autres politiques ayant la même finalité soient effectivement mises en œuvre, en tenant compte des inégalités existantes et des besoins concrets de ces peuples afin de faire sensiblement reculer la pauvreté et les inégalités qui les touchent. Il recommande à l’État partie de veiller à ce que les peuples autochtones participent effectivement à la conception et à l’exécution des programmes sociaux en leur faveur.

Consentement préalable, libre et éclairé

20.Si le Comité relève que l’État partie reconnaît le droit des peuples autochtones à une consultation non seulement libre, préalable et éclairée, mais aussi adaptée à leur culture, il constate toutefois avec préoccupation qu’il existe encore de graves lacunes dans les processus de consultation. Selon les informations reçues, dans la majorité des cas, les consultations visant à obtenir le consentement préalable, libre et éclairé ne sont pas menées en amont, ne tiennent pas compte des traditions, des coutumes, de la culture et de la représentation adéquate des peuples concernés, ne s’accompagnent pas d’informations claires, exactes et adaptées à la culture des intéressés et, de surcroît, se déroulent souvent dans un contexte de menaces, d’incrimination et de harcèlement, au détriment de la liberté. À cet égard, le Comité prend note avec préoccupation des informations reçues au sujet de la conduite des consultations citoyennes concernant l’exécution de grands projets d’investissement, comme le train maya et le couloir transítsmico qui pourraient avoir des répercussions sur les territoires des peuples autochtones, consultations au cours desquelles les communautés autochtones n’ont pas été prises en compte et les dispositions de la Convention (no 169) de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux (1989) n’ont pas été respectées (art. 2 et 5).

21. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer et d’adopter une procédure légale, fondée sur une méthode qui permette de garantir le droit des peuples autochtones d’être consultés au sujet de toute mesure législative ou administrative susceptible d’avoir une incidence sur leurs droits, en vue d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé, et ce, dans le respect des normes internationales, en consultation avec les peuples autochtones et en tenant compte de leurs traditions et particularités culturelles ;

b) De veiller à ce que, avant l’octroi de licences, de la conception jusqu’à l’exécution des projets de développement ayant trait à l’économie, à l’énergie, au tourisme, aux infrastructures ou à l’exploitation des ressources naturelles, soit dûment respecté le droit qu’ont les peuples autochtones dont les droits, les terres, les territoires et les ressources peuvent être touchés d’être consultés afin d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé ;

c) De faire en sorte que les consultations soient systématiques, opportunes, transparentes et culturellement adaptées et menées de bonne foi et dans des conditions de sécurité, avec une représentation adéquate des peuples concernés et dans le respect des normes internationales relatives aux droits des peuples autochtones, et que, dans le cadre de ces consultations, soient menées des études indépendantes et impartiales sur l’incidence que les projets de développement concernant les territoires des peuples autochtones pourraient avoir sur l’environnement et sur les droits de l’homme ;

d) D’accorder l’attention voulue aux recommandations formulées par la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones à la consultation préalable, aussi bien dans son rapport (A/HRC/39/17/Add.2) que dans la note technique sur la consultation et le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones au Mexique, datée de février 2019.

Terres, territoires et ressources des peuples autochtones

22.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas de mécanismes adéquats en ce qui concerne la protection, la préservation, la revendication et la restitution des terres et territoires traditionnellement occupés par les peuples autochtones et des ressources connexes. Cette situation, associée à d’autres facteurs comme l’exécution de projets d’investissement et de développement, a entraîné le déplacement forcé des peuples autochtones et a des effets disproportionnés sur les modes de vie et de subsistance traditionnels de ces peuples. Le Comité note également avec inquiétude que les effets de la crise climatique, comme la dégradation des sols et l’incidence sur les ressources en eau, touchent de manière disproportionnée les peuples autochtones (art. 2 et 5).

23. À la lumière de sa recommandation générale n o  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Établir, en coordination avec les autorités judiciaires, agraires et d’autres institutions compétentes, un mécanisme adéquat et efficace qui permette l’examen des revendications foncières et la restitution de terres et territoires ancestraux, et à veiller à ce que ce mécanisme soit doté des ressources humaines, techniques et financières voulues ;

b) Garantir la protection des droits qu’ont les peuples autochtones de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler en toute sécurité leurs terres, territoires et ressources, y compris par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaires, conformément aux normes internationales ;

c) Assurer une protection adéquate contre le déplacement forcé, en respectant les droits, les coutumes, les traditions et la culture des peuples autochtones, compte tenu des dispositions de l’article 10 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et à garantir, lorsque cela est possible, la faculté de retour ;

d) Définir, en concertation avec les peuples autochtones, des mesures d’atténuation, d’indemnisation des dommages ou des pertes subies et de participation aux bénéfices tirés de ces activités, ainsi que des mesures d’atténuation des effets de la crise climatique sur leurs terres, territoires et ressources afin de protéger leurs modes de vie et moyens de subsistance traditionnels.

Formes multiples de discrimination

24.Le Comité est préoccupé par les multiples formes de discrimination dont font l’objet les femmes autochtones et les Mexicaines d’ascendance africaine, et qui compromettent l’accès à l’éducation, à l’emploi, à des services de santé adaptés à leur culture, ainsi que la participation à la vie publique et à la prise de décisions. En outre, le Comité est gravement préoccupé par les informations indiquant que les femmes autochtones qui cherchent à bénéficier de soins de santé sexuelle et procréative font l’objet, de la part du personnel médical des institutions de santé publique, de pratiques discriminatoires et de violences ayant, dans certains cas, conduit à des stérilisations sans consentement libre et éclairé (art. 1 et 5).

25. À la lumière de sa recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Intensifier les efforts qu’il fait pour lutter contre les multiples formes de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes autochtones et les M exicaines d’ascendance africaine , afin de leur garantir un accès effectif et adéquat à l’emploi, à l’éducation et à la santé et de s’assurer qu’elles peuvent participer pleinement aux affaires publiques, compte dûment tenu des différences culturelles et linguistiques ;

b) Garantir aux femmes autochtones et aux M exicaines d’ascendance africaine l’accès à des services de santé sexuelle et procréative adaptés à leur culture, notamment en renforçant le Modèle de prise en charge des femmes pendant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale fondé sur une approche humaine, interculturelle et sûre, conçu par le Ministère de la santé ;

c) Enquêter sur tous les actes de discrimination et de violence contre les femmes autochtones et les M exicaines d’ascendance africaine commis au sein du système de santé, en particulier sur les cas de stérilisation involontaire, afin que les responsables soient poursuivis en justice et dûment sanctionnés ;

d) Mener des campagnes de sensibilisation et de formation auprès du personnel médical afin de le sensibiliser et de faire cesser les actes et pratiques de discrimination raciale, en particulier ceux qui visent les femmes autochtones et les Mexicaines d’ascendance africaine, au sein du système de santé.

Discrimination dans le système de justice

26.Le Comité constate avec inquiétude que la corruption, le manque de transparence et la persistance de pratiques discriminatoires au sein du système judiciaire entravent considérablement l’accès à la justice des peuples autochtones et entraînent des violations des garanties d’une procédure régulière et du droit des membres des peuples autochtones à une défense adéquate. En outre, le Comité prend note avec préoccupation des niveaux élevés d’impunité régnant, au niveau des poursuites et de l’administration de la justice, en ce qui concerne notamment les violences fondées sur le genre, et souligne que l’absence de coordination adéquate entre les autorités du système de justice ordinaire et les juridictions autochtones compromet l’accès à la justice des autochtones, en particulier des femmes autochtones victimes de la violence fondée sur le genre (art. 2 et 6).

27. À la lumière de sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire cesser la discrimination raciale au sein de l’appareil judiciaire et du système pénitentiaire, notamment en formant les policiers, les procureurs, les avocats, les défenseurs, les juges et les professionnels de la justice et du système pénitentiaire pour qu’ils soient davantage conscients des effets néfastes de la discrimination raciale et pour garantir l’application effective de la Convention ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour combattre la corruption et assurer la transparence du système judiciaire, afin de pouvoir lutter efficacement contre la discrimination raciale et de garantir le respect des droits de l’homme ;

c) De s’employer davantage à garantir l’accès des peuples autochtones à la justice, en veillant au respect de leurs droits fondamentaux et des garanties d’une procédure régulière, et en garantissant, lorsque nécessaire, l’accès à des défenseurs qualifiés qui maîtrisent les langues autochtones et à des interprètes capables d’expliquer aux personnes concernées la teneur des procédure judiciaires ;

d) De mener des enquêtes approfondies sur tous les cas de violence fondée sur le genre, y compris les violences sexuelles commises contre les femmes autochtones et les M exicaines d’ascendance africaine , de faire en sorte que les responsables soient dûment punis et de garantir l’accès des victimes à la justice et à des mécanismes de protection efficaces et adaptés à leur culture ;

e) De poursuivre les efforts qu’il déploie pour que le système de justice autochtone soit reconnu, respecté et renforcé conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment par l’harmonisation, la coopération et la coordination entre les autorités du système de justice ordinaire et les juridictions autochtones, aux niveaux local et fédéral, y compris en ce qui concerne l’accès à la justice des femmes autochtones victimes de la violence fondée sur le genre.

Liberté d’expression

28.Le Comité est gravement préoccupé par les informations concernant des atteintes à la vie de journalistes et d’acteurs de la communication communautaire qui dénoncent des violations des droits de l’homme, en particulier des peuples autochtones, et des violations de leurs territoires. Selon certaines informations, les attaques contre des journalistes ont augmenté de plus de 163 % entre 2010 et 2016. Le Comité est également préoccupé par les obstacles administratifs à l’enregistrement des stations de radio communautaires, notamment les radios communautaires autochtones, et par le peu d’aide financière allouée à leur fonctionnement (art. 2 et 5).

29.Le Comité invite instamment l’État partie à mener des enquêtes approfondies sur toutes les atteintes à la vie et actes de harcèlement commis contre les journalistes en général et contre les acteurs de la communication communautaire et journalistes communautaires, en particulier ceux qui défendent les droits des peuples autochtones, à poursuivre en justice les auteurs de tels actes et à les sanctionner comme il se doit. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l’enregistrement des stations de radio communautaires autochtones et pour assurer le respect de la loi fédérale sur les télécommunications et la radiodiffusion afin que les stations de radio communautaires autochtones bénéficient du soutien financier nécessaire à leur bon fonctionnement, compte tenu du rôle fondamental qu’elles jouent dans la transmission des connaissances, de la culture et des traditions autochtones.

Défenseurs des droits de l’homme

30.Le Comité constate avec préoccupation que les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, y compris les dirigeants et défenseurs des droits des peuples autochtones, des Mexicains d’ascendance africaine et des migrants, sont toujours victimes d’actes de violence, de menaces et d’atteintes à la vie. Il est également préoccupé par l’utilisation abusive des procédures pénales pour poursuivre pénalement les défenseurs des droits des peuples autochtones, des Mexicains d’ascendance africaine et des migrants. En outre, il prend note avec préoccupation des informations indiquant que tant les autorités de l’État que des représentants du secteur privé font parfois des déclarations visant à délégitimer l’action des défenseurs et défenseuses des droits des peuples autochtones (art. 2 et 5).

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’enquêter de manière approfondie, impartiale et efficace sur toutes les allégations d’atteintes à la vie, à l’intégrité physique et à la liberté, ainsi que d’actes de violence, de menaces, de harcèlement, d’intimidation et de diffamation contre des responsables autochtones et des défenseurs et défenseuses des droits des peuples autochtones, des Mexicains d’ascendance africaine et des migrants ;

b) D’adopter les mesures nécessaires, y compris allouer les ressources budgétaires voulues, pour garantir le bon fonctionnement du mécanisme de protection des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et des journalistes afin qu’avec la participation effective de la société civile, les représentants des peuples autochtones et des Mexicains d’ascendance africaine élaborent et adoptent des stratégies de protection efficaces, tenant compte des différences culturelles, régionales et de genre qui peuvent concerner les peuples autochtones et la population mexicaine d’ascendance africaine, ainsi que du caractère collectif que requièrent certaines mesures ;

c) De mener des campagnes d’information et de sensibilisation sur le travail essentiel qu’accomplissent les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, et de faire en sorte que ce travail soit reconnu publiquement par les autorités fédérales et nationales, de manière à créer un climat de tolérance dans lequel les défenseurs et défenseuses des droits puissent mener leurs activités sans craindre de faire l’objet d’intimidations, de menaces ou de représailles d’aucune sorte.

Conditions de travail

32.Le Comité note avec préoccupation que les autochtones mexicains et les migrants autochtones d’Amérique centrale, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur agricole et dans le secteur domestique, sont victimes de discrimination et de violations de leurs droits du travail qui constituent des actes d’exploitation par le travail (art. 2 et 5).

33. Le Comité prie instamment l’État partie de garantir aux autochtones mexicains et aux migrants autochtones d’Amérique centrale employés dans les secteurs agricole et domestique des conditions de travail équitables et satisfaisantes, en droit comme dans la pratique. Il invite également instamment l’État partie à adopter les mesures voulues pour prévenir l’exploitation par le travail, y compris le travail forcé, enquêter sur tous les cas, poursuivre les responsables présumés et veiller à ce que les victimes aient accès à la justice ainsi qu’à l’inspection du travail et reçoivent la protection et les réparations voulues, et à ce que les responsables soient dûment jugés et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes.

Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

34.Le Comité reconnaît que l’État partie constitue, par sa position, un « couloir migratoire ». Il note toutefois avec préoccupation que l’application des politiques migratoires adoptées ne garantit pas toujours suffisamment la protection effective des droits des migrants et des demandeurs d’asile, en particulier des enfants migrants. Le Comité constate avec préoccupation que les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière, y compris les enfants accompagnés ou non accompagnés, sont automatiquement placés en détention dans des « centres d’accueil pour migrants », dans lesquels les conditions de vie ne sont pas appropriées. Le Comité est également préoccupé par l’effet négatif que peut avoir le travail de la Garde nationale sur le contrôle des migrations et l’utilisation par les autorités migratoires de pratiques de profilage racial, qui ont conduit à des détentions arbitraires et à des renvois systématiques sans assistance juridique appropriée. De même, le Comité est gravement préoccupé par les actes de discrimination et le recours excessif à la force contre les migrants. Enfin, il constate avec préoccupation que les discours appelant à la discrimination, à la haine raciale et à la xénophobie contre les migrants ont augmenté face au phénomène des caravanes de migrants (art. 2 et 5).

35. Le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Tenir l’engagement qu’il a pris de fonder la mise en œuvre de la politique migratoire 2018-2024 sur le respect et la protection des droits de l’homme des migrants, en garantissant le respect du principe de non-refoulement et en tenant dûment compte du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière ;

b) Définir des solutions de substitution à la détention des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière ;

c) Veiller à ce qu’aucun enfant migrant ne soit détenu en raison de son statut migratoire, comme le prévoit la loi générale sur les droits de l’enfant et de l’adolescent, et à ce que des protocoles de prise en charge et de protection appropriés soient appliqués, en tenant compte du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ;

d) Prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les conditions de vie dans les centres d’accueil pour migrants soient adéquates et conformes aux normes internationales ;

e) Évaluer les effets du déploiement de la Garde nationale pour ce qui est du contrôle des migrations, en vue de retirer ce contrôle de ses attributions, et intensifier les efforts faits pour mettre fin à la pratique du profilage racial dans la gestion des migrations, notamment en diffusant largement et en faisant appliquer correctement le Guide d’action publique pour la prévention du profilage racial ;

f) Mener des enquêtes approfondies sur tous les cas de discrimination, de recours excessif à la force et d’abus d’autorité commis contre des migrants, et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours judiciaires utiles et à ce que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés ;

g) Prendre des mesures efficaces pour prévenir et combattre les discours d’incitation à la discrimination raciale et les manifestations de racisme contre les migrants dans les médias.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

36. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, tels que le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention (n o  189) de l’Organisation du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques (2011). Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention interaméricaine de 2013 contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance et la Convention interaméricaine de 2013 contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

37. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

38. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques en collaboration avec les personnes d’ascendance africaine et les organisations qui les représentent. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

39. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui, comme la Commission nationale des droits de l’homme, luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

40. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les présentes observations finales du Comité dans sa langue officielle et dans les autres langues couramment utilisées.

Suite donnée aux présentes observations finales

41. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11 (haine raciale et incitation à la discrimination raciale), 21 b) (consentement préalable, libre et éclairé) et 31 b) (défenseurs et défenseuses des droits de l’homme).

Paragraphes d’importance particulière

42. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 7, 15, 23, 25 et 35 e), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

43. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt-deuxième à vingt-quatrième rapports périodiques, d’ici au 22 mars 2022, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.