Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/15/Add.1733 avril 2002

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt-neuvième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIEEN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Chili

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Chili (CRC/C/65/Add.13), qui avait été présenté le 10 octobre 1999 à ses 763e et 764e séances (voir CRC/C/SR.763 et 764) tenues le 23 janvier 2002, et a adopté à sa 777e séance (CRC/C/SR.777), le 1er février 2002, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie, qui suit les directives relatives à l’établissement des rapports, et des réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/Q/CHI.2), qui, bien que remises avec retard, donnent un tableau complet de la situation des enfants au Chili. Il se félicite également de la présence d’une délégation importante de responsables de haut rang représentant différents départements et secteurs envoyés par l’État partie ainsi que du dialogue franc qui s’est engagé et des réactions positives aux suggestions et recommandations faites au cours du débat.

B. Facteurs positifs

3.Le Comité constate avec satisfaction que, conformément à sa recommandation précédente (CRC/C/15/Add.22 du 25 avril 1994, par. 14), l’État partie a adopté un certain nombre de lois visant à rendre la législation interne pleinement conforme aux dispositions de la Convention, notamment la loi sur l’adoption de 1999, la législation mettant un terme à la discrimination à l’égard des enfants nés hors mariage et reconnaissant la filiation extramatrimoniale, la législation contre l’enlèvement des enfants et leur transfert illégal à l’étranger, des amendements au Code pénal, au Code de procédure pénale et à d’autres textes législatifs sur des questions relatives aux infractions de nature sexuelle dont sont victimes les enfants, et un ensemble de lois visant à sanctionner toutes les formes de maltraitance d’enfants et de violence familiale.

4.Le Comité salue l’adoption, en avril 2001, de la Politique nationale en faveur des enfants et des adolescents et du Plan d’action intégré pour 2001‑2010. Il note en outre avec satisfaction que des Plans régionaux pour les enfants et adolescents ont été élaborés dans toutes les régions et qu’au niveau local, un réseau de municipalités pour la protection de l’enfance a été créé en 1994; de plus, un groupe de travail coordonné par le Ministère de la planification et de la coopération (MIDEPLAN) a été établi en 1996 pour améliorer la coordination entre les organismes publics et privés qui soutiennent les municipalités et les communes dans leur travail en faveur des enfants.

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la création en 1995 du Comité national contre la maltraitance, et en 1996 du Comité consultatif national pour la prévention et l’élimination du travail des enfants, qui a également des antennes régionales. Il se félicite également de la création de bureaux pour la protection des droits des enfants, qui assureront des services aux enfants vulnérables au niveau local.

6.Le Comité se félicite de l’annonce, par la délégation de l’État partie, du fait que le Congrès national chilien a autorisé la ratification des protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et l’implication d’enfants dans les conflits armés. Il note aussi avec satisfaction que l’État partie a ratifié les Conventions de l’OIT no 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et no 182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination et que, conformément à la Convention no 138 de l’OIT, il a modifié le Code du travail afin de porter l’âge minimum d’admission à l’emploi de 14 à 15 ans. Le Comité se félicite également de la ratification par l’État partie de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

C. Facteurs et difficultés entravant les progrès dans la mise en œuvre de la Convention

7.Le Comité reconnaît que l’État partie rencontre de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de la Convention, en particulier du fait de problèmes structurels qui perdurent, de disparités de revenus et de disparités sociales entre les ménages et de la pauvreté dans laquelle vit près d’un enfant sur trois. Il constate de plus la persistance d’attitudes autoritaires et paternalistes à l’égard des enfants, en particulier des enfants pauvres, qui peuvent entraver l’approche fondée sur les droits préconisée par la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales

Législation

8.Le Comité constate avec préoccupation que la loi sur les mineurs de 1967, qui se fonde sur la doctrine de la «situation irrégulière» et qui de ce fait n’opère pas de distinction claire, s’agissant des procédures judiciaires et du traitement appliqué, entre les enfants nécessitant une protection ou une prise en charge et les enfants en conflit avec la loi, est toujours en vigueur. Il constate de plus que deux projets de loi visant à réformer la loi sur les mineurs, le premier relatif à la protection des enfants nécessitant une assistance et le deuxième relatif aux enfants en conflit avec la loi, sont en préparation depuis 1994 mais n’ont pas encore été présentés au Parlement.

9. Le Comité, conformément à sa précédente recommandation (CRC/C/15/Add.22 du 25 avril 1994, par. 14) recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires en vue de l’adoption sans délai de la législation modifiant la loi sur les mineurs de 1967;

b) De veiller à mettre pleinement en œuvre la loi sur les mineurs ainsi modifiée, dans le respect de la Convention, en tenant compte tout particulièrement du besoin de structures adéquates et en allouant les ressources humaines et financières nécessaires;

c) De demander une assistance technique, notamment à l’UNICEF.

Coordination

10.Tout en reconnaissant les efforts faits par l’État partie pour améliorer la coordination par la création, en 1997, du Groupe de travail interministériel sur l’enfance, le Comité reste préoccupé par l’insuffisance de coordination entre les organismes publics, aux niveaux national et local, et avec la société civile. Il constate de plus que la Politique nationale en faveur des enfants et des adolescents et le Plan d’action intégré pour 2001‑2010 ne sont pas suffisamment diffusés dans le pays, particulièrement au niveau local.

11. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De renforcer la coordination entre les divers organismes et mécanismes gouvernementaux qui s’occupent des droits de l’enfant au niveau tant national que local, conformément à sa recommandation précédente (ibid., par. 15), ainsi qu’avec les ONG et les autres secteurs de la société civile;

b) De veiller à la diffusion et la mise en œuvre dans sa totalité, particulièrement au niveau local, de la Politique nationale en faveur des enfants et des adolescents et du Plan d’action intégré pour 2001 ‑2010;

c) D’intégrer les présentes observations finales du Comité dans les plans d’action nationaux et régionaux en faveur enfants.

Structures de suivi

12.Tout en reconnaissant que le Conseil consultatif présidentiel reçoit et traite de fait les plaintes individuelles relatives aux violations des droits de l’homme, le Comité exprime sa préoccupation devant le fait qu’aucun mécanisme national global ayant pour mandat d’assurer une surveillance et une évaluation continues dans l’ensemble du pays de la mise en œuvre de la Convention n’a été créé comme cela avait été recommandé (ibid.).

13. Le Comité encourage l’État partie à créer, en se conformant aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale), un mécanisme indépendant et efficace doté de ressources humaines et financières suffisantes et auquel les enfants auraient facilement accès, pour:

a) Surveiller la mise en œuvre de la Convention;

b) Examiner diligemment et avec tact les plaintes émanant d’enfants;

c) Offrir des voies de recours en cas de violation des droits qui leur sont reconnus par la Convention. À cet égard, le Comité recommande également à l’État partie d’étudier la possibilité de demander une assistance technique, notamment à l’UNICEF et au HCDH.

Crédits budgétaires

14.Le Comité exprime sa préoccupation devant le fait qu’il n’existe aucun budget intégré pour les enfants et que les crédits budgétaires destinés aux enfants restent insuffisants par rapport aux priorités nationales et locales en matière de protection et de promotion des droits des enfants et à la nécessité de surmonter et de réduire les disparités existantes entre les zones rurales et urbaines du point de vue des services fournis aux enfants. De plus, il note avec une profonde préoccupation que, d’après les informations données dans le rapport de l’État partie, un tiers des enfants du Chili vivent dans la pauvreté.

15. Compte tenu de l’article 4 de la Convention, le Comité encourage l’État partie:

a) À poursuivre ses efforts pour lutter contre la pauvreté et ses conséquences pour les enfants, notamment en renforçant ses politiques de redistribution du revenu au bénéfice des familles vivant dans une extrême pauvreté;

b) À définir clairement ses priorités dans le domaine des droits de l’enfant de sorte que les fonds soient attribués «dans toutes les limites des ressources dont il dispose et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale» en vue de la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en particulier dans le cadre des administrations locales et en faveur des enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables de la société;

c) À déterminer le montant et la part du budget consacrés aux enfants aux niveaux national et local afin d’évaluer l’effet de ces dépenses sur les enfants.

Collecte de données

16.Tout en notant que l’Enquête nationale sur la situation économique et sociale nationale (CASEN) a lieu tous les deux ans au Chili, le Comité se dit préoccupé par le fait que cette enquête s’effectue essentiellement sur la base d’échantillons et ne porte pas sur l’ensemble des domaines visés par la Convention.

17. Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer son système de collecte de données en vue d’y intégrer tous les domaines visés par la Convention. Le système devrait concerner tous les enfants de moins de 18 ans, en donnant la priorité à ceux qui sont particulièrement vulnérables.

Diffusion

18.Tout en reconnaissant que des efforts ont été faits pour faire connaître la Convention à l’occasion de l’élaboration de plans régionaux en faveur des enfants et pour former des professionnels travaillant avec et pour les enfants conformément à sa recommandation précédente (ibid., par. 18), le Comité estime néanmoins que ces mesures ont besoin d’être renforcées, notamment dans les zones rurales et pour les enfants autochtones.

19. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De redoubler d’efforts pour faire traduire les documents d’information dans les principales langues autochtones et les diffuser;

b) De mettre au point des méthodes plus novatrices pour promouvoir la Convention, notamment au moyen de matériels audiovisuels tels que livres d’images et affiches, en particulier au niveau local, et par l’intermédiaire des médias;

c) De poursuivre et de renforcer les efforts entrepris pour assurer une formation et/ou une sensibilisation appropriées et systématiques dans le domaine des droits de l’enfant des groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants tels que les juges, les avocats, les responsables de l’application des lois, le personnel de santé, les enseignants et les dirigeants d’établissements scolaires;

d) De débattre des principes et des dispositions de la Convention en vue de les intégrer dans les programmes à tous les niveaux du système d’enseignement;

e) De demander une assistance technique, notamment à l’UNICEF, à l’UNESCO et au HCDH .

Coopération avec les ONG

20.Tout en prenant note des exemples de collaboration entre institutions gouvernementales et organisations non gouvernementales, par exemple lors de l’élaboration de la Politique nationale en faveur des enfants et des adolescents et du Plan d’action intégré pour 2001-2010 ainsi que du deuxième rapport périodique de l’État partie, le Comité relève toutefois que la coopération avec les organisations non gouvernementales devrait être davantage encouragée et renforcée.

21. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir une coopération plus étroite et un dialogue constructif sur toutes les questions concernant les enfants avec les organisations non gouvernementales, en particulier dans le domaine de la mise en œuvre de la Politique nationale en faveur des enfants et des adolescents et du Plan d’action intégré pour 2001-2010.

2. Définition de l’enfant

22.Le Comité juge préoccupant que l’âge minimum du mariage soit peu élevé (12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons, sous réserve du consentement des parents), même si cette disposition est dépassée et n’est pas appliquée dans la pratique. Il note en outre qu’il n’a pas été donné suite à la précédente recommandation du Comité concernant la question de l’âge minimum de la responsabilité pénale (ibid., par.17).

23. Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation de façon à ce que l’âge minimum du mariage soit le même pour les filles que pour les garçons et de la mettre en conformité avec les dispositions et principes de la Convention, et de fixer un âge minimum de la responsabilité pénale.

3. Principes généraux

24.Le Comité note avec préoccupation que les principes de la non‑discrimination (art. 2 de la Convention), de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), du droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant (art. 6) ainsi que du respect de l’opinion de l’enfant (art. 12) ne sont pas pleinement pris en compte dans la législation et les décisions administratives et judiciaires de l’État partie ni dans les politiques et programmes concernant les enfants aux niveaux national et local.

25. Le Comité réitère sa recommandation précédente (ibid., par. 14) tendant à ce que l’État partie:

a) Intègre de façon appropriée les principes généraux énoncés dans la Convention, en particulier les dispositions des articles 2, 3, 6 et 12, dans tous les textes de loi concernant les enfants;

b) Applique ces principes dans toutes les décisions politiques, judiciaires et administratives ainsi que dans les projets, programmes et services ayant des incidences sur les enfants en général;

c) Applique également ces principes dans la planification et l’élaboration des politiques à tous les niveaux ainsi que dans les mesures prises par les institutions de protection sociale et sanitaire, les établissements d’enseignement, les tribunaux et les autorités administratives.

Non‑discrimination

26.Tout en prenant note de l’élaboration du Plan national pour l’élimination de la discrimination au Chili 2001‑2006, le Comité est préoccupé par le fait que le principe de la non‑discrimination n’est pas pleinement appliqué s’agissant des enfants appartenant aux groupes autochtones, des enfants pauvres, des filles, des enfants handicapés et des enfants vivant à la campagne, notamment en ce qui concerne l’accès à des installations sanitaires et éducatives appropriées.

27. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De suivre la situation des enfants qui sont exposés à la discrimination, en particulier de ceux qui appartiennent aux groupes vulnérables susmentionnés;

b) D’élaborer, en se fondant sur les résultats de ce suivi, des stratégies globales de mise en œuvre d’actions précises et ciblées visant à mettre un terme à toutes les formes de discrimination, notamment la discrimination raciale et xénophobe à l’encontre des enfants autochtones, et de mettre en œuvre le Plan national pour l’élimination de la discrimination au Chili 2001 ‑2006.

28. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les mesures et programmes concernant la Convention relative aux droits de l’enfant qu’il aura mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte également de l’Observation générale n o  1 du Comité concernant l’article 29 1) de la Convention (buts de l’éducation).

Respect des opinions de l’enfant

29.Le Comité note avec préoccupation qu’en raison des attitudes traditionnelles et paternalistes encore très répandues dans le pays, les enfants ne sont pas encouragés à exprimer leurs opinions et que, de façon générale, celles‑ci ne sont pas entendues et ne sont pas dûment prises en compte dans les décisions les concernant au sein de la famille, à l’école, dans leur groupe social et dans la vie sociale en général. En particulier, il note avec une profonde préoccupation qu’aux termes de l’article 30 de la loi sur les mineurs, le juge des enfants peut imposer une mesure de protection à un enfant sans le convoquer lorsque les faits en cause ne sont pas constitutifs de crime, de simple délit ou de faute.

30. Compte tenu des articles 12 à 17 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour prendre en compte les opinions des enfants, en fonction du développement de ses capacités, pour toutes les questions les concernant, en particulier dans les procédures judiciaires et administratives, et d’intégrer ce principe dans la nouvelle législation et dans les politiques et programmes concernant les enfants, y compris la Politique nationale en la matière. Il encourage l’État partie à solliciter la coopération technique, entre autres de l’UNICEF.

4. Droits et libertés civils

Châtiments corporels

31.Le Comité juge préoccupant qu’au Chili les châtiments corporels infligés aux enfants restent socialement acceptables et soient encore pratiqués dans la famille, à l’école et dans d’autres institutions. Il note en outre que la législation chilienne n’interdit pas expressément les châtiments corporels.

32. Compte tenu des articles 3, 19 et 28 2) de la Convention, le Comité encourage l’État partie:

a) À élaborer des mesures visant à faire prendre conscience des effets préjudiciables des châtiments corporels et à encourager, au sein de la famille, le recours à d’autres formes de discipline qui soient exercées d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant et conformément à la Convention; et

b) À interdire expressément les châtiments corporels dans la famille, à l’école et dans d’autres institutions.

5. Milieu familial et protection de remplacement

Responsabilités des parents

33.Le Comité est préoccupé par le fait que l’aide accordée aux parents et aux représentants légaux dans l’exercice de leurs responsabilités en matière d’éducation des enfants reste insuffisante, en particulier pour ce qui est familles monoparentales, et qu’un nombre important d’enfants sont placés en institution à cause de la mauvaise situation économique de la famille.

34. Compte tenu de l’article 18 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de continuer à améliorer l’aide sociale aux familles afin d’aider celles-ci à s’acquitter de leurs responsabilités en matière d’éducation des enfants, notamment par des services de conseils et des programmes axés sur la collectivité, dans le but de réduire le nombre d’enfants placés en institution.

Enfants privés de leur milieu familial

35.Tout en notant qu’il est prévu de réformer le Service national des mineurs (SENAME), le Comité constate avec préoccupation qu’à l’heure actuelle le SENAME est toujours chargé à la fois des enfants nécessitant prise en charge et protection et des enfants en conflit avec la loi, et que les services sociaux doivent être davantage décentralisés. De plus, il relève qu’un projet de loi portant création de tribunaux aux affaires familiales est en instance d’examen devant le Congrès depuis 1997.

36. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De créer deux systèmes bien distincts (du point de vue de l’administration et de la mise en œuvre) pour les enfants nécessitant prise en charge et protection et pour les enfants en conflit avec la loi, en adoptant deux projets de lois, l’un relatif à la protection des enfants nécessitant une assistance et l’autre relatif aux enfants en conflit avec la loi, en vue de réformer la loi sur les mineurs de 1967;

b) De créer des structures adéquates et décentralisées et de renforcer celles qui existent déjà en prévoyant des ressources humaines et financières suffisantes;

c) De prendre des mesures en vue de la création de tribunaux aux affaires familiales.

Sévices et défaut de soins

37.Le Comité juge profondément préoccupantes les informations qu’il a reçues sur l’ampleur du phénomène de la maltraitance d’enfants au sein de la famille et dans les institutions, notamment celles qui dépendent du SENAME. Il est préoccupé par l’absence de données et d’informations sur la maltraitance et le défaut de soins, l’insuffisance des mesures, des mécanismes et des ressources existants pour prévenir et combattre les mauvais traitements et les sévices sexuels infligés aux enfants et le défaut de soins, y compris le placement en institution des enfants maltraités, ainsi que par le nombre limité de services d’aide aux enfants victimes, en particulier dans les zones rurales.

38. Compte tenu de l’article 19 de la Convention et conformément à sa recommandation précédente (ibid., par.16), le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire des études sur la violence familiale, les mauvais traitements et les sévices, y compris les sévices sexuels, infligés aux enfants au sein de la famille et dans des institutions, afin d’évaluer l’étendue, l’ampleur et la nature de ces pratiques;

b) D’adopter dès que possible et de mettre en œuvre de façon efficace le projet de loi relatif au service national de protection des droits des enfants, et d’assurer à la nouvelle institution des ressources humaines et financières suffisantes;

c) De veiller à ce qu’il existe des procédures claires faisant l’objet d’une large publicité permettant aux enfants de présenter des plaintes concernant la façon dont ils sont traités à un organe indépendant disposant de pouvoirs d’enquête et d’action appropriés;

d) De mener des enquêtes efficaces sur les affaires de violences familiales ainsi que de mauvais traitements et de sévices subis par des enfants, y compris des sévices sexuels, au sein de la famille et dans des institutions, dans le cadre d’une procédure d’enquête et d’une procédure judiciaire adaptées aux enfants afin d’assurer une meilleure protection des enfants victimes, notamment la protection de leur droit au respect de la vie privée;

e) De tout mettre en œuvre pour éviter le placement en institution des enfants victimes de maltraitance;

f) De prendre des mesures pour fournir des services de soutien aux enfants dans les procédures judiciaires et pour assurer la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale des victimes de viol, de sévices, de négligence, de mauvais traitements et de violences, conformément à l’article 39 de la Convention;

g) Compte tenu de l’article 25 de la Convention, de veiller à ce que les enfants placés dans des institutions et bénéficiant d’autres formes de protection de remplacement fassent régulièrement l’objet d’une surveillance;

h) De tenir compte des recommandations adoptées par le Comité lors de ses journées de débat général sur la violence contre les enfants au sein de la famille et à l’école (CRC/C/111) et sur la violence de l’État contre les enfants (CRC/C/100);

i) De solliciter à cet égard une coopération internationale et l’assistance technique, notamment de l’UNICEF et de l’OMS.

6. Santé et bien ‑être

Santé et services médicaux

39.Tout en prenant note de la diminution des taux de mortalité infantile et juvénile ainsi que du processus de réforme en cours depuis le début des années 90, le Comité est néanmoins préoccupé par les grandes disparités reflétées dans ces taux, notamment en ce qui concerne les enfants autochtones, les enfants vivant dans les zones rurales, les enfants des milieux socioéconomiques défavorisés et les enfants dont la mère a un faible niveau d’instruction. Il note en outre que les taux de mortalité maternelle ne tiennent peut‑être pas compte des cas liés aux complications résultant d’avortements illégaux, notamment chez des adolescentes.

40. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’allouer des ressources suffisantes et d’élaborer des politiques et des programmes exhaustifs afin d’améliorer la situation sanitaire de tous les enfants sans discrimination, en particulier en ciblant davantage les soins de santé primaires et en décentralisant le système de soins de santé;

b) De prévenir la mortalité et la morbidité infantiles et de réduire le taux de mortalité maternelle en fournissant des services de soins de santé prénatals et postnatals appropriés et en menant des campagnes pour fournir aux parents des connaissances de base sur la santé et la nutrition des enfants, les avantages de l’allaitement maternel, l’hygiène et l’assainissement de l’environnement, la planification familiale et la santé génésique, particulièrement dans les zones rurales.

Santé des adolescents

41.Tout en prenant note de l’élaboration d’une Politique nationale en faveur de la santé des adolescents en 1999, le Comité est préoccupé par le nombre limité de programmes et de services dans le domaine de la santé des adolescents, notamment de la santé mentale, particulièrement dans les zones rurales, et par le manque de programmes de prévention et d’information dans les écoles. De plus, il fait part de sa préoccupation devant les taux élevés de grossesses précoces et l’absence de programmes d’information, d’orientation et de prévention concernant la santé génésique, y compris l’insuffisance de l’accès aux contraceptifs, en particulier dans les zones rurales. Il note également l’augmentation du nombre d’enfants et de jeunes consommant des drogues, et le nombre croissant de cas de VIH/sida chez les jeunes.

42. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre en œuvre de façon efficace la Politique nationale en faveur de la santé des adolescents, particulièrement dans les zones rurales, d’intensifier ses efforts pour promouvoir la santé des adolescents, notamment la santé mentale, en particulier en ce qui concerne la santé génésique et l’abus de drogues, et de renforcer le programme d’éducation sanitaire dans les écoles;

b) D’entreprendre une étude globale et pluridisciplinaire pour évaluer l’ampleur et la nature des problèmes de santé des adolescents, notamment pour mesurer l’incidence négative des MST et du VIH/sida, et de continuer à élaborer les politiques et programmes voulus;

c) D’adopter des mesures supplémentaires, notamment l’allocation de ressources humaines et financières suffisantes, pour évaluer l’efficacité des programmes de formation dans le domaine de l’éducation sanitaire, en particulier en ce qui concerne la santé génésique, et de mettre en place des services d’orientation confidentiels et adaptés aux jeunes, ainsi que des structures de soins et de réadaptation accessibles sans le consentement des parents lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant est en jeu;

d) De solliciter la coopération technique, notamment du FNUAP, de l’UNICEF, de l’OMS et de l’ ONUSIDA .

Enfants handicapés

43.Le Comité se dit préoccupé par l’inefficacité des projets financés par le Fonds national des handicapés, en raison de ressources et de modalités d’exécution inadaptées. Le Comité est également préoccupé par la pénurie générale de ressources et de personnel spécialisé pour ces enfants, notamment ceux qui souffrent de handicap mental, en particulier dans les zones rurales ainsi que pour les enfants autochtones. En outre, il prend note avec préoccupation de la faible proportion d’enfants handicapés inscrits dans des écoles ordinaires.

44. Compte tenu de l’article 23 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre des études pour déterminer les causes des handicaps dont souffrent les enfants ainsi que les moyens de les prévenir;

b) De prendre les mesures voulues pour que la situation des enfants handicapés soit surveillée afin de bien évaluer leur état et leurs besoins;

c) D’organiser des campagnes de sensibilisation du public dans toutes les langues, en particulier les langues autochtones, afin de susciter une prise de conscience de la situation et des droits des enfants handicapés;

d) D’allouer les ressources nécessaires en vue de la mise en place de programmes et de services en faveur de tous les enfants handicapés, en particulier de ceux qui vivent dans les zones rurales, et de renforcer les programmes axés sur la collectivité pour que ces enfants puissent vivre chez eux avec les membres de leur famille;

e) D’aider les parents d’enfants handicapés en leur fournissant des conseils, et si nécessaire, une aide financière;

f) Compte tenu des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité lors de la journée de débat général sur «Les droits des enfants handicapés» (CRC/C/69, par. 310 à 339), de continuer à encourager l’intégration des enfants handicapés dans le système d’enseignement ordinaire et leur insertion dans la société, notamment en dispensant une formation spéciale aux enseignants et en rendant les établissements scolaires plus accessibles;

g) De demander l’assistance technique et la coopération internationales, notamment de l’UNESCO, de l’UNICEF et de l’OMS.

7. Éducation, loisirs et activités culturelles

Éducation

45.Le Comité, tout en prenant note de l’augmentation du taux de scolarisation, exprime sa préoccupation devant les difficultés d’accès à l’éducation et les taux élevés d’abandon scolaire et de redoublement observés en particulier chez les enfants autochtones, les enfants pauvres et les enfants vivant dans les zones rurales; le faible taux de préscolarisation; le faible pourcentage des enfants accédant à l’enseignement secondaire et le traitement des enfants ayant des problèmes comportementaux. Il note en outre avec préoccupation le grand nombre d’adolescentes enceintes qui sont exclues de l’école et relève que les mesures prises par le Gouvernement pour éviter cette situation ne sont pas appliquées, en particulier dans les écoles privées.

46. Compte tenu des articles 28 et 29 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’assurer la régularité de la fréquentation scolaire et de réduire les taux d’abandon scolaire, particulièrement en ce qui concerne les enfants autochtones;

b) D’élaborer des mesures appropriées pour les enfants ayant des problèmes comportementaux sans recourir au renvoi de l’établissement;

c) De veiller à ce que des mesures soient effectivement mises en œuvre pour que les jeunes filles enceintes continuent d’être scolarisées pendant et après leur grossesse;

d) D’améliorer la qualité de l’enseignement afin d’atteindre les objectifs définis au paragraphe 1 de l’article 29, conformément à l’Observation générale n o  1 du Comité sur les buts de l’éducation.

8. Mesures spéciales de protection

Enfants réfugiés

47.Le Comité note avec préoccupation que la législation chilienne ne prévoit aucune disposition réglementant le statut des enfants non accompagnés, qui sont de ce fait considérés comme apatrides.

48. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures pour éviter l’apatridie aux enfants non accompagnés;

b) De ratifier la Convention des Nations Unies relative au statut des apatrides de 1954 ainsi que la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d’apatridie de 1961.

Exploitation économique

49.Tout en notant que l’État partie a ratifié la Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi ainsi que la Convention no 182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination et a porté à 15 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi, le Comité exprime sa profonde préoccupation devant le grand nombre d’enfants, y compris d’enfants de moins de 15 ans, qui font l’objet d’une exploitation économique, particulièrement dans le secteur agricole, ainsi que le grand nombre d’enfants ayant dû quitter l’école parce qu’ils ne pouvaient concilier études et travail.

50. Compte tenu de l’article 32 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) De continuer à appliquer et à renforcer sa législation relative à la protection des enfants qui travaillent conformément aux Conventions n os 138 et 182 de l’OIT;

b) De mettre en œuvre le Plan national pour la prévention et l’élimination du travail des enfants et d’en suivre l’application;

c) De mettre en place un système fiable permettant de recueillir des informations sur le travail des enfants;

d) De combattre et d’éliminer par tous les moyens possibles toutes les formes de travail des enfants, notamment en renforçant sa coopération avec le Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants et avec l’UNICEF.

Exploitation sexuelle

51.Tout en prenant note de la création d’un groupe de travail chargé d’établir un Plan d’action contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe aucune donnée disponible sur ce phénomène, que la législation est inadaptée, que, souvent, les cas d’exploitation sexuelle d’enfants ne font pas l’objet d’enquêtes et ne donnent pas lieu à des poursuites, que les enfants victimes sont fichés et peuvent de ce fait être considérés comme des criminels, et qu’il n’existe pas de programmes de réadaptation sociale. Il note par ailleurs que la prostitution des garçons est en augmentation.

52. Compte tenu de l’article  34 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre une étude sur ce phénomène afin d’en connaître l’ampleur et les causes pour en suivre efficacement l’évolution, et de mettre en place tous les programmes et mesures nécessaires afin de prévenir, combattre et éliminer l’exploitation et les sévices sexuels dont les enfants sont victimes, notamment en élaborant des programmes de réadaptation sociale;

b) De décriminaliser la prostitution des enfants et de protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales jusqu’à l’âge de 18 ans;

c) D’élaborer et d’adopter un plan national de lutte contre l’exploitation sexuelle et commerciale des enfants, en tenant compte de la Déclaration et du Programme d’action ainsi que de l’Engagement mondial adoptés lors des Congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales de 1996 et de 2001;

d) De solliciter à cette fin la coopération internationale, notamment de l’UNICEF, de l’OIT et de l’OMS.

Justice pour mineurs

53.Le Comité se dit à nouveau préoccupé par le fait que la loi sur les mineurs de 1967, fondée sur la doctrine de la «situation irrégulière», laquelle ne fait pas de distinction nette, du point de vue des procédures judiciaires et du traitement, entre les enfants ayant besoin d’une prise en charge et de protection et ceux qui sont en conflit avec la loi, est toujours en vigueur. Il note aussi avec préoccupation que la détention n’est pas utilisée seulement en dernier recours, particulièrement dans le cas des enfants pauvres et socialement défavorisés, et que, souvent, des enfants sont détenus dans des centres de détention pour adultes. Le Comité juge en outre préoccupant que la loi et les procédures pénales applicables aux adultes puissent s’appliquer aussi à des enfants âgés de 16 à 18 ans ayant agi avec discernement et que la recommandation précédente du Comité sur la question de l’âge minimum de la responsabilité pénale (ibid., par. 17) n’ait pas été appliquée.

54. Conformément à sa recommandation précédente (ibid., par. 17), le Comité recommande à l’État partie:

a) D’adopter rapidement le projet de loi sur les enfants en conflit avec la loi et d’augmenter les crédits budgétaires destinés à l’administration de la justice pour mineurs;

b) De traiter la question de l’âge minimum de la responsabilité pénale à la lumière des dispositions du paragraphe 3 a) de l’article 40;

c) De continuer à revoir les textes de lois et les pratiques concernant le système d’administration de la justice pour mineurs afin de les mettre aussi rapidement que possible en pleine conformité avec la Convention, en particulier avec les dispositions des articles 37, 40 et 39, ainsi qu’avec les autres normes internationales pertinentes dans ce domaine, telles que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad);

d) De veiller à ce que toutes les personnes de moins de 18 ans bénéficient de mesures spéciales de protection dans le domaine de l’administration de la justice pour mineurs;

e) De ne recourir à la détention avant jugement qu’en dernier ressort et de veiller à ce que cette détention soit aussi brève que possible et ne dépasse pas la durée prévue par la loi, et à ce que les enfants soient séparés des adultes dans tous les cas;

f) D’appliquer, chaque fois que possible, des mesures autres que la détention avant jugement et d’autres formes de privation de liberté;

g) De renforcer les mesures de prévention, telles que l’appui au rôle des familles et du groupe social, afin de contribuer à faire disparaître les conditions sociales qui conduisent à des problèmes tels que la délinquance, la criminalité et la toxicomanie;

h) D’incorporer dans sa législation et d’appliquer dans la pratique les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, en particulier afin de leur garantir l’accès à des procédures de plaintes efficaces portant sur tous les aspects de la façon dont ils sont traités;

i) De prendre les mesures de réadaptation voulues pour favoriser la réinsertion sociale des enfants qui ont eu affaire à la justice pour mineurs;

j) De solliciter l’assistance, notamment du HCDH, du Centre des Nations Unies pour la prévention de la criminalité internationale, du Réseau international de la justice pour mineurs et de l’UNICEF, par l’intermédiaire du Groupe de coordination des Nations Unies pour les conseils et l’assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.

9. Diffusion de la documentation

55.Enfin, le Comité recommande que, compte tenu du paragraphe 6 de l’article 44 de la Convention, le deuxième rapport périodique et les réponses écrites présentées par l’État partie soient largement diffusés auprès du public et que l’État partie envisage de publier le rapport avec les comptes rendus des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé afin de susciter un débat et de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi au Gouvernement, au Parlement et au grand public, y compris aux organisations non gouvernementales concernées.

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