Nations Unies

CRPD/C/19/D/19/2014

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

29 mars 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5du Protocole facultatif, concernant la communication no 19/2014 * , **

Communication p résentée par:

Fiona Given (représentée par un conseil, Phillip French, Australian Centre for Disability Law)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Australie

Date de la communication:

27 novembre 2013 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 10 février 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de s constatations:

16 février 2018

Objet :

Droit de voter à bulletin secret

Questions de procédure :

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs

Questions de fond:

Obligations générales au titre de la Convention ; égalité et non-discrimination ; accessibilité et participation à la vie politique et à la vie publique

Article de la Convention :

4 (par. 1 a), b), d), e) et g)), 5 (par. 2 et 3), 9 et 29 a) i), ii) et iii)

Article du Protocole facultatif :

2 d) et e)

1.L’auteure de la communication est Fiona Given, de nationalité australienne, née en 1978. Elle affirme être victime de violations par l’État partie de l’alinéa a) i), ii) et iii) de l’article 29, lus seuls et conjointement avec les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, les paragraphes 2 et 3 de l’article 5 et l’article 9 de la Convention. Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention est entré en vigueur le 19 septembre 2009 pour l’État partie. L’auteure est représentée par un conseil, Phillip French.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancéspar les parties

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure est atteinte d’une informité motrice cérébrale et, de ce fait, présente des troubles (contrôle musculaire, dextérité) et est privée de la parole. Elle se déplace en fauteuil roulant électrique et a recours à un dispositif de synthèse électronique de la parole pour communiquer.

2.2Le 7 septembre 2013 se sont tenues, dans les États et territoires de l’État partie, des élections fédérales pour élire les membres de la Chambre des Représentants et des membres du Sénat. Selon la loi électorale du Commonwealth de 1918, la Commission électorale australienne (la Commission électorale) est l’autorité responsable du bon déroulement des élections et des référendums dans l’État partie. La Commission électorale a organisé l’élection fédérale de 2013 en prévoyant la possibilité pour les personnes présentant des déficiences visuelles de voter par correspondance, dans les bureaux de vote et au moyen de dispositifs d’assistance électronique, conformément à la loi électorale.

2.3Le jour des élections, l’auteure a souhaité voter à bulletin secret dans des conditions d’égalité avec les autres électeurs. Toutefois, en raison de ses troubles de la dextérité, elle a été dans l’impossibilité de cocher un bulletin de vote, de le plier et de le déposer dans l’urne sans l’assistance d’une tierce personne, assistance qui aurait compromis la confidentialité de son vote. Elle fait valoir que, pour pouvoir voter en toute indépendance et dans le secret, elle a besoin d’avoir accès à un dispositif de vote électronique, tel qu’une interface sur ordinateur. Elle fait observer qu’elle utilise couramment des technologies d’adaptation qui lui permettent de se servir d’un clavier d’ordinateur et d’un écran en toute indépendance, sans avoir besoin d’une tierce personne. Avant le jour du scrutin, l’auteure a lu de la documentation de la Commission électorale portant sur les possibilités de vote. Elle en a déduit que, selon la loi électorale, le dispositif d’assistance électronique pour le vote ne serait offert qu’aux personnes présentant des déficiences visuelles ayant été enregistrées comme telles.

2.4Le 7 septembre 2013, l’auteure s’est rendue, avec son accompagnant, au bureau de vote de la Commission électorale, dans la circonscription électorale de Sydney Nord. En l’absence de dispositif de vote électronique, l’auteure a choisi d’exercer, en application de l’article 234 de la loi électorale, son droit en tant que personne en situation de handicap physique à demander l’assistance de la présidente du bureau de vote pour cocher les bulletins de vote selon les instructions qu’elle lui donnerait, plier les bulletins et les déposer dans l’urne. Toutefois, la présidente du bureau de vote n’a pas accédé à cette demande, disant qu’elle était « trop occupée » pour cela, et a invité l’auteure à demander à la personne qui l’accompagnait de l’aider. L’auteure a tenté de répondre, au moyen de son dispositif électronique de communication, qu’elle ne souhaitait pas dévoiler ses intentions de vote à son accompagnant, avec lequel elle était obligée d’être, en permanence, en contact. La présidente du bureau de vote a insisté pour que l’auteure se fasse aider de son accompagnant pour voter, ce que cette dernière a fini par faire à contrecœur. En l’absence d’accès à un dispositif de vote électronique, l’auteure aurait préféré se faire assister d’un responsable du bureau de vote, qui lui était étranger, solution qui toutefois aurait été contestable sachant qu’elle ne lui aurait pas permis de voter à bulletin secret.

2.5L’auteure fait valoir qu’elle n’a pas accès à un recours interne utile pour remédier aux violations de ses droits par l’État partie. La loi de 1992 sur la discrimination fondée sur le handicap et la loi antidiscrimination de 1977 de Nouvelle-Galles du Sud interdisent la discrimination fondée sur le handicap dans des domaines précis de la vie publique, sous réserve de certaines exceptions. Cela étant, l’auteure fait valoir qu’elle n’aurait eu aucune chance d’obtenir gain de cause si elle avait contesté le fait qu’elle n’avait pas accès à une plate-forme de vote électronique en vertu de ces lois, puisque la loi électorale dispose sans ambiguïté que la Commission électorale ne peut mettre le vote électronique qu’à disposition des personnes présentant des déficiences visuelles. L’auteure ajoute que toute plainte faisant état de discrimination fondée sur le handicap au titre de la loi sur la discrimination fondée sur le handicap ou de la loi antidiscrimination, portant sur le refus de la présidente du bureau de vote de lui prêter assistance, n’aurait eu aucune chance d’aboutir, sachant que l’article 234 de la loi électorale dispose que le président du bureau de vote doit prêter assistance à l’électeur qualifié si ce dernier ne parvient pas à désigner une tierce personne, et non pas s’il en fait simplement la demande.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure fait valoir que les droits qu’elle tient de l’alinéa a) i), ii) et iii) de l’article 29, lus seuls et conjointement avec les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, des paragraphes 2 et 3 de l’article 5 et de l’article 9 de la Convention, ont été violés, l’État partie n’ayant pas fait en sorte qu’elle, en tant que personne handicapée, puisse effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique dans des conditions d’égalité avec les autres personnes. En particulier, l’auteure affirme que l’État partie a violé ses droits puisqu’il l’a privée de l’exercice de ses droits à disposer de procédures et installations de vote accessibles, à voter à bulletin secret au moyen de technologies d’assistance et à obtenir l’assistance de la personne de son choix pour voter.

3.2L’auteure fait également valoir que les droits reconnus à l’article 29 de la Convention découlent, notamment, de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu’ils étaient réalisables immédiatement dès l’entrée en vigueur de la Convention dans l’État partie.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 17 décembre 2014, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il fait observer que, excepté pour ce qui est du grief soulevé au titre de l’alinéa a) ii) de l’article 29, la plainte de l’auteure devrait être déclarée irrecevable pour défaut d’épuisement des voies de recours internes comme exigé à l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif ou pour défaut de fondement des allégations conformément à l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif. Dans l’éventualité où le Comité déclarerait la communication de l’auteure recevable, l’État partie soutient que les griefs ne sont pas fondés et que les droits de l’auteure au titre de la Convention ont été respectés.

4.2L’État partie admet que l’auteure est une personne handicapée au sens de la Convention et qu’elle relève de la juridiction de l’État partie. Il admet également que le comportement dont l’auteure s’est plainte est survenu après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif dans l’État partie.

4.3L’État partie fait observer que l’exigence d’épuisement de tous les recours internes disponibles signifie que l’auteur d’une communication doit se prévaloir de tous les moyens judiciaires ou administratifs qui lui offrent des chances raisonnables d’obtenir réparation. L’État partie fait observer que, selon l’auteure, les seules lois nationales à disposition sur lesquelles elle pouvait s’appuyer pour ses allégations de discrimination sont la loi de 1992 sur la discrimination fondée sur le handicap et la loi antidiscrimination de 1977, mais elle n’aurait eu aucune chance d’obtenir gain de cause si elle avait formé un recours au titre de ces lois dans l’État partie. Il affirme aussi que l’auteure n’a pas déterminé la façon dont il aurait pu être remédié à la violation présumée, et fait observer que, une fois le scrutin clos, aucun recours, pas même auprès du Comité, n’aurait pu réparer la violation présumée, le moment pour l’auteure de voter étant révolu. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme et fait observer que le Comité a estimé qu’il appartient à l’auteur d’une communication d’exercer les recours disponibles, tout en précisant que de simples doutes quant à l’efficacité des recours internes ne dispensent pas l’auteur d’exercer les recours en question. L’État partie fait observer en outre que l’auteure n’a pas laissé entendre qu’elle ne dispose pas des moyens financiers voulus pour exercer les recours internes. Il relève toutefois, que, même si cela était le cas, l’insuffisance de moyens financiers ne dispense pas un auteur de l’obligation d’épuiser tous les recours internes disponibles conformément à l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4L’État partie ne remet pas en question l’argument de l’auteure selon lequel il ne lui a pas été possible de contester directement les dispositions de la loi électorale au titre de la loi sur la discrimination fondée sur le handicap, ou de tout autre texte de loi, en ce qui concerne son grief spécifique tiré de l’alinéa a) i) de l’article 29, à savoir que l’État partie n’a mis à disposition aucune installation de vote accessible et adaptée aux utilisateurs, ou son grief tiré de l’alinéa a) ii) de l’article 29, à savoir que l’État partie doit protéger le droit des personnes handicapées de voter à bulletin secret. L’État partie affirme toutefois que l’auteure n’a pas épuisé les recours internes pour ce qui est de ses griefs qu’elle tire de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention.

4.5En ce qui concerne des griefs de l’auteure au sujet du comportement de la présidente du bureau de vote, tirés de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention, l’État partie soutient que l’auteure aurait dû saisir les juridictions nationales au titre de la loi de 1977 sur le contrôle juridictionnel des décisions administratives (Administrative Decisions (Judicial Review) Act). Ce texte de loi du Commonwealth codifie la common law australienne et permet aux personnes lésées par une décision administrative de saisir le Tribunal fédéral de circuit (Federal Circuit Court) ou la Cour fédérale (Federal Court) d’Australie pour former un recours pour l’un des motifs énoncés à l’article 5 de ladite loi. L’instance ainsi saisie aurait alors pu, au titre de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 16 de la loi, rendre une ordonnance établissant les droits des parties eu égard aux questions soulevées. L’État partie fait également observer que l’article 234 de la loi électorale dispose que, lorsque le président du bureau de vote a acquis la certitude qu’un électeur est physiquement handicapé au point de ne pas pouvoir voter sans assistance, il autorise alors une personne désignée par l’électeur pour aider celui-ci à prendre part au vote. En outre, lorsque l’électeur ne désigne personne pour l’aider à voter, le président du bureau de vote se doit alors de lui prêter assistance.

4.6L’État partie fait valoir que la version des faits donnée par l’auteure au sujet du comportement de la présidente du bureau de vote le jour du scrutin n’a pas été étayée. Il soutient que, à supposer que la version des faits donnée par l’auteure soit exacte, la présidente du bureau de vote pourrait alors avoir manqué à ses devoirs au titre de l’article 234 de la loi électorale. Il relève que la présidente du bureau de vote, si elle avait acquis la certitude du handicap physique de l’auteure, était tenue, de par la loi, de permettre à une personne désignée par l’auteure d’aider cette dernière à voter, ou bien d’aider l’auteure à voter par elle-même. L’État partie précise que, conformément à l’article 234, les électeurs n’ont aucune obligation de désigner quelqu’un pour les aider. Lorsqu’ils ne désignent personne, le président du bureau de vote doit leur prêter assistance. L’État partie indique que, sur la base des faits tels que décrits par l’auteure, la présidente du bureau de vote avait l’obligation d’aider l’auteure à voter. L’État partie affirme que l’auteure n’a pas épuisé les recours internes puisqu’elle n’a pas saisi le Tribunal fédéral de circuit ou la Cour fédérale d’Australie aux fins de la révision de la décision concernant le comportement de la présidente du bureau de vote.

4.7L’État partie affirme en outre que des recours non judiciaires utiles, qui étaient aussi à la disposition de l’auteure pour ce qui était de la violation présumée au regard de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention, auraient dû être utilisés avant d’adresser une communication au Comité, en l’occurrence pour saisir d’une plainte : a) la Commission électorale, au sujet du comportement de la présidente du bureau de vote ; b) le responsable du scrutin pour la circonscription ; ou c) le responsable de la salle de vote. L’État partie fait observer que tant le responsable du scrutin pour la circonscription que le responsable de la salle de vote sont tenus de consigner tout incident pouvant survenir le jour du scrutin, notamment les plaintes dont ils sont saisis. L’État partie fait aussi observer que la Commission électorale a contacté le responsable du scrutin pour la circonscription, le responsable de la salle de vote et son assesseur, qui étaient présents dans le bureau où l’auteure a voté le 7 septembre 2013, et qu’aucun des trois ne se souvient que l’auteure ait demandé assistance le jour du scrutin. L’État partie affirme que si l’auteure s’était plainte le jour du scrutin, en recourant à des technologies d’assistance ou par l’intermédiaire de son accompagnant, il aurait été possible d’offrir un recours utile pour sa plainte au titre de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention. De plus, l’État partie affirme que l’auteure aurait également pu déposer plainte pour discrimination fondée sur le handicap auprès de la Commission australienne des droits de l’homme. La Commission est habilitée à instruire les plaintes pour discrimination déposées au titre de diverses lois, dont la loi sur la discrimination fondée sur le handicap, et à tenter de régler les plaintes par la conciliation lorsque cela est possible. Si la Commission ne parvient pas à résoudre l’affaire à l’amiable, elle peut la clore. Le plaignant peut alors engager une procédure auprès du Tribunal fédéral de circuit ou de la Cour fédérale d’Australie. Les tribunaux fédéraux peuvent rendre diverses ordonnances, notamment une ordonnance d’excuses et une ordonnance déclarant que le défendeur a commis une discrimination illégale et enjoignant au défendeur de ne pas répéter ou poursuivre cette discrimination illégale. L’État partie affirme donc que, pour ce qui concerne sa plainte au titre de l’alinéa a) iii) de l’article 29, l’auteure n’a pas épuisé les recours judiciaires et non judiciaires à sa disposition et que, par conséquent, sa plainte n’est pas recevable.

4.8L’État partie fait en outre observer qu’à l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif, il est fait obligation au Comité de déclarer irrecevable toute communication qui est manifestement mal fondée ou insuffisamment motivée. À cet égard, l’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme, selon laquelle une plainte n’est pas simplement une allégation : c’est une allégation étayée par une certain nombre d’éléments de preuve fournis à l’appui ; et selon laquelle l’auteur doit étayer suffisamment sa plainte afin d’établir que son affaire est à première vue recevable. L’État partie affirme que, excepté les griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) ii) de l’article 29 de la Convention, tous ses autres griefs sont insuffisamment étayés au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif et devraient être déclarés irrecevables. Plus précisément, l’État partie indique que l’auteure n’a pas apporté : a) un quelconque élément de preuve ou de démonstration à l’appui de ses griefs tirés de l’article 5, puisqu’elle n’a pas expliqué en quoi le traitement à son égard était constitutif de discrimination ; b) un quelconque élément de preuve ou de démonstration à l’appui de ses griefs tirés de l’article 9, excepté la mention de l’absence de solutions permettant aux personnes présentant le même handicap qu’elle de voter électroniquement ; c) un quelconque élément de preuve ou de démonstration à l’appui de ses griefs tirés de l’alinéa a) i) de l’article 29 ; d) un quelconque élément de preuve ou de démonstration à l’appui de sa version des faits survenus le 7 septembre 2013, qui se rapportent à l’allégation de violation de l’alinéa a) iii) de l’article 29 ; et e) un quelconque élément de preuve ou de démonstration à l’appui de ses griefs tirés de l’article 4.

4.9Dans ses observations sur le fond de la communication, l’État partie fait observer que la loi électorale prévoit que le scrutin puisse se dérouler par correspondance, en des bureaux de vote et au moyen de dispositifs de vote électronique pour les personnes présentant des déficiences visuelles. Le vote est à caractère obligatoire et, par convention, tous les citoyens australiens ont le droit et les moyens de voter à bulletin secret. En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) i) de l’article 29 de la Convention, les personnes handicapées ont accès à tout un éventail de solutions accessibles et appropriées pour voter, selon la loi électorale. La Stratégie de la Commission électorale en faveur de l’inclusion des personnes handicapées, pour la période 2012-2020, comporte des objectifs de résultats qui visent à maximiser l’accès des électeurs aux services et aux lieux de vote. À cette fin, la Commission mène un programme d’inspection des lieux de vote. Lors des élections fédérales de 2013, l’Australie comptait 7 697 lieux de vote, dont 11,8 % étaient pleinement accessibles aux personnes handicapées et 70,2 % étaient dotés d’un dispositif d’aide aux personnes handicapées. La Commission veille à ce que les documents et informations diffusés et mis à disposition avant chaque élection indiquent clairement l’emplacement des bureaux de vote dotés d’un dispositif intégral ou partiel pour l’accès des personnes handicapées. Selon la Stratégie, l’un des résultats escomptés est également l’amélioration de l’accessibilité et des services d’information en ligne. Sur le site Web de la Commission se trouvent des informations sur l’inscription sur les listes électorales et le déroulement du scrutin, à disposition dans différents formats − gros caractères, format électronique, anglais simplifié − ainsi qu’une vidéo en langue des signes australienne standard sous-titrée et avec voix off en anglais courant. Certaines publications sont disponibles, sur demande, dans d’autres formats accessibles, tels que le braille et le format audio. De plus, les listes de candidats, les publications relatives aux élections et le guide officiel du scrutin sont disponibles dans des formats accessibles. L’État partie fait observer que l’auteure avait donc à sa disposition les informations appropriées, dans un format facile à comprendre, sur les modalités, le lieu et la date du vote, et qu’elle avait la possibilité de voter selon un certain nombre de moyens différents, y compris en des lieux de vote pleinement accessibles. L’État partie fait valoir que, bien que l’auteure n’ait pas été en mesure de voter de la façon qu’elle privilégiait, la situation ne constitue pas une violation par l’État partie de ses obligations au regard de l’alinéa a) i) de l’article 29 de la Convention.

4.10Pour ce qui est du grief que l’auteure tire de l’alinéa a) ii) de l’article 29 de la Convention, l’État partie fait observer que le point le plus important de ce sous-alinéa est l’obligation de protéger le droit des personnes handicapées de voter à bulletin secret. L’État partie relève que la loi électorale réprime le fait pour quiconque, et tout particulièrement pour les scrutateurs ou le personnel de la Commission électorale, d’interagir avec l’électeur au moment où il procède au vote. La sanction prévue pour cette infraction est une peine de six mois de prison. L’État partie affirme qu’un scrutin peut encore être considéré comme secret aux fins de la Convention même lorsque, pour voter, l’électeur est aidé par une tierce personne. Les électeurs doivent, toutefois, être protégés contre toute forme de coercition ou de contrainte les obligeant à révéler leurs intentions de vote ou dans quel sens ils ont voté. L’État partie affirme qu’implicitement, la jurisprudence du Comité des droits de l’homme vient à l’appui de ce point de vue, faisant observer que le Comité a déclaré que l’aide apportée aux personnes handicapées, aveugles ou analphabètes devrait être indépendante. L’État partie fait donc valoir que lorsque, pour voter, une personne est aidée par la personne de son choix, ou par quelqu’un d’autre pouvant être considéré comme indépendant, ce vote demeure secret, puisqu’il est protégé contre toute divulgation aux autorités publiques compétentes ou à ceux qui détiennent le pouvoir politique. L’État partie relève aussi que, selon l’article 234 de la loi électorale, les électeurs qui ne peuvent voter sans assistance peuvent, pour ce faire, disposer de l’assistance de la personne de leur choix ou de celle du président du bureau de vote. L’État partie affirme que les présidents de bureau de vote sont indépendants au sens de la Convention, puisque la loi électorale portant création de la Commission en a fait une entité officielle indépendante administrée par un Commissaire indépendant.

4.11Pour ce qui est des considérations technologiques, l’État partie fait valoir que l’obligation découlant de l’alinéa a) ii) de l’article 29 de la Convention n’impose pas aux États parties à la Convention de fournir les technologies d’assistance et les nouvelles technologies à tout électeur qui ne peut voter sans assistance. L’État partie affirme que, sur le plan pratique, cela n’est pas réalisable, les personnes handicapées présentant une multitude de besoins différents. Il indique que l’exigence de facilitation du recours aux technologies d’assistance est, pour les États parties, une obligation d’ensemble ou un objectif à atteindre, qui ne doit être respectée ou être atteint que si les circonstances s’y prêtent. L’État partie indique également que le régime actuel mis en place par la loi électorale comporte des dispositions suffisantes pour que les électeurs ayant des besoins complexes, y compris les électeurs handicapés, puissent voter aisément et que, ce faisant, leur droit de voter à bulletin secret soit protégé. L’État partie fait de plus valoir qu’il a un pouvoir discrétionnaire étendu pour décider de la façon dont les ressources limitées doivent être allouées, et qu’il semble justifié que, à ce stade, seuls les électeurs présentant des déficiences visuelles aient la possibilité de recourir aux technologies d’assistance au moment de voter. L’État partie affirme également qu’il continue, en amont, d’explorer les possibilités de recourir aux nouvelles technologies pour les personnes handicapées et qu’il est déterminé à mettre au point et promouvoir l’utilisation de ces technologies en concertation avec les intéressés.

4.12En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention, l’État partie renvoie à ses arguments eu égard à la recevabilité de la présente communication et affirme qu’un cadre législatif approprié est en place pour garantir que les électeurs ont la possibilité de désigner la personne de leur choix pour les aider à voter.

4.13Au sujet du grief que l’auteure tire de l’article 4 de la Convention, l’État partie affirme que, dans l’éventualité où le Comité estimerait que ces griefs sont recevables, ils ne seraient pas fondés. En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire du paragraphe 2 de l’article 5 de la Convention, l’État partie fait valoir que, dans la loi sur la discrimination fondée sur le handicap, il a inscrit l’interdiction de toute discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, fondée sur le handicap, et qu’une batterie de mesures juridiques et non juridiques est en place dans l’État partie pour interdire et prévenir la discrimination fondée sur les motifs proscrits. L’État partie affirme de plus que l’auteure n’a pas expliqué, au-delà de l’absence de solution pour voter à bulletin secret, ce qui, dans l’organisation de l’élection fédérale de 2013, avait constitué une discrimination. En ce qui concerne le grief que l’auteure tire du paragraphe 3 de l’article 5 de la Convention, l’État partie fait observer que l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 5 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 6 de la loi sur la discrimination fondée sur le handicap disposent expressément que le fait de ne pas procéder aux aménagements raisonnables pour les personnes handicapées entraînera une discrimination illégale. L’État partie fait valoir qu’il a mis en place certains aménagements et certaines adaptations raisonnables propres à garantir que les personnes handicapées peuvent participer au processus électoral dans des conditions d’égalité avec les autres personnes. L’État partie fait aussi observer que l’affirmation de l’auteure selon laquelle elle devrait pouvoir accéder aux technologies d’assistance pour voter ne correspond pas à un aménagement raisonnable, mais reviendrait à une obligation absolue d’offrir les technologies d’assistance à tous ceux qui ne peuvent voter sans assistance.

4.14Pour ce qui est du grief que l’auteure tire de l’article 9, selon lequel l’État partie n’a pas pris les mesures appropriées pour garantir que les personnes handicapées aient accès aux technologies de l’information et de la communication et à une assistance humaine ou animalière, l’État partie affirme qu’il a tout pouvoir discrétionnaire pour choisir les moyens d’allouer les ressources limitées dont il dispose, et qu’il semble justifié, à ce stade, de ne pas avoir promu le recours aux technologies de l’information et de la communication et la mise au point de nouvelles technologies en rapport avec les procédures de vote et les élections, pour toutes les personnes présentant un handicap analogue à celui de l’auteure. L’État partie affirme également que l’assistance humaine ou animalière telle qu’envisagée à l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 9 est expressément prévue à l’article 234 de la loi électorale. Il affirme aussi que, l’auteure n’ayant déposé aucune plainte auprès de la Commission ou d’une autre entité, il n’est pas possible d’apporter d’éléments à l’appui de son grief selon lequel les dispositions de l’article 234 de la loi électorale n’ont pas été respectées. L’État partie affirme que, par conséquent, les griefs que l’auteure tire des paragraphes 2 et 3 de l’article 5, et de l’article 9, sont dénués de fondement.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partieconcernant la recevabilité et le fond

5.1Le 12 juin 2015, l’auteure a communiqué ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication. Elle soutient que la communication est recevable. Elle relève que l’État partie a affirmé que sa plainte ayant trait au comportement de la présidente du bureau de vote n’était pas suffisamment étayée. Elle maintient qu’elle a suffisamment étayé cette plainte et fait valoir que le fait de ne pas avoir déposé de plainte auprès de la Commission électorale ou d’une autre entité au sujet de ses échanges avec la présidente du bureau de vote ne constitue pas une preuve que les faits dont elle s’est plainte ne se sont pas produits.

5.2L’auteure relève que l’État partie n’a pas contesté son affirmation selon laquelle aucun recours interne n’était à sa disposition pour ce qui est de ses griefs tirés de l’alinéa a) i) et ii) de l’article 29 de la Convention. Elle fait observer que ces griefs sont au cœur de sa plainte. Pour ce qui est de l’alinéa a) iii) de l’article 29, elle prend note de l’argument de l’État partie selon lequel, une fois le scrutin clos, aucun recours n’aurait permis de remédier pleinement à la violation présumée, le délai pour voter étant écoulé. Elle fait valoir qu’il n’y avait aucune possibilité de rectifier la violation présumée en formant un recours au sujet du comportement de la présidente du bureau de vote au titre de la loi sur le contrôle juridictionnel des décisions administratives avant la clôture du scrutin le 7 septembre 2013. Elle maintient en outre son interprétation de l’article 234 de la loi électorale, à savoir qu’elle avait droit à l’assistance de la présidente du bureau de vote seulement si elle ne désignait pas une autre personne pour l’assister. Elle fait en outre valoir que, même si elle avait obtenu l’assistance de la présidente du bureau de vote, celle-ci aurait pu faire part des intentions de vote de l’auteure à plusieurs scrutateurs et à d’autres personnes, au mépris de la volonté et du droit de l’auteure de voter à bulletin secret. En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel elle aurait pu déposer plainte auprès de la Commission des droits de l’homme, l’auteure fait valoir qu’elle n’avait aucune chance raisonnable d’obtenir gain de cause en portant plainte auprès de la Commission pour discrimination fondée sur le handicap en rapport avec le comportement de la présidente du bureau de vote, puisque la présidente du bureau de vote agissait conformément aux dispositions de l’article 234 de la loi électorale. L’auteure affirme que la loi sur la discrimination fondée sur le handicap ne confère aucun pouvoir et aucune fonction à la Commission pour prendre en charge une plainte qui ne fait pas état d’une discrimination illégale fondée sur le handicap, et qu’en tout état de cause la Commission n’est pas un organe judiciaire et, par conséquent, n’est pas compétente pour procéder à un examen juridictionnel ou ordonner des mesures au regard d’une plainte au titre de la loi sur la discrimination fondée sur le handicap.

5.3Comme suite à l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle n’a pas suffisamment étayé sa plainte, l’auteure renvoie aux arguments dont elle a fait part dans sa lettre initiale, à savoir que : a) du fait de ses handicaps, on ne lui a pas offert la possibilité de voter à bulletin secret dans des conditions d’égalité avec les autres personnes. Les modalités de vote adoptées par la Commission électorale lui ont imposé d’accepter l’assistance d’une tierce personne et de risquer d’être observée par plusieurs personnes au moment où elle votait, en violation de son droit à l’égalité et à la non-discrimination ; b) d’après le droit interne de l’État partie, aucune protection juridique ne lui est offerte au regard d’une telle discrimination ; et c) elle aurait pu exercer ce droit de voter à bulletin secret, si la Commission électorale avait pour cela procédé aux aménagements raisonnables nécessaires, sous la forme d’un dispositif de vote électronique. En ce qui concerne son grief tiré de l’article 9 de la Convention, l’auteure affirme que l’État partie n’a pas respecté son obligation au regard de cet article pour ce qui est de la réalisation de ses droits tels que consacrés à l’article 29 de la Convention. L’auteure fait valoir que l’État partie ne lui a pas fourni de dispositif ou système de vote électronique accessible qui lui aurait permis de voter en toute indépendance à bulletin secret. Elle fait observer qu’elle utilise un système de ce type pour voter en toute indépendance à bulletin secret lors des élections organisées au niveau de l’État de la Nouvelle-Galles du Sud, qu’une telle plate-forme est déjà employée et à disposition dans la juridiction et que, selon les dispositions de la loi électorale, elle pourrait être utilisée lors des élections et référendums organisés au niveau fédéral. L’auteure fait aussi valoir que l’assistance humaine qui peut être mise à sa disposition compromet la confidentialité de son vote, en rendant visibles ses intentions de vote par plusieurs personnes. Pour ce qui est de son grief tiré de l’article 4, l’auteure affirme que l’État partie n’a pas pris les mesures juridiques voulues pour abroger ou modifier les dispositions de la loi électorale de façon à instaurer un système de vote électronique qui lui permette de voter en toute indépendance à bulletin secret. Elle estime que cela constitue une discrimination fondée sur le handicap dans l’organisation des élections fédérales de 2013.

5.4Pour ce qui est du fond, l’auteure affirme qu’aucune des mesures citées dans les observations de l’État partie au sujet des procédures et installations de vote prévues dans la loi électorale ne lui aurait permis de voter en toute indépendance et à bulletin secret. Elle réaffirme qu’il existe déjà un système de vote électronique ayant fait ses preuves et fonctionnant parfaitement, qui est utilisé depuis 2011 dans l’État de la Nouvelle-Galles du Sud et peut être aisément utilisé par la Commission électorale. L’auteure fait observer qu’elle a eu recours à ce système, qui porte le nom de « iVote », pour voter en toute indépendance et à bulletin secret lors des deux dernières élections qui se sont tenues dans l’État de la Nouvelle-Galles du Sud. Elle fait valoir que le réel obstacle à l’utilisation d’un système de vote électronique est le refus de l’État partie de modifier la loi électorale de façon à en généraliser l’utilisation.

5.5L’auteure prend note de l’argument de l’État partie selon lequel un vote peut encore être un vote à bulletin secret aux fins de la Convention même lorsque l’électeur est aidé d’une tierce personne pour voter. L’auteure estime qu’un vote ne peut être confidentiel lorsque les intentions de vote de l’électeur doivent être exposées à la vue d’au moins une tierce personne, voire de plusieurs autres personnes. Elle fait valoir que la loi électorale ne fait aucune obligation à celui qui prête assistance à quelqu’un pour voter conformément à l’article 234 de la loi électorale, ou qui surveille le déroulement du vote de cette personne, de préserver la confidentialité du vote.

5.6L’auteure fait observer en outre que, selon l’État partie, l’exigence de facilitation du recours aux technologies d’assistance est une obligation d’ensemble ou un objectif à atteindre, qui ne doit être respectée ou être atteint que si les circonstances s’y prêtent. L’auteure affirme que, dans son cas, une possibilité de voter électroniquement représente un aménagement raisonnable lui permettant de voter à bulletin secret. Elle affirme qu’il appartient à l’État partie de démontrer de quelle façon l’aménagement requis n’est pas raisonnable en ce qu’il ferait peser une charge disproportionnée ou indue, sachant en particulier qu’une telle possibilité de vote était offerte aux personnes présentant des déficiences visuelles et que le système de vote électronique « iVote », utilisé lors des élections se tenant dans l’État de la Nouvelle-Galles du Sud, aurait pu être mis à disposition.

5.7À titre de réparation, l’auteure demande au Comité de conclure à une violation de ses droits au titre de l’article 29 de la Convention, et d’adopter des recommandations de façon à éviter que des violations analogues ne se reproduisent à l’avenir.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 19 août 2015, l’État partie a fait part d’observations sur les commentaires de l’auteure. L’État partie réitère sa position dont il avait fait part le 17 décembre 2014. Il fait en outre valoir que l’article 29 de la Convention renferme des obligations qui doivent être respectées immédiatement et d’autres qui sont d’ordre général, notamment l’obligation de faciliter, s’il y a lieu, le recours aux technologies d’assistance et aux nouvelles technologies.

6.2L’État partie fait valoir en outre que l’article 9 de la Convention renferme certaines obligations qui doivent être mises en œuvre progressivement. Il fait observer que le Comité a considéré que l’accessibilité devait être assurée progressivement lorsque cela est nécessaire. Il fait observer également que le Comité a considéré que les obstacles à l’accès aux objets et services existants devraient être levés progressivement et de manière systématique et, surtout, sous une supervision constante, pour parvenir à la pleine accessibilité. Pour ce qui est de la norme relative aux aménagements raisonnables prévue à l’article 2 et au paragraphe 3 de l’article 5 de la Convention, l’État partie renvoie aux travaux préparatoires de la Convention, faisant observer à cet égard qu’une augmentation importante des coûts peut représenter une charge disproportionnée.

B.Examen de la recevabilité et examen au fond

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa c) de l’article 2 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité relève que, de l’avis de l’État partie, les griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention ayant trait au comportement présumé de la présidente du bureau de vote devraient être déclarés irrecevables au regard de l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif, puisque l’auteure n’a pas adressé de requête au Tribunal fédéral de circuit ou à la Cour fédérale aux fins d’un examen juridictionnel, et qu’elle n’a pas présenté de plainte à cet égard auprès de la Commission électorale, du directeur du bureau du scrutin de la circonscription ou du responsable du bureau de vote. Le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel il n’y avait aucune possibilité de remédier à la violation présumée au regard de l’alinéa a) iii) de l’article 29 en présentant une demande d’examen juridictionnel avant la clôture du scrutin le 7 septembre 2013. Le Comité constate toutefois que, au titre de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 16 de la loi sur le contrôle juridictionnel des décisions administratives, le Tribunal fédéral de circuit et la Cour fédérale d’Australie peuvent rendre une ordonnance déclarant les droits des parties eu égard aux questions portées devant les tribunaux, figurant dans les demandes d’examen juridictionnel. Le Comité constate donc qu’en ne soumettant pas au Tribunal fédéral de circuit et à la Cour fédérale d’Australie une demande d’examen juridictionnel du comportement présumé de la présidente du bureau de vote, l’auteure n’a pas dûment épuisé les recours internes à cet égard. En conséquence, le Comité conclut que les griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) iii) de l’article 29 de la Convention ne sont pas recevables en vertu de l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité note que l’État partie n’a pas remis en question l’argument de l’auteure selon lequel elle n’avait pu faire valoir directement ses griefs au regard de l’alinéa a) i) et ii) de l’article 29 de la Convention en vertu de la législation nationale. Par conséquent, le Comité estime que les exigences énoncées à l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif sont remplies pour ce qui est des griefs que l’auteure tire des sous-alinéas i) et ii) de l’alinéa a) de l’article 29, lus séparément et conjointement avec les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, les paragraphes 2 et 3 de l’article 5 et l’article 9 de la Convention.

7.5Le Comité note également que, selon l’État partie, à l’exception des griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) ii) de l’article 29 de la Convention, tous ses griefs devraient être déclarés irrecevables en vertu de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif, pour défaut de fondement. Le Comité prend toutefois note de l’argument de l’auteure selon lequel, en ne lui donnant pas accès à un système ou une installation de vote électronique accessible qui lui aurait permis de voter à bulletin secret et en toute indépendance, l’État partie a violé ses droits inscrits dans la Convention, puisqu’elle n’a pas eu la possibilité de voter à bulletin secret dans des conditions d’égalité avec les autres personnes. Le Comité estime qu’aux fins de la recevabilité, l’auteure a suffisamment étayé ses griefs au titre des sous-alinéas i) et ii) de l’alinéa a) de l’article 29, lus seuls et conjointement avec les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, les paragraphes 2 et 3 de l’article 5 et l’article 9 de la Convention.

7.6Constatant qu’il n’y a pas d’autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable en ce qui concerne les griefs que l’auteure tire des sous-alinéas i) et ii) de l’alinéa a) de l’article 29, lus seuls et conjointement avec les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, les paragraphes 2 et 3 de l’article 5 et l’article 9 de la Convention. Par conséquent, le Comité procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et au paragraphe 1 de l’article 73 de son règlement intérieur, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées.

8.2En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire de l’alinéa a) i) et ii) de l’article 29 de la Convention, la question dont est saisi le Comité consiste à évaluer si l’État partie a violé les droits de l’auteure en ne mettant pas à sa disposition des procédures et installations de vote accessibles, y compris en recourant aux technologies d’assistance.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel, pour pouvoir voter à bulletin secret et en toute indépendance, elle a besoin d’un dispositif de vote électronique, tel qu’une interface sur ordinateur. Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie, pour qui les personnes handicapées ont, pour voter, accès à un éventail de solutions accessibles et appropriées selon la loi électorale en vigueur dans l’État partie, et du fait que l’auteure avait la possibilité de voter d’un certain nombre de façons différentes, y compris en des lieux de vote pleinement accessibles. Le Comité note encore l’argument de l’État partie selon lequel lorsque, pour voter, une personne est aidée par la personne de son choix, ou par quelqu’un d’autre pouvant être considéré comme indépendant, le vote conserve alors son caractère confidentiel en ce qu’il est protégé contre toute divulgation aux autorités publiques concernées ou à ceux qui détiennent le pouvoir politique. Le Comité prend note en outre de l’argument de l’auteure selon lequel un vote ne peut être confidentiel lorsque les circonstances font que les intentions de vote de l’électeur doivent être exposées à une personne au moins, voire à plusieurs, ainsi que de son argument selon lequel la loi électorale n’impose à celui qui prête assistance à quelqu’un pour voter aucune obligation de préserver la confidentialité de ce vote.

8.4 En ce qui concerne la question du recours aux technologies d’assistance, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’obligation découlant de l’alinéa a) ii) de l’article 29 de la Convention n’impose pas aux États parties à la Convention de mettre à la disposition de chaque électeur qui ne peut voter sans assistance les technologies d’assistance et nouvelles technologies. Il prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel l’exigence de facilitation du recours aux technologies d’assistance est, pour les États parties, une obligation d’ensemble ou un objectif à atteindre, qui ne doit être respectée ou être atteint que si les circonstances s’y prêtent, et selon lequel c’est à l’État partie qu’il appartient de décider de la façon dont les ressources limitées doivent être allouées. Le Comité prend note en outre de l’argument de l’État partie selon lequel les obstacles à l’accès aux objets et services existants devraient être éliminés progressivement, de manière systématique et sous une supervision constante, dans l’optique de parvenir à la pleine accessibilité. Le Comité prend note aussi de l’affirmation de l’auteure selon laquelle l’État partie n’a rien communiqué au Comité pour étayer son argument selon lequel le recours à une solution de vote électronique imposerait une charge disproportionnée ou indue, sachant en particulier qu’une telle solution est offerte aux personnes présentant des déficiences visuelles et que le système de vote électronique « iVote », utilisé depuis 2011 pour les élections se tenant dans l’État de la Nouvelle-Galles du Sud, aurait pu être mis à disposition.

8.5Le Comité rappelle que l’article 29 de la Convention dispose que les États parties sont tenus de faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, y compris en garantissant leur droit de vote. Le Comité rappelle également que l’article 29 de la Convention dispose que l’État partie est tenu d’adapter les procédures électorales en vigueur, en veillant à ce qu’elles soient appropriées, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser. Au sujet de l’accessibilité des procédures électorales, le Comité rappelle que l’accessibilité se rapporte aux groupes de personnes, tandis que les aménagements raisonnables se rapportent aux individus. Il s’ensuit que l’obligation de garantir l’accessibilité est une obligation ex ante. Les États parties ont donc l’obligation d’assurer l’accessibilité avant que l’individu ne demande à entrer dans un espace ou à utiliser un service.

8.6Le Comité rappelle en outre que, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention, les États parties prennent des mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication. Le Comité rappelle aussi que, conformément à l’alinéa g) du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention, les États parties doivent promouvoir l’accès des personnes handicapées aux nouveaux systèmes et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le Comité rappelle également que l’importance des technologies de l’information et de la communication réside dans leur capacité à ouvrir l’accès à une vaste gamme de services, à transformer les services existants et à accroître la demande d’accès à l’information et au savoir, en particulier chez les populations mal desservies et exclues, comme les personnes handicapées. À cet égard, les nouvelles technologies ne peuvent promouvoir la pleine participation des personnes handicapées à la vie sociale dans des conditions d’égalité que si elles sont conçues et produites de façon à en garantir l’accessibilité. Les nouveaux investissements et les nouvelles recherches et productions devraient contribuer à éliminer les inégalités et non à créer de nouveaux obstacles. Le Comité rappelle en outre que, conformément au paragraphe 2 de l’article 5 de la Convention, les États parties sont tenus d’interdire toute discrimination fondée sur le handicap et de garantir à toutes les personnes handicapées une protection juridique égale et effective contre toute discrimination, quel qu’en soit le fondement, et que le déni d’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication ou encore aux services offerts au public devrait être clairement défini comme étant un acte de discrimination illégal.

8.7En l’espèce, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteure avait la possibilité d’opter pour la personne de son choix pour l’aider à voter. Toutefois, le Comité note aussi qu’aucune des possibilités s’offrant à l’auteure lors des élections fédérales de 2013 n’aurait pu lui permettre d’exercer son droit de vote de la façon dont elle l’entendait, à savoir sans devoir pour cela révéler ses choix politiques à la personne qui l’accompagnait. Le Comité prend note également du fait que l’accès au recours à un système de vote électronique aurait permis à l’auteure de voter à bulletin secret et en toute indépendance sans devoir révéler à qui que ce soit ses choix politiques, dans des conditions d’égalité avec les autres.

8.8Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel les obstacles qui entravent l’accès aux biens et services existants doivent être éliminés progressivement, en tenant compte des ressources limitées à disposition, et selon lequel une augmentation importante des coûts risque de représenter une charge disproportionnée, le Comité rappelle que l’obligation d’assurer l’accessibilité est inconditionnelle. L’entité tenue d’assurer l’accessibilité ne peut s’en exonérer en arguant de la charge que représente le fait de prévoir un accès pour les personnes handicapées.

8.9En l’espèce, le Comité rappelle aussi que depuis 2011, la solution du vote électronique est largement utilisée pour les personnes présentant des déficiences visuelles lors des élections se tenant dans l’État de la Nouvelle-Galles du Sud. Il prend note du fait que l’État partie n’a communiqué aucun élément pouvant justifier l’argument selon lequel le recours à cette solution du vote électronique aurait constitué une charge disproportionnée, telle qu’elle aurait empêché d’y recourir lors des élections fédérales de 2013, pour l’auteure comme pour toutes les personnes ayant besoin d’un tel aménagement. Le Comité rappelle également que l’article 5 consacre le principe de l’égalité de protection de tous devant la loi et en vertu de celle-ci. Les États parties doivent interdire toutes les discriminations fondées sur le handicap et garantir aux personnes handicapées une protection égale et effective contre toute discrimination, quelle qu’en soit la motivation. Cette obligation conventionnelle implique que les États parties doivent garantir, pour toutes les personnes handicapées, la réalisation des droits qu’elles tiennent de la Convention, et qu’ils doivent se garder de mettre en place une législation et une pratique qui peuvent donner lieu à des facteurs de discrimination en fonction du type de handicap.

8.10Par conséquent, le Comité conclut que le fait de ne pas donner à l’auteure accès à une plate-forme de vote électronique déjà disponible dans l’État partie, sans lui proposer de solution de remplacement qui lui aurait permis de voter sans devoir révéler ses intentions de vote à une tierce personne, l’a privée de ses droits au titre des sous-alinéas i) et ii) de l’alinéa a) de l’article 29, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 5, les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, et le paragraphe 1 et l’alinéa g) du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention.

C.Conclusion et recommandations

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, considère que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des sous-alinéas i) et ii) de l’alinéa a) de l’article 29, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 5, les alinéas a), b), d), e) et g) du paragraphe 1 de l’article 4, et le paragraphe 1 et l’alinéa g) du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention. Le Comité fait donc à l’État partie les recommandations suivantes :

a)En ce qui concerne l’auteure, l’État partie est tenu :

i)De lui fournir un recours utile, y compris une indemnisation pour tous frais de justice engagés pour la soumission de la présente communication ;

ii) De prendre les mesures propres à garantir que, lors de toutes élections et tous référendums se tenant à l’avenir dans l’État partie, l’auteure aura accès à des procédures et installations de vote qui lui permettront de voter à bulletin secret sans avoir à révéler ses intentions de vote à qui que ce soit ;

iii)De rendre publiques les présentes constatations et de les diffuser largement, sous des formes accessibles, auprès de tous les secteurs de la population.

b)De façon générale, l’État partie est tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent. À ce propos, le Comité prie l’État partie de prendre les mesures ci-après :

i)Envisager de modifier la loi électorale de manière à garantir que des possibilités de vote électronique sont offertes à toutes les personnes handicapées qui souhaitent y recourir, quel que soit le type de handicap qu’elles présentent, et que les dispositifs mis en place leur sont accessibles ;

ii)Garantir l’exercice, et le respect dans la pratique, du droit de vote des personnes handicapées, dans des conditions d’égalité avec les autres personnes, comme le prévoit l’article 29 de la Convention, en faisant en sorte que les procédures, les installations et le matériel de vote soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser, et protéger le droit des personnes handicapées de voter à bulletin secret en recourant aux technologies d’assistance ;

iii) Envisager de modifier la loi électorale de façon à garantir que, lorsque l’assistance d’une tierce personne est nécessaire pour que l’électeur puisse voter, la tierce personne qui prête l’assistance requise soit bien soumise à une obligation de respect de la confidentialité du vote.

10.Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 75 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à soumettre au Comité, dans un délai de six mois, une réponse écrite dans laquelle il indiquera toute mesure qu’il aura pu prendre à la lumière des présentes constatations et recommandations du Comité.