Nations Unies

CED/C/HND/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

4 juillet 2018

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Honduras en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par le Honduras en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention(CED/C/HND/1) à ses 239e et 240e séances (voir CED/C/SR.239 et 240), les 22 et 23 mai 2018. À sa 252e séance, le 31 mai 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par le Honduras en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, élaboré conformément aux directives pour l’établissement des rapports, ainsi que les renseignements qui y figurent. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention.

3.Le Comité remercie, en outre, l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/HDN/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/HDN/Q/1), qui ont été complétées oralement par la délégation pendant le dialogue, et des renseignements supplémentaires donnés par écrit.

B.Aspects positifs

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et sept des protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5.Le Comité félicite également l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La politique publique et le plan national d’action relatifs aux droits de l’homme 2013-2022 ;

b)La loi de 2015 relative à la protection des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des acteurs sociaux et des membres des professions judiciaires et la mise en place du Système national de protection.

6.Le Comité prend note avec satisfaction de la signature de l’Accord relatif à l’ouverture du bureau de pays du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que de l’ouverture dudit bureau, en 2016.

7.Le Comité observe qu’en vertu de l’article 16 de la Constitution, les instruments internationaux qui ont été ratifiés font partie intégrante du droit interne.

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité considère qu’à l’heure où sont adoptées les présentes observations finales, la législation en vigueur, sa mise en œuvre et les agissements de certaines autorités ne sont pas pleinement conformes aux obligations découlant de la Convention. Il engage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif, afin que le cadre juridique en vigueur et la manière dont il est appliqué par les autorités de l’État soient pleinement compatibles avec les droits et obligations consacrés par la Convention.

Renseignements d’ordre général

Communications émanant de particuliers et d’États

10.Le Comité regrette la position de l’État partie, qui ne juge pas nécessaire de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers et d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention (art. 31 et 32).

11. Le Comité encourage l’État partie à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications émanant de particuliers et d’États en vertu des articles  31 et 32 de la Convention afin de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu par celle-ci.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Interdiction de la disparition forcée

12.Le Comité prend note des chiffres établis par différents organes de l’État concernant les disparitions forcées survenues dans le pays à différentes périodes de son histoire. Il constate cependant que ces chiffres présentent des lacunes et des incohérences et que des analyses concernant les causes et la dynamique des disparitions forcées ainsi que les modèles de comportement font défaut, alors que de telles analyses sont capitales pour définir une politique publique de prévention efficace (art. 1er).

13. Le Comité prie instamment l’État partie d’établir un registre consolidé de tous les cas de disparition forcée survenus sur son territoire ou dont les victimes sont des ressortissants honduriens disparus à l’étranger. Ce registre devrait indiquer le nombre total de personnes disparues, de personnes retrouvées par la suite, vivantes ou décédées, et de personnes toujours portées disparues.

Définition de la disparition forcée, sanctions appropriées et circonstances aggravantes et atténuantes

14.Le Comité note que la définition de la disparition forcée qui figure dans le Code pénal en vigueur et dans le nouveau Code pénal adopté mais pas encore en vigueur n’est pas pleinement conforme à la Convention. Il constate aussi avec préoccupation que la législation pénale n’inclut pas toutes les circonstances atténuantes et aggravantes visées à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention et que la disparition forcée ne figure pas parmi les crimes passibles des peines les plus lourdes. Il s’inquiète également de ce que, en vertu de l’article 28 du Code de procédure pénale, le ministère public peut s’abstenir d’engager des poursuites pénales si l’auteur présumé coopère effectivement à l’enquête (art. 2, 6, 5, 7 et 12).

15. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures qui s’ imposent pour que  :

a) La définition de la disparition forcée soit pleinement conforme à l’ article  2 de la Convention et englobe l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État , ainsi que le fait de refuser de donner des informations sur le sort réservé à la personne disparue et le lieu où elle se trouve ;

b) La disparition forcée, sous ses deux acceptions, soit érigée en infraction autonome (art. 2) et constitue un crime contre l’humanité (art.  5) ;

c) Toutes les circonstances atténuantes et aggravantes visées au paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention soient incluses dans la législation pénale  ;

d) L’infraction de disparition forcée, compte tenu de son extrême gravité, soit passible de la peine la plus lourde prévue par le droit pénal ;

e) L’ordre juridique incrimine toutes les formes de disparition forcée visées à l’ alinéa a) du paragraphe  1 de l’ article  6 de la Convention et qu’aucune disposition ne permette de passer outre l’action pénale dans une quelconque affaire de disparition forcée.

Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques et devoir d’obéissance

16.Le Comité constate que la législation pénale ne développe pas suffisamment la question de la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques au regard de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention et n’exclut pas expressément l’invocation du devoir d’obéissance pour justifier un cas de disparition forcée (art. 6).

17. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que la législation pénale  :

a) Prévoie que soit engagée la responsabilité pénale du supérieur qui :

i) Savait que des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée, ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;

ii) Exerçait sa responsabilité et son contrôle effectifs sur les activités auxquelles le crime de disparition forcée était lié ; et

iii) N’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission d’une disparition forcée ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;

b) Interdise expressément d’invoquer un ordre ou une instruction émanant d’un supérieur pour justifier une infraction de disparition forcée.

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Caractère continu de l’infraction de disparition forcée

18.Le Comité constate avec préoccupation que la disparition forcée n’est pas expressément qualifiée d’infraction continue dans le droit pénal et que le moment à partir duquel commence à courir le délai de prescription n’est pas clairement défini (art. 8).

19. Le Comité, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que :

a) Le délai de prescription de l’action pénale soit de longue durée et proportionné à l’ extrême gravité de ce crime ;

b) Le délai de prescription commence à courir lorsque cesse le crime de disparition forcée.

Compétence aux fins de connaître des infractions de disparition forcée

20.Le Comité constate que la législation pénale ne garantit pas l’exercice de la compétence de l’État partie dans les affaires de disparition forcée lorsque les faits ont été commis à l’étranger, ce que prévoient pourtant les alinéas b) et c) du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention. Il fait part de ses préoccupations face aux informations qu’il a reçues selon lesquelles le ministère public et la Commission nationale des droits de l’homme auraient refusé d’enregistrer des plaintes portant sur de possibles disparitions forcées de migrants honduriens survenues à l’étranger, au motif que les faits n’avaient pas été commis sur un territoire sous sa juridiction, et ne les auraient pas non plus transmises aux organes compétents d’autres pays (art. 9, 12, 14 et 15).

21. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir pleinement l’exercice de la compétence des tribunaux honduriens à l’égard de toutes les infractions de dispar ition forcée, y  compris celles commises à l’étranger contre des Honduriens.

Enquête indépendante et impartiale

22.Le Comité note que, selon la loi sur la police militaire de l’ordre public, les missions spéciales de cette force de police doivent être accompagnées par des juges et des procureurs qui ont réussi les épreuves de confiance organisées par la Direction nationale des enquêtes et du renseignement, et qui sont désignés par le Conseil national de défense et de sécurité (art. 8). Ces juges et procureurs sont les seuls habilités à engager des poursuites pénales contre les membres de la police militaire qui les accompagnent, lorsqu’ils sont accusés d’avoir commis une infraction, et à connaître de ces affaires (art. 13). Le Comité s’inquiète de ce que cette structure institutionnelle compromette l’indépendance et l’impartialité des enquêtes sur des infractions de disparition forcée impliquant des membres de la police militaire (art. 11).

23. Le Comité recommande à l’État partie de garantir que les enquêtes et les poursuites portant sur des infractions de disparition forcée dont pourraient être accusés des membres des forces de sécurité soient confiées à des juges et des procureurs compétents, indépendants et impartiaux, n’ayant aucun lien institutionnel avec l’entité à laquelle appartiennent les personnes visées par ces enquêtes et poursuites.

Plaintes et enquêtes sur des cas de disparition forcée

24.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au sujet du nombre d’enquêtes menées sur des cas de disparition forcée. Il regrette néanmoins de ne pas avoir reçu d’informations officielles à jour en ce qui concerne le nombre de plaintes déposées, l’issue des enquêtes menées et les condamnations prononcées. Il juge préoccupant le peu d’avancées faites dans les enquêtes réalisées sur le nombre élevé de cas de disparition forcée signalés dans l’État partie, en particulier les cas remontant aux années 1980 et 1990, et l’impunité qui en résulte, qui se traduit par la quasi-inexistence de condamnations pour cette infraction. Le Comité est également préoccupé par les obstacles qui entravent l’efficacité des enquêtes sur les disparitions forcées, constatant notamment : a) que la qualification des faits peut être fondée sur des infractions autres que la disparition forcée ; b) que la législation interne ne prévoit pas expressément que tout agent de l’État soupçonné d’avoir été impliqué dans la commission d’une infraction de disparition forcée doit être suspendu de ses fonctions ; c) que des restrictions d’accès aux centres pénitentiaires ont été imposées au ministère public et aux juges de l’exécution des peines, ainsi qu’au mécanisme national de prévention (le Comité national pour la prévention de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants), en particulier avec l’affectation de membres des forces armées à la surveillance des personnes privées de liberté. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’un manque d’information des proches des personnes disparues et de participation aux enquêtes (art. 1er, 2, 12, 17 et 24).

25. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De garantir dans la pratique que, dès lors qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a été victime d’une disparition forcée, une enquête approfondie et impartiale soit menée sans délai, même en l’absence de plainte formelle ;

b) D’accélérer les enquêtes en cours pour disparition forcée et de veiller à ce que tous les cas de disparition forcée, y compris ceux remontant aux années 1980 et 1990, fassent rapidement l’objet d’enquêtes, de sorte que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, sanctionnés à la hauteur de l’extrême gravité de leurs actes, en veillant à ce qu’aucun acte de disparition forcée ne reste impuni ;

c) D’ e ncourager et de faciliter la participation de toute personne ayant un intérêt légitime, par exemple les proches, les parents et les représentants légaux des personnes disparues aux enquêtes ainsi qu’à toutes les étapes des procédures, dans le cadre d’une procédure régulière, et de veiller à ce que les intéressés soient tenus régulièrement informés de l’avancement et des résultats de ces enquêtes et procédures  ;

d) De garantir l’accès des autorités et des institutions compétentes à tout lieu de privation de liberté dans lequel il y a des raisons de croire qu’une personne soumise à une disparition forcée pourrait se trouver ;

e) De faire en sorte qu’aucun agent de l’État, civil ou militaire, soupçonné d’avoir commis une infraction de disparition forcée, ne soit en mesure d’influencer le déroulement des enquêtes.

Protection des personnes qui signalent une disparition forcée et/ou participent à l’enquête sur une disparition forcée

26.Le Comité prend acte des efforts de l’État partie en termes de protection des défenseurs des droits de l’homme, notamment l’adoption d’une loi expressément consacrée à cette question et du système national de protection. Il est toutefois vivement préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de la famille des personnes disparues et des défenseurs des droits de l’homme continuent à être la cible de harcèlement, de menaces, de surveillance et d’homicides (art. 12 et 24).

27. Le Comité exhorte l’État partie à redoubler d’efforts pour prévenir et réprimer les actes d’intimidation et/ou les mauvais traitements à l’encontre de toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’ article  12 de la Convention, ainsi qu’à veiller à la mise en œuvre rapide et efficace des mesures de protection prévues par la législation, en vue de garantir la protection effective de ces personnes.

Disparitions de migrants et coopération régionale

28.Le Comité prend note des recommandations formulées en 2016 par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW/C/HDN/CO/1, par. 31 à 33). Il est préoccupé par les informations faisant état de nombreux cas de disparition de migrants honduriens à l’étranger et par la découverte de plusieurs tombes clandestines au Mexique, où des victimes honduriennes ont été retrouvées, parmi lesquelles certaines auraient pu faire l’objet de disparitions forcées. Il prend note de l’existence d’une base de données médico-légales sur les migrants disparus et du Bureau de recherche des migrants disparus, ainsi que des mesures que l’État partie a prises pour enquêter sur les disparitions de migrants et pour assurer leur recherche, leur prise en charge et leur protection, y compris la coopération avec les pays sur la route migratoire vers les États‑Unis d’Amérique. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que nombre de ces mesures et initiatives sont le fait d’organismes internationaux et de la société civile, sans encadrement de la part des institutions de l’État. À cet égard, il est préoccupé par l’absence d’une base de données sur les migrants disparus et d’un protocole de recherche, ce qui signifie que les proches des migrants disparus doivent s’adresser à plusieurs institutions pour effectuer les démarches nécessaires, alors qu’il n’existe pas de communication ni de concertation entre elles (art. 1, 2, 3, 9, 12, 15 et 24).

29. L’État partie, en coopération avec les pays d’origine et de destination et avec la participation des victimes et de la société civile, devrait :

a) Redoubler d’efforts pour prévenir les disparitions de migrants, enquêter à leur sujet, engager des poursuites pénales contre les responsables et protéger comme il se doit les plaignants, experts, témoins et défenseurs ;

b) Assurer la recherche immédiate des migrants disparus et, si leurs dépouilles sont retrouvées, leur identification et leur restitution dans la dignité ;

c) Établir une base de données actualisée sur les migrants disparus ;

d) Garantir la collecte d’informations ante mortem et leur intégration dans la base de données médico-légales sur les migrants disparus ;

e) Veiller à ce que les parents et les proches des personnes disparues, où qu’ils résident, aient la possibilité d’obtenir des informations et de participer aux enquêtes sur les personnes disparues et aux activités de recherche ;

f) Renforcer la coopération avec les autorités d’autres États de la région pour promouvoir la recherche des migrants disparus et les enquêtes sur les responsables.

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Garanties juridiques fondamentales

30.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles les dispositions légales relatives à la notification rapide et à l’accès aux avocats, aux médecins et aux membres de la famille ou à toute autre personne de leur choix s’appliquent dès le début de la privation de liberté. Toutefois, il s’inquiète des informations faisant état de difficultés que rencontrent les personnes placées en garde à vue pour bénéficier d’un examen médical indépendant ; de ce que les personnes privées de liberté ne sont pas nécessairement informées de leur droit d’avoir accès aux services d’un conseil dès le moment de leur arrestation ; et de ce que les détenus ne bénéficient pas toujours d’une procédure régulière, s’agissant notamment d’avoir accès à un avocat ou de contacter des membres de leur famille. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’obstacles et de retards dans le traitement du recours en habeas corpus dans les cas présumés de disparition forcée (art. 17).

31. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que toutes les personnes privées de liberté bénéficient de toutes les garanties prévues par la Convention, en particulier au paragraphe  2 de l’ article  17.

Registres de personnes privées de liberté

32.Le Comité prend note des informations concernant l’existence de plusieurs registres de personnes privées de liberté. Il note toutefois avec préoccupation que ces registres ne contiennent pas tous les renseignements visés au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention. Il est préoccupé par les informations faisant état d’informations incomplètes et/ou incorrectes sur les personnes privées de liberté et par l’absence de sanctions à cet égard. Le Comité note avec préoccupation que le recours en habeas data ne peut être introduit que par « une personne dont les données personnelles ou familiales sont enregistrées dans les archives et registres publics ou privés », limitant ainsi l’accès à l’information aux personnes mentionnées au paragraphe 1 de l’article 18 de la Convention (art. 17, 18, 20 et 22).

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que  :

a) Quiconque ayant un intérêt légitime puisse avoir facilement et rapidement accès aux in formations visées au paragraphe  1 de l’article 18 de la Convention, y compris pendant la période de détention  ;

b) Tous les cas de privation de liberté, sans exception, soient inscrits dans des registres officiels et/ou des dossiers actualisés contenant au moins les informations requises par le paragraphe 3 de l’ article  17 de la Convention ;

c) Les registres ou dossiers concernant des personnes privées de liberté soient complétés et mis à jour avec diligence et précision, et fassent l’objet de contrôles réguliers, et que soient dûment sanctionnés les fonctionnaires responsables en cas d’irrégularités.

Formation sur la Convention

34.Le Comité prend note des informations concernant les mesures prises pour former certains acteurs étatiques aux droits de l’homme. Toutefois, il note que cette formation ne porte pas précisément sur les disparitions forcées (art. 23).

35. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour dispenser une formation aux droits de l’homme aux agents de l’État et, en particulier, de veiller à ce que tous les personnels militaires et civils chargés de l’application de la loi et de la sécurité, le personnel médical, les fonctionnaires et les autres personnes susceptibles d’intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, telles que les juges, les procureurs et autres fonctionnaires chargés de l’administration de la justice, reçoivent une formation spécifique et régulière sur les dispositions de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l’ article  23 de la Convention.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Définition de la victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

36.Le Comité constate avec préoccupation que la définition de la victime figurant à l’article 17 du Code de procédure pénale ne couvre pas toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention. Il note avec préoccupation que la législation interne n’établit pas un système de réparation globale sous la responsabilité de l’État, qui comprenne toutes les mesures de réparation prévues au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par l’absence de progrès dans la promotion du droit à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition pour les victimes de disparitions forcées, en particulier celles des années 1980 et 1990 (art. 24).

37. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Établir une définition de la victime dans la législation nationale conformément au paragraphe 1 de l’ article  24 de la Convention, afin que quiconque a subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée puisse exercer les droits énoncés dans cet article ;

b) Mettre en place un système complet de réparation qui prenne en considération la situation de chaque victime et tienne compte, par exemple, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses origines ethniques, de sa situation sociale et le cas échéant, de son handicap, et soit pleinement conforme aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’ article  24 de la Convention, qui relève de la responsabilité de l’État et qui soit applicable quelle que soit la procédure pénale ;

c) Garantir le droit à la vérité à toutes les victimes de disparitions forcées, y compris celles des années 1980 et 1990.

Situation légale de la personne disparue dont le sort n’a pas été élucidé et de ses proches

38.Le Comité constate avec préoccupation que, pour que la situation des proches d’une personne disparue soit régularisée, le droit civil exige la présomption de décès de la personne disparue, même si son sort n’a pas été établi (art. 24).

39. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour réglementer, conformément au paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention, la situation légale des personnes disparues dont le sort ou le lieu où elles se trouvent n’a pas été élucidé, ainsi que celui de leurs proches, dans des domaines tels que la protection sociale, le droit de la famille et les droits de propriété, sans avoir à déclarer la mort présumée de la personne disparue. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à prévoir dans sa législation une déclaration d’absence pour disparition forcée.

Recherche de personnes disparues et remise de dépouilles mortelles

40.Le Comité prend note de l’existence d’une base de données médico-légales sur les migrants disparus et des informations fournies par la délégation de l’État partie en ce qui concerne l’identification des dépouilles mortelles. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de système permettant de procéder immédiatement à des recherches urgentes, alors que la personne disparue est présumée encore vivante, et par les informations selon lesquelles la recherche des personnes disparues ne commence pas toujours immédiatement (art. 24).

41. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour rechercher, localiser et libérer les personnes disparues et, en cas de décès, rechercher, respecter et restituer la dépouille des personnes. Il devrait en particulier :

a) Veiller, dans la pratique, à ce que, lorsqu’une disparition est signalée, la recherche de la personne soit lancée automatiquement et sans délai, afin d’augmenter les chances de retrouver la personne vivante ;

b) Veiller à ce que la recherche soit effectuée par les autorités compétentes, avec la participation des proches de la personne disparue ;

c) Établir une base de données ante mortem post mortem pour toutes les personnes disparues et veiller à ce qu’elle soit complétée par des informations pertinentes sur tous les cas de personnes disparues, sans exception ;

d) Assurer une coordination, une coopération et une vérification croisée efficaces des données entre les organismes compétents pour la recherche des personnes disparues et, en cas de décès, l’identification de leurs dépouilles, et veiller à ce que ces organismes disposent des ressources économiques, techniques et humaines nécessaires  ;

e) Veiller à ce que les enquêtes se poursuivent jusqu’à ce que le sort de la personne disparue ait été éluc idé, conformément au paragraphe  6 de l’ article  24 de la Convention.

Législation relative au détournement d’enfants

42.Le Comité prend note des déclarations de la délégation de l’État partie selon lesquelles il n’y a pas d’enfants victimes de disparition forcée dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé par des informations indiquant le contraire. Le Comité note qu’il n’existe pas de programmes spécifiques pour aider les adultes qui se considèrent comme des enfants de parents disparus à retrouver leur véritable identité, ni de procédures pour garantir le droit des familles de rechercher les enfants et adolescents victimes de disparitions forcées (art. 25).

43. Le Comité invite instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour rechercher et identifier les enfants et adolescents susceptibles d’avoir été victimes d’enlèvement, de disparition forcée et/ou de substitution d’identité, notamment par la création d’une base de données génétiques comprenant des échantillons génétiques de tous les cas signalés, tant par les voies administratives que judiciaires. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place des procédures spécifiques pour réexaminer et, si nécessaire, annuler toute adoption, tout placement ou toute tutelle résultant d’une disparition forcée.

D.Diffusion et suivi

44.Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a acceptées en devenant partie à la Convention et à d’autres instruments internationaux pertinents.

45.Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants qui en sont victimes. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Les femmes parentes d’une personne disparue sont particulièrement susceptibles d’être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils y soient eux-mêmes soumis ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition d’un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants lorsqu’il met en œuvre des droits et le respect des obligations qui découlent de la Convention.

46.L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, ainsi que le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité, et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui sont actives dans l’État partie et le grand public. Le Comité invite aussi l’État partie à encourager la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à participer à la mise en œuvre des présentes observations finales.

47.Conformément au règlement intérieur du Comité, l’État partie doit communiquer, au plus tard le 1er juin 2019, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 13 (registres), 25 (enquêtes) et 27 (protection des victimes et des défenseurs des droits de l’homme) des présentes observations finales.

48.En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 1er juin 2021, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées au paragraphe 39 des Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie à continuer de consulter la société civile, notamment les organisations de proches de victimes, dans le cadre de la compilation de ces informations.