Nations Unies

CED/C/PER/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

27 octobre 2016

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Examen des rapports soumis par les États parties en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Rapports des États parties attendus en 2014

Pérou *

[Date de réception : 8 août 2016]

Table des matières

Page

Abréviations et sigles3

Introduction4

I.Cadre juridique général5

II.Renseignements sur chacun des articles de la Convention7

2.1Article premier7

2.2Article 28

2.3Article 311

2.4Article 412

2.5Article 513

2.6Article 615

2.7Article 716

2.8Article 817

2.9Article 918

2.10Article 1019

2.11Article 1119

2.12Article 1220

2.13Article 1321

2.14Article 1423

2.15Article 1524

2.16Article 1625

2.17Article 1725

2.18Article 1829

2.19Article 1930

2.20Article 2031

2.21Article 2131

2.22Article 2232

2.23Article 2333

2.24Article 2438

2.25Article 2557

III.Remarques finales58

IV.Annexes**59

Abréviations et sigles

CICR

Comité international de la Croix-Rouge

Commission multisectorielle de haut niveau

Commission multisectorielle de haut niveau chargée du suivi des actions et politiques de l’État dans les domaines de la paix, de la réparation collective et de la réconciliation nationale

CIDH

Cour interaméricaine des droits de l’homme

Convention internationale

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Convention interaméricaine

Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes

CPI

Cour pénale internationale

DIH

Droit international humanitaire

Introduction

1.L’État péruvien présente ici le rapport initial qu’il a établi en application de l’article 29 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après la Convention) – adoptée en vertu de la décision législative no 29894 et ratifiée en vertu du décret suprême no 040-2012-RE –, lequel dispose que « Tout État partie présente au Comité, par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, un rapport sur les mesures qu’il a prises pour donner effet à ses obligations au titre de la présente Convention, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie concerné. »

2.De même, le paragraphe 4 de l’article susmentionné dispose que le Comité des disparitions forcées (ci-après dénommé le Comité) « peut aussi demander aux États parties des renseignements complémentaires sur la mise en application de la présente Convention ».

3.C’est à la Direction générale des droits de l’homme, qui relève du Ministère de la justice et des droits de l’homme, qu’il appartient d’établir le rapport périodique présenté par le Comité. Plus précisément, la Direction des affaires internationales, de la sensibilisation au droit et de l’harmonisation de la législation, qui fait partie de la Direction générale des droits de l’homme, a notamment pour rôle : « d’établir les rapports que demandent (…) les organes des mécanismes de protection internationale des droits de l’homme constitués en vertu des traités et autres accords internationaux qui lient l’État péruvien et, le cas échéant, de fournir des renseignements à cette fin ».

4.Il convient par ailleurs d’ajouter que la Direction des affaires internationales, de la sensibilisation au droit et de l’harmonisation de la législation a tenu compte des Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention.

5.Soulignons en outre que le présent rapport est le fruit d’un processus participatif et structuré auquel ont participé les services compétents de l’appareil exécutif, ainsi que de l’appareil judiciaire, du ministère public/Bureau du Procureur général et de la Cour suprême des forces armées et de la police, qui ont communiqué les informations demandées par le Ministère de la Justice aux fins de l’établissement du présent rapport.

6.La version finale du rapport a été approuvée par le Bureau du Vice-Ministre des droits de l’homme et de l’accès à la justice du Ministère de la justice et des droits de l’homme, qui est notamment chargé d’approuver les rapports périodiques ou ponctuels demandés par les organes des mécanismes de protection internationale des droits de l’homme.

I.Cadre juridique général

7.Conformément à la Constitution, tous les traités en vigueur conclus par l’État font partie intégrante de la législation nationale. En outre, en application de la quatrième disposition finale et transitoire de la Constitution, les règles relatives aux droits et aux libertés consacrées par la Constitution doivent être interprétées conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux traités et accords internationaux que le Pérou a ratifiés dans ce domaine, ce qui concorde avec les dispositions de l’article V du Titre préliminaire du Code de procédure constitutionnelle.

8.On voit donc que la Constitution péruvienne intègre les instruments internationaux dans son cadre d’application interne. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans les affaires no 0025-2005-PI/TC et no 0026-2005-PI/TC, la Cour constitutionnelle a établi que le droit international des droits de l’homme faisait partie intégrante du système juridique national péruvien.

9.En outre, dans l’affaire no 2798-04-HC/TC, la Cour a noté, que « le caractère impératif de l’interprétation fondée sur les droits de l’homme supposait donc que toute l’action publique devait tenir compte de l’application directe des normes consacrées par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Pérou était partie ainsi que par la jurisprudence des juridictions internationales créées en vertu de ces instruments ».

10.Il convient par ailleurs de noter que l’État péruvien participe activement à la ratification des traités relatifs aux droits de l’homme et relevant du droit international humanitaire, qui ont pour objet de rendre obligatoire l’adoption de mesures de prévention, de protection, d’enquête, de répression et de réparation des disparitions.

11.À cet égard, il convient de signaler que, par la décision législative no 30434 (publiée au Journal officiel « El Peruano » le 14/05/2016), le Congrès a adopté une déclaration reconnaissant la compétence du Comité des disparitions forcées au titre de l’article 31 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

12.De nombreux cas de disparition forcée ont été recensés au Pérou à la suite des violences intervenues de 1980 à 2000. Ainsi, selon l’équipe spécialisée de l’Institut de médecine légale du ministère public, 8 558 cas auraient été enregistrés au cours de cette période. Il convient de noter que ce chiffre tient uniquement compte des cas recensés par la Commission Vérité et réconciliation et non des autres cas qu’auraient aussi pu dénombrer d’autres organismes.

13.Afin de remédier à cette situation, l’État a créé des unités spécialisées au sein de l’appareil judiciaire et du ministère public pour donner effet aux obligations découlant de la Convention internationale en matière d’enquête, de poursuites et de répression des responsables.

14.Sur le plan de la réparation aux victimes et à leurs familles, la Commission multisectorielle de haut niveau a indemnisé 1 522 personnes en 2015, portant ainsi le nombre de personnes indemnisées pour la période 2011-2015 à 78 112, ce qui représente 95 % des 82 007 bénéficiaires recensés dans le registre central des victimes.

15.En outre, le Plan national de défense des droits de l’homme 2014-2016, approuvé par le décret suprême no 005-2014-JUS publié au Journal officiel « El Peruano » le 05/07/2014, prévoit notamment la mise en œuvre des mesures stratégiques suivantes : i) concevoir et appliquer un programme de prévention des disparitions forcées ; ii) mettre en place une politique publique aux fins de la recherche, de l’identification et, le cas échéant, de la restitution des ossements des personnes disparues et iii) élaborer un Plan national d’interventions d’anthropologie médico-légale pour retrouver les corps des personnes portées disparues et inhumées clandestinement.

16.Enfin, il convient de noter qu’à la 11e séance du matin de sa deuxième session ordinaire de 2015, le Congrès a adopté le projet de loi no 5290/2015-DP relatif à la recherche des personnes disparues au cours des violences intervenues entre 1980 et 2000, qui privilégie une approche humanitaire, grâce à la coordination et à l’adoption de mesures visant à promouvoir la recherche, la collecte, l’analyse, l’identification et le rapatriement des restes des personnes disparues. Cette loi, que le pouvoir exécutif a promulguée le 22 juin 2016, est aujourd’hui pleinement en vigueur. Par ailleurs, en vertu de la décision ministérielle no 0167-2016-JUS, publiée au Journal officiel «  El Peruano » le 13/07/2016, un groupe de travail a été chargé de formuler des avis durant le processus de mise en œuvre de la loi no 30470 relative à la recherche des personnes disparues au cours des violences intervenues entre 1980 et 2000, pour que toutes les mesures nécessaires à la bonne application de ladite loi puissent être prises.

II.Renseignements sur chacun des articles de la Convention

2.1Article premier

17.L’article 137 de la Constitution définit le cadre juridique des états d’exception : i) état d’urgence (atteinte à la paix ou à l’ordre public, catastrophe ou circonstances graves affectant la vie de la nation) ; et ii) état de siège (invasion, guerre avec un pays étranger, guerre civile ou imminence d’un tel danger). Ni l’un ni l’autre ne suspend l’exercice du «  noyau dur de droits » et le texte normatif instituant l’état d’urgence doit notamment préciser les droits dont l’exercice est restreint ou suspendu.

18.En outre, l’article 23° du Code de procédure pénale dispose que les procédures constitutionnelles « ne sont pas suspendues pendant la durée des états d’urgence ». Est ainsi également considéré comme un droit protégé par la procédure constitutionnelle d’habeas corpus « le droit de ne pas être soumis à une disparition forcée » afin non seulement d’assurer la liberté et l’intégrité des personnes, mais aussi de garantir le droit à la vie et d’empêcher la dissimulation ou la non-communication des lieux où la disparition est intervenue, le juge étant tenu de prendre toutes les mesures nécessaires susceptibles de conduire à la découverte de la victime, et pouvant même nommer des juges de la circonscription judiciaire où l’on pense que la personne risque d’être détenue aux fins d’établir ou d’infirmer qu’il a été porté atteinte à sa liberté et d’obtenir le nom de l’entité qui a ordonné sa disparition ou qui l’a exécutée. Le juge est notamment tenu d’informer le ministère public du recours en habeas corpus pour que les enquêtes requises puissent être menées.

19.Si la disparition forcée est le fait d’un membre de la police nationale péruvienne (PNP) ou des forces armées, le juge doit en outre demander à l’autorité supérieure dont dépend l’auteur présumé dans la zone dans laquelle la disparition s’est produite de confirmer ou d’infirmer dans les vingt-quatre heures qu’il a été porté atteinte à la liberté de la personne disparue et de communiquer le nom de l’entité ayant commis ou commandité sa disparition.

20.Par ailleurs, le Manuel des droits de l’homme appliqués à l’exercice des fonctions de la police considère notamment les traités relatifs à la disparition forcée comme une source de droit et le Manuel des forces armées sur le droit international humanitaire et les droits de l’homme rend compte des progrès accomplis en matière d’interdiction de la disparition forcée.

21.Parallèlement, conformément au décret législatif no 665, dans les zones déclarées en état d’urgence, les procureurs sont autorisés à pénétrer dans les postes de police, les préfectures, les installations militaires et tout autre centre de détention de la République, afin de vérifier dans quelle situation se trouvent des personnes détenues ou portées disparues. Tout manquement est signalé par les procureurs au doyen des procureurs du district judiciaire concerné, qui en informe à son tour le Bureau du Procureur.

2.2Article 2

22.Le délit de disparition forcée est érigé en infraction comme suit par l’article 320 du Code pénal : « Tout fonctionnaire ou agent de la fonction publique qui prive une personne de sa liberté, en ordonnant ou exécutant des actes ayant pour effet d’entraîner la disparition dûment avérée de l’intéressé, est passible d’une peine privative de liberté d’au moins quinze ans et des peines d’incapacité prévues aux paragraphes 1 et 2 de l’article 36. »

23.L’article 46 A de la partie générale du Code pénal qualifie de circonstance aggravante de la responsabilité pénale le fait que « l’auteur profite de sa qualité de membre des forces armées, de la police nationale, de fonctionnaire ou d’agent de la fonction publique pour commettre une infraction, ou utilise à cet effet des armes fournies par l’État ou que son statut de fonctionnaire l’autorise à utiliser ». Dans ce cas, le juge peut augmenter la peine de privation de liberté de moitié par rapport au maximum légal prévu pour l’infraction commise, sans dépasser trente-cinq ans.

24.De même, toute disparition forcée dont les auteurs seraient liés à la criminalité organisée tombe sous le coup de la loi no 30077 contre la criminalité organiséeet des normes et dispositions du nouveau Code de procédure pénale approuvé par le décret législatif no 957, sans préjudice d’autres dispositions spéciales.

25.Il convient de noter que, en vertu de la loi susmentionnée, si l’infraction pénale a été commise par un fonctionnaire ou un agent de l’État qui a abusé de sa position ou s’en est servi pour commettre, faciliter ou dissimuler l’infraction, le juge peut augmenter la peine d’un tiers par rapport au maximum légal prévu pour l’infraction commise, sans dépasser trente-cinq ans.

26.Nonobstant ce qui précède, il convient de noter – comme indiqué tant par l’appareil judiciaire que par le ministère public, que la qualification actuelle de la disparition forcée n’est conforme ni à l’article 2 la Convention internationale contre les disparitions forcées ni à la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes ni au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. C’est la raison pour laquelle l’appareil judiciaire et la Cour constitutionnelle ont pris des mesures en vue de régler la situation sur le plan de la jurisprudence.

27.Plus précisément, à la cinquième session plénière des juges des chambres pénales permanentes et transitoires de la Cour suprême de justice de la République, l’appareil judiciaire a adopté l’arrêt no 09-2009/CJ-116 afin d’harmoniser la jurisprudence pénale en matière de disparitions forcées.

28.Conformément à cet arrêt, «  l’écart entre les dispositions juridiques nationales et les normes internationales concerne le sujet actif, voire la description de l’élément clef des aspects juridiques de la disparition forcée ».

29.En même temps, conformément à ce que l’on trouve dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle à propos de la nature de la disparition forcée, celle-ci est considérée comme « une infraction de caractère pluriel, une violation multiple et persistante de plusieurs droits fondamentaux et conventionnels (…) [qui, ] de par ses effets sur le sujet protégé, constitue une infraction continue ».

30.L’arrêt adopté en session plénière facilite l’analyse jurisprudentielle, mais il n’est conforme ni à la teneur ni à la portée de la Convention internationale et de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, puisqu’il ne considère comme auteurs de disparition forcée que les personnes qui avaient le statut de fonctionnaire ou d’agent de la fonction publique en 1991 (l’année d’entrée en vigueur de la modification apportée au Code pénal).

31.Pour sa part, dans l’arrêt qu’elle a rendu concernant l’affaire no 2488-2002-HC/TC, après avoir réaffirmé le fondement des arrêts rendus dans les affaires no 2798-04-HC/TC et 4677-2005-PHC/TC, la Cour constitutionnelle a noté qu’il n’était pas contraire à la garantie de la lex prior découlant du principe de légalité pénale d’appliquer à une infraction continue une loi pénale qui n’était pas en vigueur avant le moment où cette infraction avait commencé d’être commise, mais qui avait été promulguée alors que cette infraction continuait d’être commise. À cet égard, le fait que la disparition forcée n’ait pas toujours été incriminée en tant que telle ne s’oppose pas à ce que cette infraction donne lieu à des poursuites pénales et à ce que ses auteurs soient sanctionnés.

32.En outre, comme l’a affirmé cet organe constitutionnel suprême, « même si la disparition forcée n’a pas toujours été érigée en infraction dans notre système juridique, cela n’empêche pas qu’elle puisse donner lieu à des poursuites pour des faits ayant débuté par une détention intervenue avant la date où elle a été incriminée dans notre Code pénal si la détention se poursuivait et qu’on ignorait toujours où se trouvait la victime à cette date ».

2.3Article 3

33.Afin de se conformer à ses obligations internationales et nationales en matière d’enquête, de poursuites et de condamnation des responsables de disparition forcée, le Pérou a constitué un sous-système spécialisé dans les droits de l’homme au sein du ministère public et de l’appareil judiciaire.

34.Le ministère public s’est doté de bureaux nationaux supérieurs ainsi que de bureaux supraprovinciaux, chargés d’instruire les infractions portant gravement atteinte aux droits de l’homme, les crimes contre l’humanité (notamment les disparitions forcées), ainsi que les actes de génocide et de terrorisme, à savoir : i) 3 bureaux nationaux supérieurs ayant leur siège à Lima ; ii) 4 bureaux supraprovinciaux à Lima ; iii) 2 bureaux supraprovinciaux à Ayacucho ; iv) 1 bureau supraprovincial à Huancavelica ayant son siège à Ayacucho ; v) 1 bureau provincial spécialisé dans le terrorisme et les crimes contre l’humanité à Huánuco ; vi) 3 bureaux provinciaux à Abancay ; vii) 1 bureau provincial à Huancayo ; viii) 1 bureau supraprovincial à Pichari, dans la vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro.

35.Selon les informations communiquées par le ministère public, 75 affaires de disparition forcée sont actuellement examinées par les bureaux nationaux et supraprovinciaux (voir annexe 1).

36.Comme indiqué dans le tableau ci-après (voir annexe 2), trois procédures judiciaires pour disparition forcée, dont ont été saisis les bureaux supraprovinciaux de Lima, en sont au stade de l’enquête préliminaire.

37.Parallèlement, 14 affaires de disparition forcée sont en attente de jugement et d’autres en sont au stade de la procédure orale (voir annexe no 3).

38.Pour sa part, le pouvoir judiciaire a habilité au niveau national la Chambre pénale nationale à connaître des infractions visées aux chapitres I, II et III du titre XIV – A du Code pénal, puis les juridictions pénales nationales à connaître des infractions de droit commun constituant des violations des droits de l’homme.

39.En particulier, le système d’administration de la justice applicable aux disparitions forcées se compose des tribunaux suivants : i) le premier tribunal pénal de Huancayo ; ii) le deuxième tribunal pénal de Huamanga ; iii) le premier tribunal pénal transitoire de Huánuco chargé de résorber l’arriéré judiciaire ; iv) les tribunaux pénaux nationaux 1, 2 et 3 (situés dans la ville de Lima) ; v) le tribunal collégial B de la Cour pénale nationale (dont le siège se trouve à Lima) ; et vi) les chambres pénales permanentes et transitoires de la Cour suprême.

40.En ce qui concerne l’exécution des décisions internationales en matière de droits de l’homme, le Conseil supérieur de la magistrature a ordonné la création de tribunaux spécialisés dans l’exécution des décisions d’institutions supranationales et en a arrêté les fonctions.

41.Parmi les mesures adoptées, il convient de noter que dans l’article premier de sa décision administrative no 116-2013-P-PJ en date du 01/04/2013, le Conseil de la magistrature a demandé aux tribunaux pénaux de la République, dans le cadre de l’exercice de leur indépendance et dans le respect de la Constitution et des lois en vigueur, de prononcer et d’appliquer, le cas échéant, des sanctions pénales suffisamment rigoureuses et sévères, compte tenu des motifs et circonstances de chaque cas, mais justes pour protéger les intérêts des victimes des infractions.

42.Dans le même ordre d’idées, la décision administrative no 254-2014-PJ engage par ailleurs tous les organes juridictionnels et administratifs des tribunaux supérieurs de justice au niveau national à faire usage des pouvoirs qui leur sont dévolus pour prendre toutes les mesures nécessaires dans les plus brefs délais afin d’examiner et juger rapidement les affaires relevant de leurs juridictions qui sont en cours ou en instance dans le système interaméricain de protection des droits de l’homme.

2.4Article 4

43.Comme indiqué plus haut, la disparition forcée n’est pas incriminée conformément aux traités internationaux que le Pérou a ratifiés ; néanmoins, il a été tenu compte des dispositions de ces derniers dans la jurisprudence pénale. Ainsi, parmi les points évoqués par certaines juridictions suprêmes :

36.1Il a notamment été noté que la « disparition forcée de personnes étant érigée en infraction par les traités internationaux que l’État péruvien a adoptés et ratifiés, il convient d’interpréter les textes normatifs de ce dernier conformément aux traités et accords internationaux ».

36.2Il est de même noté que cette infraction « se caractérise par une structure et un modus operandi complexes, qui ne se traduisent pas seulement par la privation de liberté d’une personne par des agents de l’État, mais aussi par la dissimulation systématique de son arrestation et du lieu où elle se trouve, ce qui en fait, en conséquence et en substance, une infraction continue ».

36.3Comme indiqué plus haut, l’interdiction absolue de la disparition forcée constitue une règle relevant du jus cogens, qui affecte les droits composant le noyau dur des droits de l’homme.

36.4L’article II de la Convention interaméricaine et l’article VII du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ont également été directement cités pour désigner les éléments caractéristiques et la structure de l’infraction que constitue la disparition forcée.

36.5Il est indiqué qu’il n’y a « pas lieu de citer un agent de la fonction publique en justice ou de le convoquer pour qu’il s’acquitte de son devoir en donnant des informations sur le sort ou la situation du détenu. L’agent de la fonction publique a l’obligation d’informer avant d’être cité ou convoqué ; il la contracte dès le moment où lui incombe un devoir de garant, c’est-à-dire, en cas de disparition forcée, quand une personne est légalement ou arbitrairement privée de sa liberté, et qu’il est tenu par l’engagement institutionnel à répondre de l’intégrité du sujet détenu dans le respect des procédures régulières ».

36.5Dans l’arrêt qu’elle a rendu contre Alberto Fujimori, la Cour suprême a également indiqué que la coaction indirecte par organisation interposée supposait la réunion de conditions et prérequis fonctionnels, à savoir : i) un pouvoir de commandement ; ii) l’illicéité de l’organisation ; iii) l’interchangeabilité de l’exécutant ; iv) la forte propension de l’exécutant à commettre les faits.

2.5Article 5

44.Le Code pénal péruvien incrimine la disparition forcée à l’article 320 de son titre XIV – A sur les « crimes contre l’humanité ». Il n’indique pas expressément qu’il s’agit d’une infraction commise dans le cadre d’une pratique généralisée ou systématique constitutive de crime contre l’humanité.

45.Le Pérou est partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, mais, à ce jour, ce traité n’a pas encore été appliqué sur le plan interne.

46.Cela n’a toutefois empêché ni la Cour constitutionnelle ni la magistrature d’expliciter à plusieurs reprises, dans le cadre de leur jurisprudence constante, la portée des crimes contre l’humanité.

47.C’est notamment ce que la Cour constitutionnelle a fait dans l’arrêt qu’elle a rendu en session plénière dans l’affaire no 0024-2010-PI/TC. Cet arrêt précise la portée des crimes contre l’humanité et leur lien avec le droit à la vérité, notant que « (…) le droit fondamental à la vérité suppose que les autorités sont tenues non seulement d’enquêter sur les faits constitutifs de crimes contre l’humanité, mais également d’en identifier les responsables et de les sanctionner et, dans la mesure du possible, d’en dédommager les victimes et leur famille ». En conséquence, les crimes contre l’humanité « ne peuvent demeurer impunis ; en d’autres termes, les auteurs matériels d’actes constitutifs de violations des droits de l’homme et leurs complices ne peuvent se soustraire aux conséquences juridiques de leurs actes ».

48.Pour sa part, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Fujimori, la Cour suprême de Justice a établi que « (…) compte tenu de ce qui précède, il est clair que les homicides et les coups et blessures graves qui sont jugés dépassent le cadre strictement individuel ou collectif puisqu’ils répondent parfaitement aux critères définissant les crimes contre l’humanité. Les assassinats et coups et blessures graves de Barrios Altos et de La Cantuta constituent aussi des crimes contre l’humanité ».

49.Cet avis a été confirmé par la Chambre pénale spéciale de la Cour suprême, selon laquelle « les faits délictueux, en particulier les homicides et les coups et blessures graves répondent pleinement aux critères définissant les crimes contre l’humanité ».

50.De même, dans les affaires no 88-09 et no 328-2011, la Chambre pénale nationale a analysé les différents critères qui font de la disparition forcée un crime contre l’humanité, en établissant des peines proportionnelles à la gravité de l’infraction.

51.Il convient de noter que les affaires emblématiques – comme le sont les disparitions forcées – sont suivies par l’Observatoire judiciaire de la magistrature, créé le 16 février 2012 par le décret présidentiel no 055-2012-P-PJ, afin que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature soit informée de l’évolution de ces affaires et puisse adopter des stratégies concrètes susceptibles d’en améliorer le traitement.

52.À ce jour, l’Observatoire judiciaire de la magistrature assure le suivi de 11 affaires liées à des disparitions forcées (affaires Cayara, Julcamarca, Chumbivilcas, commando Rodrigo Franco, Acomarca, fosses de Pucayacu et Putis notamment).

2.6Article 6

53.Au Pérou, la responsabilité pénale de l’auteur est évoquée à l’article VII du titre préliminaire du Code pénal, lequel dispose que la peine suppose que la responsabilité pénale de l’auteur soit engagée et que toute forme de responsabilité objective demeure proscrite, ce qui est conforme aux dispositions de l’alinéa e) du paragraphe 24 de l’article 2 et du paragraphe 3 de l’article 139 de la Constitution. Les justiciables bénéficient ainsi des garanties d’une procédure régulière et les victimes d’une protection juridique efficace, tandis que le principe de la présomption d’innocence est respecté.

54.Les requêtes portant une demande d’exonération de la responsabilité pénale pour le crime de disparition forcée du fait de l’exercice d’un devoir (par. 8 de l’article 20 du Code pénal) sont rejetées en application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême de justice.

55.À cet égard, la Constitution définit les limites du devoir d’obéissance en son article 45, lequel dispose que le pouvoir de l’État émane du peuple et que ceux qui l’exercent doivent le faire dans les limites et avec les responsabilités prévues par la Constitution et la législation.

56.À cet égard, dans l’affaire no 2446-2003-AA/TC, concernant les limites du devoir d’obéissance, la Cour constitutionnelle a noté « [qu’]en vertu des principes de suprématie de la Constitution et de l’État social et démocratique de droit, ceux qui exercent le pouvoir le font dans les limites et avec les responsabilités prévues par la Constitution et la législation (…), pour cette raison, on ne saurait admettre qu’il existe des obligations manifestement contraires aux droits fondamentaux ou, de manière générale, aux objectifs constitutionnellement légitimes poursuivis par l’ordre juridique ».

57.En effet, la même approche a été suivie dans l’arrêt exécutoire no 3198-2008-Lima que la deuxième Chambre pénale transitoire de la Cour suprême a rendu suite à un recours en annulation (Affaire La Cantuta), dans lequel elle a estimé que « les accusés (…) [faisaient] valoir qu’ils [n’avaient] fait qu’exécuter les ordres de leurs supérieurs ; à ce propos, il convient de noter que l’obéissance aux ordres donnés par les supérieurs hiérarchiques ne peut déroger aux principes constitutionnels (…) dans les organisations militaires et assimilées (…) l’obéissance ne saurait en aucun cas être invoquée pour exécuter des ordres de caractère délictueux, puisque, dans ce type d’affaires, la loi doit primer sur l’autorité ».

58.D’autre part, l’article 29 du décret législatif no 1095, qui définit les règles régissant le recours à la force par les forces armées sur le territoire national, évoque la responsabilité du supérieur hiérarchique, notant que celui-ci : « est tenu pour responsable s’il a connaissance du fait que ses subordonnés ont enfreint les dispositions du présent décret législatif et de son règlement d’application et qu’il ne prend pas les mesures préventives ou correctives nécessaires en son pouvoir ».

59.On peut inférer de ce qui précède que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle comme celle de la Cour suprême consacrent l’irrecevabilité du devoir d’obéissance en ce qui concerne les infractions visées par la présente Convention. En ce sens, il est clair que le fait d’avoir agi sur ordre d’un supérieur ne peut être invoqué dans le cadre des poursuites pénales ni avoir une quelconque incidence sur celles-ci.

2.7Article 7

60.Comme indiqué plus haut, le crime de disparition forcée est actuellement incriminé par l’article 320 du Code pénal, qui le rend passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée minimale de quinze ans assortie des peines d’incapacité prévues aux paragraphes 1 et 2 de l’article 36.

61.De même, le prononcé de la peine est régi par les articles 45, 46, 48, 50 et 51 du Code pénal, qui définissent les circonstances atténuantes et aggravantes, les circonstances aggravantes liées au statut de l’auteur, ainsi que les circonstances aggravantes pour récidive, multirécidive, implication de mineurs et concours formel et réel d’infractions.

62.À cet égard, il convient de noter que notre droit pénal fixe la peine minimale à quinze (15) ans et la peine maximale à trente-cinq (35) ans de privation de liberté. On retrouve les mêmes intervalles dans les normes internationales de protection contre la disparition forcée.

63.Il a par ailleurs été envisagé – au cas par cas– de frapper d’incapacité les fonctionnaires ou agents de la fonction publique coupables d’infraction pour leur interdire d’exercer la fonction publique, la charge ou la mission dont ils s’acquittaient et les mettre dans l’incapacité d’obtenir un mandat, une charge, un emploi ou une mission de caractère public ou le leur interdire.

64.À ce jour, la durée moyenne des peines privatives de liberté prononcées dans les affaires de disparition forcée est de quinze ans de prison ferme. Il convient de noter que les peines prononcées sont allées de six (6) ans de privation de liberté pour les complices passifs, à dix (10) ans en cas de jugement de conformité et vingt-cinq (25) ans.

65.Quant aux peines d’incapacité prononcées, leur durée moyenne a été de cinq (5) ans. Toutefois, l’article 38 du Code pénal ayant été modifié, la durée de cette peine restrictive de droits, appliquée par les tribunaux habilités à connaître des crimes de disparition forcée, a été portée à dix (10) ans.

66.En outre, la magistrature retient notamment comme circonstances atténuantes : la subordination du prévenu, l’interruption de la tentative d’infraction, ledéfaut de discernementd’origine culturel, la formulation d’aveux sincères, la reconnaissance des faits incriminés pendant la procédure orale et la présence de troubles chroniques.

67.En revanche, les circonstances aggravantes envisagées sont notamment : le fait d’être à la tête d’un appareil de pouvoir organisé, d’occuper un poste de commandement ou d’exercer une charge, ainsi que la pluralité des acteurs, mobiles et moyens employés qui mettent plus gravement en péril la vie et l’intégrité personnelle de la victime.

2.8Article 8

68.L’absence de dispositions spécifiques concernant le caractère imprescriptible des crimes de disparition forcée dans la législation pénale péruvienne n’exclut pas que les règles évoquant la prescription de l’action pénale et de la peine soient interprétées à la lumière des normes consacrées par la Convention ainsi que par divers instruments internationaux de protection contre les disparitions forcées.

69.Ainsi, conformément à l’article 86 du Code pénal, le délai de prescription de la peine « est le même que celui que vise ou fixe la loi pour la prescription de l’action pénale. Il court à compter du jour où une condamnation ferme est prononcée ».

70.En ce sens, dans l’arrêt no 09-2009-/CJ-116, les juges des chambres pénales et transitoires de la Cour Suprême ont estimé que « l’imprescriptibilité du crime de disparition forcée de personnes, même en l’absence d’élément contextuel, [était] affirmée par l’article VII de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes ».

71.On lit également dans ce paragraphe que « la raison d’être de cette disposition réside dans le fait que l’exercice de cette pratique par des fonctionnaires ou agents de la fonction publique est contraire aux obligations de l’État en matière de respect des droits fondamentaux de la personne, notamment du droit à disposer d’une personnalité juridique ».

72.Compte tenu de ce qui précède, la magistrature estime que si l’on admet l’imprescriptibilité de l’action pénale pour le crime de disparition forcée, elle s’appliquerait aussi à l’exécution de la peine ; compte tenu de la grave atteinte que le crime de disparition forcée porte à des droits juridiques capitaux (qu’il s’agisse d’un crime individuel ou d’un crime contre l’humanité), celui-ci est également imprescriptible et la proscription de l’impunité est dans ce cas impérative et relève du jus cogens .

73.Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire no 0024-2010-PI/TC, la Cour constitutionnelle a estimé qu’elle ne considérait pas que « la règle d’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité ne [pouvait] s’appliquer qu’à partir de la ratification de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ; mais que, s’agissant d’une norme relevant du jus cogens, ces crimes [étaient] imprescriptibles, quelle que soit la date à laquelle ils [avaient été] commis ».

74.Au cas où un juge constate d’office ou sur demande la prescription d’une infraction de disparition forcée, les parties (procureur, victimes et parties civiles) peuvent contester cette décision conformément aux règles du Code de procédure civile et du nouveau Code de procédure pénale. Elles peuvent même former un recours en « amparo » devant le tribunal constitutionnel contre les décisions touchant à des droits fondamentaux, tels que le droit à la vérité, l’obligation de motivation et le droit à un recours juridictionnel effectif.

2.9Article 9

75.La Chambre pénale nationale et ses tribunaux pénaux nationaux ont compétence pour connaître des affaires de disparition forcée, y compris des infractions commises hors du territoire, à bord d’aéronefs ou de navires immatriculés au Pérou (conformément au principe de la territorialité et du pavillon) ou par un ressortissant d’un autre pays qui consentirait à cette procédure, conformément aux dispositions du deuxième paragraphe de l’article premier et au paragraphe 5 de l’article 2 du Code pénal.

76.Par ailleurs, le décret législatif no 957 a porté adoption du nouveau Code de procédure pénale qui traite en son Livre VII, section VII, de la coopération avec la Cour pénale internationale (CPI). Plus précisément, le Livre VII du nouveau Code de procédure pénale dispose que les relations entre les autorités péruviennes et les autorités étrangères ou la CPI en matière d’entraide pénale internationale sont régies par les instruments internationaux que le Pérou a ratifiés ou, à défaut, par le principe de réciprocité et ce, dans le respect des droits de l’homme.

77.L’appareil judiciaire a indiqué que deux détenus avaient été extradés pour disparition forcée vers d’autres États qui en avaient fait la demande dans le cadre de l’entraide pénale internationale (voir annexe no 4).

2.10Article 10

78.Les mesures visant à garantir une procédure régulière et équitable dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux pénaux péruviens sont énoncées aux paragraphes 2 et 24 de l’article 2, ainsi qu’à l’article 139 de la Constitution, aux articles I, II, V et VII du titre préliminaire du Code pénal et à l’article VII du titre préliminaire du nouveau Code de procédure pénale.

79.Il convient de noter que, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Constitution, qui consacre le droit à l’égalité, les règles de procédure s’appliquent à la fois aux nationaux et aux étrangers qui font l’objet de poursuites. Toute mesure contraire ou discriminatoire de la part du juge peut donner lieu à des sanctions disciplinaires ou au dépôt d’une requête en habeas corpus. Dans ce cas, le droit à l’égalité fonctionne comme un droit dérivé de la liberté individuelle de circulation.

80.Par ailleurs, l’article IX du nouveau Code de procédure pénale, sans établir de distinction entre nationaux et étrangers, dispose que « Toute personne convoquée ou détenue par les autorités a le droit absolu et inviolable d’être informée de ses droits, d’être informée immédiatement et en détail des chefs d’accusation retenus contre elle et d’être assistée par le défenseur de son choix ou, le cas échéant, par un défenseur commis d’office. Elle a également le droit de se voir accorder un délai raisonnable pour préparer sa défense, de l’assurer elle-même, de participer, en toute égalité, à la recherche de preuves et d’utiliser, dans les conditions prévues par la loi, les moyens de preuve pertinents. Le droit à la défense peut être exercé à tous les stades et degrés de la procédure, selon les modalités et les possibilités prévues par la loi. »

81.Ainsi, l’article 15 du règlement d’application du Code d’exécution des peines, approuvé par le décret suprême no 015-2003-JUS, dispose qu’il incombe à l’administration pénitentiaire, par l’intermédiaire du directeur de l’établissement pénitentiaire concerné, d’informer dans les 24 heures les autorités consulaires ou la représentation diplomatique de l’incarcération et des transferts des détenus étrangers.

2.11Article 11

82.Dans la législation péruvienne, le principe de l’extraterritorialité pour poursuivre et sanctionner, notamment l’infraction de disparition forcée, est consacré par le paragraphe 5 de l’article 2 du Code pénal en vigueur, lequel dispose que « Le Pérou est tenu de réprimer les infractions conformément aux traités internationaux ». En vertu de ce principe, l’État péruvien a compétence pour réprimer les actes criminels qui portent atteinte à certains droits juridiques, en particulier ceux reconnus par la communauté internationale, quel qu’en soit l’auteur et quel que soit le pays où ces actes ont été commis.

83.Les autorités exigent que les règles de preuve qui sont appliquées aux poursuites et à la condamnation ne soient en aucune façon moins rigoureuses que celles qui s’appliquent dans les cas visés à l’article 9 pour les cas d’extradition active et passive, mais certains traités d’extradition que le Pérou a conclus avec d’autres pays exigent que des preuves de la responsabilité pénale de la personne susceptible d’être extradée soient présentées. Tel est notamment le cas des traités qu’il a signés avec les États-Unis d’Amérique, l’Uruguay, le Chile, le Brésil, la Bolivie, le Guatemala, le Royaume-Uni, le Paraguay, l’Équateur, l’Argentine, l’Espagne et l’Italie.

84.Il convient toutefois de souligner la similitude des conditions d’extradition passive et active, notamment en ce qui concerne la présentation des documents d’identité de la personne passible d’extradition, les dispositions normatives établissant le principe de la double incrimination, les décisions de procédure relatives à la détention, l’ordonnance de renvoi, l’acte d’accusation et le prononcé de la peine. Le cas échéant, ces pièces doivent être traduites en espagnol, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 508 du nouveau Code de procédure pénale.

2.12Article 12

85.Dans les affaires de disparition forcée, les faits, la culpabilité et la peine sont établis dans le cadre de la procédure pénale, dans le respect des garanties d’une procédure régulière, du droit du justiciable à la défense et de la présomption d’innocence, qui sont notamment consacrés dans la Constitution et les textes normatifs connexes.

86.Sont notamment applicables à cette fin les dispositions prévues dans le Code de procédure pénale et le nouveau Code de procédure pénale [procédure pénale ordinaire et procédure commune, respectivement, qui peuvent être qualifiées de complexes selon la pluralité des délits, des agents ou des victimes, ou si une organisation criminelle est impliquée].

87.Les victimes et les proches des victimes – comme toute autre personne – peuvent dénoncer des actes présumés de disparition forcée à la police nationale ou directement au ministère public [voir l’article 326 du nouveau Code de procédure pénale] et ce, par n’importe quel moyen. Si la plainte est portée par écrit, l’intéressé doit y apposer sa signature et son empreinte digitale. Si elle est portée oralement, elle fait l’objet d’un procès-verbal selon les modalités prévues par la loi [article 328° du nouveau Code de procédure pénale].

88.En outre, le ministère public peut porter plainte d’office avant d’avoir connaissance d’un acte délictueux. En tant que responsable de l’action pénale, il est chargé de conduire l’enquête préliminaire ou l’instruction préparatoire conformément aux règles arrêtées par le nouveau Code de procédure pénale.

89.L’indépendance de l’exercice de la fonction juridictionnelle, consacrée au paragraphe 2 de l’article 139 de la Constitution, doit être conforme aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 2 de ce texte normatif, qui consacre l’égalité de traitement devant la loi, interdisant tout traitement discriminatoire qui serait notamment fondé sur l’origine, la race, le sexe, la langue, l’opinion ou la situation économique.

90.Si les victimes de disparition forcée qui portent plainte ont des doutes quant à l’impartialité du juge, elles peuvent le récuser conformément aux règles énoncées à l’article 26 du Code de procédure pénale, ainsi qu’aux articles 54 et 55 du nouveau Code de procédure pénale.

91.Au niveau judiciaire, les proches des victimes peuvent interjeter appel et se pourvoir en cassation [conformément aux règles du nouveau Code de procédure pénale], et interjeter appel, former un recours en annulation et porter plainte, conformément aux règles du Code de procédure pénale. Si le jugement est maintenu, le plaignant a la possibilité de former un recours constitutionnel en « amparo » contre l’ordonnance ou le jugement qui porte atteinte à ses droits.

92.Les mesures de protection des témoins, experts, victimes ou collaborateurs qui interviennent dans les procédures pénales pour faire la lumière sur les faits sont arrêtées au Titre V du nouveau Code de procédure pénale, conformément à la troisième disposition complémentaire transitoire de la loi no 30077 [voir les articles 247 à 252].

93.Les juges et procureurs peuvent appliquer ces mesures s’il y a raisonnablement lieu de penser que la personne, la liberté ou les droits de ceux qui pourraient en bénéficier, ou de leur conjoint, partenaire, ascendants, descendants ou frères et sœurs, sont en danger grave. Ces mesures peuvent notamment consister à placer les intéressés sous protection policière, à changer leur résidence, à ne pas indiquer le lieu où ils se trouvent, ni ne faire apparaître leur identité ou d’autres données personnelles dans les actes de procédure, ni aucune autre information pouvant conduire à leur identification, à chiffrer ou crypter celles-ci, à employer des procédés empêchant qu’ils ne soient vus en clair lorsqu’ils participent à des procédures, à les domicilier au Bureau du procureur compétent, à faire usage de procédés techniques et, le cas échéant, à leur faire quitter le pays avec un statut leur permettant de résider et travailler temporairement à l’étranger.

94.Il convient de noter que les mesures de protection dont bénéficient actuellement des victimes, témoins et autres personnes dans les affaires de disparition forcée sont conformes aux règles du nouveau Code de procédure pénale. Auparavant, la Chambre pénale nationale appliquait la directive no 002-2005-P-SN du 31 octobre 2005, arrêtée en vertu de la loi no 27378 et de son règlement d’application, approuvé par le décret suprême no 020-2001.

2.13Article 13

95.Au Pérou, la législation en vigueur ne considère pas que l’infraction de disparition forcée constitue un délit politique, ni qu’elle est analogue à un délit politique ou inspirée par des mobiles politiques. Ainsi, l’article 320 du Code pénal faisant figurer la disparition forcée au titre XIV‑A « crimes contre l’humanité », celle-ci ne constitue pas un délit de caractère politique qui ne pourrait faire l’objet de poursuites et de sanctions. De même, les traités d’extradition auxquels ont souscrit le Pérou et d’autres pays consacrent l’inadmissibilité de l’extradition pour délits politiques, comme indiqué à l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 517 du nouveau Code de procédure pénale.

96.Il n’existe pas de loi disposant que l’infraction de disparition forcée donne lieu à extradition en vertu des traités que le Pérou a conclus sur la question avec d’autres pays, mais, comme indiqué à propos de l’article 9 du présent rapport, le Pérou a procédé plusieurs fois à l’extradition d’agents jugés pour disparition forcée.

97.Les traités d’extradition que le Pérou a conclus avec d’autres États parties à la Convention ne stipulent pas expressément que la disparition forcée constitue une infraction donnant lieu à extradition, mais se bornent à en évoquer la possibilité quand une peine minimale de privation de liberté est prononcée. Comme cette infraction est passible d’une peine d’au moins quinze ans, elle donne automatiquement lieu à extradition active et passive.

98.Les difficultés d’application des traités d’extradition concernent notamment :

a)La vérification du principe de double incrimination de l’infraction, surtout lorsque celui-ci est consacré par une loi spéciale et non dans le Code pénal du pays où se trouve la personne passible d’extradition ;

b)L’incrimination d’étrangers ayant commis une infraction spéciale ;

c)Le statut d’auteurs et co-auteurs d’agents n’appartenant pas à la fonction publique ;

d)La langue d’autres pays ;

e)L’absence de convention d’extradition avec certains pays.

99.L’État péruvien n’a par ailleurs jamais extradé de personnes accusées de s’être rendues coupables de disparition forcée. Il n’est pas non plus arrivé que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ait été évoquée comme seul fondement juridique d’une extradition. L’État péruvien faisant toutefois partie de deux mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme (les mécanismes universel et interaméricain), la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes est l’instrument international que notre magistrature applique en cas d’infraction de disparition forcée.

100.En ce qui concerne l’autorité qui décide de l’extradition d’une personne, conformément à l’article 515 du nouveau Code de procédure pénale, le pouvoir exécutif est lié par la décision de la Chambre pénale de la Cour suprême si celle-ci rend un avis consultatif défavorable à l’extradition, mais reste libre de trancher en dernier ressort si l’avis rendu est favorable à l’extradition ou si la Chambre estime qu’il convient de demander à un autre pays d’y procéder.

101.Enfin, il convient de noter que le Pérou est également partie à la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qu’il a adoptée par la décision législative no 24815 du 12 mai 1988 et dont l’instrument de ratification a été déposé le 7 juillet de la même année. En ce sens, compte tenu du lien étroit existant entre la disparition forcée, la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, comme l’a reconnu la Commission Vérité et réconciliation du Pérou, conformément à la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Comité des droits de l’homme, et de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies (l’actuel Conseil des droits de l’homme), l’État péruvien considère que ses obligations en matière d’extradition dans les affaires de disparition forcée dépassent le cadre de la Convention dont il est question dans le présent rapport et qu’elles découlent également des dispositions de la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’autres instruments internationaux analogues.

2.14 Article 14

102.En ce qui concerne le devoir qu’a l’État de prêter son concours judiciaire aux procédures pénales concernant des disparitions forcées, il est important de rappeler que le nouveau Code de procédure pénale comporte, à la section VII de son livre VII, des dispositions relatives à la coopération avec la Cour pénale internationale et d’autres administrations étrangères. Concrètement, les relations des autorités péruviennes avec les administrations étrangères et avec la Cour pénale internationale en matière de coopération judiciaire internationale sont régies par les traités internationaux auxquels le Pérou est partie et, à défaut, par le principe de réciprocité, dans le strict respect du cadre international des droits de l’homme.

103.Au Pérou, ce type d’instruments internationaux est négocié par la Commission intersectorielle permanente. Celle-ci est en effet chargée d’examiner les textes, de définir la position du Pérou et de conduire la négociation des projets de traités portant sur des questions de droit pénal international. Elle se compose de représentants du ministère public, de la magistrature, du Ministère de la Justice et du Ministère des relations extérieures, qui en exerce la présidence. C’est ainsi que, lors des négociations, les États introduisent des articles faisant référence aux faits (infractions) sanctionnés qui donnent lieu à extradition. Ces articles sont formulés en termes généraux, sans préciser les infractions qui donnent lieu à extradition, mais une disposition prévoit les motifs pour lesquels l’extradition peut être refusée.

104.Il convient de tenir compte du fait que la majorité des traités bilatéraux d’entraide judiciaire en matière pénale en vigueur au Pérou (entraide judiciaire, transferts de condamnés et extradition) étant soumis au principe de la double incrimination, le fait délictueux doit être considéré comme une infraction dans la législation de l’État requérant et dans celle de l’État requis. Sans préjudice ce de ce qui précède, et comme indiqué plus haut, il n’existe pas d’instrument international spécifique en matière d’extradition, mais les demandes d’extradition sont traitées sur la base du principe de la réciprocité, conformément aux dispositions du Livre VII du nouveau Code de procédure pénale, et dans le strict respect des normes internationales pertinentes, en particulier en ce qui concerne l’entraide et la coopération judiciaire prévue par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que par d’autres traités sur les droits de l’homme et ce pour les motifs exposés en détail dans l’article précédent.

2.15 Article 15

105.En ce qui concerne la coopération des États parties entre eux en matière d’assistance aux victimes des disparitions forcées, il est important de souligner que l’État péruvien a signé la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, qui prévoit en son Article XII que « [L]es États parties s’entraident dans la recherche, l’identification et la détermination du lieu où se trouvent des mineurs ainsi [qu’aux fins de] leur retour lorsqu’ils ont été transférés à un autre État ou qu’ils y ont été retenus, par suite de la disparition forcée de leurs parents, de leurs tuteurs ou de leurs gardiens ».

106.En dehors de l’entraide pénale internationale, les victimes de disparition forcée et leurs proches bénéficient surtout de mécanismes d’assistance juridique mis en place au niveau interne, grâce à l’action multisectorielle de diverses institutions publiques. Par ailleurs, la récente loi relative à la recherche de personnes disparues au cours des violences intervenues entre 1980 et 2000 prévoit diverses mesures en matière de recherche, collecte, analyse, identification et restitution des restes humains de victimes de disparition forcée, notamment la création d’un registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation, ainsi que d’une banque de profils génétiques. Ces mesures sont exposées en détail à propos de l’article 24.

2.16 Article 16

107.La législation péruvienne interdit d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne vers un autre État s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée, en particulier, si sa vie et son intégrité sont également gravement en danger. Ainsi, l’alinéa d) du paragraphe 3 de l’article 517 du nouveau Code de procédure pénale interdit l’extradition lorsque l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est passible de la peine capitale dans l’État demandeur et que ce dernier ne garantit pas qu’elle ne sera pas appliquée.

108.La Cour constitutionnelle péruvienne a ainsi noté que la primauté des droits de l’homme, et notamment du droit à la vie, sur l’obligation d’extrader pouvait constituer un motif légitime qui empêcherait l’État de se soumettre à cette obligation. Ainsi, citant la Cour européenne des droits de l’homme, l’organe suprême d’interprétation de la Constitution a jugé que la responsabilité internationale d’un État se trouverait engagée s’il existait des motifs sérieux de croire que la personne extradée courrait un risque réel d’être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans l’État requérant.

109.En outre, les situations complexes telles que le terrorisme, les situations d’urgence et les atteintes à la sécurité nationale n’autorisent pas que soit expulsée, refoulée, remise ou extradée une personne qui courrait alors un risque réel et imminent d’être victime de disparition forcée ou d’autres violations graves de ses droits fondamentaux.

2.17Article 17

110.En ce qui concerne l’obligation qu’a l’État de tenir un registre officiel de toutes les personnes privées de liberté, il convient de signaler que la loi no 26295 a porté création du registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté ferme (RENADESPPLE).

111. Le registre susmentionné est tenu par un organisme public, multisectoriel et décentralisé homonyme, qui regroupe le ministère public, le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la défense, le Ministère de la justice, la magistrature, le Bureau du Défenseur du peuple et le Congrès. Organisé et géré par le ministère public/Bureau du Procureur général, cet organisme est chargé d’administrer une base de données actualisées en regroupant les informations susceptibles de permettre l’identification et la localisation de personnes détenues par des membres des forces armées, par la police nationale péruvienne et sur décision de justice, et de tenir un registre assurant un suivi statistique adéquat de toutes les étapes de la procédure pénale concernant les personnes recherchées, notamment lorsqu’elles ont été condamnées à une peine de prison ferme.

112.Par ailleurs, conformément à la loi no 30250, publiée le 2 octobre 2014, et portant modification de la loi no 26295, depuis le 2 avril 2015, les mineurs délinquants détenus par les services de police, les services de sécurité et les services judiciaires doivent être inscrits dans le registre.

113.D’après le registre national des condamnations tenu par la magistrature, 10 condamnations pour disparition forcée ont été prononcées entre 2008 et 2013.

114.Le système juridique péruvien comporte diverses dispositions interdisant la détention au secret ou non officielle, notamment dans la Constitution, le nouveau Code de procédure pénale et le Code d’exécution des peines.

115.En ce qui concerne les mesures mises en œuvre pour que toute personne privée de liberté puisse communiquer avec sa famille, son conseil ou toute autre personne de son choix et recevoir leur visite, il convient de noter que tout détenu a le droit d’informer immédiatement ses proches ou le conseil de son choix de son incarcération ou de son transfert vers un autre établissement pénitentiaire. Il peut en outre communiquer régulièrement, oralement ou par écrit et dans sa propre langue, avec ses proches, ses amis, des représentants diplomatiques et des organismes et institutions d’aide aux détenus. Ces communications se déroulent dans le respect de l’intimité et de la vie privée des détenus et de leurs interlocuteurs, conformément aux dispositions des articles 8 à 37 du Code d’exécution des peines.

116.L’État péruvien garantit au détenu la possibilité d’avoir des communications et de recevoir des visites qui lui sont bénéfiques ; celles-ci doivent se dérouler dans un cadre particulier, à des horaires et dans les conditions spécifiées par le Règlement (article 139 du Code d’exécution des peines). De même, le détenu a le droit de s’entretenir et de communiquer en privé et dans un cadre adapté avec l’avocat commis d’office. Conformément aux dispositions de l’article 40 du Code d’exécution des peines, ce droit ne peut être ni suspendu ni restreint sous la responsabilité du Directeur de l’établissement pénitentiaire.

117.En ce qui concerne les mesures portant spécifiquement sur les communications des étrangers avec les autorités consulaires, l’article 11.9 du règlement d’application du Code d’exécution des peines dispose que le détenu a le droit d’informer dans les vingt-quatre (24) heures sa famille ou son avocat – ainsi que, s’il est étranger, son représentant diplomatique ou consulaire – de son incarcération ou de son transfert vers un autre centre pénitentiaire.

118.Parallèlement, l’article 15 dudit règlement dispose que « l’administration pénitentiaire, à travers le Directeur de l’établissement pénal concerné, est tenue d’informer dans les 24 heures les autorités consulaires ou la représentation diplomatique de l’incarcération et des transferts des détenus de nationalité étrangère ». En outre, les détenus étrangers ont le droit de communiquer avec des représentants diplomatiques ou consulaires de leur pays d’origine ou avec des personnes de leur choix et de recevoir leur visite ; s’ils viennent de pays qui ne disposent pas de représentants diplomatiques ou consulaires accrédités auprès de l’État péruvien, ils peuvent communiquer avec le représentant diplomatique de l’État qui a accepté de défendre leurs intérêts ou, à défaut, avec les représentants d’organismes internationaux (article 36 du règlement d’application du Code d’exécution des peines).

119.En ce qui concerne les garanties dont disposent les organes ou mécanismes indépendants chargés d’inspecter les prisons et les autres lieux de privation de liberté, l’État péruvien leur garantit le droit de pénétrer dans ces établissements.

120.Afin de garantir le droit fondamental du détenu (prévenu ou condamné) à l’intégrité de sa personne, les établissements pénitentiaires sont tenus – par le biais des services de santé – de soumettre les détenus à des examens médicaux pour vérifier leur état de santé physique et mentale lors de leur entrée dans les établissements pénitentiaires. Si des traces de mauvais traitements physiques sont décelées, le représentant du ministère public et le juge compétent doivent en être immédiatement informés.

121.Compte tenu des garanties dont bénéficie toute personne ayant un intérêt légitime à introduire un recours devant un tribunal pour qu’il soit statué sur la licéité d’une privation de liberté, le placement en garde à vue peut être contesté dans la journée, conformément aux règles de l’article 267 du nouveau Code de procédure pénale ; et le placement en détention préventive dans un délai de 3 jours, conformément aux dispositions de l’article 278 du Code de procédure pénale.

122.En ce qui concerne l’existence de registres officiels actualisés des personnes privées de liberté, outre le registre national des personnes détenues et des personnes condamnées à une peine privative de liberté ferme (à propos duquel des précisions sont données au début du commentaire concernant l’article 17), l’Institut pénitentiaire national tient un registre pénitentiaire qui indique les données d’identification physique, le casier judiciaire, ainsi que la situation juridique des personnes détenues, libérées et condamnées à des peines privatives de liberté ou à des peines restrictives de droits, pour que les dispositions judiciaires et administratives relatives à l’exécution de la peine puissent être dûment appliquées.

123.En ce sens, le registre de l’Institut pénitentiaire national répond à une obligation légale dont les modalités de mise en œuvre sont régies par le règlement d’application du Code d’exécution des peines.

124.Le registre de l’Institut pénitentiaire national est un registre officiel actualisé des personnes privées de liberté, conforme aux dispositions de la Convention.

125.L’appareil judiciaire tient en outre le registre national des tribunaux, qui comporte le registre national des condamnations et le registre national des mandats d’amener. Le premier regroupe les données concernant les détenus condamnés et le second les mandats d’amener et mandats d’arrêt et les interdictions de sortie du territoire frappant des personnes faisant l’objet de poursuites pénales. Ces registres sont gérés par des organes décentralisés de gestion des services judiciaires et de recouvrement du pouvoir judiciaire. Ils rassemblent des informations à caractère confidentiel, auxquelles les institutions agréées peuvent avoir accès.

2.18Article 18

126.En ce qui concerne le droit de toute personne ayant un intérêt légitime à avoir accès à des informations à propos de personnes privées de liberté, il convient de noter que le registre des condamnations pénales délivre des extraits de casier judiciaire réservés aux autorités judiciaires à la demande des organes juridictionnels, ainsi que des extraits de casier judiciaire à usage administratif à la demande de l’intéressé lui-même ou de son représentant, sous réserve que soient remplies les conditions énoncées dans le Texte unique relatif aux procédures administratives.

127.En ce qui concerne les restrictions du droit de toute personne pour laquelle ces informations présentent un intérêt légitime à y avoir accès, en principe, tous les agents de l’État et fonctionnaires de l’appareil judiciaire sont tenus de fournir des informations à toute personne en faisant la demande, quel qu’en soit le motif, conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 2 de la Constitution du Pérou et de la loi no 27806 relative à la transparence et à l’accès à l’information.

128.Toutefois, conformément aux dispositions des articles 15, 15-A et 15-B de la loi susmentionnée, la communication d’informations classifiées, confidentielles ou sensibles fait l’objet de restrictions. Les informations concernant des condamnés et des prévenus, qui sont classées comme sensibles, ne peuvent être demandées que par des institutions agréées, les prévenus ou leurs proches, dans le cadre du droit à la défense, et uniquement s’il s’agit d’informations qui les concernent.

129.À cet égard, par la directive no 002-2014-INPE-OSI sur la production d’information et l’accès à l’information, approuvée par la décision no 183-2014-INPE/P de son Président (en date du 15/05/2014), l’Institut National pénitentiaire a réglementé les procédures à appliquer pour répondre aux demandes portant sur des informations que l’Institut et ses organes décentralisés produisent ou possèdent et défini les responsabilités en la matière. Des dispositions ont ainsi été arrêtées aux fins de la publication et de l’actualisation des informations affichées sur le portail de la transparence, ainsi qu’aux fins de la maintenance du portail et de l’intranet de l’Institut et pour définir les responsabilités en la matière.

130.Enfin, en ce qui concerne les lois en vigueur protégeant de toute maltraitance, intimidation ou sanction les personnes qui demandent des informations et celles qui participent à l’enquête, ainsi que les mécanismes mis en œuvre à cet effet, l’article IX du Titre préliminaire du nouveau Code de procédure pénale garantit le droit de l’accusé à la défense et le droit de la victime ou de la personne ayant subi un dommage du fait de l’infraction de s’informer et de participer aux actes de procédure – les pouvoirs publics sont tenus d’assurer leur protection et de leur réserver un traitement conforme à leur statut. Par ailleurs, les articles 247 à 252 dudit code définissent les mesures destinées à protéger les témoins, experts, victimes ou collaborateurs s’il y a raisonnablement lieu de penser que la personne, la liberté ou les droits de ceux qui pourraient en bénéficier, ou de leur conjoint, partenaire, ascendants, descendants ou frères et sœurs, sont en danger grave.

2.19 Article 19

131.Pour identifier les personnes qui ont été victimes de disparition forcée pendant les violences terroristes des années 1980 à 2000 et remettre leurs dépouilles aux membres de leur famille, l’Institut de médecine légale du ministère public applique des dispositions spécifiques pour protéger les données génétiques des victimes de disparition forcée et veiller à ce que celles-ci ne soient utilisées qu’à des fins de recherche et d’identification.

132.À cet effet, l’Institut de médecine légale dispose d’un laboratoire de biologie moléculaire et génétique à Lima et d’un laboratoire de prétraitement, extraction et quantification de l’ADN prélevé dans les ossements à Ayacucho, qui travaille exclusivement pour lui et qui, pour éviter toute contamination une fois le nécessaire fait, remet ensuite le matériel génétique au laboratoire central (à Lima) qui se charge de l’analyser pour établir un premier rapport.

133.En outre, parallèlement aux compétences spécifiques du ministère public et d’autres organismes publics et privés, la loi relative à la recherche de personnes disparues dispose en son article 9 que, dans le cadre de l’enquête médico-légale à visées humanitaires que mène le Ministère de la justice, le prélèvement d’échantillons biologiques sur des membres de la famille des personnes disparues sert uniquement à faciliter les recherches et ne peut être effectué qu’avec leur consentement préalable et éclairé. Ainsi, la gestion de toutes les informations qui figurent dans le registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation, des données des fiches établies avant le décès et des analyses effectuées après, ainsi que des banques de données personnelles utilisées doit être conforme aux dispositions de la loi no 29733 sur la protection des données personnelles (Art. 14 de la loi relative à la recherche de personnes disparues).

2.20 Article 20

134.En ce qui concerne les mesures nationales permettant de limiter l’accès aux informations relatives aux personnes privées de liberté, il convient de signaler que la confidentialité de l’enquête est régie par l’article 324 du nouveau Code de procédure pénale. En effet, le premier paragraphe dudit article dispose que l’enquête est conduite sous le sceau du secret, que seules les parties impliquées peuvent en être informées, directement ou par l’intermédiaire de leur conseils dûment accrédités, et qu’elles peuvent se faire délivrer à tout moment une copie des actes de procédure.

135.Par ailleurs, le paragraphe 2 précise que le Procureur peut interdire la divulgation de certains actes ou documents pendant une durée maximale de 20 jours, que le Juge d’instruction peut prolonger d’autant si celle-ci risque d’entraver le bon déroulement de l’enquête. L’ordonnance de non-divulgation du Procureur doit être transmise aux parties.

136.En ce qui concerne les garanties prévues pour que toute personne pour laquelle ces informations présentent un intérêt légitime ait le droit à un recours judiciaire prompt et effectif pour obtenir à bref délai des informations, le nouveau Code de procédure pénale dispose que les parties peuvent demander audience au juge pour introduire un recours si elles estiment que leur droit à l’information n’a pas été respecté. Le juge d’instruction décide alors des mesures à prendre pour remédier à la situation [Cf. par. 4 de l’article 71 du nouveau Code de procédure pénale].

137.Dans tous les cas, un recours constitutionnel peut être formé en habeas data ou en habeas corpus s’il est considéré qu’en l’espèce la violation du droit à l’information porte atteinte à la liberté personnelle.

138.Par ailleurs, conformément à l’article 207 de la loi no 27444 relative aux procédures administratives, si les parties intéressées se voient refuser l’accès à des informations concernant des personnes privées de liberté, celles-ci peuvent former un recours administratif en réexamen, appel ou révision.

2.21 Article 21

139.Pour permettre de vérifier avec certitude qu’une personne a été effectivement libérée, les tribunaux pénaux, par les décisions qu’ils rendent et les actes qu’ils publient, ordonnent la mise en liberté immédiate des prévenus qui ont été acquittés, ou qui étaient détenus pour comparution et dont le statut juridique a changé, ainsi que de ceux qui ont séjourné en détention pendant le délai maximal autorisé sans qu’un jugement ait été rendu. L’Institut pénitentiaire national est tenu d’appliquer immédiatement ces décisions judiciaires.

140.Concrètement, la mise en liberté du condamné peut être ordonnée par la justice à la demande de l’Institut pénitentiaire national, du détenu ou de son avocat, conformément aux dispositions de l’article 19 du Code d’exécution des peines, si celui-ci a purgé la totalité de la peine à laquelle il avait été condamné. En outre, si cette mise en liberté est retardée, un recours en habeas corpus peut être formé devant le tribunal constitutionnel pour poursuivre les responsables de ce retard [art. 25 et 28 du Code de procédure pénale] et porter plainte pour abus d’autorité (article 376 du Code pénal).

141.Si un recours en habeas corpus est formé devant le tribunal constitutionnel pour absence de mise en liberté du détenu, le tribunal pénal a compétence pour se prononcer sur la situation et décider des mesures à prendre pour mettre fin à l’atteinte ou à la menace d’atteinte au droit fondamental à la liberté individuelle..

2.22 Article 22

142.Le système juridique péruvien garantit à toute personne privée de liberté et à toute autre personne pour laquelle ces informations présentent un intérêt légitime le droit d’interjeter appel devant un tribunal. Ainsi, l’article 25 du Code de procédure constitutionnelle permet de former un recours en habeas corpus en cas d’actions ou d’omissions menaçant ou violant des droits qui, cumulativement, constituent la liberté individuelle, notamment le droit de mise en liberté d’un détenu jugé ou condamné dont la mise en liberté a été prononcée par le tribunal (par. 14) ; le droit au respect de la procédure de jugement ou de détention (par. 15) ; le droit de ne pas être soumis à une disparition forcée (par. 16) ; le droit du détenu de ne faire l’objet d’aucun traitement déraisonnable et disproportionné, en ce qui concerne la forme et les conditions d’application de son mandat de détention ou de sa peine (par. 17) ; d’autres droits liés à la liberté individuelle comme exposé en détail dans le présent rapport à propos de l’article premier.

143.Par ailleurs, tout agent manquant à l’obligation d’enregistrement de toute privation de liberté est passible des sanctions administratives prévues à l’article 50 de la loi sur la carrière spéciale des personnels de l’administration pénitentiaire, notamment d’être suspendu ou relevé de ses fonctions. En outre, conformément à l’article 377 du Code pénal, tout fonctionnaire qui n’exécute pas un acte dont il est chargé, s’y refuse ou en reporte l’exécution est passible d’une peine privative de liberté d’une durée maximale de deux ans et d’une amende d’un montant correspondant à trente à soixante jours de traitement.

144.Des sanctions (tant pénales qu’administratives et disciplinaires) peuvent donc être prononcées en cas de manquement à l’obligation de consigner toute privation de liberté, de refus de fournir des informations ou de communication d’informations inexactes.

2.23 Article 23

145.Conformément à l’article 44 de la Constitution portant obligation pour l’État de garantir le plein respect des droits de l’homme, la loi no27741 (publiée au Journal officiel « El Peruano»le 29/05/2002) rend obligatoire la diffusion et l’enseignement systématique et permanent de la Constitution, des droits de l’homme et du droit international humanitaire, à tous les niveaux du système éducatif civil et militaire, de l’enseignement supérieur, universitaire et non universitaire, notamment en ce qui concerne la pleine application et le strict respect des accords et conventions internationaux, ainsi que la protection des droits fondamentaux aux niveaux national et international.

146.Dans le cadre de cette politique, l’État péruvien a adopté le Plan national pour l’éducation aux droits et devoirs fondamentaux à l’horizon 2021, approuvé par le décret suprême no 010-2014-JUS (paru au journal officiel « El Peruano» le 12/12/2014), qui constitue une mesure éducative de portée nationale visant à sensibiliser la population, tous niveaux d’éducation confondus, aux droits de l’homme, aux devoirs fondamentaux et au droit international humanitaire, conformément aux principes de l’État constitutionnel de droit qui sont consacrés dans la Constitution, et aux obligations juridiques nationales et internationales que l’État péruvien a contractées.

147.À cet égard, comme indiqué plus loin, des mesures de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme et au droit international humanitaire (notamment aux principes et dispositions de la Convention internationale) sont mises en œuvre dans les secteurs énumérés ci-après, selon leurs compétences.

Institut pénitentiaire national

148.Le Centre national d’études criminologiques et pénitentiaires dispense une formation aux membres du personnel pénitentiaire de sécurité avant leur entrée en fonctions. Celle-ci est essentiellement axée sur les normes en vigueur dans les établissements pénitentiaires, mais aborde aussi d’autres thèmes tels que les droits de l’homme, le recours à la force et les techniques de règlement des conflits.

149.Ainsi, en 2014, au total, 4 067 fonctionnaires de l’administration pénitentiaire nationale, dont des agents de sécurité et du personnel administratif, ont suivi des ateliers sur les bonnes pratiques pénitentiaires en matière de droits de l’homme, animés par les instructeurs de l’Institut pénitentiaire national spécialisés dans les droits de l’homme, en coordination avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l’association civile Commission des droits de l’homme (COMISEDH). Ces ateliers ont porté sur la gestion des conflits, l’interdiction absolue de la torture, les droits de l’homme en milieu carcéral, la sécurité et le recours à la force, la maîtrise de la colère et d’autres thèmes importants pour la fonction dont s’acquittent les fonctionnaires de l’Institut pénitentiaire national auprès des personnes détenues dans les différents établissements pénitentiaires de l’ensemble du pays.

Conseil des réparations

150.Le travail du Conseil des réparations consiste à trouver les noms des victimes des violences survenues entre mai 1980 et novembre 2000 et à les porter sur le registre central des victimes, conformément aux dispositions de la loi no 28592, et à son règlement d’application approuvé par le décret suprême no 015-2006-JUS, pour qu’il puisse être procédé aux réparations nécessaires par l’institution compétente, à savoir la Commission multisectorielle de haut niveau chargée du suivi des actions et politiques de l’État dans les domaines de la paix, de la réparation collective et de la réconciliation nationale.

151.Afin d’identifier les victimes et leurs proches, le Conseil des réparations a élaboré des stratégies pour se rapprocher des personnes susceptibles d’avoir été victimes de disparition forcée, notamment en collaborant avec les autorités locales et régionales et en signant des accords de coopération aux fins de la formation des conseillers municipaux.

152.Une formation par mois, soit 12 par an, est organisée à l’intention des agents chargés de la tenue du registre central des victimes. En 2014, 54 agents ont ainsi reçu une formation sur les modalités d’enregistrement, la méthode de collecte de données et les dommages donnant lieu à inscription dans le registre compte tenu des dispositions de la loi no 28592 portant création du plan intégré de réparations et de son règlement d’application approuvé par le décret suprême no 015-2006-JUS.

153.Aux fins du présent rapport, il convient de noter que la formation comporte un volet spécial sur l’entrevue des proches des victimes de disparition forcée, les renseignements que ceux-ci doivent fournir et les conseils à leur donner selon la démarche qu’ils entreprennent.

Commission multisectorielle de haut niveau chargée du suivi des actions et politiques de l’État dans les domaines de la paix, de la réparation collective et de la réconciliation nationale

154.La Commission multisectorielle de haut niveau a pour principale fonction d’encadrer l’élaboration de la politique nationale en matière de réparations, ainsi de coordonner, superviser et contrôler la mise en œuvre du plan intégré de réparations en application du mandat qui lui a été confié en vertu de la loi no 28592 et de son règlement d’application, approuvé par le décret suprême no 015-2006-JUS, qui définit les mécanismes, modalités et procédures permettant aux victimes des violences survenues entre mai 1980 et novembre 2000 de bénéficier des programmes mis en œuvre dans le cadre du plan intégré de réparations. Cet instrument technique et normatif définit les principes, approches, objectifs, politiques et mesures qui guident l’action de l’État péruvien aux trois niveaux de gouvernement - national, régional et local – en matière de réparations.

155.À cet égard, la Commission multisectorielle de haut niveau a mis en œuvre plusieurs mesures afin de promouvoir la formation et la sensibilisation aux thèmes de la Convention internationale. En 2012, des séminaires ont ainsi été organisés sur la mise en place de la réconciliation après les violences pour analyser les diverses violations des droits de l’homme intervenues de 1980 à 2000 et la façon dont il en a été tenu compte dans la législation nationale et internationale relative à la protection des droits de l’homme. Y ont participé des représentants des administrations nationales et locales, des agents de la fonction publique, des représentants d’associations de victimes des violences et de personnes qui en ont subi les conséquences, ainsi que de simples citoyens dans différentes régions du pays, et notamment à Cusco, Apurímac, Junín, Huánuco, Ayacucho et Ancash.

156.Par ailleurs, en novembre 2014, un séminaire a été organisé à Ayacucho à l’intention de procureurs, ainsi que d’agents de la Direction régionale de la santé et de services d’aide juridictionnelle sur le rôle des diverses administrations dans le travail d’accompagnement qui doit être fait auprès des proches de personnes disparues, notamment pour leur fournir des conseils juridiques et un accompagnement psychosocial. En outre, le 2 juillet 2015, un séminaire a été organisé à Huánuco sur les procédures de recherche de personnes disparues à l’intention de divers acteurs, notamment de procureurs, d’équipes médico-légales, de personnels de santé, et d’associations de personnes ayant subi les conséquences des violences.

Ministère de la défense

157.Conformément à la loi relative à l’organisation et aux fonctions du Ministère de la défense et à son règlement d’application, ce secteur est spécifiquement chargé d’organiser des cours obligatoires sur les droits fondamentaux et les procédures constitutionnelles dans les centres sectoriels de formation.

158.En l’occurrence, les établissements d’enseignement du Ministère de la défense, notamment son Centre de droit international humanitaire et des droits de l’homme dispensent un enseignement dans ce domaine, de même que les écoles de formation d’officiers, spécialistes et sous-officiers des forces armées, l’école supérieure générale des forces armées, ainsi que l’école militaire supérieure de l’armée. Ces centres ont notamment pour tâche d’organiser et conduire des programmes de formation à l’intention des forces armées et des membres du personnel des institutions publiques aux niveaux national et décentralisé.

159.Par ailleurs, le chef d’état-major des armées a notamment pour fonction de veiller à la diffusion et au respect des normes nationales et internationales et des accords auxquels l’État a souscrit en matière de droit international des droits de l’homme et de droit international humanitaire.

160.Les supports de formation en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire sont :

a)Le manuel de droit international humanitaire et des droits de l’homme à l’intention des forces armées ;

b)La directive no 001 MINDEF/CEA-DIH, approuvée par la décision ministérielle no 536-2004-DE-SG (du 05/05/2004), qui arrête les modalités d’intégration du droit international humanitaire dans la doctrine et l’instruction des instituts des forces armées ;

c)Les Principes de base sur le recours à la force et l’emploi d’armes à feu par les fonctionnaires chargés de faire respecter la loi ;

d)Le Code de conduite des fonctionnaires chargés de faire respecter la loi.

161.D’après les informations communiquées par le Centre des droits de l’homme et du droit international humanitaire du Ministère de la défense, celui-ci a intégré les cours ci-après à son programme de formation :

a)Cours élémentaire sur les droits de l’homme et le droit international humanitaire (dont la thématique est exposée à l’annexe no 1) :

i)2 cours à l’intention des officiers des forces armées et des cadres ;

ii)2 cours à l’intention des membres du personnel subalterne des forces armées ;

b)1 cours de perfectionnement à l’intention des officiers des forces armées et des cadres ;

c)1 cours de perfectionnement à l’intention des spécialistes ; des sous-officiers et des officiers de la marine et des forces armées ;

d)Des interventions ponctuelles :

i)12 séminaires – ateliers en différents endroits du pays ;

ii)1 cours à l’intention des juges et procureurs ;

iii)1 cours sur le droit international humanitaire et les droits de l’homme en Amérique du Sud (Conseil de défense sud-américain – Union des nations de l’Amérique du Sud et CIDH).

162.Depuis la création du Centre des droits de l’homme et du droit international humanitaire à ce jour, une formation a été dispensée à 10 940 personnes – membres du personnel militaire et civil du secteur de la défense, ainsi que juges et procureurs.

Forces armées et de la police

163.Les forces armées et de la police disposent d’un Centre de hautes études de justice militaire, qui propose régulièrement des cours à l’intention des magistrats des forces armées et de la police et d’avocats civils. Ainsi, à ce jour, neuf (9) cours élémentaires et un (1) cours de deuxième niveau ont réuni 400 participants. Ces cours abordent des aspects constitutionnels et pénaux des crimes contre l’humanité et notamment, des disparitions forcées de personnes.

164.Par ailleurs, un nombre important de juges et procureurs des forces armées et de la police ont suivi les cours élémentaires et de perfectionnement sur le droit international humanitaire organisés par le Centre du droit international humanitaire et des droits de l’homme du Ministère de la défense et ils sont nombreux à avoir participé au cours de droit international humanitaire « Miguel Grau » organisé par la Commission nationale d’études et d’application du droit international humanitaire (CONADIH). À cet égard, à ce jour, quelques 800 agents des trois niveaux de gouvernement, membres du personnel des forces armées et de la police nationale ont suivi un des cours de droit international humanitaire « Miguel Grau » (10 annuels, 1 macrorégional et 5 décentralisés).

165.Enfin, entre 2011 et 2014, les forces armées et de la police ont organisé plusieurs rencontres internationales sur des thèmes en rapport avec la justice militaire, les droits de l’homme, le droit international humanitaire et les règles régissant le déroulement des opérations.

Ministère de l’intérieur

166.Le Vice-Ministère de l’ordre public, qui relève du Ministère de l’intérieur, a pour fonction de proposer et mettre en œuvre des mesures pour promouvoir et protéger les droits de l’homme. Ainsi, conformément au Règlement relatif à l’organisation et aux fonctions de ce secteur, c’est à la Direction de la protection des droits fondamentaux aux fins de la gouvernance, rattachée à la Direction générale de la sécurité démocratique, qu’il incombe d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes éducatifs et de formation sectoriels en matière de droits de l’homme.

167.En outre, la directive no 02-2009-DIREDUD-PNP-SUBDACA/SEC définit des normes aux fins de la promotion de l’enseignement et de la diffusion du droit international humanitaire appliqué à l’exercice des fonctions de la police dans le système éducatif de la police nationale péruvienne.

Institut de médecine légale

168.Enfin, il convient de noter qu’au mois de décembre 2013, avec l’appui de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge pour la Bolivie, l’Équateur et le Pérou, un atelier a été organisé sur l’analyse de l’évolution des cas de disparition forcée du point de vue de la criminologie sociale, essentiellement à l’intention des anthropologues de l’équipe spécialisée de l’Institut de médecine légale et des divisions médico-légales de l’intérieur du pays. Ainsi, en 2014, lors d’enquêtes ouvertes sur des cas de disparition forcée à la demande du tribunal pénal provincial de la troisième circonscription chargé du terrorisme et des droits de l’homme à Huancayo, dans la province de Junín, les techniques acquises au cours de l’atelier susmentionné ont pu être mises en œuvre et à l’essai.

2.24 Article 24

Définition large du terme « victime »

169.La législation péruvienne se fonde sur une définition large du terme « victime », qui désigne à la fois la personne disparue et toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée. Ainsi, les alinéas b) et c) de l’article 2 de la loi récemment promulguée sur la recherche de personnes disparues au cours des violences intervenues entre 1980 et 2000 désignent comme victimes à la fois la personne disparue et les membres de sa famille, en tenant compte du contexte socioculturel des personnes issues de communautés autochtones, paysannes ou appartenant à un peuple autochtone ou aborigène.

170.En outre, le règlement régissant les inscriptions dans le registre central des victimes de violences tenu par le Conseil des réparations précise la définition du terme de « victime », les critères retenus et les modalités d’inscription dans le registre, conformément à la Convention internationale.

Droit de connaître la vérité et le sort de la personne disparue

171.En ce qui concerne les mécanismes qui garantissent le droit de connaître la vérité sur les circonstances de la disparition forcée et le sort des personnes disparues, il convient de noter que la loi relative à la recherche de personnes disparues précise en son article premier qu’elle a pour objet de privilégier l’aspect humanitaire de la recherche de personnes disparues, en organisant et en arrêtant les mesures de recherche, collecte, analyse, identification et restitution de restes humains.

172.Plus loin, l’article 3 de ladite loi reconnaît spécifiquement que les proches ont le droit de connaître la vérité sur les circonstances de la disparition, la situation de la personne disparue, notamment le lieu où elle se trouve, ou, si elle décédée, les circonstances de sa mort et le lieu où elle a été inhumée, et ce, sans préjudice du devoir qu’à l’État de veiller à ce qu’une enquête efficace, exhaustive et impartiale soit conduite sur les circonstances de cette disparition.

173.Poursuivant le même but que la loi relative à la recherche de personnes disparues, le registre central des victimes a répondu rapidement aux demandes d’information de l’instance juridictionnelle. Ainsi, les bureaux tant de la police nationale que du ministère public ont demandé au Conseil des réparations de leur fournir des informations sur les victimes de disparition forcée pour disposer d’éléments officiels essentiels aux fins de leur enquête policière ou judiciaire qui permettent ensuite d’incriminer les faits et les circonstances de la disparition de la victime.

174.De même, les juges des juridictions pénales ont demandé à ce que leur soient remises des copies certifiées conformes des demandes d’enregistrement dans le registre central et des documents présentés à l’appui de ces demandes pour pouvoir incriminer les affaires de disparition forcée concernant des victimes inscrites dans le registre ou en cours de jugement. Le registre central des victimes a alors promptement collaboré avec l’autorité judiciaire en lui communiquant immédiatement les informations requises.

Droit des victimes à être informées de l’enquête et à participer aux procédures, notamment à bénéficier d’une aide juridique

175.À cet égard, en plus de l’ensemble des droits, garanties et instruments de protection efficace des proches de personnes disparues, le nouveau Code de procédure pénale reconnaît aussi aux proches des personnes disparues le droit de participer aux enquêtes et aux poursuites, notamment en demandant des audiences aux juges saisis de l’infraction de disparition forcée pour être entendus ou en faisant des dépositions par écrit.

176.Par ailleurs, selon la procédure établie, les personnes qui demandent à être inscrites dans le registre central et leurs proches livrent un témoignage, qu’ils peuvent étayer par des déclarations sous serment pour avoir davantage de chances d’être retenus et aussi pour ajouter à la base de données du registre des informations précieuses qui permettront de statuer sur les réparations à accorder.

177.Les proches et demandeurs peuvent demander des renseignements, déposer des documents, s’informer et recevoir des conseils par téléphone, en personne ou par courrier électronique.

178.Il convient de noter que, conformément au paragraphe d) de l’article 5 de la loi relative à la recherche de personnes disparues, le Ministère de la justice a notamment pour fonction de promouvoir et faciliter la participation des proches au processus de recherche des personnes disparues.

179.En outre, la Direction générale de la défense publique du Ministère de la Justice fournit une aide juridique gratuite pour protéger le droit des victimes de disparition forcée et de leurs proches. Ainsi, par sa décision no 122-2013-JUS/DGDPAJ en date du 9 septembre 2013, elle a procédé à la nomination, dans les départements d’Apurímac, Ayacucho et Huancavelica, d’avocats spécialisés en droits de l’homme susceptibles de fournir un appui technique et juridique aux victimes de violations des droits de l’homme, notamment de disparition forcée, pour assurer leur défense.

180.À cet égard, en 2014, les avocats commis d’office désignés par la Direction générale de la défense publique ont fourni une aide juridique à 14 victimes et parents proches de victimes de disparition forcée, notamment pour demander une réparation civile ou régulariser l’enregistrement des décès (voir Annexe no 6).

181.Par ailleurs, la majorité des victimes et proches de victimes de disparition forcée qui ont demandé à bénéficier d’une aide juridique en 2014 sont des citoyens de plus de 60 ans (voir Annexe no 7).

182.En outre, la majorité des victimes et proches de victimes de disparition forcée qui ont demandé à bénéficier d’une aide juridique en 2014 sont des femmes (voir Annexe no 8).

183.En 2015, la majorité des personnes ayant bénéficié d’une aide juridique pour des affaires relevant du droit pénal avaient entre 70 et 79 ans (voir Annexe no 9).

184.Parallèlement, au niveau national, les directions régionales ont mené des campagnes de promotion des services d’aide juridique gratuits qu’offre le Ministère de la justice, pour que les victimes de disparition forcée et leurs proches se sentent soutenus par l’État et puissent recevoir les conseils juridiques nécessaires à l’exercice effectif de leur droit à la justice et de leur droit à réparation.

Mécanismes et procédures de recherche et de restitution de restes humains

185.Comme indiqué plus haut, la loi relative à la recherche de personnes disparues vise à privilégier l’aspect humanitaire de la recherche des personnes disparues au cours des violences intervenues entre 1980 et 2000, grâce à la coordination et à l’adoption de mesures visant à promouvoir la recherche, la collecte, l’analyse, l’identification et la restitution des restes humains (art. 1). À cet effet, ladite loi ne porte pas seulement sur la recherche proprement dite, mais aussi sur l’identification et la restitution des restes humains, l’accompagnement psychosocial, et l’aide matérielle et logistique fournie aux proches (art. 2).

186.Concrètement, conformément à l’alinéa b) de l’article 5 de ladite loi, le Ministère de la justice a pour fonction d’élaborer et d’exécuter un Plan national de recherche des personnes disparues en coordination avec les secteurs compétents. Les ministères de la justice et de la santé sont ainsi invités à collaborer pour faciliter la guérison émotionnelle et la réinsertion sociale des proches des personnes disparues, les interventions devant être conduites dans la langue voulue et être adaptées sur le plan culturel (art. 11). Dans le même ordre d’idées, la loi relative à la recherche de personnes disparues dispose qu’en cas de restitution de corps ou restes humains, le Ministère de la justice continue de se charger, comme avant son entrée en vigueur, de fournir et transporter les cercueils et de transporter, nourrir et loger les familles qui le souhaitent, en organisant des cérémonies et rites funéraires conformes aux us et coutumes traditionnels des proches ou de leur communauté (Art. 12).

187.Ainsi, par sa décision no 1694-2009-MP-FN, le ministère public a approuvé la Directive no 007-2009-MP-FN qui réglemente le travail d’enquête qu’il conduit notamment à des fins humanitaires lors de la mise au jour de sites contenant des restes humains en rapport avec des violations graves des droits de l’homme. Ainsi, lorsqu’il a connaissance de l’existence d’un site où pourraient se trouver des restes humains, le procureur lance immédiatement une procédure d’enquête.

188.D’après les informations communiquées par l’Institut de médecine légale, dans le cadre de l’enquête conduite par les procureurs pénaux supraprovinciaux, le magistrat demande à l’équipe médico-légale spécialisée d’intervenir (voir Annexe no 5).

189.Il convient de noter que, pour faciliter l’identification des personnes disparues, en novembre 2012 ; le Secrétariat exécutif de la Commission multisectorielle de haut niveau a signé un accord de coopération avec le ministère public en vertu duquel 1 100 000,00 nouveaux sols (un million cent mille nouveaux sols) ont été versés à ce dernier. Ces fonds lui ont permis de faire l’acquisition des réactifs et fragments d’ADN nécessaires au traitement et à l’identification des ossements exhumés. C’est ainsi qu’une analyse a pu être menée dans diverses affaires (notamment à Santa Bárbara, Raccaya Umasi, Chungui et Cabitos), en concertation avec les procureurs provinciaux et supraprovinciaux d’Ayacucho, Huancavelica, Junín et Huánuco.

190.Par ailleurs, l’équipe médico-légale spécialisée met en œuvre et applique des stratégies d’intervention médico-légale à grande échelle, qui consistent à procéder de façon ordonnée et systématique à l’exhumation et à l’identification des personnes disparues. Ce plan consiste à :

a)Une fois les cas recensés par régions, provinces, districts et communes, un groupe d’experts est chargé de conduire l’enquête préliminaire : collecte de données ante mortem, étude du contexte dans lequel est intervenue la disparition, étude de l’accès au lieu de l’exhumation et des autres détails communs à toutes les affaires enregistrées dans un district ou une province donné ;

b)À partir des données recueillies, des stratégies de collecte (exhumation) des ossements et autres restes humains sont arrêtées, ce qui permet de traiter plusieurs cas à la fois dans une même zone géographique ;

c)Pour les provinces d’Ayacucho et de Huancavelica, les analyses sont effectuées dans le laboratoire de criminalistique d’Ayacucho ; dans le reste du pays, elles sont faites dans les installations des divisions médico-légales.

191.D’après les informations communiquées par la Coordination du Bureau national supérieur et des bureaux provinciaux et supraprovinciaux du ministère public, il incombe à l’équipe médico-légale spécialisée de l’Institut de médecine légale de rendre compte des recherches qui ont donné lieu à des exhumations, ainsi que de l’identification de restes et de leur remise aux familles, afin d’assurer un suivi des progrès accomplis dans la recherche de personnes disparues, dans le cadre des interventions qu’elle est chargée de mener dans les différentes régions. La façon dont le travail de recherche et de restitution de restes conduit par l’équipe médico-légale spécialisée a évolué au fil des ans est illustrée ci-après :

Graphique n o 1 Nombre de dossiers traités par l’ équipe médico-légale spécialisée entre 2002 et avril 2015

Nombre de personnes restituées Nombre de personnes exhumées Nombre de personnes identifiées

Source  : Institut de médecine légale .

Tableau n o 1Nombre de dossiers traités par l’équipe médico-légale spécialisée entre 2002et avril 2015

Année

Nombre de personnes exhumées

Nombre de personnes identifiées

Nombre de personnes restituées

2002

87

80

80

2003

18

15

12

2004

56

43

39

2005

63

41

33

2006

125

36

37

2007

108

37

24

2008

198

152

113

2009

507

218

219

2010

311

198

112

2011

498

331

253

2012

448

350

261

2013

419

200

286

2014

310

94

169

2015

26

31

4

Total

3174

1826

1642

Source  : Institut de médecine légale .

192.Jusqu’en 2006, le Bureau du Défenseur du peuple participait aux interventions de l’équipe médico-légale spécialisée, si celles-ci étaient conduites dans des lieux accessibles et que sa participation n’excédait pas trois jours. Des difficultés budgétaires l’ont ensuite contraint à arrêter, mais l’équipe médico-légale spécialisée et les services du Défenseur adjoint aux droits de l’homme et aux personnes handicapées continuent de collaborer et d’échanger des informations de façon à ce qu’il soit donné suite à toute demande de proches adressée au Bureau du Défenseur du peuple. À cet égard, tous les rapports que le Bureau du Défenseur du peuple a établis depuis qu’il a commencé à rendre compte des activités médico-légales de l’Équipe spécialisée témoignent de l’amélioration progressive desdites activités, qui sont actuellement conduites conformément aux normes internationales en la matière.

Protocoles et autres mesures applicables à la recherche de personnes disparues

193.Comme indiqué plus haut, la directive no 007-2009-MP-FN réglemente le travail d’enquête conduit par le ministère public lors de la mise au jour de sites contenant des restes humains et sur leurs liens avec des violations graves des droits de l’homme.Le ministère public est ainsi tenu d’ouvrir une enquête sur ces affaires lorsqu’il est informé de l’existence d’un site susceptible de contenir des restes humains.

194.En outre, d’après l’Institut de médecine légale, toutes les étapes de l’enquête médico-légale sont conduites selon des protocoles conformes aux normes internationales en vigueur. À cet égard, il convient de noter que, avec l’appui de services consultatifs externes et grâce aux compétences scientifiques et techniques de ses experts, l’équipe médico-légale spécialisée s’est employée à respecter ces normes depuis sa création.

195.Ont ainsi été étudiées, analysées et mises en œuvre diverses procédures arrêtées dans le Manuel des Nations Unies sur la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires (1991) dit Protocole du Minnesota, dans le rapport sur les personnes portées disparues et leurs familles, établi par la Conférence internationale d’experts gouvernementaux et non gouvernementaux que le CICR a organisée à Genève du 19 au 21 février 2003, et dans les directives publiées en 2003 par Skinner, Alempijevic et Djuric-Srejic dans la revue Forensic Science International à l’intention des spécialistes de bioarchéologie médico-légale chargés de l’exhumation de cadavres enterrés dans des charniers.

196.De même, au cours de ses premières années d’activité, l’équipe médico-légale spécialisée a également utilisé un ouvrage de référence national établi par le Bureau du Défenseur du peuple et l’Équipe péruvienne d’anthropologie légale et publié au Pérou en mai 2002, le Manuel pour l’efficacité des enquêtes conduites lors de la mise au jour de fosses contenant des restes humains.

197.Dernièrement, l’équipe médico-légale spécialisée a appliqué les recommandations du Consensus mondial sur les principes et normes minimales applicables au travail psychosocial lors des recherches et enquêtes médico-légales dans les affaires de disparitions forcées, exécutions arbitraires ou extrajudiciaires, et elle participe actuellement à la Table ronde sur la recherche de personnes disparues organisée au Pérou sous les auspices du CICR.

198.Traitement de l’information relative aux lieux de sépulture et aux personnes décédées en liaison avec des affaires de disparition forcée.

199.L’Institut de médecine légale classe les lieux de sépulture en : fosses individuelles, fosses collectives, tombes, niches et restes en surface. En particulier, d’après les renseignements qu’elle a communiqués, l’équipe médico-légale spécialisée dispose d’informations concernant chacune des procédures d’enquête médico-légale mises en œuvre dans des affaires liées à des violations graves des droits de l’homme.

200.En outre, chaque affaire traitée est classée par un numéro d’enquête judiciaire qui permet de retrouver tous les renseignements connexes réunis par les instances médico-légales ; un des éléments donne des informations sur la nature du lieu de sépulture et le nombre de personnes se trouvant dans chacun de ces lieux et la base de données est régulièrement mise à jour par l’équipe médico-légale spécialisée. Par ailleurs, conformément au registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation prévu par le Titre III de la loi sur la recherche de personnes disparues, chaque lieu d’inhumation repéré doit être consigné avec le plus d’informations possibles pour permettre d’en déterminer l’ampleur et les limites, en prenant toutes les mesures de protection nécessaires pour empêcher qu’il ne soit altéré ou détruit.

Base de données d’ADN et stockage de matériel génétique

201.Par l’intermédiaire de l’équipe médico-légale spécialisée, l’Institut de médecine légale s’emploie à centraliser les informations disponibles sur les personnes disparues à l’aide d’un outil informatique, dans la base de données ante-mortem/post-mortem, qui doit permettre de regrouper les informations actuellement en possession des différents organismes et institutions s’occupant de rechercher des personnes disparues au niveau national. À ce jour, cette base de données est en cours de restructuration et de perfectionnement en application d’un accord conclu entre le ministère public et le CICR. L’équipe médico-légale spécialisée conserve toutefois toutes les expertises auxquelles elle a participé et les classe par année ; elle a établi un tableau synthétique des interventions qu’elle a effectuées depuis 2003 et constitué des archives photographiques et vidéos qui illustrent amplement le travail accompli jusqu’à maintenant.

202.Conformément aux informations communiquées par l’Institut de médecine légale, si l’odontologie et l’anthropologie médico-légales ne permettent pas d’identifier les ossements exhumés, les experts demandent à ce qu’il en soit fait une analyse ADN pour déterminer l’identité de la personne. Si cette analyse n’est pas concluante, les personnes non identifiées sont conservées dans le dépôt d’ossements du laboratoire de criminalistique d’Ayacucho ou dans le dépôt de l’équipe médico-légale spécialisée de Lima.

203.En conséquence, la troisième disposition complémentaire finale de la loi relative à la recherche de personnes disparues rend obligatoire la création d’une banque de données génétiques dans laquelle stocker les profils génétiques des personnes disparues et de leurs proches, en liaison avec le registre national des personnes disparues et des sites d’inhumation dont ladite loi a également porté création.

Procédures d’indemnisation et de réparation des victimes

204.Comme indiqué à l’article 23 du présent rapport, la Commission multisectorielle de haut niveau, composée de représentants de l’État et de la société civile – encadre l’élaboration de la politique nationale en matière de réparations, et coordonne, supervise et contrôle la mise en œuvre du plan intégré de réparations en application du mandat qui lui a été confié en vertu de la loi no 28592 et de son règlement d’application, approuvé par le décret suprême no 015-2006-JUS, qui définit les mécanismes, modalités et procédures permettant aux victimes des violences survenues entre mai 1980 et novembre 2000 de bénéficier des programmes mis en œuvre dans le cadre du plan intégré de réparations. Cet instrument technique et normatif définit les principes, approches, objectifs, politiques et mesures qui guident l’action de l’État péruvien aux trois niveaux de gouvernement – national, régional et local – en matière de réparations.

205.À ce jour, 214 109 personnes ont été inscrites dans le volume I du registre central des victimes (victimes individuelles) ; 5 712 communautés paysannes ou autochtones et 56 groupes de déplacés ont été inscrits dans le volume II du registre (communautés autochtones, communautés paysannes et groupes de déplacés touchés par les violences). Parmi les personnes inscrites dans le volume I, 36 143 victimes ayant droit à une réparation économique et 90 342 proches de victimes décédées ou disparues ont été identifiées.

206.Ainsi, la décision ministérielle no 184-2011-PCM, en partie modifiée par la décision ministérielle no 149-JUS-2012, arrête les procédures et modalités de versement des montants prévus au titre du programme de réparations économiques, qui fait partie du plan intégré de réparations et vise à verser une indemnité pécuniaire, à titre de réparation et sur décision administrative, aux personnes touchées par les violences intervenues entre 1980 et 2000 qui sont inscrites dans le registre central des victimes parce que ce sont :

a)Des proches parents d’une victime décédée (assassinée ou victime d’une exécution extrajudiciaire) inscrite dans le registre central des victimes ;

b)Des proches parents d’une victime de disparition forcée inscrite au registre central ;

c)Des victimes de violence sexuelle ;

d)Des personnes ayant contracté un handicap physique ou mental permanent à la suite de faits liés aux violences.

207.La procédure débute lorsque la liste des bénéficiaires potentiels du programme de réparations économiques est remise au Secrétariat exécutif de la Commission multisectorielle de haut niveau. Cette liste lui est remise par le Conseil des réparations, qui est responsable de la tenue du registre central des victimes. Le secrétariat exécutif de la Commission procède à la validation des informations par rapport au registre national d’identification et d’état civil et établit une liste de bénéficiaires potentiels qu’il soumet pour approbation au Ministère de la justice. Une fois vérifiée la disponibilité des fonds nécessaires, la décision ministérielle ensuite adoptée porte approbation de la liste des bénéficiaires et du versement des sommes destinées à titre de réparation à chaque bénéficiaire inscrit sur la liste. Les sommes versées à titre de réparation sont déposées sur des comptes ouverts à la Banque nationale (Banco de la Nación).

208.À cet égard, entre 2011 et 2014, 76 590 personnes ont bénéficié du programme de réparations économiques pour un montant total de 253 589 133,00 nouveaux sols, dont 16 397 proches de victimes de disparition forcée pour un montant total de 55 312 289,00 nouveaux sols.

209.De même, au mois de juin 2015, l’État avait affecté 251 046 850,17 nouveaux sols au programme de réparations collectives dans le cadre duquel avaient ainsi pu être financés 2 120 projets d’infrastructure productive ou d’amélioration des services de base dans 2 095 communes touchées par les violences.

210.Comme on peut le constater, le type de réparation proposé aux victimes est de toute évidence de nature compensatoire, puisqu’il vise à indemniser en partie les victimes des dommages subis. Mais il n’est pas uniquement pécuniaire : il est assorti – aux fins de la réparation intégrale – d’autres mesures de réparation prévues dans le plan intégré de réparation, notamment en matière de santé, d’éducation, de rétablissement de droits civils et de réparations symboliques (présentation d’excuses publiques notamment).

211.En ce qui concerne les réparations en matière de santé, en application de la loi no 28592, la Direction de la santé mentale du Ministère de la santé met en œuvre un programme de réparations dans ce domaine depuis 2005. Dans ce cadre, l’État étend la couverture du système intégré de santé aux victimes des violences, dont il assure la prise en charge physique et mental. En outre, l’objectif no 6 du plan national concerté pour la santé pour 2007-2020 – qui fait de la santé mentale de la population un droit humain fondamental et une composante indispensable de la santé intégrale et du développement humain – vise à permettre à 70 % des personnes touchées par les violences intervenues entre 1980 et 2000 d’améliorer leur état de santé mentale en réalisant un travail intersectoriel et en constituant des réseaux d’aide sociale.

212.Comme indiqué plus haut, les stratégies que l’État péruvien a mises au point pour fournir des services de santé optimaux aux victimes des violences, notamment aux proches de personnes disparues, prévoient l’élaboration et l’approbation de documents techniques et normatifs, ainsi que la prise en charge des troubles mentaux (selon divers axes d’intervention).

213.À cet égard, des activités et mesures sont notamment mises en œuvre aux fins de la prise en charge intégrale de la santé mentale, du rétablissement intégral des victimes fondé sur une action locale, de la prévention, de la promotion de la santé mentale et du renforcement des capacités du personnel de santé. Leur mode de financement dans les régions considérées comme prioritaires par le plan intégré de réparations est exposé à l’annexe no 15.

214.Dans le domaine de la formation, entre 2011 et 2014, 280 professionnels de la santé, dont des médecins, des psychologues et des infirmières ont reçu une formation pour prendre en charge les troubles mentaux des personnes traumatisées par les violences politiques, selon une approche psychosociale, sexospécifique et interculturelle mettant l’accent sur les droits de l’homme ; les actions conduites et leur impact dans les communautés concernées ont également fait l’objet d’un bilan.

215.Concrètement, en 2015, 585 professionnels de la santé (45 dans chaque région prioritaire) ont reçu une formation aux droits de l’homme, ce qui a permis de constituer des équipes régionales pour assurer un accompagnement individuel, familial, communautaire ou social des proches de personnes disparues au cours des années 1980 à 2000. Par ailleurs, en concertation avec le CICR, des formations ont été organisées sur les méthodes d’exhumation, de mise au jour des vêtements et de restitution d’ossements et des corps dans les lieux de résidence des proches des victimes.

Tableau n o 2Accompagnement psychosocial dans les régions prioritaires

Année

Nombre d ’ interventions

Bénéficiaires

Région

Commune

2015

10

910 proches (182 corps restitués)

Ayacucho

Putaccasa , district de Sacsamarca , Province de Huanca Sancos , Oronccoy , district de Chungui , Province de la Mar, Huayao , et district de Huamanquiquia

1

20 proches (2 corps restitués)

Huánuco

Huánuco

3

100 proches (20 corps restitués)

Junín

Satipo , Pangoa , Concepción

1

10 proches ( 1 corps restitué )

Ucayali

Aguaytia

1

10 proches (1 corps restitué )

Huancavelica

Sachapite

2016

4

225 proches (45 corps restitués)

Ayacucho

Ayacucho

Total

20

1 275 proches (251 corps restitués)

216.Par ailleurs, en avril et mai 2016, trois stages de formation organisés à Huánuco, Ucayali et San Martín ont permis d’élaborer des plans d’action humanitaire.

217.Conformément aux dispositions de l’article 17 du règlement d’application du plan intégré de réparations, le programme de réparations en matière d’éducation vise à mettre des locaux à la disposition des victimes et de leurs proches qui, du fait des violences, n’ont pas pu avoir une scolarité adéquate ou terminer leurs études primaires, secondaires, supérieures, techniques ou universitaires, et à leur donner de nouvelles ou de meilleures possibilités d’accès à l’éducation.

218.Ainsi, au cours du second semestre 2012, le Ministère de l’éducation a proposé, dans le cadre du programme national de bourses, la bourse REPARED, qui permet de financer l’ensemble des formations professionnelles, universitaires ou techniques des personnes inscrites dans le registre central des victimes. Cette bourse couvre les frais de scolarité, l’achat de livres, l’inscription aux examens, le soutien scolaire et les frais de reproduction, de même que les frais de logement et d’alimentation, l’assurance maladie et les médicaments.

219.Les boursiers qui étudient dans leur région d’origine perçoivent une aide mensuelle de 850 nouveaux sols et ceux qui étudient ailleurs, reçoivent une aide de 1 200 nouveaux sols. Tous bénéficient en outre d’une aide de 250 sols pour l’achat d’uniformes et de 2 500 nouveaux sols pour l’achat d’un ordinateur portable.

220.À cet égard, en 2012, 2013 et 2014, cent deux (102) proches de victimes de disparition forcée se sont vus accorder des bourses REPARED. Par ailleurs, des places sont réservées aux bénéficiaires du plan aux examens d’entrée des universités et des établissements publics d’enseignement supérieur. En outre, ces personnes sont exonérées d’impôts et de frais administratifs, depuis leur admission jusqu’à l’obtention de leur diplôme.

221.Toutefois, il convient de noter que l’identité des victimes constitue une des principales difficultés que présentent les réparations. Comme indiqué dans le rapport final de la Commission Vérité et réconciliation, début 1980, quand les violences ont éclaté, les listes électorales antérieures au registre national d’identification et d’état civil n’étaient pas tenues à jour. Ainsi, nombre des personnes décédées inscrites dans le registre central des victimes n’avaient pas de pièce d’identité. De ce fait, pour pouvoir identifier les victimes et transférer et gérer rapidement l’information aux fins de la mise en œuvre du plan intégré de réparations sous l’égide de la Commission multisectorielle de haut niveau, un code d’identification a été attribué aux personnes inscrites dans le registre central des victimes. Ce code alphanumérique désigne l’identité de la victime, la nature des dommages qu’elle a subis, le lieu et la date des faits, ainsi que ses liens de parenté éventuels et, dans certains cas, sa situation au regard de la loi. Il permet de communiquer des informations rapidement à la Commission multisectorielle de haut niveau et facilite la mise en œuvre des réparations.

222.Enfin, dans l’optique évoquée au paragraphe précédent, dans le cadre du programme de rétablissement des droits civils, la Commission multisectorielle de haut niveau a pris plusieurs mesures pour définir le régime de l’absence pour cause de disparition forcée, comme exposé en détail ci-après .

Droits et besoins des proches avant, pendant et après l’exhumation

223.Comme l’a fait observer l’Institut de médecine légale, les proches des victimes ont le droit (sous réserve d’y avoir été autorisés au préalable par le procureur chargé de l’affaire) d’être présents à chacune des étapes de l’enquête médico-légale et d’en observer le déroulement. Ils peuvent ainsi assister en personne aux actes relatifs à l’enquête préliminaire, à l’exhumation des ossements et à leur analyse en laboratoire, ou s’y faire représenter par leurs avocats.

224.Ainsi, avec l’appui et le soutien consultatif du CICR, les membres de l’équipe médico-légale spécialisée mettent en œuvre les recommandations du Consensus mondial sur les principes et normes minimales applicables au travail psychosocial lors des recherches et enquêtes médico-légales menées dans les affaires de disparition forcée et d’exécution arbitraire ou extrajudiciaire. L’équipe applique ces recommandations et en perfectionne les modalités d’exécution depuis les premières années où elle a commencé à effectuer des interventions médico-légales (en l’occurrence, dès qu’elle a été constituée en application de la décision no 1262-2003-MP-FN du Bureau du Procureur général en date du 13 août 2003) et ce, dans le respect des droits des personnes concernées. Avant même d’avoir connaissance de ce document, alors qu’elle n’était composée que d’anthropologues et d’archéologues, elle avait déjà mis en pratique nombre des directives qui y ont été formulées car, de par leur formation professionnelle, ses membres avaient appris à interagir avec des groupes culturels différents, tels que des paysans de langue quechua et, dans une moindre mesure, des habitants d’établissements humains et des personnes originaires d’Amazonie.

225.De même, depuis 2012, le secrétariat exécutif de la Commission multisectorielle de haut niveau procède à la restitution des ossements de personnes disparues en concertation avec le ministère public pour prendre en charge, à titre de réparation symbolique, l’accompagnement logistique et émotionnel des proches au cours de cette procédure d’autant plus éprouvante que les restitutions interviennent une trentaine d’années après les faits.

226.La Commission multisectorielle de haut niveau a mis en place un programme d’accompagnement pour répondre aux besoins logistiques et, surtout, émotionnels des proches des victimes de disparition forcée lors de la restitution des ossements. Ainsi, parmi les mesures d’accompagnement qu’elle met en œuvre, la Commission fournit des cercueils pour offrir une sépulture digne aux victimes de disparition forcée (inscrites dans le registre central des victimes et identifiées par l’équipe médico-légale spécialisée du ministère public ou par les experts des parties), mais organise aussi, selon une approche interculturelle, des commémorations religieuses, notamment des veillées et des messes, après s’être concertée avec les proches et les autorités locales pour veiller au respect des coutumes, croyances religieuses et formes de commémoration locales. À ce jour, la Commission s’est chargée d’accompagner les proches de 810 victimes de disparition forcée dont les ossements ont été restitués, à Ayacucho (680), Apurímac (47), Huancavelica (42), Ancash-El Santa (9), Huánuco (8) et Junín (24).

227.Les dépouilles sont restituées lors de cérémonies officielles au cours desquelles un représentant de la Commission présente des excuses publiques au nom de l’État péruvien. Pour offrir des funérailles dignes et veiller à ce qu’elles aient valeur de réparation, la Commission fournit en outre, en collaboration avec les entités régionales et locales ci-après :

a)Des cercueils pour les personnes disparues non inscrites dans le registre central des victimes – avec les autorités régionales et locales ;

b)Un accompagnement psychosocial lors des exhumations, de la présentation de vêtements, de la remise d’ossements, d’enterrements – avec le Ministère de la santé et la direction régionale de la santé ;

c)De la nourriture et un logement pendant la durée des formalités à Huamanga pour les proches des victimes venant de communes éloignées – avec les autorités régionales ;

d)Le transport des proches – avec le Comité international de la Croix-Rouge ;

e)Le rapatriement des cercueils vers les communes d’origine – avec le Comité international de la Croix-Rouge et les autorités locales ;

f)Des niches, pour que le deuil n’engendre ni tensions ni dépenses inutiles pour les proches – avec les autorités locales.

228.Concrètement, des excuses publiques ont été présentées lors de cérémonies officielles organisées pour les paysans d’El Santa, les victimes de Lucanamarca, les victimes de l’Université nationale du Centre, de la commune de Chuschi, les victimes de Tingo María, Soras, Putis, Parcco Pomatambo, de la caserne « Los Cabitos », l’Association nationale des proches de personnes séquestrées, détenues et disparues au Pérou - ANFASEP, les victimes de Santo Tomás de Chumbivilcas, Santa Rosa, Chongos Alto, Ninanya, Canchayllo, Raccaya Umasi, Pichccapunco, Paccha, Huamachuco Cayara, les victimes d’Andahuaylas, de Toraya (dans la région d’Apurímac), les victimes de Tsiriari, et les victimes de l’Université nationale Hermilio Valdizán.

229.Il convient de garder à l’esprit que les cérémonies officielles organisées sont dédiées à la mémoire des personnes disparues. Par ailleurs, parallèlement aux funérailles, des espaces de mémoire ont été inaugurés pour rendre hommage aux victimes de disparition forcée.

230.L’État péruvien a donc adopté de multiples mesures d’accompagnement psychosocial, d’aide matérielle et logistique, par ailleurs prévues au Titre V de la Loi relative à la recherche de personnes disparues ; comme indiqué en détail plus haut.

Déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée

231.La loi no 28413, qui porte réglementation du régime d’absence pour cause de disparition forcée pendant la période allant de 1980 à 2000 (publiée au Journal officiel « El Peruano » du 11/12/2004), a porté création d’un registre spécial d’absence pour disparition forcée dont la tenue est assurée par le Bureau du Défenseur du peuple. Elle a institué une procédure spéciale de déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée, qui est soumise au principe de gratuité et relève de la compétence du juge de paix professionnel du dernier domicile du requérant.

232.En vertu de la loi susmentionnée, sur le plan administratif, c’est au Bureau du défenseur du peuple qu’il incombe de vérifier selon une procédure spéciale – en demandant des renseignements, notamment au registre national d’identification et d’état civil, à la Commission électorale nationale (ONPE), à l’Institut pénitentiaire national, à la Direction générale des migrations et de la naturalisation (DIGEMIN), ainsi qu’à la Direction des enquêtes de la police nationale – si la personne a disparu au cours des violences et si l’on ignore effectivement où elle se trouve. Celui-ci établit ensuite un certificat (déclaration) d’absence pour cause de disparition forcée et le transmet pour transcription selon une procédure judiciaire spéciale au registre national d’identification et d’état civil. Sur les 1 913 cas de disparition pour lesquels des certificats ont ainsi été délivrés entre 2005 et 2014, seuls 200 ont été transmis à l’autorité judiciaire, dont 80 ont donné lieu à un jugement déclaratif d’absence pour disparition forcée et à la transcription d’un acte de décès dans le registre d’état civil.

233.La loi no 28413 susmentionnée, qui réglemente une situation juridique spéciale, vise à proposer une solution efficace pour reconnaître les droits d’une personne portée disparue. Les proches et les personnes pour lesquels cette information présente un intérêt légitime peuvent demander à ce que le juge de paix professionnel établisse une déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée. Il leur faut à cet effet produire un certificat (déclaration) d’absence pour cause de disparition forcée. La déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée a les mêmes effets que la déclaration judiciaire de présomption de décès régie par le Code civil. À l’heure actuelle, la date présumée de la disparition forcée retenue dans la déclaration judiciaire est celle qui figure sur le certificat (déclaration) d’absence transcrit dans le registre spécial d’absence pour disparition forcée tenu par le Bureau du Défenseur du peuple.

234.Ainsi, conformément aux dispositions de l’alinéa e) de l’article 44 de la loi no 26947, telle que modifiée par la première disposition finale de la loi no 28413, les certificats de disparition, absence, présomption de décès et absence pour cause de disparition forcée sont mentionnés sur les actes de décès transcrits dans le registre national d’identification et d’état civil, conformément aux dispositions de l’alinéa b) de l’article 7 de la loi no 26947.

235.De même, une fois établies les déclarations judiciaires de disparition forcée, les décès sont transcrits dans les registres d’état civil, comme dans n’importe quel bureau d’état civil, selon les modalités prévues à l’article 53 du règlement régissant la transcription des actes dans le registre national d’identification et d’état civil, approuvé par le décret suprême no 015-08-PCM (publié au journal officiel « El Peruano » le 25/04/2016), et les règles de compétence juridictionnelle.

236.On voit donc que des mesures pertinentes ont été adoptées en vue de la transcription adéquate de la déclaration judiciaire d’absence pour cause de disparition forcée dans le registre national d’identification et d’état civil, conformément à la première disposition finale de la loi no 28413, qui porte réglementation du régime juridique d’absence pour cause de disparition forcée pendant la période allant de 1980 à 2000, et qui, comme indiqué plus haut, a porté création du registre spécial d’absence pour disparition forcée dont la tenue est assurée par le Bureau du Défenseur du peuple, dans lequel doivent être inscrites les personnes identifiées comme victimes de disparition forcée dans les circonstances évoquées par ladite loi.

237.Il convient de noter qu’entre 2010 et 2014, 668 décès ont été transcrits dans le registre national d’identification et d’état civil suite à présomption de décès ou à disparition forcée (voir annexe no 10).

238.À cet égard, le programme de rétablissement des droits civils, qui prévoit l’application de procédures et traitements préférentiels aux personnes touchées par les violences, vise en priorité le régime de l’absence pour cause de disparition forcée, régi par la loi no 28413, afin de proposer une solution pratique et efficace pour reconnaître les droits des personnes portées disparues du fait des violences.

239.À cet effet, la Commission multisectorielle de haut niveau se charge, au niveau interinstitutionnel :

a)De dispenser, en concertation avec son secrétariat exécutif et le Bureau du défenseur du peuple, une formation aux juges de paix professionnels aux fins de l’application judicieuse de la loi no 28413, pour uniformiser les critères, et éviter que ne soient imposées des conditions non prévues par la loi qui remettent en cause le principe de gratuité et de licéité ;

b)De garantir le principe de gratuité de la procédure judiciaire de déclaration d’absence pour cause de disparition forcée ;

c)De créer, dans les dossiers individuels du registre national d’identification et d’état civil – où sont actuellement transcrits les actes de naissance, mariage et décès – un volet où faire figurer le statut légal d’absence pour disparition forcée.

2.25 Article25

240.Si un enfant ou un adolescent victime de disparition forcée est retrouvé mais qu’il est allégué qu’il est privé de protection parentale, il incombe à la Direction des enquêtes sociales de mise sous tutelle, qui relève de la Direction générale de l’enfance et de l’adolescence du Ministère des femmes et des populations vulnérables, de se charger – en concertation avec le ministère public, la police nationale, le registre national d’identification et d’état civil et d’autres institutions publiques et privées – des démarches visant à établir l’identité du mineur et d’évaluer les éléments à l’origine de la présomption de perte de protection parentale, puis d’arrêter les mesures de protection qui s’imposent.

241.Si l’absence du mineur disparu a d’abord été constatée par une déclaration judiciaire, ou, en l’absence de déclaration judiciaire, par une décision du juge aux affaires familiales, une procédure judiciaire est entamée pour reconnaître son existence (Art. 67 du Code civil), ou, à défaut, un recours constitutionnel est formé en « amparo » pour atteinte au droit à l’identité, conformément au paragraphe 25 de l’article 37 du Code de procédure constitutionnelle, ainsi qu’aux articles 1 et 2 (par. 1 – droit à l’identité) de la Constitution du Pérou, afin de garantir l’exercice de son droit à voir son identité rétablie.

Procédures prévues pour garantir le droit de rechercher les enfants victimes de disparition forcée, ainsi que pour réviser et, le cas échéant, annuler toute procédure d’adoption qui trouve son origine dans une disparition forcée

242.Au Pérou, le règlement d’application de la loi no 26981 relative à la procédure administrative d’adoption de mineurs déclarés en état d’abandon prévoit en son article 33 que la décision administrative d’adoption peut, dans tous les cas, être contestée par toute personne ayant un lien de parenté attesté jusqu’au second degré, le jour ouvrable suivant sa notification aux intéressés. Une fois la contestation introduite devant le Secrétariat national aux adoptions, celui-ci en saisit le jour-même le Vice-Ministère de la femme, dernière instance administrative, qui fait le nécessaire dans un délai maximal de cinq (5) jours ouvrables, et lui transmet le dossier voulu à cette fin. En outre, l’article 34 de ladite loi dispose que la décision finale du Vice-Ministère de la femme peut être contestée par un recours contentieux administratif qui doit être introduit devant la Chambre civile de la Cour supérieure compétente dans un délai maximum de cinq (5) jours à compter de la notification de cette décision aux parties prenantes.

243.Par ailleurs, en ce qui concerne les procédures prévues pour garantir le droit des enfants disparus et des adultes qui pensent être nés de personnes portées disparues à voir leur véritable identité rétablie, il convient de signaler que – dans le cadre de la Sous-commission au recensement des personnes victimes de violences politiques, qui relève du service de gestion du rétablissement de l’identité et de l’appui social (GRIAS) du registre national d’identification et d’état civil, et fait pendant au programme de rétablissement de l’identité et des droits civils, régi par le règlement d’application de la loi relative au plan intégré de réparations –, le Conseil des réparations a renvoyé plusieurs affaires pour obtenir que l’identité des intéressés soit rétablie et qu’ils soient dûment recensés. Il s’agissait de proches de victimes décédées (pas nécessairement portées disparues), dont l’acte de naissance comportait une omission ou une erreur s’opposant à ce qu’elles puissent prétendre à réparation.

244.En ce qui concerne l’obligation de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant à laquelle l’État est tenu, il convient de noter que le Code de l’enfance et de l’adolescence, approuvé par la loi no 27337, dispose en l’article IX de son titre préliminaire que toute mesure que l’État adopte à l’égard d’un enfant ou d’un adolescent par l’intermédiaire de ses appareils exécutif, législatif et judiciaire, du ministère public, des autorités régionales, des autorités locales et de leurs institutions, ainsi que l’action de la société doivent tenir compte du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent et respecter ses droits.

245.Enfin, en ce qui concerne les mécanismes qui garantissent aux enfants la possibilité de se forger leur propre opinion et d’exercer leur droit d’exprimer une opinion librement sur tous les points liés à la disparition forcée qui les concernent, il convient de rappeler que la participation des enfants et adolescents au cycle des politiques des pouvoirs publics qui les concernent ou les intéressent constitue l’un des « résultats escomptés » du Plan national d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence pour 2012-2021, sur lequel se fondent les politiques des pouvoirs publics en la matière. Un ensemble de stratégies concertées et cohérentes auxquelles participent des organismes gouvernementaux, le ministère public, les autorités régionales et locales et la société civile ont notamment été mises en place pour la promouvoir.

III.Remarques finales

246.Le Pérou a adopté un certain nombre de mesures administratives, législatives, et judiciaires, ainsi que des politiques gouvernementales qui ont pour objectif ultime d’apporter une réponse globale, cohérente et sans exclusive au problème des personnes disparues.

247.À cet égard, les mesures et politiques gouvernementales adoptées, qui ont été exposées en détail dans le présent rapport, sont pleinement conformes avec les obligations internationales que l’État péruvien a contractées à l’égard de la situation des personnes disparues et de leurs proches, en particulier sur les plans du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

248.Enfin, si le présent rapport fait apparaître la nécessité de continuer à renforcer les mécanismes pour apporter des éclaircissements, ainsi que la vérité et la justice aux proches des personnes disparues, on doit y voir la réaffirmation de l’engagement de l’État péruvien à continuer de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et éliminer les cas de disparition forcée et faire en sorte que les victimes obtiennent réparation dans notre pays.

IV.Annexes

Annexe no 1 :Enquêtes en cours pour disparition forcée au niveau des bureaux spécialisés des procureurs à Lima et dans les provinces

Annexe no 2 :Poursuites entamées pour disparition forcée par les bureaux supraprovinciaux des procureurs à Lima

Annexe no 3 :Poursuites entamées pour disparition forcée par les bureaux supraprovinciaux des procureurs à Lima

Annexe no 4 :Demandes d’extradition active pour disparition forcée

Annexe no 5 :Déroulement de l’enquête médico-légale

Annexe no 6 :Défense de victimes de disparition forcée par mois et département en 2014

Annexe no 7 :Défense de victimes de disparition forcée par âge et département en 2014

Annexe no 8 :Défense de victimes de disparition forcée par sexe et département en 2014

Annexe no 9 :Disparitions forcées par âge par département, de janvier à mars 2015

Annexe no 10 :Décès présumés et disparitions forcées transcrits par préfecture régionale entre 2010 et 2014

Annexe no 11 :Loi relative à la recherche de personnes disparues au cours des violences intervenues entre 1980 et 2000

Annexe no 12 :Nombre total de patients suivis pour troubles mentaux dans les régions prioritaires du plan intégré de réparations (2011-2015)

Annexe no 13 :Interventions de spécialistes des troubles mentaux dans les communautés touchées par les violences politiques entre 2011 et 2016

Annexe no 14 :Campagnes d’information, d’éducation et de prise en charge des troubles mentaux (2011-2015)

Annexe no 15 :Fonds transférés aux régions dans le cadre du plan intégré de réparations (2011-2016)