Nations Unies

CCPR/C/FIN/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Finlande *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique de la Finlande (CCPR/C/FIN/6) à ses 2987e et 2988e séances (CCPR/C/SR.2987 et 2988), le 12 juillet 2013. À sa 3003e séance (CCPR/C/SR.3003), le 24 juillet 2013, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission dans les délais du sixième rapport périodique de la Finlande et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/FIN/Q/6/Add.1) qu’il a apportées à la liste des points à traiter, et qui ont été complétées oralement par la délégation.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures d’ordre législatif et institutionnel suivantes:

i)L’adoption de la loi de promotion de l’intégration des immigrants (loi sur l’intégration, no 1386/2010), en 2010;

ii)L’adoption de la loi sur l’accueil des demandeurs d’une protection internationale (loi sur l’accueil, no 746/2011), en 2011;

iii)L’adoption du premier plan national d’action en faveur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en 2012;

iv)La modification du Code pénal (no 511/2011), qui est entrée en vigueur en juin 2011; et

v)La modification de la loi sur les étrangers, qui est entrée en vigueur en août 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité regrette que l’État partie maintienne ses réserves, en particulier au paragraphe 7 de l’article 14 et au paragraphe 1 de l’article 20 du Pacte qui, de l’avis du Comité, sont sans fondement compte tenu de l’interprétation de ces dispositions par le Comité (art. 2).

L’État partie devrait réexaminer continuellement les réserves qu’il a émises au Pacte et envisager de les retirer en tout ou en partie.

Le Comité note que l’État partie a incorporé le Pacte dans son droit interne mais il relève que dans quelques cas seulement les dispositions du Pacte ont été invoquées devant les juridictions nationales depuis l’examen du rapport précédent (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour mieux faire connaître le Pacte parmi les juges, les avocats et les procureurs de façon que ses dispositions soient prises en considération par les juridictions nationales. Il devrait également faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples d’application du Pacte par les tribunaux.

Le Comité accueille avec satisfaction la réforme de la législation relative à la non‑discrimination qui est en cours dans l’État partie mais il demeure préoccupé par le fait que l’écart salarial entre hommes et femmes n’a pas disparu et que les femmes peuvent être licenciées en raison de la grossesse et de la naissance d’un enfant (art. 3 et 26).

L’État partie devrait poursuivre la mise en œuvre de mesures visant à garantir, dans la loi et dans les politiques générales, l’égalité de fait des hommes et des femmes sur le marché du travail, en renforçant les mesures déjà en place . Il devrait préciser s’il existe des dispositions prévoyant des sanctions en cas de licenciement d’une femme en raison de la grossesse et de la naissance d’un enfant.

Le Comité donne acte à l’État partie des efforts qu’il déploie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment le Plan d’action visant à faire reculer la violence à l’égard des femmes, 2010‑2015, mais il note avec préoccupation les informations faisant état de cas de violence sexiste, en particulier de viols, que souvent les victimes ne signalent pas et qui de ce fait ne font pas l’objet d’une enquête et de poursuites, leurs auteurs restant ainsi impunis. Le Comité regrette que l’offre de services, notamment le nombre de refuges, soit insuffisante et inadéquate pour protéger les femmes victimes de violences (art. 3,7 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts et prendre toutes les mesures nécessaires, y compris sur le plan législatif, pour prévenir et combattre efficacement toutes les formes de violence à l’égard des femmes, en particulier la violence sexuelle. Il devrait veiller à ce que les services, notamment des refuges en nombre suffisant, soient mis à disposition pour protéger les victimes de violences et allouer à ces services des ressources financières suffisantes. L’État partie devrait également faire œuvre d’éducation en informant la société sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes, y compris de la violence au foyer, et améliorer la coordination entre les organes responsables de la prévention et de la répression de la violence au foyer, de façon que de tels actes fassent l’objet d’une enquête, que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, punis de peines appropriées.

Le Comité est préoccupé par le fait que la législation actuelle relative à la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre n’est pas complète, ce qui fait qu’elle ne protège pas contre la discrimination fondée sur tous les motifs énoncés dans le Pacte. Il est aussi préoccupé par les informations rapportant des actes de discrimination fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (art. 2 et 26).

L’État partie devrait accroître ses efforts visant à combattre et à éliminer la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, notamment en entreprenant une réforme législative complète qui aboutisse à une protection égale contre la discrimination pour tous motifs.

Malgré les renseignements donnés par l’État partie au sujet des mesures qu’il a prises pour protéger les victimes de la traite des personnes, le Comité est toujours préoccupé par les faiblesses de l’identification des femmes victimes de la traite. Il est particulièrement préoccupé par les cas de femmes qui ont été conduites illégalement dans le pays pour être livrées à la prostitution, mais ne sont entendues que comme témoins et ne sont pas considérées également comme des victimes de la traite, ce qui les empêche de recevoir la protection et l’assistance voulues (art. 8).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour lutter contre la traite des personnes et envisager de modifier sa législation de façon à garantir que les victimes de traite, en particulier l es femmes victimes d’agression et d’exploitation sexuelles, soient considérées comme des victimes et reçoivent l’assistance et la protection nécessaires. L’État partie devrait également organiser des campagnes de sensibilisation, continuer à dispenser une formation aux membres de la police et des services d’immigration et renforcer les dispositifs de coopération avec les États voisins pour prévenir la traite.

Le Comité note de nouveau avec préoccupation que le centre de rétention de Metsälä, seul centre de rétention pour demandeurs d’asile et migrants en situation irrégulière de Finlande, est fréquemment surpeuplé et que de nombreux demandeurs d’asile et migrants, y compris des mineurs non accompagnés ou isolés, des femmes enceintes et des personnes handicapées, sont placés dans les locaux de détention de la police pour de longues périodes (art. 9 et 10).

L’État partie devrait appliquer d’autres moyens que la détention des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière chaque fois que possible. Il devrait également veiller à ce que la rétention administrative aux fins d’immigration soit justifiée et soit, compte tenu des circonstances particulières, considérée comme raisonnable, nécessaire et proportionnée et que cette mesure soit soumise à un examen périodique et à un contrôle juridictionnel, conformément aux prescriptions de l’article 9 du Pacte. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de vie dans le centre de rétention de Metsälä.

Le Comité accueille avec satisfaction les informations supplémentaires données par l’État partie, mais il demeure préoccupé par le fait qu’une personne arrêtée et soupçonnée d’une infraction pénale n’est présentée devant un juge, selon les informations fournies par l’État partie, qu’à l’expiration d’un délai de quatre-vingt-seize heures. Le Comité est aussi préoccupé par les informations indiquant que les suspects ne bénéficient pas toujours de l’assistance d’un avocat dès leur arrestation, en particulier ceux qui ont commis des «délits mineurs». Le comité regrette que l’État partie n’ait pas éclairci la question du lieu où l’intéressé est détenu quand, par la suite, il est décidé de le maintenir en détention (art. 9 et 14).

L’État partie devrait donner au Comité les informations demandées et, en tout état de cause, veiller à ce que les personnes en état d’arrestation et soupçonné e s d’une infraction pénale soient présent ées à un juge dans les quarante- huit heures suivant l’arrestation puis transférées des locaux de la police à un autre lieu si la poursuite de la détention est décidée. L’État partie devrait aussi veiller à ce que soit garanti à tous les suspects le droit de bénéficier des services d’un avocat dès leur arrestation, quelle que soit la nature de l’infraction présumée.

Le Comité note que l’État partie a fait des efforts pour rénover les cellules de garde à vue et les établissements pénitentiaires mais il est préoccupé par le fait que, d’après certaines sources, il reste encore des établissements pénitentiaires qui n’ont pas d’installations sanitaires appropriées, y compris de toilettes. Le Comité est également préoccupé de constater que dans sept prisons le problème de la surpopulation n’a pas été résolu (art. 10).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour résoudre le problème de la surpopulation dans les prisons et garantir que toutes les prisons soient dotées d’installations sanitaires, conformément à l’article 10 du Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1955).

Le Comité tient compte de la pratique de l’État partie qui examine l’intérêt supérieur de l’enfant quand il s’agit de placer des mineurs dans un centre de détention mais il est toujours préoccupé par le fait que les mineurs ne sont pas séparés des prisonniers adultes.

Malgré la réserve émise aux paragraphes 2 b) et 3 de l’article 10 du Pacte, l ’ État partie devrait veiller à ce que la règle générale soit la séparation des mineurs et des adultes dans les lieux de détention et à ce que les mineurs soient dûment protégés contre la violence et les atteintes sexuelles.

Le Comité accueille avec satisfaction les modifications législatives qui permettent de demander à accomplir des services non militaires en cas de mobilisation et de troubles graves et le fait que les objecteurs de conscience qui refusent tout service peuvent être dispensés d’un emprisonnement ferme mais il se déclare de nouveau préoccupé par la durée du service civil, qui est près de deux fois celle du service dans l’armée, et par le fait que le traitement préférentiel accordé aux Témoins de Jéhovah n’a pas été étendu aux autres groupes d’objecteurs de conscience (art. 18).

L ’ État partie devrait reconnaître sans réserve le droit à l’objection de conscience et faire en sorte que par leur durée et leur nature, les formes de service remplaçant le service militaire n’ai en t pas un caractère punitif. Il devrait également accorder le traitement préférentiel dont bénéficient les Témoins de Jéhovah aux autres groupes d’objecteurs de conscience.

Le Comité est préoccupé par la procédure d’asile accélérée établie par la loi sur les étrangers, qui prévoit un délai beaucoup trop bref pour permettre un examen approfondi des demandes d’asile et pour permettre au demandeur de préparer correctement son dossier. Il est également préoccupé par le fait que les recours formés contre une décision d’asile prise en vertu de la procédure accélérée n’ont pas un effet suspensif automatique (art. 2 et7).

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes qui ont besoin d’une protection aient un traitement approprié et équitable dans toutes les procédures d’asile et garantir que le recours contre les décisions prises selon la procédure accélérée ait un effet suspensif.

Le Comité note que l’État partie s’est engagé à ratifier la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et qu’il a institué, en août 2012, un groupe de travail chargé de renforcer le droit des Samis de prendre part aux décisions concernant l’utilisation des terres et des ressources en eau, mais il constate avec préoccupation que le peuple sami n’a toujours pas de pouvoirs de participation et de prise de décisions sur des questions d’une importance fondamentale pour sa culture et son mode de vie, notamment en ce qui concerne la terre et les ressources naturelles. Le Comité note aussi qu’il existe peut-être, de la part des autorités publiques, un manque de compréhension ou de prise en considération du mode de vie des Samis et que la loi n’est pas claire en ce qui concerne l’utilisation des terres dans les régions où vivent traditionnellement les Samis (art. 1, 26 et 27).

L’État partie devrait promouvoir la réalisation des droits des S ami s en augmentant les pouvoirs de décisions des institutions qui le s représentent, comme le Parlement sami. Il devrait intensifier ses efforts pour réviser sa législation de façon à garantir sans réserve les droits des Samis sur leurs terres traditionnelles, garantissant le respect du droit des communautés samis de participer librement et de façon informée à des consultations préalables à l’élaboration des politiques et aux processus de développement qui les touchent. L’État partie devrait également prendre des mesures appropriées pour permettre dans la mesure du possible que tous les enfants samis sur son territoire reçoivent un enseignement dans leur propre langue.

Le Comité accueille avec satisfaction les actions entreprises par l’État partie pour faire disparaître la discrimination à l’égard des Roms, notamment la réforme de la législation sur l’égalité qui est en cours, mais il se déclare de nouveau préoccupé de ce que les Roms continuent de subir une discrimination de fait et l’exclusion sociale dans le domaine du logement, de l’éducation et de l’emploi. Il s’inquiète en particulier des informations qui continuent de lui parvenir indiquant que des enfants roms sont placés dans des classes d’enseignement spécialisé (art. 26 et 27).

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques, notamment en améliorant la législation, pour empêcher la discrimination à l’égard des Roms, en particulier dans le domaine de l’éducation, du logement et de l’emploi, et dégager des ressources supplémentaires pour mettre en œuvre tous les plans destinés à supprimer les obstacles qui entravent l’exercice réel par les Roms des droits qui leur sont reconnus dans le Pacte. L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour éliminer définitivement la ségrégation des enfants roms dans son système d’enseignement, en veillant à ce que l’inscription à l’école se fasse de façon individualisée et ne soit pas influencée par le groupe ethnique auquel l’enfant appartient.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte et des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, du sixième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales, auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans la langue officielle de l’État partie. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son septième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 10, 11 et 16.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 26 juillet 2019, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.