Nations Unies

CMW/C/SR.236

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

18 septembre 2013

Original: français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Dix- neuv ième session

Compte rendu analytique de la 236 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 11 septembre 2013, à 10 heures

Président (e):M. Taghizade (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73 de la Convention (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73 de la Convention (suite)

Rapport initial du Maroc (HRI/CORE/MAR/2012 , CMW/C/MAR/1 , CMW/C/MAR/Q/1 , CMW/C/MAR/Q/1/Add.1 , CMW/C/MAR/CO/1)

Sur l’invitation du Président, la délégation marocaine reprend place à la table du Comité et continue de répondre aux questions posées à la séance précédente.

M.  Soukrati (Maroc) dit que le Gouvernement marocain fait tout son possible pour mettre la législation nationale en harmonie avec les dispositions des traités internationaux relatifs aux droits des travailleurs migrants. À ce jour, le Maroc a ratifié 62 conventions de l’OIT, en particulier 7 conventions fondamentales sur 8, seule la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ne l’ayant pas encore été. La procédure de ratification de la Convention (no 97) de l’OIT sur les travailleurs migrants est engagée. Le Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle s’attache à mettre le droit interne en conformité avec la Convention (no 143) de l’OIT sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité des chances et de traitement des travailleurs migrants. Par ailleurs, un projet de loi sur les travailleurs domestiques a été adopté par le Gouvernement et soumis au Parlement en 2013, dans la perspective de la ratification par le Maroc de la Convention (no 189) de l’OIT concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques. Un décret gouvernemental contenant un modèle de contrat de travail entre l’employeur et le travailleur domestique, ainsi qu’une listedes travaux domestiques dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans, a été adopté.

M. Ouzgane (Maroc) précise que les sanctions les plus graves prévues par la loi no 02‑03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc sont applicables aux membres des réseaux de trafiquants et non aux migrants qui en sont les victimes. Cette loi prévoit aussi des amendes dans certains cas, mais les sanctions ont en général une visée plus dissuasive que répressive. Dans la pratique, les peines prononcées à l’encontre de migrants ayant commis une infraction à la loi 02‑03 ont été plutôt clémentes jusqu’à présent. Le Maroc s’est engagé dans un processus de réforme de son Code pénal et il est possible que les dispositions de la loi 02‑03 soient modifiées à cette occasion et que l’on supprime les peines d’emprisonnement à l’encontre des migrants sans lien avec les réseaux de trafic.

M. Najim (Maroc) dit que le Gouvernement marocain s’emploie à lutter contre la traite des personnes et que sa législation en la matière reprend de nombreuses dispositions des instruments internationaux. Le Maroc a ratifié récemment le Protocole de Palerme et a adopté une loi sur la protection des victimes et des témoins, qui permet notamment aux victimes de bénéficier des soins de santé nécessaires. Des cellules chargées de la protection des femmes et des enfants victimes de la traite ont été mises en place en collaboration avec ONU-Femmes. Le Gouvernement marocain s’efforce d’actualiser le Plan national de lutte contre la traite des personnes adopté en 2007, l’objectif étant de renforcer les mesures de prévention et de protection.

Le droit à un procès équitable et à être jugé dans un délai raisonnable, la gratuité de la justice, la possibilité de faire appel d’une décision administrative et d’obtenir réparation sont des droits fondamentaux au Maroc. Un projet de loi sur l’assistance judiciaire prévoit que les étrangers résidant régulièrement sur le territoire pourront bénéficier de cette assistance. Les tribunaux offrent des services d’interprétation aux étrangers.

M. Souhail (Maroc) précise qu’en 2011 les prérogatives du Conseil national des droits de l’homme ont été élargies à toutes les violations des droits fondamentaux, quelle que soit leur nature et quels qu’en soient les auteurs. Le Conseil peut être saisi par tous les Marocains et toutes les personnes relevant des juridictions nationales. Il vient de publier un rapport sur les migrations, dont les recommandations sont conformes à la Convention et permettront d’élaborer une nouvelle politique publique de gestion des flux migratoires. Par ailleurs, le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger veille quant à lui à la protection des ressortissants marocains à l’étranger.

M.  Bouzaoui (Maroc) dit que le droit d’asile est garanti par la Constitution marocaine, dont l’article 30 dispose que les étrangers jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyens marocains. Le Maroc travaille en collaboration étroite avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), notamment en matière de lutte contre les réseaux de trafic de migrants. D’après le Bureau du HCR, environ 800 personnes, originaires principalement de Côte d’Ivoire, de République démocratique du Congo et d’Iraq ont le statut de réfugié et 971 celui de demandeur d’asile. En 2012, 30 réfugiés ont été réinstallés. Le Maroc a engagé un processus de réforme du système d’asile et un comité ad hoc a été constitué à cette fin; ses propositions prévoient notamment une modification de la loi 02‑03 avec l’insertion d’un chapitre spécifique consacré aux réfugiés.

M.  Soukrati (Maroc) précise que le Maroc a ratifié la Convention (no 181) de l’OIT sur les agences d’emploi privées pour que le secteur privé puisse participer à l’intermédiation entre l’offre et la demande d’emploi, qui était jusqu’alors réservée à un organisme public, l’Agence nationale de promotion de l’emploi. Les agences privées doivent disposer d’une autorisation préalable d’exercer et constituer une garantie financière utilisée en cas de non-paiement de leurs salariés ou des cotisations sociales. Les prestations fournies par ces agences doivent être gratuites et non discriminatoires, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer. On recense à l’heure actuelle 43 agences de recrutement privées au Maroc.

S’agissant des accords de coopération en matière de travail saisonnier, un accord bilatéral a été signé en 2001 avec l’Espagne, qui prévoit notamment le renforcement du contrôle du respect de la législation du travail, pour éviter l’exploitation des Marocains en situation irrégulière. Dans le cadre du Programme de gestion intégrale de l’immigration saisonnière de la Commission européenne, un dispositif mis en place par l’Agence nationale de promotion de l’emploi du Maroc facilite le recrutement et la formation des travailleurs. Une fondation pour les travailleurs étrangers à Huelva a pris le relais du Programme européen pour organiser la migration circulaire. Le bilan de ces programmes est très positif, puisqu’ils ont notamment permis d’accroître le recrutement des femmes, dont le nombre a atteint 14 000 en 2009.

M.  Ouzgane (Maroc) rappelle que lestextes relatifs à l’état civil marocain indiquent que tous les Marocains sont soumis au régime d’état civil, qui s’applique également aux étrangers, quelle que soit leur situation. Cependant, l’obligation de déclaration des naissances à l’état civil ne s’applique qu’aux citoyens marocains. De 2003 à 2013, 20 000 naissances ont été déclarées par des ressortissants étrangers, en majorité originaires d’Afrique subsaharienne, d’Iraq et de Syrie. Depuis la réforme du Code de la famille, les enfants de Marocaines mariées à des ressortissants étrangers ont la nationalité marocaine dès leur naissance.

La Constitution prévoit que les migrants étrangers se trouvant au Maroc peuvent participer aux élections locales, sous condition de réciprocité. Les étrangers peuvent également prendre part, au Maroc, aux élections organisées dans leur pays d’origine. La Constitution permet à la communauté marocaine établie à l’étranger de participer aux différents scrutins et référendums organisés au Maroc, dans les consulats marocains de leur pays de résidence ou au Maroc, directement ou par procuration.

M. Bastaoui (Maroc) dit que les étrangers résidant au Maroc se voient octroyer une carte d’immatriculation sur le modèle de la carte d’identité biométrique des citoyens marocains, dont la durée de validité dépend des accords de réciprocité avec le pays concerné.

M.  Souhail (Maroc) rappelle que la nouvelle Constitution permet la représentation des communautés marocaines de l’étranger au sein des instances relatives aux droits de l’homme du Maroc.

M.  Soukrati (Maroc) dit que les demandes d’immatriculation de ressortissants étrangers dans des établissements d’enseignement marocains sont déposées par l’Agence marocaine de la coopération internationale auprès du ministère correspondant, qui procède automatiquement à l’inscription. Il précise que les enfants étrangers peuvent avoir accès à l’éducation sur autorisation du Ministère de l’éducation. Les élèves ayant commencé leur scolarité à l’étranger se voient délivrer des équivalences.

Le droit du travail s’applique à tous les travailleurs, marocains et étrangers, qui ont également accès à la sécurité sociale. Des accords bilatéraux ont été signés entre le Maroc et différents pays en matière de sécurité sociale, qui prévoient notamment le transfert des prestations sociales dans le pays de résidence. Les prestations dont il s’agit sont celles prévues par la Convention (no 102) de l’OIT concernant la sécurité sociale (norme minimum). Quelque 9 000 étrangers sont actuellement immatriculés à la caisse de sécurité sociale du Maroc.

Des visas de travail sont octroyés aux migrants qui ont un contrat de travail visé par l’autorité gouvernementale compétente, en fonction des besoins de l’économie nationale et du profil du candidat. Certaines catégories, comme les personnes nées au Maroc ou les réfugiés politiques, bénéficient de conditions favorables. M. Soukrati précise enfin que le droit d’adhérer à des syndicats est garanti aux travailleurs migrants et aux réfugiés. Il annonce que pour la première fois au Maroc un collectif syndical appelé «Travailleurs immigrés» a été créé en 2012.

M. Souhail (Maroc) souligne que les migrants sont un facteur de richesse sur les plans socioéconomique et artistique et que plusieurs travailleurs migrants en situation régulière ou irrégulière sont syndiqués.

M. Najim  (Maroc) dit que la loi no 02-03 comprend des dispositions relatives à la protection des migrants et que la législation nationale interdit d’expulser le conjoint d’un citoyen marocain, marié depuis plus d’un an, le parent d’un enfant naturalisé résidant sur le sol marocain, un mineur ou une femme enceinte. Dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation aux droits de l’homme, des programmes d’éducation aux droits de l’homme ont été mis en place.

M. Bellamlih (Maroc) dit que le Gouvernement a adopté une stratégie gouvernementale de lutte contre la violence à l’égard des femmes axée sur la prévention, l’institutionnalisation de la lutte et la protection des victimes. Par ailleurs, le Ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a élaboré une politique intégrée en faveur de l’enfance («Maroc digne de ses enfants») visant à mettre en place des structures de proximité, en particulier l’unité de protection de l’enfance et le SAMU social, à appuyer les associations œuvrant pour la protection de l’enfance, et à organiser des campagnes de sensibilisation pour lutter contre le travail domestique des filles.

M.  Zerouali (Maroc) dit que les autorités marocaines et étrangères concernées ignorent le nombre exact de travailleuses mineures se trouvant au Maroc et précise que, début 2000, le Maroc et l’Espagne ont créé un groupe mixte chargé des questions relatives aux mineurs non accompagnés.

M. Belabbia (Maroc) explique que des soins de santé peuvent être dispensés dans les centres de santé de base, où ils sont gratuits pour toute personne résidant sur le territoire marocain − qu’elle soit en situation régulière ou irrégulière − ou dans des hôpitaux, pour lesquels le nouveau règlement, entré en vigueur en 2011, prévoit que les patients ou les blessés étrangers sont admis quel que soit leur statut. Grâce à la coopération avec Médecins sans frontières (MSF) et des associations locales, on a pu constater une amélioration de l’utilisation des ces réseaux de soins.

M. El-Bouazzaoui  (Maroc) rappelle que les services compétents ont informé les ressortissants marocains expulsés d’Algérie en 1975 de leurs droits en vertu de la Convention dès que l’Algérie l’a ratifiée et précise que le Maroc ne reconnaît pas l’expropriation des 45 000 familles marocaines concernées. Ce dossier fait l’objet de discussions bilatérales, sans grand succès à ce jour.

M. Soukrati (Maroc) dit que même si des mesures ont été prises pour lutter contre les violations des droits des domestiques, ce type de travail reste souvent informel, ce qui ne permet pas aux inspecteurs du travail d’avoir accès aux lieux de résidence, sauf si le Procureur général ou les résidents les y autorisent. Un numéro vert a été créé pour dénoncer la violation des droits et l’exploitation des travailleurs domestiques, et toute violation portée à la connaissance des autorités entraîne automatiquement l’ouverture de poursuites contre son auteur présumé.

M me Jamal (Maroc) dit que les données relatives au taux de retour apparaissent essentiellement dans les rapports de certaines organisations non gouvernementales (ONG) ou dans des enquêtes menées par des centres de recherche marocains. En juillet 2013, le Ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger a mis en place, avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), un mécanisme de réinsertion socioprofessionnelle des migrants peu et moyennement qualifiés qui rentrent au Maroc. Ces quatre dernières années, ce Ministère a incité des Marocains de l’étranger à investir au pays et a encouragé le retour de Marocains très qualifiés.

Plusieurs mesures ont été mises en place pour pérenniser les transferts de fonds, en maximiser l’impact sur l’économie locale et en réduire le coût. La loi-cadre no 18‑95 formant charte de l’investissement assimile les Marocains résidant à l’étranger à des investisseurs étrangers. De plus, le Ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger a créé une cellule chargée notamment d’accompagner les investissements des Marocains expatriés. Le Fonds MDM Invest, créé pour promouvoir ces investissements, a bénéficié à 21 personnes et devrait, d’ici à la fin 2013, soutenir 50 projets.

M.  Zerouali (Maroc) dit que le nombre de personnes rentrant volontairement au Maroc avoisinera les 14 000 en 2013, contre 3 400 en 2006. Depuis 2004, une importante campagne de communication a été menée pour sensibiliser les jeunes aux abus des recruteurs et aux activités des trafiquants. Des discussions sont en cours sur la mise en place d’une assistance aux personnes rapatriées.

M. El-Bouazzaoui (Maroc) dit qu’il n’est pas envisagé de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention. Soulignant que la plupart des émigrés marocains vivent dans des pays n’ayant pas ratifié la Convention, il précise que les travailleurs migrants sont informés de leurs droits et obligations par les autorités marocaines avant leur départ, lorsque la migration a lieu sous l’égide d’un organisme gouvernemental, par exemple l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), et dans les pays de destination lorsque le migrant sollicite la protection consulaire. Par ailleurs, le site Internet des consulats du Maroc contient une page réservée aux services aux étrangers.

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention, divers programmes de formation du personnel consulaire ont été lancés et les fonctionnaires de différents ministères suivent régulièrement des cours sur les compétences et responsabilités des États, la traite, les droits des travailleurs migrants, le droit international humanitaire, la migration et la sécurité de l’État, ainsi que sur la coopération internationale et régionale. De plus, la question migratoire a été intégrée dans le cursus de certaines universités marocaines.

M. Ouzgane (Maroc) explique que les droits de l’homme et les questions migratoires figurent dans tous les cursus de formation des agents chargés de l’application de la loi et que des activités de sensibilisation sont menées en partenariat avec le Conseil national des droits de l’homme et les acteurs de la société civile. En outre, les décisions des conseils disciplinaires concernant les droits de l’homme sont publiées.

M me El  Ouardi (Maroc) précise qu’un module sur les conventions internationales est inclus dans le cursus de formation des juges et que les magistrats bénéficient d’une formation continue portant sur les droits de l’homme et les migrants, dispensée notamment en partenariat avec le HCR et l’OIM. Bien que ce dispositif n’ait pas encore fait l’objet d’une évaluation, on constate que davantage d’arrêts et de jugements font référence aux conventions internationales en général et à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en particulier.

M. El Bouazzaoui (Maroc) explique, au sujet du rapatriement des ressortissants marocains établis dans des zones de conflit, que cette situation concernait les communautés marocaines de Côte d’Ivoire, d’Égypte, du Yémen, de Bahreïn et de la Syrie. Il fait savoir que l’appareil diplomatique et consulaire et toutes les instances nationales ont été mobilisés pour accompagner ces personnes, auxquelles une aide a été fournie, par la suite, afin qu’elles puissent récupérer leurs biens lorsque la situation dans le pays le permettait.

Pour ce qui concerne les Pays-Bas, il explique que les autorités marocaines et néerlandaises ont signé un accord sur le recrutement et le placement des travailleurs marocains, en 1969, ainsi qu’un accord relatif à la sécurité sociale en 1972. Il note la bonne intégration des Marocains dans le pays, grâce à un tissu associatif fort, composé de près de 150 associations culturelles chargées d’assurer le relais entre les autorités des deux pays, de défendre les intérêts de la diaspora et de dispenser un enseignement de la langue et de la culture d’origine. Il explique que l’État marocain prend des mesures pour renforcer les capacités de ces associations. M. El Bouazzaoui précise que les autorités néerlandaises ont pris des mesures, dans le contexte de la montée de l’extrême droite, notamment pour limiter les prestations versées selon le principe de résidence et réduire de 40 % les allocations familiales. Le Maroc dénonce ces mesures, qu’il juge en totale contradiction avec l’esprit et les dispositions de la Convention. Une action diplomatique est menée auprès des autorités néerlandaises à cet égard, un comité de veille a été constitué et des recours ont été formés devant les tribunaux. Par ailleurs, en réponse à la question concernant les statistiques, M. El Bouazzaoui précise que la production de statistiques concernant les migrants en situation irrégulière se révèle problématique car ceux-ci ne sont pas connus des services consulaires.

M. Zerouali (Maroc) fait observer que la stratégie nationale relative aux migrations va au-delà de l’approche sécuritaire. Les années 2000 ont été marquées par une mutation profonde du paysage migratoire marocain, due à l’émergence de réseaux de trafic de migrants, dont quelque 2 400 ont été démantelés depuis 2004. M. Zerouali constate à cet égard que la traite des êtres humains est en plein essor depuis quelques années.

Concernant la violence dont seraient victimes des migrants, il note, d’une manière générale, que le taux de criminalité au Maroc est particulièrement faible. Les atteintes aux personnes concernent moins de 3 cas pour 1 000. Sur 100 000 affaires traitées depuis janvier 2013, moins de 40 cas concernent des migrants. Il n’existe donc pas de phénomène de violence institutionnalisée et systématique, cette perception pouvant s’expliquer par l’importante médiatisation de certains faits divers.

Concernant les rafles et les refoulements massifs, M. Zerouali indique que les migrants légalement établis dans le pays ne font l’objet d’aucune intervention ciblée, mais que la riposte des forces de l’ordre est justifiée face aux violentes opérations d’assaut menées à Ceuta et Melilla par les migrants. Au cours de la dernière intervention en date, une vingtaine d’agents des forces de l’ordre ont été blessés. S’agissant de la confiscation des pièces d’identité et des documents de voyage, M. Zerouali explique que les services de sécurité n’ont aucun intérêt à confisquer et à détruire les documents des migrants. En effet, même sans ceux-ci, les migrants placés en détention sont remis en liberté si une ONG crédible intervient en leur faveur.

M. Zerouali estime que le retour volontaire des victimes demeure la meilleure mesure de lutte contre la traite des êtres humains et que des fonds devraient être alloués au financement de ces rapatriements. Il explique en outre qu’un travail de communication doit être fait auprès des jeunes, au Maroc et ailleurs. Il note, à cet égard, que depuis 2003, le nombre de ressortissants marocains candidats à l’immigration illégale a diminué de 27 % grâce aux initiatives menées pour sensibiliser les groupes de population vulnérables.

Le P résident remercie l’État partie pour les réponses apportées, mais il regrette que celui-ci n’ait pas fourni suffisamment d’informations concrètes. Il souhaiterait savoir, notamment, combien de ressortissants marocains établis à l’étranger ont pu exercer leur droit de vote au cours de l’année écoulée et selon quelles modalités. Il demande également combien de migrants ont bénéficié de prestations sociales et de soins de santé. Par ailleurs, sur 20 000 enfants de travailleurs migrants enregistrés depuis dix ans, il aimerait savoir combien sont nés pendant cette période et combien sont scolarisés. Il demande également si tous les enfants de parents migrants sont enregistrés.

M me Dicko explique que la loi no 02‑03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières comporte essentiellement deux axes portant sur la sécurité et sur la répression. Elle demande si le Maroc envisage de mettre en place un mécanisme de surveillance pour garantir que cette loi soit mise en œuvre conformément aux dispositions de la Convention. Elle note que l’article 39 de la loi no 02‑03 prévoit des restrictions au droit de quitter le territoire marocain et que ces restrictions sont contraires à l’article 8 de la Convention.

Mme Dicko observe par ailleurs que les migrants établis au Maroc sont souvent logés dans des conditions d’insalubrité et d’insécurité, sans accès à l’eau potable et à l’assainissement, et elle demande des précisions sur les mesures prévues pour fournir aux migrants des logements convenables. Enfin, elle souhaiterait savoir combien de migrants ont été placés en rétention administrative ou en détention judiciaire.

M. Tall explique que l’article 4 du Code du travail prévoit l’adoption d’une loi spéciale relative aux conditions de travail des employés de maison. Il fait observer, néanmoins, que l’État marocain n’a toujours pas adopté ladite loi et demande si celui-ci envisage véritablement de le faire. Par ailleurs, il tient à souligner l’impérieuse nécessité de former les membres des forces de sécurité afin de prévenir les abus et la violence à l’égard des migrants. Il appelle également l’attention sur les articles 50 et suivants de la loi no 02‑03, qui criminalisent la migration illégale et demande quelles mesures l’État envisage de prendre pour mettre cette loi en conformité avec les dispositions de la Convention.

M.  Carrión Mena sollicite de plus amples informations sur les accords bilatéraux et multilatéraux signés par l’État marocain, notamment avec les pays voisins et les pays d’accueil européens. Il souhaiterait savoir dans quelle mesure ces accords sont respectés et efficaces. Il demande par ailleurs quelles mesures sont prises par le Gouvernement pour faire appliquer la Convention par les entreprises privées, qui emploient bien souvent des migrants en situation irrégulière. Enfin, il aimerait savoir de quelle manière les dispositions de la Convention sont appliquées dans le sud du Maroc.

M. Sevim souhaiterait savoir si les travailleurs migrants ont le droit de former des syndicats ou de s’affilier à des syndicats. Il demande également si, conformément à l’article 45 de la Convention, l’État veille à assurer gratuitement aux enfants des travailleurs migrants un enseignement de leur langue maternelle dans les écoles primaires publiques.

M.  Ibarra  Gonzalez aimerait savoir si, dans les faits, toute personne peut recevoir des soins de santé, quel que soit son statut migratoire. Il souhaiterait avoir des statistiques précises, ventilées par sexe, sur le nombre de personnes ayant bénéficié de ces soins. Concernant les informations selon lesquelles il aurait été procédé à l’expulsion collective de centaines de migrants vers l’Algérie et la Mauritanie, M. Ibarra Gonzalez demande si l’État marocain entend modifier sa législation pour interdire expressément ce type d’expulsion.

La séance est suspendue à 12 h 40; elle est reprise à 12 h 50.

M. Ouzgane (Maroc) tient à préciser que le droit de vote est un droit constitutionnel,mais qu’il ne constitue pas une obligation. Il note qu’au total 266 000personnes ont participé au référendum constitutionnel de 2011, le dernier en date. Il s’agit là d’un taux important car ce référendum a eu lieu pendant le retour au Maroc d’une partie de la communauté marocaine établie à l’étranger.

M.  Zerouali (Maroc) explique, en réponse à la question concernant les expulsions de migrants vers Tanger, que ces expulsions étaient légales. Dans le cas de la Mauritanie, il précise que l’expulsion ne concernait pas plusieurs centaines de migrants, mais sept cas seulement. Il indique que les permis de séjour des intéressés avaient expiré et que l’État marocain a pris en charge leurs frais de transport vers la Mauritanie.

M.  Hilale (Maroc) fait savoir que la Convention est appliquée dans le sud du Maroc, car le Sahara fait partie du territoire national.

M. Belhaj (Maroc) explique que des accords bilatéraux ont été signés avec plusieurs pays d’Europe, dont l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et la France. Ces accords portent sur diverses questions, notamment la régulation de la migration irrégulière des mineurs non accompagnés, la coopération pour le contrôle des frontières, le recrutement et le placement des travailleurs migrants ou encore la sécurité sociale. M. Belhaj cite le «Partenariat pour la mobilité» signé avec neuf États membres de l’Union européenne.

M.  Souhail (Maroc) explique que les ressortissants étrangers ont le droit d’adhérer à des syndicats, mais ne peuvent les diriger. Il précise qu’une section leur est même réservée dans l’un des 30 syndicats que compte le Maroc. Il ajoute que la loi sur les syndicats va être mise en conformité avec les dispositions de la Convention. M. Souhail explique par ailleurs que, compte tenu du nombre de langues parlées par les ressortissants étrangers au Maroc, l’État marocain n’est pas en mesure d’assurer aux enfants des migrants l’enseignement de leur langue maternelle.

M.  Haiba (Maroc) explique que le processus de mise en conformité de la législation marocaine, notamment la loi no 02‑03, avec le droit international et, plus particulièrement, la Convention est en cours depuis dix ans. La question de l’asile et des réfugiés est également en cours d’examen et des mesures sont prises pour permettre l’accès de tous au système de plainte individuelle.

M.  Souhail (Maroc) explique que l’État marocain s’engage à élaborer et à soumettre le prochain rapport périodique dans le courant de l’année à venir, à poursuivre l’interaction avec le Comité dans le cadre du suivi de la mise en œuvre des recommandations, à soumettre des rapports d’étape sur le suivi des recommandations, à développer, dans le cadre de la promotion de la Convention, les programmes de formation continue et à sensibiliser également les médias et les ONG à la Convention et, enfin, à accélérer la réforme des textes de loi pertinents, notamment ceux relatifs à la lutte contre la traite et à l’asile et aux réfugiés. M. Souhail fait par ailleurs observer qu’un projet de loi sur les travailleurs domestiques a été soumis au Parlement.

La séance est levée à 13 h 10.