Nations Unies

CED/C/BOL/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

24 octobre 2019

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par l’État plurinational de Bolivie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par l’État plurinational de Bolivie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/BOL/1) à ses 297e et 301e séances (CED/C/SR.297 et 301), les 1er et 4 octobre 2019. À sa 310e séance (CED/C/SR.310), le 10 octobre 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’État plurinational de Bolivie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, et les renseignements qui y figurent. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures qui prises pour appliquer les dispositions de la Convention.

3.Le Comité remercie en outre l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/BOL/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/BOL/Q/1), qui ont été complétées par les réponses données oralement par la délégation pendant le dialogue et les renseignements supplémentaires communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié tous les instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et neuf des protocoles facultatifs s’y rapportant. Il note également avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5.Le Comité félicite également l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La création de la Commission de la vérité (loi no 879), en 2016 ;

b)L’adoption de la loi n° 458 sur la protection des plaignants et des témoins, le 19 décembre 2013 ;

c)L’inscription du crime de disparition forcée à l’article 229 bis du Code pénal, conformément à la loi n° 3326 de 2006 ;

d)L’adoption de la loi n° 2640 qui définit la procédure d’indemnisation des personnes contre lesquelles ont été commis des actes de violence politique entre 1964 et 1982, et de ses règlements d’application (décrets suprêmes nos 28015 du 22 février 2005 et 29214 du 2 août 2007) ;

e)La création du Conseil interinstitutionnel pour l’établissement de la vérité au sujet des disparitions forcées, en 2003, par le décret suprême no 27089.

6.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité considère qu’au moment de l’élaboration des présentes observations finales, la législation en vigueur, son application et l’action de certaines autorités n’étaient pas pleinement conformes aux obligations découlant de la Convention. Il encourage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif, l’objectif étant de faire en sorte que la législation en vigueur et la manière dont elle est appliquée par les pouvoirs publics soient pleinement conformes aux droits et obligations énoncés dans la Convention.

1.Renseignements d’ordre général

Communications émanant de particuliers ou d’États

8.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États (art. 31 et 32).

9. Le Comité encourage l’État partie à reconnaître sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États conformément aux articles 31 et 32 de la Convention.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Interdiction absolue de la disparition forcée

10.Le Comité prend note des chiffres fournis par l’État partie sur les disparitions forcées survenues entre 1964 et 1982. Il y relève cependant des lacunes et des incohérences et constate l’absence d’analyse des différentes catégories de victimes de disparition forcée, des causes et des facteurs qui entrent en jeu, ainsi que des caractéristiques des agissements constatés, alors que ces informations sont indispensables à l’élaboration d’une politique de prévention efficace (art. 1er).

11. Le Comité prie instamment l’État partie de créer un registre de tous les cas de disparition forcée survenus sur le territoire national. Ce registre devra rendre compte de tous les cas de disparition et recenser à la fois les personnes disparues qui ont été retrouvées, mortes ou vivantes, et celles qui sont toujours portées disparues.

Définition de la disparition forcée et peines appropriées

12.Le Comité se félicite de l’incorporation de l’infraction de disparition forcée dans le Code pénal, en 2006, au moyen de l’article 292 bis. Il est néanmoins préoccupé par le fait que l’expression « empêchant ainsi l’utilisation des voies de recours et des garanties procédurales » employée dans la définition en question pourrait être interprétée comme indiquant que l’intention (animus) est une condition nécessaire pour que l’infraction soit constituée et non qu’il peut s’agir d’une conséquence de ladite infraction. Il est également préoccupé par le fait que, contrairement à ce que prévoit la Convention, la législation pénale en vigueur ne reconnaît pas la double nature de la disparition forcée. Il prend note des peines minimales (cinq ans) et maximales (quinze ans) prévues pour l’infraction autonome de disparition forcée, mais constate avec préoccupation que la peine minimale n’est pas adaptée à l’extrême gravité de l’infraction et que la législation pénale ne prévoit pas les circonstances atténuantes et aggravantes visées au paragraphe 2  de l’article 7 de la Convention (art. 2, 4, 5 et 7).

13. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures juridiques et autres qui s’imposent pour :

a) Que l’expression « empêchant ainsi l’utilisation des voies de recours et des garanties procédurales » qui figure à l’article 292  bis du Code pénal soit considérée comme indiquant qu’il peut s’agir d’une conséquence de la commission de l’infraction de disparition forcée et non que l’intention ( animus ) est une condition nécessaire pour que l’infraction soit constituée, entre autres choses par une formation adéquate des juges et procureurs ;

b) Que soit reconnue la double nature de la disparition forcée, qui est à la fois une infraction autonome (art. 2) et un crime contre l’humanité (art. 5) ;

c) Que l’infraction de disparition forcée soit passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité ;

d) Que toutes les circonstances atténuantes et aggravantes prévues au paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention soient incluses dans la législation pénale.

Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques et devoir d’obéissance

14.Le Comité constate avec préoccupation que la législation pénale : a) ne prévoit pas la mise en jeu de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques dans les conditions établies au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention, ni la mise en jeu de la responsabilité d’autorités autres que les autorités militaires ; b) n’exclut pas expressément l’invocation du devoir d’obéissance pour justifier une disparition forcée (art. 6 et 23).

15. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la législation pénale :

a) Prévoie la responsabilité du supérieur hiérarchique dans les conditions établies au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention ;

b) Interdise expressément d’invoquer un ordre ou une instruction émanant d’un supérieur hiérarchique pour justifier une infraction de disparition forcée.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Compétence pour connaître de l’infraction de disparition forcée

16.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation pénale ne garantit pas l’exercice de la compétence de l’État partie dans les affaires de disparition forcée lorsque les faits ont été commis à l’étranger, comme le prévoient pourtant les alinéas b) et c) du paragraphe 1 de l’article 9 et le paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention, et ne dispose pas que l’État partie peut engager des poursuites pénales conformément à ce qui est prévu au paragraphe 1 de l’article 11 (art. 9 et 11).

17. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir pleinement l’exercice de la compétence des tribunaux boliviens pour toutes les infractions de disparition forcée, y compris celles commises à l’étranger contre des Boliviens ou des Boliviennes.

Enquête indépendante et impartiale

18.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation nationale n’exclut pas expressément la compétence des tribunaux militaires pour enquêter sur les allégations de disparition forcée commises par des militaires (art. 11).

19. Le Comité recommande à l’État partie de garantir que les enquêtes et les poursuites portant sur des infractions de disparition forcée dont pourraient être accusés des membres des forces armées soient confiées à des juges et des procureurs compétents, indépendants et impartiaux, n’ayant aucun lien institutionnel avec l’entité à laquelle appartiennent les personnes visées par les enquêtes et les poursuites en question.

Plaintes et enquêtes sur les cas de disparition forcée

20.Le Comité regrette de ne pas disposer d’informations officielles, claires et unifiées sur le nombre de plaintes reçues pour des disparitions forcées. Il est préoccupé par le faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour cette infraction, ainsi que par les informations reçues sur les obstacles à l’efficacité des enquêtes, y compris : a) le manque de coordination entre les autorités chargées d’enquêter sur les disparitions forcées ; b) l’insuffisance des ressources dont disposent les autorités compétentes ; c) les dispositions qui limitent l’accès des autorités compétentes, de la Commission de la vérité et du Bureau du Défenseur du peuple à l’information qui figure dans les archives concernant les forces armées ; d) l’absence de mesures dans l’ordre juridique interne visant à empêcher les auteurs présumés d’une disparition forcée d’influer sur le cours de l’enquête, y compris des mesures telles que la suspension des fonctions pendant l’enquête lorsque l’auteur présumé est un agent de l’État (militaire ou civil) (art. 1, 7, 12 et 24).

21. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer les enquêtes en cours concernant des disparitions forcées et de veiller à ce que tous les cas de disparition forcée donnent lieu sans retard à une enquête impartiale et à ce que, s’ils sont déclarés coupables, les auteurs présumés se voient infliger une peine proportionnée à l’extrême gravité de l’infraction, en faisant en sorte qu’aucune disparition forcée ne reste impunie ;

b) De veiller à ce que les autorités compétentes pour enquêter sur les disparitions forcées soient dotées des ressources humaines, financières et techniques dont elles ont besoin pour s’acquitter efficacement de leur tâche ;

c) De garantir dans la pratique l’accès à toutes les informations pertinentes, et en particulier aux informations qui figurent dans les archives concernant les forces armées ;

d) De veiller à ce qu’aucun agent de l’État soupçonné d’être coupable d’une disparition forcée, qu’il soit civil ou militaire, ne puisse influer sur le cours de l’enquête.

Protection des personnes qui signalent une disparition forcée ou participent à une enquête sur une disparition forcée

22.Le Comité prend note du Programme de protection des victimes, des témoins, des plaignants et des membres du ministère public et constate qu’aucune des personnes bénéficiant de ce programme n’est partie prenante aux procédures en cours pour des cas de disparition forcée. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu d’informations détaillées sur son application pratique et son efficacité (art. 12 et 24).

23. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’efficacité du système de protection des victimes, des témoins, des plaignants et des membres du ministère public et de le doter des ressources nécessaires à son bon fonctionnement.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Mécanismes d’expulsion, de refoulement, de remise et d’extradition

24.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation nationale n’interdit pas expressément l’expulsion, le refoulement, la remise ou l’extradition d’une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle pourrait être soumise à une disparition forcée. En outre, il regrette l’absence d’informations sur les critères appliqués et/ou les procédures suivies pour apprécier le risque qu’une personne soit soumise à une disparition forcée dans le pays de destination avant de décider de son expulsion, de son refoulement, de sa remise ou de son extradition (art. 13 et 16).

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Inscrire expressément dans la législation interne l’interdiction d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être victime de disparition forcée ;

b) S’assurer qu’il dispose de critères et de procédures clairs et précis pour déterminer si une personne courrait le risque d’être victime de disparition forcée dans le pays de destination et pour apprécier ce risque avant de procéder à son expulsion, son refoulement, sa remise ou son extradition et, si un tel risque existe, pour que cette personne ne soit pas expulsée, extradée, remise ou renvoyée.

Garanties juridiques fondamentales et registres des personnes privées de liberté

26.Compte tenu des informations reçues, le Comité est préoccupé par le fait que, dans la pratique, les détenus ne bénéficient pas toujours des garanties d’une procédure régulière, notamment de la possibilité de consulter un avocat ou de communiquer avec les membres de leur famille lorsqu’ils sont privés de liberté. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie, dans les renseignements qu’il a fournis, n’a pas suffisamment précisé quelles garanties sont limitées en cas de détention au secret (art. 17, 18, 19 et 20).

27. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir que toutes les personnes privées de liberté, y compris celles détenues au secret, aient, dès le début de leur privation de liberté, immédiatement accès à un avocat, et puissent communiquer avec leur famille ou toute autre personne de leur choix et pour que leur privation de liberté et le lieu où elles sont détenues soient notifiés à leur famille et à leurs proches.

28.Le Comité prend note de l’existence du Système d’information pénitentiaire bolivien (SIPENBOL), qui est en train d’être mis en place, et du système informatique du Tribunal suprême de justice (TULLIANUS). Il regrette toutefois l’absence d’informations concernant l’existence de registres des personnes privées de liberté en dehors du système pénitentiaire et est préoccupé par le fait que tant que la mise en place du système SIPENBOL n’aura pas été achevée, les registres existants ne comporteront pas toutes les informations visées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention. Le Comité regrette également de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur les dispositions régissant l’obligation d’enregistrer toute privation de liberté, ainsi que sur les sanctions prévues dans les cas où un fonctionnaire n’enregistre pas une privation de liberté, enregistre des informations incorrectes ou inexactes, refuse de fournir des informations sur une privation de liberté ou fournit des informations inexactes. (art. 17, 20 et 22).

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que :

a) Tous les cas de privation de liberté, sans exception, soient consignés dans des registres officiels et/ou des dossiers tenus à jour et comportant au moins les informations requises par le paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention ;

b) Le non-respect de l’obligation d’enregistrer toute privation de liberté, l’enregistrement d’informations incorrectes ou inexactes, le refus de fournir des informations sur une privation de liberté ou la fourniture d’informations inexactes soient punis.

Formation à la Convention

30.Le Comité prend note du fait qu’une formation aux droits de l’homme est dispensée à certains agents de l’État, mais relève que celle-ci ne comprend pas un enseignement régulier et spécifique sur les dispositions de la Convention (art. 23).

31. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts de formation dans le domaine des droits de l’homme et, en particulier, de veiller à ce que l’ensemble du personnel militaire ou civil chargé de l’application des lois, du personnel médical, des fonctionnaires et des autres personnes susceptibles d’intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, tels que les juges, les procureurs et les autres fonctionnaires responsables de l’administration de la justice, reçoive régulièrement une formation portant spécifiquement sur les dispositions de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l’article 23 de cet instrument.

5.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 24 et 25)

Définition de la victime

32.Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 292 bis du Code pénal et la loi no 2640 ne considèrent comme victimes que les personnes disparues et les personnes qui en sont veuves ou héritières. Il regrette en outre de ne pas avoir reçu de renseignements sur les conditions et procédures en vigueur pour qu’une victime de disparition forcée soit reconnue comme telle en dehors du contexte de la dictature, notamment sur la question de savoir s’il est nécessaire d’engager des poursuites pénales.

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que la définition de la victime énoncée dans la législation nationale soit conforme au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, afin que toute personne, sans exclusion, qui a subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée puisse exercer les droits énoncés dans la Convention.

Droit à la vérité et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

34.Le Comité est préoccupé par le fait que la Commission de la vérité ne dispose pas de ressources suffisantes pour mener à bien ses activités d’enquête sur les disparitions forcées. Il est également préoccupé par le nombre élevé de demandes déclarées irrecevables par la Commission nationale d’indemnisation des victimes de violence politique et la Commission technique de qualification, ainsi que par l’application restrictive des critères établis par le règlement d’application de la loi no 2640, ce qui pourrait avoir privé un grand nombre de victimes de disparition forcée de la possibilité d’obtenir réparation. Il s’inquiète en outre de ce que les réparations accordées aux victimes ne comprennent pas tous les éléments prévus au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention, et de ce que seulement 20 % du montant devant être accordé aux victimes a été versé. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures visant à garantir une réparation aux victimes des disparitions forcées qui pourraient être commises aujourd’hui (art. 24).

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Garantir que la Commission de la vérité dispose des ressources financières, humaines et techniques nécessaires pour mener à bien ses activités d’enquête sur les disparitions forcées ;

b) Garantir que toute victime de disparition forcée, que celle-ci se soit produite au cours de la période 1964 ‑1982 ou ultérieurement, puisse obtenir pleine réparation ;

c) Garantir à toutes les victimes de disparition forcée le paiement dans son intégralité du montant fixé par la loi ;

d) Garantir que le système de réparation tienne compte de la situation de chaque victime, par exemple de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de son origine ethnique, de sa situation sociale et de son handicap, et qu’il soit pleinement conforme aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention.

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé

36.Le Comité considère qu’un système de détermination de la situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé tel que celui prévu par les articles 32 et 39 et suivants du Code civil, qui oblige à déclarer l’absence et éventuellement le décès de la personne disparue, ne tient pas suffisamment compte de la complexité des disparitions forcées (art. 24).

37. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour régler, conformément au paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention, la situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé ou dont on ignore où elles se trouvent, ainsi que celle de leurs proches, dans des domaines tels que la protection sociale, le droit de la famille et les droits de propriété, sans qu’il soit besoin de déclarer la mort présumée de la personne disparue. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à prévoir dans sa législation une déclaration d’absence pour disparition forcée.

Recherche de personnes disparues et restitution de dépouilles mortelles

38.Le Comité est préoccupé par le peu de progrès accomplis dans la recherche des personnes disparues dont on ignore où elles se trouvent, ainsi que dans l’identification et la restitution des restes. De même, il regrette l’absence d’informations concernant l’existence d’un dispositif permettant de rechercher immédiatement et à titre d’urgence les personnes qui pourraient, aujourd’hui, être soumises à une disparition forcée. Il regrette en outre que la création d’une banque de données génétiques présentant toutes les garanties prévues par la Convention n’ait pas abouti (art. 19 et 24).

39. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour rechercher, retrouver et libérer toutes les personnes disparues et, lorsqu’une personne est retrouvée sans vie, pour restituer dignement sa dépouille mortelle. Il devrait, en particulier :

a) Garantir, dans la pratique, que lorsqu’une disparition est signalée, des recherches soient engagées d’office et sans délai ;

b) Veiller à ce que les recherches soient menées par les autorités compétentes, avec la participation des proches de la personne disparue, s’ils le souhaitent ;

c) Continuer de s’employer à créer une banque de données génétiques qui permette de conserver les informations génétiques contenues dans les restes trouvés afin que celles-ci puissent être comparées aux informations génétiques des familles de personnes disparues et faciliter l’identification de ces personnes ;

d) Garantir la coordination, la coopération et l’échange effectifs de données entre les divers organes chargés de la recherche des personnes disparues, de l’identification des restes des personnes retrouvées sans vie et de la remise de ceux-ci à leurs proches.

Législation relative à la soustraction d’enfant

40.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de renseignements sur les mesures prévues en droit interne pour prévenir et réprimer les actes visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention et pour rendre les enfants visés au paragraphe 1 a) de l’article 25 à leur famille d’origine (art. 25).

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir sa législation pénale en vue d’ériger en infractions distinctes les actes visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention et de prévoir pour ces infractions des peines appropriées, qui tiennent compte de leur extrême gravité ;

b) De mettre en place des procédures spécifiques pour rendre à leur famille d’origine les mineurs visés au paragraphe 1 a) de l’article 25 ;

c) De mettre en place des procédures spécifiques permettant de réexaminer et, s’il y a lieu, d’annuler à tout moment toute adoption ou toute mesure de placement ou de tutelle qui trouve son origine dans une disparition forcée, et de rétablir la véritable identité de l’enfant concerné, en tenant compte de l’intérêt supérieur de celui-ci.

D. Diffusion et suivi

42. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents.

43. Le Comité tient à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits humains des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d’une personne disparue sont particulièrement susceptibles d’être gravement défavorisées sur les plans économique et social, et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d’une disparition forcée, qu’ils y soient soumis eux-mêmes ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition d’un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l’État partie, de suivre des approches qui tiennent compte des questions de genre et des besoins des enfants lorsqu’il met en œuvre les droits et obligations énoncés dans la Convention.

44. L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l’État partie à promouvoir la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à l’action menée pour donner suite aux présentes observations finales.

45. Conformément au Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à communiquer, le 11 octobre 2020 au plus tard, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 27 (garanties fondamentales), 29 (registres) et 39 (recherche de personnes disparues) des présentes observations finales.

46. En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 11 octobre 2025, des informations précises et à jour sur la mise en œuvre de toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau concernant l’exécution des obligations énoncées par la Convention, dans un document établi conformément aux prescriptions énoncées au paragraphe 39 des Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie à continuer de consulter la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, dans le cadre de la compilation de ces informations.