Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/KOR/CO/328 novembre 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

Comité des droits de l’homme Quatre-vingt-huitième session Genève, 16 octobre-3 novembre 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

RÉPUBLIQUE DE CORÉE

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique de la République de Corée (CCPR/C/KOR/2005/3) à ses 2410e et 2411e séances (CCPR/C/SR.2410 et 2411), les 25 et 26 octobre 2006, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2422e séance (CCPR/C/SR.2422), le 2 novembre 2006.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation par la République de Corée de son troisième rapport périodique, qui a été établi conformément à ses directives. Il prend acte avec satisfaction de la participation d’une délégation de haut niveau et du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation, qui a répondu oralement et par écrit aux questions qu’il a posées.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la mise en place de la Commission nationale des droits de l’homme, qui a été créée en 2001 conformément aux Principes de Paris.

4.Le Comité note avec satisfaction les initiatives prises pour promouvoir la non‑discrimination à l’égard des femmes, notamment la création d’un ministère de l’égalité entre les sexes et l’adoption d’un plan de base pour la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et d’un système de taux cible pour le recrutement des femmes.

5.Le Comité se félicite des mesures visant à combattre la violence domestique, en particulier de la nomination de procureurs spéciaux chargés des infractions de ce type.

6.Le Comité se félicite également de l’adoption par l’Assemblée nationale en mars 2005 d’un amendement au Code civil, qui prévoit l’abolition du système du chef de famille et qui entrera en vigueur en 2008.

C. Principaux domaines de préoccupation et recommandations

7.Le Comité demeure préoccupé par l’absence, au niveau national, de mesures pour donner effet aux constatations adoptées par le Comité à l’issue de l’examen de communications concernant la République de Corée.

Une fois que le Comité a adopté ses constatations, l’État partie devrait leur donner immédiatement effet.

8.Le Comité note que l’État partie a annoncé son intention de retirer sa réserve au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte; il regrette toutefois qu’il ait l’intention de maintenir sa réserve à l’article 22.

L’État partie est invité à retirer sa réserve au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il est également encouragé à retirer sa réserve à l’article 22.

9.Tout en prenant acte des projets de loi antiterroriste qu’examine actuellement la Commission de la législation et des affaires judiciaires, le Comité regrette qu’il n’ait pas reçu suffisamment d’informations sur la législation antiterroriste en vigueur ou proposée et qu’aucune définition du terrorisme n’ait été fournie (art. 2, 9, 10, 13, 14, 17 et 26).

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les mesures législatives antiterroristes et autres mesures connexes soient en conformité avec le Pacte; en particulier les règles nationales concernant l’interception des communications, les perquisitions, la détention et les expulsions devraient être strictement conformes aux dispositions applicables du Pacte. L’État partie devrait incorporer une définition des «actes terroristes» à sa législation.

10.Le Comité demeure préoccupé par le nombre élevé de femmes employées dans de petites entreprises, qui sont classées dans la catégorie des surnuméraires. Il juge aussi préoccupant qu’elles soient sous-représentées aux postes politiques, juridiques et judiciaires de haut niveau (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait prendre les mesures juridiques et pratiques requises pour assurer une participation plus large et plus effective des femmes dans les domaines politique, juridique et économique. En outre, des initiatives devraient être prises pour augmenter la représentation des femmes aux postes de haut niveau à l’Assemblée nationale et dans le système judiciaire.

11.Le Comité note avec regret qu’en dépit des différents programmes et mesures visant à combattre la violence familiale, il y a peu de progrès dans les efforts visant à poursuivre et à punir les auteurs. Il constate avec préoccupation l’absence de dispositions législatives expresses sur la violence familiale, y compris le viol conjugal, dans la législation de l’État partie (art. 3, 7 et 26).

L’État partie devrait évaluer l’efficacité des mesures prises pour combattre la violence familiale. Le Comité lui recommande de réformer sa législation pénale pour ériger le viol conjugal en infraction pénale. Les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi, en particulier les agents de police, devraient recevoir la formation requise pour pouvoir faire face aux cas de violence familiale, et les efforts de sensibilisation du public devraient se poursuivre.

12.Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants sont en butte à un traitement discriminatoire et à des abus persistants sur les lieux de travail et ne bénéficient pas d’une protection et de mesures de réparation suffisantes. La confiscation et la rétention des pièces d’identité officielles de ces travailleurs est aussi un sujet de préoccupation (art. 2, 22 et 26).

L’État partie devrait garantir aux travailleurs migrants la jouissance des droits consacrés par le Pacte sans discrimination. À cet égard, il devrait veiller particulièrement à leur garantir l’égalité d’accès aux services sociaux et à l’éducation, ainsi que le droit de créer des syndicats, et à leur assurer des moyens de réparation adéquats.

13.Le Comité est préoccupé par des allégations de torture ou d’autres formes de mauvais traitements dans les lieux de détention. En outre, il regrette la persistance de certaines formes de sanctions disciplinaires, en particulier l’utilisation de menottes, de chaînes et de masques, et le prolongement de la sanction par la mise à l’isolement pendant des périodes successives de 30 jours apparemment illimitées. À ce propos, le Comité est également préoccupé par le fait qu’il n’y a pas d’enquête approfondie sur ces allégations et que les fonctionnaires responsables de ces pratiques ne sont pas dûment sanctionnés (art. 7 et 9).

L’État partie devrait prendre les mesures requises pour prévenir toutes les formes de mauvais traitements infligés par les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi dans tous les lieux de détention, y compris les hôpitaux psychiatriques. Les mesures en question devraient inclure des enquêtes par des organes indépendants, une inspection indépendante des installations et l’enregistrement vidéo des interrogatoires. L’État partie devrait poursuivre les auteurs de tels actes et faire en sorte que leur soient infligées des peines à la mesure de la gravité des actes commis et assurer des voies de recours utiles aux victimes pour leur permettre d’obtenir réparation. En outre, l’État partie devrait faire cesser les mesures disciplinaires sévères et cruelles, en particulier l’utilisation de menottes, de chaînes et de masques et la mise à l’isolement pendant des périodes successives illimitées de 30 jours.

14.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie porte atteinte au droit de toute personne accusée d’une infraction pénale d’être assistée d’un défenseur pendant sa détention avant-jugement, du fait en particulier que la communication avec un conseil n’est autorisée que pendant l’interrogatoire et que même alors, les policiers peuvent ne pas l’accepter au motif que cela nuirait à l’enquête, que cela serait un moyen d’aider un prévenu en fuite ou que cela compromettrait l’obtention d’éléments de preuve. En outre, le droit de communiquer avec un conseil n’est pas prévu dans le cas des personnes internées contre leur gré dans des établissements de soins psychiatriques (art. 9).

L’État partie devrait garantir l’accès immédiat à un conseil, quelle que soit la forme de détention.

15.Le Comité est préoccupé par la procédure d’arrestation urgente en vertu de laquelle des personnes appréhendées sans mandat d’arrêt peuvent être détenues pendant 48 heures. Il est en particulier préoccupé par les informations faisant état d’un recours excessif et abusif à cette procédure (art. 7, 9 et 10).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures requises pour restreindre le recours à la procédure d’arrestation urgente et garantir les droits des personnes détenues dans le cadre de cette procédure, conformément à l’article 9 du Pacte. En particulier, le Comité demande instamment à l’État partie d’adopter rapidement les amendements connexes au Code de procédure pénale dont est saisie l’Assemblée nationale.

16.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les personnes détenues aux fins d’une enquête ou en application d’un mandat d’arrestation ne jouissent pas automatiquement du droit d’être présentées rapidement à un juge pour que soit contrôlée la légalité de leur détention, conformément au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte, compte tenu en particulier de la durée excessive de la détention avant jugement autorisée par la loi (30 jours dans les cas ordinaires et 50 dans ceux tombant sous le coup de la loi sur la sécurité nationale) (art. 9).

L’État partie est prié instamment de modifier sa législation pour y garantir la protection due aux personnes arrêtées ou détenues suite à des accusations pénales, comme le prévoit l’article 9 du Pacte. En particulier, il devrait faire en sorte que toute détention soit rapidement contrôlée par la justice.

17.Le Comité est préoccupé par le fait: a) que, conformément à la loi sur le service militaire de 2003, la peine encourue en cas de refus d’effectuer le service militaire actif est un emprisonnement d’une durée pouvant aller jusqu’à trois ans et qu’il n’existe pas de limite législative au nombre de fois que ces personnes peuvent être appelées et soumises à de nouvelles sanctions; b) que les personnes qui n’ont pas effectué leur service militaire ne peuvent occuper des emplois dans l’administration ou les organismes publics et c) que les objecteurs de conscience condamnés sont stigmatisés du fait de leur casier judiciaire (art. 18).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour reconnaître le droit des objecteurs de conscience d’être exemptés du service militaire. Il est encouragé à aligner sa législation sur l’article 18 du Pacte. Le Comité appelle, à cet égard, son attention sur le paragraphe 11 de son observation générale n o  22 (1993) relative à l’article 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion).

18.Le Comité prend note des tentatives effectuées ces dernières années pour modifier la loi sur la sécurité nationale et de l’absence de consensus quant à la prétendue nécessité de la maintenir pour des raisons de sécurité nationale. Il est préoccupé toutefois par le fait que des poursuites continuent d’être engagées, en particulier au titre de l’article 7 de cette loi. Les restrictions auxquelles est soumise la liberté d’expression au titre des dispositions de cet article ne sont pas conformes aux exigences du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte (art. 19).

L’État partie devrait revoir d’urgence la compatibilité de l’article 7 de la loi sur la sécurité nationale et des peines infligées au titre de cet article avec les prescriptions du Pacte.

19.Le Comité est préoccupé par le nombre important de hauts fonctionnaires qui ne sont pas autorisés à créer des syndicats ou à adhérer à des syndicats et par la réticence de l’État partie à reconnaître certains syndicats, en particulier l’Union des employés publics du Gouvernement coréen (art. 22).

L’État partie devrait revoir sa position à l’égard des droits d’association des hauts fonctionnaires et entamer un dialogue avec les représentants des 76 000 membres de l’Union des employés du Gouvernement coréen en vue d’assurer l’exercice de leur droit d’association.

20.Le Comité note les efforts de l’État partie pour sensibiliser davantage le public aux droits de l’homme consacrés par le Pacte mais constate cependant avec préoccupation que ces efforts restent limités.

L’État partie devrait intégrer l’éducation dans le domaine des droits de l’homme dans les programmes de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur et professionnel et, en particulier, dans les programmes de formation des fonctionnaires chargés d’appliquer la loi.

21.Le Comité invite instamment l’État partie à diffuser les présentes observations finales en langue coréenne auprès du grand public, ainsi que des autorités législatives, judiciaires et administratives. Il demande aussi à l’État partie de diffuser largement son prochain rapport périodique auprès du grand public, y compris la société civile et les organisations non gouvernementales présentes en République de Corée.

22.Le Comité fixe au 2 novembre 2010 la date de la présentation du quatrième rapport périodique de la République de Corée. Il demande que les présentes observations finales soient publiées et largement diffusées auprès du grand public, ainsi que des autorités judiciaires, législatives et administratives.

23.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, la République de Corée devrait présenter dans un délai d’une année des informations sur la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 12, 13 et 18 du présent document. En outre, le Comité invite la République de Corée à inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les autres recommandations et sur l’application du Pacte en général.

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