à l’égard des femmes

Observations finales concernant le huitième rapport périodique du Kenya *

Le Comité a examiné le huitième rapport périodique du Kenya (CEDAW/C/KEN/8) à ses 1546e et 1547e séances (voir CEDAW/C/SR.1546 et CEDAW/C/SR.1547), le 2 novembre 2017. La liste de points établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/KEN/Q/8 et les réponses du Kenya dans le document CEDAW/C/KEN/Q/8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le huitième rapport périodique de l’État partie.Illeremercieégalementdesonrapportcomplémentaire (CEDAW/C/KEN/CO/7/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions posées à l’oral par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation multisectorielle, conduite par la Ministre de la fonction publique, de la jeunesse et des questions de genre, Sicily Kariuki, et composée également du Représentant permanent du Kenya auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, Stephen Ndungu Karau, et de représentants du Ministère des affaires étrangères et du commerce international, du Ministère de l’éducation, du Département d’État à la protection sociale, du Ministère de l’environnement et des ressources naturelles, de l’Université de Nairobi, du Council of Governors, du Anti-Female Genital Mutilation Board, de l’hôpital national Kenyatta et du Women Enterprise Fund.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des avancées réalisées par l’État partie, depuis l’examen en 2011 de son septième rapport périodique (CEDAW/C/KEN/7), dans l’adoption de réformes législatives, notamment des textes suivants :

a)La loi sur l’aide juridictionnelle (2016), qui a facilité l’accès à la justice pour les femmes au revenu modeste, en instaurant un programme d’aide juridictionnelle ;

b)La loi sur la protection contre la violence familiale (2015) ;

c)La loi pour la protection des victimes (2013), qui prévoit un accompagnement global pour les femmes victimes de la traite des personnes ;

d)La loi sur l’interdiction des mutilations génitales féminines (2011) ;

e)La loi sur la Commission nationale pour les questions de genre et la promotion de l’égalité (2011).

5.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le Plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité (2016) ;

b)Le Département d’État aux questions de genre (2015) ;

c)La Politique nationale de prévention et de répression de la violence sexiste (2014) ;

d)La Commission nationale pour les questions de genre et la promotion de l’égalité (2011) ;

e)La Politique nationale pour l’égalité des sexes (2011).

Le Comité salue la volonté dont fait preuve l’État partie concernant la réalisation des objectifs de développement durable. Il rappelle l’importance de l’indicateur 5.1.1 et félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises en vue de mettre en œuvre des politiques de développement durable, notamment celles visant à lutter contre les changements climatiques.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir l’application intégrale de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires , adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Lois religieuses et coutumières discriminatoires

Le Comité rend hommage à l’État partie pour sa constitution progressiste. Il rappelle toutefois la préoccupation qu’il avait exprimée dans sa recommandation générale no 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, au sujet de la coexistence de plusieurs systèmes juridiques, qui est en soi discriminatoire à l’encontre des femmes. En outre, il est préoccupé par le fait que le cadre juridique de l’État partie, en particulier les dérogations prévues à l’article 45 de la Constitution et au paragraphe 3 de l’article 49 de la loi sur le mariage (2014), sont discriminatoires à l’égard des femmes musulmanes et des femmes ayant contracté un mariage coutumier, notamment du fait de la non applicabilité explicite aux tribunaux de kadhis des dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité et que les femmes ne peuvent pas exercer la fonction de kadhi, et en raison aussi de la légalisation de la polygamie, en violation des dispositions non discriminatoires de la Constitution et de la Convention et en opposition aux recommandations générales no 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et no°29.

9.Conformément aux articles 1 et 2 de la Convention et à la cible 5.1 des objectifs de développement durable, le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/KEN/CO/7, par. 12 d)) et recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger ou de modifier les dispositions discriminatoires du droit religieux et coutumier de façon à les mettre en conformité avec l ’ article 16 de la Convention  ;

b) De codifier le droit musulman de la famille d ’ une façon compatible avec l ’ article 27 de la Constitution et les articles 1, 2 et 16 de la Convention  ;

c) De nommer des femmes musulmanes aux postes de kadhi et de médiatrice pour le règlement des litiges dans le système de tribunaux de kadhis.

Législation antidiscrimination

Le Comité note avec préoccupation l’absence d’une législation complète antidiscrimination dans l’État partie, notamment la non‑prise en compte dans la Constitution de l’intersectionalité en tant que motif de discrimination, ainsi que le fait que les actes homosexuels demeurent une infraction pénale.

Conformément à la recommandation n o  28 (2010) sur les obligations fondamentales des États parties qui découlent de l’article 2 de la Convention, à la recommandation acceptée par le Kenya, pendant l’Examen périodique universel de 2015 ( A/HRC/29/10 , par. 142.41), qui l’invitait à adopter une loi complète antidiscrimination propre à assurer une protection à toutes les personnes, et à la déclaration faite par l’État partie au cours du dialogue, concernant la tenue de consultations publiques en vue de l’élaboration d’une loi complète dans laquelle, idéalement, l’homosexualité serait prise en compte, le Comité recommande à l’État partie d’exercer la diligence voulue pour protéger de la discrimination toutes les femmes, notamment les lesbiennes, les bisexuelles, les transgenres et les personnes intersexuées, en adoptant une loi complète antidiscrimination propre à les protéger.

Défenseuses des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par le rétrécissement du champ d’action de la société civile dans l’État partie, qui prend notamment la forme de menaces à la vie, à la sécurité et au travail des défenseuses des droits de l’homme, en particulier pendant les processus électoraux, ainsi que de restrictions au financement étranger et d’entraves administratives imposées aux organisations de la société civile. Il est également préoccupé par le fait que les recommandations formulées par la Commission vérité, justice et réconciliation dans son rapport final de 2013 n’ont pas été appliquées.

Se référant aux recommandations acceptées par l’État partie pendant l’Examen périodique en 2015 ( A/HRC/29/10 , par. 142), le Comité lui recommande :

a) D’adopter et d’appliquer, sans délai, des mesures concrètes pour protéger les défenseuses des droits de l’homme de façon à leur permettre d’accomplir leur travail librement, sans craindre ni être menacées de harcèlement, de violence ou d’intimidation ;

b) De lever les restrictions au financement étranger imposées aux organisations non gouvernementales ;

c) D’enquêter sérieusement sur tous les cas de harcèlement, de violence et d’intimidation concernant les défenseuses des droits de l’homme, de poursuivre et de punir comme il convient les auteurs et d’assurer des recours utiles aux victimes ;

d) D’assurer l’application effective des recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation de façon à accorder la priorité aux droits des femmes.

Mécanismes nationaux pour la promotion de la femme

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour renforcer les mécanismes nationaux de promotion de la femme, notamment la mise en place de la Commission nationale pour les questions de genre et la promotion de l’égalité, de la Commission nationale des droits de l’homme et de la Commission de la justice administrative (Bureau du Médiateur), en 2011. Il est toutefois préoccupé par le peu de ressources dont disposent ces organismes, la faible portée de leur mandat et les obstacles à leur bon fonctionnement, tels que l’absence de mécanismes de plainte et d’exécution au sein de la Commission nationale pour les questions de genre et la promotion de l’égalité. Il est également préoccupé par l’absence de collecte par l’État partie de données ventilées sur la situation des femmes et des filles dans le pays.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la coordination entre le Département d’État pour les questions de genre et la Commission nationale pour les questions de genre et la promotion de l’égalité, et de leur fournir des ressources suffisantes ;

b) De doter la Commission nationale pour les questions de genre et la promotion de l’égalité d’un mécanisme de plainte et du pouvoir de formuler des décisions contraignantes ;

c) De recueillir et de publier des données ventilées par sexe, genre, appartenance ethnique, handicap et âge afin d ’ éclairer les politiques et programmes en faveur des femmes et des filles, ainsi que de faciliter le suivi des progrès accomplis sur la voie de la réalisation des cibles relatives à l ’ égalité des sexes associées aux objectifs de développement durable.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité est préoccupé par le fait que, sept ans après l’adoption de la nouvelle Constitution, la règle selon laquelle, dans les organes publics électifs, la proportion de personnes du même sexe ne doit pas être supérieure aux deux tiers des membres (règle des deux tiers) n’est pas encore appliquée. Il note avec préoccupation que les mesures temporaires spéciales ne sont pas suffisamment appliquées en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l’instauration d’une égalité effective entre les hommes et les femmes dans tous les domaines visés par la Convention, notamment en faveur des femmes et des filles handicapées et de celles vivant en zones rurales.

Conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie d’assurer l’application de la règle Constitutionnelle des deux tiers, de recourir à des mesures temporaires spéciales pour améliorer la situation des femmes et des filles handicapées et des femmes rurales et de prévoir des sanctions en cas de non ‑respect des règles afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les postes électifs et pourvus par nomination, ainsi que dans tous les domaines de la vie publique, et lui recommande en outre de fixer des cibles à atteindre assorties d’un calendrier précis et d’allouer des ressources suffisantes pour l’application de telles mesures temporaires spéciales.

Stéréotypes et pratiques nocives

Le Comité note les mesures prises par l’État partie pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires et les pratiques préjudiciables aux femmes et aux filles, notamment l’intensification du travail de sensibilisation, en particulier auprès des hommes, et l’élimination des stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes dans les programmes scolaires. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance des stéréotypes discriminatoires quant au rôle et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, ainsi que par les pratiques nocives telles que les mariages d’enfants, les mariages forcés, les mutilations génitales féminines, la polygamie, la pratique de la dot et les rites de veuvage comme le lévirat. Il est particulièrement alarmé par les viols de filles au nom du « beading » (« perlage »), pratiqué principalement chez les Samburu et justifié en tant que pratique culturelle, et par ses conséquences, notamment des avortements forcés opérés dans des conditions dangereuses pour la santé.

Rappelant le texte conjoint de la recommandation générale n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de l’observation générale n o  18 du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, et conformément à la cible 5.3 des objectifs de développement durable consistant à éliminer toutes les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer et d’appliquer une stratégie globale pour éliminer les pratiques préjudiciables et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en multipliant les campagnes de sensibilisation à l’intention des chefs religieux et communautaires et le grand public et en poursuivant et punissant comme il convient les auteurs de telles pratiques ;

b) De prendre sans délai des mesures, notamment l’application de peines sévères aux auteurs d’infractions, pour en finir avec le viol d’enfants appelé « beading » ;

c) De dispenser une formation systématique aux juges, aux procureurs, aux juristes, aux responsables de l’application de la loi et au personnel médical sur la stricte application des dispositions du droit pénal pour réprimer le mariage d’enfants, le mariage forcé, les mutilations génitales féminines, le viol d’enfants (pratique dite du « beading ») et le lévirat, et sensibiliser la s ociété à la nature criminelle de telles pratiques et à leurs effets néfastes sur les droits de la femme ;

d) Veiller à ce que les femmes victimes de pratiques nocives puissent déposer des plaintes sans craindre des représailles ou une stigmatisation et puissent se prévaloir de recours utiles et obtenir un soutien, sous la forme, entre autres, d ’ une assistance juridique, sociale, médicale et psychologique et de possibilités d ’ accès à des refuges.

Mutilations génitales féminines

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir adopté la loi sur l’interdiction des mutilations génitales féminines, en 2011. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que cette pratique nocive demeure fréquente dans certaines communautés. Il prend également note avec préoccupation du manque de données précises sur ce phénomène, du taux relativement faible de poursuites et de l’impunité persistante des auteurs de telles pratiques, ainsi que des informations selon lesquelles des médecins procèderaient désormais à ces opérations, dans le cadre de ce qu’on appelle la médicalisation des mutilations génitales féminines.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/KEN/CO/7 , par. 20) et sa recommandation générale n o  14 (1990) sur l’excision, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire largement connaître et de faire appliquer la loi sur l’interdiction des mutilations génitales féminines et de veiller à ce que ceux qui s’adonnent à ces pratiques, y compris le personnel médical, soient poursuivis et dûment punis ;

b) De prendre des mesures pour en finir avec les mutilations génitales féminines, notamment en intensifiant, en coopération avec la société civile, les campagnes de sensibilisation des chefs religieux et traditionnels et du grand public à la nature criminelle de ces pratiques et à leurs effets néfastes sur les droits fondamentaux des femmes, ainsi qu’à la nécessité de les éliminer et d’en finir avec les justifications culturelles qui les sous-tendent ;

c) De mettre à jour la politique de 2010 relative aux mutilations génitales féminines.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2015 sur la protection contre la violence familiale. Cependant, il note une nouvelle fois avec préoccupation que la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles est monnaie courante, que de nombreux actes de violence sexuelle, notamment des viols, sont commis dans les sphères tant privée que publique, et que ces faits sont rarement signalés par les victimes, notamment parce que les agents des forces de l’ordre et les médecins font illégalement payer ces dernières pour leur délivrer des formulaires de déclaration, ce qui est le cas en particulier pour les groupes de femmes défavorisées et les femmes qui vivent dans des établissements spontanés. Enfin, il relève une fois encore avec inquiétude que peu de poursuites sont intentées dans des affaires de violence sexiste à l’égard de femmes.

Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, et conformément à la cible 5.2 des objectifs de développement durable sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard de toutes les femmes et les filles dans les sphères tant publique que privée, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire appliquer strictement la loi sur la protection contre la violence familiale et notamment d’allouer des ressources humaines et financières suffisantes à cette fin ;

b) D’accroître le nombre d’enquêtes menées, de poursuites intentées et de condamnations prononcées pour des faits de violence sexuelle et de violence sexiste commis dans l’ensemble du pays, y compris dans les établissements spontanés et les camps de déplacés et de réfugiés ;

c) De veiller à ce que les victimes, y compris lorsqu’elles sont issues de groupes de femmes défavorisées ou lorsqu’elles vivent dans des établissements spontanés, ne soient pas obligées de payer pour obtenir un formulaire de déclaration ou un formulaire médical, notamment un formulaire P3 ;

d) D’ouvrir des foyers d’accueil supplémentaires, d’améliorer le fonctionnement des foyers existants qui sont administrés par des organisations non gouvernementales, notamment en leur apportant une aide financière suffisante, et de veiller à ce que ces foyers soient accessibles aux femmes et aux filles victimes de violence sexiste, notamment aux handicapées et en particulier dans les zones reculées ;

e) De dispenser aux juges, aux procureurs, aux policiers et autres responsables de l’application des lois une formation suffisante sur les droits de la femme et la prise en compte des besoins des femmes dans le cadre des enquêtes et des entretiens menés dans le contexte d’affaires de violence sexiste à l’égard des femmes, et de former tous les travailleurs humanitaires, les militaires et les policiers à la prévention de la violence sexuelle et aux codes de conduite concernant l ’ exploitation sexuelle et les sévices sexuels.

Violence sexiste à l’égard des femmes en période électorale

Le Comité est préoccupé d’apprendre que des faits de violence sexiste à l’égard de femmes, notamment des actes de violence sexuelle tels que des viols collectifs, auraient été commis pendant les élections de 2017. Il relève notamment avec inquiétude que la plupart des auteurs de ces violences seraient des membres des forces de police et des forces de sécurité et que les victimes n’ont pas pu obtenir réparation pour le préjudice subi. Il prend acte avec préoccupation du retard accumulé dans les procédures de poursuite des auteurs de ces faits et dans la mise en œuvre de mesures de réparation en faveur des victimes, et de l’inertie manifeste de l’État partie à cet égard, en dépit des recommandations formulées par la Commission d’enquête sur les violences postélectorales de 2007‑2008.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De poursuivre les auteurs des faits de violence sexiste, notamment de violence sexuelle, commis après les élections de 2007 et pendant celles de 2017, et de donner pleinement suite au rapport de la Commission d’enquête ;

b) De veiller à ce que des mesures de réparation suffisantes soient ordonnées en faveur des femmes qui ont été victimes de ces violences, et d’apporter un soutien à ces femmes, notamment sur les plans psychologique et physique ;

c) De veiller à adopter une approche axée sur les droits de l’homme dans le cadre du maintien de l ’ ordre en période électorale, et d ’ établir des directives relatives à la protection des femmes et des filles en période électorale, notamment dans les établissements d ’ enseignement.

Traite

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes et en protéger les victimes, notamment l’adoption de la loi de 2013 sur la protection des victimes, et le renforcement des capacités du personnel diplomatique. Il note toutefois avec préoccupation que les femmes et les filles, notamment dans les camps de réfugiés, risquent toujours d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail domestique forcé. Il relève également avec préoccupation que les trafiquants sont rarement poursuivis, en particulier au titre de la loi de 2010 sur la lutte contre la traite des personnes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De traiter les causes profondes de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles en améliorant leur situation économique ;

b) De mener des campagnes de sensibilisation, en particulier dans les zones rurales et au sein des communautés traditionnelles, pour mettre la population en garde contre le risque qu’ont les femmes et les filles d’être victimes de la traite ;

c) De faire appliquer rigoureusement la loi sur la lutte contre la traite des personnes en veillant à ce que des enquêtes soient menées et à ce que les trafiquants et les individus qui exploitent des femmes et des filles soient poursuivis et punis, et de faire appliquer la loi sur la protection des victimes ;

d) De continuer de former les membres des forces de l’ordre et les agents chargés de la surveillance des frontières pour leur permettre de repérer rapidement les victimes de la traite et de les orienter vers les services appropriés ;

e) D’allouer des ressources suffisantes pour fournir des services de soutien aux victimes de la traite, notamment pour leur permettre d’être accueillies dans des foyers prévus à cet effet ;

f) De renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale afin de prévenir la traite, notamment en échangeant des informations et en harmonisant les procédures à appliquer pour poursuivre les trafiquants.

Exploitation de la prostitution

Le Comité note avec préoccupation que les femmes qui se livrent à la prostitution sont particulièrement susceptibles d’être victimes de violence sexiste, notamment d’abus commis par la police, de meurtres, de viols collectifs, d’extorsion, de vols qualifiés, de pratiques sexuelles forcées et de non‑usage forcé de préservatifs. Il s’inquiète des préjugés largement répandus à l’égard des femmes qui se prostituent et relève avec préoccupation que ces femmes sont arrêtées ou condamnées à une amende lorsqu’elles cherchent à obtenir justice ou à bénéficier de services sociaux ou de soins de santé.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour mettre fin aux actes de violence commis à l’égard des femmes qui se prostituent, y compris par des policiers, et de veiller à ce que ces femmes puissent dénoncer ces actes de violence sexiste sans craindre de faire l’objet de représailles ou d’être stigmatisées ;

b) De dépénaliser la prostitution et de faire en sorte que les femmes qui se prostituent n’encourent plus aucune sanction, notamment qu’elles ne soient plus condamnées à des amendes ;

c) De veiller à ce que les auteurs d’actes de violence à l’égard de femmes qui se prostituent, notamment de meurtres, soient poursuivis et condamnés comme il convient ;

d) D’interdire que les femmes qui se prostituent soient soumises d’office à des tests de dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles lorsqu’elles sont arrêtées et, par ailleurs, d’encourager ces femmes à se soumettre par elles-mêmes à de tels tests ;

e) D’adopter et de mettre en œuvre des programmes dotés de ressources suffisantes, ainsi que d’autres mesures adaptées, pour offrir aux femmes qui risquent de tomber dans la prostitution des perspectives d’apprentissage ou d’emploi, et de mettre en œuvre des programmes d’aide à l’intention des femmes qui souhaitent cesser de se prostituer ;

f) De prendre des mesures pour informer et sensibiliser le public en général, et les hommes et les garçons en particulier, de façon à réduire la demande de prostitution. Dans le cadre de ces mesures, il conviendra de s’attacher en particulier à battre en brèche toutes les idées relatives à la subordination des femmes et à lutter contre toutes les formes d’objectification des femmes.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité regrette qu’en dépit de la règle des deux tiers, inscrite dans la Constitution, et du décret présidentiel de 2006 sur la discrimination positive, la parité entre les sexes n’ait pas été instaurée parmi les représentants de l’État, élus ou nommés. Il s’inquiète des obstacles qui empêchent les femmes de participer à la vie politique et publique au même titre que les hommes, notamment des menaces proférées contre elles et de la violence dont elles sont victimes à tous les niveaux, au sein des sphères tant politique que publique.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n o  23 (1997) concernant les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie de mener durablement des politiques visant à promouvoir la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la prise de décisions aux niveaux national et local, et :

a) De mettre immédiatement en place le cadre institutionnel et juridique nécessaire pour appliquer le décret présidentiel et la règle des deux tiers ;

b) D’aider les femmes qui se portent candidates à renforcer leur aptitude à diriger et de leur accorder des fonds pour leur permettre de financer leurs campagnes ;

c) De renforcer les mesures prises pour permettre aux femmes de voter en toute sécurité en période électorale ;

d) De veiller à ce que les partis politiques qui n’appliquent pas la règle des deux tiers ne puissent pas recevoir de fonds, ainsi que le prévoit la loi de 2011 sur les partis politiques, et de prendre des mesures pour inciter les partis politiques à inscrire un nombre égal de femmes et d’hommes sur leur liste électorale et à nommer un même nombre d’hommes et de femmes à des fonctions équivalentes ;

e) D’enquêter sur les menaces proférées contre des femmes et les actes de violence commis à l’égard de femmes en lien avec des processus politiques, de poursuivre les auteurs de tels actes et de les condamner comme il convient ;

f) De lever les obstacles qui empêchent les femmes d’exercer les fonctions d’ambassadrice et d’augmenter le nombre de femmes qui occupent ces postes ;

g) De sensibiliser les politiciens, les médias, les chefs traditionnels et l’opinion publique en général au fait que la participation pleine, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, dans des conditions d’égalité avec les hommes, est indispensable si l’on veut appliquer efficacement la Convention et assurer la stabilité politique et le développement économique du pays.

Nationalité

Le Comité félicite l’État partie de sa décision de délivrer des cartes d’identité et des titres de propriété aux Makondés et aux Nubiens, et note que l’État partie a exprimé son intention d’en faire autant pour d’autres peuples apatrides, comme les Pembas et les Warundis. Cependant, il constate avec préoccupation que dans l’État partie, un grand nombre de femmes et de filles sont toujours apatrides ou ont des difficultés à exercer leur droit à la nationalité, notamment :

a)Que les femmes demandeuses d’asile et apatrides qui épousent un Kényan ont des difficultés à obtenir la nationalité kényane pour elles‑mêmes comme pour leurs enfants ;

b)Que les mariages coutumiers doivent être enregistrés pour permettre au demandeur de se faire délivrer un passeport ;

c)Que de nombreuses femmes, en particulier dans les zones rurales, ont des difficultés à se faire délivrer des documents officiels.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte, dans le droit fil de sa recommandation générale n o  32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, que toutes les femmes réfugiées et apatrides mariées à des Kényans puissent obtenir la nationalité kényane et la transmettre à leurs enfants, sans se heurter à des obstacles d’ordre administratif ;

b) De délivrer des cartes d’identité et des titres de propriété aux apatrides, y compris aux Pembas et aux Warundis, ainsi qu’à tous les enfants nés au Kenya de parents citoyens britanniques d’outre-mer ;

c) De faciliter la délivrance de documents officiels et l’enregistrement des mariages, en particulier dans les zones rurales, notamment en y consacrant davantage de ressources, en mobilisant des moyens technologiques et en ouvrant des centres Huduma sur l’ensemble du territoire ;

d) De ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la  Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer l’accès des filles à l’instruction, notamment de l’adoption de la loi de 2013 sur l’éducation, de la loi de 2012 sur la Commission des enseignants et du programme de distribution de serviettes hygiéniques en milieu scolaire. Cependant, il relève une nouvelle fois avec préoccupation que de nombreux enfants ne sont pas scolarisés et qu’il existe des disparités entre les sexes dans les établissements d’enseignement, en particulier que le taux d’achèvement des études est plus faible chez les filles que chez les garçons, notamment en raison des grossesses précoces, des mutilations génitales féminines, des mariages d’enfants, des mariages forcés ou du manque de serviettes hygiéniques. Le Comité est également préoccupé par le fait que les filles sont moins nombreuses que les garçons dans les établissements universitaires, et que l’on dispose de peu d’informations sur les filières qu’elles choisissent, ainsi que sur le nombre d’actes de violence et de harcèlement sexuels commis par des hommes, enseignants ou élèves, à l’encontre des filles et des adolescentes, y compris des handicapées, dans les établissements d’enseignement.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/KEN/CO/7 , par.  32), le Comité recommande à l’État partie :

a) D’agir pour augmenter le nombre de filles et de femmes dans l’enseignement secondaire et supérieur, notamment en prenant des mesures spécifiques visant à garantir aux filles handicapées un accès adéquat à l’éducation ;

b) De prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que, dans les zones rurales et semi-arides comme dans les implantations sauvages en zone urbaine, les filles soient scolarisées et achèvent leur scolarité ;

c) De recueillir et de publier des données sur le taux d’abandon scolaire des filles et sur les facteurs qui y contribuent, et de s’attaquer à ses causes profondes en facilitant le retour à l’école des victimes de violence sexiste, de mutilations génitales féminines et de mariages précoces, ainsi que des filles enceintes et des jeunes mères ;

d) De diversifier l’offre de mesures incitatives à l’intention des parents qui envoient leurs filles à l’école et d’accroître les sanctions pour ceux qui ne les y envoient pas ;

e) D’améliorer et d’élargir la mise à disposition de serviettes hygiéniques pour les filles ;

f) De garantir l’application intégrale, notamment par l’allocation de ressources suffisantes, de la loi sur la Commission des enseignants, de la loi sur les enfants de 2001, et une fois qu’il sera promulgué, du projet de loi relatif aux soins de santé procréative de 2014 ;

g) D’appliquer une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement sexuels à l’école et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et punis ;

h) De mieux sensibiliser et former le personnel scolaire et les élèves à la tolérance zéro à l’égard de la violence sexiste, y compris de la violence sexuelle, de mettre en place des mécanismes de signalement confidentiels et de veiller à ce que toutes les victimes reçoivent l’aide psychologique , médicale et juridique voulue.

Emploi

Le Comité félicite l’État partie d’avoir institué un congé de maternité de trois mois et d’avoir adopté un projet de loi sur les mères allaitantes en 2017. Toutefois, il craint que l’obligation faite aux employeurs de verser directement les prestations de maternité n’engendre pour les femmes une discrimination à l’embauche, et est préoccupé par le fait que les mères qui adoptent des enfants, subissent un avortement spontané ou donnent naissance à des enfants mort-nés ne soient pas couvertes par la loi sur l’emploide 2007. Le Comité prend note également des initiatives prises en vue d’améliorer les conditions de travail dans les secteurs agricole et informel, y compris celles des travailleurs domestiques. Il demeure toutefois préoccupé par les éléments suivants :

a)Les mauvaises conditions de travail des travailleuses domestiques, qui reçoivent de bas salaires pour de longues journées de travail et sont victimes d’exploitation et de violences physiques et sexuelles, et leur méconnaissance des mécanismes de plainte ;

b)La situation des femmes travaillant dans l’agriculture, notamment la floriculture, et en particulier leur exposition aux produits chimiques et les effets néfastes que ces derniers ont sur leur fécondité et leurs fonctions procréatives, ainsi que les informations faisant état des violences qu’elles subissent et du surcroît d’heures de travail qu’elles fournissent par rapport aux hommes sans supplément de rémunération ;

c)Le niveau élevé de travail non rémunéré et non reconnu effectué par les femmes ;

d)Le fait que la loi interdisant le harcèlement sexuel ne s’applique qu’aux employeurs qui exercent des fonctions publiques et aux personnes en position d’autorité.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier la loi sur l’emploi de 2007 afin que les mères adoptives et celles qui subissent un avortement spontané ou donnent naissance à un enfant mort-né bénéficient elles aussi des prestations relatives au congé de maternité et afin que toute discrimination à l’égard des femmes dans l’emploi, notamment en ce qui concerne l’embauche et les promotions, soit expressément interdite, conformément à la Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) [n o 111] de l’Organisation internationale du Travail ;

b) D’envisager d’adopter un autre système de versement des prestations relatives à la maternité, par exemple en recourant à une caisse nationale ;

c) D’adopter une législation qui qualifie le harcèlement sexuel sur le lieu de travail de délit criminel et prévoie des sanctions pour tous les auteurs de tels actes ;

d) De créer un cadre réglementaire pour les secteurs informel et agricole afin d’offrir une protection sociale aux femmes qui y sont employées et de contrôler leurs conditions de travail ;

e) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l’Organisation internationale du Travail ;

f) De mener des recherches en vue de mesurer et d’évaluer le travail non rémunéré des femmes, conformément à la Recommandation générale n o 17 (1991) sur l’évaluation et la quantification du travail ménager non rémunéré des femmes et la prise en compte dudit travail dans le produit national brut.

Santé

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer la santé des femmes, notamment la politique de gratuité des soins de maternité adoptée en 2013 et la campagne « Beyond Zero ». Il demeure cependant préoccupé par le manque d’accès à des soins de santé de qualité auquel de nombreuses femmes font face, notamment les femmes handicapées, les femmes prostituées et les femmes rurales. Il constate également avec préoccupation que le taux de mortalité maternelle reste élevé, en partie en raison des avortements non médicalisés, et que le cadre juridique à la fois flou et contraignant de l’État partie concernant l’avortement conduit les femmes à recourir à des avortements clandestins et non médicalisés. Le Comité est également préoccupé par la pratique qui consiste à détenir, après leur accouchement, les femmes et les filles qui ne peuvent pas payer les frais médicaux, et par les taux élevés de VIH, en particulier chez les femmes et les filles.

Rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour réduire le taux élevé de mortalité maternelle et garantir l’accès de toutes les femmes, y compris des femmes handicapées et des femmes prostituées, à des établissements de santé et à une assistance médicale fournie par un personnel qualifié, en particulier dans les zones rurales ;

b) D’accroître les ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre de la politique de gratuité des soins de maternité, de mettre en place des programmes de sensibilisation et de veiller à leur exécution ;

c) D’étendre la gratuité des soins de maternité aux soins prénatals et postnatals ;

d) De prendre des mesures immédiates pour mettre fin à toute détention après l’accouchement pour non règlement des frais médicaux ;

e) De modifier le Code pénal afin de dépénaliser l’avortement et de le légaliser, au moins en cas de viol, d’inceste, de grave malformation fœtale ou de risques pour la santé ou la vie de la femme enceinte, de garantir l’accès à des soins de qualité après un avortement, en particulier en cas de complications survenant à la suite d’avortements non médicalisés, et de rétablir les n ormes visant à réduire la morbidité et la mortalité dues à des avortements non médicalisés au Kenya, adoptées en 2012 ;

f) D’inclure dans les programmes scolaires un enseignement complet et adapté à l’âge sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, ainsi que sur les comportements sexuels responsables, en mettant l’accent sur la prévention des grossesses précoces et la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, dont l’infection par le VIH, de garantir l’accès de tous, y compris des adolescents, à des moyens de contraception modernes, et de prendre des mesures pour faire en sorte que les filles qui ne vont pas à l’école bénéficient de ce type d’informations ;

g) De garantir des salaires suffisants et des conditions de travail satisfaisantes pour les professionnels de la santé, d’adopter des dispositions législatives pour que la santé soit déclarée service essentiel et d’exiger des règles minimales de prestation de services en période de grève ;

h) De réexaminer et d’adopter le projet de loi relatif aux soins de santé procréative de 2014 ;

i) D’augmenter le budget national consacré à la santé, conformément à la Déclaration d’Abuja sur le VIH/s ida, la tuberculose et autres maladies infectieuses connexes .

Autonomisation économique des femmes

Le Comité félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises afin de favoriser l’autonomisation économique des femmes, notamment la création du Women Enterprise Fund (fonds pour les femmes entrepreneures), du Youth Enterprise Development Fund (fonds de développement pour les jeunes entrepreneurs) et du Fonds Uwezo, ainsi que la politique consistant à réserver 30 % des marchés publics aux femmes, aux jeunes et aux personnes handicapées. Cependant, il juge regrettable que des obstacles pratiques empêchent les femmes de bénéficier de ces initiatives, et est notamment préoccupé par des informations relatives au Fonds Uwezo indiquant qu’il est difficile d’accès et dépourvu de critères d’admission clairs.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir une base de données complète recensant tous les bénéficiaires des fonds susmentionnés et les adjudicataires de marchés publics, l’objectif étant de parvenir à toucher les femmes des zones rurales et les femmes handicapées ;

b) De prendre des mesures pour veiller à ce que les fonds soient accessibles à toutes les femmes, y compris les femmes rurales, grâce à une action de sensibilisation , à l ’ adoption de critères précis d ’ admission et à la facilitation des dépôts de candidature.

Femmes rurales

Le taux de pauvreté élevé chez les femmes, le fait qu’elles ne soient pas associées à la prise de décisions concernant le développement rural, la discrimination que subissent les femmes en milieu rural pour ce qui est des droits de propriété et leur accès limité à des soins de santé de qualité, qui peut conduire à des complications telles que la fistule vésico-vaginale, sont autant d’éléments qui préoccupent le Comité. Ce dernier s’inquiète également des effets des changements climatiques, notamment de la sécheresse que connaît actuellement l’État partie, sur les femmes des zones rurales.

Rappelant sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales et sa recommandation antérieure ( CEDAW/C/KEN/CO/7 , par. 42), le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Promouvoir la participation des femmes rurales à la prise de décisions et favoriser leur accès à des soins de santé de qualité, à l’éducation et à des services adéquats d’approvisionnement en eau et d’assainissement ;

b) Faciliter l’accès des femmes rurales à la terre, mettre fin à toutes les coutumes et pratiques traditionnelles qui les empêchent d’accéder à la terre au même titre que les hommes et mettre en place un cadre législatif clair afin de protéger leurs droits à la succession et à la propriété foncière ;

c) Élaborer et mettre en œuvre une politique nationale pour l’égalité des genres dans le développement agricole, comme le prévoit la stratégie de développement du secteur agricole pour la période 2010-2020 ;

d) Garantir l’accès des femmes des zones rurales à des soins de santé de qualité, notamment en multipliant les activités de formation à l’intention des sages-femmes ;

e) Faire en sorte que les femmes et les filles des zones rurales participent, au même titre que les hommes, à la prise de décisions en ce qui concerne l’atténuation des effets des catastrophes et les changements climatiques ;

f) Appliquer la loi de 2016 sur les changements climatiques en accordant la priorité aux droits des femmes.

Femmes autochtones

Le Comité note avec préoccupation que l’accès des femmes autochtones, notamment les Endorois, aux terres traditionnelles est limité dans l’État partie, ce dernier n’ayant pas appliqué la décision prononcée en 2010 par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, dans laquelle étaient reconnus les droits de ces femmes sur des terres ancestrales de la Vallée du Rift, ni travaillé en consultation avec elles. Le Comité est également préoccupé par les actes de violence signalés, notamment le meurtre de femmes et de filles autochtones dans le comté de Baringo lors de vols de bétail.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De s’employer immédiatement à appliquer la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples relative aux droits des Endorois sur leurs terres ancestrales et, dans ce cadre, de tenir des consultations avec les femmes Endorois ;

b) De prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger des actes de violence et de vol les femmes et les filles autochtones, notamment celles du comté de Baringo, et de veiller à ce que les auteurs de ces faits soient poursuivis et punis comme il se doit.

Femmes et filles handicapées

Le Comité constate avec préoccupation que les droits des femmes handicapées en matière de santé, de sexualité et de procréation ne sont pas protégés, qu’elles ont un accès restreint à la justice, que leur capacité juridique et leur droit à la propriété sont limités et qu’elles subissent des formes de violence, telles que la pratique de la stérilisation forcée.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De protéger les droits des femmes et des filles handicapées, en leur assurant l’égalité d’accès au logement, à la justice, aux soins de santé et aux autres services de base ainsi qu’à la protection sociale, et de promouvoir leur autonomie, leur accès aux services communautaires et leur participation à la vie politique et à la vie publique ;

b) De protéger les femmes et les filles handicapées contre toutes formes de violence et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis comme il se doit ;

c) D’abolir la pratique de la stérilisation forcée des femmes et des filles handicapées et de prévoir des voies de recours pour les victimes ;

d) De garantir le droit à la propriété des femmes et des filles handicapées et de mener des campagnes de sensibilisation à leurs droits.

Femmes âgées

Le Comité s’inquiète de ce que les femmes âgées ne sont pas convenablement protégées contre la violence et les mauvais traitements, et du manque de données sur leur situation.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De protéger les femmes âgées, notamment celles accusées de sorcellerie, contre toutes les formes de violence, y compris le lynchage, et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis comme il se doit ;

b) De recueillir et de publier des données sur la situation des femmes âgées, notamment en ce qui concerne les actes de violence sexiste dont elles sont la cible.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note que la loi de 2014 sur le mariage a permis d’unifier tous les régimes matrimoniaux dans l’État partie et que d’autres lois visant à promouvoir l’égalité dans le mariage ont été adoptées. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)Le fait que la loi sur le mariage ne soit pas conforme à la Constitution, dans la mesure où elle reconnaît la polygamie dans le cadre des mariages coutumiers et musulmans ;

b)L’obligation pour les époux, aux termes de la loi de 2013 sur les biens matrimoniaux, de prouver leur contribution au patrimoine du ménage, ce qui discrimine les femmes, étant donné qu’il est difficile de prouver l’existence de contributions non pécuniaires et de les quantifier ;

c)L’annulation de la nécessité d’obtenir le consentement du conjoint pour procéder à des transactions relatives au patrimoine du ménage ;

d)Le droit successoral discriminatoire, notamment les règles régissant la succession ab intestat qui établissent une discrimination directe envers les femmes et les filles, et le fait qu’aux termes de la loi de 1981 sur les successions, les droits successoraux d’une veuve sont annulés si elle se remarie, tandis que ce n’est pas le cas pour un veuf ;

e)La discrimination à l’encontre de la femme dans le mariage musulman, notamment illustrée par le fait que l’homme est en droit de décider unilatéralement du divorce, et les comportements abusifs signalés, tels que la confiscation du certificat de divorce et l’obligation de faire des concessions pour l’obtenir ;

f)L’obligation, aux termes de la loi sur le mariage, d’enregistrer tout mariage pour le rendre valide, les délais stricts imposés pour procéder à l’enregistrement, le fait que les deux époux doivent donner leur consentement pour que le mariage soit enregistré et les effets préjudiciables que cela a sur les droits des femmes, notamment dans le cadre des mariages polygames ;

g)L’accès restreint des femmes à la justice, notamment dans les situations de divorce, qui est en grande partie dû à leur manque de ressources.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abroger la section 7 de la loi sur les biens matrimoniaux et de reconnaître le principe d’égalité dans tous les aspects liés au mariage, y compris le patrimoine ;

b) D’abroger la section 11 de la loi de 2016 portant modification de la législation foncière et de rétablir la nécessité d’obtenir le consentement du conjoint pour procéder à toute transaction relative au patrimoine du ménage, comme le prévoyait la loi de 2012 sur l’enregistrement des biens fonciers ;

c) D’abroger la loi sur les successions, de la remplacer et de garantir les mêmes droits aux femmes et aux hommes en ce qui concerne la succession et le patrimoine ;

d) De faire en sorte que les femmes et les hommes soient égaux dans le mariage musulman et en cas de divorce, de supprimer la possibilité pour le mari de décider unilatéralement du divorce et de rendre obligatoire l’enregistrement des divorces ;

e) De sensibiliser le public aux effets préjudiciables de la polygamie pour les femmes et de rendre la loi sur le mariage conforme au paragraphe 3 de l’article 45 de la Constitution, en interdisant les mariages polygames  ;

f) D’autoriser la division des biens dans le cadre du mariage, afin de protéger les droits de propriété de la femme lorsque son époux se marie à d’autres femmes par la suite ;

g) De modifier l’obligation d’enregistrer tout mariage, de manière à protéger les droits des femmes, notamment en menant des activités de sensibilisation et en facilitant l ’ enregistrement dans les zones rurales, en rendant les délais d ’ enregistrement plus progressifs et en permettant qu ’ un seul des époux fasse enregistrer le mariage, l ’ autre étant chargé d ’ en contester la validité, le cas échéant  ;

h) D’assurer l ’ application intégrale de la loi sur l ’ aide juridictionnelle.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes, énoncée dans les dispositions de la Convention, en s’appuyant sur l’application du programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie aux institutions concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 31 a) et d), 39 e) et 51 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à présenter son neuvième rapport périodique en novembre 2021. Le rapport doit être soumis à temps et, en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu’à la date de sa soumission.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).