Quarante-deuxième session

20 octobre-7 novembre 2008

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Kirghizistan

Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Kirghizistan (CEDAW/C/KGZ/3), à ses 856e et 857e séances, le 23 octobre 2008 (voir CEDAW/C/SR.856 et 857). La liste des questions soulevées par le Comité dans le document CEDAW/C/KGZ/Q/3 et les réponses du Kirghizistan figurent dans le document CEDAW/C/KGZ/Q/3/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie de son troisième rapport périodique. Il note que ce document est conforme dans l’ensemble à ses directives générales pour l’établissement des rapports périodiques et qu’il fait référence à ses observations finales précédentes, mais constate qu’il présente des données statistiques ventilées par sexe incomplètes. Il se félicite que son examen du deuxième rapport périodique du Kirghizistan ait amené le Gouvernement de l’État partie à adopter en 2004 une matrice de mesures destinées à donner suite à ses observations finales, et il invite l’État partie à faire de même en ce qui concerne les présentes observations. Le Comité regrette toutefois l’absence d’informations détaillées et complètes sur les résultats obtenus concrètement et sur les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des mesures énumérées dans le rapport.

Le Comité se félicite que l’État partie ait répondu par écrit aux questions du groupe de travail présession, mais constate que les précisions apportées ne sont pas toujours satisfaisantes et ne répondent pas entièrement aux questions posées.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir désigné une délégation conduite par le président de la Commission de la promotion des femmes, de la jeunesse et des sports du Jogorku Kenesh (Parlement) et composée de représentants de diverses branches de l’exécutif et d’un représentant de l’autorité judiciaire. Il apprécie le dialogue franc et constructif qui s’est instauré entre ses membres et ceux de la délégation, même si un certain nombre de questions précises sont restées sans réponse.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie de sa détermination à appliquer la Convention et de la série de mesures qu’il a prises pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes et promouvoir l’égalité des sexes, notamment en promulguant la loi sur les garanties publiques de l’égalité des droits et des chances.

Le Comité se félicite de la modification de la loi électorale et de l’introduction de quotas temporaires garantissant que la proportion d’individus du même sexe parmi les candidats aux élections et les députés du Parlement ne dépasse pas 70 % du total. Il constate avec satisfaction que le Parlement compte actuellement plus de 25 % de femmes.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle que l’État partie a l’obligation de s’assurer que toutes les dispositions de la Convention sont appliquées systématiquement et en permanence, et estime que, d’ici à la présentation de son prochain rapport, il doit en priorité accorder son attention aux préoccupations et aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. En conséquence, le Comité engage l’État partie à centrer son attention sur les domaines en question dans ses activités de mise en œuvre et à rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures prises, des résultats obtenus et des principales difficultés rencontrées. Il l’engage également à transmettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au P arlement , afin qu’elles soient appliquées dans leur intégralité.

Parlement

Tout en réaffirmant que la responsabilité de la mise en œuvre des obligations de l’État partie aux termes de la Convention incombe au premier chef au Gouvernement, qui est tenu d’en rendre compte, le Comité souligne que ses dispositions s’imposent à toutes les instances gouvernementales et invite l’État partie à encourager son parlement à faire le nécessaire, conformément aux procédures applicables, selon que de besoin, en vue de l’application des présentes observations finales et de l’élaboration du prochain rapport périodique.

La Constitution et la législation, dont la loi de 2003 sur les garanties publiques de l’égalité des droits et des chances, interdisent certes la discrimination et proclament le droit à l’égalité, mais il n’est pas certain que ces garanties juridiques se traduisent dans les faits par la réalisation du droit des femmes à l’égalité.

Le Comité encourage l’État partie à sensibiliser les hauts fonctionnaires, les membres de la magistrature et le public en général à la nature de la discrimination indirecte et au principe de l’égalité réelle énoncé dans la Convention. Il lui demande également de contrôler, au moyen d’indicateurs mesurables, l’incidence des lois, politiques et programmes sur la situation des femmes, d’évaluer les progrès accomplis vers l’instauration concrète de l’égalité réelle entre les deux sexes et d’informer le Comité des résultats de ces activités dans son prochain rapport. Il invite par ailleurs l’État partie à introduire dans sa législation des dispositifs imposant à l’État de garantir dans les faits l’exercice par les femmes de leur droit à l’égalité.

Le Comité constate avec préoccupation que, si la loi sur les garanties publiques de l’égalité des droits et des chances prévoit bien l’analyse différenciée par sexe de l’ensemble des programmes régionaux et locaux, de telles analyses ont rarement été faites.

Le Comité engage vivement l’État partie à prendre d’ urgence des mesures pour analyser sa législation au prisme des facteurs de sexe, afin d’en éliminer les dispositions discriminatoires explicites et cachées. Il lui demande également de mettre en place sans retard un mécanisme pour faire des analyses sexospécifiques systématiques de tous les projets de loi et programmes, en se basant sur les critères normatifs de la Convention.

Visibilité de la Convention

Le Comité considère que la Convention manque de visibilité, alors qu’elle est directement applicable et fait donc partie intégrante de la législation kirghize; ses dispositions, son Protocole facultatif, ainsi que les décisions et les recommandations générales du Comité sont insuffisamment connus, y compris parmi les juges, les avocats et les procureurs et parmi les femmes elles-mêmes, comme l’indique l’absence de toute décision de justice se référant à la Convention. De plus, l’État partie n’a pas indiqué si des dispositions de la Convention avaient jamais été invoquées devant les tribunaux.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures plus énergiques et plus concrètes pour diffuser l’information sur la Convention, les procédures au titre du Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité, et d’élaborer et mettre en œuvre des programmes couvrant tous les aspects de ces deux instruments à l’intention des procureurs, des juges, de l’ombudsman et des avocats. Il lui recommande également de lancer de grandes campagnes de sensibilisation et d’initiation au droit en direction des femmes (notamment rurales) et des organisations non gouvernementales travaillant auprès des femmes afin d’encourager les femmes à se prévaloir des procédures et des recours possibles en cas de violation de leurs droits au regard de la Convention et à déclencher la procédure de plainte prévue dans la loi sur les garanties publiques de l’égalité des droits et des chances. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport des informations sur les plaintes déposées par des femmes en vertu des dispositions de la loi en vigueur et sur leur issue.

Le Comité note que dans ses réponses écrites à la liste des questions (p. 5 du document), l’État partie cite des exemples montrant que le Ministère de l’éducation a analysé le contenu des nouveaux manuels scolaires selon une grille antisexiste; il regrette néanmoins que cet exercice soit resté limité et n’ait concerné que l’instruction primaire et l’éducation de base.

L’État partie est invité à prendre toutes les mesures nécessaires pour analyser tous les manuels et programmes scolaires existants dans une optique antisexiste et de passer systématiquement au crible tous les nouveaux manuels et programmes, en particulier ceux de l’enseignement secondaire.

Le Comité constate avec préoccupation que des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans et que certains mariages ne sont pas enregistrés, en violation du paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention.

Le Comité demande à l’État partie d’appliquer intégralement les lois sur le mariage et la famille, qui fixent à 18 ans l’âge légal du mariage pour les femmes comme pour les hommes, et d’adopter des mesures pour que tous les mariages soient en conformité avec le para graphe 2 de l’article 16 de la Convent ion. Il lui demande également d’inclure dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet égard et sur les résultats obtenus quant à l’enregist rement des mariages.

Violences à l’égard des femmes

Le Comité reste préoccupé par le fait que, malgré la législation en vigueur (loi sur la protection sociale et juridique des victimes de violences dans la famille) et autres initiatives, les violences familiales sont encore monnaie courante. Les policiers ne semblent pas très disposés à agir face à de tels actes, qu’ils préfèrent souvent considérer comme de simples débordements. De plus, les victimes préfèrent s’adresser aux Centres d’urgence, essentiellement gérés par des ONG, plutôt qu’aux autorités de l’État. Le Comité regrette aussi que le rapport de l’État partie ne contienne pas de renseignements détaillés sur les violences sexuelles à l’égard des femmes et notamment sur le harcèlement sexuel au travail.

Comme il l’a fait dans ses observations finales précédentes, le Comité recommande le lancement à l’échelle du pays d’une vaste campagne de sensibilisation et de lutte contre la violence familiale. Il recommande également à l’État partie de s’assurer que sa législation dans ce domaine est véritablement appliquée, en particulier par les forces de police, d’étoffer les programmes de formation des policiers et des magistrats, d’utiliser et de renforcer les mécanismes existants pour s’assurer que les victimes de violences familiales sont correctement protégées. Le Comité recommande par ailleurs que l’État alloue un budget suffisant aux programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Il demande aussi à l’État partie de lui communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur la violence sexue l l e , dont le harcèlement sexuel, et sur les mesures prises pour l’éliminer.

Le Comité demeure gravement préoccupé par la persistance des enlèvements de femmes et de filles à marier (alors qu’ils sont interdits par la loi), déjà signalée dans ses observations finales précédentes. Il constate avec inquiétude que cette pratique aboutit à des mariages forcés, en violation de l’article 16 de la Convention. La persistance de la polygamie, pratique pourtant interdite dans l’État partie, est un autre sujet de préoccupation.

Le Comité recommande à l’État partie d’agir immédiatement pour faire appliquer strictement les lois réprimant les enlèvements de femmes ou filles à marier, les mariages forcés et la polygamie. Il l’exhorte notamment à prendre des mesures appropriées pour que toutes les affaires de ce genre soient instruites et fassent l’objet de poursuites et de sanctions, même en l’absence de plainte officielle. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre de toute urgence des mesures efficaces pour mettre fin à ces pratiques, notamment en formant les magistrats et les policiers et en conduisant régulièrement de grandes campagnes de sensibilisation. Les médias ont un rôle essentiel à jouer à cet égard. L’État partie est par ailleurs invité à étudier les causes de ces phénomènes et les raisons de leur expansion afin de mieux déterminer les meilleures mesures à prendre pour les éliminer.

Stéréotypes et pratiques culturelles

Le Comité note avec préoccupation que les stéréotypes sur le rôle des femmes dans la famille et dans la société ont toujours cours, même dans les médias. Ils contribuent à maintenir les femmes dans un statut subalterne dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché du travail et en termes d’accès aux postes de décision, et réduisent les perspectives éducatives et professionnelles des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures renforcées et de lancer des programmes et notamment des campagnes de sensibilisation et d’information en direction des femmes et des hommes, mais aussi des médias, afin d’éliminer les notions stéréotypées du rôle des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, en conformité avec les articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Il recommande aussi que les médias soient encouragés à projeter une image positive de la femme et à promouvoir la valeur de l’égalité des sexes dans l’ensemble de la société. Il engage l’État partie à évaluer périodiquement l’impact des mesures prises, à prendre des initiatives en conséquence et à en rendre compte au Comité dans son prochain rapport.

Dispositif national pour l’amélioration de la condition de la femme

L’État partie a indiqué qu’il envisageait de créer un organisme public spécial pour les questions féminines; le Comité constate avec regret que la création d’un mécanisme doté d’attributions précises et de moyens financiers et humains suffisants se fait attendre.

Le Comité recommande à l’État partie de créer sans attendre un organe efficace spécifiquement chargé des questions féminines (voir réponse de l’État partie au point 5) doté de ressources financières et humaines suffisantes et d’un mandat clairement défini, afin de pouvoir concevoir des initiatives et des programmes énergiques et cohérents plus particulièrement axés sur les femmes et de fédérer et mobiliser tous les ministères autour de leur mise en œuvre effective.

Organisations non gouvernementales

Le Comité relève dans les réponses de l’État partie à la liste de questions que les autorités du pays commencent à coopérer plus activement avec les organisations non gouvernementales; il lui semble toutefois que les ONG ont été peu consultées lors de l’établissement et de la rédaction du rapport.

Étant donné que les ONG jouent un rôle de premier plan dans l’application de la Convention et qu’elles gèrent la majorité des centres d’accueil des femmes victimes de violence, de la traite et de l’exploitation sexuelle, le Comité engage vivement l’État partie à leur fournir des appuis et des financements suffisants. Il invite l’État partie à dialoguer plus activement et plus fréquemment avec la société civile et à associer les ONG à l’établissement de son prochain rapport périodique.

Traite des personnes

Le Comité note avec préoccupation que le rapport et les réponses écrites de l’État partie fournissent peu de détails et de données statistiques sur le phénomène de la traite des personnes au Kirghizistan.

Le Comité engage l’État partie à produire une étude complète des tenants et aboutissants de la traite des personnes de manière à appréhender le phénomène dans toutes ses dimensions, d’en mieux comprendre les causes, de conna î tre les méthodes utilisées par les trafiquants, d’empêcher la traite, de faire en sorte que les victimes bénéficient d’une protection effective et de poursuivre et punir les trafiquants. L’État partie est invité à présenter des informations sur les mesures prises à cet égard, y compris des statistiques détaillées. Il est également invité à lancer périodiquement des campagnes d’information sur les risques et les causes de la traite des personnes et notamment de faire un travail d’explication de la législation existante en direction des femmes rurales. L’État partie est également invité à mettre en place un système efficace de contrôle des travailleurs migrants pour contrer ce trafic.

Mesures temporaires spéciales

Comme il l’a expliqué dans sa recommandation générale no25, le Comité regrette que les mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention ne soient pas suffisamment mises à contribution pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines couverts par la Convention (en particulier en ce qui concerne la présence des femmes aux postes de responsabilité publique et leur participation aux prises de décisions à tous les niveaux, dans l’éducation et la vie économique, etc.).

Le Comité encourage l’État partie à envisager de recourir à de nouvelles mesures temporaires spéciales sous forme d’allocation de ressources et d’incitations, de recrutements ciblés, de quotas et d’objectifs assortis d’échéances, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité, afin d’accélérer l’instauration de l’égalité de fait des hommes et des femmes en matière de prises de décision s à tous les niveaux et aux postes de responsabilité dans l’économie, l’éducation et les partis poli ti ques. Il recommande également à l’État partie d’inscrire dans ses lois pour l’égalité des dispositions qui encouragent l’introduction de mesures temporaires spéciales dans les secteurs public et privé.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Tout en prenant note des progrès réalisés dans la représentation des femmes au Parlement, et aussi de la règle selon laquelle la proportion des membres de la Cour des comptes du même sexe ne doit pas dépasser 70 %, le Comité s’inquiète de la persistance de la sous-représentation générale des femmes dans la vie publique et dans la vie politique, en particulier aux postes de décision, y compris aux échelons les plus élevés des partis politiques, des instances représentatives locales, des organes exécutifs de l’administration centrale et des autorités locales, ainsi que dans le service diplomatique.

Le Comité invite l’État partie à adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à ses recommandations générales n o s 23 et 25, afin d’accélérer la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité, aux organes dont les membres sont élus ou nommés, y compris à l’échelon international. Ces mesures devraient être assorties d’objectifs chiffrés à atteindre dans certains délais, de programmes de formation sur les qualités attendues des chefs et des négociateurs à l’intention des femmes qui occupent déjà des postes de responsabilité ou en occuperont à l’avenir, ainsi que d’un suivi systématique des progrès réalisés et des résultats obtenus. Le Comité recommande également à l’État partie d’appeler l’attention des partis politiques sur cette question. Il l’exhorte également à mener des campagnes de sensibilisation axées sur l’importance de la participation des femmes à la vie publique et à la vie politique et de leur représentation aux niveaux de la prise de décisions.

Emploi

Le Comité s’inquiète de la situation des femmes sur le marché du travail, notamment de la concentration persistante des femmes dans les domaines traditionnels de l’emploi, à des postes peu rémunérateurs, en particulier dans le secteur non structuré, ainsi que des écarts de salaires entre les hommes et les femmes et du fort taux de chômage parmi les femmes.

Conformément à ses observations finales antérieures, le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures afin de garantir l’égalité des chances pour les femmes et les hommes sur le marché du travail, en recourant notamment à des mesures temporaires spéciales, comme le prévoient le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et la recommandation générale n o  25. Il exhorte l’État partie à veiller à ce que tous les programmes générateurs d’emplois aient une dimension sexospécifique et à ce que les femmes puissent tirer pleinement profit de toutes les initiatives prop res à encourager l’esprit d’entreprise. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures afin de réduire et d’éliminer l’écart qui sépare actuellement les salaires des femmes et ceux des hommes. Il lui recommande également de renforcer les mesures déjà en place en vue de concilier les obligations familiales et professionnelles et d’adopter de nouvelles mesures afin d’encourager le partage des tâches ménagères et familiales entre les hommes et les femmes.

Santé

Dans l’ensemble, le Comité est préoccupé par la situation des femmes en matière de santé, et en particulier par les inégalités d’accès entre les régions urbaines et les régions rurales. Il s’inquiète également qu’en exigeant que les individus participent aux dépenses de santé, on ne désavantage les femmes de manière disproportionnée, tout en relevant que les enfants âgés de moins de 5 ans, les femmes enceintes, celles qui ont récemment accouché et les personnes âgées de plus de 75 ans sont exemptés du paiement de cette contribution. Le Comité s’inquiète de l’augmentation des taux de mortalité maternelle et infantile, des cas d’anémie constatés parmi les femmes enceintes, de la persistance d’un nombre élevé d’avortements, notamment parmi les femmes de moins de 18 ans, de l’insuffisance pondérale des filles, de la forte incidence de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles chez les femmes. Il est également préoccupé par l’alcoolisme parmi les femmes et l’absence de données statistiques ventilées sur la santé des femmes rurales.

Le Comité recommande que, conformément à la recommandation générale n o  24 sur les femmes et la santé, l’État partie applique pleinement, s’agissant de la santé des femmes, une démarche globale axée sur toutes les étapes de la vie. Il invite instamment l’État à garantir l’accès à des services de santé adaptés et peu coûteux pour l’ensemble de la population, et en particulier pour les femmes rurales. Il lui recommande de renforcer les mesures pour réduire les taux de mortalité maternelle et infantile ainsi que la propagation de la tuberculose et d’autres maladies parmi les femmes. Il invite aussi instamment l’État partie à prendre des dispositions efficaces en vue de prévenir et de combattre l’alcoolisme et la toxicomanie chez les femmes. Il lui recommande d’adopter des mesures afin de mieux faire connaître des méthodes de contraception peu coûteuses et d’en faciliter l’accès et de promouvoir largement l’éducation sexuelle ciblée aussi bien sur les filles que sur les garçons. Le Comité invite l’État partie à diffuser des émissions sur les programmes d’hygiène sexuelle et de santé en matière de procréation dans les médias et de sensibiliser le public à la santé génésique. Il l’encourage aussi à suivre de près le fonctionnement des services de santé afin de s’assurer qu’ils répondent de manière sexospécifique à toutes les préoccupations des femmes dans le domaine de la santé, y compris celles des femmes dans les régions rurales. Le Comité invite l’État partie à utiliser sa recommandation générale n o  24 comme cadre d’action pour veiller à ce que l’ensemble des politiques et des programmes dans le domaine de la santé comportent une perspective sexospécifique.

Conséquences économiques du divorce

Le Comité se déclare préoccupé par la situation économique des femmes divorcées, en particulier dans les régions rurales et éloignées, et par l’absence de règles spécifiques propres à garantir, dans la pratique, les droits des femmes à la propriété en cas de concubinage.

Le Comité invite l’État partie à analyser le nombre de cas de concubinage afin d’évaluer la situation économique des femmes en cas de divorce ou de séparation, et à envisager d’adopter des lois et des réglementations afin de protéger les droits des femmes à la propriété en cas de dissolution du mariage ou de cessation d’une union de fait. Le Comité invite également l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les travaux de recherche réalisés à cet égard, ainsi que sur leurs résultats.

Groupes de femmes vulnérables

Le Comité demeure dans l’ensemble préoccupé par l’absence de renseignements détaillés concernant les femmes rurales.

L’État partie est invité à fournir des données statistiques complètes sur la situation des femmes rurales, ventilées notamment par âge, sexe, catégorie professionnelle et revenu, dans son quatrième rapport périodique.

Le Comité s’inquiète des cas de discrimination et de harcèlement dont sont victimes les femmes en raison de leur sexualité et des actes de harcèlement des professionnelles du sexe de la part des membres de la police.

Le Comité exhorte l ’État partie à prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que la Convention s’applique à toutes les femmes, sans discrimination , et à prendre toutes les dispositions nécessaires afin de les protéger contre toutes les formes de discrimination et de violence de la part de particuliers et d’agents de l’État .

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité exhorte l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, en s’appuyant sans réserve sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne aussi qu’il est indispensable de donner pleinement effet à la Convention pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il invite l’État partie à prendre en compte la problématique hommes-femmes et à appliquer sans réserve les dispositions de la Convention dans toutes les initiatives visant à atteindre les objectifs du Millénaire, et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Article 20, paragraphe 1, de la Convention

Se référant à ses observations finales antérieures , le Comité encourage l’État partie à accepter aussi rapidement que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée de ses réunions, compte tenu de la réaction positive de l’État partie à cet amendement.

Ratification d’autres traités

Le Comité note qu’en adhérant aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, les États permettent aux femmes d’exercer pleinement leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Diffusion des observations finales

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Kirghizistan, en kirghize et en russe, pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration, les responsables politiques, les parlementaires, les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, soient au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l’État partie de continuer à diffuser largement, surtout auprès des femmes et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi que du document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 21 et 25 ci-dessus. À cette fin, il l’invite à faire appel, si nécessaire, à la coopération et à l’assistance techniques, et notamment à des services consultatifs.

Date du prochain rapport périodique

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’ il établira en application d e l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter son quatrième rapport périodique, en octobre 2012, comme prévu.