NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/CR/31/5/RESP.16 avril 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations du Gouvernement de la Lituanie concernant les conclusions et recommandations du Comité contre la torture

[7 décembre 2004]

1.Le Gouvernement lituanien apporte les précisions ci‑après suite aux conclusions et recommandations que le Comité contre la torture a adressées à la République de Lituanie le 5 février 2004 (CAT/C/CR/31/5), en particulier en ce qui concerne les paragraphes 6 d), e) et f).

Le paragraphe 6 d) se lit comme suit: Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que dans la pratique les actions du procureur fassent l’objet d’un contrôle afin que toute personne qui affirme avoir subi des mauvais traitements ou des tortures ou qui a besoin d’un examen médical puisse être autorisée par le procureur à être vue par un médecin à sa demande et non pas exclusivement sur l’ordre d’un fonctionnaire.

2.Conformément aux recommandations du Comité contre la torture, l’ordonnance no 96 du Procureur général, en date du 8 juin 2001, relative au contrôle en vue de protéger les personnes détenues ou arrêtées contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants a été modifiée. En vertu de cette ordonnance, les procureurs en chef sont tenus de:

a)S’assurer que chaque procureur qui est informé qu’un détenu a été victime de tortures ou de traitements ou peines inhumains ou dégradants ouvre immédiatement une enquête préliminaire, sous réserve que les dispositions de l’article 3 ou de l’article 168 1) du Code pénal ne s’opposent pas à l’ouverture d’une procédure pénale. Conformément aux dispositions de l’article 205, le procureur lui‑même devrait désigner, par écrit, un spécialiste chargé de mener l’enquête, c’est‑à‑dire de procéder à l’examen médical;

b)S’assurer que chaque procureur qui est informé de l’ouverture d’une enquête préliminaire portant sur des actes de torture ou des traitements ou peines inhumains ou dégradants infligés à un détenu conformément aux dispositions de l’article 205 désigne lui‑même, par écrit, un spécialiste chargé de mener l’enquête, c’est‑à‑dire de procéder à l’examen médical, ou désigne à cette fin un fonctionnaire du centre de détention concerné;

c)Obliger les procureurs à ouvrir une enquête lorsque les fonctionnaires qui conduisent l’enquête préliminaire sont soupçonnés d’avoir commis des infractions pénales;

d)Contrôler l’exécution des obligations susmentionnées et, en cas de non‑respect de celles‑ci, de prendre les mesures prévues par la loi.

3.Il convient d’observer que les procureurs décident s’il y a des raisons d’ouvrir une enquête préliminaire sur des actes de torture ou des traitements ou peines inhumains ou dégradants lorsqu’ils sont informés de telles infractions, c’est‑à‑dire lors de la phase procédurale. Au cours de la phase ultérieure, il incombe à l’établissement dans lequel est placé le détenu de s’assurer que celui‑ci a fait l’objet d’un examen médical.

4.Les textes ci‑après prévoient que des examens médicaux sont pratiqués sur les prisonniers des établissements pénitentiaires, notamment en cas de tortures ou de mauvais traitements présumés:

a)La loi sur la détention provisoire. Conformément au paragraphe 3 de l’article 19 de ce texte, un examen médical complet (y compris un examen psychiatrique des prisonniers nouvellement arrivés dans des maisons d’arrêt) est obligatoire;

b)Le règlement intérieur des maisons d’arrêt, approuvé par l’ordonnance no 178 du Ministre de la justice en date du 7 septembre 2001, dont l’article 63 prévoit que les nouveaux détenus (placés en détention provisoire ou condamnés) font l’objet d’un examen médical dont les résultats sont consignés dans leur dossier médical personnel;

c)Le règlement relatif aux établissements de rééducation par le travail, approuvé par l’ordonnance no 194 du Ministre de la justice en date du 2 juillet 2003, dont l’article 62 prévoit que les condamnés nouvellement arrivés sont soumis à un examen médical dont les résultats sont consignés dans leur dossier médical personnel;

d)Le règlement intérieur des maisons d’arrêt, dans ses articles 267 et 268, et le règlement relatif aux établissements de rééducation par le travail, dans ses articles 262 et 263, prévoient qu’un examen médical est pratiqué sur chaque détenu blessé (placé en détention provisoire ou condamné) par un membre de l’équipe médicale de l’établissement, qui établit un document précisant la nature de la blessure ainsi que le lieu et le moment où elle s’est produite. Un membre de l’équipe médicale consigne tous les détails de l’examen dans un registre spécial et en informe le directeur adjoint de la maison d’arrêt ou de l’établissement de rééducation chargé d’assurer la garde et la sécurité des détenus ou, en cas d’absence de ce dernier, le chef de la division des enquêtes internes de l’établissement. Chaque incident de ce type est immédiatement communiqué, par écrit, au bureau local du procureur par le directeur de l’établissement pénitentiaire ou de son adjoint;

e)L’article 194 du règlement intérieur des maisons d’arrêt et l’article 252 du règlement relatif aux établissements de rééducation par le travail prévoient que les personnes des établissements pénitentiaires où l’accès à des services médicaux est limité (par exemple, les prisonniers condamnés ou en détention provisoire sont enfermés dans leur cellule de façon permanente) sont obligatoirement suivies par un médecin. Un fonctionnaire de l’établissement pénitentiaire, dûment autorisé par le directeur, procède quotidiennement à l’inscription; il est également responsable des visites des médecins spécialistes aux détenus.

5.Les textes législatifs susmentionnés garantissent le droit d’accès aux services médicaux, dans les meilleurs délais, de tous les prisonniers qui sont victimes de violence (torture) ou de tout autre type de mauvais traitement durant leur séjour dans un établissement pénitentiaire ou leur transfert. Ils permettent également de s’assurer qu’un compte rendu de ces incidents est établi, et que l’administration de l’établissement pénitentiaire et le bureau local du procureur en sont informés; ils garantissent enfin que l’incident donne lieu à une enquête des autorités compétentes et que leurs auteurs sont sanctionnés conformément à la loi.

Le paragraphe 6 e) se lit comme suit: Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures effectives pour mettre en place un mécanisme de plaintes totalement indépendant, de veiller à ce que des enquêtes impartiales et complètes soient rapidement ouvertes pour faire la lumière sur les nombreuses allégations de torture portées à la connaissance des autorités et pour que les responsables soient poursuivis et si nécessaire punis.

6.En vertu de la Constitution de la République de Lituanie, le Médiateur du Seimas est compétent pour examiner les plaintes des citoyens concernant les abus d’autorité et les excès de bureaucratie des fonctionnaires de l’État et des collectivités locales, à l’exception des juges.

7.La loi relative au Médiateur du Seimas prévoit que celui‑ci n’est pas compétent pour se prononcer sur la légalité et la validité des décisions procédurales des procureurs, des enquêteurs et des agents chargés d’une enquête. L’interprétation extensive de cette disposition par les procureurs a souvent empêché le Médiateur d’enquêter sur les plaintes visant des fonctionnaires accusés d’avoir violé les droits de l’homme au cours de la procédure.

8.Le 4 novembre 2004 a été adoptée une nouvelle version de la loi relative au Médiateur du Seimas, qui étend ses compétences. Comme dans la version antérieure de la loi, le Médiateur n’est pas compétent pour se prononcer sur la légalité et la validité des décisions procédurales des procureurs, des enquêteurs et des agents chargés d’une enquête, mais il peut désormais enquêter sur les plaintes faisant état de violations des droits de l’homme et des libertés en cours de procédure. Cette disposition devrait renforcer le droit du Médiateur d’enquêter sur les plaintes pour faute des agents chargés des enquêtes préliminaires, sans toutefois remettre en cause la légalité et la validité des décisions procédurales. L’application de cette loi contribuera à la mise en place d’un mécanisme impartial et indépendant d’examen des plaintes.

Le paragraphe 6 f) se lit comme suit: Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les autorités militaires ouvrent rapidement des enquêtes chaque fois qu’elles ont connaissance d’actes de brutalité, sur la personne d’un conscrit, susceptibles de représenter des mauvais traitements ou des actes de torture, de mener avec équité et impartialité des enquêtes sur toute autre information faisant état de violations, et de garantir que les auteurs répondent de leurs actes.

9.Les membres des forces armées victimes de mauvais traitements peuvent porter plainte sur la base des textes législatifs en vigueur ci-après:

a)Loi relative à l’organisation du système de la défense nationale et au service militaire;

b)Règlement des forces armées relatif à la discipline militaire (adopté par voie législative);

c)Loi relative à la police militaire;

d)Code de procédure pénale et Code pénal.

10.Ces textes prévoient la possibilité de porter plainte pour recours illicite à la force, plainte qui peut déboucher sur une action disciplinaire dans les cas suivants:

a)Plainte au sein de la hiérarchie;

b)Plainte directement auprès de l’organe de contrôle du système de la défense nationale − l’Inspection générale, qui ne dépend pas de la hiérarchie militaire, est responsable devant le Ministre de la défense nationale (un recours contre une décision de l’Inspection générale peut être engagé auprès du Ministre de la défense nationale).

11.Une personne victime de sévices peut déposer plainte conformément aux articles 62, 166 et 167 du Code de procédure pénale:

a)Lorsque les sévices entraînent la responsabilité pénale, la victime peut saisir les juridictions de droit commun;

b)Les plaintes pour faute des enquêteurs militaires peuvent être présentées au procureur chargé de l’enquête, ou au juge chargé de l’instruction préliminaire si le procureur n’accepte pas la plainte.

12.Conformément à une ordonnance du Ministre de la défense nationale, des plaintes peuvent être communiquées à l’Inspection générale par le biais d’une ligne directe (il s’agit d’une ligne téléphonique ou d’une adresse électronique préservant la confidentialité). Ces plaintes sont enregistrées et donnent lieu à une enquête sous réserve qu’elles ne soient pas anonymes, qu’elles fassent état de faits justifiant l’ouverture d’une enquête et que l’Inspecteur général donne son aval. La ligne directe est une garantie supplémentaire que les plaintes sont examinées de manière impartiale et objective.

13.Les dispositions législatives pertinentes garantissent un examen rapide des plaintes. Le règlement des forces armées relatif à la discipline militaire prévoit qu’en ce qui concerne les affaires donnant lieu à une action disciplinaire, les plaintes doivent être examinées dans un délai d’un mois à compter de leur réception. Dans certains cas, le Ministre de la défense nationale peut proroger les délais jusqu’à six mois, par exemple lorsqu’il est nécessaire d’examiner ou de rassembler des informations supplémentaires ou de prendre d’autres mesures. Lorsque les plaintes portent sur des évidences et n’exigent pas l’ouverture d’une enquête, elles doivent être traitées au plus tard en 15 jours ouvrables.

14.La possibilité d’utiliser différents moyens de communication pour déposer plainte auprès de l’Inspection générale accroît la rapidité de la procédure. Conformément au règlement des forces armées relatif à la discipline militaire, les plaintes peuvent être présentées à l’Inspecteur général oralement ou par écrit. Dans ce dernier cas, elles peuvent être adressées par courrier ou par télécopie ou présentées à l’Inspecteur général au cours d’une Inspection. En dehors des jours et des heures de travail et les jours fériés, il est possible d’enregistrer la plainte sur un répondeur. Conformément à l’ordonnance du Ministre de la défense nationale, les plaintes peuvent être communiquées à l’Inspection générale par le biais de la ligne directe, comme indiqué ci‑dessus.

15.S’agissant des affaires qui entraînent la responsabilité pénale pour recours illicite à la force, l’ordonnance du commandant des forces armées concernant la communication d’informations prévoit que les actes criminels doivent être notifiés à l’officier de permanence de la police militaire immédiatement après que l’information pertinente a été reçue. Le règlement de la police militaire dispose que cette information doit être immédiatement transmise à l’enquêteur militaire, qui doit la vérifier sur‑le‑champ et ouvrir une enquête pénale. Les dispositions du Code de procédure pénale s’appliquent à la suite de la procédure, qui est donc soumise aux exigences prévues par le Code en matière de délais.

16.En cas de recours illicite à la force, qualifié d’infraction disciplinaire dans les forces armées, la sanction disciplinaire découle du règlement des forces armées relatif à la discipline militaire. La sanction disciplinaire est imposée par le commandant ou l’officier le plus gradé de la compagnie. Le règlement qualifie expressément d’infraction le fait d’agresser un militaire ou un civil en recourant à la force (art. 90 et 91). Le règlement prévoit également que le recours illicite à la force peut être constitutif d’autres infractions.

17.Conformément au règlement de l’Inspection générale adopté par le Ministre de la défense nationale, des rapports, des demandes ou des plaintes concernant des actes d’officiers de la défense nationale (les forces armées, notamment la police militaire) donnent lieu à des enquêtes de l’Inspection générale. L’Inspection générale contrôle également de quelle manière la sanction disciplinaire, telle que définie par le règlement ou d’autres règlements de discipline militaire, est exécutée dans le système de la défense nationale.

18.Le recours illicite à la force peut entraîner à la fois la responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire. La responsabilité pénale est engagée conformément aux dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale.

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