NATIONS UNIES

CMW

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.GÉNÉRALE

CMW/C/SR.994 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURSMIGRANTS ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE

Dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 99e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 20 avril 2009, à 15 heures

Président: M. EL JAMRI (Maroc)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (suite)

Dialogue avec les institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme et avec les organisations non gouvernementales sur le rapport initial des Philippines

La séance est ouverte à 15 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 73 DE LA CONVENTION (point 3 de l’ordre du jour) (suite)

Dialogue avec les institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme et avec les organisations non gouvernementales sur le rapport initial des Philippines

1.Mme CARDONA (Commission des droits de l’homme des Philippines) dit que celle-ci est pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et, en tant que telle, a été accréditée avec le statut «A» par le Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme. Les Philippines sont l’un des principaux pays d’origine des travailleurs migrants. La loi de la République no 8042 de 1995, tout en reconnaissant l’importance pour l’économie nationale des envois de fonds des travailleurs migrants philippins, dispose que l’État ne promeut pas l’emploi de ses ressortissants à l’étranger comme moyen de soutenir la croissance économique et d’assurer le développement du pays. Or, le décret présidentiel no 247 du 2 décembre 2008 charge l’Agence philippine pour l’emploi outre-mer d’explorer autant que faire se peut les possibilités d’emploi pour les Philippins expatriés sur les marchés étrangers. Ce texte représente une importante source de préoccupation pour les travailleurs migrants philippins, compte tenu du fait que les garanties relatives à la protection de leurs droits sont faibles. Qualifiés de «nouveaux héros», ils restent l’une des catégories vulnérables de la population. La Commission recommande que la loi de la République no 8042 soit révisée afin que les dispositions de la Convention soient systématiquement prises en compte et que les droits des travailleurs migrants philippins et des membres de leur famille soient mieux protégés.

2.La Commission note le peu de coordination existant entre les administrations s’occupant des travailleurs migrants, telles que le Ministère des affaires étrangères, le Ministère du travail et de l’emploi, l’Agence philippine pour l’emploi outre-mer et le Bureau de l’immigration et des expulsions. En effet, ayant été saisie par plusieurs travailleurs migrants philippins, confrontés à l’interdiction totale de se rendre au Nigéria, bien que détenteurs d’un permis de travail ou de résidence dans ce pays, la Commission s’est efforcée de déterminer quelle était l’autorité chargée de promulguer et de supprimer ces interdictions et d’en définir les principes directeurs. Or, aucune des administrations susmentionnées n’a revendiqué la responsabilité de cette interdiction. Pour la Commission, l’interdiction totale de se rendre au Nigéria n’est pas justifiée, notamment pour les raisons suivantes: elle ne tient pas compte de l’avis des personnes concernées; elle s’applique à l’ensemble du territoire nigérian alors qu’elle aurait pu ne porter que sur les régions, telles que le delta du Niger, où les risques pour les marins sont réels; les travailleurs touchés par l’interdiction ne peuvent exercer leurs droits de travailler, de quitter le pays et d’être réunis avec leur famille; l’interdiction accroît les risques de corruption. Mme Cardona prie le Comité de recommander au Gouvernement de définir des critères raisonnables et objectifs pour les interdictions de voyager ainsi que des principes directeurs concernant leur application et leur suppression, et d’assurer une bonne coordination des actions, décisions et programmes de tous les organismes chargés de la promotion et de la protection des droits des travailleurs migrants.

3.La Commission relève que presque tous les accords bilatéraux concernant la migration mentionnés dans le rapport du Gouvernement sont caducs et n’ont pas été prorogés; en outre, ces instruments ne prennent pas suffisamment en considération la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Mme Cardona prie donc le Comité de souligner, dans ses observations finales, la nécessité de réexaminer ces accords, de déterminer ceux qui doivent être renouvelés et de veiller à ce qu’ils accordent une place centrale à la protection et à la promotion des droits des travailleurs migrants philippins et des membres de leur famille. Le Gouvernement philippin devrait par ailleurs encourager les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention.

4.Mme Cardona prie le Comité de mentionner, dans ses observations finales, la nécessité de reconnaître le rôle spécifique que les institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme, en tant que partenaires indépendants et indispensables, ont à jouer dans l’établissement du rapport et la mise en œuvre de la Convention. Elle le prie également de formuler une recommandation tendant à préciser le rôle de la Commission et à mentionner qu’elle est expressément chargée d’adopter les mesures juridiques appropriées pour protéger les droits de l’homme de toutes les personnes se trouvant aux Philippines ainsi que des Philippins vivant à l’étranger. Enfin, citant en exemple la coopération entre son institution et la Commission des droits de l’homme de la Malaisie (SUHAKAM) en vue de protéger les droits des travailleurs philippins se trouvant dans l’État de Sabah, elle souligne le rôle considérable que les institutions nationales peuvent jouer dans la protection et la promotion des droits de l’homme, ainsi que dans l’amélioration des conditions de vie des travailleurs migrants et de leur famille.

5.MmeSANA (Philippine Migrant Rights Groups) dit que l’organisation qu’elle représente regroupe notamment des réseaux et groupes de défense des droits de l’homme et des droits des travailleurs migrants philippins et étrangers, des organisations féminines, des syndicats et des représentants de milieux universitaires philippins et étrangers. Elle indique que neuf à dix millions de Philippins (soit environ 10 % de la population philippine) vivent et travaillent aujourd’hui dans 193 pays et territoires. Initié par le Président Ferdinand Marcos en 1974 comme solution temporaire au chômage qui sévissait dans le pays, l’emploi à l’étranger est progressivement devenu une composante à part entière de la stratégie de développement du Gouvernement. Certaines représentations de l’État philippin à l’étranger couvrent plusieurs pays ou territoires. Par exemple, l’ambassade des Philippines à Abuja couvre le Nigéria et 17 autres pays d’Afrique de l’Ouest. Ces représentations sont parfois difficilement accessibles, ce qui limite leur capacité à fournir des services aux travailleurs migrants philippins. De plus, elles n’emploient pas suffisamment de personnel.

6.Mme Sana constate une féminisation de la migration. Les migrantes philippines sont principalement employées comme domestiques, infirmières, soignantes ou artistes. Les employées de maison et les artistes sont les plus exposées à des violations de leurs droits et à l’exploitation et, dans de nombreux pays, elles ne bénéficient pas de la protection des lois relatives au travail et à la protection sociale. Environ un million de travailleurs migrants philippins sont en situation irrégulière ou sans papiers et, la crise mondiale aidant, leur nombre va certainement augmenter.

7.Bien que l’importance du rôle des organisations non gouvernementales (ONG), en tant que partenaires du Gouvernement dans la mise en œuvre de la Convention, soit reconnue à l’article 2 h) de la loi de la République no 8042, Mme Sana déplore que, dans les faits, l’État ne collabore pas en la matière avec les ONG. En effet, aucune d’entre elles n’a été associée à l’élaboration du rapport de l’État partie qui a été soumis au Comité en janvier 2008 et février 2009. De même, le Gouvernement n’a pas associé les organisations de la société civile à la diffusion et à la promotion de la Convention.

8.Initialement créé pour fournir une assistance juridique aux travailleurs migrants dans des situations difficiles, le Bureau de l’Assistant juridique chargé des travailleurs migrants s’occupe aujourd’hui de presque toutes les questions touchant à la protection sociale des travailleurs migrants. Le Bureau du Sous-Secrétaire aux affaires des travailleurs migrants, principale administration chargée de protéger les droits des migrants, n’a ni site Web, ni adresse électronique, ni permanence téléphonique. Il ne dispose que d’un très petit budget, ses effectifs sont insuffisants et ses méthodes de travail sont inefficaces. Le Ministère des affaires étrangères n’a pas mis en place le Système d’information gouvernemental partagé pour les migrations prévu par la loi no 4082. Pendant les séminaires d’orientation avant le départ (PDOS), les migrants ne sont pas informés de leurs droits, des dispositions de la Convention ni de la législation philippine. Ils ne reçoivent pas d’informations utiles sur leur pays de destination.

9.Mme Sana précise que les Philippins résidant à l’étranger ne peuvent participer qu’aux élections présidentielles, vice-présidentielles, sénatoriales et législatives. Ceux d’entre eux qui ont déposé une demande pour obtenir une nationalité étrangère n’ont pas le droit de voter. Les personnes qui ont enfreint la loi sur le vote par correspondance sont passibles d’une année d’emprisonnement et d’une interdiction de voter. En vertu de la loi, le passeport philippin de ces personnes doit porter la mention «non autorisé à voter». L’audit réalisé par le Gouvernement a révélé que ce dernier ne fournissait pas de services efficaces aux travailleurs migrants philippins et que la mise en œuvre de son Programme de protection des travailleurs philippins migrants n’était pas satisfaisante. Les lois visant à mieux réglementer les activités de recrutement ne sont pas pleinement mises en œuvre et leur application ne fait pas l’objet d’un contrôle suffisant. Les femmes et les hommes issus des zones rurales sont souvent employés illégalement.

10.Compte tenu de cette situation, Mme Sana dit que son organisation recommande notamment au Gouvernement de mettre un terme à sa politique d’exportation de la main‑d’œuvre et de s’efforcer de créer des emplois dans le pays, susceptibles d’offrir en particulier des salaires décents et une protection sociale. Le Gouvernement devrait définir des programmes de développement économique durables, centrés sur l’être humain. Il devrait tendre à réellement promouvoir et protéger les droits de ses travailleurs migrants et des membres de leur famille en employant, dans ses administrations, aux Philippines comme à l’étranger, un personnel en nombre suffisant, soucieux de répondre aux besoins des travailleurs migrants et de leur offrir des services de qualité. Des audits devraient être systématiquement réalisés aux fins d’une évaluation de l’efficacité de ces organismes. En outre, le Gouvernement devrait mettre en place le Système d’information gouvernemental partagé pour les migrations, qui devrait comporter une base de données complète et ventilée par sexe sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille. Ces informations permettraient de mettre au point des programmes et des services destinés aux migrants pour chaque étape du cycle de migration.

11.Mme Sana estime par ailleurs que le Gouvernement devrait faire preuve d’une réelle volonté politique de prévenir et de faire cesser la traite d’êtres humains, le recrutement illégal, l’extorsion de droits de placement exorbitants et autres activités criminelles relatives à l’exploitation des travailleurs migrants, en organisant des campagnes d’information et de sensibilisation à grande échelle sur les droits des migrants et les réalités de la migration, en réglementant et en contrôlant sévèrement les agences de recrutement et en prévoyant des sanctions adaptées. Le Gouvernement devrait continuer à conclure des accords bilatéraux et multilatéraux avec d’autres États et avec des organisations régionales et internationales en vue de protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, et promouvoir une approche fondée sur les droits de l’homme et des idéaux de paix dans ses relations internationales. Enfin, il devrait considérer les ONG et les organisations de la société civile comme des partenaires sérieux, conformément à la Constitution de 1987 et à la loi de la République no 8042.

12.Le PRÉSIDENT, intervenant en tant que membre du Comité, demande si le dynamisme de la société civile dans le domaine de la migration est favorisé par le Gouvernement. Rappelant que le Gouvernement philippin affirme disposer d’une très bonne politique migratoire, il demande quel est l’avis de la Commission des droits de l’homme des Philippines et des Philippine Migrant Rights Groups sur cette question. Il voudrait aussi savoir si l’interdiction de voyager ne concerne que le Nigéria et quelles sont les personnes touchées. Il demande par ailleurs de quelle manière les ONG ou les institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme recueillent des informations pour pouvoir parler au nom des travailleurs migrants. Il souhaiterait des précisions sur la collaboration entre la Commission des droits de l’homme des Philippines et la SUHAKAM de Malaisie. Enfin, il demande comment, selon les Philippine Migrant Rights Groups, une ambassade peut garantir les droits des ressortissants de son pays dans le pays d’accueil et comment la société civile peut assurer le respect des droits des travailleurs migrants dans des pays qui sont de nouvelles destinations pour les migrants et avec lesquels les Philippines n’ont pas établi de relations dans ce domaine.

13.M. KARIYAWASAM souhaite savoir pour quelles raisons la Commission nationale des droits de l’homme recommande au Gouvernement philippin de revoir et de modifier la loi de la République n° 8042 sur les travailleurs migrants et les Philippins expatriés. Il aimerait que les intervenants précisent ce qu’il en est exactement du droit de vote des travailleurs migrants philippins. Il s’interroge également sur la féminisation des migrations: en quoi serait-ce un phénomène négatif et quelles seraient les mesures à prendre alors pour lutter contre ce phénomène? D’après certains rapports, de nombreux émigrés philippins hautement qualifiés (médecins, ingénieurs, enseignants, par exemple) occuperaient à l’étranger des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés (chauffeur de taxi, par exemple). M. Kariyawasam aimerait savoir ce que les intervenants pensent de ces situations, si cette immigration est découragée et, dans l’affirmative, par quels moyens, et ce qui est fait pour que les travailleurs émigrés trouvent des emplois qui correspondent à leurs qualifications. Il s’interroge également sur les mesures qui permettraient de mieux protéger les droits des travailleurs migrants philippins dans l’État de Sabah, étant donné la situation particulière des Philippines au regard de cet État situé sur le territoire de la Malaisie.

14.M. ALBA, observant que les exposés des différents intervenants traitent presque exclusivement des travailleurs migrants philippins à l’étranger, demande ce qui est fait pour les travailleurs migrants étrangers aux Philippines, d’autant qu’il semblerait que la protection de leurs droits ne relève pas du mandat de la Commission nationale des droits de l’homme. Impressionné par la composition de l’organisation Philippine Migrant Rights Groups, M. Alba souhaite savoir s’il s’agit d’une organisation formelle et quels types de liens elle entretient avec le Gouvernement et avec la Commission nationale des droits de l’homme.

15.M. EL-BORAI aimerait que les intervenants précisent comment se traduit le manque de coordination entre les organismes gouvernementaux qu’ils dénoncent et quelles en sont les conséquences pour les travailleurs migrants. L’interdiction faite aux Philippins d’aller au Nigéria s’applique-t-elle également à d’autres pays? Rappelant les conditions de vie difficiles des travailleurs migrants philippins dans les pays du golfe Persique, M. El-Borai demande si les accords bilatéraux signés entre les Philippines et ces pays règlent la question du «garant» (la «servitude du XXIe siècle»).

16.Mme POUSSI demande quelles sont les raisons qui motivent l’interdiction faite aux Philippins de se rendre au Nigéria. Par ailleurs, les représentants de la Commission nationale des droits de l’homme voudront bien indiquer dans quelle mesure celle-ci peut contribuer au suivi des recommandations du Comité. S’il existe, d’après le rapport de l’État partie, plusieurs lois relatives aux travailleurs migrants et à leur situation, il serait utile de savoir si elles s’appliquent concrètement et avec quels effets. S’agissant de l’emploi en général, Mme Poussi demande si les lois antérieures à la Convention sont conformes aux dispositions de celle-ci et, dans la négative, ce qu’il est prévu pour remédier à cette situation et si la Commission nationale des droits de l’homme et les ONG pourront jouer un rôle à cet égard.

17.Mme CARDONA (Commission philippine des droits de l’homme) indique que celle‑ci est membre d’un forum regroupant les institutions de défense des droits de l’homme de Malaisie, de Thaïlande, d’Indonésie et des Philippines et qu’à ce titre elle œuvre notamment à défendre les droits des migrants, y compris dans l’État de Sabah. Face au manque de coordination et à l’insuffisance de la protection des travailleurs migrants philippins notamment en Malaisie, la Commission demande au Gouvernement philippin de l’associer davantage à l’établissement de ses rapports concernant les migrations et d’organiser des consultations d’ONG présentes dans la région afin d’obtenir des informations sur la situation réelle, en particulier dans l’État de Sabah. Il faudrait également renforcer les accords bilatéraux signés avec la Malaisie et améliorer la coopération avec ce pays avant d’y implanter un bureau ou une mission. La loi de la République no 8042 étant postérieure à l’adhésion des Philippines à la Convention, ses dispositions sont majoritairement conformes à la Convention. La modification que souhaite la Commission nationale des droits de l’homme consiste à abolir le délai de prescription des violations des droits de l’homme, qui est actuellement de cinq ans, et à rendre imprescriptibles les violations de ce type.

18.Par ailleurs, Mme Cardona précise que la Constitution philippine prescrit la protection des droits de l’homme de toute personne sur le territoire philippin – donc aux étrangers vivant aux Philippines – et de tout ressortissant philippin à l’étranger. Outre le Nigéria, l’interdiction totale de voyager vaut pour des pays comme la Jordanie, l’Afghanistan et le Liban. Les Philippines choisissent d’envoyer des travailleurs migrants dans les pays qui disposent d’une législation protégeant cette catégorie de travailleurs et qui sont signataires d’accords bilatéraux sur la protection des migrants. La Commission nationale des droits de l’homme s’est vu conférer un pouvoir de visite qui lui permet de se rendre dans les centres de détention du bureau de l’immigration et de porter assistance aux étrangers qui s’y trouvent, qu’il s’agisse ou non de travailleurs migrants.

19.MmeZ-PARAJAS (Commission philippine des droits de l’homme) précise que la Commission nationale des droits de l’homme œuvre aussi à la protection des femmes et des enfants et qu’elle s’apprête, par exemple, à élaborer des directives concernant le respect des femmes, en particulier celles qui sont mises en scène pour la promotion de certains produits, notamment en vue de contrôler la situation des nombreux mannequins étrangers qui travaillent aux Philippines.

20.MmeSANA (Philippine Migrant Rights Groups) explique que l’organisation qu’elle représente constitue un réseau d’ONG dont l’objectif principal est de promouvoir la Convention à tous les niveaux. Créée en vue de sa participation à la présente session du Comité, l’organisation a depuis été très active, par exemple en tenant des consultations avec différents acteurs du domaine, y compris les travailleurs migrants philippins à l’étranger et, dans une moindre mesure, les travailleurs migrants étrangers aux Philippines, en vue d’élaborer le rapport qu’elle présente au Comité. Parallèlement à sa collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme, l’organisation s’emploie à venir en aide aux autorités gouvernementales chargées des migrants en leur apportant des informations et à pallier le manque de coordination entre ces autorités, qui peut avoir de graves conséquences pour les travailleurs migrants. S’il est clair que l’État philippin n’a pas les moyens matériels et financiers nécessaires à l’ouverture de représentations dans tous les pays où il envoie ses ressortissants travailler, il se doit malgré tout de mettre en place des structures efficaces pour pallier cette insuffisance. Il n’est pas normal, par exemple, qu’en Arabie saoudite il n’y ait qu’un attaché consulaire pour 6 000 ressortissants philippins; dans ces conditions, on ne peut pas s’attendre que les autorités philippines fournissent un service de qualité aux travailleurs migrants sur place. La politique du Gouvernement consistant à encourager la migration était valable en son temps, il y a plus de quarante ans, parce qu’il s’agissait d’une situation temporaire; mais aujourd’hui, le phénomène migratoire ne fait qu’augmenter sans que les mesures prises pour y faire face soient adaptées, en dépit des nombreux instruments dont le pays dispose. Récemment, les autorités philippines ont été informées d’un problème de traite de ressortissantes philippines en Côte d’Ivoire. Faute de représentation diplomatique dans ce pays, il a fallu que leurs agents, pour pouvoir se rendre sur place, obtiennent des visas par l’intermédiaire de l’ambassade des Philippines à Abuja (Nigéria), avec tout ce que cela représente d’inconvénients.

21.M. ROJAS (Philippine Migrant Rights Groups) dit que l’État philippin est pionnier en matière de droits de vote accordés aux travailleurs migrants philippins, droits dont ils peuvent jouir pour autant qu’ils conservent la nationalité philippine. Par ailleurs, il précise que toute loi non conforme à la Convention doit effectivement être mise en conformité avec les dispositions de celle-ci mais que cela ne se fait qu’au cas par cas, au prix de longs travaux parlementaires. Enfin, il ne faut pas minimiser l’importance d’une bonne coordination entre les différents services, car la situation est parfois, pour les migrants, une question de vie ou de mort.

22.MmeSANA (Philippine Migrant Rights Groups) fait valoir que la féminisation du phénomène migratoire est positive lorsqu’elle est synonyme d’autonomisation de la femme, mais qu’elle peut être préoccupante lorsque l’on sait que les migrantes occupent principalement des emplois domestiques ou des emplois dans l’industrie des loisirs, domaines qui ne sont pas couverts par des lois sociales. L’État philippin doit tenir compte des différences entre les sexes lors de l’élaboration de ses politiques migratoires.

23.MmePUNONGBAYAN (Migrante International) reconnaît l’importance de la législation adoptée par les Philippines en matière de migrations, mais déplore le fossé qui existe entre la théorie et la réalité. Il est ainsi arrivé à plusieurs reprises que les autorités philippines fassent preuve de négligence en apportant une aide inadaptée à des Philippins en difficulté à l’étranger. Ainsi, un Philippin accusé de meurtre s’est-il vu adjoindre les services d’un interprète mais pas ceux d’un avocat. Les agences proposant des emplois à l’étranger étant insuffisamment contrôlées par l’État, les migrants sont souvent exploités et fuient leur employeur, se mettant ainsi hors la loi sans que les autorités philippines leur portent assistance. Ce défaut d’assistance conduit donc parfois à des violations du droit à la vie, à des cas de torture ou à des traitements dégradants. Mme Punongbayan espère que le Comité attirera l’attention des autorités philippines sur ces situations pour que les migrants victimes de tels agissements puissent former un recours devant la Commission nationale des droits de l’homme.

24.De nombreux Philippins gagnent l’État de Sabah pour fuir un conflit armé ou la pauvreté dans leur pays; la plupart font l’objet d’arrestations arbitraires ou se font confisquer leurs papiers, sans pouvoir être convenablement assistés par les autorités philippines. Prochainement, 200 000 Philippins «sans papiers» vont être rapatriés aux Philippines. Du fait de la crise mondiale actuelle, de nombreux travailleurs migrants philippins vont être renvoyés de leurs pays d’accueil, faute d’emplois en nombre suffisant, souvent sans qu’on respecte les conditions et les délais énoncés dans leurs contrats. Or, le Gouvernement philippin n’a pas les moyens de les aider à se réinstaller sur son territoire. Globalement, au cours de ses treize ans d’existence, Migrante International a constaté que le Gouvernement philippin ne respectait ses obligations ni à l’égard des migrants en vertu des lois qu’il a lui-même adoptées, ni à l’égard de la Convention.

La partie publique de la séance prend fin à 16 h 45.

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