NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/CR/31/5

5 février 2004

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente et unième session10‑21 novembre 2003

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

LITUANIE

1.Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de la Lituanie (CAT/C/37/Add.5) à ses 584eet 587e sessions, les 17 et 19 novembre 2003 (CAT/C/SR.584 et 587) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Lituanie et les renseignements complémentaires apportés par la délégation de haut niveau.

3.Le rapport, qui traite surtout des dispositions légales et ne donne pas de renseignements détaillés sur l’application concrète de la Convention ni de données statistiques, n’est pas totalement conforme aux directives du Comité concernant l’établissement de rapports.

B. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des efforts que l’État partie continue de déployer pour procéder à la réforme de son système juridique et à la révision de sa législation afin d’assurer la protection des droits fondamentaux, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment:

a)L’adoption d’un nouveau Code pénal et d’un nouveau Code de procédure pénale qui interdisent le recours à la violence, à l’intimidation, aux traitements dégradants ou portant atteinte à la santé de l’individu, ainsi que d’un Code de l’application des peines, qui sont tous les trois entrés en vigueur le 1er mai 2003;

b)La promulgation de l’ordonnance no 96 du Procureur général, (8 juin 2001), relative à la surveillance exercée pour garantir la protection des personnes détenues et arrêtées contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants;

c)L’adoption, le 21 mai 2002, de la loi sur l’indemnisation des dommages résultant d’actes illégaux commis par des institutions dépositaires de l’autorité publique;

d)La loi portant création des tribunaux administratifs (1999) qui prévoit l’examen de plaintes dénonçant des actes, actions ou omissions d’agents de l’État;

e)Le transfert de la responsabilité de la répression des infractions pénales du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice, en vertu de la loi no VIII‑1631 du 18 avril 2000;

f)La ratification par l’État partie de plusieurs instruments relatifs aux droits de l’homme, en particulier de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, et la coopération sans faille avec le Comité européen pour la prévention de la torture;

g)La ratification en 2003 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

h)L’élaboration d’un plan national d’action pour les droits de l’homme, approuvé par la décision du Parlement de Lituanie no IX‑1185, en date du 7 novembre 2002;

i)La mise en place de structures institutionnelles pour la défense des droits de l’homme, en particulier le médiateur parlementaire, le médiateur pour l’égalité des chances entre hommes et femmes et le médiateur pour la protection des droits de l’enfant;

j)La création du service de protection des témoins et des victimes au Département de la police;

k)Les mesures prises pour réduire le surpeuplement carcéral, notamment l’introduction dans le nouveau Code pénal d’un acte délictueux puni de peines non privatives de liberté.

C. Sujets de préoccupation

5.Le Comité se déclare préoccupé par les éléments suivants:

a)L’absence dans la législation nationale d’une définition complète de la torture telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention et d’un délit spécifique de torture (art. 4);

b)Le fait que dans la pratique les personnes en détention ou en état d’arrestation n’aient pas accès, dès le début de la détention, à un avocat, un médecin indépendant ou les membres de leurs familles;

c)Les allégations faisant état de mauvais traitements pendant la garde à vue, traitements qui peuvent représenter des tortures, en particulier les mauvais traitements infligés pendant les interrogatoires de police;

d)Les procédures suivies pour l’expulsion des étrangers qui peuvent, dans certains cas, constituer une violation de l’article 3; les conditions qui règnent dans les locaux où les étrangers en attente d’expulsion sont retenus et l’absence de données renseignant sur l’âge, le sexe et le pays de renvoi des étrangers ou des apatrides expulsés, plus précisément ceux qui sont retenus au Centre d’enregistrement des étrangers;

e)La forte augmentation du nombre de plaintes dénonçant les traitements infligés aux détenus par la police (augmentation qui s’explique largement par la plus grande confidentialité de la procédure de dépôt de plaintes obtenue grâce aux efforts de l’État partie et le fait que, d’après l’État partie, près de la moitié de ces plaintes aient été jugées fondées. Le Comité s’inquiète de plus de ce que les enquêtes portant sur les plaintes contre des agents de la force publique ne soient pas menées par un organe indépendant à l’égard de la police;

f)Les informations selon lesquelles certains avocats commis d’office ne se soucient guère de la façon dont leurs clients sont traités en détention;

g)L’absence de renseignements sur l’indemnisation et les mesures de réadaptation assurées aux victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements;

h)Les mauvaises conditions dans les lieux de détention, comme le reconnaît l’État partie lui‑même, et le fait, relevé par le Comité européen de prévention de la torture, que certains prisonniers vivent dans la crainte de subir des violences de la part des autres détenus;

i)Le manque de renseignements sur les allégations de brutalités commises contre les conscrits dans l’armée.

D. Recommandations

6.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments de la définition donnée à l’article premier de la Convention et d’introduire dans le Code pénal un délit de torture qualifié de façon à correspondre clairement à la définition;

b)De veiller à ce que toutes les personnes en état d’arrestation ou en détention aient immédiatement la possibilité de voir un médecin et un avocat ainsi que la possibilité de prendre contact avec leurs familles à tous les stades de la détention (art. 2);

c)De prendre toutes les mesures voulues pour empêcher les actes de torture et de mauvais traitements, notamment en:

i)Veillant à ce que tous les personnels de santé reçoivent une formation leur permettant de déceler les signes de torture physique et psychique;

ii)Soulignant l’importance de donner aux agents pénitentiaires une formation pour établir une bonne communication entre eux et avec les détenus, ce qui permettrait de moins recourir aux mesures interdites de coercition physique et de diminuer la violence entre détenus;

iii)Prenant d’autres mesures appropriées pour empêcher les membres des forces de l’ordre de commettre des actes de mauvais traitements et pour mettre en place un système d’enquête totalement indépendant et impartial;

d)De veiller à ce que dans la pratique les actions du procureur fassent l’objet d’un contrôle afin que toute personne qui affirme avoir subi des mauvais traitements ou des tortures ou qui a besoin d’un examen médical puisse être autorisée par le procureur à être vue par un médecin à sa demande et non pas exclusivement sur ordre d’un fonctionnaire;

e)De prendre d’urgence des mesures effectives pour mettre en place un mécanisme de plaintes totalement indépendant, de veiller à ce que des enquêtes impartiales et complètes soient rapidement ouvertes pour faire la lumière sur les nombreuses allégations de torture portées à la connaissance des autorités et pour que les responsables soient poursuivis et si nécessaire punis;

f)De veiller à ce que les officiers de l’armée ouvrent rapidement des enquêtes chaque fois qu’ils ont connaissance d’actes de brutalités sur la personne d’un conscrit, qui pourraient représenter des mauvais traitements ou des tortures et mènent avec équité et impartialité des enquêtes sur toute autre information faisant état de violations, et de garantir que les auteurs répondent de leurs actes;

g)De veiller à ce que les autorités compétentes respectent strictement l’article 3 de la Convention et n’expulsent, ne refoulent et n’extradent pas une personne vers un État où elle risque d’être soumise à la torture. Le Comité invite instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour que les installations de rétention des étrangers satisfassent aux normes internationales et le prie de lui apporter des données désagrégées à ce sujet;

h)De poursuivre ses efforts pour assurer un système efficace d’aide juridictionnelle, notamment en finançant sur les fonds publics les cabinets d’avocats de la défense, en leur garantissant une rémunération suffisante et en associant le barreau à la désignation des avocats;

i)De donner des renseignements sur les possibilités de réparation et de réadaptation offertes aux victimes de torture et d’autres formes de traitements ou de peines cruels, inhumains et dégradants;

j)De continuer à prendre des mesures pour améliorer les conditions de détention dans les centres de détention provisoire et dans les établissements pour peines;

k)D’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention;

l)D’envisager de consulter les organisations non gouvernementales et les organisations de la société civile pour l’établissement de toutes les parties du prochain rapport périodique.

7.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par type de délit, lieu géographique, groupe ethnique et sexe, sur les plaintes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre, sur la nature des affaires dans lesquelles la police et d’autres personnels des forces de l’ordre ont été accusés d’infraction en relation avec les actes de torture et sur l’aboutissement de ces affaires, y compris les cas où la plainte a été rejetée par le tribunal, ainsi que sur l’indemnisation et la réadaptation assurées aux victimes le cas échéant.

8.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir d’ici à un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux alinéas d, e et f du paragraphe 6 ci‑dessus.

9.Le Comité demande à l’État partie d’assurer une large diffusion dans le pays à ses conclusions et recommandations et aux comptes rendus des séances consacrées à l’examen du rapport initial, notamment à l’intention des agents des forces de l’ordre, en le faisant publier par les médias ainsi qu’en faisant appel aux organisations non gouvernementales pour qu’elles les diffusent et les fassent connaître.

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