Nations Unies

CERD/C/GRC/CO/20-22

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

3 octobre 2016

Français

Original : anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Grèce valant vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport de la Grèce valant vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques (CERD/C/GRC/20-22), à ses 2452e et 2453e séances (CERD/C/SR.2452 et 2453), les 3 et 4 août 2016. À ses 2472e et 2473e séances, les 17 et 18 août 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de la Grèce valant vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques, dans lequel figurent des réponses aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses précédentes observations finales. Le Comité se félicite en outre du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures ci-après prises par l’État partie concernant sa législation et ses politiques :

a)La modification apportée au Code pénal en 2014 pour alourdir les peines dont sont passibles les infractions motivées par la haine en vertu de son article 81A et inscrire dans la législation la protection des victimes et des témoins essentiels de crimes racistes ;

b)L’adoption de la loi no 4198/2013 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et d’autres dispositions ;

c)La création du Conseil national contre le racisme et l’intolérance en application de la loi no 4356/2015 ;

d)Le renforcement des relations avec le Réseau de signalement de la violence raciste, qui rassemble des organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres acteurs, aux fins de l’enregistrement des actes de violence raciste ;

e)L’adoption de la Stratégie nationale pour l’inclusion sociale des Roms 2012‑2020 ;

f)L’adoption et la mise en œuvre du plan d’action national relatif aux droits de l’homme 2014-2016 ;

g)La nomination de procureurs spéciaux chargés d’enquêter sur les crimes racistes et la création d’unités spéciales de la police chargées d’aider les victimes de violence raciste et d’autres crimes xénophobes.

Le Comité salue aussi la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après ou son adhésion à ces instruments :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2015 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2012 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2014.

Le Comité rend hommage à l’État partie pour les efforts qu’il déploie afin de recevoir et d’accueillir un grand nombre de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés, et est conscient des défis majeurs auxquels l’État partie est confronté de ce fait.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Mesures d’austérité

Le Comité note avec préoccupation que les mesures d’austérité prises pour faire face à la crise économique dans l’État partie ont touché le plus durement les groupes minoritaires, dont les Roms, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Le Comité est également préoccupé par la diminution des crédits budgétaires alloués aux institutions publiques chargées de combattre la discrimination raciale, notamment la Commission nationale des droits de l’homme, le Bureau du Médiateur et l’inspection du travail (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que, en dépit du ralentissement de l ’ économie, les diverses mesures d ’ austérité ne favorisent pas la discrimination raciale et l ’ inégalité. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ effectuer des études d ’ impact avant d ’ adopter de telles mesures d ’ austérité pour s ’ assurer qu ’ elles n ’ auront pas d ’ effets discriminatoires envers les personnes exposées à la discrimination raciale. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de faire en sorte que la réduction des budgets alloués aux organes des droits de l ’ homme ne nuise pas à leur aptitude à assurer une surveillance efficace aux fins de la protection des droits de l ’ homme, en particulier de la lutte contre la discrimination raciale .

Données statistiques

Le Comité est préoccupé par le manque de données statistiques relatives à l’exercice par tous les groupes ethniques et toutes les minorités religieuses de l’État partie des droits que leur reconnaît la Convention (art. 1er).

Rappelant sa recommandation générale n o  8 (1990) sur l ’ interprétation et l ’ application des paragraphes 1 et 4 de de l ’ article premier de la Convention et les directives révisées concernant l ’ établissement des rapports (CERD/C/2007/1, par. 10 et 12 ), le Comité recommande à l ’ État partie de diversifier ses activités de collecte de données, en se fondant sur l ’ auto-identification dans l ’ anonymat des personnes et groupes concernés, afin de disposer d ’ un support empirique adéquat pour élaborer des politiques destinées à assurer à tous l ’ exercice, dans des conditions d ’ égalité, de tous les droits énoncés dans la Convention. Le Comité rappelle que des données socioéconomiques détaillées et fiables sont indispensables pour assurer le suivi et l ’ évaluation des politiques en faveur des minorités et pour faire le bilan de la mise en œuvre de la Convention, et il demande à l ’ État partie de fournir ces données ventilées dans son prochain rapport.

Situation des minorités

Le Comité note avec préoccupation que les musulmans vivant dans la région de la Thrace, que visent les dispositions du Traité de paix signé à Lausanne le 24 juillet 1923, appartiennent à différentes ethnies mais ne sont reconnus qu’en tant que minorité religieuse par l’État partie. Le Comité note également avec préoccupation que d’autres musulmans, dont ceux qui vivent sur les îles de Rhodes et de Kos et qui sont exclus du champ d’application du Traité de Lausanne, pourraient être privés de leur droit à l’auto-identification et donc ne pas pleinement exercer les droits consacrés par la Convention. L’exercice effectif, par les personnes appartenant à une minorité ethnique, du droit de préserver leur langue et leur culture et de jouir de la liberté d’association s’en trouve ainsi restreint (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité prend note des arguments avancés par l ’ État partie pour expliquer pourquoi les groupes ethniques ne sont pas considérés comme des minorités, mais il estime que, dans une société multiethnique, la reconnaissance des groupes ethniques de petite taille peut les aider à protéger leur existence et leur identité. Le Comité prend également note du fait que le Traité de Lausanne n ’ interdit pas de reconnaître d ’ autres groupes en tant que minorités ni n ’ exclut que des personnes appartenant à divers groupes ethniques puissent exercer leur droit à l ’ auto-identification. Le Comité recommande donc à l ’ État partie de revoir sa position et d ’ envisager de reconnaître d ’ autres groupes susceptibles d ’ être considérés comme constituant une minorité ethnique ou religieuse, et il l ’ encourage à appliquer les décisions pertinentes de la Cour européenne des droits de l ’ homme.

Cadre juridique contre le racisme

Le Comité prend note avec satisfaction des aspects positifs que présente le nouveau texte législatif contre le racisme, la loi no 4285/2014, mais reste préoccupé par le fait que cette loi n’est pas pleinement conforme aux prescriptions de l’article 4 de la Convention, en particulier en ce qu’elle n’incrimine pas la diffusion d’idées fondées sur la supériorité d’une race et ne prévoit pas de procédure pour déclarer illégales et interdire les organisations racistes. Le Comité s’inquiète aussi de la persistance dans l’État partie d’Aube dorée, parti politique que la délégation, dans sa déclaration liminaire, a qualifié de principale organisation raciste, directement inspirée de l’idéologie néo-nazie (art. 4).

Rappelant ses recommandations générales n o 7 (1985) et n o 15 (1993) concernant l ’ application de l ’ article 4 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre son cadre juridique contre le racisme en pleine conformité avec les prescriptions de l ’ article 4 de la Convention et de veiller à sa stricte application. L ’ État partie devrait entre autres déclarer illégales et interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale, notamment le parti politique Aube dorée, comme l ’ a recommandé précédemment le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l ’ intolérance qui y est associée, ainsi que le Commissaire aux droits de l ’ homme du Conseil de l ’ Europe .

Application des dispositions contre la discrimination

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies selon lesquelles les autorités répressives et les tribunaux de l’État partie font toujours plus respecter la législation contre le racisme. Il reste toutefois préoccupé par le fait que les dispositions juridiques réprimant le racisme continuent d’être peu invoquées et appliquées, ainsi que par le faible taux de condamnation dans les affaires de cet ordre portées devant les tribunaux (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier son action pour renforcer l ’ application des dispositions contre le racisme. À cette fin, l ’ État partie devrait :

a) Accroître la dotation en ressources humaines, financières et techniques des autorités répressives chargées d ’ enquêter sur les crimes de haine et les crimes à motivation raciale, à savoir les procureurs spéciaux et les unités spéciales de la police, et veiller à leur déploiement dans tout le pays ;

b) Mener une action de sensibilisation, y compris dans le cadre des éléments obligatoires de la formation initiale et de la formation en cours d ’ emploi, en particulier auprès des policiers, des procureurs, des juges et des avocats, sur le cadre juridique régissant la lutte contre la discrimination, ainsi que sur les enquêtes faisant suite aux plaintes visant des crimes de haine.

Discours de haine et crimes de haine racistes

Le Comité est préoccupé par la montée des discours de haine constatée depuis 2009, concomitamment à l’essor du parti Aube dorée, qui ciblent principalement les migrants, les Roms, les juifs et les musulmans et sont véhiculés entre autres par les médias, Internet et les plateformes des médias sociaux. Le Comité est également préoccupé par la multiplication des agressions racistes et xénophobes, dirigées en particulier contre les demandeurs d’asile et les réfugiés, qu’attise la crise économique à laquelle l’État partie est confronté. Le Comité est en outre préoccupé par le faible taux de signalement de ces crimes, en dépit des mesures prises pour sensibiliser à la nécessité d’un tel signalement (art. 2 et 4).

Le Comité exhorte l ’ État partie à prévenir, combattre et réprimer efficacement les discours et crimes de haine racistes. Rappelant ses recommandations générales n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale et n o  31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie :

a) Prendre des mesures appropriées afin de poursuivre les personnes, y compris les personnalités politiques, qui commettent des actes visés à l ’ article 4, et fournir dans son prochain rapport des renseignements sur les enquêtes de police menées, les procédures pénales ouvertes et les peines prononcées contre le parti Aube dorée et ses membres. Le Comité tient à souligner que le droit fondamental à la liberté d ’ expression ne saurait porter atteinte aux principes de dignité, de tolérance, d ’ égalité et de non-discrimination, car l ’ exercice de ce droit emporte des responsabilités particulières, dont l ’ obligation de ne pas véhiculer d ’ idéologie affirmant la supériorité d ’ une race ou incitant à la haine raciale ;

b) Renforcer la formation sur la détection, l ’ enregistrement, la prévention et la répression des crimes de haine, des crimes ou actes motivés par des préjugés et des discours de haine, à l ’ intention notamment des membres de l ’ appareil judiciaire, des policiers, des procureurs et des inspecteurs du travail, et améliorer la coordination entre les institutions dont ils relèvent ;

c) Faire en sorte que les médias ne stigmatisent pas les étrangers et les membres de minorités ethniques, ne véhiculent pas de stéréotypes à leur sujet et ne les décrivent pas en termes péjoratifs et, à cet effet, veiller à la mise en œuvre et au renforcement du mandat du Conseil national de la radio et de la télévision, dont la mission consiste à surveiller et à encadrer les médias afin d ’ empêcher la diffusion de propos racistes, xénophobes ou intolérants, et faire en sorte que des sanctions appropriées soient prononcées en cas de diffusion de tels propos ;

d) Mener des campagnes intensives à l ’ échelle du pays, en collaboration avec les institutions nationales des droits de l ’ homme et les acteurs de la société civile, pour promouvoir la tolérance, dénoncer les attitudes racistes et sensibiliser le public à l ’ interdiction légale de la discrimination raciale et aux canaux disponibles pour porter plainte en la matière, et faciliter l ’ accès des victimes à la justice, y compris en renforçant le système d ’ aide juridictionnelle ;

e) Introduire, en concertation avec les groupes touchés, des mesures concrètes pour faciliter le signalement des crimes de haine, en assurant la transparence et l ’ accessibilité du mécanisme de signalement et en définissant des moyens pour amener les victimes à faire davantage confiance à la police et au système judiciaire ;

f) Améliorer le système de collecte de données aux fins de l ’ établissement des statistiques relatives aux plaintes visant des crimes de haine, et fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur ces plaintes et leurs résultats, y compris les plaintes recueillies par l ’ Observatoire pour la prévention de la violence et du harcèlement en milieu scolaire, ainsi que des données ventilées sur les permis de séjour accordés pour motif humanitaire à des ressortissants étrangers ayant été victimes ou témoins de crimes racistes  ;

g) Accélérer l ’ adoption du projet de plan d ’ action contre le racisme, affecter des ressources à sa mise en œuvre, définir des indicateurs chiffrés permettant de suivre son avancement et fixer un échéancier pour sa pleine exécution.

Dispositions législatives relatives au blasphème

Le Comité est préoccupé par le maintien des dispositions législatives incriminant le blasphème et par le risque que celles-ci soient utilisées de manière discriminatoire, ce que la Convention interdit (art. 5 d) vii)).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger les articles 198 et 199 de son Code pénal, qui visent le blasphème.

Roms

Le Comité constate avec préoccupation que la situation des Roms présents dans l’État partie ne s’est pas améliorée durant la période à l’examen. Il s’inquiète en particulier des éléments suivants :

a)Les Roms, en particulier ceux qui vivent dans des campements informels, sont toujours confrontés à des obstacles de taille dans l’accès aux services sociaux de base, tels que le logement, l’emploi, l’éducation et les soins de santé, étant encore parfois victimes de ségrégation scolaire et d’expulsions forcées, connaissant de mauvaises conditions de vie et n’ayant pas accès à l’eau ni à l’assainissement ;

b)Les Roms continuent d’être victimes d’exclusion sociale et se heurtent régulièrement à des stéréotypes et des préjugés ;

c)Les Roms continuent d’être plus souvent soumis à des contrôles d’identité, à des arrestations arbitraires et à des actes de harcèlement de la part de la police et autres agents de la force publique, ce à quoi vient s’ajouter le fait que ces agissements des forces de l’ordre ne font l’objet d’aucune enquête efficace, d’aucune poursuite et d’aucune sanction (art. 2, 3 et 5).

Rappelant sa recommandation générale n o  27 (2000) sur la discrimination à l ’ encontre des Roms, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour :

a) Améliorer l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels par tous les Roms présents dans l ’ État partie, en accordant la priorité aux personnes vivant dans des campements informels, et mettre en œuvre des mesures visant à améliorer l ’ intégration sociale des Roms, notamment en élaborant et en appliquant des mesures spéciales pour remédier aux inégalités. À cet égard, il recommande à l ’ État partie de tenir compte de sa recommandation générale n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;

b) Appliquer sans plus tarder les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l ’ homme qui se rapportent aux violations des droits des Roms ;

c) Prendre des mesures appropriées pour lutter contre les agissements illicites des policiers et autres agents de la force publique fondés sur des motifs interdits par la Convention, et veiller à ce que de tels agissements fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie, que leurs auteurs soient rapidement traduits en justice et que les victimes reçoivent une réparation appropriée ;

d) Accélérer ses efforts pour adopter le projet de loi portant création du mécanisme chargé d ’ enquêter sur les abus de pouvoir commis par des agents des forces de l ’ ordre, et allouer les ressources nécessaires pour que le nouveau mécanisme puisse s ’ acquitter efficacement de son rôle ;

e) Consulter régulièrement tous les groupes de Roms et maintenir un dialogue constant avec eux lors de l ’ élaboration et de l ’ application des plans et des politiques qui les concernent ;

f) Mettre pleinement en œuvre la stratégie nationale pour l ’ inclusion sociale des Roms, 2012-2020, notamment en établissant des mécanismes de surveillance et de responsabilisation dans le cadre desquels la représentation des Roms devrait être garantie, et fournir des informations détaillées dans le prochain rapport périodique sur leurs effets et résultats.

Flux migratoires mixtes : migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

Le Comité est parfaitement conscient que la récente crise des migrants a fait peser un lourd fardeau sur l’État partie. Il prend note avec satisfaction des nombreuses mesures adoptées à cet égard, y compris les réformes du système d’asile et l’ouverture de plusieurs nouveaux bureaux régionaux de l’asile, ainsi que l’élargissement de la couverture des soins de santé de base aux groupes vulnérables de migrants sans papiers. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)La détention des migrants en situation irrégulière entrant dans l’État partie, y compris des familles et des enfants, pendant des périodes dépassant la durée légale maximale de la détention administrative, conjuguée à l’absence de garanties d’une procédure régulière pendant la détention ;

b)Les mauvaises conditions de vie dans les centres d’accueil et d’identification situés dans les îles et la situation chaotique dans ces centres, ce qui a des effets disproportionnés sur les femmes et les enfants qui courent un risque accru de subir des actes de violence sexuelle compte tenu de l’inaction des autorités ;

c)L’accès insuffisant aux procédures d’immigration et d’asile, le fait que les nouveaux arrivants ne reçoivent pas d’informations appropriées sur la procédure d’asile et les délais, ainsi que la longueur des procédures d’enregistrement des migrants et des demandeurs d’asile, situation qui s’est aggravée depuis la déclaration de l’Union européenne et de la Turquie concernant la crise migratoire ;

d)L’inefficacité du régime de tutelle pour les enfants non accompagnés, le manque d’hébergements appropriés pour ces enfants, et la pratique du placement en détention de fait, y compris dans des conditions insalubres et avec des adultes non membres de leur famille ;

e)Les informations faisant état d’expulsions collectives en Turquie sans qu’aucune procédure d’évaluation individuelle n’ait été ouverte (art. 2, 5 et 6).

Le Comité engage l ’ État partie à intensifier ses efforts pour mettre en œuvre les droits spécifiques des personnes qui fuient des conflits armés ou des persécutions et arrivent sur ses côtes. Il lui demande de faire respecter les droits des migrants qui arrivent dans le cadre des mêmes flux migratoires que des réfugiés et des demandeurs d ’ asile. De tels efforts pourraient aussi être intensifiés par le renforcement de la coopération internationale, en particulier avec les pays de l ’ Union européenne. En outre, le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ éliminer la détention automatique des migrants qui arrivent sur les îles comme suite à la déclaration faite par l ’ Union européenne et la Turquie concernant la crise migratoire, d ’ introduire des mesures de substitution à la détention, de veiller à ce que les personnes privées de liberté bénéficient d ’ une procédure régulière et de prendre des mesures visant à transformer les centres d ’ accueil et d ’ identification sur les îles en centres ouverts ;

b) De prendre des mesures immédiates pour améliorer les conditions de vie dans les centres d ’ accueil et d ’ identification et de veiller à ce que dans ces centres, chacun ait accès à des soins médicaux, à des interprètes, à une alimentation adéquate et à un soutien social ;

c) De défendre la primauté du droit dans les centres d ’ accueil et d ’ identification et de redoubler d ’ efforts pour protéger tous ceux qui séjournent dans ces centres contre toutes les formes de violence ;

d) D ’ accélérer la mise en place d ’ un solide régime de tutelle et de nommer des tuteurs qualifiés pour les enfants non accompagnés ;

e) De faciliter l ’ accès de tous les enfants migrants à l ’ éducation et, à cette fin, d ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières nécessaires, et de former les enseignants et autres personnels concernés ;

f) De garantir à tous les migrants qui arrivent dans l ’ État partie la fourniture régulière d ’ informations claires relatives aux procédures d ’ immigration et d ’ asile, de faciliter l ’ accès à ces procédures et à l ’ aide juridictionnelle, et de veiller à l ’ évaluation individuelle des demandes d ’ asile et au respect des garanties d ’ une procédure régulière tout au long de la procédure d ’ asile, y compris la protection contre le refoulement ;

g) De mettre en œuvre le plan national d ’ action sur les migrations et l ’ asile tout en poursuivant sa collaboration avec le Haut - Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Haut - Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH), l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) et les organisations de la société civile, et de fournir au Comité, dans son prochain rapport, des renseignements sur l ’ évolution des indicateurs socioéconomiques relatifs à l ’ accès des migrants à la santé, à l ’ éducation, au logement et à l ’ emploi  ;

h) De prendre des mesures pour accélérer la mise en œuvre du mécanisme de réinstallation d ’ urgence qui permettrait de réinstaller dans d ’ autres pays de l ’ Union européenne des demandeurs d ’ asile en provenance de Grèce.

Discrimination à l’encontre des travailleurs migrants et des membres des minorités ethniques dans le domaine de l’emploi

Le Comité est préoccupé par les mauvaises conditions d’emploi des travailleurs migrants, en particulier de ceux qui travaillent dans le secteur agricole et dans le secteur informel, notamment la faiblesse des revenus, l’absence de protection sociale, la médiocrité des conditions de santé et de sécurité, et la longueur des heures de travail. Le Comité est aussi préoccupé par les informations indiquant que les « pratiques de Manolada » n’ont toujours pas été éradiquées (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre immédiatement des mesures pour mettre fin à toute manifestation de discrimination dans l ’ emploi et à l ’ exploitation économique des travailleurs migrants. À cette fin, l ’ État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour prévenir de telles situations et y remédier, notamment en faisant bénéficier tous les travailleurs d ’ une protection sociale et d ’ une protection de leurs droits du travail en renforçant les ressources humaines et financières de l ’ inspection du travail afin de renforcer ses interventions sur tous les lieux de travail, y compris dans le secteur informel, et fournir des informations sur ces visites et sur les sanctions imposées par les organismes de contrôle en lien avec des cas de discrimination dans l ’ emploi fondée sur l ’ origine ethnique ;

b) Enquêter sur les cas de discrimination dans l ’ emploi et d ’ exploitation des travailleurs migrants et des membres des minorités ethniques, poursuivre les employeurs abusifs et indemniser les victimes ;

  c) Envisager de ratifier la convention (n o  129) de l ’ OIT sur l ’ inspection du travail (agriculture), 1969, la convention (n o 97) de l ’ OIT sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et la convention (n o  189) de l ’ OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l ’ objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale n o  33 (2009) sur le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d ’ examen de D urban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière de la résolution 68/237, dans laquelle l ’ Assemblée générale a proclamé la période 2015-2024 Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine, et de la résolution 69/16 de l ’ Assemblée relative au programme d ’ activités pour la mise en œuvre de la Décennie, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre un programme comportant des mesures et des politiques appropriées. Il demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ encontre des personnes d ’ ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Amendement à l’article 8 de la Convention

Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier la modification du paragraphe 6 de l ’ article 8 de la Convention, adoptée le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvée par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Déclaration prévue à l’article 14 de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à faire la déclaration facultative prévue à l ’ article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

Document de base commun

Le Comité encourage l ’ État partie à lui soumettre une version actualisée de son document de base, qui date de 2002, conformément aux directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports à soumettre en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles concernant le document de base commun, telles qu ’ adoptées par la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). Compte tenu de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ces documents.

Suite donnée aux présentes observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 23 e) et f) et 25 b).

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant aux paragraphes 13, 17 et 21, et demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’informations

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient facilement accessibles au moment de leur soumission et que les observations finales du Comité s ’ y rapportant soient diffusées, en temps opportun, dans la langue officielle de l ’ État partie et les autres langues couramment utilisées, selon qu ’ il convient.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑troisième et vingt ‑quatrième rapports périodiques, d ’ ici au 18 juillet 2019, en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.