* Adoptées par le Comité à sa soixante-quatrième session (4-22 juillet 2016).

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l'Albanie*

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l'Albanie (CEDAW/C/ALB/4) à ses 1413e et 1414e séances, le 12 juillet 2016 (voir CEDAW/C/SR.1413 et 1414). La liste des points et des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/ALB/Q/4 et les réponses de l'Albanie dans le document CEDAW/C/ALB/Q/4/Add.1.

A. Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis son quatrième rapport périodique. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites aux questions soulevées par le groupe de travail pré-session. Il remercie la délégation de la présentation orale dudit rapport et des précisions apportées aux questions posées oralement par le Comité durant l’échange de vues.

3.Le Comité se félicite que l'État partie ait dépêché une importante délégation, conduite par la Directrice générale du Département des politiques sociales du Ministère de l'assistance sociale et de la jeunesse, Merita Xhafaj, et comprenant également des représentants du Ministère des finances, du Ministère de l'intérieur, du Ministère du développement urbain, de l'Institut de la statistique, du Ministère de l'éducation et des sports, de la Direction générale de la Police d'État, du Ministère du développement économique, du tourisme, du commerce et de l'entreprise, du Ministère de la santé, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente de l'Albanie auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B. Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans la réalisation de réformes législatives depuis l’examen de son troisième rapport périodique en 2010 (CEDAW/C/ALB/3), notamment l’adoption des textes suivants :

a)Les amendements au Code électoral (loi n° 74/2012) du 19 juillet 2012, aux termes desquels la liste totale des candidats d’un parti doit compter au moins 30 % de femmes et 30 % d’hommes, et la liste des principaux candidats dans chaque circonscription électorale un tiers de femmes et un tiers d’hommes;

b)Les amendements au Code pénal (lois n° 44/2013 et n° 23/2012) qui érigent en infractions la violence familiale, le viol conjugal, les atteintes et le harcèlement sexuels, le mariage forcé et d'autres formes de violence sexiste;

c)La loi n° 10399 du 17 mars 2011 portant modification de la loi relative à l'assistance sociale et aux services sociaux, qui prévoit d’accorder des prestations sociales aux femmes victimes de violences bénéficiant d’une ordonnance de protection;

d)La loi n° 10329 du 30 septembre 2010, portant modification de la loi n° 9669 relative aux mesures de lutte contre la violence domestique, qui prévoit la mise en place d'un réseau coordonné d’institutions chargées de la protection, du soutien et de la réhabilitation des victimes.

5.Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des textes suivants :

a)La Stratégie nationale sur l'égalité des sexes, la discrimination sexiste et la violence familiale pour la période 2011-2015 et le Plan d'action y relatif, en 2011;

b)Le Plan d’action de soutien aux femmes chefs d'entreprise pour la période 2014-2020;

c)La Stratégie nationale de lutte contre la traite d’êtres humains pour la période 2014-2017.

6.Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent en 2012, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux et régionaux ci-après, ou les a ratifiés :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

7.Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Conformément à son mandat, il invite le Parlement à prendre les mesures nécessaires en vue d’appliquer les présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif s'y rapportant et des recommandations générales du Comité

8.Le Comité prend note des efforts de l'État partie visant à sensibiliser les magistrats et les agents de la force publique à l'égalité des sexes et à la non-discrimination. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention ont été invoquées dans une seule affaire, ce qui indique une connaissance insuffisante de la Convention parmi les juristes, tels que les juges et les avocats, au sein de la société et entre les femmes elles-mêmes.

9. Le Comité réitère sa précédente recommandation (voir CEDAW/C/ALB/CO/3, par. 17), à savoir que l'État partie s'emploie à faire systématiquement connaître et comprendre davantage la Convention et son Protocole facultatif et à promouvoir l'égalité des sexes en menant des programmes d'éducation et de formation, à l'intention, en particulier, des membres du Parlement, du corps judiciaire et des forces de l'ordre, et des hauts fonctionnaires gouvernementaux. Il lui recommande en outre de faire en sorte que la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité et les avis adoptés relativement aux communications de particuliers et aux enquêtes fassent partie intégrante des programmes d'enseignement, notamment des programmes d'enseignement du droit.

Statut juridique de la Convention et harmonisation des lois

10.Le Comité note que, selon l'État partie, toutes les dispositions de la Convention sont directement applicables et ne nécessitent pas de textes d'application. Il prend également note de nouvelles améliorations législatives visant à promouvoir et à protéger l'égalité des sexes et la non-discrimination dans l'État partie, en particulier en ce qui concerne l'interdiction de la violence sexiste et du harcèlement sexuel. Toutefois, le Comité est préoccupé par l'absence de mise en œuvre de la législation sur l'égalité des sexes et la non-discrimination, ainsi que par l’absence de suivi de la mise en œuvre de ces lois et politiques.

11. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à la mise en œuvre intégrale et rapide de sa législation pour l'égalité des sexes et contre la discrimination, et de surveiller l'application effective de cette législation, en particulier en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés (voir par. 37 et 39 ci-dessous).

Accès à la justice et aide juridictionnelle

12.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 77/2014 portant modification de la loi no 10039 sur l’aide juridictionnelle qui accorde l’accès à l’assistance d’un avocat aux femmes victimes de violences sexistes. Le Comité note toutefois avec préoccupation que, malgré les améliorations opérées, les femmes, en particulier celles appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, ne savent toujours pas qu’elles ont droit à l’aide juridictionnelle et continuent de se heurter à d’importants obstacles juridiques et pratiques lorsqu’elles souhaitent accéder à la justice, ce dont rend compte le faible nombre de plaintes déposées. Il est également préoccupé par le problème très répandu de la non‑exécution des ordonnances judiciaires, y compris celles concernant le paiement de la pension alimentaire. Le Comité note en outre avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore renversé la charge de la preuve dans les cas présumés de discrimination fondée sur le sexe ou le genre.

13. Compte tenu de sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les femmes puissent accéder sans entrave au système de justice, notamment en faisant prendre conscience au public en général et aux femmes victimes de discrimination et de violences sexistes en particulier de l’existence de lois et de mécanismes pour obtenir gratuitement l’assistance d’un avocat de façon à pouvoir déposer plainte contre les violations de leur droit ;

b) De prendre des mesures pour renforcer la capacité de la Commission de l’aide judiciaire du Ministère de la justice à fournir une aide juridictionnelle primaire et secondaire, notamment en mettant en place des cabinets locaux d’aide juridictionnelle ;

c) De prendre des mesures pour assurer l’exécution des ordonnances judiciaires visant à donner effet aux droits des femmes, notamment au droit à la pension alimentaire, et aggraver les sanctions qu’encourent ceux qui se soustraient à leurs obligations dans ce domaine ; et

d) Renverser la charge de la preuve en faveur des plaignantes dans les cas présumés de discrimination fondée sur le sexe ou le genre.

Mécanismes nationaux pour la promotion de la femme

14.Le Comité note que le Ministre de la protection sociale et de la jeunesse est responsable, par l’intermédiaire du Département de l’égalité des sexes et de l’intégration sociale, de la promotion de l’égalité des sexes et de la lutte contre les violences sexistes, responsabilité qu’il partage avec un réseau de fonctionnaires chargé de l’égalité des sexes dans les ministères et dans les 51 municipalités, ainsi qu’avec le Conseil national de l’égalité entre les sexes. Le Comité note toutefois avec préoccupation la baisse au niveau national des ressources humaines et financières affectées au mécanisme national pour la promotion de la femme et que la majorité des programmes visant à promouvoir l’égalité des sexes et la non‑discrimination sont financés par des donateurs, notamment l’Organisation des Nations Unies. Il note en outre l’adoption d’une budgétisation tenant compte du genre en 2012 mais regrette le manque d’information sur l’incidence du premier programme budgétaire à moyen terme. Le Comité note en outre le manque d’information sur l’exécution globale de la stratégie nationale pour l’égalité des sexes et la lutte contre la violence sexiste et la violence au foyer pour 2011‑2015 et sur les obstacles qui subsistent dans les domaines visés par cette stratégie.

15. Se référant à sa recommandation générale n o  6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, ainsi qu’aux orientations contenues dans le Programme d’action de Beijing, le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer son mécanisme pour la promotion de la femme en le dotant de ressources humaines, techniques et financières suffisantes aux niveaux central et municipal ;

b) D’assurer une coordination et une collaboration effectives entre les différentes entités responsables de la promotion de l’égalité des sexes et de la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et le genre ;

c) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur l’exécution et l’incidence du premier programme budgétaire à moyen terme tenant compte du genre, ainsi que des informations détaillées sur l’application de la stratégie sur l’égalité des sexes, la lutte contre la violence sexiste et la violence au foyer pour 2011-2015, notamment des informations sur les obstacles qui subsistent ; et

d) D’intégrer les recommandations qui figurent dans les présentes observations finales dans la nouvelle stratégie sur l’égalité des sexes pour 2016-2020.

Institution nationale des droits de l’homme

16.Le Comité note avec préoccupation que les ressources humaines et financières allouées aux bureaux du Défenseur du peuple sont faibles et que les recommandations qui en émanent, notamment celles visant à promouvoir l’égalité des sexes et à combattre la discrimination fondée sur le sexe et le genre ne sont pas suffisamment prises en considération.

17. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de renforcer son appui aux bureaux du Défenseur du peuple en leur fournissant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour leur permettre de renforcer leurs fonctions de surveillance indépendante, et de faire en sorte qu’il soit donné effet à ces recommandations, notamment à celles visant à promouvoir l’égalité des sexes et à combattre la discrimination fondée sur le sexe et le genre.

Mesures temporaires spéciales

18.Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté des mesures temporaires spéciales et, notamment, d’avoir fixé des quotas pour la représentation des deux sexes dans le Code électoral (2012), dans la police nationale et dans les forces armées, et d’avoir mis en place un soutien économique à la création d’entreprises par les femmes. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de suivi de l’application de ces mesures temporaires et de leur incidence quant à l’instauration d’une égalité réelle des sexes dans tous les domaines visés par la Convention.

19. Le Comité rappelle qu’il avait déjà recommandé à l’État partie (CEDAW/C/ALB/CO/3, par. 23) de renforcer l’utilisation de mesures temporaires spéciales en application du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale du Comité n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales dans les domaines où les femmes étaient sous-représentées ou défavorisées, afin d’accélérer l’instauration de l’égalité de fait des deux sexes dans les domaines couverts par la Convention, en particulier en ce qui concerne les femmes en butte à des formes croisées de discrimination, telles que les femmes et les filles appartenant à des minorités linguistiques et ethniques, les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes qui vivent dans les zones rurales ou isolées, conformément à l’article 8 de la loi sur l’égalité des sexes dans la société de 2008 et à l’article 11 de la loi sur la protection contre la discrimination. Le Comité invite l’État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations complètes sur la mise en œuvre de ces mesures temporaires spéciales et sur leur incidence.

Stéréotypes et pratiques nocives

20.Le Comité note les efforts de l’État partie pour combattre les stéréotypes sexistes discriminatoires et des pratiques nocives au moyen de campagnes de sensibilisation. Il est particulièrement préoccupé par le fait que de tels stéréotypes et pratiques demeurent fréquents. Il est particulièrement préoccupé par la persistance de pratiques nocives telles que le mariage des enfants, le choix de l’époux par les familles et le versement de dots, qui demeurent fréquentes dans les zones rurales et reculées et dans les communautés minoritaires. Il note en outre avec préoccupation la réapparition de concepts de justice (kanun) et de codes de conduite qui cautionnent le meurtre de femmes et de filles au nom de l’ « honneur ».

21. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts, notamment sur le plan de la sensibilisation, pour faire face aux stéréotypes sexistes qui perpétuent la discrimination à l’égard des femmes, en élaborant une vaste stratégie axée sur tous les secteurs en vue d’éliminer les stéréotypes discriminatoires et de promouvoir une image positive non stéréotypée de la femme. Se référant au texte commun sur les pratiques nocives, adopté par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (recommandation générale n o  31) et par le Comité des droits de l’enfant (observation générale n o  18 sur les pratiques nocives) (2014), le Comité recommande en outre à l’État partie d’interdire toutes les pratiques nocives, notamment le mariage des enfants, le choix de l’époux par les familles, ainsi que les meurtres et d’autres crimes commis au nom de l’« honneur » et de poursuivre et de sanctionner dûment les auteurs de telles pratiques.

Violences sexistes à l’égard des femmes

22.Le Comité salue les efforts de l’État partie pour combattre les violences sexistes à l’égard des femmes, notamment la modification du Code pénal de façon à ériger en infractions les violences sexistes et le viol conjugal, ainsi que le lancement de campagnes de sensibilisation du public aux violences sexistes à l’égard des femmes. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait que les violences sexistes demeurent une pratique très répandue dans l’État partie. Il est également préoccupé par :

a)Le faible taux de dénonciation des cas de violence sexiste à l’égard des femmes en raison de l’accès limité des femmes aux services d’aide juridictionnelle, en particulier dans les zones rurales et les zones reculées, ainsi que de l’absence d’une permanence téléphonique pour les femmes victimes de violences sexistes ;

b)La mise en œuvre incomplète du mécanisme national d’aiguillage des victimes visant à prévenir les violences sexistes et à protéger les femmes contre ces violences, en particulier au niveau local, en raison de l’absence de coordination entre les organismes responsables et de qualifications insuffisantes de moyens humains ;

c)Le nombre insuffisant de refuges pour femmes victimes de violences sexistes et les critères restrictifs d’admission à ces refuges, ainsi que le manque de services de réadaptation médicale et psychologique ;

d)La non-application fréquente des ordonnances de protection et des ordonnances de protection en cas d’urgence.

23. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour encourager les femmes à signaler les cas de violence sexiste en leur fournissant une aide juridictionnelle gratuite, notamment dans les zones rurales et les zones reculées, et en mettant en place une ligne téléphonique ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre ;

b) De renforcer le rôle et les moyens des autorités compétentes en ce qui concerne la protection et la réadaptation des victimes de violences sexistes conformément aux normes internationales ;

c) D’augmenter le nombre et la capacité des refuges gérés par l’État et d’accorder plus de moyens financiers à ceux qui sont administrés par des ONG, et de mettre en place des mécanismes pour conclure des accords, déléguer des tâches ou suivre les achats des ONG de façon à pouvoir répondre aux besoins de toutes les femmes victimes de violences sexistes, notamment les Roms, les tziganes, les handicapées et les femmes des zones rurales et des zones reculées ;

d) De faire encore mieux respecter les décisions des tribunaux, en particulier les ordonnances de protection ou de protection en cas d’urgence des femmes victimes de violences sexistes, notamment en renforçant les capacités des membres du personnel judiciaire, tels que les huissiers de justice.

Traite et exploitation par la prostitution

24.Le Comité salue les efforts considérables déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des filles, notamment à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation dans le travail, en apportant des modifications au Code pénal (loi no 144/213) pour ériger en infraction pénale l’utilisation des services fournis par les victimes de la traite et en décriminalisant celles-ci. Il salue en outre les efforts de l’État partie pour améliorer l’aiguillage des victimes vers des services appropriés et la protection et l’assistance qui leur sont apportées, notamment sur le plan financier. Le Comité note toutefois avec préoccupation que l’État partie demeure un pays d’origine et de destination de la traite des femmes et des filles qui est pratiquée en particulier dans les régions touristiques côtières. Il regrette en outre le manque d’information au sujet du nombre de rapports établis, de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de traite.

25. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer son action pour lutter contre la traite des personnes, notamment des femmes et des filles :

a) En procédant à des enquêtes sur les trafiquants, y compris les agents de l’État qui sont leurs complices, et en les poursuivant et en les condamnant ;

b) En renforçant les moyens de la police des frontières et de l’immigration pour lui permettre de repérer les victimes de la traite ;

c) En exonérant les victimes de la traite de toute responsabilité et en leur fournissant une protection suffisante, par exemple en exécutant des programmes de protection des témoins et en accordant aux victimes des permis de résidence temporaires indépendamment de leur aptitude ou de leur disposition à coopérer avec le parquet ;

d) En finançant les unités mobiles utilisées par des groupes de la société civile pour repérer les victimes ;

e) En augmentant les ressources financières allouées à la fois aux refuges de l’État et à ceux qui sont gérés par des ONG en vue de fournir aux victimes des services médicaux/psychologiques et de réintégration sociale.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité salue les mesures législatives que l’État partie a prises pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique, notamment les modifications qui ont été apportées en 2012 aux dispositions du Code électoral régissant les élections législatives en vue d’établir un quota de 30 % de candidats des deux sexes, ainsi que les modifications apportées en 2015 pour fixer un quota de 50 % de femmes candidates aux élections municipales. Il note en outre qu’un plus grand nombre de femmes participent désormais à la vie politique et publique, bien que le quota fixé par la loi sur l’égalité des sexes n’ait pas été atteint, en particulier pour ce qui est de la représentation des femmes aux postes de responsabilité dans les secteurs tant public que privé. Il relève toutefois avec préoccupation que les femmes appartenant à des groupes de population défavorisés ou marginalisés, notamment les Roms ou les tziganes et les femmes handicapées ont, aujourd’hui encore, des difficultés à participer à la vie politique et publique, notamment à exercer leur droit de vote.

Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir, dans la pratique, l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine politique et la sphère publique :

a) En faisant respecter le quota fixé par le Code électoral et la loi sur l’égalité des sexes en vue des prochaines élections et en prenant des sanctions à l’égard des partis politiques en cas de non-respect ;

b) En contrôlant la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales prévues par la loi sur l’égalité des sexes concernant la représentation des femmes dans les organes de décision aux plans central et local, dans les secteurs tant public que privé, de façon à atteindre les objectifs fixés par cette loi ;

c) En encourageant la participation des femmes appartenant à des groupes de population défavorisés ou marginalisés, notamment des Roms et des tziganes, ainsi que des femmes handicapées, à la vie politique et publique ;

d) En supprimant tout obstacle, notamment les obligations liées à l’inscription sur les registres d’état civil ou les obstacles physiques, afin de leur permettre d’exercer leur droit de participer à la vie politique et publique, notamment leur droit de vote.

Éducation

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer l’accès des filles à l’éducation, à savoir l’adoption du Plan national 2009-2013 « zéro abandon scolaire ». Cependant, il note une nouvelle fois avec préoccupation que le taux de scolarisation des filles reste inférieur à celui des garçons et que le taux d’abandon scolaire des filles au secondaire, en particulier des élèves appartenant à des minorités, reste excessivement élevé. Il relève en outre avec inquiétude que les filles roms et tziganes, les filles handicapées et les enfants qui vivent dans des zones rurales et reculées ont difficilement accès à l’éducation faute d’infrastructures scolaires convenables et d’enseignants. De plus, il prend note avec préoccupation de la ségrégation sexiste pratiquée dans le milieu universitaire et de la proportion élevée de femmes dans les filières d’études traditionnellement « féminines ».

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les efforts entrepris en vue de réduire le taux d’abandon scolaire des filles, en particulier des Roms et des tziganes, et de garantir à tous les garçons et à toutes les filles, y compris à ceux et celles qui appartiennent à des minorités, qui sont handicapés ou qui vivent dans des zones rurales et reculées l’accès à l’instruction obligatoire et au système scolaire ordinaire, notamment en améliorant les infrastructures scolaires et la formation des enseignants et en mettant à disposition davantage de ressources humaines, techniques et financières. Il lui recommande également d’encourager les jeunes femmes à opter pour des filières d’étude et des métiers traditionnellement réservés aux hommes.

Emploi

Le Comité salue les réformes législatives engagées par l’État partie dans le domaine de l’emploi des femmes, à savoir les modifications apportées au Code du travail pour définir et inverser la charge de la preuve dans les affaires de harcèlement sexuel. Toutefois, il note avec préoccupation qu’un grand nombre de femmes travaillent dans le secteur non structuré, en particulier dans l’industrie du textile et de la chaussure, qu’elles ne bénéficient pas d’un dispositif suffisant de protection sociale et de protection des travailleurs et que l’on ne dispose pas de données ventilées sur le nombre de femmes employées dans ce secteur. Il relève en outre avec inquiétude que l’écart de rémunération entre les sexes, qui se serait néanmoins resserré, reste important, en particulier dans le secteur privé, et que le salaire minimum (environ 180 dollars des États-Unis par mois) demeure extrêmement modeste, ce qui pénalise avant tout les femmes. Il s’inquiète en outre de l’insertion limitée des femmes appartenant à des minorités ethniques et linguistiques et des femmes handicapées dans l’économie structurée et du manque de données ventilées par sexe sur les migrations de main-d’œuvre vers d’autres pays.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’améliorer son analyse statistique de façon à tenir compte de tous les secteurs, notamment du secteur non structuré, qui emploie une forte proportion de femmes, et d’améliorer les régimes de protection des travailleurs et de protection sociale dont bénéficient les femmes qui travaillent dans le secteur non structuré, en particulier dans l’industrie du textile et de la chaussure ;

b) De prendre des mesures pour mieux estimer et réduire l’écart de rémunération entre les sexes, en particulier dans le secteur privé, en appliquant effectivement le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale et en revalorisant le salaire minimum  ;

c) De garantir aux femmes appartenant à des minorités linguistiques et ethniques et aux femmes handicapées l’égalité d’accès au secteur structuré, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales, en application du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention.

Santé

Le Comité est préoccupé par le recours trop fréquent à l’avortement comme méthode de contraception dans l’État partie, notamment par les avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus. Il note en outre avec inquiétude que les femmes qui vivent dans des zones rurales et reculées et les femmes roms et tziganes ont, aujourd’hui encore, un accès limité aux soins de santé primaires et aux services de santé sexuelle et génésique et que, souvent, elles ne savent pas qu’elles ont la possibilité de bénéficier de ces services. Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance des crédits budgétaires alloués à la santé (2,6 % du Produit intérieur brut) et par le peu de contrôles auxquels sont soumis les centres hospitaliers. En outre, il note avec inquiétude que les cas de transmission du VIH de la mère à l’enfant sont de plus en plus fréquents, en dépit des programmes de prévention adoptés par l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour :

a) Empêcher que l’on ait recours à l’avortement comme méthode de contraception et encourager l’emploi de méthodes de contraception modernes pour éviter les grossesses non désirées ;

b) Promouvoir l’accès des femmes et des filles des zones rurales et reculées, ainsi que des femmes roms et tziganes aux soins de santé primaires et aux services de santé sexuelle et génésique et introduire dans tous les programmes scolaires des cours, adaptés à l’âge des élèves, sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation ;

c) Accroître le budget de la santé et contrôler et évaluer régulièrement les centres hospitaliers et les services, notamment de santé sexuelle et génésique, qui y sont fournis ;

d) Redoubler d’efforts pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant en pratiquant des dépistages réguliers, en établissant un diagnostic précoce de la maladie et en fournissant gratuitement des médicaments antirétroviraux.

Prestations économiques et sociales et émancipation économique des femmes

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour accroître le nombre de femmes propriétaires ou gérantes d’entreprise, notamment le Plan d’action pour les créatrices d’entreprise et le Fonds de garantie. Il note également avec satisfaction que la loi relative à l’assistance sociale et aux services sociaux a été révisée en 2014 et qu’elle prévoit désormais le versement direct des prestations sociales aux femmes. Cependant, il relève avec préoccupation que ces lois et politiques ne sont guère appliquées, en particulier à l’échelon local et au bénéfice des femmes et des filles appartenant à des groupes de population défavorisés ou marginalisés. Il s’inquiète d’autre part des failles de l’Agence de légalisation, d’urbanisation et d’intégration des implantations et des constructions sauvages (ALUIZNI) : il note que, dans la pratique, les constructions sauvages sont enregistrées au nom du « chef de famille », cela constituant une discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les mécanismes mis en place pour assurer le respect effectif des lois et des politiques relatives à l’assistance sociale et en contrôler l’application dans les 61 municipalités, notamment de renforcer les moyens mis en œuvre pour assurer la prestation de services d’assistance sociale et l’émancipation économique des femmes, en particulier de celles qui appartiennent à des groupes de population défavorisés et marginalisés ;

b) De prendre des mesures pour accélérer et simplifier les procédures de légalisation des constructions sauvages et unifier la pratique de l’ALUIZNI de sorte que les dossiers de demande soient constitués sur la base du livret de famille et de ne pas exercer de discrimination à l’égard des femmes en enregistrant les constructions sauvages au nom du « chef de famille ».

Femmes des zones rurales

Le Comité s’inquiète des inégalités criantes observées entre les citadines et les habitantes des zones rurales, en particulier celles qui vivent dans des régions montagneuses éloignées, dans l’accès aux services essentiels, notamment à l’éducation, à l’emploi et à la santé, ainsi que dans la participation à la prise de décisions. Il est particulièrement préoccupé par la résurgence, dans les zones rurales, d’attitudes patriarcales qui conduisent souvent à des actes de violence sexiste.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en œuvre une stratégie globale visant à garantir l’accès des femmes et des filles vivant dans des zones rurales ou des zones reculées à un enseignement de qualité, à l’emploi et aux soins de santé, ainsi que leur participation à la prise de décisions et leur émancipation économique, dans des conditions d’égalité avec les citadines ;

b) De prendre des mesures pour faire évoluer la représentation traditionnelle du rôle des femmes et des filles au sein de la famille et de la société et lutter ainsi contre des comportements patriarcaux de plus en plus répandus dans les zones rurales ;

c) De consulter la recommandation générale n o  34 (2016) du Comité sur les droits des femmes des zones rurales.

Groupes de femmes défavorisées

38.Le Comité est préoccupé par la persistance de la discrimination à l'égard des femmes et des filles et par l'absence d'une législation ou de mesures appropriées pour la protection des femmes et des filles appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, telles que les femmes âgées, les femmes roms et égyptiennes, les femmes handicapées, les femmes migrantes, les lesbiennes, les bisexuelles et les transgenres, les femmes en détention, les femmes en isolement et les femmes demandeuses d'asile, en particulier en ce qui concerne leur accès à l'éducation, aux services de santé, à l'emploi, au logement et leur participation à la vie publique et politique.

39. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter des lois, des politiques et des programmes ciblés pour garantir l'égalité des droits aux femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, notamment :

a) En approuvant le projet de loi sur le statut du troisième âge pour les femmes âgées;

b) En améliorant l'accès des femmes roms et égyptiennes à l'éducation, aux services de santé, à l’emploi et au logement;

c) En introduisant dans la législation nationale des dispositions spécifiques en faveur des femmes handicapées, conformément aux critères établis par la Convention relative aux droits des personnes handicapées;

d) En assurant, concernant les femmes migrantes, le suivi de l'impact de la Stratégie de réintégration des ressortissantes albanaises rapatriées et refoulées (2010-2015) sur les femmes émigrées;

e) En harmonisant, concernant les lesbiennes, les bisexuelles et les transgenres, le Code pénal avec les lois contre la discrimination et en y intégrant la question des crimes de haine;

f) En assurant le suivi de l'application des normes prévues par la loi n° 40/2014 concernant les femmes en détention;

g) En garantissant aux femmes en situation d'isolement une protection adéquate et l'accès aux soins de santé, à l'éducation, à l'emploi et à la liberté de circulation;

h) En prenant, relativement aux demandeuses d'asile, toutes les mesures nécessaires visant à mettre en place un cadre juridique pour régulariser le séjour des personnes qui cherchent à rejoindre leurs parents dans d'autres pays de l'Union européenne.

40. Le Comité invite également l'État partie à présenter dans son prochain rapport périodique des informations, ventilées par âge, origine nationale ou ethnique, et appartenance à la population rurale ou urbaine, sur la manière dont ces femmes jouissent de leurs droits en vertu de la Convention.

Mariage et rapports familiaux

41.Le Comité note avec préoccupation que seulement 8 % de femmes dans l'État partie sont propriétaires foncières, que la loi n° 33/2012, qui prévoit la propriété conjointe par les deux époux, des biens acquis pendant le mariage, n'est pas effectivement appliquée et que les femmes sont souvent victimes de discrimination en matière d'héritage. Le Comité est profondément préoccupé par la pratique du mariage des enfants souvent autorisé par décision de justice comme une dérogation à l'âge minimum du mariage fixé à 18 ans, en particulier dans les communautés rom et égyptienne. Il est également préoccupé par la situation des femmes et des filles qui vivent dans un isolement imposé par des querelles meurtrières de longue durée entre les familles, et par l'accès extrêmement limité de ces femmes et filles à l'éducation, aux soins de santé, à la participation à la vie publique et politique et à la liberté de circulation.

42. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures visant à appliquer effectivement la législation prévoyant la propriété conjointe des biens par les deux conjoints, et de veiller à ce que les femmes ne fassent pas l'objet de discrimination ou ne soient défavorisées en matière d'héritage;

b) D'interdire strictement le mariage des enfants, et de permettre seulement des dérogations très limitées et clairement définies, où les tribunaux peuvent autoriser des mariages de personnes de moins de 18 ans avec le consentement des deux partenaires, d'ériger en infraction pénale la violation de cette interdiction, et de sensibiliser les enfants, les parents, les chefs de communauté, les chefs religieux et le grand public aux effets négatifs du mariage des enfants, en particulier des filles, sur la santé et le développement des enfants;

c) D'approfondir les enquêtes sur les cas d'isolement de femmes et de filles et de prendre des mesures pour leur apporter un appui.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

43. Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing aux fins de la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

44. Le Comité invite l'État partie à réaliser l’égalité effective des sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

45. Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès des pouvoirs publics, des ministères, du Parlement et de l’appareil judiciaire, en vue d’en assurer la mise en œuvre intégrale.

Assistance technique

46. Le Comité recommande à l’État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et de recourir à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Suivi des observations finales

47. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations énoncées aux paragraphes 13 b) et d) et 23 a) et d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

48. Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième rapport périodique en juillet 2020.

49. Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris les directives relatives à un document de base commun et à des documents spécifiques aux différents traités (HRI/GEN/2/Rev.6, chap.I).