Trente-quatrième session

16 janvier-3 février 2006

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Cambodge

le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques du Cambodge (CEDAW/C/KHM/1-3), à ses 705e et 706e séances, le 19 janvier 2006 (voir CEDAW/6/SR.705 et 706). La liste des points et des questions soulevés par le Comité figurent dans le document CEDAW/C/KHM/Q/1-3, et les réponses du Cambodge sont reproduites dans le document CEDAW/C/KHM/Q/1-3/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention sans émettre de réserves et se dit satisfait du rapport initial ainsi que des deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie, qui ont suivi les directives du Comité, mais regrette que lesdits rapports aient été communiqués avec retard. Il est également satisfait des réponses soumises par écrit aux questions et points soulevés par le groupe de travail présession ainsi que de l’exposé et des précisions supplémentaires présentés en réponse aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par la Ministre des affaires féminines et comprenant des représentants du Conseil national cambodgien pour la femme et des Ministères de la justice, de la santé et de l’éducation. Il se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est déroulé entre la délégation et les membres du Comité.

Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts considérables que l’État partie déploie en vue de parvenir à l’égalité des sexes et d’éliminer la discrimination à l’encontre des femmes. Il se félicite de la mise en place d’un mécanisme national de promotion de la femme, à savoir le Ministère des affaires féminines et le Conseil national cambodgien pour la femme, ainsi que de l’adoption du plan national quinquennal Neary Rattanak, qui vise principalement à renforcer les capacités des femmes, et de l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté pour 2003-2005.

Le Comité salue l’actuel processus de réforme de la justice, notamment la réforme du Code pénal consistant à prévoir des peines pour les actes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que la révision de la loi de 1996 sur la répression de l’enlèvement, de la traite/vente et de l’exploitation des êtres humains, qui prévoit désormais des peines pour les auteurs de tels actes et des mesures de protection pour les victimes.

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption et l’entrée en vigueur, en octobre 2005, de la loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes.

Le Comité salue les efforts que l’État partie déploie pour réformer le système de justice et assurer l’indépendance de l’appareil judiciaire, notamment la loi sur l’organisation des tribunaux, la loi sur le statut des juges et l’élaboration d’un code de conduite à l’intention des juges.

Le Comité se félicite également du fait que l’État partie possède désormais de meilleures données statistiques pour évaluer la condition de la femme, et en particulier de la publication intitulée A Fair Share for Women.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en notant que l’article 31.1 de la Constitution prévoit la reconnaissance et le respect des accords internationaux relatifs aux droits de l’homme, que l’article 45.1 prescrit l’abolition de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et que la Convention prime sur le droit interne, le Comité s’inquiète du fait que les dispositions de la Convention n’ont pas automatiquement force de loi et qu’elles ne sont pas directement applicables devant les tribunaux.

Le Comité engage vivement l’État partie à prendre immédiatement des mesures pour que la Convention devienne pleinement applicable dans son système juridique, notamment en en publiant le texte au Journal officiel et en en incorporant toutes les dispositions dans la législation nationale, y compris en introduisant des sanctions, s’il y a lieu. Il recommande à l’État partie de sensibiliser les juges, les procureurs et les avocats au texte de la Convention et d’inclure la Convention dans les cours sur les droits de l’homme, notamment les droits fondamentaux des femmes, donnés dans le cadre des programmes d’étude sur la question afin que l’esprit, les objectifs et les dispositions de la Convention soient bien connus et utilisés dans les processus judiciaires.

Le Comité s’inquiète du fait que la loi cambodgienne ne définit de manière précise ni la nature de la discrimination à l’égard des femmes ni les formes de celle-ci, contrairement à ce que prévoit l’article premier de la Convention, qui proscrit la discrimination directe et indirecte. Il s’inquiète également du fait que la loi ne prévoit aucune mesure spéciale temporaire.

Le Comité prie instamment l’État partie d’inclure dans sa législation nationale une définition de la discrimination à l’égard des femmes, qui couvre aussi bien les formes directes que les formes indirectes de discrimination, conformément à l’article premier de la Convention. Il l’encourage à profiter de l’actuel processus de réforme de la justice pour faire en sorte que toutes les lois soient pleinement compatibles et en conformité avec les dispositions de la Convention. Il lui recommande de prévoir, dans les codes civil et pénal, des sanctions adéquates pour les actes de discrimination dirigés contre des femmes et de veiller à ce que des moyens de recours soient disponibles pour les femmes dont les droits ont été violés. Il lui recommande également de prendre des dispositions juridiques prévoyant des mesures spéciales temporaires qui permettraient d’accélérer l’égalité de fait conformément à l’article 4.1 de la Convention.

Le Comité s’inquiète du fait que l’étendue et la portée des programmes consacrés aux femmes ne sont pas clairement définies et qu’il n’existe pas de données concernant l’application ou l’efficacité des diverses mesures, notamment l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté pour 2003-2005. Il s’inquiète également du fait que les programmes macroéconomiques du pays ne tiennent peut-être pas suffisamment compte des droits fondamentaux des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer la question de la reconnaissance et de l’exercice des droits fondamentaux des femmes à la Stratégie rectangulaire mise en place pour la croissance, l’emploi, l’équité et l’efficacité en utilisant le mécanisme de promotion de la non-discrimination et de l’égalité réelle qu’est la Convention. Il lui demande de procéder à une coordination adéquate entre tous les programmes sectoriels pour garantir la cohérence des démarches visant à assurer l’égalité des sexes. Il lui recommande aussi de surveiller les progrès enregistrés dans le cadre de tous les programmes de promotion de la femme, y compris la prise en compte des problèmes liés à la condition féminine, et d’évaluer l’efficacité du mécanisme national de promotion de la femme et des institutions apparentées, telles que le Conseil national cambodgien pour la femme et le groupe de travail technique sur la parité des sexes. Le Comité souhaite que l’État partie lui fournisse, dans son prochain rapport périodique, des informations sur l’étendue, la portée, les résultats et l’incidence de ses programmes en faveur des femmes, ainsi qu’une évaluation de ses institutions consacrées aux femmes.

Tout en se félicitant de l’adoption de la loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes et de l’actuelle réforme du Code pénal, le Comité s’inquiète du fait que la loi comprend encore des dispositions qui peuvent limiter son application en cas de violence conjugale et qu’elle ne protège pas les ex-conjointes contre les violences. Il est également préoccupé par l’insuffisance des progrès qui ont été réalisés en vue de prévenir et d’éliminer la violence à l’égard des femmes ainsi que par les obstacles qui limitent considérablement l’application effective de la loi. En particulier, il s’inquiète du fait que les femmes doivent surmonter de sérieux obstacles pour recourir à la justice : manque de confiance dans le système judiciaire, interprétation arbitraire du Code pénal par les juges en faveur des délinquants, persistance de l’impunité parmi les délinquants, caractère limité de l’aide judiciaire et coût élevé des certificats médicaux requis en cas de viol ou d’agression sexuelle. Le Comité est préoccupé par la complaisance qui continue de régner à l’égard de la violence sexiste et par le fait que les femmes craignent la stigmatisation lorsqu’elles essaient d’obtenir réparation.

Le Comité engage vivement l’État partie à donner la primauté à l’adoption d’une démarche globale qui permette de s’attaquer à toutes les formes de violence dirigée contre les femmes, et notamment à assurer une application et un suivi effectifs de la législation sur la violence familiale. Il le prie instamment d’utiliser les médias et les programmes éducatifs pour faire comprendre à la population que la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale, est inacceptable. Il lui demande de former la magistrature, les responsables de l’application des lois, les juristes, les travailleurs sociaux et les prestataires de services de santé à l’application de la nouvelle loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes, et de les sensibiliser comme il se doit à toutes les formes de violence à l’égard des femmes, afin que les auteurs de violences soient effectivement poursuivis et punis avec toute la sévérité et la rapidité nécessaires. Le Comité recommande qu’une aide judiciaire soit mise à disposition des victimes, tant dans les zones urbaines que rurales, et que les certificats médicaux requis soient fournis gratuitement. Il recommande également à l’État partie d’essayer d’accroître le nombre de femmes parmi les juges et les responsables de l’application des lois afin d’encourager les femmes à signaler les cas de violence. Le Comité prie l’État partie de mettre en place des structures de soutien à l’intention des victimes de violences familiales, notamment des centres d’accueil et des services de soutien juridique, médical et psychologique. Le Comité encourage l’État partie à appliquer pleinement sa recommandation générale 19 dans les efforts qu’il déploie pour combattre la violence à l’égard des femmes.

Tout en prenant acte de la valeur du patrimoine culturel du Cambodge, le Comité est préoccupé par l’existence de stéréotypes bien ancrés concernant le rôle des hommes et des femmes, notamment ceux qui sont véhiculés par le code de conduite traditionnel connu sous le nom de chbab srey, qui légitime la discrimination à l’égard des femmes et entrave le plein exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux ainsi que la réalisation de l’égalité des sexes dans la société cambodgienne.

Le Comité recommande à l’État partie et à tous les groupes concernés de la société de procéder à une évaluation globale du code de conduite traditionnel en vigueur pour y repérer les éléments discriminatoires à l’égard des femmes qui constituent les causes profondes de la situation des femmes, désavantagées dans des domaines tels que l’éducation, l’emploi et la vie publique et politique, et les facteurs qui contribuent à la persistance de la violence sexiste. Le Comité engage l’État partie à cesser de diffuser ou d’enseigner les éléments du code de conduite traditionnel qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et à faire tout son possible pour familiariser le public avec la Convention et le principe d’égalité des sexes. Il le prie de lancer une campagne nationale et de s’employer activement à éliminer les stéréotypes liés aux rôles traditionnels des hommes et des femmes dans la famille et la société en général, conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention, de faire mieux comprendre le principe d’égalité de fond entre hommes et femmes, et de sensibiliser l’opinion au problème de la violence à l’égard des femmes en le présentant comme une violation des droits fondamentaux des femmes au coût social élevé pour toute la collectivité. Le Comité souhaite que l’État partie lui fournisse, dans son prochain rapport, des informations sur les résultats de l’évaluation du code de conduite ainsi que sur les mesures prises en conséquence et leurs incidences sur l’évolution des attitudes et des stéréotypes.

Tout en prenant note des diverses mesures qui ont été prises pour lutter contre le trafic des êtres humains, notamment la révision de la législation et l’adoption d’accords transfrontières sous-régionaux, le Comité s’inquiète des carences observées pour ce qui est de l’application de la législation, de l’impunité des trafiquants et de l’absence de données précises sur ce trafic. Il est également préoccupé par la stigmatisation des victimes du trafic et l’insuffisance des mesures prises pour leur réhabilitation et leur réintégration dans la société. Il est en outre préoccupé par le fait que les femmes et les filles ayant fait l’objet d’un tel trafic peuvent être punies pour violation des lois sur l’immigration et, partant, se trouver à nouveau en situation de victime. Le Comité prend note avec inquiétude du nombre élevé de femmes et de filles sexuellement exploitées et de leur vulnérabilité face aux maladies sexuellement transmissibles et au VIH/sida.

Le Comité prie instamment l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre le trafic et l’exploitation sexuelle des femmes et des filles en s’attaquant aux causes profondes de ces phénomènes et de prendre des mesures de prévention générales à cet effet (stratégies de lutte contre la pauvreté tenant compte des sexospécificités, campagnes de sensibilisation, moyens de subsistance de remplacement, etc.). Il l’engage vivement à veiller à ce que les responsables du trafic et de l’exploitation sexuelle des femmes et des filles soient poursuivis et punis avec toute la rigueur de la loi. Il demande que les victimes de ce trafic ne soient pas poursuivies pour immigration illégale. Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures de réhabilitation et de réintégration à l’intention des femmes et des filles victimes de trafic et d’exploitation sexuelle. Il lui recommande de renforcer encore la coopération bilatérale, sous-régionale et multilatérale en matière de lutte contre le trafic d’êtres humains. Il souhaite que l’État partie lui fournisse, dans son prochain rapport, des données et des informations complètes sur le trafic des femmes et des filles ainsi que sur l’incidence des diverses mesures prises à ce sujet.

Le Comité craint en outre que les Cambodgiennes, en particulier les jeunes femmes, qui émigrent dans des pays voisins en quête de travail ne soient très exposées à diverses formes de violence, d’exploitation et de traite.

Le Comité engage l’État partie à analyser de manière approfondie les causes de la migration des femmes et à élaborer des politiques et des mesures de protection des migrantes contre l’exploitation et la maltraitance. Il prie l’État partie de lui fournir des informations et des données sur les migrantes et leur situation dans son prochain rapport périodique.

Tout en notant les efforts accomplis pour que les femmes participent davantage aux travaux des conseils communautaires, le Comité se déclare préoccupé par la sous-représentation des femmes à tous les niveaux de la vie politique et publique, en particulier au Parlement, et par le faible taux de participation des femmes aux élections. Il est également préoccupé par la présence limitée des femmes dans l’administration publique et l’appareil judiciaire, à tous les niveaux.

Le Comité exhorte l’État partie à mettre en œuvre un plan stratégique assorti de mesures qui permettrait à un nombre accru de femmes d’exercer des fonctions électives ou d’être nommées à des charges publiques, y compris au sein de l’appareil judiciaire, et par conséquent, à l’article 7 de la Convention d’être mieux respecté. Il recommande l’application de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, comme moyen d’accélérer le respect des dispositions de l’article 7, ainsi que la fixation de calendriers et d’objectifs relatifs à l’égalité de la participation des femmes à tous les niveaux de la prise de décisions. Il recommande aussi à l’État partie d’organiser des programmes de formation pour inculquer l’aptitude à diriger et à négocier aux dirigeantes actuelles et futures. Le Comité propose en outre la mise en œuvre d’activités de sensibilisation à l’importance de la participation des femmes aux processus décisionnels pour la société tout entière.

Le Comité note avec préoccupation le fort taux d’analphabétisme chez les femmes, en particulier dans les zones rurales, dans les groupes ethniques minoritaires et parmi les handicapées, l’écart considérable entre les taux de scolarisation des garçons et des filles et le taux élevé d’abandon scolaire chez les filles. Il est préoccupé par les conséquences à long terme de cette situation dans les domaines de la santé des femmes, de leurs capacités décisionnelles ainsi que de l’acquisition par les femmes de compétences recherchées sur le marché du travail. Le Comité note également avec préoccupation la persistance d’une ségrégation fondée sur le sexe dans le domaine de l’éducation et ses conséquences pour les possibilités de carrière des femmes. La persistance des stéréotypes dans les programmes d’études et les manuels scolaires est également préoccupante.

Le Comité exhorte l’État partie à accorder un rang de priorité élevé à la diminution du taux d’analphabétisme chez les femmes, en particulier les femmes des zones rurales, celles appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les handicapées. Il l’exhorte également à prendre immédiatement toutes les mesures appropriées, y compris des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25, pour éliminer l’écart entre les taux de scolarisation des filles et des garçons et généraliser l’enseignement primaire pour toutes les filles, conformément à l’article 10 de la Convention, aux objectifs et axes stratégiques de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et aux objectifs 2 et 3 du Millénaire pour le développement. Il prie instamment l’État partie d’éliminer les facteurs qui empêchent les filles de poursuivre leurs études, par exemple les mariages précoces et forcés. Le Comité lui recommande aussi d’encourager activement la diversification des choix éducatifs et professionnels qui s’offrent aux femmes. Il demande à l’État partie de revoir les programmes d’études et les manuels scolaires pour en supprimer les stéréotypes sur les rôles respectifs des hommes et des femmes.

Le Comité se déclare préoccupé par la ségrégation dans l’emploi et la proportion élevée de femmes ayant un emploi non qualifié et faiblement rémunéré. Il est préoccupé en particulier par les ambiguïtés du droit du travail qui n’est guère appliqué, et par l’absence de sanctions en cas de non-respect de ce droit ainsi que de mécanismes de contrôle efficaces, d’où des atteintes aux droits des femmes énoncés dans le paragraphe 2 de l’article 4 et dans l’article 11 de la Convention, notamment le droit à un salaire égal, au congé de maternité, et à la sécurité sociale et le droit d’être à l’abri du harcèlement sexuel. Il est également préoccupé par les conséquences néfastes que l’abrogation de l’Arrangement multifibres pourrait avoir à long terme sur les femmes qui travaillent dans la confection.

Le Comité exhorte l’État partie à assurer le plus rapidement possible une représentation égale des femmes et des hommes sur le marché du travail. Il demande en outre l’adoption de mesures propres à garantir aux femmes une rémunération égale pour un travail égal et de valeur égale et le bénéfice des prestations et des services sociaux dans des conditions d’égalité. Il encourage l’État partie à définir plus précisément la notion de salaire égal pour un travail de valeur égale. Il l’encourage à établir des sanctions en cas de discrimination à l’égard des femmes dans l’emploi, dans les secteurs public et privé, y compris le harcèlement sexuel, à mettre en place des mécanismes de mise en œuvre et de contrôle efficaces et à veiller à ce que les femmes aient accès à des moyens de recours, y compris une aide judiciaire. Le Comité encourage l’État partie à informer les femmes sur la législation du travail de manière à leur faire connaître leurs droits. Il recommande aussi l’adoption de mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 pour accélérer l’instauration d’une égalité de fait en matière de recrutement, de formation et de promotion conformément à l’article 11 de la Convention. Il prie l’État partie de préciser dans son prochain rapport périodique si l’abrogation de l’Arrangement multifibres a eu des effets néfastes sur les femmes qui travaillent dans la confection, et de fournir des informations sur les mesures prises pour combattre ces effets et les réduire dans toute la mesure possible.

Le Comité note qu’en dépit de la diminution du taux de mortalité maternelle, celle-ci demeure élevée – 437 pour 100 000 naissances vivantes – essentiellement en raison du manque d’accès à des services obstétriques d’urgence. Il est également préoccupant que seules 10 % des naissances aient lieu dans un établissement de santé.

Le Comité recommande l’analyse et l’élimination des facteurs qui entravent l’accès aux services obstétriques et a) la mise en place d’un plan stratégique pour réduire la mortalité et la morbidité maternelles en vue de créer progressivement dans toutes les provinces des services prénatals, postnatals et d’urgence de qualité, b) la création d’un service d’orientation facilitant l’accès aux services obstétriques, c) l’établissement de critères pour la diminution de la mortalité maternelle et d) la mobilisation à cette fin des fonds nécessaires auprès de toutes les sources existantes.

Le Comité se déclare préoccupé par le niveau plus élevé de pauvreté parmi les femmes des zones rurales, qui constituent la majorité de la population féminine. Tout en notant que la loi foncière s’efforce de privilégier les familles dont le chef est une femme dans la distribution des terres, il exprime des réserves au sujet de l’application générale de cette loi. Il est également préoccupé par le fait que les femmes ne connaissent par leurs droits et comprennent mal la loi et le processus d’inscription au cadastre. La situation des femmes chefs de famille auxquelles la confiscation de terres par des sociétés privées a enlevé leurs moyens d’existence et leur exclusion des processus décisionnels relatifs à la distribution des terres sont particulièrement préoccupantes.

Le Comité exhorte l’État partie à accorder une attention particulière à la situation des femmes des zones rurales de manière à mieux respecter l’article 14 de la Convention, en leur assurant l’accès à l’éducation, aux services de santé, à des moyens de crédit, ainsi que la pleine participation aux processus décisionnels. Il l’exhorte aussi à diffuser les informations sur la loi foncière et le processus d’inscription au cadastre et à prendre les mesures voulues pour éliminer toutes les formes de discrimination qui s’exercent contre les femmes en matière de propriété et d’administration de la terre. Il engage en outre l’État partie à accorder un rang élevé de priorité aux femmes des zones rurales dans sa lutte contre la pauvreté.

Tout en prenant note de la loi sur le mariage et la famille, le Comité est préoccupé par le fait qu’elle n’est pas mise en œuvre et qu’il n’existe pas de mécanisme de contrôle efficace. Des facteurs traditionnels et culturels empêchent les femmes d’exercer pleinement leurs droits au sein de la famille, en particulier le droit de contracter mariage librement et de leur plein gré, énoncé à l’article 16 de la Convention. Il est également préoccupé par le fait que les femmes et les hommes ne peuvent pas contracter mariage au même âge.

Le Comité exhorte l’État partie à faire largement connaître la loi sur le mariage et la famille et à combattre les facteurs culturels et traditionnels qui perpétuent la discrimination à l’égard des femmes. Il l’exhorte à porter à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les femmes et pour les hommes, conformément à l’article 16 de la Convention et à sa recommandation générale 21, ainsi qu’à la Convention relative aux droits de l’enfant.

Le Comité note avec préoccupation que les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les handicapées se heurtent à de multiples formes de discrimination pour ce qui est de l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, et qu’elles sont victimes de violences. Il regrette que le rapport ne contienne pas d’informations sur ces groupes de femmes.

Le Comité engage l’État partie à tenir compte des handicapées et des femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires dans les politiques, plans et programmes nationaux, ainsi qu’à mettre en œuvre des mesures visant expressément à éliminer la discrimination à l’égard de ces groupes de femmes. Il le prie de fournir dans son prochain rapport des données et des informations sur la situation des handicapées et des femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, notamment en ce qui concerne l’éducation, l’emploi et les soins de santé.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à accepter, le plus tôt possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention qui concerne son calendrier de réunions.

Le Comité exhorte l’État partie, dans le cadre de ses obligations au titre de la Convention, à tirer pleinement parti de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie d’inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne en outre que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) passe par l’application pleine et effective de la Convention. Il demande que le souci de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans tous les efforts visant à parvenir aux OMD et prie l’État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l’adhésion des États aux sept grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permet aux femmes d’exercer plus pleinement leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage donc le Gouvernement cambodgien à envisager de ratifier l’instrument auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Cambodge pour que tous, y compris les membres du Gouvernement, la classe politique, les parlementaires, et les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, aient conscience des mesures prises pour assurer l’égalité des femmes de jure et de facto, ainsi que des nouvelles mesures qui sont nécessaires à cet égard. Il prie l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et du Document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Le Comité prie l’État partie de traiter des sujets de préoccupation soulevés dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra en vertu de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter sous forme de rapport unique en 2009 son quatrième rapport périodique, prévu pour novembre 2005, et son cinquième rapport périodique, prévu pour novembre 2009.