Nations Unies

CAT /C/BEL/3

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.: générale

19 novembre 2012

Original: français

Comité contre la torture

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Troisième rapport périodique des États parties attendu en 2012, soumis en réponse à la liste des points à traiter (CAT/C/BEL/Q/3) transmise à l’État partie conformément à la procédure facultative de soumission des rapports (A/62/44, par. 23 et 24)

Belgique*, **, ***

[25 juillet 2012]

I.Introduction

1.Le présent rapport est soumis en vertu de l’article 19§1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par la Belgique le 25 juin 1999 (loi du 9 juin 1999, entrée en vigueur le 7 novembre 1999). Ce rapport est établi selon la nouvelle procédure facultative de rapportage, adoptée par le Comité contre la torture à sa 38e session (mai 2007) et acceptée par la Belgique le 31 mars 2011.

2.Le rapport fait état des modifications de législations et de pratiques légales et administratives et des nouvelles politiques par rapport aux articles substantiels de la Convention, adoptées depuis que la Belgique a soumis son deuxième rapport (CAT/C/BEL/2), ses réponses écrites intermédiaires (CAT/C/BEL/Q/2/Add.1) et ses réponses de suivi à plusieurs observations finales (CAT/C/BEL/CO/2/Add.1), en référence à la liste des points à traiter (LOIPR) adoptée par le Comité contre la torture à sa 45e session (CAT/C/BEL/Q/3). Enfin, il importe aussi de se référer à la description générale du fonctionnement de la Belgique faite dans son Document de base commun (HRI/CORE/BEL/2011), qui a été soumis le 29 juillet 2011 et actualisé au mois de juillet 2012 (annexe 1).

3.Dans le cadre de la préparation du rapport belge, des contacts ont été pris avec la société civile. En avril 2012, un courrier a été envoyé à 24 organisations attirant leur attention sur la liste des questions du Comité posées à la Belgique (LOIPR) et sur leurs différentes possibilités de participer au processus de suivi de la Convention. Le 4 juillet 2012, une réunion a eu lieu entre des représentants des autorités belges (Affaires étrangères, Justice – y compris les établissements pénitentiaires, la Police et l’Office des étrangers) et six organisations de la société civile (Liga voor Mensenrechten, Amnesty International Vlaanderen ainsi qu’Amnesty International Belgique francophone, Plate-forme des mineurs en exil, CODE – Coordination des ONG pour les droits de l’enfant et D.E.I. – Défense des enfants International). Ont aussi participé à cette réunion le Médiateur fédéral francophone et la Commission nationale des droits de l’enfant (CNDE). Par ailleurs, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLCR) ont également été consultés dans le cadre de la préparation du présent troisième rapport de l’État belge.

II.Renseignements concernant spécifiquement la mise en œuvre des articles 1er à 16 de la Convention, y compris au regard des précédentes recommandations du Comité

Article 1er

Réponse au LOIPR, §1er – Applicabilité des articles 417bis et suivants du Code pénal aux agents publics

4.L’État belge n’a pas changé de position à ce sujet. En effet, il n’est pas nécessaire de modifier l’article 417bis du Code pénal car il recouvre tous les actes de torture, traitements inhumains et/ou dégradants, indépendamment de la qualité de leur auteur. Mais surtout, les articles 417ter et quater du Code pénal se réfèrent, explicitement, aux actes perpétrés par « un officier ou un fonctionnaire public, un dépositaire ou un agent de la force publique agissant à l’occasion de l’exercice de ses fonctions », s’agissant d’une circonstance aggravante des infractions de torture et de traitement inhumain. Ainsi, la peine pour torture est la réclusion de 10 à 15 ans mais elle est portée de 15 à 20 ans lorsque les faits sont commis par un agent public. La peine prévue pour traitement inhumain est la réclusion de 5 à 10 ans mais elle est portée similairement de 10 à 15 ans, lorsque les faits sont perpétrés par un agent public. Les articles 417bis (définitions), ter et quater (sanctions) étant indissociables, il apparaît inutile de procéder à la modification de l’article 417bis du Code pénal demandée par le Comité. Par ailleurs, il importe de rappeler que les articles 417ter et quater du Code pénal indiquent également que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité ne peut justifier les infractions de torture et de traitement inhumain (voir infra, question 7). Compte tenu de l’indissociabilité des articles 417bis et suivants du Code pénal, on ne peut, donc, raisonnablement argumenter que l’article 417bis du Code pénal ne serait pas applicable aux agents de la force publique.

Article 2

Réponse au LOIPR, 2 – Création d’une institution nationale des droits de l’homme

5.La Belgique n’a pas encore d’institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris. Cependant, plusieurs institutions spécifiques exercent déjà, en partie, ses fonctions. La question de la création d’une institution nationale des droits de l’homme se pose, en Belgique, depuis plusieurs années. Des discussions ont eu lieu à ce sujet, suite à l’Accord du Gouvernement de 2003 qui envisageait sa création. En 2006, un avis a été demandé au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur deux options concrètes : 1) l’extension du mandat du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, ou 2) la création d’une Commission belge des droits fondamentaux, proposée par un groupe d’organisations non gouvernementales (ONG). L’avis du HCDH a, concrètement, évalué ces deux options, sans en préconiser une en particulier. Ensuite, la création d’une institution nationale des droits de l’homme n’a plus été reprise dans les accords de Gouvernement successifs, jusqu’au récent nouvel accord du Gouvernement du 1er décembre 2011 qui prévoit que : « Dans le respect de nos engagements internationaux, une commission nationale des droits de l’homme doit être mise sur pied, en concertation avec les communautés et les régions. Il sera tenu compte des institutions existantes ». Cet engagement découle plus spécifiquement d’une recommandation du Comité des droits de l’homme de 2010, demandant à l’État belge de travailler à la création d’une institution nationale des droits de l’homme. Celle-ci a conduit la Belgique, dans le cadre de son premier Examen périodique universel (EPU) en mai 2011, à approuver expressément les recommandations à ce sujet.

6.Cependant, toute réflexion à ce sujet doit tenir compte de la structure institutionnelle du pays. Vu que l’État fédéral, les trois communautés et les trois régions ont chacun des compétences touchant aux droits de l’homme, la création d’une institution nationale des droits de l’homme doit passer nécessairement par une négociation avec toutes ces entités. Par ailleurs, il faut tenir compte des institutions existantes qui exercent déjà des missions de droits de l’homme et de la réflexion en cours sur la désignation de mécanismes nationaux de prévention pour la ratification de l’OP-CAT (voir infra, question 36), qui garde, en effet à l’esprit, une possible institution nationale des droits de l’homme à l’avenir en Belgique, conforme aux Principes de Paris.

Réponse au LOIPR, 3 – Droits des personnes dès la garde à vue

7.La loi du 13 août 2011 modifiant le Code d’instruction criminelle (CIC) et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive (LDP) afin de conférer à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, instaure le nouveau cadre de l’accès à un avocat en matière de détention judiciaire (M.B., 5 septembre 2011, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, annexe 2). Le Collège des procureurs généraux a émis la circulaire COL 8/2011 du 23 septembre 2011 sur l’organisation de l’assistance d’un avocat à partir de la première audition dans le cadre de la procédure pénale belge (annexe 3), complétée par la circulaire COL 12/2011 du 23 novembre 2011 concernant les mineurs (voir infra, question 18). Eu égard à l’importance des changements opérés par la loi du 13 août 2011, l’État belge souhaite développer ici en détail ses lignes directrices, vu leur inter-connexité, et s’y référer ensuite pour d’autres questions touchant cette matière. Enfin, pour la question 3 b), l’État belge renvoie le Comité à ses réponses aux questions 14 et 21.

Communications obligatoires et préalables à l’audition

8.Lors de l'audition de personnes, entendues en quelque qualité que ce soit, les informations suivantes doivent être communiquées : 1°) Au début de toute audition, la personne interrogée est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et il lui est indiqué : a) qu'elle peut demander que toutes les questions qui lui sont posées et les réponses données, soient actées dans les termes utilisés; b) qu'elle peut demander qu'il soit procédé à un acte d'information ou une audition déterminés; c) que ses déclarations peuvent êtres utilisées comme preuve en justice; et d) qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même. Tous ces éléments sont consignés, dans le procès-verbal d'audition, avec précision (article 47bis, §1er, du CIC). Ces informations s’ajoutent aux garanties existantes à l’article 47bis, §1er, 2° à 5° du CIC : droit d’utiliser les documents en sa possession, droit à la lecture du procès-verbal et de corriger ou compléter les déclarations faites, droit à un interprète ou encore droit de noter la déclaration dans la langue dans laquelle on veut s’exprimer.

9.Pour les auditions d’une personne concernant des infractions pouvant lui être imputées, la loi prévoit une obligation d’information élargie avec des informations supplémentaires à donner avant l’audition. La personne est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et on lui indique : 1°) qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même; 2°) qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire; 3°) qu'elle a le droit, avant la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat de son choix ou avec un avocat qui lui est désigné (article 47bis, §2 du CIC).

Principe de la déclaration de droits par écrit

10.La loi instaure le principe de la remise d’une déclaration écrite des droits aux personnes avant la première audition (art. 47bis, §4 du CIC). Un arrêté royal du 16 décembre 2011 (M.B., 23 décembre 2011) prévoit deux modèles de déclaration des droits, vu leur modulation en fonction de la situation de privation ou non de liberté de la personne interrogée. Ces modèles doivent être traduits dans les langues officielles de l’UE. Le SPF Justice a, néanmoins, décidé de traduire les déclarations de droits dans 52 langues. À ce jour, la traduction existe déjà dans 47 langues. Les modèles sont repris dans des fichiers automatiques des services de polices, du parquet et des juges d’instruction pour être facilement imprimés et mis à disposition des personnes interrogées (annexe 4).

L’accès à l’avocat des personnes non privées de liberté

11.Les personnes non privées de liberté et interrogées sur des infractions pouvant leur être imputées ont, avant la première audition, le droit de concertation confidentielle avec leur avocat ou un avocat qui leur est désigné. Pour raisons de faisabilité, praticabilité et d’effectivité, le législateur a mis en place un système garantissant ce droit, pour autant qu’il s’agisse de faits pouvant être imputés et visant une infraction dont la sanction peut mener à un mandat d'arrêt (peine de prison d’un an ou plus), à l’exception des délits visés à l’article 138, 6°, 6°bis et 6°ter du CIC (il s’agit principalement d’infractions de roulage – si les faits sont graves, dès que la personne est privée de liberté, elle peut se concerter préalablement avec un avocat à ce titre). Pour les autres infractions, les personnes sont en liberté et donc libres de consulter un avocat. Il n’y a pas de règles spécifiques pour elles.

12.Si la première audition a lieu sur convocation écrite qui mentionne ces droits – le droit de se taire, le droit de se concerter avec un avocat avant la première audition, la communication succincte des faits sur lesquels on sera entendu –, la personne est présumée avoir consulté un avocat avant l'audition. Si la première audition n’a pas lieu surconvocation ou si elle ne mentionne pas ces droits, l’audition peut être reportée une seule fois à la demande de la personne, pour lui donner la possibilité de consulter un avocat. Le législateur a laissé libres les modalités d’organisation (par téléphone ou sur place) de la concertation afin de permettre à la pratique de les définir de la façon la plus efficace possible. Si la personne n’a pas de ressources suffisantes, on applique les articles 508/13 à 508/18 du Code judiciaire (bénéfice de la gratuité complète ou partielle de l’aide juridique de deuxième ligne).

A ccès à l’avocat des personnes privées de leur liberté

13.La structure de la législation belge conduit à une répartition des articles sur les droits des personnes privées de leur liberté entre le Code d’instruction criminelle (CIC) et la loi concernant la détention préventive (LDP). Pour cette raison, une disposition générale a été inscrite dans l’article 47 bis, §3 du CIC, qui traite spécifiquement de la communication envers les personnes privées de liberté. Elles sont informées en vertu des § 1 et 2 du CIC (supra), mais leur privation de liberté leur confère des droits supplémentaires dont elles doivent être informées. Pour des raisons de transparence et de clarté, l’organisation concrète de l’accès à l’avocat a été insérée dans la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive (LDP).

14.Le droit de concertation confidentielle avec un avocat avant le premier interrogatoire par les services de police ou, à défaut, par le procureur du Roi ou le juge d’instruction (article 2 bis, §1 de la LDP). Ce droit est prévu pour quiconque privé de liberté en vertu des articles 1 ou 2 de la LDP, ou en exécution d'un mandat d'amener visé à son article 3. S’il n’a pas choisi d’avocat ou si l’avocat est empêché, un contact est pris avec la permanence organisée par l’Ordre des barreaux francophones et germanophones ou flamands, ou par le bâtonnier de l’Ordre ou son délégué. Dès que le contact est pris avec l’avocat choisi ou la permanence, la concertation confidentielle avec l’avocat doit avoir lieu dans les deux heures (durée maximale de 30 minutes). L'audition peut commencer ensuite. La concertation confidentielle peut se faire par téléphone ou sur place. Le législateur a prévu que si la concertation confidentielle n'a pas eu lieu dans les deux heures, une concertation confidentielle par téléphone a lieu avec la permanence. Après, l'audition peut débuter. Tous ces éléments sont consignés avec précision dans le procès-verbal (contact avec l’avocat choisi ou avec la permanence du barreau : moyen, date et heure ; durée de l’attente de l’avocat, durée et organisation de la concertation confidentielle, éventuel contact téléphonique après deux heures, contact téléphonique en cas de renonciation au droit à la concertation confidentielle, le cas échéant, la procédure de renonciation suivie, et les problèmes survenus dans l’application in concreto des dispositions).

15.Le droit d’être assisté de son avocat lors des auditions qui ont lieu dans le délai visé aux articles 1er, 1°, 2, 12 ou 15 bis de la LDP (article 2 bis, §2 de la LDP) et lors de l’interrogatoire par le juge d’instruction (article 16, §2, alinéa 2, de la LDP). Il s’agit des auditions de personnes arrêtées en cas de flagrant crime ou flagrant délit ou de personnes pour lesquelles il existe des indices sérieux de culpabilité relatifs à un crime ou un délit et mises à la disposition de la justice, ou en exécution d’un mandat d’amener visé à l’article 3. En inscrivant le principe d’être assisté par un avocat dans le chapitre 1 de la LDP relatif aux premières 24 heures après l’arrestation, le législateur a fait un choix délibéré puisque la personne est alors dans une position vulnérable. Après le délai de 24 heures (prolongé dans des cas exceptionnels à 48 heures, infra) et la première audition par le juge d’instruction, la personne peut communiquerlibrement avec son avocat (article 20, §1 de la LDP). La loi du 13 août 2011 n’a pas modifié ce principe. En effet, le législateur a tenu compte des droits et procédures existants du Code d’instruction criminelle qui garantissent des droits de défense étendus dans la procédure belge basée sur le principe du secret de l’instruction, et qui sont jugés suffisants à garantir un procès équitable.

16.But et objet de l’assistance de l’avocat (article 2 bis, §2, alinéa 3 de la LDP). Celle-ci a pour objet de permettre un contrôle : 1°) du respect du droit de la personne interrogée de ne pas s'accuser elle-même et de sa liberté de choisir de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire; 2°) du traitement réservé à la personne interrogée durant l'audition, en particulier l’exercice manifeste de pressions ou contraintes illicites; 3°) de la notification des droits de la défense (article 47bis du CIC) et de la régularité de l'audition. Sans délai, l'avocat peut faire noter dans le procès-verbal d'audition les violations de droits qu'il pense avoir observées.

17.La possibilité d’interrompre l’audition (article 2 bis, §2, alinéa 4 de la LDP) pendant 15 minutes au maximum pour permettre une concertation confidentielle supplémentaire, une seule fois à la demande de la personne interrogée ou de son avocat, ou en cas de révélation de nouvelles infractions sans rapport avec les faits qui ont été portés à la connaissance de la personne interrogée, conformément à l'article 47bis, §2, alinéa 1 du CIC.

18.L’ordonnance de prolongation du délai constitutionnel d’arrestation de 24 heures (article 15 bis de la LDP). La loi du 13 août 2011 introduit un nouveau chapitre II/1 dans la LDP qui permet de le prolonger moyennant une ordonnance. Le législateur a justifié ce choix par l’extrême brièveté du délai pour garantir un accès effectif et concret à l’avocat. L’ordonnance de prolongation est non susceptible de recours, non renouvelable et prise par le juge d’instruction sur réquisition du procureur du Roi ou intervenant d'office. La privation de liberté résultant de l’ordonnance ne peut excéder 24 heures. L’ordonnance est motivée par les éléments justifiant le nouveau délai : les indices sérieux de culpabilité relatifs à un crime ou un délit et les circonstances propres de la cause. La personne a droit à une nouvelle concertation confidentielle de 30 minutes avec son avocat comme garantie complémentaire. À défaut de signification régulière de l’ordonnance de prolongation dans le délai légal, la personne est libérée.

Renonciation au droit d’accès à l’avocat et garanties supplémentaires + dérogations possibles

19.Seules les personnes majeures, privées ou non de liberté, peuvent renoncer, volontairement et de manière réfléchie à leur droit de concertation confidentielle avec un avocat avant la première audition. La renonciation se fait par écrit dans un document daté et signé. Les personnes privées de liberté ont une garantie supplémentaire (article 2 bis, §1, alinéa 5 de la LDP) puisque la renonciation ne peut être faite qu’après un contact confidentiel par téléphone avec la permanence. Si la police constate que la personne à auditionner est « faible ou vulnérable », les règles de protection des mineurs s’appliquent (voir infra, question 18). Seule la personne majeure privée de liberté peut renoncer à l’assistance d’un avocat pendant l’audition ou l’interrogatoire du juge d’instruction (article 16, §2, alinéa 2, de la LDP). Enfin, selon l’article 2 bis, §5 de la LDP, à la lumière des circonstances particulières de la cause et en cas de raisons impérieuses, le procureur du Roi ou le juge d’instruction peut exceptionnellement par décision motivée déroger aux droits prévus aux §1 et 2 (droits de concertation préalable et d’assistance par un avocat).

Changement de statut de la personne interrogée

20.Si, au cours de l’audition d’une personne qui n’était pas considérée initialement comme suspecte, il s’avère de certains éléments que des faits peuvent lui être imputés, elle est informée des droits dont elle jouit en vertu du §2 et, le cas échéant du §3, et la déclaration écrite des droits lui est remise (article 47 bis, §5 du CIC). L’audition est suspendue pour que la personne ait le temps de pouvoir bénéficier de tous les droits accordés aux suspects.

Sanction

21.L’article 47 bis, §6 du CIC stipule qu’aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations faites en violation des §2, 3 et 5, à l’exclusion du §4 (voir déclaration écrite des droits), concernant la concertation confidentielle préalable ou l’assistance d’un avocat pendant l’audition.

Droits supplémentaires pour les personnes privées de leur liberté

22.Article 2 bis, §3 de la LDP. Il concerne le droit d’informer une personne de confiance de l’arrestation. En effet, quiconque est privé de liberté selon les articles 1, 2 ou 3 de la LDP a droit à ce qu’une personne de confiance soit informée de son arrestation, par la personne qui interroge ou une personne désignée par elle, selon le moyen de communication le plus approprié. On peut déroger à cette règle, au cas par cas, par décision motivée par le procureur du Roi ou le juge d’instruction chargé du dossier, s’il existe, en raison de la communication de cette information, de sérieuses raisons de craindre que l’on tente de faire disparaître des preuves, qu’il y ait collusion entre l’intéressé et des tiers ou bien que l’intéressé se soustraie à l’action de la justice. Il s’agit d’une décision temporaire, consistant à différer cette communication pour la durée nécessaire à la protection des intérêts de l’enquête.

23.Article 2 bis, §4 de la LDP. Cette disposition prévoit le droit à l’assistance médicale pour quiconque est privé de sa liberté en vertu des articles 1, 2 ou 3 de LDP. Sans préjudice de ce droit, l’intéressé a subsidiairement le droit de demander à être examiné par un médecin de son choix. Les frais relatifs à cet examen sont alors à sa charge. La police prend elle-même contact avec le médecin de garde ou le médecin du choix de l’intéressé.

Descente sur les lieux en vue de la reconstitution des faits

24.La nouvelle loi a complété l’article 62 du CIC en prévoyant que le juge d’instruction est accompagné par le suspect, la partie civile et leurs avocats lors des descentes sur les lieux pour reconstituer les faits.

Aide juridique

25.À plusieurs endroits, la loi du 13 août 2011 prévoit pour les personnes aux ressources insuffisantes la gratuité totale ou partielle de l’aide juridique de deuxième ligne, prévue aux articles 508/13 à 18 du Code judiciaire, pour les nouvelles règles d’accès à l’avocat (articles 47 bis, §2, alinéa 2 du CIC et 2 bis, §1, alinéa 2 de la LDP).

Autres spécificités, notamment information et permanence des avocats

26.Vu désormais la présence de l’avocat durant les auditions et les descentes sur les lieux pour reconstituer les faits, les articles 47 bis, §7 et 62, alinéa 3 du CIC rappellent qu’il est tenu par le secret de l’instruction/information.

27.Le SPF Justice a confié aux Ordres des barreaux la tâche d’organiser un service de permanence qui puisse répondre aux nouvelles exigences de la loi du 13 août 2011. L’attribution de cette tâche a été accompagnée d’un budget substantiel pour cette organisation. À ce sujet, les Ordres ont installé un site web et un centre d’appel pouvant garantir la désignation rapide d’un avocat.

28.Il importe aussi de noter que tous les services et autorités concernés ont instauré des points de contact où les acteurs de terrain peuvent poser des questions sur la mise en œuvre de la loi. Sur une base régulière, celles-ci sont rassemblées et un « Think thank Salduz », composé de manière multidisciplinaire et sous la direction du Procureur général d’Anvers, formule des réponses. Ces « FAQ’s »’ figurent sur les sites internet de tous les acteurs concernés.

É valuation de la nouvelle loi du 13 août 2011

29.La mise en œuvre de la nouvelle loi est accompagnée d’une évaluation scientifique permanente faite par le Service de politique criminelle du SPF Justice. Depuis l’entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2012, le Service a rendu trois rapports intermédiaires (annexe 5) et il établira un rapport final à la fin de janvier 2013. Il faut traiter avec prudence les résultats d’évaluation d’une période si brève. En outre, la nouvelle façon de travail imposée à de nombreux acteurs par la nouvelle loi va continuer à se développer progressivement sur le terrain et enfin, d’autres mesures s’imposent encore pour soutenir sa mise en œuvre. Notamment, une réflexion importante sur le système d’aide juridique gratuite est à l’ordre du jour.

Réponse au LOIPR, 4 – Violences à l’égard des femmes et des filles

30.L’État belge ne juge pas opportun d’adopter une loi criminalisant spécifiquement tous les actes de violence commis à l’égard des femmes et des filles, l’incrimination des différentes formes de violence possibles étant déjà régie par un arsenal de mesures législatives (pour un aperçu complet, voir annexe 6). Il s’avère qu’une incrimination spécifique pour les femmes serait d’office limitée, tandis que plusieurs incriminations, adaptées aux actes posés et assorties de circonstances aggravantes, semblent plus efficaces pour poursuivre de manière plus ciblée.

31.Comme exemple, on peut mentionner les infractions existantes suivantes : les mutilations génitales féminines (article 409 du Code pénal), les mariages forcés (article 391sexies du Code pénal et 146 ter du Code civil), le viol entre époux et partenaires (article 375 du Code pénal), ainsi que l’existence d’une circonstance aggravante pour violences entre époux et partenaires (article 410 du Code pénal). Il est aussi intéressant de noter que l’article 458 bis du Code pénal relatif au droit de parole des détenteurs d’un secret professionnel a été modifié par les lois du 30 novembre 2011 et du 23 février 2012. Ainsi, désormais, il est possible d’informer le procureur du Roi de faits de violences entre partenaires ou de mutilations génitales féminines, sans avoir peur de briser le secret professionnel, dans les cas où on ne peut soi-même ou avec l’aide de tiers protéger l’intégrité mentale ou physique de la victime.

32.Au niveau judiciaire, la Belgique n’a pas un enregistrement permettant de distinguer spécifiquement les faits de violences envers les femmes. En effet, le sexe de la victime n’est pas systématiquement encodé. Cependant, il existe des chiffres pour des phénomènes criminels spécifiques, comme la violence entre partenaires (tableaux sur le nombre d’affaires enregistrées entre 2007 et 2010, leur état d’avancement, les motifs de classement sans suite et le nombre d’affaires pour lesquelles un jugement a été rendu au 10 janvier 2011, annexe 7). On constate une augmentation des affaires, depuis plusieurs années, qui s’explique notamment par un meilleur enregistrement, la formation du personnel, les campagnes de sensibilisation et la priorité accordée au phénomène.

33.Les secteurs judiciaire et policier belges sont particulièrement attentifs à apporter une réponse mesurée face à tout acte de violence et, plus particulièrement, s’agissant de violence domestique ou intrafamiliale. À cette fin, les magistrats reçoivent des formations, organisées par l’Institut de formation judiciaire (IFJ), relatives à la violence envers les femmes et en particulier dans le couple. Les formations mettent l’accent sur les législations, directives et applications de la médiation pénale alternative. La police reçoit aussi des formations en cette matière. Plus particulièrement, dans le cadre de l’assistance aux victimes, des sessions sont données chaque année pour faire connaître aux participants les différentes formes de traitement des victimes par la police, leur apprendre à détecter les signes possibles de violence et comment agir adéquatement face à une demande d’intervention et de premier accueil (annexe 8). Il convient de noter que dans le Plan national de sécurité 2012-2015, la violence intrafamiliale et la violence sur les femmes sont prioritaires. Cela implique que les plans de sécurité des services de police doivent aborder spécifiquement ces problématiques. Il est aussi prévu que les directives de politique criminelle sur la violence entre partenaires (COL 3/2006 et COL 4/2006) continueront d’être appliquées et seront renforcées, tandis qu’augmenteront les efforts, surtout proactifs, sur le terrain. Enfin, il convient de signaler que le nouveau PAN 2010-2014 (voir infra, question 5) s’étend à d’autres formes de violences intrafamiliales telles que les mariages forcés, les violences liées à l’honneur et les mutilations génitales féminines.

34.La Belgique dispose d’un large réseau de structures offrant un accompagnement social et psychologique aux victimes, en mode ambulatoire et résidentiel. À Bruxelles par exemple, la Commission communautaire française (CCF) agrée et subventionne quatre services gratuits d’aide aux victimes dont deux spécialisés dans les violences conjugales et les agressions sexuelles. Elle agrée et subventionne également 27 centres de planning familial et 10 maisons d’accueil, dont l’une est spécialisée pour les victimes de violences conjugales. Il existe aussi une ligne d’écoute spéciale pour ces dernières. De nombreuses campagnes d’information et de sensibilisation sont menées régulièrement pour prévenir la violence et inciter les victimes à solliciter de l’aide. Dans ce cadre, la coopération avec les ONG est importante. Par exemple, la CCF soutient l’association « Réseau mariage et migration » pour ses actions de prévention et de lutte contre les mariages forcés et l’association « Groupement pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) » pour ses actions de sensibilisation et d’aide individuelle aux femmes victimes. Enfin, sous certaines conditions, les citoyens peuvent obtenir une aide juridique de première ligne et l’assistance d’un avocat et/ou d’une assistance judiciaire, gratuite ou partiellement gratuite. Une aide financière peut aussi être octroyée aux victimes d'actes intentionnels de violence, dont l’auteur des faits est inconnu ou insolvable.

Réponse au LOIPR, 5 – Plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et d’autres formes de violence intrafamiliales

35.Le 23 novembre 2010, la Belgique a adopté un nouveau plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et d’autres formes de violences intrafamiliales (PAN) 2010-2014 (annexe 9). Ainsi, son champ d’application est plus large que le précédent plan 2008-2009 qui ne concernait que la violence entre partenaires. À travers ce nouveau plan associant l’État fédéral, les communautés et les régions, la Belgique s’est engagée à mettre en œuvre plus de 120 nouvelles mesures (76 mesures sur la violence entre partenaires et 46 mesures pour les autres formes de violence intrafamiliale). Le champ d’action du PAN vise, notamment, les instances de l’asile et de l’immigration puisque certaines violences peuvent donner lieu à l’octroi de titres de séjour. Par ailleurs, son champ d’action ne se limite pas à la Belgique, puisqu’il vise une action internationale plaçant l’égalité hommes-femmes au rang de priorité transversale dans sa coopération au développement.

36.La sensibilisation, la formation, la prévention, la protection et la prise en charge des victimes et des auteurs ainsi que la mise en œuvre d’une politique criminelle efficace constituent les objectifs fondamentaux du PAN 2010-2014. À tous les niveaux (fédéral, communautés, régions, provinces et communes), de gros efforts sont déployés pour sensibiliser le grand public et certains groupes cibles (numéro d'appel, campagnes, développement d’outils,…), informer et accompagner les victimes (brochures, site Internet, personnes de référence,...) et responsabiliser les auteurs. Par exemple, une subvention de 11 000 euros a été donnée au « Service d’aide aux détenus de Liège I » afin d’organiser, à la prison de Lantin, des ateliers de groupe sur la responsabilisation des auteurs d’infractions intrafamiliales. Elle a été reconduite pour 10 000 euros à charge du budget 2011 de la communauté française. En outre, des programmes de prévention auprès des jeunes sont poursuivis, des formations pour la police, la justice, le monde médical et l’enseignement et les travailleurs sociaux sont intensifiées, la diffusion d’outils d’intervention et de détection de la violence est entreprise, etc. Enfin, d’importantes recherches scientifiques sont menées, telles une étude quantitative de prévalence des femmes excisées et des filles à risque d’excision en Belgique (annexe 10) et une étude qualitative sur le phénomène des violences liées à l’honneur (annexe 11).

37.Dans le cadre du PAN, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes assure un rôle d’accompagnement en organisant, tous les trois mois, une réunion interdépartementale rassemblant l’ensemble des administrations et représentants ministériels concernés par le PAN. En tant que coordinateur, l’Institut fait circuler l’information entre les niveaux fédéral, communautaire, régional et local, et joue un rôle de moteur par la prise en charge de l’agenda, des délais et de la gestion interne du PAN. De plus, il collecte, analyse et diffuse les avis et évaluations et les rapports relatifs aux mesures entreprises ainsi qu’aux bonnes pratiques développées aux niveaux européen et international. Il convient aussi de noter qu’un groupe d’experts – rassemblant le secteur associatif, les gens sur le terrain et le monde académique – accompagne le PAN. Il a pour objectif de se prononcer sur l'état d'avancement des mesures prévues, les progrès réalisés et les éventuels développements à entreprendre. À cet égard, une large consultation s’est tenue en mars 2012, afin de rassembler les points d’attention présentant encore des difficultés.

38.L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes mène également des actions dans le cadre du PAN, de sa propre initiative ou en collaboration avec d’autres partenaires. Ainsi, l’Institut a commandité une étude nationale (2010) sur les expériences des femmes et hommes en matière de violences physique, sexuelle et psychique liées au genre (annexe 12). Selon ses résultats, 12,5% des répondants déclarent avoir été confrontés à au moins un acte de violence commis par leur partenaire ou ex-partenaire au cours des 12 derniers mois (14,9% des femmes et 10,5% des hommes). Un dépliant a été élaboré et traduit en 17 langues pour informer, en particulier les victimes allochtones, de ce phénomène et des possibilités de soutien et de recours (annexe 13). Diffusé à plus de 70 000 exemplaires, il permet aux victimes d’être orientées vers des services pouvant leur fournir une écoute dans leur propre langue et leur transmettre aide et conseil. Une pièce de théâtre a également été montée pour aborder la violence entre partenaires. L’Institut a aussi collaboré à un manuel offrant des instruments de détection et une approche intégrale de la violence à tous les professionnels. De nombreuses campagnes de sensibilisation ont été menées chaque année, notamment, pour la journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes. Enfin, un site web national sur la violence entre partenaires devrait être opérationnel au cours de l’année 2012.

39.Enfin, dans le cadre de leur contribution au PAN 2010-2014, les Gouvernements francophones (communauté française, région wallonne et commission communautaire française pour Bruxelles) ont adopté un plan d’action commun à la lutte contre les violences entre partenaires, élargi à d’autres violences concernant le genre. Composé de 110 actions, il s’échelonne sur la même période que le PAN et a la même structure, s’agissant des violences visées et des objectifs globaux, stratégiques et opérationnels. Un suivi a été fait en date du 31 décembre 2011 (annexe 14).

Réponse au LOIPR, 6 – Lutte contre la traite des êtres humains

40.La lutte contre le trafic et la traite des êtres humains (TEH) est une priorité pour l’État belge. En 2008, un plan d’action national a été adopté en la matière, contenant des propositions sur d’éventuelles évolutions législatives et réglementaires et différentes mesures touchant la sensibilisation, la prévention, la répression des trafiquants et la protection adéquate des victimes, avec des mesures spécifiques pour les mineurs (annexe 15). Le Plan couvre aussi les questions de coordination, de collecte d’informations et d’évaluation de la politique en la matière. Il a une durée de quatre ans et arrive donc à échéance. Un nouveau plan d’action a été préparé par le Bureau de la Cellule interdépartementale de coordination de lutte contre la TEH. Il s’est basé, entre autres, sur l’établissement d’un tableau de bord reprenant l’état d’exécution du précédent plan d’action sur les questions d’actualités et les avis des services compétents en la matière. En outre, dans le nouveau Plan national de sécurité 2012-2015, la traite et le trafic des êtres humains figurent, à nouveau, parmi les dix phénomènes criminels à combattre en priorité. Il importe également de signaler la directive COL 01/2007 du Ministre de la Justice visant à combattre toutes les formes de traite des êtres humains (annexe 16). Elle crée dans chaque arrondissement judiciaire des magistrats spécialisés (tant au niveau du parquet que de l’auditorat du travail). Des réunions locales de coordination entre les acteurs de terrain sont prévues régulièrement, par le texte. Par ailleurs, la COL 01/2007 contient une liste de 70 indicateurs de faits de TEH afin d’identifier plus aisément ces situations. Il existe aussi une circulaire commune aux Ministres de la Justice et de l’Intérieur, au Secrétaire d’État à la politique de migration et d’asile et au Collège des procureurs généraux relative au trafic des êtres humains (COL 4/2011), ainsi qu’une circulaire du Collège des procureurs généraux consacrée à l’aide à l’immigration clandestine (COL 10/2010).

41.La Belgique a conclu des accords de coopération policière visant la TEH avec les États d’origine et/ou ceux des auteurs de la traite (notamment Moldavie, Bulgarie, Roumanie et Maroc). Des officiers de liaison – belges à l’étranger (notamment en Italie, Thaïlande et Albanie) et étrangers en Belgique –, collaborent en concertation avec les juges enquêtant sur la TEH à l’arrestation simultanée de groupes d’auteurs. Des campagnes d’information et de sensibilisation sont aussi menées dans les pays d’origine des victimes par la coopération au développement belge. Il s’agit, surtout, d’informer les femmes et les enfants des risques encourus et des pratiques des trafiquants, telles que le recours aux faux documents. Notamment, un prospectus a été élaboré en 2009 pour informer les demandeurs de visas de travail des réseaux d’exploitation et des coordonnées des services pouvant venir en aide aux victimes. Il est disponible dans les six postes diplomatiques des pays les plus concernés par la TEH. Une brochure est en voie de finalisation pour sensibiliser les médecins et les assistants sociaux des hôpitaux aux symptômes que peuvent présenter les victimes de la TEH et réagir adéquatement. La police fédérale contribue aussi, souvent, aux projets d’autres acteurs belges avec les pays d’origine des victimes. Il importe de souligner que les magistrats ont reçu une formation spécifique en 2011 sur la TEH et que la police organise souvent des sessions d’information et publie des outils pour faciliter les tâches d’enquête et d’identification des victimes. Enfin, les actes de torture ou les faits s’inscrivant dans le cadre de la TEH peuvent être des crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre (articles 136 bis et suivants du Code pénal). Les autorités belges coopèrent pleinement avec leurs homologues étrangers pour leurs poursuites, en application de la Convention contre la torture ou d’accords généraux sur l’entraide pénale internationale, et avec les juridictions pénales internationales, selon la loi du 29 mars 2004 concernant la coopération avec la Cour pénale internationale et les tribunaux pénaux internationaux.

42.En 2010, selon les données du Collège des procureurs généraux, 662 affaires pénales liées à la TEH ont été renvoyées au Parquet. Cependant, il s’agit d’une qualification initiale et l’enquête peut finalement constater que les faits ne sont pas constitutifs de TEH. Pour la même année, selon les données du casier judiciaire central, il existe 64 condamnations pour des infractions de TEH et les peines prononcées sont principalement les suivantes : 60 peines de prison (9 de moins d’un an, 30 de un an à moins de trois ans, 18 de trois ans à moins de cinq ans et 3 de cinq ans et plus de prison) et 61 peines d’amendes. La confiscation a été prononcée dans 37% des affaires. Ces données ne sont pas exhaustives car l’encodage de l’information pour 2010 n’est pas encore terminé. Il y a un risque de sous-estimation des condamnations pour TEH évalué à 15%. Pour les années antérieures, on peut se référer aux données figurant dans le rapport annuel 2010 sur la TEH du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (annexe 17, p. 62 à 72). Cependant, ces données ont été encodées selon la réglementation antérieure (article 380 du Code pénal et article 77 bis de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers qui concernait la traite et le trafic des êtres humains). Une comparaison, dès lors, entre celles-ci et les nouveaux chiffres est malaisée.

43.Un des principaux buts du système belge est d’offrir aux victimes de la TEH une série de mesures d’aide et d’assistance. Les services de police et d’inspection informent les victimes du statut de protection et les orientent vers les trois centres d’accueil spécialisés dans l’hébergement et l’assistance aux victimes de la TEH. Ces centres sont subventionnés par les pouvoirs publics et leur personnel reçoit souvent des formations en la matière. Ils disposent d’une maison d’accueil à une adresse discrète et travaillent avec des équipes pluridisciplinaires (travailleurs sociaux, éducateurs, criminologues, etc.) qui dressent avec la victime un plan d’assistance médico-psychosociale, administrative et juridique. Le schéma intégral de protection est organisé par la circulaire du 26 septembre 2008 sur l’introduction d’une coopération multidisciplinaire pour les victimes de la traite des êtres humains et/ou de certaines formes aggravées de trafic (annexe 18). Elle définit les procédures pour identifier (selon les indicateurs de la COL 01/2007), déférer les cas, accueillir et aider les victimes potentielles. Elle rappelle aussi les conditions nécessaires pour bénéficier du statut de victime : 1) cesser toute relation avec les présumés auteurs, 2) accepter l’assistance d’un centre spécialisé, et 3) coopérer avec les autorités judiciaires.

44.Il n’est pas envisagé de modifier la loi du 15 septembre 2006 car elle protège déjà largement les victimes, même potentielles (article. 61/2 à 61/5 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers). Aucune coopération n'est demandée au départ et la personne ne doit pas « se sentir » victime pour être identifiée, protégée et recevoir l’aide susmentionnée. Après une période de réflexion de 45 jours, elle peut demander à bénéficier du statut de victime. Ensuite, elle portera plainte ou fera des déclarations suffisantes permettant aux autorités judiciaires de commencer leur enquête. Il s’agit de protéger la victime et toute future victime des réseaux de trafiquants et de lutter contre eux, en les poursuivant et en les condamnant, selon les éléments recueillis, pour finalement dissuader les réseaux de trafiquants. En cas de coopération de la victime, celle-ci est protégée et ne doit pas comparaître en tant que témoin. Les enquêtes judiciaires s’avèrent beaucoup plus difficiles à réaliser sans la coopération des victimes, ce qui peut en fin de compte encourager les filières et augmenter la difficulté de protéger les victimes actuelles et futures. Il importe aussi de rappeler que la directive européenne (note de bas de page 7) définit les conditions d’octroi de titres de séjour de durée limitée, en fonction de la longueur de la procédure nationale applicable, aux étrangers qui coopèrent à la lutte contre la TEH ou à l’aide à l’immigration clandestine. Le titre de séjour constitue une incitation suffisante pour qu’ils coopèrent avec les autorités, tout en étant soumis à certaines conditions pour éviter les abus (considérant 9 de la directive). Ainsi, il n’y a aucune obligation de délivrer un titre de séjour sans coopération. En outre, le rapport du Conseil de l’Union européenne concernant l’application de la directive atteste, en son point 4.5, que non seulement tous les États membres exigent une coopération pour délivrer un titre de séjour mais aussi que d’autres États, parmi lesquels la Belgique, en délivrent sans exiger de coopération, pour les personnes vulnérables (annexe 19). En effet, ces personnes peuvent introduire en Belgique une demande d’autorisation de séjour pour motifs humanitaires (article 9 bis de la loi du 15 décembre 1980), ou encore leur vulnérabilité peut être prise en compte, le cas échéant, lors de l’examen d’une demande d’asile (article 49/3 de cette loi).

45.La circulaire du 26 septembre 2008 spécifie aussi le rôle de chaque acteur au cours des différentes phases de la procédure : services de police et d’inspection, Office des étrangers, centres d’accueil spécialisés et magistrats. Elle édicte des directives spécifiques pour les mineurs étrangers non accompagnés, potentiellement victimes de traite (désignation d’un tuteur, assistance au mineur et coopération des instances compétentes, voi infra, question16). La circulaire apporte aussi des solutions à des situations précédemment problématiques. Par exemple, elle organise une procédure simple qui permet d’appliquer le statut de protection aux victimes de la TEH, dans les cas où l’exploitation a eu lieu dans le cadre d’un travail domestique pour un diplomate. En 2011, la circulaire a été évaluée par le Bureau de la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la TEH. Chaque recommandation a été passée en revue pour confier sa mise en œuvre aux services compétents. Les résultats de l’évaluation ont été pris en compte dans l’élaboration du nouveau plan d’action précité. Une évaluation propre aux mineurs se poursuit actuellement puisqu’il est ugé nécessaire de suivre une méthodologie particulière pour eux.

46.La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains a été ratifiée le 27 avril 2009, suite à la loi du 3 juin 2007 y portant assentiment. Néanmoins, ses obligations ont été prises en compte dès la rédaction de la loi du 10 août 2005 sur la TEH (par exemple au niveau de la circonstance aggravante liée à la qualité d’agent public). À ce jour, le Gouvernement belge prépare la transposition de la directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 sur la prévention de la TEH, la lutte contre ce phénomène et la protection des victimes. À cet égard, une étude est menée pour modifier éventuellement l’incrimination afin, notamment, de couvrir les pratiques d’esclavage sexuel couvertes par la directive (hors du cadre de l’exploitation de la prostitution d’autrui).

47.La Belgique a signé le Protocole 12 à la Convention européenne des droits de l’homme le 4 novembre 2000. La loi du 7 février 2012 l’a approuvé au niveau fédéral et les entités fédérées ont adopté des décrets y portant assentiment, à l’exception du Parlement flamand. Lors de la signature le 31 juillet 2001 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Belgique a formulé la réserve suivante sur le concept de « minorité nationale » : « Le Royaume de Belgique déclare que la Convention-cadre s'applique sans préjudice des dispositions, garanties ou principes constitutionnels et sans préjudice des normes législatives qui régissent actuellement l'emploi des langues. Le Royaume de Belgique déclare que la notion de minorité nationale sera définie par la conférence interministérielle de politique étrangère ». Un groupe de travail a été établi. Il s’est déjà réuni, plusieurs fois, mais jusqu’à présent, il n’y a pas encore d’accord, en Belgique, sur une telle définition.

Réponse au LOIPR, 7 – Application de l’article 417 ter du Code pénal

48.L’État belge renvoie ici essentiellement le Comité à son deuxième rapport (par. 482 à 490). Il convient d’ajouter que le point 46 du Code de déontologie des services de police (annexe 20) prévoit que les membres du cadre opérationnel s'assurent que les ordres qu'ils donnent et les actes qu'ils posent sont bien fondés sur une base légale ou réglementaire et que les modalités de leur intervention sont proportionnelles au but poursuivi. Ils n'ordonnent, ni ne commettent d'actes arbitraires pouvant porter atteinte aux droits et libertés. Dans la pratique, néanmoins, si des ordres illégaux sont donnés, en particulier ceux de perpétrer des infractions de torture et/ou de traitement inhumain, le subordonné doit refuser l’ordre sur la base de son statut, du Code de déontologie et du cadre légal interne et international applicable aux services de police. Il porte cette décision à la connaissance de ses supérieurs. S’il fait l’objet de poursuites ultérieures, il pourra invoquer, à juste droit, l’exception (articles 417 ter et quater du Code pénal). Lors des formations, les policiers sont informés de l’obligation d’agir en respectant toujours la loi, notamment le droit pénal et humanitaire et le Code de déontologie (voirinfra, question 13).

49.Les principes sont identiques pour les militaires. Des directives internes au Ministère de la Défense stipulent que le subordonné doit, en cas d’ordre manifestement illégal, s’abstenir de l’exécuter. D’ailleurs, en vertu de l’article 70 du Code pénal, un ordre ne constitue un motif légitime d’emploi de la force que s’il est conforme à la loi, donné avant l'exécution de l'acte et par un supérieur compétent et légitime et exécuté de façon non fautive. Dans les formations données aux militaires (voir infra, question 13), le problème de l’ordre manifestement illégal est aussi abordé. En outre, en plus de son devoir de s’abstenir d’exécuter l’acte, tout militaire ayant connaissance d’un crime ou délit doit en informer immédiatement le Parquet fédéral (article 29 du CIC). Le supérieur devrait aussi informer le Parquet fédéral puisqu’il estimera, quant à lui, qu’il s’agit d’une insubordination (infraction pénale pour les militaires).

50.Enfin, il est aussi intéressant de mentionner que l’article 136  octies, §2 du Code pénal, prévoit que le fait que l’accusé ait agi sur ordre de son Gouvernement ou d’un supérieur ne l’exempte pas de sa responsabilité si, dans les circonstances données, l’ordre pouvait clairement entraîner la commission d’un crime de génocide, d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de guerre. Or, des actes de torture peuvent, au regard tant du droit international que du droit pénal belge, être constitutifs de tels crimes (articles 136 bis, ter et quater du Code pénal).

Article 3

Réponse au LOIPR, 8 – Opérations d’éloignement du territoire

51.Au sujet du contrôle externe des opérations d’éloignement (point a), l’article 8, §6 de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008 sur les normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier oblige les États à mettre en œuvre un système efficace de retour forcé. Dans le cadre de sa transposition (loi du 19 janvier 2012, M.B., 17 février 2012, annexe 21), l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG) a été confirmée dans son rôle d’organe de contrôle des retours forcés, compte tenu de son caractère indépendant par rapport aux autorités décidant des éloignements (Office des étrangers) et aux services de police chargés de leur exécution (LPA-BRUNAT). En effet, l’AIG est indépendante tant vis-à-vis des services de police, dont elle est légalement et structurellement séparée, que vis-à-vis de l’Office des étrangers. Pour rappel, l’AIG est placée sous l’autorité des Ministres de l’Intérieur et de la Justice. Une cellule de quatre personnes a été créée en son sein pour traiter exclusivement du contrôle des retours forcés, dont deux membres à temps plein, comme prévu par le protocole signé avec la Commission européenne. Le nombre de contrôles, jusqu’à l’embarquement dans l’avion ou jusqu’au pays de renvoi et dans celui-ci, a fortement augmenté, suite au financement via le Fonds européen pour le retour (en 2011, 54 contrôles ont été effectués et 45 ont déjà été réalisés pour le premier trimestre 2012). Ces subsides européens seront probablement prolongés en 2013. Compte tenu de la désignation de l’AIG, il a été décidé de ne pas mettre en place de nouvelle Commission (Parmentier) pour éviter que plusieurs instances n’exercent les mêmes compétences. Le financement d’autres instances serait aussi un éparpillement des budgets disponibles. Il importe de noter que la compétence organique de l’AIG sera sans doute bientôt élargie pour pouvoir contrôler l’ensemble du processus des retours forcés, à l’égard de tous les acteurs impliqués et non seulement vis-à-vis des policiers. En cas d’incident, les membres de l’AIG, en tant que fonctionnaires de police, peuvent directement intervenir pour faire cesser une infraction et rédiger, si nécessaire, un procès-verbal, ce que ne pourrait pas faire le membre d’une ONG. De plus, aucune restriction ne peut leur être imposée dans le cadre de leur mission (droit d’inspection général et permanent). Notamment, l’accès aux zones sensibles de l’aéroport, y compris à l’aéroport militaire, ne pose aucun problème de contrôle pour les membres de l’AIG. Enfin, ils sont aussi soumis au secret professionnel, ce qui garantit la discrétion de ce type d’opérations, surtout avant leur exécution.

52.Compte tenu du contrôle renforcé par l’AIG sur les retours forcés et des éléments susmentionnés, la présence d’ONG ne paraît pas nécessaire. Concernant l’utilisation de vidéos, l’État belge continue de souscrire aux constats du rapport final du 31 janvier 2005 de la Commission Vermeersch II, pour qui une telle utilisation n’est pas opportune pour plusieurs motifs, notamment pour des raisons techniques et logistiques (recommandation 7.3). L’AIG partage aussi cet avis, considérant notamment que l’utilisation de caméras serait onéreuse sur les plans du personnel et du matériel, poserait des problèmes de respect de la vie privée pour d’autres personnes présentes, n’aurait qu’un aspect parcellaire des prises de vue et serait difficile à mettre en œuvre.

53.Pour les points b) et c), vu l’absence d’incident majeur depuis 2008 lors des opérations d’éloignement, il peut en être déduit que les formations ont été efficaces. Le personnel LPA-BRUNAT, comme tout policier, reçoit une formation de base, continue et fonctionnelle, dans laquelle l’accent est mis sur le respect des droits de l’homme (voir infra, question 13). Eu égard à sa mission, il est encore plus sensibilisé au respect des droits de l’homme et à la vulnérabilité de l’étranger à éloigner. À cet égard, une formation spécifique et obligatoire est dispensée au personnel LPA-BRUNAT, qui dure six mois et comporte un large volet pratique (modules relatifs aux techniques de maîtrise de la violence, réactions envers une personne récalcitrante, etc.) ainsi que des aspects plus théoriques (contrôles d'entrée, faux documents, etc.). Tout futur escorteur effectue également un stage de mise en situation. La possibilité de prolonger cette formation et d'en faire une formation continue officielle est à l'étude. À ce jour, on peut affirmer que le personnel chargé des retours a développé une véritable expertise qui lui permet d’exercer sa mission en conformité avec le Code de déontologie de la police et les instructions internes. Il est aussi intéressant de souligner que la création du service SEFOR de l’Office des étrangers (sensibilisation, suivi et retour) a permis une augmentation des retours volontaires, car il informe les personnes ayant reçu une décision d’éloignement de leurs droits, de leurs obligations et de la possibilité de quitter volontairement le territoire. À défaut, les personnes sont éloignées sous contrainte. Une procédure de pré-identification existe, selon laquelle les services compétents essaient d’obtenir un accord pour les documents de voyage avant de placer en détention les personnes à éloigner, ce qui réduit fortement le délai de maintien en centre fermé. Enfin, l’Office des étrangers organise souvent des formations pour son personnel sur les changements législatifs et réglementaires et dispense aussi des formations aux policiers qui appréhendent les personnes en séjour irrégulier, afin que les procédures soient respectées et que les informations nécessaires soient communiquées à tous les services et personnes concernés. Enfin, le service SEFOR donne des formations aux administrations communales pour qu’elles communiquent aux intéressés les informations pertinentes sur le retour, au moment de la notification des décisions d’éloignement.

54.Concernant le point d), durant la période allant de 2006 jusqu’à présent, l’AIG n’a reçu que six plaintes de personnes alléguant avoir été victimes d’une utilisation abusive de la violence au cours d’un rapatriement. Les dossiers ont été transmis aux autorités judiciaires après rédaction des procès-verbaux nécessaires. L’AIG n’a été ni chargée, ni informée de la suite de ces enquêtes. De 2007 jusqu’à présent, l’AIG a rédigé, de son initiative, un procès-verbal mettant en cause un policier pour un éloignement. En application de l’article 14 bis de la loi du 18 juillet 1991 du contrôle des services de police et de renseignements et de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace, le Comité P enquête sur les activités et méthodes de l’AIG. Le Comité P effectue donc un contrôle marginal sur la manière dont l’AIG assure sa mission de contrôle des éloignements. De plus, le Comité P peut être saisi par des particuliers de plaintes à ce sujet : six plaintes en 2010 et quatre plaintes en 2011. Les autorités judiciaires peuvent aussi confier au service d’enquêtes P des enquêtes en matière d’éloignement (2010-2011 : un seul cas en 2011). Les chiffres des condamnations pour violences policières (voir infra, question 23) ne nous permettent pas de connaître le contexte précis des infractions, notamment si elles ont été commises ou non lors d’un éloignement.

Réponse au LOIPR, 9 – Cas d’expulsion, de renvoi et d’extradition, réexamen des décisions et suivi des intéressés après leur éloignement du territoire (y compris garanties diplomatiques)

55.Le Ministre ou son délégué décide d’éloigner un étranger par arrêté ministériel de renvoi ou par arrêté royal d’expulsion (articles 20 à 26 et article 43,2° de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers), uniquement après examen des éléments invoqués par celui-ci et des conséquences prévisibles de son éloignement dans le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans celui-ci et des circonstances propres au cas de l'intéressé. Il est toujours vérifié qu’il n'encourt pas de risques d'être transféré dans un pays où sa vie pourrait être menacée, au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Le Ministre ou son délégué tient compte des avis des autorités compétentes, comme le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides si l'étranger a introduit une demande d’asile, et les autorités judiciaires, quand il prend une mesure d'éloignement ou encore décide de l’exécuter. L'État belge applique le principe de non refoulement (article 33 de la Convention de Genève), la CEDH (articles 3 et 8), le point 2 du préambule du Règlement « Dublin » et les articles 18 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (article 78, §1).

56.Il est toujours tenu compte du droit au respect de la vie privée et familiale de l’étranger dans l’examen de chaque dossier. Il importe de l’équilibrer avec la protection de l’ordre public et de la sécurité nationale, en respectant le principe de proportionnalité. En effet, la mesure d’éloignement doit respecter un juste équilibre entre les intérêts de l’étranger et la protection de l’ordre public et la prévention des infractions. Conformément à la jurisprudence de la CEDH, la mise en équilibre doit prendre en compte les éléments suivants : 1) concernant la protection de la vie privée et familiale : le niveau d’intégration sociale et la présence de famille en Belgique ainsi que l’intensité des liens familiaux, la naissance de l’étranger en Belgique ou l’âge d’arrivée, les possibilités de s’intégrer dans le pays d’origine (connaissance de la langue, présence de famille, fréquence des retours, etc.) et les liens avec ce pays ou un autre ; 2) concernant la protection de l’ordre public et la sécurité nationale : la gravité de l’infraction, la nature des faits reprochés et les raisons de la condamnation, la nature et l’importance de la peine prononcée, la récidive et le risque de récidive, la durée de la mesure d’éloignement (en Belgique, 10 ans), ainsi que le séjour illégal. En effet, lorsqu’une personne en séjour illégal commet un délit ou un crime, il est primordial de mesurer l’importance de sa vie familiale et de ses attaches en Belgique par rapport à la gravité des faits commis. Cette mesure varie selon chaque cas et nécessite donc un examen individualisé de chaque dossier.

57.Les arrêtés de renvoi et d’expulsion peuvent faire l’objet d’un recours en suspension et en annulation auprès du Conseil du contentieux des étrangers (CCE). Le Ministre ou son délégué statue sur les demandes de rapport et de levée de ces mesures. Lorsque les personnes sont éloignées, elles sont inscrites dans la base de données SIS. En cas de retour et d’interception sur le territoire, la police prendra contact avec le bureau C-SIS pour uneremise aux écrous (si possible) pour subir le reste des peines.

58.Depuis 2008, il y a eu six cas d’expulsion (un en 2008 et cinq en 2010) et trois dossiers sensibles qui ont mené à un arrêté de renvoi, dont deux personnes condamnées pour terrorisme, qui ont invoqué l’article 3 de la CEDH pour ne pas être éloignées. Pour chacun de ces cas, la situation de séjour a été analysée. En effet, tous les jugements doivent être définitifs et toutes les procédures clôturées (par exemple, l’asile ou demande d’autorisation de séjour pour motifs humanitaires). Comme mentionné, le droit au respect de la vie privée et familiale est dûment pris en compte. En outre, on procède à des vérifications d’usage telles que la consultation du système Schengen, la demande d’une liste des visites en prison, ou encore la prise de contact avec la sûreté de l’État. À ce jour, les trois personnes ayant fait l’objet d’un arrêté de renvoi n’ont pas encore été éloignées. Dans deux dossiers, le Conseil d’État a cassé l’arrêt du CCE qui annulait l’arrêté de renvoi et le recours en annulation est donc à nouveau en suspens. Pour le troisième dossier, il y a un recours en annulation en suspens auprès du CCE. Il importe de rappeler que le CCE examine les possibles violations de la CEDH, en particulier de son article 3 (torture et/ou traitements inhumains ou dégradants).

59.En ce qui concerne les arrêtés d’extradition, ils sont pris par le Gouvernement, en principe, après l’avis de la Chambre des mises en accusation (articles 1 et 3 de la loi du 15 mars 1874). Il convient de vérifier que toutes les conditions d’extradition sont remplies (de forme et de fond et les causes de refus) ainsi que de répondre aux objections possibles soulevées par l’intéressé dont l’extradition est demandée. Certaines conditions ou causes de refus sont obligatoires (par exemple, le respect des droits fondamentaux ou le caractère politique mais non terroriste de l’infraction, voir infra, question 35). Les questions relevant du respect des droits fondamentaux sont soulevées, de plus en plus souvent et concernent : le risque de peine de mort ; le risque d’emprisonnement à perpétuité sans libération possible ; le risque de torture ou traitement inhumain ou dégradant ; le risque de déni de justice ou de violation des droits de la défense ; et le risque de discrimination. Si un de ces risques est avéré, l’extradition est interdite, en vertu des dispositions en matière d’extradition ou de la jurisprudence de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme). La difficulté consiste à apprécier la réalité du risque invoqué au regard de ses balises. D’après les chiffres du SPF Justice, 75 personnes ont été extradées de la Belgique vers l’étranger du début janvier 2008 au 12 juillet 2012 (des garanties diplomatiques ont été demandées dans trois cas), tandis que 76 personnes ont été extradées de l’étranger vers la Belgique.

60.Pour le risque de peine de mort, l’article 2 bis, alinéa 3 de la loi du 15 mars 1874 (tel que modifié par la loi du 15 mai 2007) prévoit que « Lorsque l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est punissable de la peine de mort dans l’État requérant, le Gouvernement n’accorde l’extradition que si l’État requérant donne des assurances formelles que la peine de mort ne sera pas exécutée ». Si cette garantie est obtenue et jugée suffisante, l’extradition est possible. Ce type de garantie a déjà été demandé. De même, il est courant de demander des garanties qu’une personne soit rejugée de manière contradictoire, en cas de condamnation par défaut dans l’État requérant. Des garanties sont aussi parfois exigées concernant la possibilité d’une libération anticipée, en cas de condamnation à perpétuité, ou le type d’établissement dans lequel l’intéressé sera détenu après son extradition.

61.La question de savoir si des garanties diplomatiques permettent d’éviter d’autres risques, notamment le risque de torture lorsqu’il est avéré, est une question très sensible. La CEDH a récemment précisé sa jurisprudence en la matière. Elle juge que les États doivent solliciter, à tout le moins, des assurances diplomatiques lorsqu’il existe le risque qu’une personne soit soumise à des mauvais traitements (affaire M.S. c. Belgique, 31 janvier 2012, §131). Par ailleurs, la Cour estime que rien n’interdit de solliciter ces garanties, même dans les cas où la torture est pratiquée systématiquement dans le pays de destination (affaire Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, 17 janvier 2012, §193), et que ce n’est que dans des cas rares que toute forme d’assurance diplomatique doit être exclue, compte tenu de la situation générale des droits de l’homme dans un pays (§188). Enfin, la Cour a énoncé une liste non exhaustive de critères qui peuvent être pris en considération pour évaluer la fiabilité des assurances diplomatiques exigées (§189), notamment si elles sont spécifiques ou générales et vagues, si les relations entre les pays jouissent d’une certaine durée et intensité et si le pays de destination respecte ce type d’assurances, et si son respect peut être objectivement vérifié par la voie diplomatique ou par d’autres mécanismes de surveillance.

62.Enfin, les arrêtés d’extradition peuvent être attaqués auprès du Conseil d’État. En cas de suspension et/ou annulation, un nouvel arrêté peut être pris, tenant compte de l’arrêt rendu. De plus, la CEDH s’est déjà déclarée compétente pour connaître des recours pour suspendre la remise d’une personne dont l’extradition est demandée et qui allègue un risque de violation de ses droits fondamentaux. La chambre du conseil et le juge des référés se sont déjà déclarés compétents pour connaître d’une demande de mise en liberté d’une personne, notamment si sa détention, au seul titre extraditionnel, dépasse une durée jugée raisonnable. Enfin, selon la Cour de cassation, les juridictions d’instruction sont compétentes pour examiner une demande de mise en liberté, et ce à n’importe quel stade de la procédure d’extradition.

Réponse au LOIPR, 10 – Chiffres en matière d’asile et d’expulsions

63.Depuis le précédent rapport, l’État belge dispose de statistiques plus détaillées. Pour cette raison, il souhaite renvoyer le Comité à plusieurs annexes. Le nombre des demandes d’asile enregistrées depuis 2008 a augmenté de manière significative : ainsi, on comptait 12 252 dossiers en 2008, 17 186 dossiers en 2009, 19 941 dossiers en 2010, 25 479 dossiers en 2011 et on compte 7 571 nouveaux dossiers enregistrés au mois d’avril 2012 (annexe 22). L’État belge renvoie le Comité au site de l’Office des étrangers pour plus détails, notamment à deux tableaux avec des chiffres allant de 1991 jusqu’à nos jours, avec le nombre de demandes par mois et les pays d’origine des demandeurs d’asile (annexe 23) et à d’autres données chiffrées et des commentaires dans ses rapport d’activités (annexe 24).

64.Depuis 2008, les chiffres pour l’octroi du statut de réfugié (SR) et de la protection subsidiaire (PS) sont les suivants : en 2008 (2 143 SR et 394 PS), en 2009 (1 889 SR et 418 PS), en 2010 (2 107 SR et 711 PS) et en 2011 (2 857 SR et 1 094 PS). Les données chiffrées du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (C.G.R.A.) sont publiques (annexe 25). Il n’existe pas d’informations sur le nombre des demandes d’asile ou de protection subsidiaire acceptées pour motif de tortures subies ou de craintes de torture dans le pays d’origine. En effet, la base de données du C.G.R.A. n’encode pas ce type d’informations.

65. Enfin, les nombres de personnes rapatriées (éloignées du territoire) et refoulées (depuis les frontières) depuis 2008 sontles suivants : 1 333 en 2008, 1 557 en 2009, 2 106 en 2010, 2 751 en 2011 et 501 jusqu’à présent pour l’année 2012 (annexe 26). Le Comité trouvera aussi, en annexe, une répartition entre rapatriements vers le pays d’origine, rapatriements Dublin et rapatriements dans un autre État membre de l’Union européenne sur la base d’un accord bilatéral, qui renseigne également sur les principaux pays d’origine des étrangers éloignés (annexe 27).

Réponse au LOIPR, 11 – Détention dans les cas « Dublin »

66.La loi prévoit deux types de maintien dans le cadre de l’application du règlement « Dublin » (voir §55). Le premier a lieu durant la période nécessaire à la détermination de l’État responsable du traitement de la demande d’asile (à la frontière et à l’intérieur du pays). Il s’agit du demandeur d’asile au sujet duquel l’État belge sait qu’il a demandé asile dans un autre État membre. Il est maintenu, présentant un risque de ne pas partir volontairement, parce qu’il a déjà introduit une procédure d’asile qui s’est clôturée négativement, ou parce qu’elle est toujours en suspens dans un autre État, ou que le demandeur d’asile a été enregistré par un autre État comme migrant illégal, ou qu’il était en possession d’un titre de séjour/visa périmé et a quitté ce pays pour venir en Belgique. Cette personne est maintenue sur la base de l’article 51/5, §1, alinéa 2 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers (LSE) ainsi que de l’article 71/2 bis de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur les étrangers. Le maintien est limité au temps nécessaire à la détermination de l’État responsable ou à un mois au maximum, prorogeable d’un mois pour les cas très complexes.

67.Le deuxième type de maintien suit la décision selon laquelle la Belgique n’est pas responsable de la demande d’asile mais bien un autre pays, Dublin (tant à la frontière qu’à l’intérieur du pays). À l’instar du premier cas, on suppose que le demandeur d’asile ne va pas partir volontairement. Par ailleurs, les modalités de transfert doivent être déterminées avec l’État responsable et il peut solliciter un transfert contrôlé (articles 19, §3 et 20, §1, d) du règlement Dublin). Enfin, selon son article 19, §4 : « Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite ». Ici, la base légale du maintien est l’article 51/5, §3, alinéa 4, de la LSE. Sa durée est limitée à un mois, mais la période durant laquelle le demandeur d’asile aurait été privé de liberté, selon le premier cas de figure, n’est pas incluse.

Articles 5 et 7

Réponse au LOIPR, §12 – Rejet de demandes d’extradition et poursuites des auteurs

68.Depuis 2008, la Belgique a reçu plusieurs demandes d’extradition visant des personnes soupçonnées d’avoir commis des violations du droit international humanitaire pouvant également être qualifiées d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est à noter qu’aucune de ces demandes ne faisait mention de la Convention contre la torture comme base de la demande d’extradition. Cependant, eu égard aux faits allégués, la Belgique a toujours examiné ces demandes sous l’angle de la Convention contre la torture, qui était, par ailleurs, pour certains dossiers, la seule Convention applicable entre la Belgique et l’État requérant. Au total, depuis 2008, la Belgique a reçu neuf demandes d’extradition de ce type, émanant de deux États différents : trois en 2009, trois en 2010, deux en 2011 et une en 2012. Parmi ces demandes, sept d’entre elles n’ont pu recevoir de suite favorable en raison de la nationalité belge des personnes dont l’extradition était demandée. Pour six demandes, une information judiciaire a été ouverte en Belgique, en application du principe aut dedere, aut judicare. Pour la septièmee demande, l’information judiciaire déjà ouverte en Belgique au sujet de la personne dont l’extradition était demandée a été étendue aux faits visés par le mandat d’arrêt, en application du même principe. La huitièmee demande semblait viser une personne ne résidant pas en Belgique. Des informations complémentaires pour vérifier son identité ont été demandées à l’État requérant. Enfin, la neuvième demande a été reçue en 2012 et est en cours d’examen par les services compétents.

69.Enfin, il importe de noter que c’est notamment sur la base de la Convention contre la torture que la Belgique a demandé au Sénégal en 2005 l’extradition de Hissène Habré, ancien Président du Tchad, accusé, entre autres, de crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et faits de torture. Le 19 février 2009, faute de toute poursuite menée par le Sénégal envers l’intéressé et en raison de divergences persistantes entre la Belgique et le Sénégal quant à l’interprétation et l’application de la Convention, la Belgique a porté cette affaire devant la Cour internationale de Justice (affaire « Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader »). La Belgique argue notamment de la violation par le Sénégal de son obligation aut dedere, aut judicare prévue dans la Convention. La Belgique et le Sénégal ont rendu leurs mémoires en juillet 2010 et en août 2011 et les audiences de plaidoiries ont eu lieu en mars 2012 (annexe 28). L’arrêt de la Cour a été prononcé le 20 juillet 2012. La Cour a confirmé l'obligation du Sénégal au regard de la convention de 1984 de soumettre immédiatement le dossier judiciaire à l'encontre de Hissène Habré à ses autorités judiciaires compétentes ou, à défaut, de l'extrader.

Article 10

Réponse au LOIPR, §13 – Formations sur la Convention

70.Bien que la police n'organise pas de formation spécifique sur la torture, elle est abordée dans un cadre plus général. Le respect des droits de l'homme constitue, en effet, le fil conducteur de la formation des policiers étalée sur toute leur carrière. Toutes les formations (belges, internationales ou européennes) sont élaborées selon des normes et critères bien précis et font l'objet d'un processus d'évaluation et d'amélioration continu. La prohibition de la torture est intégrée dans divers modules de la formation de base et de la formation continuée (annexe 8). Les policiers sont formés concernant le cadre normatif national (droit pénal, statut de la police, Code de déontologie) et international balisant leur action. De manière continue, le respect des droits de l'homme par les policiers est évalué et, si nécessaire, sanctionné par les procédures statutaires d'évaluation et/ou les procédures disciplinaires ou judiciaires (voir infra, question 26).

71.Comme mentionné dans son deuxième rapport (par. 525 à 529), la formation pour le personnel encadrant les détenus, y compris les mineurs (dans les centres fédéraux) et les internés psychiatriques (annexes des prisons et établissement de défense sociale à Paifve), est orientée dans le sens d’une éducation aux droits de l’homme. Il y a notamment 17 heures de formation initiale sur la déontologie : 6 heures de théorie, 3 heures d’analyse de cas et 8 heures de travail sur les relations à risques. La formation initiale comporte aussi un module de 14 heures sur le statut interne des détenus, qui étudie expressément les conventions européennes des droits de l'homme et pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, les normes du CPT et les Règles pénitentiaires européennes. En plus de la formation initiale, obligatoire, le personnel peut suivre des formations spécifiques, tout au long de sa carrière. Celles-ci sont analysées avec le modèle Kirckpatrick : sont évalués la pertinence (adéquation avec les besoins du terrain), l’efficacité pédagogique (ce que les participants retiennent) et le transfert a priori (application sur le terrain des compétences acquises par la formation). Chaque module est revu annuellement suite à cette analyse. Pour les instituts de protection de la jeunesse (IPPJ), il y a un code de déontologie, en communauté française, qui prévoit que tous les services d’aide et de protection de la jeunesse doivent respecter les conventions internationales, en particulier celles précitées et la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Plan d’action sur les droits de l’enfant du Gouvernement de la communauté française prévoit aussi deux projets entre 2011 et 2014 comme suit : 1) élaborer un document rationalisant la législation sur les IPPJ et améliorant son contenu, notamment quant au respect des droits des jeunes, et 2) vérifier que les droits de l’enfant sont inclus dans les formations obligatoires initiales et continues, via les services des méthodes pour les SAJ-SPJ-IPPJ et via le CAP pour les services agréés. A défaut, il faut les y inclure.

72.On peut noter que le personnel de sécurité des centres fermés suit les formations suivantes : 1) une formation générale de gestion de l’agressivité. Un recyclage est réalisé deux fois par an pendant 4 heures pendant lequel les techniques de base sont rappelées et des exercices de situation sont effectués ; 2) une formation spécifique de gestion de l’agression pour éviter l’impact psychologique en cas d’incidents d’agression ; 3) une formation en communication interculturelle avec des précisions concernant la communication pour des cultures déterminées ; 4) une formation de base de secouriste et un recyclage annuel ; et 5) une formation sur les techniques de fouille et l’utilisation éventuelle de moyens de contrainte (comme les bandes velcro).

73.L’École royale militaire donne des formations en droit international humanitaire aux conseillers en droit des conflits armés, mis en place aux différents niveaux de commandement de la Défense. La formation ne traite pas spécifiquement de la Convention contre la torture, mais la problématique est intégrée dans la formation générale. Des formations et des directives sur le droit international humanitaire, les droits de l’homme et le droit pénal sont données par la Direction générale d’appui juridique et de médiation aux juristes et militaires partant en opération. Comme déjà indiqué, la problématique de l’ordre manifestement illégal y est enseignée ainsi que l’obligation de tout militaire d’informer le Parquet fédéral de sa connaissance d’un crime ou d’un délit (article 29 du CIC).

74.Les victimes des infractions de tous types s’adressant aux services d’aide sociale aux justiciables (dépendant des communautés), ou qui sont orientées vers ceux-ci par la police ou le personnel des parquets et des tribunaux, reçoivent une aide sociale et une aide psychologique centrées sur les effets directs et indirects de la victimisation et l’assimilation du bouleversement causé par le traumatisme subi. Tous les travailleurs des services agréés (les services d’aide aux victimes, maisons d’accueil, centres de planning familial) suivent des formations continues. À Bruxelles, la Commission communautaire française subventionne des formations spécifiques sur les violences conjugales pour les travailleurs des maisons d’accueil et soutient l’association « Intact » dans ses activités de sensibilisation et de formation des agents de police sur les mutilations génitales féminines et sur les mariages forcés, tant sur les aspects culturels que juridiques. En effet, le PAN 2010-2014 (voir supra, question 5) insiste sur le besoin de sensibiliser les groupes professionnels et le public en général aux mutilations génitales et de dépister les cas à risque. D’ailleurs, un guide spécifique a été élaboré pour les professionnels, tandis que le problème des mutilations est enseigné dans le cursus universitaire de médecine. En matière de violence à l’égard des femmes, un manuel offre des instruments de détection à tous les professionnels (voir supra, §38) et les policiers sont formés pour reconnaître les signes possibles et pour agir face à une demande d’intervention et de premier accueil (voir supra, §33 et annexe 8). Enfin, en matière de traite des êtres humains, une brochure est en voie de finalisation pour sensibiliser le monde médical aux symptômes que peuvent présenter les victimes et réagir adéquatement (voir supra, §41).

75.Enfin, l’Institut de formation judiciaire (IFJ) n’organise pas de formation spécifique sur la Convention contre la torture. Cependant, il convient de rappeler que les droits de l’homme, et surtout la Convention européenne des droits de l’homme, sont enseignés dans les cours de droit de toutes les universités belges. Ainsi, tout le personnel de l’ordre judiciaire possède de bonnes connaissances en la matière. L’IFJ organise et/ou subventionne des cours de formation sur de nombreuses thématiques. L’État belge invite le Comité à consulter son programme de formations (annexe 29) et, à titre d’exemples, mentionne ici quelques formations récentes : surveillance de la privation de liberté – regards croisés sur le contrôle des lieux de détention policiers et pénitentiaires (mars 2012) ; loi Salduz – ainsi que les conséquences de l’arrêt Salduz pour la police, la justice et le barreau (décembre 2011) ; violences sexuelles et formation de base « violence au sein du couple » (octobre 2011) ; preuve en droit pénal (septembre 2011) ; et justice et droits fondamentaux – un devoir de vigilance (mai 2011). Il existe également une formation annuelle de base en coopération internationale, où l’interdiction de la torture et/ou des mauvais traitements est abordée.

Article 11

Réponse au LOIPR, 14 – Interrogatoires et gardes à vue

76.Le Code de déontologie des services de police de 2006 (annexe 20) reprend plusieurs droits des personnes privées de liberté. Ainsi, son point 51 rappelle leurs droits à l’assistance médicale, à un accès aux commodités sanitaires et au ravitaillement en nourriture et en boisson. Les membres du personnel sont responsables de toute personne placée sous leur surveillance. Ils doivent prendre les mesures nécessaires pour éviter les accidents, les évasions ou connivences avec des tiers, et assurer une surveillance effective. Ils viennent en aide aux personnes sous leur surveillance qui ont manifestement besoin d’assistance médicale. Ils leur donnent ou leur font donner les premiers secours dans l’attente de soins médicaux des services habilités. Le point 62 du Code de déontologie de police précise que les enquêteurs consacrent la plus grande attention à la qualité et la fidélité de l'enregistrement et de la transcription des auditions, interrogatoires et confrontations auxquels ils procèdent. Ils informent les personnes de leurs droits, respectent leur droit au silence, ne les forcent pas à s'accuser et s'interdisent, pour obtenir des aveux ou informations, de recourir à la violence, aux mauvais traitements ou aux manœuvres immorales (cf. infra, question 30).

77.En outre, il convient de souligner que les différents documents servant de base au travail policier sur le terrain ont été récemment actualisés pour intégrer les modifications survenues depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2011 (voir supra, question 3). Ainsi, par exemple, le Guide d'intervention terrain (« GIT ») a été mis à jour en collaboration avec les autorités judiciaires. Enfin, la police a également adopté des mesures de sensibilisation et d’information, telles que l’Inforevue 042012 consacrée exclusivement à la loi Salduz (annexe 30).

Réponse au LOIPR, §15 – Chiffres en matière de détention

78.L’État belge met à la disposition du Comité des chiffres pour les années 2009, 2010 et 2011 (annexe 31). Ils indiquent, par année, la population moyenne carcérale (selon le sexe, le régime de détention et la nationalité) et le taux moyen de surpopulation. Des chiffres sont aussi donnés concernant les établissements pour mineurs qui relèvent de l’État fédéral (deux nouveaux établissements ont été ouverts en 2010 : Tongres et Saint Hubert). Pour l’année 2009, le taux de surpopulation est de 21,8%. On a une population moyenne de 10 237,8 (98 33,2 hommes et 404,7 femmes, 34,7% détentions préventives, 54,1% condamnés et 10,4% internés). Pour l’année 2010, le taux de surpopulation s’élève à 17,7% et la population moyenne est de 10  535,7 (10 129,1 hommes et 406,6 femmes, 34,5% détentions préventives, 54,2% condamnés et 10,4% internés). Pour l’année 2011, le taux de surpopulation est de 20,2% et la population moyenne est de 10 973,5 (10 531,3 hommes et 442,2 femmes, 3 736,1 détentions préventives, 6 049,8 condamnés et 1 091,4 internés). L’État belge joint aussi à son rapport des données chiffrées au 3 avril 2012 (annexe 32). On y compte 11 215 détenus, dont 3 565 en détention préventive, 6 417 condamnés, 10 745 hommes et 470 femmes. Enfin, l’État belge n’a pas de statistiques sur la détention ventilées par catégorie d’infraction. De plus, il ne collecte pas de données selon l’appartenance ethnique des intéressés.

Réponse au LOIPR, §16 – Mineurs étrangers non accompagnés

Point a : Ressources financières et humaines, formations et résultats pratiques d’actions menées

79.Le budget total (dépense personnel, frais de fonctionnement, équipement et tuteurs) du service des Tutelles, pour l’année 2011, s’élevait à 3 267 000 euros. En 2012, il est passé à 3 704 000 euros. En 2011, le service était constitué d’une équipe multidisciplinaire de 23 agents. En 2012, il compte 20 agents. Des recrutements sont en cours pour engager sept nouveaux agents.

80.Les chiffres montrent une augmentation soutenue des arrivées de jeunes migrants en Belgique. De 2009 à 2011, l’accroissement moyen est de 30% par rapport à 2008. Sur les 4 410 signalements en 2011, le service des Tutelles a pris en charge 2 468 jeunes. Pour procéder à l’identification des jeunes pour lesquels existe un doute sur leur âge, 993 tests médicaux ont été réalisés en 2011, sous le contrôle du service des Tutelles (chiffres couvrant la période jusqu’au 30 novembre) : 288 jeunes ont été identifiés mineurs et 705 ont été identifiés comme majeurs. Face à cette augmentation de MENA, le service des Tutelles a fourni des efforts importants dans l’agrément de nouveaux tuteurs. En 2011, il a agréé 68 nouveaux tuteurs. Actuellement, il y a environ 260 tuteurs qui exercent des tutelles. Le service des Tutelles a organisé des formations de base pour les nouveaux tuteurs, portant notamment sur la loi tutelle, l’aide psychosociale et les questions culturelles, l’aide et la protection de la jeunesse, la scolarité des MENA, ainsi que la recherche de la famille et le retour volontaire. Une journée d’information relative à l’identification des MENA a aussi été organisée pour les tuteurs plus expérimentés dans le courant de l’année 2011. En 2008, le service des Tutelles a désigné 923 tuteurs. Ce chiffre est passé à 1 590 désignations de tutelle pour 2011. Fin 2011, il y avait, en tout, 2 485 tutelles en cours. Dans le cadre de leur suivi, 3 319 rapports de tuteurs ont été traités par le service des Tutelles et plus de 1 000 entretiens ont été réalisés durant l’année 2010. Avec l’augmentation de MENA, le nombre de cessations de tutelles a également augmenté. En 2011, le service des Tutelles a mis fin à 982 tutelles. Enfin, le service traite annuellement quelque six à sept mille déclarations de créances de tuteurs et interprètes.

81 Concernant le bureau MINTEH de l’Office des étrangers, les ressources financières et humaines sont les suivants (coût personnel et fonctionnement + matériel, électricité) : en 2008 (447 226,71 euros), en 2009 (547 660,91 euros), en 2010 (622 547,52 euros), en 2011 (523 229,5 euros) et pour 2012 (443 494,37 euros). En outre, de 2008 à 2012, le bureau MINTEH a reçu les formations spécifiques suivantes : en 2008, Psychologie de l’enfant dans un contexte migratoire ; Formation annuelle sur les techniques d’interview pour mineurs (personnel spécialisé pour les MENA, 15 personnes) ; en 2010, Information relative à l’accueil des mineurs par Fedasil ; en 2010, Information sur le retour volontaire des MENA dispensée par l’OIM ; en 2011, Profil psychologique et sexualité de l’enfant par SOS Enfants, et en 2011, Introduction à l’apprentissage et au développement langagier de l’enfant. Sur la base des décisions prises concernant les mineurs, le bureau MINTEH a réalisé au minimum les auditions suivantes : 1 691 en 2008, 1 356 en 2009, 1 091 en 2010 et 939 en 2011.

82.Au Commissariat général aux réfugiés et apatrides (C.G.R.A.), le nombre du personnel de la cellule MENA a évolué de la manière suivante : 35 personnes en 2008 et en 2009, 45 en 2010, 55 en 2011 et 79 au mois de mai 2012. Pour être affectées à cette cellule, les personnes doivent avoir au moins l’expérience d’un an en audition des demandeurs d’asile adultes. Il faut aussi avoir suivi la formation « Interviewing Children" et avoir assisté aux réunions de suivi sur les MENA. En 2010 une formation sur la communication et la gestion des conflits dans des situations interculturelles a également été suivie. En outre, chaque membre de la cellule a suivi une formation sur la législation et règlementation relative aux mineurs et à la tutelle et une formation à la problématique du genre. Sur la base des décisions prises concernant les mineurs, le C.G.R.A. a réalisé, au minimum, les auditions suivantes : 525 en 2008, 494 en 2009, 830 en 2010 et 1 020 en 2011. Enfin, le budget du C.G.R.A. ne dispose pas d’une rubrique spécifique relative aux mineurs. En effectuant une extrapolation à partir du nombre de décisions prises sur les mineurs en 2011, le budget total est de 776 573 017 euros pour 2011 (charges salariales et formations).

Point b : Centres d’accueil pour les MENA, capacités d’hébergement et formation du personnel

83.Concernant le système d’accueil des MENA, l’État belge renvoie le Comité aux informations qu’il a fournies en réponse de suivi à ses observations finales (en particulier § 28 à 31 et 42 à 51). Cependant, il faut noter que depuis octobre 2009, le réseau d’accueil des MENA organisé par Fedasil est fortement touché par une crise, en raison notamment de l’augmentation du nombre des jeunes signalés, le temps nécessaire pour l’identification du jeune par le service des Tutelles (en nette amélioration depuis le 11 juillet 2011 – de 2 ou 3 mois à 23 jours) et le peu de sorties du réseau Fedasil, une fois que les jeunes ont un statut et peuvent donc bénéficier d’autres services. Cette crise a provoqué quelques changements dans l’organisation de l’accueil.

84.Dorénavant, le jeune passe d’abord, le plus souvent, à l’Office des étrangers, où il se présente en tant que demandeur d’asile. L’Office signale le jeune au service des Tutelles, qui envoie une copie de prise en charge et une demande d’hébergement à Fedasil. Il est orienté vers l’un des deux centres d’observation et d’orientation (NOH ou STN), en fonction des places disponibles. Le jeune se déclarant MENA pour lequel il y a un doute sur l’âge, est orienté, le temps de l’identification, vers un hôtel avant d’être réorienté vers une place d’accueil plus adaptée. En ce qui concerne les non demandeurs d’asile, seuls les jeunes les plus vulnérables sont également accueillis en COO [centre d’observation et d’orientation] (NOH ou STN). Les jeunes MENA non demandeurs d’asile, pour lesquels Fedasil est condamné, sont à ce jour orientés d’abord à l’hôtel, le temps d’une orientation en centre d’accueil. En outre, depuis le 14 mai 2012, un nouveau COO (centre d’observation et d’orientation au Vert : COOV) existe pour accueillir les MENA non demandeurs d’asile. Il offrira un travail plus particulier pour ces jeunes qui ont le plus souvent des difficultés à s’adapter à l’accueil tel qu’organisé par Fedasil. Arrivé en COO, le jeune y restera pour une période de 15 jours à un mois au maximum et sera, par la suite, orienté vers une place d’accueil la plus appropriée possible. Le jeune au COOV y restera de un mois à quatre mois au maximum avant d’être orienté vers une place du réseau Fedasil ou vers l’aide à la jeunesse. Alors qu’initialement l’accueil avait lieu en trois phases distinctes (phase 1 : COO, phase 2 : 2e accueil de type collectif et phase 3  : hébergement stable ou accueil en autonomie encadrée), à présent, en raison de la crise, il se déroule comme suit : phase pré-COO – les jeunes pour lesquels l'Office des étrangers émet un doute sur l'âge déclaré sont, à défaut de places suffisantes, orientés vers un hôtel ; phase 1 : COO+ COOV ; phase 2 : 2e lieu d’accueil de type collectif ; phase 2 bis des MENA : places de type « autonome » dans les centres fédéraux ; et phase 3 : hébergement stable ou accueil en autonomie encadrée en ILA ou partenaire.

85.Chaque COO a 50 places d’accueil. Actuellement, le nouveau COOV compte 15 places, mais 30 places sont prévues. Quant au reste de la capacité du réseau d’accueil de Fedasil, elle est en constante évolution. En cinq ans, il importe de signaler que le nombre de MENA accueillis dans le réseau géré par Fedasil et ses partenaires a plus que triplé : en juin 2006, le réseau n’accueillait que 375 jeunes, contre 1 280 début avril 2012. Parallèlement, les capacités d’accueil n’ont cessé de s’accroître : au début de janvier 2010, le réseau avait 706 places spécifiques pour les MENA ; en avril 2012, on compte 1 189 places et 181 MENA accueillis à l’hôtel. Au total, Fedasil organise, en mai 2012, 1 190 (1 120 fin décembre 2011) places d’accueil, tandis que l’ensemble de la structure (c’est-à-dire les COO et les structures d’accueil «collectives» et «individuelles» – ILA) accueille actuellement 1 320 MENA.

En plus de sa formation professionnelle, le personnel de ces structures d’accueil suit des formations organisées par le siège central de Fedasil, les divers sièges centraux des partenaires (Croix-Rouge) et par l’Union des villes et des communes Wallonne pour le personnel ILA qui est chargé des MENA. L’encadrement diffère selon les phases d’accueil et il est légèrement adapté en fonction de l’infrastructure et du partenaire.

Point c : Cadre juridique de protection des MENA

86.Sur cette question, l’État belge souhaite renvoyer essentiellement le Comité aux informations qu’il a fournies en réponse de suivi à ses observations finales (en particulier, § 21 à 27 et § 35 à 41). Il souhaite cependant apporter ici quelques précisions et informations complémentaires.

87.Conformément à l’article 3§1 de la loi sur la tutelle (loi programme du 24 décembre 2002, modifiée par les lois programmes du 22 décembre 2003 et du 27 décembre 2004), le service des Tutelles est chargé de mettre en place une tutelle spécifique pour les MENA. Au regard de l’article 5, le système s’applique, que le MENA soit ou non demandeur d’asile. La loi ne prévoit néanmoins pas de tutelle spécifique pour les mineurs européens, mais la circulaire du 2 août 2007 relative aux MENA européens en situation de vulnérabilité prévoit la prise en charge temporaire de ces mineurs non enregistrés dans un des registres de la population. Le service des Tutelles est un point d’appui et un relais auprès des autorités compétentes au regard de la situation. Il convient de noter que les jeunes rom signalés au service des Tutelles par la police viennent surtout de l’espace économique européen. Ces mineurs européens peuvent être confiés au Centre public d’action sociale (CPAS). En effet, l’article 63 de la loi du 8 juillet 1976 prévoit que tout mineur d'âge, à l'égard duquel personne n'est investi de l'autorité parentale ou n'exerce la tutelle ou la garde matérielle, est confié au CPAS de la commune où il se trouve. Si les conditions sont remplies, une tutelle civile est également possible (article 389 du Code civil – la tutelle des enfants mineurs s'ouvre si les parents sont décédés, légalement inconnus ou ne peuvent durablement exercer l'autorité parentale). Il ressort des chiffres du service des Tutelles, entre 2008 et 2011, 458 signalements de MENA européens ayant donné lieu à 274 prises en charge. Après enquête, la grande majorité d’entre eux se révèlent être accompagnés par un membre de leur famille ou pris en charge par d’autres services sociaux et il est donc mis fin à la prise en charge. On peut noter que 10 mineurs ont été réorientés vers un centre spécialisé en matière de traite des êtres humains, tandis que 17 ont fait l’objet d’un suivi vers les services d’aide à la jeunesse ou les parquets (annexe 33).

88.Des dispositions spécifiques en matière de séjour pour les MENA sont déterminées aux articles 61/14 à 61/25 (loi du 12 septembre 2011, M.B., 28 novembre 2011, annexe 34) de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers (LSE) et aux articles 110 sexies à 110 undecies (arrêté royal du 7 novembre 2011, M.B., 28 novembre 2011) de son arrêté d’exécution du 8 octobre 1981. Ces dispositions étaient prévues par la circulaire ministérielle du 15 septembre 2005, abrogée le 14 novembre 2011. Les principales modifications concernent :

1)La nouvelle définition du MENA (non ressortissant de l’espace économique européen, moins de 18 ans; non accompagné par une personne exerçant l’autorité parentale ou la tutelle et identifié définitivement comme MENA par le service des Tutelles);

2)La solution durable : a) soit le regroupement familial dans le pays où les parents se trouvent légalement; b) soit le retour vers le pays d’origine ou vers le pays où le MENA est autorisé ou admis à séjourner, avec des garanties d’accueil et de soins adéquats, selon son âge et son degré d’autonomie, par ses parents ou d’autres adultes qui s’occuperont de lui ou des organismes publics ou des ONG ; c) soit l’autorisation de séjourner en Belgique, compte tenu des dispositions légales. Il est à noter que dans la recherche de la solution durable, la sauvegarde de l’unité familiale est prioritairement visée (article 61/17). Une attestation d’immatriculation de six mois est donnée au MENA pendant ce temps, en lieu et place d’une déclaration d’arrivée de trois mois ;

3)Lorsque la solution durable est en Belgique, le séjour temporaire d’un an (titre de séjour « carte A ») est donné. Ensuite, durant trois ans, le projet de vie en Belgique fait l’objet d’un suivi jusqu’à l’octroi d’une carte B (séjour à durée illimitée), pour autant que l’intéressé soit encore considéré comme MENA. L’arrêté royal du 7 novembre 2011 précise les modalités et les mesures d’exécution de la loi :

a)Les données que doit contenir la demande d’autorisation de séjour ;

b)Les modalités de l’audition. Le tuteur peut demander la présence d’un avocat ;

c)Le modèle des documents délivrés ; et

d)Les démarches entreprises pour établir l’identité du MENA.

89.En outre, l’article 74/19 (loi du 19 janvier 2012, annexe 21) de la LSE prévoit que les MENA ne peuvent pas être maintenus dans des lieux au sens de l’article 74/8, §2 et vient ainsi confirmer la pratique, depuis avril 2007, de ne pas les placer en détention. Enfin, l’article 74/16 de la LSE précise que l’exécution de l’éloignement d’un MENA peut être effectuée quand l’Office des étrangers s’est assuré qu’il y a des garanties d’accueil et de prise en charge du MENA dans son pays d’origine ou dans le pays où il est autorisé à séjourner. Il convient d’insister sur le fait que le Ministre ou son délégué, avant de prendre une décision d’éloignement, prend en compte toute proposition de solution durable émise par le tuteur et qu’il tient dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Point d : Conditions de vie des MENA au cours de leur séjour

90.Quelle que soit la phase et la structure dans laquelle le MENA est accueilli, il bénéficie d’une aide matérielle au sens large, y compris médicale. Si nécessaire, il reçoit aussi un accompagnement psychologique. En première phase d’accueil (COO) organisée par les centres fédéraux, le MENA est observé pour dresser son premier profil médical, psychologique et social et dépister une éventuelle vulnérabilité, pour l’orienter vers une prise en charge adéquate (article 40 de la loi accueil du 12 janvier 2007). Un arrêté royal du 9 avril 2007 précise le travail en COO.

91.La 2e phase d’accueil est organisée par les centres fédéraux ou par des partenaires. Des structures d’accueil collectives des centres fédéraux accueillent les MENA pour une période de quatre mois à un an. Il s’agit de structures ouvertes, accueillant sur une base volontaire et encadrant les jeunes 24 heures sur 24. Le suivi réalisé est individuel et collectif. Ces structures délivrent une aide matérielle, notamment l’hébergement, la nourriture, l’encadrement psychosocial et médical, une allocation par jour et un suivi scolaire. Différentes activités y sont aussi organisées. Ce sont des structures spécifiques intégrées dans un centre d’accueil pour adultes. Les travailleurs réalisent un travail d’accompagnement général et d’aide sociale pour les MENA. Certains centres fédéraux organisent un accueil pour 20 MENA autonomes : le cadre est moindre, étant donné que le jeune est autonome. Un accueil plus spécifique est aussi organisé par certains partenaires de Fedasil, comme notamment deux ILA qui offrent une structure plus petite et indépendante. Les jeunes les plus vulnérables y sont, de préférence, orientés après leur passage en COO. Ces ILA n’existent que du côté francophone et ont également des collaborations avec l’aide à la jeunesse (les communautés), ce qui permet d’avoir un cadre plus large en personnel.

92.La 3e phase d’accueil se fait en « autonomie encadrée », organisée principalement par des ILA mais aussi par un partenaire. Elle concerne les MENA ayant déjà séjourné 15 jours en COO et au moins quatre mois dans une structure d'accueil collective : un centre d'accueil fédéral ou un centre d'accueil d’un partenaire de Fedasil (Rode Kruis, Croix-Rouge, structures de Broeders van Liefde, etc. ou encore une ILA collective spécifique aux mineurs). Le jeune continue d’avoir droit à l’aide matérielle. L'encadrement est plus individuel, dans une structure laissant plus de responsabilités aux jeunes. Il s’agit d’une transition vers une plus grande indépendance. Au travers d’un « projet de préparation à la vie adulte », des outils sont donnés aux MENA pour devenir des adultes autonomes.

93.Les concertations lancées en 2009 avec les différents acteurs intervenants dans l'accompagnement et l'accueil des MENA ont été relancées par la Secrétaire d’Etat à la migration, pour parvenir à un accord de coopération avec, notamment, les services de l’aide à la jeunesse. En outre, des recommandations ont été formulées en avril 2012 par le Délégué aux droits de l’enfant.

94.Le centre d’accueil El Paso a développé un projet pilote de formation pour les MENA qui sont en décrochage scolaire. Il est né du constat que certains jeunes éprouvent de grandes difficultés à s’adapter au système éducatif en Belgique, probablement en raison de son caractère inadapté par rapport à leur contexte d’origine. Pour tenter de reconstruire un lien avec leur vécu en matière d’apprentissage (ancrage dans la pratique), un projet éducatif a été créé afin de permettre aux MENA un accès aux Entreprises de formation par le travail (EFT). Une formule spéciale a dû être trouvée car les EFT sont réservées en principe aux adultes et les MENA sont soumis à l’obligation scolaire en Belgique. Au final, le Ministère de l’enseignement de la communauté française a donné son accord pour une formule incluant l’inscription dans un Centre de formation en alternance (CEFA : cours théoriques et pratiques en entreprise, 24 heures par semaine), ce qui permet de respecter l’obligation scolaire et l’EFT est l’opératrice de formation pour le CEFA. Ce projet a été subventionné par la communauté française pendant deux ans (fin du projet en juin 2012). Après une période d’essai de 15 jours, un premier bilan est dressé. Ensuite, le mineur peut s’engager pour une période d’apprentissage de six mois. À la fin, le projet de vie du jeune est clarifié, à savoir quelle suite donner à l’expérience de formation. Sur les 25 jeunes ayant participé au projet pendant deux ans, on constate trois parcours principaux : orientation vers un CEFA pour entreprendre une formation à plus long terme (la majorité des cas), retour au pays d’origine ou un décrochage (disparition). Les créateurs du projet envisagent de donner des formations dans les pays d’origine des jeunes pour lier la formation aux questions du retour volontaire et du développement. Ils espèrent aussi une reconnaissance du projet pour que les EFT puissent recevoir des subsides.

95.Concernant l’enseignement, il a déjà été fait état d’un accueil spécifique en Flandre (OKAN) pour intégrer, le plus rapidement possible, les MENA allophones. Du côté francophone, il y a aussi un système pour les primo-arrivants pour assurer leur accueil, leur orientation et leur insertion optimale dans l’enseignement, via des classes « passerelles ». Les cours sont orientés principalement sur l’apprentissage de la langue française pour permettre d’intégrer une classe « ordinaire ». Suite au succès grandissant des classes passerelles, un dispositif plus souple sera prochainement mis en place pour répondre encore mieux aux réalités sur le terrain, et ce, dès la rentrée scolaire de septembre 2012. Il proposera, notamment, un accompagnement scolaire et pédagogique adapté aux profils des élèves et une scolarisation intermédiaire d’une durée limitée, avant l’intégration dans une classe ordinaire. On peut noter que l’accueil et l’accompagnement des primo-arrivants constitue, pour 2011-2015, l’une des trois priorités de la politique de cohésion sociale de la Commission communautaire française (CCF). Dans ce cadre, elle subventionne de nombreux projets d’associations s’adressant aux MENA (par exemple Mentor jeunes – accueil socio-juridique et accompagnement scolaire, Dynamo – suivi individuel des MENA). Enfin, les Gouvernements francophones se sont engagés en mai 2011 à conclure un protocole d’accord sur la politique d’accueil des migrants primo-arrivants.

Réponse au LOIPR, 17 – Code de déontologie de la police

96.L’État belge rappelle que le Code de déontologie de la police (annexe 20) ne prévoit pas explicitement l’interdiction de la torture mais la comprend a fortiori. En effet, le Code rappelle aux policiers leur obligation de respect et protection des droits de l’homme ainsi que les conditions strictes du recours à la contrainte et à la force (notamment les points 3, 46 et 49, ce dernier visant le respect de l’intégrité physique et de la dignité humaine). En outre, plusieurs dispositions du Code interdisent explicitement les traitements inhumains et dégradants (voir les points 13, 51 et 62, ce dernier visant notamment l’interdiction d’obtenir des aveux ou informations en recourant à la violence, aux mauvais traitements ou aux manœuvres immorales, voir infra, question 30). Il apparaît évident, à la lumière de ces dispositions, que les membres des services de police sont tenus par l’interdiction de la torture qui, pour rappel, est sanctionnée par le Code pénal, qui est évidemment applicable aux agents publics (voir supra, question 1). Enfin, pour rappel, les policiers sont formés en matière de droit pénal, droit pénal spécial, droit international humanitaire, conventions internationales, y compris les peines s'attachant auxdites incriminations. En effet, le respect des droits humains constitue le fil conducteur dans toute la formation (voir supra, question 13).

Réponse au LOIPR, 18 – Protection de la jeunesse

97.Pour rappel, la loi du 13 août 2011 (voir supra, question 3) prévoit l’assistance par un avocat pour toute personne auditionnée privée de liberté. Par la circulaire 12/2011 du 23 novembre 2011 précitée, le Collège des procureurs généraux a confirmé l’applicabilité de cette loi aux mineurs (annexe 35) et en tire trois principes : 1) le mineur dispose des mêmes droits que le majeur ; 2) il ne peut renoncer à aucun de ses droits en raison d’une présomption de vulnérabilité liée à sa minorité et ; 3) il bénéficie toujours des droits supplémentaires prévus par la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse (LPJ), par exemple les articles 49, alinéa 2 et 52 ter, alinéa 2.

98.L’article 15 bis de la loi concernant la détention préventive (LDP) exige que le juge d’instruction soit requis d’instruire pour prolonger la privation de liberté. S’il s’agit d’un mineur ou d’une personne poursuivie pour un fait commis avant ses 18 ans, le juge d’instruction ne peut être saisi, par réquisition du ministère public ou d’office, en cas de flagrant délit, que dans des « circonstances exceptionnelles » et cas de « nécessité absolue » (article 49 LPJ). Afin de répondre explicitement à la question a) du Comité, la loi prévoit l’assistance obligatoire par un avocat du mineur lorsqu’il comparaît devant le juge d’instruction (article 49, alinéa 2 LPJ) et le juge de la jeunesse (article 52 ter, alinéa 2 LPJ). Si le mineur n’a pas d’avocat, il lui en est désigné un d’office (article 54 bis LPJ). En dehors des possibilités de l’article 49 précité, le juge d’instruction peut instruire vis-à-vis d’un mineur dans seulementdeux cas d’hypothèse : 1) les dessaisissements (voir infra, question 19), et 2) les infractions de roulage (article 36 bis LPJ). Dans ces cas, lorsqu’un mandat d’arrêt peut être décerné, on applique le droit commun de la détention préventive, qui comprend les règles de la loi du 13 août 2011 (voir supra, question 3) mais en tenant compte du fait que les mineurs ne peuvent pas renoncer à leurs droits.

99.Pour rappel, l’article 48 bis, §1de LPJ prévoit la présence d’un tiers responsable pour le mineur privé de liberté suite à une arrestation ou mis en liberté contre la promesse de comparaître ou la signature d’un engagement. Son article 51 prévoit que le tribunal de la jeunesse informe les tiers responsables en vue de leur permettre d’être présents. Les mineurs entendus, comme victimes ou témoins d’infractions, peuvent se faire accompagner par la personne majeure de leur choix lors de toute audition judiciaire, sauf décision motivée dans l'intérêt du mineur ou de la manifestation de la vérité (article 91 bis du Code d’instruction criminelle, CIC).

100.Les dispositions sur l’enregistrement audiovisuel ont été modifiées par la loi du 30 novembre 2011 qui modifie la loi sur l’amélioration de l’approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d’autorité (M.B., 20 janvier 2012, annexe 36). Désormais, l’article 92 du CIC se lit ainsi : « §1. L'audition des mineurs victimes ou témoins d'infractions visées aux articles 372 à 377, 379, 380, §4 et 5, et 409 du Code pénal fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, sauf décision contraire motivée prise par le procureur du Roi ou le juge d'instruction tenant compte des circonstances propres à l'affaire et dans l'intérêt du mineur. Le procureur du Roi ou le juge d'instruction peut ordonner l'enregistrement audiovisuel de l'audition des mineurs victimes ou témoins d'autres infractions visées à l'article 91 bis. L'enregistrement est réalisé avec le consentement du mineur. Si le mineur a moins de douze ans, il suffit de l'en informer ; §2. L'enregistrement audiovisuel de l'audition des mineurs victimes ou témoins d'autres infractions que celles visées à l'article 91 bis peut être ordonné en raison de circonstances graves et exceptionnelles. L'enregistrement est réalisé avec le consentement du mineur. Si le mineur a moins de douze ans, il suffit de l'en informer ». Cette disposition n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2013 car il faut prévoir l’infrastructure nécessaire pour l’enregistrement audiovisuel des auditions des mineurs victimes ou témoins d’infractions, auquel il sera davantage recouru à l’avenir, en application de ce nouvel article.

101.Selon le nouvel article 47 bis du CIC, la personne entendue est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et il lui est indiqué qu’elle ne peut être contrainte de s’accuser. Pour les mineurs entendus sur des faits qui peuvent leur être imputés, l’enregistrement audio ou audiovisuel n’est pas prévu. Cependant, il fait partie de l’évaluation du Service de politique criminelle sur l’application de la loi du 13 août 2011 d’examiner le besoin de prévoir cela de manière générale. Enfin, pour les mineurs suspectés d’infraction, l’article 47 bis du CIC est strictement appliqué, que l’audition soit ou non enregistrée, en application de l’article 112 ter du CIC.

102.Le projet TAM est un projet de la police intégrée (niveaux local et fédéral) visant essentiellement à garantir que, dans un délai raisonnable, tout mineur victime ou témoin d’infraction puisse être auditionné selon les règles prescrites, par un enquêteur sélectionné et formé (brevet TAM) dans un local spécialement aménagé à cet effet. Le projet ne concerne donc pas les mineurs privés de liberté. Actuellement, le projet se poursuit. Sont étudiés les aspects suivants : les méthodes et techniques d’audition, leur évaluation, la formation des enquêteurs pouvant procéder aux auditions, les installations des locaux, l’achat de matériel, etc. Au 1er juin 2012, il existe 31 locaux aménagés sous la coordination de la police judiciaire fédérale, répartis sur la base de critères géographiques et d’opportunité. Quatre locaux supplémentaires sont prévus pour la fin de 2012.

Réponse au LOIPR, 19 – Administration de la justice aux mineurs

103.Pour rappel, l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 18 ans. Les mineurs qui commettent un fait qualifié d’infraction sont soumis à des mesures de garde, de préservation et d’éducation. L’accent est mis sur la rééducation et la réinsertion du mineur et non pas sur la punition et la sanction. La procédure de dessaisissement reste, ainsi, une procédure d’exception. On privilégie l’approche pédagogique même pour les mineurs ayant commis des faits graves. Ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’un mineur peut faire l’objet d’un dessaisissement et que lui sont alors appliquées, les règles du droit pénal pour adultes. Pour les mineurs qui commettent des délits graves alors qu’ils sont âgés de plus de 16 ans, le juge de la jeunesse peut en effet estimer qu’une mesure de protection n’est pas ou plus adéquate et décider de se dessaisir au profit de juridictions – chambre spéciale du tribunal de la jeunesse, cour d’appel ou cour d’assises – qui appliqueront le droit pénal pour adultes (article 57 bis de la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse, LPJ). Cependant, il importe de rappeler que le recours à la procédure de dessaisissement se fait dans le respect de conditions très strictes et le mineur jouit de garanties procédurales.

104.Ainsi, le dessaisissement ne peut être prononcé que par rapport à des mineurs poursuivis après l’âge de 16 ans. Il faut être en présence de l’inadaptation des mesures prévues habituellement pour les mineurs, évaluée sur la base de la personnalité du mineur et de son entourage et son degré de maturité. Il s’agit de cas où une mesure de garde, de préservation ou d’éducation ne peut être prise pour le développement positif du mineur et sa situation. Le dessaisissement ne peut être prononcé que dans deux hypothèses : 1) le jeune a déjà fait l’objet de mesures ou d’une offre restauratrice ; 2) le fait pour lequel il est poursuivi est un fait visé aux articles 373 (attentat à la pudeur avec violences ou menaces), 393 à 397 (meurtre, assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement), 400, 401 (coups et blessures avec incapacité permanente ou ayant entraîné la mort sans intention de la donner), 417ter et quater (torture/traitement inhumain), 471 à 475 (vol avec violences ou menaces avec circonstances aggravantes), ou la tentative de faits aux articles 393 à 397. Le tribunal doit motiver sa décision de se dessaisir et de renvoyer l’affaire au ministère public aux fins de poursuites devant la juridiction compétente, s’il y a lieu. Enfin, le tribunal ne peut se dessaisir qu'après une étude sociale et un examen médico-psychologique du mineur, sauf quelques exceptions. La nature, la fréquence et la gravité des faits sont prises en compte si celles-ci sont pertinentes pour l'évaluation de sa personnalité. Si le ministère public décide de poursuivre le jeune après dessaisissement, il sera en principe jugé par une chambre spécifique du tribunal de la jeunesse composée de trois juges, dont deux ont suivi la formation requise pour l’exercice de la fonction de juge de la jeunesse, le troisième étant un juge du tribunal correctionnel.

105.Concernant l’approche globale du problème de la délinquance juvénile, elle est complexe à réaliser, compte tenu de la répartition des compétences entre l’État fédéral (questions sur la procédure et les sanctions/mesures de garde et d’éducation) et les communautés (questions sur la prévention et le placement dans les institutions de protection de la jeunesse). Néanmoins, des concertations existent entre la Justice (magistrats et administration) et les communautés (administration et services sur le terrain) depuis un certain temps : du côté flamand – Structureel overleg Agentschap Jongerenwelzijn, et du côté francophone – Comité de concertation des magistrats de la jeunesse et du Ministère de la communauté française). Ces concertations se réunissent souvent et touchent à la collaboration entre les deux secteurs pour une plus grande cohérence dans l’approche de la délinquance juvénile.

Réponse au LOIPR, 20 – Prévention des abus dans les prisons, régime de sécurité particulier individuel et mise en place d’un service garanti

106.Concernant les questions a) et b), les dispositions de la loi de principes du 12 janvier 2005 (M.B., 1er février 2005) instaurant un droit de plainte auprès d’une instance indépendante (commissions de surveillance) ne sont pas encore entrées en vigueur. Cependant, comme signalé dans son rapport intermédiaire 2008 (§194 et 195), les détenus peuvent s’adresser au Président du tribunal de première instance statuant en référé en cas d’atteinte à un de leurs droits subjectifs, si la situation requiert une réaction urgente, ou à un tribunal de l’ordre judiciaire pour une procédure au fond. Le Conseil d’État, quant à lui, se déclare incompétent pour les mesures prises pour le bon fonctionnement de la prison justifiant d’aménager les droits subjectifs des détenus. Toutefois, il opère un contrôle marginal, en vérifiant s’il ne s’agit pas de sanctions disciplinaires déguisées et qu’il n’y a pas une erreur manifeste d’appréciation. Enfin, il faut rappeler qu’une grande partie de la loi de principes, notamment tout ce qui vise la vie quotidienne des détenus, y compris les régimes particuliers et le statut disciplinaire, est en vigueur.

107.Pour la question c), l’État belge se réfère aussi à son rapport intermédiaire 2008 (§196 et 197) indiquant que l’arrêté royal du 4 avril 2003 modifiant celui du 21 mai 1965 portant règlement général des établissements pénitentiaires a créé un Conseil central de surveillance pénitentiaire et une commission de surveillance au sein de chaque prison. L’arrêté royal du 29 septembre 2005 l’a modifié pour accroître l’indépendance, la transparence et le professionnalisme de ces organes. Parmi ses missions, le Conseil central exerce un contrôle indépendant sur le traitement réservé aux détenus et le respect des règles en la matière. La Commission de surveillance exerce le même contrôle dans la prison auprès de laquelle elle est créée. La loi organise d’autres contrôles indépendants des prisons par les parlementaires, les Bourgmestres, les services du Médiateur fédéral et les juges d’instruction. Enfin, un contrôle est exercé par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et des ONG telles que l’Observatoire international des prisons et la Ligue des droits de l’homme.

108.La Belgique a conclu, le 2 mai 2007, un accord avec l’Organisation des Nations Unies sur l’exécution des peines imposées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (l’« Accord » et « TPIY », annexe 38). Selon l’article 6, §1 de l’Accord, les autorités belges compétentes permettent les visites périodiques et impromptues par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) pour vérifier la condition des personnes détenues en vertu de l’Accord. À ce jour, cela ne s’applique qu’à une seule personne en Belgique. Depuis 2008, elle a reçu trois visites du CICR. Les rapports faisant suite à ces visites ont été examinés en détail. Ils ne formulaient aucune remarque fondamentale mais des recommandations pour l’amélioration du régime carcéral de l’intéressé. Dans la mesure du possible, une suite a été donnée par les autorités belges à ces recommandations.

109.Pour la question d), dans son rapport de 2010, le CPT relevait que la loi de principes et la circulaire n°1792 donnent une marge d’appréciation très large à l’administration pénitentiaire, ce qui laissait certains directeurs de prison, de leur propre aveu, dans une situation assez inconfortable, et a permis au CPT d’observer des divergences pratiques d’interprétation entre le QMSPI de Bruges et celui de Lantin. Pour rappel, la circulaire n°1792 du 11 janvier 2007 traduit en instructions opérationnelles (formulaires à l’appui) le Titre VI de la Loi de principes sur l’ordre, la sécurité et l’usage de la coercition. Dès lors que la loi donne explicitement le pouvoir d’appréciation au directeur, celui-ci peut – et doit – l’exercer. Le cadre dans lequel il agit est, néanmoins, suffisamment balisé par la loi pour éviter les dérives. Enfin, un contrôle reste toujours possible, en cas de dérives, via une action en justice.

110.En ce qui concerne la question e), un tel service garanti ou « service minimum » n'existe pas, actuellement, dans le secteur pénitentiaire belge, les syndicats y étant fermement opposés. Seul le protocole d’accord n°351 du 19 avril 2010, soumis actuellement à évaluation, règle les conflits au sein des prisons, mais sans service minimum, en cas de grève : il faut agir en fonction des circonstances et des agents présents, qu’ils soient issus du pénitentiaire, de la police ou encore des services de protection civile (annexe 39).

Réponse au LOIPR, §21 – Registre des privations de liberté

111.L'arrêté royal devant mettre en œuvre l’article 33 bis de la loi sur la fonction de police n'a pas encore été adopté. Entretemps, l'harmonisation de la forme et du contenu du registre des privations de liberté se poursuit par le biais de notes et directives internes. Le modèle pour les arrestations administratives et judiciaires a été acyualisé en avril 2010. Il est disponible pour tous les services de la police, y compris les services locaux. Il y est insisté sur le besoin de respecter les droits fondamentaux et la nécessité de bien tenir le registre. Par une note datant de mars 2010, la police judiciaire a aussi recommandé à toutes ses directions et services d'utiliser ce modèle. Par ailleurs, il est demandé à tous les services de noter dans le registre les marques de blessures présentes sur les personnes dès leur arrivée au poste (rubrique « état physique apparent »). En outre, il est fait mention des droits de l’intéressé, tels que celui d’informer une personne de confiance et celui de l’accès à un examen médical. Enfin, au sein de la Police judiciaire fédérale de Bruxelles, un projet de registre des privations de liberté informatisé a été développé et mis en place, il y a environ deux ans. Si les résultats sont concluants, ce système pourrait être testé dans d'autres services.

112.Depuis la fin de 2009, le contrôle systématique et régulier des lieux de privation de liberté par la police a été confié, en première ligne, à l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG). Le service d’enquêtes du Comité P, très actif par le passé dans ce domaine, a mis son expérience à la disposition de l’AIG, notamment par le biais d’une liste de questions standardisées. Dans le cadre de sa mission précitée de contrôle sur l’AIG (voir supra, question 8), le Comité P effectue un contrôle marginal sur la manière dont l’AIG assure cette mission et continue ainsi à suivre de près cette problématique. Dans son rapport annuel de 2010, le Comité P relevait que : « Les différents résultats des devoirs d’enquête diligentés dans le cadre de cette problématique ont montré que chaque zone de police a développé un registre des privations de liberté propre et que celui-ci ne comporte parfois pas assez d’informations afin de pouvoir s’assurer que les droits des personnes ont bien été respectés. Si les moments d’entrée et de sortie d’écrou sont mentionnés exhaustivement, il n’est parfois pas possible de savoir si la personne a, par exemple, bien eu accès à un repas, une boisson, etc. » (annexe 40, p. 68).

Réponse au LOIPR, §22 – Octroi de la liberté conditionnelle

113.L’octroi de la libération conditionnelle est une procédure très accessible car elle est lancée automatiquement dès que le condamné rentre dans certaines conditions de temps. L’article 24 de la loi du 17 mai 2006 (M.B., 15 juin 2006) relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et les droits reconnus à la victime par rapport aux modalités d'exécution de la peine définit la libération conditionnelle comme « un mode d'exécution de la peine privative de liberté par lequel le condamné subit sa peine en dehors de la prison, moyennant le respect des conditions qui lui sont imposées pendant un délai d'épreuve déterminé ».

114.L’article 25 prévoit que : « §2. La libération conditionnelle est octroyée à tout condamné à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans, pour autant que le condamné ait : a) soit, subi un tiers de ces peines; b) soit, si le jugement ou l'arrêt de condamnation a constaté que le condamné se trouvait en état de récidive, subi les deux tiers de ces peines, sans que la durée des peines déjà subies excède quatorze ans; c) soit, en cas de condamnation à une peine privative de liberté à perpétuité, subi dix ans de cette peine, ou, en cas d'arrêt de condamnation ayant prononcé la même peine et constaté que le condamné se trouvait en état de récidive, subi seize ans de cette peine; et qu'il réponde aux conditions visées aux articles 47, §1, et 48 » (c’est-à-dire qu’il n’y ait pas de contre-indications, telles que le risque de perpétrer de nouvelles infractions ou encore l’attitude du condamné à l’égard des victimes, et qu’un plan de réinsertion sociale soit présenté).

115.La procédure est lancée, automatiquement, par un avis du directeur de la prison. Ensuite, le dossier suit son parcours dans des délais légaux stricts, pour être prêt dès que le condamné se trouve dans les conditions nécessaires de temps pour être libéré sous conditions. Les articles 49 et suivants de la loi du 17 mai 2006 décrivent la procédure d’octroi de libération conditionnelle par le tribunal de l’application des peines pour les condamnés à des peines privatives de liberté de plus de trois ans. Le directeur doit rendre un avis, au plus tôt quatre mois et au plus tard deux mois avant que le condamné ne soit dans les conditions de temps. Ensuite, le ministère public doit rédiger dans le moisun avis motivé et le transmettre au tribunal de l'application des peines, qui va examiner l’affaire à sa première audience utile. Elle doit avoir lieu au plus tard deux mois après le dépôt de la demande écrite ou après réception de l'avis du directeur. Le dossier est tenu à la disposition du condamné et de son conseil pendant au moins quatre jours avant l'audience. À l’audience, le tribunal les entend ainsi que le ministère public et le directeur. La victime est entendue sur les conditions particulières à poser dans son intérêt. Le tribunal rend sa décision dans les 14 jours de la mise en délibéré. Il octroie la liberté conditionnelle quand il constate que toutes les conditions légales sont remplies et que le condamné marque son accord sur les conditions imposées (voir articles. 55 et 56). S’il n’accorde pas la libération, il doit indiquer la date à laquelle le condamné peut introduire une nouvelle demande (six mois ou un an maximum selon sa condamnation) ou la date à laquelle le directeur doit émettre un nouvel avis.

116.Pour les chiffres, 711 libérations conditionnelles ont été accordées en 2009, 688 en 2010 et 780 en 2011. L’octroi de la libération conditionnelle relève de la compétence des tribunaux de l’application des peines. Ainsi, en vertu de la séparation des pouvoirs, il n’incombe pas au pouvoir exécutif de s’immiscer dans la manière dont les tribunaux traitent les demandes de libération conditionnelle. Mais il faut souligner que la loi n’exclut aucun détenu du bénéfice de la libération conditionnelle et que les directeurs des prisons font tout leur possible pour rendre aux tribunaux des avis circonstanciés dans les délais légaux. Enfin, les condamnés à des peines de prison, dont le total n’excède pas trois ans, peuvent jouir d’une libération provisoire octroyée par l’administration pénitentiaire sur la base de la circulaire n°1771 du 17 janvier 2005 : 6 171 d’entre elles ont été accordées en 2009, 6 511 en 2010 et 6 621 en 2011.

Articles 12, 13 et 14

Réponse au LOIPR, 23 – Statistiques sur les plaintes, les poursuites et les sanctions d’agents des forces de l’ordre pour actes de torture ou de mauvais traitements

117.L’État belge met à la disposition du Comité des statistiques détaillées (annexe 41). Le premier tableau reprend les plaintes alléguant des actes de torture ou mauvais traitements par des agents des forces de l’ordre, introduites directement auprès du Comité P pour la période 2005 à 2011. Il importe de noter qu’ont été incluses, sous le couvert des plaintes alléguant des actes de torture ou de mauvais traitements par des agents des forces de l’ordre, les plaintes alléguant des faits de violence policière introduites directement auprès du Comité P. Ces chiffres visent tant les allégations de violence policière exercée contre des personnes que contre des biens. Le deuxième tableau renseigne sur les enquêtes judicaires menées par le service d’enquêtes du Comité P pour le même type d’allégations et la même période. Enfin, le troisième tableau concerne les condamnations pénales de policiers pour actes de torture ou mauvais traitements, pour la période 2009 à 2011, telles que communiquées au Comité P par les autorités judiciaires, en exécution de l’article 14, alinéa 1, de la loi du 18 juillet 1991 du contrôle des services de police et renseignements et de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace. La dernière mise à jour des données date du 15 mars 2012. Il importe de noter que toutes les autorités judicaires ne se plient pas à leur obligation de communiquer au Comité P toutes les condamnations en la matière. Ainsi, les chiffres ne sont pas exhaustifs. Enfin, l’État belge joint également six exemples concrets de condamnations prononcées en 2011 (annexe 42). Il s’agit surtout de cas de violences illégitimes (coups et blessures) exercées à l’encontre de personnes maîtrisées ne présentant plus de danger particulier.

118.Concernant les militaires belges, aucune plainte pour des faits de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, commis en Belgique ou à l’étranger, n’a été enregistrée depuis 2008.

Réponse au LOIPR, 24 – Jonction des dossiers de rébellion et de plaintes contre des agents publics

119.La connexité est un lien qui existe entre deux ou plusieurs infractions et dont la nature est telle qu’il commande, en vue d’une bonne administration de la justice et sous réserve du respect des droits de la défense, que des causes soient jugées ensemble par le même juge, celui-ci pouvant ainsi apprécier la matérialité des faits sous tous leurs aspects, la régularité des preuves et la culpabilité de chacune des personnes poursuivies. Son appréciation relève du juge de fond. La jonction des causes pour motif de connexité est facultative. Une telle jonction peut aussi se faire à la clôture de l’instruction lors du règlement de la procédure. Quant à la décision de joindre aux débats des pièces d’un autre dossier pénal, elle relève de l’appréciation du ministère public.

Réponse au LOIPR, 25 – Mécanismes de plainte et d’inspection des prisons, y compris pour les mineurs

120.Depuis 2009, l'administration du SPF Justice s’est chargée de la mise à disposition, pour les membres des commissions de surveillance, d’un bureau du soutien logistique pour organiser des réunions mensuelles et d’une assurance accidents. Auparavant, celle-ci assurait déjà le paiement de leurs états de frais, la publication des arrêtés de nomination et des rapports annuels et la correspondance. À la fin de 2011, deux des responsables du soutien de l'époque ont encore été félicités par le président du Conseil de surveillance pour la qualité du service fourni. De plus, le Conseil de surveillance dispose depuis 2011 de 100 000 euros sur le budget Justice. Ce montant lui permet de payer de façon autonome ses dépenses telles que le remboursement des frais des membres des commissions de surveillance, leur assurance, l'impression du rapport annuel, l'achat de livres, l'organisation de colloques, etc.

121.Concernant le point b), il existe en Belgique, deux centres fermés strictement fédéraux accueillant des mineurs dessaisis (le centre Tongres et une partie du centre de SaintHubert). Ils sont soumis aux mêmes mécanismes de plainte et d’inspection que tout établissement pénitentiaire (voir supra, question 20). En outre, les détenus mineurs peuvent interpeller le Délégué général aux droits de l’enfant sur leur situation et celui-ci peut visiter et contrôler les lieux, à l’instar des membres de la Chambre des représentants, du Sénat et du Parlement de la communauté française (protocole d’accord du 1er juillet 2010 conclu entre l’autorité fédérale et la communauté française). Il existe aussi deux centres fédéraux cogérés avec les communautés (centre d’Everberg et une partie du centre de Saint Hubert). Ces lieux sont soumis aux mêmes mécanismes de plainte et d’inspection que toute institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ) dépendant des communautés.

122.Le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse de la communauté française prévoit en son article 37 que le tribunal connaît des contestations relatives à l'octroi, au refus d'octroi ou aux modalités d'application d'une mesure d'aide individuelle (par exemple, placement en IPPJ). Si la conciliation échoue, il tranche la contestation portée devant lui. Sa décision n’empêche pas un accord ultérieurement intervenu entre les parties y dérogeant. Des plaintes des bénéficiaires de l’aide et la protection de la jeunesse peuvent aussi être adressées à la Direction générale de l’aide à la jeunesse. Le Conseil communautaire de l’aide à la jeunesse a recommandé de développer un service de gestion et suivi des plaintes en lien avec les services d’inspection existants. Il a aussi recommandé, dans la réforme en cours du décret, d’y indiquer explicitement que le jeune et sa famille ont le droit de porter plainte, pour non respect de leurs droits, par courrier au fonctionnaire dirigeant de l’administration compétente. Une réflexion est, donc en cours et des évolutions sont probables. Enfin, l’aide à la jeunesse dispose également d’un service spécifique d’inspection (article 52 du décret).

123.Pour la communauté flamande, il appartient aux établissements et non à l’administration de fixer des lignes précises et complètes sur leur fonctionnement. La note de politique du Ministre de l’enseignement 2009-2014 a, cependant, pour but de développer un cadre réglementaire de contrôle plus large sur les établissements de jeunes. En outre, deux décrets s’appliquent notamment aux IPPJ : 1) le décret du 17 octobre 2003 relatif à la qualité des structures de soins de santé et d’aide sociale et ; 2) le décret du 7 mai 2004 relatif au statut du mineur dans l’aide intégrale à la jeunesse. Ce dernier se concentre sur les mesures d’exécution de l’aide et offre des garanties pour un statut juridique clair du mineur, quel que soit le secteur d’aide. Il règle les droits du mineur et prévoit, entre autres, le droit de plainte. En effet, le mineur a le droit de déposer une plainte relative à l’aide reçue, aux circonstances de vie dans une institution, ou en cas de non respect de ses droits. Les parents peuvent aussi porter plainte. D’abord, le mineur peut s’adresser à son assistant social. Si ce premier contact n’est pas satisfaisant, il peut faire usage du règlement des plaintes de l’institution où il se trouve. Enfin, le mineur peut faire appel à un service de plaintes externes ou à un service de médiation (service des plaintes de « Kind and gezin », ligne d’information et de réclamation de l’assistance spéciale à la jeunesse, ou encore Commissaire flamand des droits de l’enfant) .

Réponse au LOIPR, 26 – Système efficace de traitement des plaintes contre des agents publics

124.Dans son second rapport (§243 à 245), la Belgique a indiqué que son système permet de porter plainte contre des policiers auprès du service de contrôle interne ou de l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG), ou du Comité P. Son rôle dans le traitement des plaintes a été expliqué (§424 à 428), ainsi que celui de l’AIG (§286 à 292) et de l’intervention des autorités judiciaires et disciplinaires (§403 à 406). Il n’est donc pas utile de décrire à nouveau l’ensemble du système de traitement des plaintes.

125.Concernant son évaluation, en vertu de l’article 14 bis, premier alinéa, de la loi précitée du 18 juillet 1991, il est prévu que : « Le commissaire général de la police fédérale, l’inspection générale de la police fédérale et de la police locale et les chefs de corps de la police locale transmettent d’office au Comité permanent P une copie des plaintes et des dénonciations qu’ils ont reçues concernant les services de police, ainsi qu’un bref résumé des résultats de l’enquête lors de la clôture de celle-ci ». Ce système permet au Comité P d’avoir une vue d’ensemble sur les plaintes et dénonciations ayant trait aux services de police et sur l’issue du traitement qui leur est réservé en interne. En vertu du troisième alinéa du même article, ces informations peuvent être traitées par le Comité P pour les besoins de ses missions légales de contrôle des services de police, pour analyser leur fonctionnement général et global et le comportement des membres de police individuels, et pour formuler des propositions aux autorités pour améliorer le fonctionnement des services de police. C’est ainsi que le Comité P a effectué, pour la période 2004-2006, une enquête de contrôle sur le fonctionnement des services de contrôle interne, comportant notamment un volet sur le traitement des plaintes. Cette enquête a été réactivée en 2009 à l’égard du service de contrôle interne de 30 zones de police locale. À ce jour, le Comité P ne dispose toutefois pas d’une évaluation globale du système de traitement des plaintes mettant en cause des membres des services de police.

126.Il convient aussi de noter la circulaire CP3 du 29 mars 2011 (M.B., 21 avril 2011, annexe 43) sur le système de contrôle interne dans la police intégrée/structurée à deux niveaux, qui donne notamment un cadre de référence pour la gestion des plaintes. Son annexe 2 prévoit une procédure (minimale) à cet égard pour traiter les enquêtes administratives (ni judiciaires, ni disciplinaires). La mise en œuvre de cette circulaire pourrait satisfaire, en de nombreux points, les recommandations formulées par le Comité P dans le passé relatives au traitement interne des plaintes (voir annexe 40, p. 120). Dans le cadre de son enquête susmentionnée, le Comité P ne manquera pas de vérifier comment les services de contrôle interne de ces 30 zones appliquent la circulaire CP3 dans la pratique.

127.Au niveau de la Défense, il existe un service de gestionnaire des plaintes pour répondre aux interventions de certaines personnes dans des situations spécifiques relatives à ses diverses compétences. Une intervention est une communication dans laquelle un manquement est signalé, une situation est dénoncée, une interprétation de textes légaux ou réglementaires est demandée ou encore le respect de certains droits, une attention spéciale pour une situation ou la révision d’une décision sont également demandés. La section Interventions ne se substitue pas à la hiérarchie mais agit de manière complémentaire dans la recherche d’une solution à un problème. En cas d’infraction présumée, elle informe le Parquet fédéral via la hiérarchie militaire (article 29 CIC). Si celle-ci est d’abord informée, elle prend contact immédiatement avec les autorités judiciaires. Les événements graves, commis ou constatés à l’étranger par des militaires doivent être communiqués immédiatement à la hiérarchie militaire belge, et en cas d’infraction pénale, également au Parquet fédéral. Enfin, les opérations avec un commandement international (OTAN, ONU, UE, etc..) prévoient aussi une procédure d’établissement de rapports pour la chaîne de commandement de l’opération.

Réponse au LOIPR, 27 – Système de plaintes relatives à la détention des étrangers (centres fermés)

Point a )  : Informations aux personnes faisant l’objet d’une mesure d’éloignement

128.À son arrivée au centre fermé, le résident est informé qu’il peut introduire une plainte auprès de la direction, de l’instance indépendante traitant la plainte et la procédure (fiche d’information dans de nombreuses langues et via l’équipe sociale). Par ailleurs, il est prévu de questionner régulièrement les résidents sur les informations données et leur intelligibilité, et une présentation de la procédure de plainte sur DVD à diffuser à leur arrivée (mise en œuvre de ces mesures dans le courant de l’année 2012).

129.Il importe de rappeler que la Commission des plaintes est seulement compétente pour traiter les plaintes sur le fonctionnement des centres fermés (deuxième rapport, §317 à 319) et celles des centres INAD et des lieux d’hébergement pour familles. Toutefois, le Secrétariat permanent de la Commission des plaintes n’assure pas de présence dans ces endroits. Le fait d’introduire une plainte n’empêche pas d’exécuter la décision d’éloignement. Il existe une fiche d’informations sur l’assistance juridique et l’éventuelle désignation d’un avocat pro deo pour les personnes sans moyens financiers. Ces informations sont disponibles dans de nombreuses langues et sur un DVD audio. Ainsi, un avocat peut informer le résident d’un centre fermé de sa situation et des procédures légales existantes et l’assister et/ou le représenter pour les entamer (par exemple, recours auprès des autorités judiciaires contre le maintien en centre fermé ou du Conseil du contentieux des étrangers contre la décision d’éloignement). Avec l’aide de son avocat, l’étranger peut toujours introduire auprès des autorités belges une plainte contre les services de police qui l’ont éloigné et ensuite, le cas échéant, devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Points b) et c) : Procédure d’examen des plaintes sur les centres fermés et visites d’acteurs externes

130.À propos de l’exigence de recevabilité liée à l’introduction de la plainte dans les cinq jours, il importe de noter que ce délai existe, avant tout, dans l’intérêt du plaignant. Le prolonger n’améliorerait pas le traitement des plaintes. En effet, l’analyse des plaintes démontre que la plupart d’entre elles sont déposées immédiatement après les faits, lorsque tout est encore bien en mémoire, ce qui ne peut que favoriser la rapidité de la procédure. Afin de mieux garantir les droits du plaignant, l’article 6, 2) de l’arrêté ministériel du 23 janvier 2009 quant à la procédure et les règles de fonctionnement de la Commission et du secrétariat permanent a, néanmoins, été modifié par l’arrêté du 30 juin 2010 (M.B., 8 juillet 2010, annexe 44). Désormais, les plaintes doivent être introduites dans les cinq jours à dater du lendemain du jour où il peut être considéré comme établi que le plaignant a une connaissance effective des faits ou de la décision. Auparavant, le délai de cinq jours était à dater de la décision ou des faits qui se sont produits.

131.Toutes les plaintes recevables sont examinées au fond. Lorsqu’une plainte est enregistrée, il est directement demandé à la direction du centre si une date de rapatriement est prévue. Si possible, le secrétariat permanent de la Commission se rend immédiatement sur place pour recueillir les constatations de la direction et du résident. S’il le juge utile, il effectue une tentative de conciliation entre les parties concernées. Si le résident a déjà quitté le centre, la Commission ne se prononce plus au fond pour le plaignant car celui-ci n’a plus « d’intérêt légitime actuel ». Mais cependant, cela n’empêche pas la Commission d’examiner la plainte au fond et d’émettre, le cas échéant, une recommandation envers la direction du centre. En principe, la Commission se réunit toujours dans les plus brefs délais. Toutefois, si le secrétariat permanent est informé du départ du résident, l’urgence se justifie moins. Le secrétariat est aussi tributaire de tiers : les constatations doivent être demandées aux directions des centres et souvent, les plaintes doivent être traduites. Or, ces démarches peuvent prendre un certain temps. L’État belge met à la disposition du Comité un tableau illustrant sur deux ans le nombre de plaintes introduites auprès de la Commission et le suivi effectué, y compris les conciliations (annexe 45). Il démontre que la Commission poursuit son travail, indépendamment de l’éloignement du plaignant. Le Comité trouvera aussi en annexe deux exemples (l’un relatif aux repas et l’autre à la communication avec l’avocat) qui montrent que des changements de pratique ont été opérés dans les centres fermés, suite à des recommandations de la Commission (annexe 46).

132.Enfin, l’État belge souhaite rappeler que des acteurs externes ont accès aux centres fermés et peuvent, le cas échéant, faire des recommandations. Ainsi, l’article 42 de l’arrêté royal du 2 août 2002 précise que les membres de la Chambre des Représentants et du Sénat ont toujours accès au centre de 8 heures à 19 heures. D’autres autorités y ont aussi toujours accès entre 8 heures et 19 heures, selon l’article 43 (le gouverneur de province et le bourgmestre du lieu où se trouve le centre). L’article 44 donne également aux personnes/institutions suivantes et à leurs membres accès aux centres fermés dans le cadre de l'exercice de leur mission : 1) le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ; 2) la Commission européenne pour les droits de l'homme ; 3) le CPT ; 4) le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme; 5) le Conseil du contentieux des étrangers; 6) le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ; 7) le Délégué général aux droits de l’enfant et le Kinderrechtencommissaris ; et 8) le Comité des Nations Unies contre la torture. Le Ministre ou le Directeur général peut aussi donner le droit de visiter un ou plusieurs centres fermés à d'autres institutions pour la durée et aux conditions qu'il définit (article 45). Actuellement, 25 ONG sont titulaires de ce droit. De ce fait, elles exercent un contrôle indirect. Enfin, selon l’article 11, alinéa 2, de la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux dans l’exécution de ses missions, le Médiateur fédéral peut faire toute constatation sur place (y compris dans les centres de rétention) et entendre toutes les personnes concernées.

Point d )  : É tablissement de certificats médicaux avant et après les tentatives d’expulsion

133.Chaque personne en centre fermé est vue par un médecin, au minimum au début et à la fin de sa détention. C’est le médecin du centre qui dresse le certificat d’aptitude au retour par voie aérienne ou «fit to fly». L’article 61 de l'arrêté royal du 2 août 2002 prévoit que « Lorsque le médecin attaché au centre formule des objections médicales quant à l'éloignement d'un occupant ou est d'avis que la santé mentale ou physique de l'occupant est sérieusement compromise par le maintien de la détention, de la mise à la disposition du Gouvernement ou du maintien, ou par quelque circonstance qui y soit liée, ces objections ou cet avis sont soumis par la voie hiérarchique par le directeur du centre au Directeur général qui peut suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement ou de la mesure privative de liberté. Lorsque le Directeur général ne souhaite pas suspendre l'exécution de la mesure d’éloignement ou de la mesure privative de liberté, il doit préalablement demander l'avis d'un médecin attaché à un autre centre. Si ce médecin confirme les objections ou l'avis du premier médecin, le Directeur général doit y donner suite et suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement ou de la mesure privative de liberté. Lorsque que le deuxième médecin ne confirme pas les objections ou l'avis du premier médecin, l'avis d'un troisième médecin sera déterminant. Si ce troisième médecin confirme l'avis du premier médecin, le Directeur général doit suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement ou la mesure privative de liberté ». L’étranger peut demander un médecin externe à ses frais pendant son séjour en centre fermé. Son avis pourra être pris en compte dans le cadre du « fit to fly ». À l’aéroport, par exemple, si l’étranger a un malaise, la police peut toujours demander l’assistance du service MEDA. Celui-ci fait aussi un constat si l’étranger se blesse lors d’une tentative d’évasion ou à cause de son comportement agressif. Le médecin du centre fait chaque fois un constat en cas de blessure dans le centre et/ou après chaque tentative de rapatriement échouée. L’article 61/1 précise que « Le médecin attaché au centre examine l'occupant, après toute tentative d'éloignement. Cet examen a lieu le plus rapidement possible et au plus tard 48 heures après la tentative d'éloignement. L'occupant doit collaborer à l'examen médical ». Dans tous les cas, une attestation médicale peut être donnée au résident.

134.Suite à la recommandation du CPT sur la procédure à suivre en cas de refus de départ, une note de service a été rédigée. Elle prévoit lors d’un refus de départ sous escorte que l’étranger doit être examiné dans les meilleurs délais et, au plus tard le jour ouvrable qui suit, par le service médical du centre. S’il y a des indications de lésion physique ou si l’étranger fait part de contraintes excessives, il doit être examiné dans les 24 heures et le service social ou psychologue doit lui parler et établir un rapport succinct de ses déclarations sur le déroulement de la tentative d’éloignement. La Cellule générale de coordination et de contrôle de l’Office des étrangers doit être informée de ces situations pour assurer un meilleur suivi des dossiers. Le cas échéant, elle prend contact avec le service de police concerné. Une enquête interne est alors effectuée.

Réponse au LOIPR, 28 – Effet suspensif et délai du recours en extrême urgence contre les éloignements

135.La législation belge a été adaptée en cette matière. En effet, les articles 39/82, §4, alinéa 2 et 39/83 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers (LES) ont été modifiés par la loi du 6 mai 2009 portant des dispositions diverses relatives à l’asile et l’immigration (M.B., 9 mai 2009, annexe 47). Désormais, l’article 39/82, §4 prévoit un délai de 5 jours sans qu’il ne puisse être inférieur à trois jours ouvrables, en lieu et place d’un délai de 24 heures, pour permettre à l’étranger d’introduire un recours en extrême urgence. En application de l’article 39/83, sauf accord de l’intéressé, il ne sera procédé à l’exécution forcée de la mesure d’éloignement qu’au plus tôt cinq jours après la notification de la mesure sans que ce délai ne puisse être inférieur à trois jours ouvrables, en lieu et place de 24 heures avant. Par ailleurs, dans la pratique, en cas de détention, si l’étranger introduit son recours en extrême urgence dans le délai de 15 jours à dater de la notification de la décision, le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) peut prendre une ordonnance interdisant d’éloigner l’étranger jusqu’à l’arrêt. Toutefois, plusieurs recours en cassation ont été introduits auprès du Conseil d’État par le Ministre contre ce type de jurisprudence (les 9 et 25 juin 2011 et le 14 janvier 2012). Concernant le recours en annulation, il n’est pas suspensif mais si une demande de suspension y est jointe et si une décision d’exécution forcée intervient plus tard, une demande de mesures provisoires suspensive peut être introduite. Enfin, il convient de rappeler que le CCE examine les allégations de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) en cas d’éloignements, y compris en extrême urgence (voir supra, question 9).

136.Il importe aussi de noter que depuis l’arrêt MSS contre Belgique du 21 janvier 2011 de la Cour européenne des droits de l’homme, lors de l’examen des recours en extrême urgence, le CCE vérifie désormais en premier lieu les conditions nécessaires pour mener à une suspension en extrême urgence et ce, quel que soit le délai d’introduction jusqu’à l’arrêt (cas de non détention). Dans ses décisions, le CCE se livre à un examen méthodique des griefs invoqués par les requérants à la lumière des exigences de la CEDH (annexe 48). Il estime désormais qu’un État européen n’est pas présumé respecter la CEDH, ni même la Convention de Genève de 1951. Ainsi, un examen au cas par cas doit être effectué quand l’État belge envisage le transfert d’un demandeur d’asile vers un autre État européen. Dans le cadre de l’examen du préjudice gravement réparable en cas d’éloignement, le CCE vérifie sa probabilité et sa précision. En outre, le préjudice ne doit plus être individualisé, mais il peut s’appliquer à une catégorie de personnes. Désormais, il y a donc un examen préalable des risques et des raisons invoqués par l’étranger, un partage de la charge de la preuve et une prise en compte de la particulière vulnérabilité de l’étranger, tandis que le respect des garanties procédurales est essentiel (information dans une langue, délais, demandes, décisions).

Réponse au LOIPR, §29 – Mesures de réparation et d’indemnisation des victimes de mauvais traitements par des agents de la force publique

137.L’article 4 du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle (CIC) permet à la victime d’une infraction de porter son action soit devant la juridiction répressive, soit devant la juridiction civile. Ce choix est absolument libre. Il convient de rappeler que l’action civile et l’action publique sont bien distinctes. Ainsi, cette dernière peut être exercée même si l’infraction n’a pas causé de dommage ou si la victime n’a pas déposé une réclamation en dommages et intérêts. L’action civile peut être portée devant les juridictions répressives à condition que celles-ci soient saisies de l’action publique « en même temps et devant les mêmes juges ». Pour le juge pénal, l’action civile est en effet l’accessoire de l’action publique. En se constituant partie civile, la victime peut demander une indemnisation de son dommage matériel et/ou moral. La constitution de partie civile peut s’effectuer à différents stades et de différentes manières. Elle peut se faire par simple déclaration devant le juge d'instruction. Si aucune instruction n'est en cours, il faut consigner une certaine somme d'argent. Si l’instruction est en cours, la victime se joint à l’action publique. Elle peut aussi se constituer partie civile au moment où l’affaire est examinée par la Chambre du conseil ou encore lors de l'audience devant la juridiction de jugement. La victime peut aussi choisir de s’adresser au juge civil. Elle doit alors apporter la preuve de la faute commise et le juge civil doit attendre la clôture de l’affaire devant la juridiction pénale. Enfin, la victime peut interjeter appel si la juridiction a rejeté sa demande d'indemnisation ou si elle estime le montant octroyé insuffisant. En revanche, elle ne peut pas interjeter appel de la peine imposée. Seul le prévenu et le Ministère public peuvent le faire.

138.À ce jour, la Belgique ne dispose pas d’informations sur le nombre de requêtes d’indemnisation introduites par des victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements par les agents de la force publique, ni a fortiori sur leurs résultats. À cet égard, les statistiques produites sur le nombre non exhaustif de condamnations de policiers ces dernières années (voir supra, question 23 et annexe 41) ne donnent pas d’informations sur les indemnisations octroyées aux victimes. Par rapport à la Commission pour l’aide financière aux victimes d’actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels (deuxième rapport, § 441 à 449), sa base de données ne fait pas de distinction entre la fonction de l’auteur ou le type de violences. Entre 2009 et 2011, la Commission a rendu plus de 3 500 décisions. Il est probable que certaines ont octroyé des indemnisations à des victimes de torture. Par contre, il est improbable que les auteurs aient été des forces de l’ordre puisque la Commission intervient subsidiairement dans les seuls cas où l’auteur des faits est inconnu ou insolvable (article 3 1bis, §1, 5° de la loi du 1er août 1985). Enfin, sur l’accueil et l’assistance aux victimes, l’État belge renvoie le Comité à ses précédentes explications (réponses 2008, question 31 ; deuxième rapport, § 450 à 463 : accueil des victimes dans les Parquets : rôle des maisons de justice et procureurs généraux, § 468 à 471 : aide psychosociale des communautés aux victimes). Enfin, il est intéressant de souligner que dans son rapport annuel de 2010, le Comité P relève que l’assistance policière aux victimes se traduit par un accueil irréprochable, un traitement de qualité, une orientation pertinente et une diffusion des informations utiles. Elle ne relève pas de la compétence exclusive des services de police. Tous les fonctionnaires de police ou collaborateurs civils entrant en contact avec des victimes doivent apporter leur contribution à l’accomplissement de cette fonction. Par ailleurs, le Comité P a formulé un certain nombre de recommandations entre 2009 et 2011, afin d’optimaliser l’assistance policière aux victimes (annexe 40, p. 121).

Article 15

Réponse au LOIPR, 30 – Déclarations et aveux obtenus sous la torture – Irrecevabilité des preuves

139.Pour rappel, la législation belge ne prévoit pas explicitement l’exclusion des preuves obtenues par la torture. Ceci doit néanmoins être apprécié dans le contexte du système de preuve en Belgique, où il est de doctrine et de jurisprudence constante qu’en matière répressive, il existe le principe de la liberté des preuves. En effet, le Code d’instruction criminelle (CIC) n’établit pas un mode spécial de preuve ; il appartient au juge du fond d’apprécier en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction. Ceci ne signifie pas pour autant que la preuve peut être recherchée de n’importe quelle manière. En bref, on peut dire que pour être valide, une preuve doit répondre à quatre conditions : 1) elle doit avoir une valeur démonstrative – c’est une question de fait que le juge du fond apprécie ; 2) elle doit faire l’objet d’un débat contradictoire ; 3) elle doit être recueillie de manière loyale comme prévu par les articles 28 bis et 56 du CIC qui chargent le procureur du Roi et le juge d’instruction de veiller à la loyauté et la légalité des preuves ; 4) la preuve ne peut pas avoir été obtenue illégalement, c'est-à-dire par un acte expressément interdit par la loi ou inconciliable avec les règles substantielles de la procédure pénale et les principes généraux du droit. Les cours et tribunaux belges font régulièrement application de ce principe.

140.Il convient ici de se référer à la jurisprudence dite « Antigone » de la Cour de cassation, dont l’arrêt de base date du 14 octobre 2003. Il dresse les grands principes de l’admissibilité des preuves illicitement recueillies par les agents publics. Ainsi, lorsqu’il forme sa conviction, le juge ne peut prendre en compte ni directement, ni indirectement un élément de preuve obtenu irrégulièrement quand le respect de certaines conditions de forme est prescrit sous peine de nullité, l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou quand l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable. Cette jurisprudence a ultérieurement été affinée par d’autres arrêts de la Cour de cassation, dans lesquels elle a énoncé, de manière non exhaustive, des lignes directrices concernant des circonstances que les juges peuvent prendre en considération lors de l’appréciation souveraine de la preuve du caractère équitable du procès, pris dans son ensemble (notamment, arrêts du 23 mars 2004 – l’intentionnalité ou non d’avoir commis l’acte illicite, la gravité de l'infraction dépassant de manière importante l’illicéité ; arrêts du 23 mars 2004 et du 10 mars 2008 – la preuve illicite ne concerne qu'un élément matériel de l'infraction ; arrêt du 8 novembre 2005 – la disproportion entre l’intrusion dans la vie privée et l’infraction commise). Ce système de l’exclusion des preuves, via le biais d’un régime réglementé de la recherche et de l’administration des preuves comme démontré par la jurisprudence « Antigone », a été récemment admis par la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Lee Davies c. Belgique du 28 juillet 2009.

141.Dans son rapport de 2010, le CPT fait état de sa préoccupation par rapport à des menaces proférées par la police pour obtenir des aveux et recommande de rappeler à ses membres que toute forme de mauvais traitements – y compris psychologiques – est inacceptable et peut faire l’objet d’enquêtes et de sanctions. À cet égard, l’État belge renvoie le Comité à sa réponse sur les formations dispensées aux membres de la police (voir supra, question 13) ainsi qu’à sa réponse concernant le traitement des plaintes pour violations commises par des agents publics (voir supra, questions 23 et 26). Il importe de rappeler surtout que le point 62 du Code de déontologie policière indique, expressément, que les enquêteurs s'interdisent, pour obtenir des aveux ou informations, de recourir à la violence, aux mauvais traitements ou aux manœuvres immorales (voir supra, question 14) et que la loi du 13 août 2011 précise que l’assistance de l’avocat vise notamment à permettre un contrôle du traitement de la personne interrogée, en particulier de l’exercice manifeste de pressions ou contraintes illicites (voir supra, question 3, §16).

142.En amont de la phase judiciaire proprement dite, les preuves ou les informations sont donc recherchées, collectées et traitées par les services d’application des lois (la police) selon des règles très strictes, tant au niveau du cadre juridique international que national. Des conditions sont imposées, notamment en matière de respect des droits de l’homme et de protection de la vie privée. L’échange d’informations au niveau international doit aussi reposer sur une base légale et les pays avec lesquels une coopération est mise en œuvre sont sélectionnés sur la base des garanties offertes en matière des droits de l’homme et donc, notamment, celles visant à empêcher le recours à la torture ou à des mauvais traitements pour recueillir des preuves ou des informations.

Article 16

Répo nse au LOIPR, 31 – Lutte contre les mauvais traitements, y compris sur une base discriminatoire

143.En ce qui concerne la lutte contre les mauvais traitements, y compris discriminatoires, l’État belge renvoie essentiellement le Comité à ses informations relatives aux formations dispensées aux agents publics (voi supra, question 13). Comme il a été mentionné, le respect des droits de l’homme (y compris le principe général de non discrimination) constitue le fil conducteur de la formation de tous les policiers pendant toute leur carrière. Ainsi, ils sont formés au cadre normatif national et international, qui balise toutes leurs actions. Par ailleurs, durant leur formation de base, il leur est spécifiquement enseigné d’intervenir et d’effectuer les constatations lors d’infractions aux lois anti-discrimination et contre le racisme. Des formations continues sont aussi organisées concernant le cadre légal et l’application de ces lois (annexe 8). Les policiers suivent également des formations sur la gestion de la diversité et le dialogue interculturel. Il importe de souligner qu’une convention existe entre le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et la Police fédérale, en vertu de laquelle le Centre dispense à la police de nombreuses formations et des activités conjointes sont menées (rapport d’activités 2011, annexe 49). On peut aussi signaler qu’une campagne d’information et de sensibilisation sur la lutte contre les discriminations et les dispositifs légaux en la matière a été lancée en février 2010. Elle s’adresse aux agents des services publics de la communauté française et de la région wallonne, y compris aux membres de la police locale. Concernant la prévention des mauvais traitements dans les lieux de détention, y compris des femmes et des jeunes délinquants, il est aussi renvoyé aux informations relatives aux formations dispensées (voir supra, question 13). L’accent y est en effet également mis sur le respect des droits de l’homme et des conventions internationales.

144.Dans le cadre de ses missions légales, la police peut être amenée à recourir à la force, dans le strict respect des conditions légales balisant la matière. En effet, tout recours à la force s'inscrit dans le cadre juridique interne et international, en particulier des droits de l'homme (notamment, l’interdiction de la discrimination, de la torture et des mauvais traitements). Toute violation de ces principes peut faire l'objet de poursuites sur le plan pénal ou disciplinaire (voir supra, question 26) et peut également être sanctionnée par le biais des procédures statutaires d'évaluation des membres du personnel. En ce qui concerne les sanctions des auteurs et les indemnités octroyées aux victimes, l’État belge renvoie à ses précédentes réponses (voir supra, questions 23 et 29). Enfin, par rapport aux 14 fonctionnaires de police poursuivis pour des mauvais traitements infligés à la gare de Bruxelles-Midi, ces dossiers sont toujours en cours d’examen par les autorités judiciaires et, à ce titre, couverts par le secret professionnel. Sur le plan administratif, le traitement est en attente du résultat de la procédure judiciaire. Sur le plan disciplinaire cependant, il importe de souligner qu’il y a déjà eu plusieurs démissions volontaires avant la clôture du dossier, un cas de révocation et plusieurs sanctions disciplinaires prononcées.

145. Concernant les cas de mauvais traitements qui se produiraient dans les zones de police de Bruxelles-Midi et de Bruxelles-Ixelles, ceux-ci feraient l'objet d'un traitement conformément aux principes susmentionnés. On peut néanmoins souligner que la formation des policiers y a été renforcée. Il importe aussi de mentionner que des instructions internes sont toujours données, après la survenance d’incidents, pour y réagir et prévenir d’autres faits similaires à l’avenir. Cela fait partie de l’évaluation continue des processus de travail au sein de la police.

Réponse au LOIPR, 32 – Prévention des mauvais traitements dans tous les lieux de détention

146.L’État belge est conscient que l’augmentation de la capacité pénitentiaire (voir infra, point c) ne suffit pas à résoudre le problème de la surpopulation. À cet égard, la Belgique souligne qu’elle a toujours mené une politique pénale ouverte en faveur des mesures et des peines alternatives à l’emprisonnement. Il convient de rappeler les possibilités suivantes : la loi du 29 juin 1964 sur la suspension, le sursis et la probation; l’article 21 6 ter du CIC sur la médiation pénale; la peine de travail (loi du 17 avril 2002) comme peine autonome que les juges de fond peuvent prononcer en matière correctionnelle et de police et enfin, dans le cadre de la détention préventive, la libération sous conditions ou caution. Ces peines et mesures alternatives font l’objet de promotion via différentes mesures : des structures de concertation aux niveaux fédéral et local réunissant de manière régulière les acteurs de terrain ; des formations pour l’ordre judiciaire ; et l’existence d’un coordinateur des mesures alternatives dans chaque maison de justice qui a, notamment, pour tâche de sensibiliser les acteurs de terrain et le grand public.

147.Il importe de souligner que la peine de travail connaît du succès depuis son introduction en 2002. Ainsi, de 2005 à 2011, le nombre de dossiers traités par les maisons de justice est le suivant : 8 903 en 2005, 9 490 en 2006, 9 727 en 2007, 10 108 en 2008, 10 108 en 2009, 10 531 en 2010 et 9 341 en 2011. Ceci illustre le succès et le degré d’utilisation des mesures et des peines alternatives. Il faut relever cependant que dans le futur, des problèmes pratiques pourraient se poser concernant la disponibilité des lieux de prestation pour effectuer ces peines le weekend ou le soir, ou les besoins de la communauté. Au niveau de la détention préventive, une libération sous conditions ou caution est possible. À l’avenir, il importe de souligner la détention préventive sous bracelet électronique (qui touchera potentiellement une population représentant près de 40% de la population pénitentiaire actuelle). D’ici à la fin de 2012, les magistrats et les juridictions d’instruction pourront en effet recourir à cette détention à domicile. Si l’objectif visant à toucher 10% de la population actuelle (400 personnes) est atteint, cette nouvelle modalité aura un effet non négligeable sur la population pénitentiaire. Enfin, les modalités d’exécution de la peine d’emprisonnement permettent aussi de réduire la durée effective des détentions (voir supra, question 22 : surveillance électronique, détention limitée, libération conditionnelle et mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire). Notamment, il importe de signaler l’augmentation de la peine de surveillance électronique (827,5 détenus en 2009, 932,6 en 2010 et 995 à la mi-2012).

148.Concernant le point b) relatif à la capacité d’accueil des prisons, l’État belge renvoie le Comité à sa réponse déjà fournie à ce sujet (voir supra, question 15 et annexes 31 et 32). À propos de l’augmentation de la capacité des prisons, le Master plan 2008-2012-2016 pour une infrastructure carcérale plus humaine prévoit de regagner de la capacité par des travaux de rénovation, d'extensions sur des sites existants ainsi que par de nouvelles constructions. Son exécution bat son plein mais les grandes extensions ne produiront de résultats effectifs, sur le plan structurel, qu'en 2013. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé – à titre de mesure transitoire jusqu'à la mise en service des nouveaux établissements – de louer temporairement l'établissement pénitentiaire de Tilburg aux Pays-Bas. La Belgique a pris connaissance avec intérêt du rapport du CPT à ce sujet et de ses recommandations et y donnera, en concertation avec les Pays-Bas, les suites qui s’imposent. Par ailleurs, de nouveaux bâtiments sont prévus à Marche-en-Famenne (312 places), Leuze (312 places), Beveren (312 places) et Dendermonde (444 places). Les travaux de construction de Marche-en-Famenne ont débuté le 20 octobre 2011 et la fin des travaux est prévue pour 2013. Le Master plan vise également à augmenter la capacité d’hébergement pour les internés. Il prévoit de construire deux centres de psychiatrie légale (CPL), l’un à Gand et l’autre à Anvers, offrant respectivement 272 et 180 places. Les travaux de construction du CPL à Gand ont démarré en octobre 2011 et la fin des travaux est prévue pour 2013. Quant au CPL prévu à Anvers, il fait actuellement l’objet d’une demande de permis de bâtir et la fin des travaux est prévue pour 2014. Enfin, la construction d’un nouvel établissement de 1 190 places est prévue à Haren (région bruxelloise) pour 2016 – 2018.

149.Concernant les soins aux détenus, on peut souligner, à titre d’exemple, que la Commission communautaire française (COCOF) soutient l’association Cap-Iti dans ses activités pour les détenus et les ex-détenus. Elle propose un accueil pour ceux-ci, des informations sur les centres de cure et d’après-cure à Bruxelles et de la communauté française aux détenus des prisons bruxelloises, des suivis sociaux et accompagnements psychologiques en prison et au centre, ainsi qu’un accueil, un soutien et une possibilité de suivi pour l’entourage des détenus.

150.Pour les centres fermés, l’assistance médicale et sociale, le bien-être matériel et l’hygiène sont prévus aux articles 52 à 61/1 de l’arrêté royal du 2 août 2002 sur le fonctionnement des centres fermés. Pour la transmission d’informations médicales pour prendre les mesures préventives nécessaires, une note a été diffusée aux médecins des centres fermés et aux responsables des services centraux. Il s’agit des mentions sur la santé des résidents qui doivent, impérativement, être données aux médecins (par exemple. en cas d’usage de la contrainte ou pour répondre de manière adaptée à la demande d’un résident, ou si la situation l’exige – exemples : épilepsie, tuberculose, fracture de membre, grossesse, opération récente, sutures, tension, automutilation, risque de suicide, sourd-muet, etc.). En outre, l’Office des étrangers a conclu des contrats avec des hôpitaux psychiatriques pour définir la collaboration de l’aide aux illégaux, demandeurs d’asile et résidents des centres fermés ayant des problèmes psychiatriques. Une hospitalisation vise l’amélioration ou la stabilisation de leur état de santé mentale. Après avoir été traité dans le centre psychiatrique, ils sont rapatriés, sauf quand les problèmes psychiatriques sont tels qu’un séjour en Belgique est nécessaire pour des raisons thérapeutiques et/ou humanitaires. Enfin, il y a un psychologue pour les résidents dans chaque centre fermé. Depuis la mi-juin 2011, il y a aussi un psychologue qui les coordonne tous.

151.Au sujet du point e), la loi de principes du 12 janvier 2005 prévoit la séparation des prévenus et condamnés. Néanmoins, les prévenus qui le souhaitent peuvent déroger à la règle pour participer à des activités communes. Ils le font sur la base d’une déclaration expresse. Au sujet du point f), il n’y a rien de neuf à signaler depuis 2009. Le contrôle judiciaire sur les conditions de détention continue à s’exercer via les juridictions de l’ordre judicaire et la défense des droits subjectifs. Enfin, pour le point g), il est essentiellement renvoyé aux points c) et d).

Réponse au LOIPR, 33 – Interdiction des châtiments corporels

152.La Belgique a une approche holistique en matière de châtiments corporels (prévention, répression, soutien et assistance aux familles). Ces châtiments ne constituent pas une infraction spécifique, mais un nombre suffisant de règles pénales et civiles leur est directement applicable. Ainsi, les châtiments corporels peuvent constituer des coups et blessures (articles 398 et suivants du Code pénal) et/ou des traitements dégradants (articles 417 bis et suivants).Des circonstances aggravantes sont prévues lorsque les mauvais traitements sont commis envers un mineur par ses parents ou toute autre personne ayant autorité sur lui. En outre, le droit de l’enfant au respect de son intégrité physique et mentale est inscrit à l’article 22 bis de la Constitution et il est protégé par l’article 371 du Code civil qui prévoit que « L’enfant et ses pères et mères se doivent à tout âge mutuellement respect ».

153.Le 21 octobre 2008, une circulaire a été adoptée pour rappeler aux Parquets que « les châtiments corporels administrés aux enfants sont susceptibles selon les circonstances de constituer des coups et blessures et/ou des traitements dégradants incriminés ». Elle reprend expressément la définition des châtiments corporels du Comité des droits de l’enfant et vient appuyer la jurisprudence belge existante. Ainsi, par arrêt du 12 avril 1983, la Cour de cassation a jugé que la notion de coups et blessures vise toute lésion externe ou interne, si légère soit-elle, apportée au corps humain de l'extérieur. Par arrêt du 25 février 1987, elle a indiqué que les dispositions pénales sont applicables aux actes volontaires de violence, quel que soit le mobile, même si leur auteur n'aurait pas voulu le dommage causé. Par décision du tribunal correctionnel d’Anvers, un enseignant a été puni pour avoir utilisé des châtiments corporels. Par arrêt du 1er octobre 2008, la Cour d’appel d’Anvers a puni un père pour traitements inhumains envers ses fils leur causant des souffrances physiques et mentales, pour les punir ou comme expression de leur éducation brutale. Il est puni notamment selon les articles 405 bis (coups et blessures envers un mineur) et 417 quater (traitement inhumain) du Code pénal, à 5 ans de prison, dont une année avec sursis pendant 5 ans. Cette peine sanctionne aussi le père pour avoir abusé sexuellement de ses filles pendant plusieurs années.

154.Au niveau civil, on peut souligner l’adoption, le 15 mai 2012, d’une loi relative à l’interdiction temporaire de résidence en cas de violence domestique (non encore en vigueur). En outre, une autre loi prévoit des sanctions pénales en la matière. Désormais, le procureur du Roi pourra ordonner l’éloignement temporaire d’une personne de sa résidence, en cas de menace grave et immédiate pour la sécurité d’une ou plusieurs personnes vivant sous le même toit. La loi vise la violence entre partenaires mais aussi les actes de violence commis, par exemple, sur les enfants. La personne éloignée devra quitter immédiatement la résidence commune et aura interdiction d’y pénétrer, de s’y arrêter, d’y être présent et d’entrer en contact avec les personnes visées par l’ordonnance. L’interdiction vaudra pendant 10 jours maximum. Une audience devra être fixée dans ce délai. Le juge de paix pourra lever l’interdiction ou la prolonger de trois mois au maximum. On peut souligner que la mise en œuvre de cette loi devra être encadrée par une circulaire du Collège des procureurs généraux.

155.Des campagnes d’éducation et prévention sont souvent organisées par les communautés pour sensibiliser la population, et surtout les parents, au problème de la violence envers les enfants. Deux agences indépendantes ont été créées par les entités fédérées : l’Office de la naissance et de l’enfance pour la communauté française (décret du 30 mars 1983, réformé par un décret du 17 juillet 2002) et le Kind & Gezin pour la communauté flamande (décret du 4 avril 2004). Elles offrent une multitude de services d’information et de conseils et un soutien aux familles, sur le plan des soins médicaux préventifs et sur le plan socio-pédagogique. Elles s’attachent notamment à promouvoir une éducation respectueuse de l’enfant, interdisant les châtiments corporels et mettant en avant des solutions pédagogiques. Kind & Gezin offre des brochures et des informations, via internet, et des conseils sur l’éducation. Il existe aussi plusieurs initiatives à la portée de tous, telles que des magasins éducatifs et une ligne téléphonique. L’Office de la naissance et de l'enfance prévoit également un soutien pédagogique aux familles par le biais de plusieurs canaux : dépliants et brochures, assistance aux familles, etc. En communauté française, il y a aussi une ligne d’accueil téléphonique adapté aux mineurs. En outre, les équipes SOS Enfants préviennent et traitent des situations d’enfants victimes de maltraitances physique, psychologique, sexuelle, institutionnelle et de négligence. L’aide ne se limite pas à la protection de l’enfant mais aussi à la création avec la famille d’un espace où on peut parler. Il convient également de noter que le Délégué général aux droits de l’enfant (créé en Communauté française en 1991), en plus de ses missions de promotion, traite aussi de cas individuels. Pour ce faire, il est doté de pouvoirs d’investigation réels et efficaces. Enfin, à titre d’exemple, on peut citer le programme YAPAKA de prévention et de sensibilisation à la maltraitance. Selon lui, si l’on souhaite promouvoir une éducation non violente, il est indispensable de donner l’exemple, faire œuvre de créativité et considérer que les parents cherchent à faire le mieux possible et qu’ils ne doivent pas être surveillés. Il lance, en continu, de vastes campagnes de sensibilisation. Du côté néerlandophone, dans une note du Gouvernement flamand (VR 2011 2309 MED. 0456), les Ministres de la santé publique, du bien-être et de la famille et les Ministres de la jeunesse, l’enseignement et les sports se sont engagés à quatre lignes d’action : 1) la signature et le suivi d’une déclaration d’engagement concernant la protection de l’intégrité sexuelle des mineurs ; 2) le développement d’une offre de formation pour les éducateurs, les assistants sociaux et les formateurs pour leur apprendre à gérer des situations de violence et maltraitance sur les plans de la prévention, la détection, la communication ainsi que le suivi des cas ; 3) ; le développement d’un point de contact « violence, abus et maltraitance infantile » – disponible depuis mars 2012 à la ligne 1712 et annoncé via une large campagne de sensibilisation avec l’accent sur la maltraitance infantile ; 4) l’organisation conjointe le 17 décembre 2012 par le Bien-être, l’enseignement, la jeunesse et les sports d’une journée d’études sur les excès de compétences en matière de violence sur les enfants et les jeunes. Pour le Bien-être, la santé publique et la famille, il est important de fixer une règle uniforme pour tous les secteurs indiquant clairement que les normes doivent disposer d’une procédure pour les situations de comportements « limites » qui doivent aussi faire l’objet d’une communication aux agents compétents. Tel est déjà le cas pour quelques secteurs.

156.La Justice et les communautés française et germanophone et la région wallonne ont signé un Protocole, en 2007, pour faciliter les interventions entre les secteurs médico-psycho-social-judiciaire dans l’intérêt de l’enfant. En 2010, la Justice et la communauté flamande ont signé un « stappenplan » qui décrit les différentes étapes que doit suivre un dossier de maltraitance : la maltraitance intrafamiliale doit davantage être traitée par le secteur de l’aide, tandis que la maltraitance extrafamiliale doit être plutôt orientée vers le secteur de la justice.

Répo nse au LOIPR, 34 – Utilisation du Taser

157.La loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes (M.B., 9 juin 2006) classifie celles-ci en catégories (dont les armes prohibées, comme le Taser) et détermine un régime administratif pour chacune d’elles. Son article 27 prévoit des exceptions aux règles générales et son §1 leur non application aux armes des services de l’autorité énumérés par arrêté d’exécution. L’arrêté royal du 26 juin 2002 sur la détention et le port d’armes par les services de l’autorité ou de la force publique (M.B., 29 juin 2002) les liste (services de police, douanes, Sûreté, etc.) et pour chaque service, le Ministre compétent doit déterminer les armes de service autorisées, les conditions pour les acquérir, les stocker, les utiliser, etc. Pour la police intégrée, il s’agit d’un arrêté royal du 3 juin 2007 (M.B., 22 juin 2007) énumérant les armes de service sans indiquer explicitement le Taser, qui fait partie de l’armement « spécial ».

158.En application de cet arrêté royal et de la circulaire GPI 62 du 14 février 2008 sur l'armement de la police intégrée, le Ministre de l’intérieur n’autorise l’acquisition d’un armement spécial que sur la base d’une demande dûment motivée et moyennant le respect de conditions strictes, notamment la condition que chaque membre du personnel qui porte l’arme soit désigné nominativement et ait suivi une formation spécifique où il est entraîné à l’utiliser et aux secours à porter, le cas échéant, aux victimes. En outre, le maintien de cette autorisation est subordonné au suivi d’entraînements spécifiques, réguliers et obligatoires. Ainsi, la Belgique a pris les mesures nécessaires pour limiter l’acquisition, le port et l’utilisation du Taser. À ce jour, seuls certains services de police en disposent mais moyennant des conditions très strictes relatives à l’utilisation, la formation, le rapportage et le contrôle. Il existe deux formations : 1) la formation sur les armes spéciales /usager X26 de 12 heures, qui ne peut être suivie que par les personnes ayant une autorisation nominative – il s’agit des membres de CGSU INT (unités spéciales de la police), cinq zones de police locale Brugge-Cobra et 13 zones de police locale Antwerpen-BBT (il s’agit, pour les zones de police, de l’usage seulement dans les établissements pénitentiaires) ; 2) la formation de Trainer CED de 18 heures, suivie par des spécialistes en maîtrise de la violence qui dispensent ensuite les formations. Toutes ces formations font l'objet d'un dossier d'agrément rédigé et approuvé selon les procédures en vigueur, et à ce titre, elles font également l'objet d'une procédure d'évaluation.

159.En outre, l’utilisation du Taser est soumise aux conditions strictes du recours à la force imposées à l’article 37 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, constituant un garde-fou efficace contre tout usage abusif. Elles sont rappelées lors de chaque formation à l’usage d’une arme et de chaque session d’entraînement, suivies également par les unités spéciales de la police fédérale. Il leur est notamment indiqué que le simple fait de ne pas répondre à une injonction – sans autre facteur de risque – n’est pas suffisant pour justifier l’usage du Taser. À ce jour, l’évaluation des risques liés au Taser est toujours en cours, selon les procédures en vigueur. Enfin, tout recours à la force doit être rapporté (signalement) aux directions de la police fédérale pour mettre en œuvre des procédures policières ou l’appui spécialisé, et effectuer l’analyse qualitative et quantitative des événements. Cette obligation a encore été rappelée dans une note de la police fédérale (note DSE-061963-f du 9 juillet 2010).

III. Autres questions

Réponse au LOIPR, 35 – Lutte contre le terrorisme et impact sur les droits de l’homme

160.En Belgique, la lutte contre le terrorisme s’exerce dans le respect de l’état de droit. Pour rappel, la loi du 19 décembre 2003 prévoit qu’aucune des dispositions du Code pénal relatives aux infractions terroristes ne peut être interprétée comme visant à réduire ou à entraver des droits et libertés fondamentaux, comme le droit de grève, la liberté de réunion, d’association et d’expression (article 141 ter du Code pénal). Le recours en annulation de cette loi, notamment pour violation du principe de la légalité des peines et délits, a été rejeté par l’ancienne Cour d’arbitrage (arrêt n°125/2005, 13 juillet 2005), ce qui démontre que le législateur a bien respecté ce principe lors de l’insertion des articles 137 et suivants dans le Code pénal.

161.La législation sur le terrorisme a été discutée dans le cadre de l’adoption de la loi du 4 février 2010 sur les méthodes de recueil des données des services de renseignement et de sécurité (M.B., 10 mars 2010, annexe 50). En effet, le Parlement a procédé à des auditions en février et en mars 2009 (document parlementaire 522128, Chambre représentants), lors desquelles ont notamment été entendus le coordinateur de la lutte antiterroriste de l’Union européenne, le procureur fédéral, l’avocat général de la Cour de cassation, des ONG, et lors desquelles l’accent a été mis sur le besoin d’une répression adéquate et de la prévention. La nouvelle loi prévoit une série de méthodes spécifiques et exceptionnelles de recueil de données et est le pendant, pour les services de la Sûreté de l’État, de la loi du 6 janvier 2003 pour la police fédérale. Elle permet aux deux services belges de renseignements et de sécurité (civil et militaire) d’utiliser des méthodes spéciales (telles que l’observation et l’écoute) lorsqu'il existe des menaces graves contre la sûreté intérieure de l'État et la pérennité de l'ordre démocratique et constitutionnel, contre la sûreté extérieure et les relations internationales, et contre le potentiel scientifique ou économique, et que ces menaces sont liées à une activité en rapport avec l'espionnage, le terrorisme - y compris le processus de radicalisation -, la prolifération, les organisations sectaires nuisibles et les organisations criminelles (nouvel article 18/9 de la loi du 30 novembre 1998 des services de renseignement et de sécurité).

162.Actuellement, deux projets de loi sont en cours de préparation pour compléter l’arsenal législatif existant. Le premier a pour but de conformer le droit belge à la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 14 septembre 2005 et à l’Amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 8 juillet 2005. Il s’agit d’ajouter dans la loi de nouvelles définitions (matière radioactive, installation nucléaire et engin) et incriminations liées aux actes de sabotage. Le second projet vise à conformer le droit belge à la Convention pour la prévention du terrorisme du 15 mai 2005 du Conseil de l’Europe et à la décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2008. Il s’agit d’ériger en infraction pénale la provocation publique à perpétrer une infraction terroriste, le recrutement et l’entraînement aux fns du terrorisme. L’exposé des motifs du projet stipule que ces infractions, en particulier la provocation publique à des actes terroristes, doivent s’interpréter en fonction des obligations internationales, dont la jurisprudence de la Cour européenne en matière de liberté d’expression. Une référence à la liberté de la presse et à la liberté d’expression dans d’autres médias sera ainsi ajoutée à l’article 141 ter précité du Code pénal.

163.En matière extraterritoriale, la nouvelle loi du 6 février 2012 modifiant la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale quant à la poursuite de certaines infractions commises à l'étranger (M.B., 7 mars 2012, annexe 51) permet de poursuivre en Belgique les auteurs de certaines d’entre elles, même si ceux-ci ne sont pas trouvés en Belgique. Il s'agit notamment des infractions terroristes (article 137 du Code pénal) et de la prise d’otages (article 347 bis du Code pénal). En outre, il importe de rappeler qu’en vertu de la loi du 15 mai 2007, lorsqu’une extradition est demandée sur la base d’une infraction terroriste ou de droit international humanitaire, la clause politique ne peut plus être invoquée afin de refuser l’extradition. Le refus est néanmoins obligatoire s’il existe des motifs sérieux de penser qu’un déni flagrant de justice pourrait être ou a été commis ou de danger de torture ou de traitements inhumains et dégradants (voir supra, question 9).

164.Les infractions terroristes sont soumises au droit commun de la procédure pénale (arrestations, détention, interrogatoires, procès, condamnations, recours). La loi du 6 janvier 2003 a donné la base légale aux méthodes particulières de recherche (infiltrations, observations, recours aux indicateurs) ainsi que d’enquêtes (contrôle du courrier, observation visuelle discrète). La plupart de ces pratiques était appliquée auparavant sur la base de circulaires ministérielles. Ainsi, la loi crée une sécurité juridique pour les justiciables faisant l’objet de ces méthodes et les policiers devant les appliquer. De plus, les mécanismes de contrôle prévus pour ces mesures sont minutieusement développés dans la loi. Celle-ci a été modifiée par la loi du 27 décembre 2005 portant des modifications diverses au Code d’instruction criminelle (CIC) et au Code judiciaire pour améliorer les modes d’investigation dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et organisée, à la suite de l’arrêt 202/2004 du 21 décembre 2004 de l’ex-Cour d’arbitrage qui contestait, notamment, l’absence de contrôle indépendant (par un juge d’instruction ou un magistrat du siège) lors de l’utilisation de ces méthodes. La nouvelle loi apporte des corrections relatives à la définition de la provocation, du champ d’application de la mini-instruction et du contrôle judiciaire requis pour la mise en œuvre des méthodes d’observation et d’infiltration. Par ailleurs, la loi du 27 décembre 2005 établit de nouvelles méthodes d’enquête (notamment la collecte de données relatives à des comptes bancaires, des coffres bancaires ou des instruments financiers et à des transactions bancaires, le contrôle visuel discret, l’utilisation de matériel photographique dans le cadre d’observations, la perpétration des infractions par des indicateurs et les écoutes directes) et prévoit la désignation de juges d’instruction spécialisés dans la lutte contre le terrorisme.

165.La loi du 27 décembre 2005 a fait l’objet de l’arrêt 105/2007 de la Cour constitutionnelle du 19 juillet 2007 qui annule ses articles 47 ter, §1, alinéa 3, 47 decies, §7, la deuxième phrase de l’article 47 undecies, alinéa 2, la deuxième phrase de l’article 47 undecies, alinéa 3 et l’article 235 ter, §6 du CIC (articles sur l’application de méthodes particulières de recherche pour les personnes qui se sont soustraites à l’exécution de peines ou d’autres mesures privatives de liberté, la commission des infractions par des indicateurs dans des cas exceptionnels pour maintenir leur position d’information ainsi que l’absence de recours contre les décisions de la chambre des mises en accusation concernant le contrôle du dossier confidentiel). Une loi du 16 janvier 2009 a prévu qu’un arrêt de la chambre des mises en accusation peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, en vertu de l’article 235 ter. Pour le reste, le projet de loi de réparation de la loi du 27 décembre 2005 n’a pas abouti sous la précédente législature. Celui-ci ne reprenait pas la commission des infractions par des indicateurs. Seule la disposition sur les méthodes particulières de recherche sur les personnes s’étant soustraites à l’exécution de leur peine reste donc à réparer.

166.Par rapport à la détention des personnes dans le cadre du terrorisme, le CICR a proposé à la Belgique ses services pour leur rendre visite (condamnées ou en attente de jugement). Ces visites ont pour but d’évaluer leurs conditions de détention ou d’internement. En avril 2010, un accord de principe a été donné à cette proposition.

167.Concernant le nombre et la nature des condamnations prononcées en matière de terrorisme, il ressort d’une question parlementaire de 2009les condamnations suivantes (toutes n’étaient pas définitives lors de la réponse à cette question) : en 2006, il y aurait eu la condamnation de six personnes (cinq de nationalité marocaine et une belge d’origine marocaine) ; en 2007, on a trois personnes condamnées sur la base de la loi du 19 décembre 2003 (deux de nationalité marocaine et une belge d’origine marocaine) et en 2008, on compte trois condamnations (trois personnes de nationalité belge dont une d’origine algérienne). En outre, pendant la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, on compte le nombre suivant d’affaires de terrorisme (T) ou d’autres infractions avec le code de contexte de terrorisme (CCT) enregistrées dans les parquets correctionnels du pays : en 2009, on a 91 affaires (75 T et 16 CCT) ; en 2010, on a 80 affaires (74 T et six CCT) et en 2011, 83 affaires (74 T et neuf CCT). Cependant, aucune de ces affaires n’avait été jugée au 10 janvier 2012. En revanche, quelques décisions sont intervenues en première instance pendant la période de référence, pour des affaires introduites auprès des parquets avant 2009 ; en 2010, trois condamnations ont été prononcées et en 2011, une suspension du prononcé (annexe 52). Enfin, il existe une loi du 1er avril 2007 en faveur des victimes sur l’assurance contre les dommages causés par le terrorisme.

168.Au niveau international, il convient de mentionner l’affaire SAYADI-VINCK. Ces personnes avaient été placées sur la liste du Comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, en raison de leurs liens avec un groupe présumé terroriste. Leurs comptes et avoirs avaient été gelés. Le 11 février 2005, le Tribunal de première instance de Bruxelles a ordonné le retrait de leurs noms de la liste mais, pour ce faire, chaque membre du Comité devait voter en ce sens. Entre-temps, une communication individuelle a été déposée devant le Comité des droits de l’homme contre la Belgique. Le 9 décembre 2008, il a constaté une violation des articles 12 (droit de circuler librement) et 17 (droit à la vie privée) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le 21 juillet 2009, les noms des intéressés ont été radiés de la liste. Ceci est l’aboutissement des démarches intenses et répétées de la Belgique auprès des délégations concernées du Comité des sanctions de l’Organisation des Nations Unies.

169.Dans le domaine des formations, les policiers en reçoivent en matière de terrorisme (annexe 8). Il existe, en effet, une formation spécifique à ce sujet. Le phénomène est abordé sous l'angle du radicalisme, qui est considéré comme une antichambre potentielle du terrorisme. Sous la présidence belge du Conseil de l'Union européenne en 2010, un projet concret ("COPRA" – Community Policing and Prevention of Radicalisation) a été lancé qui suit toujours son cours. La volonté est d'aborder et d'étudier à l'avenir dans les formations toute forme de radicalisme pouvant amener à des actes de terrorisme, pour que chaque policier de terrain reçoive une formation standardisée adaptée à ses besoins. Ces améliorations sont progressivement injectées dans les programmes de formation. Ce projet vise à sensibiliser les policiers au problème du radicalisme par une double approche proactive et réactive.

170.Sur la scène internationale, à l’occasion de sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour la période 2009-2012, la Belgique a pris des engagements en matière de droits de l’homme. Notamment, elle s’est engagée à garantir les droits fondamentaux de l’individu dans ses propres dispositions de lutte contre le terrorisme et à continuer d’œuvrer pour que celle-ci s’opère, sur le plan international, dans le respect des droits de l’homme. En outre, la Belgique parraine traditionnellement au Conseil des droits de l’homme et à la Troisième Commission de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies les résolutions sur la protection des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme.

171.Enfin, en ce qui concerne la recommandation de l’ex-Commissaire aux droits de l’homme, T. Hammerberg, au sujet tout d’abord du degré de précision des infractions terroristes, il convient de rappeler que l’article 137 du Code pénal belge reprend les infractions prévues par l’article 1 de la décision-cadre de l’Union européenne du 13 juin 2002 sur la lutte contre le terrorisme. D’ailleurs, la Commission européenne a déclaré que la Belgique l’a transposée en très grande partie correctement [COM(2004)409final et COM/2007/0681final]. De plus, il importe de noter que l’incrimination du terrorisme doit être suffisamment claire et précise, mais pour également assurer son efficacité, assez large pour notamment prendre en compte des comportements non prévus par le législateur. Cependant, des dispositions spécifiques existent pour éviter les abus (articles 139 et 141 ter).

172.À propos du champ d’application des méthodes particulières de recherche (MPR), il n’est pas nécessaire de le restreindre davantage. D’ailleurs, le dernier arrêt constitutionnel n’a pas annulé les dispositions à cet égard. Pour rappel, les MPR sont soumises aux conditions de subsidiarité et de proportionnalité et les méthodes les plus intrusives ne peuvent être utilisées qu’en cas d’indices sérieux selon lesquels les faits punissables sont ou seraient une infraction visée à l’article 90 ter, §2 à 4, ou sont ou seraient commis dans le cadre d’une organisation criminelle (article 324 bis du Code pénal). Par ailleurs, les MPR font l’objet de nombreux contrôles : 1) au sein de chaque direction judiciaire déconcentrée, un officier est chargé du contrôle permanent des MPR dans l’arrondissement ; 2) l’utilisation des indicateurs est contrôlée par les gestionnaires locaux et nationaux des indicateurs ; 3) le procureur du Roi exerce un contrôle permanent sur l’utilisation des MPR par les services de police dans son arrondissement judiciaire ; 4) le Collège des procureurs généraux exerce un contrôle sur les MPR d’observation et d’infiltration, en cas de non poursuites. Enfin, un contrôle est aussi exercé par le juge d’instruction, la chambre des mises en accusation, les juridictions de fond et enfin, le Parlement, par le biais d’un rapport annuel.

173.Concernant le projet d’arrêté royal sur les fichiers policiers, il n’a pas encore vu le jour et il sera modifié selon le projet de directive de l’Union européenne en cours d’élaboration sur la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de leurs données. En la matière, il importe de rappeler que la loi du 8 décembre 1992 sur la protection des données de caractère personnel s’applique aux traitements de données à des fins de lutte contre le terrorisme, qu’ils soient gérés par les services de police ou de renseignement. En vertu de son article 6, ces données ne peuvent être traitées que si le traitement est nécessaire à une obligation légale ou à l’exécution d’une mission d’intérêt public. Par ailleurs, selon l’article 5, ces données doivent être nécessaires, adéquates et proportionnées quant aux finalités poursuivies. En vertu de l’article 13, les personnes souhaitant avoir accès à leurs données peuvent s’adresser à la Commission de la protection de la vie privée (organe indépendant institué auprès du Parlement), qui enquêtera chez les services de police et/ou de renseignement en vue de vérifier la conformité légale des traitements. Les personnes peuvent aussi, le cas échéant, porter plainte au pénal contre ces services. Enfin, il importe de souligner que la loi organique des services de renseignement et de sécurité du 30 novembre 1998, modifiée en 2010, indique que le recueil des données ne peut être utilisé dans le but de réduire les libertés individuelles, et implique le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. En outre, ces services ne peuvent exploiter les données protégées par le secret professionnel des avocats ou des médecins ou par le secret des sources des journalistes. La loi sur la fonction de police en date du 5 août 1992 prévoit que les services de police peuvent traiter des données sur des groupements et des personnes qui présentent un intérêt concret pour leurs missions de police judiciaire et administrative. Cependant, celles-ci doivent présenter un lien direct avec la finalité du fichier et se limiter aux exigences qui en découlent.

Réponse au LOIPR, 36 – Ratification du Protocole facultatif OP-CAT

174.L’État belge souhaite réitérer son intention de ratifier le Protocole facultatif OP-CAT (recommandation acceptée en ce sens lors du premier examen périodique de la Belgique en mai 2011). Pour rappel, la Belgique l’a signé le 24 octobre 2005. Sa ratification entraîne cependant d’énormes complexités, vu que les entités fédérales et fédérées sont concernées et doivent chacune créer un mécanisme de supervision indépendant, dans le domaine de leurs compétences. Il faut aussi tenir compte des structures existantes – comme le Centre pour l’égalité des chances, le Comité P, le Conseil central de surveillance pénitentiaire ou encore, par exemple, le Médiateur fédéral et les médiateurs des entités fédérées – et leurs différents mandats, structures et niveaux d’indépendance. À ce jour, ces structures ne couvrent pas la totalité des compétences prévues par l’OP-CAT. On doit donc réfléchir à de nouvelles structures ou des mandats complémentaires pour les structures existantes qui doivent, en plus, répondre aux principes de Paris sur la composition indépendante, le financement et l’exercice des mandats. Ceci demande d’analyser en profondeur les structures existantes pouvant être intégrées dans le cadre de l’OP-CAT. Un groupe de travail sous la direction du SPF Justice a examiné les implications institutionnelles et techniques de ratifier l’OP-CAT, de concert avec les autorités fédérées. Plusieurs hypothèses pour des structures possibles pour un ou plusieurs mécanismes de prévention de la torture ont été étudiées. Une hypothèse pourrait consister à intégrer le mandat de l’OP-CAT dans une structure plus large, telle qu’une Commission nationale des droits de l’homme. Cela ne reste qu’une hypothèse, mais elle rejoint l’intention de la Belgique de créer une telle institution (voir supra, question 2). Enfin, il convient de noter que la communauté germanophone a, par décret du 25 mai 2009 (M.B., 3 août 2009), porté son assentiment à la ratification de l’OP-CAT. Le Gouvernement flamand a également approuvé un décret en ce sens le 16 mars 2012.

Réponse au LOIPR, 37 – Ratification d’autres Conventions

175.La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif ont été ratifiés le 2 juillet 2009 par la Belgique. Le premier rapport belge sur la Convention a été soumis en juillet 2011. Il a été élaboré au niveau du SPF Sécurité sociale où se situe le mécanisme de coordination des points focaux des entités fédérées et fédérales pour cette Convention. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été ratifiée par la Belgique, le 2 juin 2011, qui a déclaré reconnaître le Comité ainsi que la procédure facultative de communications individuelles et interétatiques. L’État belge rendra son premier rapport dans le délai prévu de deux ans. La Belgique accorde une grande importance au respect des droits des migrants, mais ne peut envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. En effet, une de ses particularités est de conférer des droits égaux aux travailleurs migrants en situations régulière et irrégulière, se distinguant ainsi des réglementations nationales et européennes qui établissent clairement la distinction entre ces deux catégories de migrants. Enfin, l’État belge a l’intention de signer, prochainement, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) du 11 mai 2011.

IV. Renseignements d’ordre général sur la situation des droits de l’homme dans l’ É tat partie, y compris sur les nouvelles mesures et les faits nouveaux concernant la mise en œuvre de la Convention

Réponse au LOIPR, 38 – Faits nouveaux relatifs au cadre juridique et institutionnel de promotion et de protection des droits de l’homme

176.L’État belge renvoie le Comité sur ce point à son Document de base commun (annexe 1).

Réponse au LOIPR, 39 – Nouvelles mesures d’ordre politique, administratif et autres de promotion et de protection des droits de l’homme

177.L’État belge renvoie également le Comité sur ce point à son Document de base commun (annexe 1).

Réponse au LOIPR, 40 – Autres informations sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture

178.Pour rappel, un arrêté ministériel du 26 avril 2007 soumet à licence l'importation et l'exportation des biens pouvant être utilisés pour infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il met en œuvre le Règlement européen n°1236/2005 du 27 juin 2005. Celui-ci a été modifié par le règlement 1352/2011 de la Commission européenne en date du 20 décembre 2011. Un arrêté ministériel est en cours d’élaboration pour actualiser celui de 2007 au regard de ce nouveau règlement. En outre, le Parlement flamand a, le 6 mai 2012, adopté un nouveau décret remplaçant la loi du 5 août 1991 sur les armes, munitions et le matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l’ordre et de la technologie y afférente.

179.En matière de détentions préventives inopérantes, dans l’arrêt du 13 janvier 2005 Capeau c. Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’exigence imposée à une personne bénéficiant d’un non-lieu de justifier d’éléments de fait ou de droit pour démontrer son innocence constituait une violation de la présomption d’innocence. Cet arrêt a été appliqué pour les requêtes ultérieures : ainsi, il n’était plus demandé aux requérants de prouver leur innocence pour bénéficier d’une indemnisation. Ce changement de jurisprudence a, en définitive, conduit à la loi du 30 décembre 2009 modifiant l’article 28 §1 de la loi du 13 mars 1973 relative à l’indemnité en cas de détention préventive inopérante (M.B., 15 janvier 2010).

180.En matière d’internement, diverses mesures de développement de soins à niveau moyen de sécurité ont été prises pour les internés adultes et les délinquants sexuels. Des mesures doivent encore être adoptées s’agissant des internés souffrant d'arriération mentale et d’assuétude prononcées. Enfin, dans le cadre des contrats avec la Santé publique, l’offre est passée, de 2007 à 2011, de 48 à 225 lits de traitement intensif pour les internés medium risk, 243 lits ont été ajoutés dans des Maisons de soins psychiatriques et 133 places dans des Initiatives d’habitations protégées pour l’accueil des internés medium risk.

181.Concernant les cas d’application directe des articles 417 bis à quinquies du Code pénal, l’État belge joint en annexe quatre tableaux pour la période allant de 2008 à 2011 : le premier concerne le nombre d’affaires enregistrées, le deuxième a trait à leur état d’avancement, le troisième reprend les motifs de classement sans suite et le dernier comptabilise le nombre d’affaires pour lesquelles un jugement a été rendu entre 2008 et 2011 (annexe 53).

182.Enfin, au niveau international, on peut souligner que la Belgique a contribué, entre 2008 et 2011, à hauteur de 400 000 euros au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.