Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Koweït *

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Koweït (CEDAW/C/KWT/5) à ses 1544e et 1545e séances (voir CEDAW/C/SR.1544 et 1545), tenues le 1er novembre 2017. La liste de points établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/KWT/Q/5 et les réponses du Koweït dans le document CEDAW/C/KWT/Q/5/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son cinquième rapport périodique. Il le remercie également du rapport de suivi (CEDAW/C/KWT/CO/Add.1) et des réponses écrites qu’il a fournies à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession, ainsi que de la présentation orale faite par la délégation et des éclaircissements apportés en réponse aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité félicité l’État partie pour la composition de sa délégation plurisectorielle, dirigée par M. Jamal Alghunaim, Ambassadeur et Représentant permanent du Koweït auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales se trouvant à Genève. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la santé, du Ministère des affaires sociales, du Ministère de la main d’œuvre, du Ministère du travail, du Conseil consultatif supérieur pour les affaires familiales, du Haut Conseil pour la planification et de l’Université du Koweït.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2011 du rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/KWT/3-4) dans la mise en place de réformes législatives, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)La loi no 68 de 2015 sur les travailleurs domestiques, qui renforce les droits des employées de maison et leur accorde une protection sociale et juridique ainsi qu’un accès aux soins de santé ;

b)La loi no 91 de 2013 sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les filles, et sur le trafic de migrants ;

c)La loi no 67 de 2015 sur la création d’une institution nationale de défense des droits de l’homme, l’Office des droits de l’homme (« Diwan des droits de l’homme ») ;

d)Le décret législatif no 19 de 2012 sur la protection de l’union nationale, qui érige en infraction l’incitation à la discrimination envers les femmes.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie afin d’améliorer son cadre institutionnel et politique et ainsi accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et promouvoir l’égalité des sexes, notamment par :

a)L’extension, en 2014, du mandat du « Département de la protection des bonnes mœurs et de la lutte contre la traite », placé sous l’égide du Ministère de l’intérieur, aux affaires relevant de l’exploitation sexuelle, de l’asservissement et de pratiques assimilées à l’asservissement ;

b)La présence d’objectifs et d’indicateurs ayant trait à la problématique hommes-femmes dans le Plan national de développement (2015-2020) ;

c)La réalisation, avant 2015, de l’objectif d’égalité des sexes à tous les niveaux d’enseignement figurant dans les objectifs du Millénaire pour le développement, et l’accession à la première place mondiale s’agissant d’avoir comblé l’écart entre les sexes en termes d’accès à l’éducation ;

d)L’amélioration des services de santé destinés aux femmes et aux enfants et la réduction, avec 10 ans d’avance sur la date butoir prévue par le cinquième objectif du Millénaire pour le développement, des taux de mortalité infantile, maternel et juvénile ;

e)La création d’un fonds consacré au logement afin de soutenir certains groupes de femmes (veuves, divorcées, célibataires ou mariées à un non Koweïtien).

Le Comité se félicite qu’en 2013, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait accédé à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l’Assemblée nationale à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires à la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la prése n tation du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation

Réserves

Le fait que l’État partie maintienne ses réserves vis-à-vis du paragraphe 2 de l’article 9 et du paragraphe 1 f) de l’article 16 de la Convention préoccupe le Comité. Ce dernier regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations concernant l’incidence de ces réserves sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention et sur la situation des femmes au Koweït. Le Comité remarque que la réserve de l’État partie vis-à-vis du paragraphe 1 f) de l’article 16 est incompatible avec l’objet et le but de la Convention.

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/KWT/CO/3-4 , par. 14) et demande à l’État partie de retirer ses réserves au paragraphe 2 de l’article 9 et au paragraphe 1 f) de l’article 16 de la Convention et d’engager la discussion avec les responsables religieux et les théologiens, en prenant en considération les meilleures pratiques dans la région et dans les pays membres de l’Organisation de la coopération islamique, afin de surmonter les réticences au retrait de la réserve concernant le paragraphe 1 f) de l’article 16.

Visibilité de la Convention

Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour dispenser aux membres du pouvoir judiciaire une formation sur les droits des femmes et la lutte contre la traite des êtres humains. Il craint toutefois que ces efforts ne suffisent pas à s’assurer que le pouvoir judiciaire, les agents publics, les parlementaires et les responsables de l’application des lois sont correctement informés sur les droits des femmes au titre de la Convention, ainsi que sur le concept d’égalité de fait entre femmes et hommes et sur les recommandations générales du Comité.

Le Comité renouvelle ses précédentes observations ( CEDAW/C/KWT/CO/3-4 , par. 16) et recommande à l’État partie d’organiser régulièrement des formations pour les membres de sa magistrature, les responsables de l’application des lois et les parlementaires au sujet de la Convention, afin d’assurer son applicabilité directe. Il lui recommande également de diffuser la Convention et les recommandations générales qu’il a formulées auprès de toutes les catégories de la société, notamment par l’intermédiaire de campagnes d’information et des médias.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité exprime à nouveau sa préoccupation concernant l’absence de définition de la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes dans la législation de l’État partie, définition exigée par l’article 1 de la Convention,.

Il renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/KWT/CO/3-4 , par. 18) et demande à l’État partie d’inclure dans sa législation une définition de la discrimination à l’égard des femmes traitant de la discrimination directe et indirecte dans les sphères publiques et privées, conformément à l’article 1 de la Convention.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité note avec préoccupation que le sexe et le genre ne font pas partie des motifs de discrimination interdits par l’article 29 de la Constitution. Il regrette la persistance de dispositions discriminatoires dans la législation de l’État partie et est également préoccupé par l’explication donnée par l’État partie, selon laquelle toute révision des dispositions discriminatoires liées à la polygamie, au divorce, à la garde des enfants, à la succession, à la tutelle des hommes sur les femmes et au mariage d’enfants serait contraire à la charia, à la Constitution nationale et aux autres lois pertinentes. Le Comité est particulièrement préoccupé par les dispositions suivantes :

a)Les dispositions de la loi no51 de 1984 relative au statut personnel régissant les rapports familiaux et le mariage, notamment la prescription exigeant qu’une épouse « obéisse » à son mari (art. 1, 74 et 87) ; la légalisation du mariage d’enfants (art. 24 et 26) ; les restrictions du droit des femmes à demander le divorce (art. 102 à 110, 111 à 119 et 120 à 148) ; le droit accordé à un homme d’épouser jusqu’à quatre femmes simultanément, sans le consentement ou à l’insu de sa ou de ses première(s) femme(s) (art. 21) ; le droit accordé au père, puis à ses parents de sexe masculin, d’être le tuteur légal et financier d’une femme (art. 129) et la discrimination à l’égard des femmes concernant le statut des enfants après le divorce (art. 191) ;

b)Les dispositions du Code pénal, notamment la réduction des peines pour les hommes tuant une femme au nom de « l’honneur » (article 153), la permission de sanctionner physiquement une personne (art. 29) et l’absence de mise en accusation d’un ravisseur et violeur qui épouse sa victime avec l’accord de son tuteur (art.  182) ;

c)Les articles 2, 3 et 5 de la loi sur la nationalité de 1959 qui établissent une distinction entre femmes et hommes quant au droit de passer la nationalité ;

d)L’article 23 de la loi no 6 sur le travail dans le secteur privé (2010), qui interdit aux femmes tout emploi de nuit ou tout emploi considéré comme une « activité dangereuse, pénible ou préjudiciable à la santé ».

Conformément à sa recommandation générale n° 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, le Comité demande instamment à l’État partie :

a) D’ajouter le sexe et le genre aux motifs de discrimination interdits dans sa Constitution et toute autre législation ;

b) D e réviser et de modifier ses lois afin de supprimer les dispositions discriminant les femmes et les filles, en particulier la loi relative au statut personnel (art .  1, 21, 24, 26, 74, 87, 102 à 110, 111 à 119, 120 à 148 et 191) ;

c) D ’abroger les articles 29, 153 et 182 du Code pénal ;

d) De réviser les articles 2, 3 et 5 de la loi sur la nationalité et l’article 23 de la loi n o 6 sur le travail dans le secteur privé ;

e) De faire en sorte que l’interprétation des lois, notamment les lois nationales, religieuses et coutumières, se conforme au principe d’égalité de fait ;

f) D’élaborer, en étroite consultation avec des théologiens progressistes et les organisations de femmes issues de la société civile, un ordonnancement juridique mixte qui se fonde sur les droits fondamentaux et l’égalité des sexes, en tenant compte des pratiques des autres pays de la région ayant réussi à réformer leur ordonnancement juridique mixte.

Accès à la justice

Le Comité remarque avec inquiétude que l’accès des femmes à la justice est entravé par des lois discriminatoires relatives au mariage, aux relations familiales et à l’emploi, par la légalisation de pratiques traditionnelles néfastes, par la non-criminalisation de nombreuses formes de violence sexiste à l’égard des femmes et par l’application d’actions en justice discriminatoires à cet égard. Il est également préoccupé par la représentation stéréotypée et le parti pris sexiste dont fait preuve le personnel judiciaire.

Tenant compte de sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour réformer son mécanisme de justice pluriel et modifier le droit existant, les procédures, les règlements, la jurisprudence, les coutumes et les pratiques directement ou indirectement discriminatoires à l’égard des femmes en ce qui concerne leurs possibilités d’accès à la justice, et de faire en sorte que le personnel judiciaire reçoive une formation continue sur les droits des femmes et l’égalité des sexes.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité exprime à nouveau sa préoccupation concernant l’insuffisance des capacités institutionnelles du mécanisme national de promotion de la femme et regrette la faible représentation des femmes au Comité des affaires féminines, constitué de cinq parlementaires dont une seule femme. Il se félicite des efforts entrepris par l’État partie pour inclure des indicateurs spécifiques aux femmes dans son Plan de développement national (2015-2020) mais remarque avec inquiétude que ce dernier ne prévoit pas la pleine participation des femmes à la vie publique et leur accession aux mêmes postes de direction que les hommes ; il ne prévoit pas non plus la collecte, l’analyse et la diffusion de données ventilées par sexe et ne tient pas compte de la problématique hommes-femmes dans le cadre de ses objectifs.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De continuer à renforcer les capacités institutionnelles du mécanisme national de promotion de la femme, notamment en mettant en place des responsabilités et objectifs clairs et en y affectant un financement et un personnel suffisants ;

b) D’assurer une participation égale des femmes au Comité des affaires féminines ;

c) D’assurer la participation systématique et continue du mécanisme national de promotion de la femme, y compris la société civile et les organisations non gouvernementales de femmes, à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation du Plan national de développement (2015-2020) ;

d) De mener, en étroite collaboration avec le mécanisme national de promotion de la femme, la société civile et les organisations non gouvernementales de femmes, une analyse complète des disparités entre les sexes de son Plan de développement national, notamment la collecte, l’analyse et la diffusion de données ventilées, afin de recenser, de comprendre et de corriger les inégalités entre les sexes.

Institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 67 (2015) sur le Diwan des droits de l’homme mais regrette le rejet de la proposition visant à inclure un comité des droits des femmes. Il craint également que placer l’institution sous la supervision du Conseil des ministres ne limite son indépendance.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’indépendance du Diwan des droits de l’homme, conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), en s’abstenant de le placer sous la supervision du Conseil des ministres. Il lui recommande également de créer un Comité des droits des femmes au sein de l’institution et de faire en sorte qu’un nombre égal de femmes et d’hommes qualifiés soit sélectionné lors de la nomination des membres et des principaux collaborateurs de l’Office.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite des mesures positives mises en place en vue de réaliser les droits des femmes, principalement en améliorant leur représentation à l’échelle des pouvoirs judiciaire et exécutif. Toutefois, il s’inquiète de l’absence de clarté et de la non-application des mesures temporaires spéciales dans divers domaines, notamment les quotas réglementaires, ce qui ralentit l’égalité de fait des femmes et des hommes dans l’État partie. Il est également préoccupé par le recul de la représentation des femmes à l’Assemblée nationale ainsi que dans les conseils municipaux.

Le Comité renouvelle sa recommandation ( CEDAW/C/KWT/CO/3-4 , par. 27) demandant à l’État partie d’adopter et d’appliquer des mesures temporaires spéciales, telles que le recrutement ciblé de femmes dans les organes chargés de la fonction publique ou du maintien de l’ordre, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention ainsi qu’à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité concernant les mesures temporaires spéciales, qui visent à accélérer l’égalité de fait des femmes et des hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées. Il lui recommande également d’introduire des quotas afin que les femmes puissent être élues à l’Assemblée nationale et représentées dans les conseils municipaux.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie au sujet des efforts faits pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité des sexes au moyen des médias. Toutefois, il constate avec préoccupation que des stéréotypes discriminatoires persistent en ce qui concerne le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Il est également préoccupé par la persistance de pratiques préjudiciables dans l’État partie et regrette l’insuffisance des efforts déployés pour éliminer les mariages d’enfants, les mariages forcés et les meurtres commis au nom de « l’honneur ». Il regrette en outre l’absence de mesures visant à promouvoir le rôle des hommes et des garçons dans la lutte contre les stéréotypes discriminatoires, notamment par l’éducation.

À la lumière de la recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), et de la recommandation générale n o 35 sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures globales, fondées sur l’éducation et la sensibilisation, pour éliminer les pratiques préjudiciables et les stéréotypes discriminatoires concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, tout en promouvant le rôle des hommes et des garçons dans la lutte contre les stéréotypes discriminatoires ;

b) D’établir une collaboration étroite avec diverses parties prenantes, notamment les responsables communautaires et les théologiens progressistes, la société civile et les organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes, dans la mise en œuvre de mesures visant à éliminer les stéréotypes préjudiciables et les pratiques discriminatoires ;

c) D’abolir toutes les dispositions discriminatoires inscrites dans la loi relative au statut personnel, y compris celles concernant la légalisation du mariage d’enfants (art. 24 et 26), ainsi que dans le Code pénal, notamment celles qui prévoient des peines réduites pour les hommes qui tuent des femmes au nom de « l’honneur » (art. 153).

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour élaborer un projet de loi sur la lutte contre la violence domestique qui comprenne une définition de ce type de violence et prévoie la création de centres d’accueil, l’accès des victimes à des services de soutien psychologique et d’assistance juridique et la mise en place d’une permanence téléphonique pour recevoir les plaintes. Il relève en outre que l’État partie a créé des tribunaux des affaires familiales pour examiner les cas de violence domestique. Il est toutefois préoccupé par la persistance de l’impunité dont bénéficient les auteurs de violence sexiste à l’égard des femmes, notamment la violence sexuelle, et constate également qu’on ne dispose toujours pas d’informations sur le nombre de plaintes déposées par des femmes pour violence sexiste en 2016 et sur la suite donnée, ainsi que sur le nombre de condamnations prononcées. Il est en particulier préoccupé par :

a)L’absence de législation érigeant en infraction toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes, telles que l’enlèvement, le viol conjugal et le harcèlement sexuel ;

b)Le fait qu’un ravisseur et violeur qui épouse sa victime avec le consentement de son tuteur échappe à la mise en accusation ;

c)La charge de la preuve qui pèse sur les victimes de violence domestique, auxquelles il incombe d’établir l’infraction et d’exercer un recours ; la capacité juridique et le poids limités accordés aux femmes qui témoignent dans le cadre d’une procédure judiciaire ; l’application obligatoire de procédures de médiation qui visent la réconciliation plutôt que l’engagement de poursuites contre les auteurs dans les affaires de violence familiale ; le fait que l’accusé soit représenté par un conseil, contrairement à la victime de la violence sexiste ;

d)Les lacunes en matière d’assistance et de services appropriés facilement accessibles aux femmes et aux filles victimes de la violence sexiste, notamment l’absence de centres d’accueil dotés d’effectifs et de moyens suffisants et de numéros d’urgence joignables 24 heures sur 24 pour signaler les cas de violence sexiste ;

e)Le manque de confidentialité pour les personnes qui signalent des actes de violence familiale et l’absence de mesures de protection des victimes et des témoins ainsi que la légèreté des peines imposées dans les cas de violence sexiste ;

f)Les préjugés sexistes de la part des agents de police qui découragent les femmes de porter plainte pour violence familiale et sexuelle et le manque de confiance des femmes dans les autorités publiques et dans l’efficacité de la protection qu’elles fournissent ;

g)La stigmatisation sociale à laquelle se heurtent les femmes ayant subi un viol.

Compte tenu de s a recommandations générale n o 35, le Comité exhorte l’État partie à :

a) Adopter une loi globale qui érige en infraction toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes, prévoie des poursuites et des sanctions contre les auteurs de tels actes et garantisse l’accès des victimes à des voies de recours ;

b) Abroger l’article 182 du Code pénal afin d’empêcher les ravisseurs et violeurs d’éviter la mise en accusation en épousant leur victime avec le consentement de son tuteur ;

c) Veiller à ce que les procédures judiciaires tiennent compte des différences entre les sexes et ne pénalisent pas une seconde fois les femmes ayant survécu à la violence sexiste ;

d) Mettre en place des services appropriés pour les femmes et les filles victimes de la violence sexiste, y compris des centres d’accueil dotés d’effectifs et de moyens suffisants, des permanences téléphoniques, une aide juridictionnelle, une assistance médicale, un soutien psychologique et des mesures de réadaptation ;

e) Faire en sorte que les femmes et les filles victimes de la violence sexiste aient immédiatement accès à des mécanismes de signalement et de plainte qui tiennent compte des différences entre les sexes et respectent la confidentialité, à la protection, à l’assistance d’un conseil et à des mesures de réparation ;

f) Dispenser une formation complète et systématique aux forces de l’ordre et élaborer des directives à leur intention portant sur le signalement et le suivi des cas de violence sexiste à l’égard des femmes et sur les procédures tenant compte des différences entre les sexes pour la prise en charge des victimes de cette violence ;

g) Lutter contre les normes culturelles et les stéréotypes discriminatoires qui conduisent à la stigmatisation sociale associée au viol en s’appuyant sur l’éducation et sur des campagnes d’information et de communication, en y associant un large éventail de parties prenantes, y compris les hommes et les garçons, les responsables communautaires et religieux et les médias ;

h) Fournir des statistiques complémentaires sur les plaintes déposées pour violence sexiste à l’égard des femmes, y compris des informations sur la relation entre la victime et l’auteur des faits.

Traite et exploitation sexuelle

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures juridiques et institutionnelles prises par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, notamment les efforts déployés pour enquêter sur les cas signalés et poursuivre les auteurs des actes en question. Toutefois, il est préoccupé par le faible nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de peines imposées en vertu de la loi no 91 de 2013 relative à la traite des personnes et au trafic illicite de migrants.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour prévenir et éliminer la traite des êtres humains, notamment les suivantes :

a) Veiller à ce que tous les cas enregistrés de traite des êtres humains fassent l’objet de poursuites judiciaires et que les auteurs soient dûment punis, notamment en dispensant aux magistrats et aux membres de la police et des forces de l’ordre une formation obligatoire concernant la détection précoce et l’orientation des victimes vers les services appropriés, et en ouvrant des enquêtes débouchant sur une action en justice et un jugement;

b) Garantir aux victimes une assistance et leur faciliter le signalement des cas, notamment en mettant en place des centres d’accueil dotés d’effectifs et de moyens suffisants, qui offrent une assistance juridique, médicale et psychologique et des services de réadaptation, en veillant à ce que soit mis en place un numéro d’urgence joignable 24 heures sur 24 destiné à recevoir les plaintes, et

c) E n accordant des permis de séjour temporaires pour raisons humanitaires aux victimes de la traite, indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec le ministère public, et respecter le principe de non-refoulement.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite des efforts entrepris par l’État partie pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, notamment au sein de la magistrature ou du Ministère des affaires étrangères et de ses missions diplomatiques. Toutefois, il relève avec préoccupation :

a)L’absence d’un système de quotas , aucune disposition de la Constitution ne le permettant alors que l’article 4 de la Convention en fournit la base juridique;

b)Le nombre peu élevé de femmes occupant des postes de responsabilités, notamment de direction, ou exerçant les fonctions d’ambassadeur, de ministre ou de parlementaire.

Compte tenu de sa recommandation générale n° 23 sur la participation des femmes à la vie politique et publique (1997) et, reprenant sa recommandation antérieure ( CEDAW/C/KWT/CO/3-4 , par. 35), le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures visées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de donner suite à sa recommandation générale n° 25 sur les mesures temporaires spéciales (2004), en établissant notamment un système de quotas et en fixant des objectifs assortis de délais précis, qui visent à instaurer une représentation égale des femmes et des hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux de la vie politique et publique, en particulier aux postes de ministre, de parlementaire, de haut fonctionnaire, de procureur, de juge et d’ambassadeur.

Nationalité

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a accordé la nationalité à certains enfants de Koweïtiennes mariées à des non-Koweïtiens et à certains bidouns. Toutefois, il demeure préoccupé par la discrimination persistante entre les femmes et les hommes établie par la loi de 1959 sur la nationalité, qui dénie aux femmes un droit égal à acquérir, à changer, à conserver ou à transmettre leur nationalité. Il relève en particulier les effets préjudiciables de cette loi qui prévoit que les Koweïtiennes mariées à des étrangers ne peuvent transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants, ces derniers étant de ce fait empêchés de participer à la vie politique et n’ayant qu’un accès limité au système scolaire, à l’emploi et au logement social. En outre, les étrangers mariés à des Koweïtiennes n’ont pas le droit de résider dans le pays sans permis de séjour. En revanche, les étrangères mariées à des Koweïtiens obtiennent automatiquement le statut de résidente et peuvent prétendre à la citoyenneté après quinze ans de mariage. Le Comité est également préoccupé par le grand nombre de bidouns (environ 100 000 personnes) qui sont encore apatrides.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa loi relative à la nationalité afin de reconnaître aux Koweïtiennes le droit de transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants, dans les mêmes conditions que les Koweïtiens, et de lever les obstacles qui entravent l’accès des Koweïtiennes mariées à des étrangers au logement social. Il recommande également à l’État partie d’adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, et de continuer d’étudier la possibilité de régulariser la situation de davantage de bidouns.

Formation

Le Comité prend note avec satisfaction de la forte proportion de femmes inscrites dans l’enseignement supérieur. Cependant, il demeure préoccupé par différents éléments, à savoir :

a)Que conformément aux instructions administratives du Ministère de l’éducation, les femmes et filles mariées sont automatiquement exclues du système d’enseignement ordinaire et inscrites à des cours du soir, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur accès à un enseignement de qualité et peut les contraindre à abandonner leurs études;

b)Que les femmes hautement qualifiées exercent essentiellement le métier d’enseignante;

c)Que seules les filles suivent les cours sur la vie domestique, ce qui aura pour effet de perpétuer les stéréotypes relatifs au rôle des femmes;

d)Que les femmes et les filles sont de facto exclues de la formation professionnelle dans les domaines de la mécanique, du bâtiment et de l’architecture;

e)Que l’État partie n’a pas communiqué de données ventilées, entre autres choses, sur la progression des élèves et le cursus suivi.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De se référer à ses précédentes recommandations finales [ CEDAW/C/KWT/CO/3-4 , par. 39 a)] invitant à faire diminuer le taux d’abandon scolaire chez les femmes et les filles, notamment par l’abrogation sans délai de toutes les dispositions empêchant les femmes et les filles mariées d’accéder à un enseignement de qualité et de fréquenter les établissements ordinaires;

b) De prendre les mesures nécessaires au recrutement du même nombre d’hommes que de femmes parmi le personnel enseignant et administratif des établissements d’enseignement publics;

c) De veiller à ce que les garçons suivent eux aussi les cours sur la vie domestique;

d) De lever les obstacles qui excluent de fait les femmes et les filles de la formation professionnelle dans les domaines de la mécanique, du bâtiment et de l’architecture;

e) De collecter, d’analyser et de diffuser des données sur l’accès des filles à l’éducation et leur maintien dans le système éducatif, notamment sur leur progression et les cursus qu’elles suivent.

Emploi

Le Comité est préoccupé par la discrimination dont les femmes continuent de pâtir dans le domaine de l’emploi, en particulier par :

a)L’écart considérable de rémunération entre les hommes et les femmes, tant dans le secteur privé que dans le secteur public;

b)Les dispositions législatives discriminatoires, notamment l’article 23 de la loi relative à l’emploi dans le secteur privé, qui interdit aux femmes de travailler le soir ou d’occuper un emploi considéré comme « dangereux, difficile ou préjudiciable à la santé », les empêche de jouir des droits de la personne et des libertés fondamentales dans le domaine économique et les exclut de certains emplois parmi les mieux rémunérés, notamment dans le secteur pétrolier;

c)L’exclusion de fait des femmes de certains services du secteur public, parmi lesquels l’armée, la garde nationale, la police et les pompiers, l’Office public de l’environnement et l’Institut de recherche scientifique;

d)Le fait que les travailleuses migrantes demeurent exposées aux mauvais traitements, au harcèlement sexuel et au travail forcé;

e)Les carences de la loi n° 68 (2015) régissant la protection des travailleurs domestiques contre les mauvais traitements, l’exploitation et la violence, notamment le fait que cette loi n’institue pas de système d’inspection du travail; les sanctions minimes qui sont appliquées aux agences de recrutement en cas de pratiques abusives; le fait que le statut des travailleurs domestiques au regard des services de l’immigration dépende d’un seul employeur ou parrain, et le fait que le Ministère de l’intérieur soit tenu d’expulser tout travailleur « tentant de prendre la fuite »; l’absence de sanctions à l’égard des employeurs qui confisquent le passeport de travailleurs domestiques ou ne leur fournissent pas un logement décent, une nourriture suffisante, ne pourvoient pas à leurs dépenses médicales, ne leur accordent pas de pauses au cours de la journée ou de jours de congé hebdomadaires; le fait que les employeurs ne sont pas tenus d’assister aux arbitrages visant à régler les différends entre employeur et employé, et qu’il n’existe pas de système de dépôt de plaintes;

f)Le fait que la législation n’incrimine pas le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De ratifier la Convention (n° 100) de 1951 concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale de l’OIT, et de veiller à ce que sa législation soit pleinement conforme à ce texte;

b) De veiller à ce que la loi relative à l’emploi dans le secteur privé interdise la discrimination directe et la discrimination indirecte fondées sur les motifs énumérés dans la Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (n° 111), notamment en raison du sexe de l’OIT;

c) De lever les obstacles qui empêchent de fait les femmes d’accéder à l’emploi dans le secteur public, notamment dans l’armée, dans la garde nationale, dans la police et chez les pompiers, à l’Office public de l’environnement et à l’Institut de recherche scientifique, et de veiller à ce qu’elles bénéficient de perspectives de carrière égales dans les secteurs qui emploient traditionnellement des hommes;

d) D’adopter et d’appliquer des lois et des règlements qui instaurent des voies de recours juridiques et des mécanismes de dépôt de plainte adaptés aux travailleuses migrantes, clandestines ou non, pour les protéger des mauvais traitements, du harcèlement sexuel et du travail forcé;

e) De ratifier la Convention (n° 189) de 2011 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques de l’OIT, et de veiller à ce que la législation nationale, en particulier la loi n° 68, soit pleinement conforme à ce texte;

f) De poursuivre ses efforts en vue d’abolir totalement le système de parrainage dit de kafala;

g) De modifier la loi relative à l’emploi dans le secteur privé ainsi que la législation relative au service public et aux forces de police de manière à y incriminer le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et à veiller à ce que les victimes de harcèlement sexuel aient accès à des recours utiles.

Santé

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie en vue de se doter d’une loi sur la santé mentale destinée à réglementer les procédures d’admission, de sortie, de traitement et d’internement des patients dans les établissements psychiatriques. Cependant, il est préoccupé par :

a)La pratique qui continue d’être observée par certains hôpitaux et qui consiste à exiger l’autorisation du mari ou d’un parent de sexe masculin pour pratiquer une intervention chirurgicale sur une femme, en particulier pour raisons obstétricales ou gynécologiques, en dépit des directives du Ministère de la santé autorisant les femmes de 21 ans et plus à donner leur consentement avant ce type d’interventions;

b)Les informations selon lesquelles des femmes seraient arbitrairement admises et internées dans des établissements psychiatriques;

c)Le fait que l’avortement n’est autorisé par la loi que si la vie de la femme est en danger ou si le fœtus présente une malformation grave.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter rapidement la loi sur la santé mentale, de manière à réglementer les traitements psychiatriques, les droits des patients, ainsi que l’internement et l’isolement, conformément aux normes internationales, qui prévoient notamment que toute décision relative à l’isolement et à sa durée doit faire l’objet d’une autorisation judiciaire;

b) De veiller à ce que tous les hôpitaux suppriment l’obligation d’obtenir l’autorisation d’un tuteur masculin avant de pratiquer une intervention médicale urgente ou non urgente sur une femme, en particulier en diffusant largement la réglementation applicable et des informations pertinentes auprès, d’une part, des prestataires de soins de santé et, d’autre part, des patients;

c) D’étendre la légalisation de l’avortement aux cas de risque pour la santé de la femme, de viol et d’inceste, et de le décriminaliser dans tous les autres cas.

Avantages économiques et prestations sociales

Le Comité prend note l’adoption, en 2015, d’une loi visant à protéger le droit des femmes mariées de faire une demande de prêt bancaire en leur nom propre. Toutefois, il constate avec préoccupation que le système public d’aide sociale découlant de la loi n° 12 (2011) instaure une discrimination en ce qui concerne la désignation des bénéficiaires. Il s’inquiète également de ce que les femmes n’ont pas droit aux mêmes prestations de sécurité sociale que les hommes en cas de décès du conjoint.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent et de revoir le système de prestations de sécurité sociale en tenant compte du rôle des femmes comme soutien de famille. Il lui recommande également de veiller à ce que les femmes aient droit à des prestations de sécurité sociale égales à celles des hommes en cas de décès du conjoint. Il recommande en outre que la loi n° 12 (2011) relative à la sécurité sociale soit modifiée afin que les femmes aient les mêmes droits que les hommes pour ce qui est de la désignation de leurs bénéficiaires.

Activités sportives et récréatives

Le Comité constate avec préoccupation que dans l’État partie, les femmes se heurtent à des obstacles qui les empêchent de pratiquer des activités sportives et récréatives au même titre que les hommes.

Le Comité recommande à l’État partie de lever ces obstacles et de promouvoir activement la participation des femmes et des filles dans les conseils d’administration d’associations sportives et leur accès à des clubs de sport « ouverts à tous » au même titre que les hommes, de diversifier les sports proposés par ces clubs et de promouvoir et de soutenir les femmes et les filles qui souhaitent devenir athlètes professionnelles.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité constate avec préoccupation que les groupes de femmes et de filles défavorisés, notamment les réfugiées, les migrantes, les bidouns (apatrides), les femmes chiites et bahaïes et les autres femmes et filles non musulmanes, les Koweïtiennes mariées à des étrangers et les femmes et les filles handicapées continuent de faire l’objet de discriminations croisées. Ces discriminations sont souvent fondées sur des éléments multiples, notamment le sexe, la nationalité, le statut de migrante, l’âge, la religion, le handicap, la race et l’appartenance ethnique, ou la situation conjugale. Il est également préoccupé par le fait que ces groupes sont exclus des services sociaux de base et n’ont pas accès à la justice, à un travail décent, à la citoyenneté et à la délivrance de certificats de naissance et de mariage ainsi que de documents d’identité, et par le risque accru auquel ces femmes sont exposées de subir des violences et des mauvais traitements, et d’être victimes d’exploitation, notamment de l’exploitation sexuelle, du travail forcé et de la traite.

Compte tenu de ses recommandations générales n° 32 sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, de 2014, n° 26 concernant les travailleuses migrantes, de 2008, et n° 18 sur les femmes handicapées, de 1991, le Comité recommande à l’État partie de veiller à l’égale protection des droits des groupes de femmes et de filles défavorisés, en droit et en fait, et conformément à la Convention, et en particulier :

a) De ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967, d’adopter une loi sur l’asile et de régulariser la situation des réfugiés;

b) De veiller à délivrer des certificats de naissance et d’autres documents aux femmes, aux hommes et aux enfants bidouns de manière à éviter les cas d’apatridie;

c) De garantir la délivrance de certificats de mariage, notamment aux femmes bahaïes;

d) D’abroger toutes les dispositions législatives constituant une discrimination à l’égard des non-musulmanes, notamment celles qui figurent dans la loi relative au statut personnel, en particulier les articles 3, 192 et 293, la loi n° 23 (1990) relative à la réglementation de la magistrature, en particulier les articles 19 et 61, et toutes les dispositions législatives constituant une discrimination à l’égard des musulmanes converties à une autre religion, en particulier les articles 18, 49 et 294 de la loi relative au statut personnel, ainsi que l’article 4 de la loi sur la nationalité.

e) De veiller à ce qu’une égale protection des femmes chiites soit inscrite dans le droit codifié, notamment pour tout ce qui concerne le statut personnel;

f) De mener à son terme la procédure d’adoption de la loi sur la santé mentale de manière à protéger efficacement les droits des femmes et des filles handicapées;

g) De lever les obstacles qui empêchent les réfugiées, les migrantes et les femmes et les filles bidouns d’accéder à l’emploi et aux services sociaux de base, à l’éducation, au logement et aux soins de santé, notamment aux services relatifs à la santé sexuelle et procréative.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité constate que la réforme de la loi sur le statut personnel n’a pas avancé, et s’inquiète une nouvelle fois des dispositions législatives discriminatoires à l’égard des femmes et des filles instituées dans le mariage et les rapports familiaux, notamment :

a)Des dispositions discriminatoires de la loi sur le statut personnel concernant la garde des enfants, le divorce et la curatelle, qui augmentent le risque pour les femmes d’être exposées aux violences sexistes et font obstacle à la possibilité de se soustraire à une relation violente et d’obtenir justice;

b)Des exceptions à l’interdiction du mariage des enfants dont la limite reste fixée à 15 ans pour les filles;

c)De l’obligation pour les femmes sunnites d’avoir un tuteur masculin (« wali ») pour contracter mariage et pour les femmes chiites, d’avoir un homme musulman comme témoin de mariage;

d)Des restrictions au droit pour les femmes de divorcer;

e)Des restrictions concernant les femmes dans les droits de succession;

f)De l’interdiction pour les musulmanes d’épouser un non-musulman;

g)De la licéité de la polygamie pour les hommes musulmans;

h)Des restrictions dans les régimes de garde et de curatelle des enfants confiées aux femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer la réforme de sa législation par l’abrogation ou la modification de toutes les dispositions discriminatoires en matière de mariage et de rapports familiaux, en particulier celles de la loi sur le statut personnel concernant le mariage, le divorce, la garde et la curatelle des enfants, la polygamie et le mariage des enfants;

b) De rendre le C ode civil et les interprétations non codifiées de l’école juridique jafarite en matière de statut personnel conformes aux obligations de l’État partie découlant des articles 2, 5 a) et 15 de la Convention, d’engager un débat public préalablement à l’adoption d’une loi sur un statut personnel unifié, et de s’inspirer des meilleures pratiques adoptées par des pays voisins aux contextes culturel et religieux analogues.

Protocole facultatif à la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes, énoncée dans les dispositions de la Convention, en s’appuyant sur l’application du programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité invite l’État partie à porter les présentes observations finales à la connaissance des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire, dans un délai raisonnable et dans sa langue officielle, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité invite l’État partie à intensifier davantage sa coopération avec les institutions et programmes spécialisés des Nations Unies et d’autres entités internationales pour mettre au point un vaste programme de mise en œuvre des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 13, 29 b) et 47 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son sixième rapport périodique en novembre 2021, en veillant à ce qu’il soit présenté dans les délais et couvre toute la période jusqu’au moment de son dépôt.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chapitre I).