Observations finales concernant le septième rapport périodique de l’Angola *

Le Comité a examiné le septième rapport périodique de l’Angola (CEDAW/C/AGO/7) à ses 1673e et 1674e séances, le 27 février 2019 (voir CEDAW/C/SR.1673 et CEDAW/C/SR.1674). La liste de points établie par le Comité figure dans CEDAW/C/AGO/Q/7 et les réponses de l’État partie, dans CEDAW/C/AGO/Q/7/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier de son rapport de suivi (CEDAW/C/AGO/CO/6/Add.1) et de ses réponses écrites à la liste de points soulevés par le groupe de travail d’avant-session, ainsi que de l’exposé de la délégation et des éclaircissements supplémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité durant l’échange de vues.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation multisectorielle, dirigée par la Secrétaire d’État en charge de la famille et de la promotion des droits des femmes, Ruth M. Mixinge. La délégation comprend également des représentants du Ministère de l’action sociale, de la famille et de la promotion des femmes, du Ministère de la justice et des droits de l’homme, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la culture, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, du Ministère de l’environnement, du Bureau de la présidence de la République, du ministère public, du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, et de la Mission permanente de l’Angola auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans la réalisation de réformes législatives depuis l’examen, en 2013, de son précédent rapport, en particulier l’adoption du décret présidentiel no 155/16 du 9 août 2016 portant création d’un cadre de protection juridique et sociale pour les travailleurs domestiques.

Le Comité applaudit l’action menée par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des textes suivants :

a)Le décret présidentiel no 143/17 du 26 juin 2017 portant approbation du plan d’action national pour la mise en œuvre de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité ;

b)Le décret présidentiel no 222/13 du 24 septembre 2013 portant approbation de la politique nationale pour l’équité et l’égalité des sexes ;

c)le décret présidentiel no 26/13 du 8 mai 2013 portant approbation du plan exécutif de lutte contre la violence familiale, et portant création du Conseil multisectoriel pour la mise en œuvre du plan et de son calendrier des activités.

Le Comité se félicite de ce que, durant la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y ait adhéré :

a)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 19 septembre 2014 ;

b)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 19 septembre 2014 ;

c)La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, le 14 juin 2013 ;

d)La Convention contre la criminalité transnationale organisée, le 1er avril 2013.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l’État partie à réaliser l’égalité de jure (dans la loi) et de facto (effective) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs, et exhorte l’État partie à reconnaître que les femmes sont la force motrice de son développement durable et à adopter des politiques et des stratégies pertinentes à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l’Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité

Le Comité se félicite de la publication d’une traduction de la Convention en portugais, ainsi que des plans établis et des initiatives mises en place pour renforcer les capacités des membres actuels et futurs de l’appareil judiciaire et des forces de sécurité et de police dans le domaine des droits de l’homme. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que les femmes, et en particulier les femmes des zones rurales et reculées et celles qui sont issues de minorités, ignorent encore les droits que leur garantit la Convention et ne connaissent pas les procédures nécessaires pour faire valoir ces droits en vertu de la législation nationale, ainsi que de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 8), le Comité recommande à l’État partie :

a) De traduire la Convention en chokwe, en kikongo, en kimbundu, en ovambo et en umbundu, et d’en assurer une large diffusion ;

b) D’accentuer la sensibilisation ciblée des femmes, des représentants communaux et municipaux et des dirigeants traditionnels, religieux et communautaires aux droits des femmes garantis par la Convention et aux procédures prévues par le Protocole facultatif, notamment par le renforcement de la coopération avec les organisations de la société civile à cet égard.

Cadre juridique pour l’égalité et lois discriminatoires

Le Comité prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle la poursuite de la révision d’un certain nombre de lois n’aboutira pas à l’inclusion de dispositions tenant compte du genre. Il note avec préoccupation :

a)Qu’une législation s’appliquant indifféremment aux deux sexes peut conduire à une protection inadaptée des femmes contre la discrimination directe et indirecte, et, partant, entraver la réalisation d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

b)Que les définitions de l’égalité des droits et de la non-discrimination qui figurent aux articles 21 h), 22 3) b) et 23 de la Constitution de l’État partie ne prévoient pas de définition globale de la discrimination en accord avec l’article premier de la Convention.

Conformément à sa Recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’introduire une approche tenant compte des questions de genre dans la législation, les politiques et les programmes ;

b) D’adopter une définition globale de la discrimination à l’égard des femmes qui englobe tous les motifs de discrimination interdits, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée et les formes de discrimination croisées, conformément à l’article premier de la Convention et à la cible 5.1 des objectifs de développement durable.

Accès à la justice

Le Comité accueille avec satisfaction le lancement de la décentralisation des tribunaux suivant l’adoption, le 2 février 2015, de la loi no 2/15 sur les règles et principes relatifs à l’organisation et à la fonction des tribunaux de juridiction commune. Il prend note des efforts déployés pour établir d’autres mécanismes de règlement des conflits, notamment par la création et la réglementation de centres de règlement extrajudiciaire des différends, ainsi que par l’adoption de la loi no 12/16 sur la médiation et la conciliation des différents et du décret exécutif no 290/17 sur l’arbitrage. Le Comité déplore cependant le fait que les femmes continuent de se heurter à de nombreux obstacles dans l’accès à la justice, et ce, pour les raisons suivantes :

a)Le manque de tribunaux et de centres de règlement extrajudiciaire des différends, en particulier dans les zones rurales ;

b)L’absence de programmes de renforcement des capacités destinés aux acteurs participant aux mécanismes traditionnels de règlement des conflits et la supervision insuffisante de leurs fonctions, qui accentuent le risque que ces institutions entretiennent des stéréotypes sexistes discriminatoires et des pratiques néfastes ;

c)Les autres dispositions du droit coutumier qui ne sont pas conformes à la Convention.

Rappelant ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 10), ainsi que sa Recommandation générale n° 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer la décentralisation des tribunaux et la création de centres de règlement extrajudiciaire des différends dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales, tout en prévoyant des aménagements procéduraux et des aménagements en fonction de l’âge, afin de garantir l’accès des femmes à la justice et de mieux combattre les formes de discrimination croisées qu’elles subissent, en particulier les femmes rurales, les femmes handicapées, les femmes victimes de violence fondée sur le genre et les femmes migrantes, demandeuses d’asile et réfugiées, conformément aux engagements pris lors du deuxième cycle d’examen de l’État partie dans le cadre de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme ( A/HRC/28/11 , par. 134.112) ;

b) De mener des activités ciblées de renforcement des capacités au sujet de la Convention et des droits des femmes auprès des acteurs qui interviennent dans les mécanismes traditionnels de règlement des différends afin de garantir une protection adéquate des droits des femmes et des filles et de faire en sorte qu’ils ne soient pas remis en question, et de renforcer le suivi de ces fonctions pour veiller à ce que leur application soit conforme à la Convention ;

c) D’accélérer l’achèvement des travaux en cours destinés à éliminer les incohérences entre le droit coutumier et la Constitution de l’État partie, et de veiller à mettre en place toutes les garanties nécessaires, y compris par l’intermédiaire de mesures législatives, pour que les mécanismes judiciaires coutumiers n’aillent pas à l’encontre des droits énoncés dans la Convention.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité prend note de la création, en 2017, du Ministère de l’action sociale, de la famille et de la promotion de la femme, ainsi que de l’information fournie par l’État partie selon laquelle le Ministère est représenté au niveau des provinces et des municipalités. Il est néanmoins préoccupé par :

a)L’attente de l’approbation d’un plan d’action pour la mise en œuvre de la politique nationale en faveur de l’équité et de l’égalité des sexes depuis l’adoption de la politique en 2013, et l’absence de données de référence, de stratégies et d’objectifs concernant la réalisation des droits des femmes qui en résulte ;

b)Le caractère insuffisant des ressources humaines, techniques et financières, qui empêche le nouveau Ministère de s’acquitter efficacement de ses tâches de promotion et de protection des droits des femmes ;

c)Le manque d’initiatives explicitement destinées à encourager la prise en compte des questions de genre et la budgétisation tenant compte de la problématique femmes-hommes ;

d)Le défaut de coordination dans les efforts déployés pour assurer la prise en compte des questions de genre par l’ensemble des organismes nationaux, provinciaux et municipaux et de leurs agents.

Conformément à sa Recommandation générale n o  28 et à la cible 5.c des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du plan d’action pour la mise en œuvre de la politique nationale d’équité et d’égalité des sexes, et d’intégrer une approche axée sur les résultats, reposant sur l’utilisation d’indicateurs et de cibles spécifiques aux fins de l’évaluation des effets et des progrès accomplis à cet égard, afin de veiller à un suivi et à l’établissement de rapports systématiques et réguliers ;

b) De doter le Ministère de l’action sociale, de la famille et de la promotion de la femme des ressources humaines, techniques et financières requises pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat en tant que mécanisme national de promotion des femmes ;

c) De renforcer la présence du Conseil de coordination multisectorielle sur la problématique femmes-hommes à tous les échelons du gouvernement pour veiller à une coordination, à un suivi et à une évaluation efficaces des retombées des politiques publiques et des actions menées en faveur de la promotion de la femme ;

d) De modifier la loi n o  15/10 pour y intégrer des dispositions relatives à la prise en compte de la problématique femmes-hommes dans l’analyse budgétaire, et d’appuyer les responsables de la coordination des questions d’égalité des sexes dans les ministères d’exécution, les ministères et les organismes gouvernementaux pour assurer une réelle prise en compte des questions de genre.

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

Le Comité prend note de l’existence du Bureau du Défenseur du peuple et de l’information fournie par l’État partie selon laquelle l’allocation d’un budget distinct au Bureau est en cours. Il note cependant avec préoccupation que le Bureau n’est pas conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et que les femmes ne font pas souvent appel à ses services en raison des lacunes que présente son mandat en ce qui concerne l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du cadre juridique nécessaire pour permettre au Bureau du Défenseur du peuple de se plier strictement aux Principes de Paris, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’examen périodique universel ( A/HRC/28/11 , par. 134.46) ;

b) De doter le Bureau du Défenseur du peuple d’un mandat visant expressément les droits des femmes, ainsi que des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son exécution ;

c) D’encourager le Bureau du Défenseur du peuple à introduire une demande d’accréditation auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme.

Femmes défenseuses des droits de la personne, journalistes et membres d’organisations de la société civile

Le Comité prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle le droit d’association est garanti par la Constitution (art. 48) et la législation nationale (loi no 6/12). Il déplore néanmoins les mesures prises par l’État partie, qui permettent notamment à la police de restreindre la liberté d’expression et le droit d’association et de manifestation pacifique au moyen d’intimidations, de violences et du harcèlement. Le Comité prend note de la révocation du décret présidentiel no 74/15 sur la réglementation des organisations non gouvernementales et se félicite du forum qui s’est tenu avec les organisations non gouvernementales en novembre 2017. Il est cependant préoccupé par l’absence de toute possibilité d’établir des contacts directs avec des représentants de la société civile lors des préparatifs du dialogue, et constate avec inquiétude que l’État partie n’exploite pas pleinement les contributions des organisations non gouvernementales à la promotion des femmes et au développement social et économique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter et de mettre en œuvre sans délai des mesures efficaces visant à protéger les femmes défenseuses des droits de l’homme, journalistes et membres d’organisations de la société civile, en particulier celles qui travaillent dans le domaine des droits des femmes, et à leur permettre de mener leurs activités librement, à l’abri du harcèlement, de la violence ou de l’intimidation et de toute menace à cet égard, et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice, comme l’avait aussi recommandé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ( E/C.12/AGO/CO/4-5 , par. 18) ;

b) De collaborer avec des organisations de la société civile, en particulier des associations de femmes, à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques, des programmes et des mesures visant à améliorer la condition des femmes dans tous les domaines abordés par la Convention, ainsi que dans la présentation de rapports au Comité.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que depuis l’adoption, le 3 décembre 2010, de la loi no 22/10 sur les partis politiques, l’État partie n’a pris aucune mesure temporaire spéciale supplémentaire pour accélérer la promotion des femmes sous-représentées ou défavorisées, notamment les femmes et les filles handicapées et les femmes rurales.

Conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n° 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité rappelle ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 16) et recommande à l’État partie :

a) De sensibiliser les parlementaires, les fonctionnaires, les employeurs et la population en général à la nécessité des mesures temporaires spéciales pour parvenir à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier ceux dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées ;

b) De prendre de nouvelles mesures juridiques, telles que des quotas et d’autres mesures volontaristes, accompagnées d’objectifs assortis de délais, de ressources suffisantes et de sanctions en cas de non-respect, pour faire en sorte que les droits de toutes les femmes au titre de la Convention, en particulier ceux des femmes et des filles handicapées et vivant en zone rurale, soient rapidement réalisés.

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité accueille favorablement la criminalisation des mutilations génitales féminines par l’adoption, le 23 janvier 2019, du nouveau Code pénal. Il salue également la création d’espaces de discussion sur l’égalité des sexes dans les communautés, avec la participation des autorités traditionnelles (sobas), grâce à la mise en place de centres de surveillance communautaires. Il s’inquiète néanmoins des éléments suivants :

a)La persistance de normes patriarcales qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, qui les confinent à leur rôle procréateur, et qui légitiment des pratiques néfastes comme les mariages d’enfants et/ou les mariages forcés, la dot (lobolo), le lévirat, la polygamie, les mutilations génitales féminines, les accusations de sorcellerie, et l’exclusion sociale des femmes et des filles accusées de pratiquer la sorcellerie ;

b)L’autorisation et le caractère légal, dans des cas exceptionnels, du mariage d’enfants et/ou du mariage forcé de filles qui n’ont parfois que 15 ans, en vertu de l’article 24 du Code de la famille ;

c)L’absence d’enquêtes, de poursuites et de sanctions en cas de mariages d’enfants ou de mariages forcés ;

d)Le manque de données sur les mariages d’enfants et/ou les mariages forcés, la polygamie et les lévirats célébrés en vertu du droit coutumier.

Rappelant ses observations finales précédentes [ CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 18 a) ] , et, conformément à la Recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, et à la cible 5.3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’interdire toutes les pratiques néfastes, notamment les mariages d’enfants et/ou les mariages forcés, la dot, la polygamie, le lévirat et l’exclusion sociale des femmes et des filles accusées de pratiquer la sorcellerie, et de renforcer les programmes de sensibilisation du public aux effets préjudiciables de ces pratiques sur l’exercice des droits des femmes et des filles en veillant à cibler les chefs coutumiers et religieux et les régions où ces pratiques sont courantes, en particulier à Malanje ;

b) D’accélérer la révision du Code de la famille pour faire en sorte que l’âge minimum du mariage soit fixé à 18 ans, pour les filles comme pour les garçons, et que tous les mariages d’enfants et/ou mariages forcés, définis comme des mariages avant l’âge de 18 ans, soient criminalisés ;

c) D’appliquer des lois interdisant les mariages d’enfants et/ou les mariages forcés, la polygamie, le lévirat et les mutilations génitales féminines en veillant à mener des enquêtes et à poursuivre et punir les auteurs ;

d) De présenter des informations sur les mariages d’enfants et/ou les mariages forcés, la polygamie et les lévirats célébrés en vertu du droit coutumier dans son prochain rapport périodique.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité se félicite de l’information fournie par l’État partie selon laquelle la loi no 25/11 contre la violence domestique fait actuellement l’objet d’un examen en consultation avec la société civile. Il note cependant avec préoccupation :

a)L’incapacité d’interdire totalement toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes et des filles dans les sphères publique et privée ;

b)La sous-déclaration des violences sexistes à l’égard des femmes et des filles du fait de la légitimation sociale de la violence, d’une culture du silence et de l’impunité, de la stigmatisation des victimes par les professionnels de la santé et les agents de la force publique, de la méconnaissance juridique, et d’un manque de confiance dans la force publique ;

c)Le fait que le service de permanence téléphonique contre la violence familiale ne soit plus opérationnel ;

d)Le recours fréquent à la médiation en conseil familial dans les cas de violence domestique ;

e)L’aide et les voies de recours déficientes offertes aux femmes qui cherchent à fuir des relations violentes, comme en témoignent, entre autres, le nombre insuffisant de centres d’accueil et le fait que les femmes préfèrent rester avec leur famille malgré la violence domestique qu’elles subissent ;

f)Le manque de données ventilées sur le nombre de cas de violence sexiste à l’égard des femmes, y compris de violence familiale, signalés et ayant fait l’objet d’une enquête et de poursuites, ainsi que sur les peines infligées.

Conformément à sa Recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, et à la cible 5.1 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une loi globale, en consultation avec la société civile, ayant pour vocation de prévenir, de combattre et de punir toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence physique, psychologique et économique, la violence sexuelle, le viol conjugal et le harcèlement sexuel, dans les sphères publique et privée ;

b) D’encourager les femmes et les filles qui subissent des violences à le signaler à la police, notamment au moyen de la sensibilisation des victimes, mais aussi des professionnels de la santé et des agents de la force publique, au caractère criminel de tels actes, et en veillant à ce que tous les auteurs de violence à l’égard des femmes soient poursuivis et punis comme il se doit ;

c) D’accélérer l’affectation des ressources humaines, techniques et financières nécessaires au fonctionnement optimal et à la disponibilité, 24 heures sur 24, de la permanence téléphonique gratuite consacrée à la violence domestique sur tout le territoire de l’État partie ;

d) De prendre toutes les mesures nécessaires, en particulier d’ordre juridique, pour faire en sorte que les affaires de violence à l’égard des femmes, y compris de violence domestique, ne soient en aucun cas renvoyées à des entités alternatives de règlement des conflits comme des conseils familiaux ;

e) D’achever rapidement et de consacrer suffisamment de ressources à la mise en œuvre des plans d’élargissement du réseau de centres d’accueil et de services spécialisés dans les commissariats et les hôpitaux du pays en veillant à ce qu’ils soient accessibles, et d’accélérer la mise sur pied d’équipes multisectorielles d’assistance aux victimes qui soient qualifiées pour apporter des soins médicaux, un soutien psychologique, une aide juridique et d’autres services d’appui aux victimes pour leur permettre de se construire une vie indépendante ;

f) De recueillir des données, ventilées par sexe, par âge, par zone rurale ou urbaine, par origine ethnique, par religion, par handicap, par nationalité et par statut migratoire, sur toutes les formes de violence fondée sur le genre, dans les sphères publique comme privée, en particulier le nombre de plaintes, de poursuites et de condamnations, le nombre et les types de peines imposées aux auteurs de tels actes, ainsi que les moyens des centres d’accueil et des services de conseils et de réadaptation et les ressources dont ceux-ci bénéficient [ CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 20 e) ] .

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité salue l’adoption, le 10 février 2014, de la loi no 3/14 sur la criminalisation des infractions connexes au blanchiment d’argent, ainsi que la création, le 2 décembre 2014, d’une commission multisectorielle pour lutter contre la traite des personnes. Il constate cependant avec consternation que des filles, parfois âgées de 12 ans seulement, sont déplacées dans et/ou via l’État partie depuis le Brésil, la Chine, la République démocratique du Congo et le Viet Nam aux fins de leur exploitation sexuelle et d’activités criminelles. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Les lenteurs de l’adoption d’un plan d’action pour lutter contre la traite des personnes, et le fait que, d’après l’information fournie au cours du dialogue, l’approbation d’un plan de ce type ne soit pas une priorité ;

b)L’absence d’un mécanisme normalisé d’identification rapide et d’un système d’orientation pour les victimes de la traite des personnes, en particulier les femmes et les filles ;

c)Le manque de ressources humaines, techniques et financières, notamment de centres d’accueil et de services juridiques, médicaux et psychologiques, consacrées à la protection des femmes et des filles victimes de la traite ;

d)Le faible taux de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre les auteurs de traite de personnes, et les informations faisant état d’une complicité des forces de l’ordre dans la traite et l’exploitation de la prostitution.

Conformément à la cible 5.2 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De privilégier et d’accélérer l’adoption du plan d’action national consacré à la lutte contre la traite des personnes en s’assurant qu’il vise particulièrement les femmes et les filles, et de consacrer des ressources suffisantes à sa mise en œuvre ;

b) De mettre en œuvre des plans destinés à utiliser le système intégré de gestion de l’action sociale pour identifier les personnes les plus vulnérables, et de mettre en place des programmes obligatoires de renforcement des capacités des agents de la force publique sur les normes de détection et d’orientation rapides des victimes de la traite vers les services d’assistance et de réadaptation appropriés ;

c) D’affecter les ressources nécessaires à la création de centres d’accueil facilement accessibles dans toutes les provinces de l’État partie, ainsi qu’à la fourniture d’une aide juridique, médicale et psychologique appropriée dans ces établissements ;

d) De faire appliquer la législation relative à la lutte contre la traite des personnes au moyen d’enquêtes tenant compte des disparités entre les sexes et en veillant à ce que les auteurs, y compris les agents publics complices de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles dans la prostitution, soient poursuivis et punis.

Le Comité accueille avec satisfaction la dépénalisation de la prostitution. Il s’inquiète néanmoins du manque de données sur les femmes et les filles qui se livrent à la prostitution et les mesures visant à s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène dans l’État partie, ainsi que de l’absence de politiques et de programmes à l’intention des femmes qui souhaitent y échapper.

Le Comité recommande à l’État partie d’analyser et de traiter les causes profondes de la prostitution, de créer des centres d’accueil et de secours accessibles pour les victimes de la traite, et en particulier les femmes qui se prostituent, et de veiller à ce que les femmes et les filles qui souhaitent échapper à la prostitution puissent bénéficier de programmes de sortie et exercer d’autres activités génératrices de revenus.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité constate que la loi no 22/10 du 3 décembre 2010 sur les partis politiques prévoit un minimum de 30 % de représentation féminine sur les listes des partis politiques participant aux élections législatives. Il demeure toutefois préoccupé par le faible taux de représentation des femmes aux postes de décision, comme en témoignent les 11,1 % de femmes parmi les gouverneurs provinciaux, la tendance à la baisse de la représentation des femmes au Parlement, et le manque d’informations disponibles sur les bonnes pratiques, telles que les accomplissements du Groupe des femmes parlementaires. Le Comité note avec regret que ces chiffres reflètent l’inefficacité des mesures temporaires spéciales mises en place, ce qui, à terme, aura une incidence négative sur les prochaines élections municipales.

Conformément à sa Recommandation générale n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique et à la cible 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De mener des politiques durables visant à promouvoir la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la prise de décisions aux niveaux national et local, notamment en faisant prendre conscience aux personnalités politiques, aux médias, aux chefs traditionnels et au public en général du fait que la participation entière, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, au même titre que les hommes, est indispensable à la mise en œuvre effective de la Convention, de même qu’à la stabilité politique et au développement économique du pays ;

b) De désigner un mécanisme chargé de surveiller l’application de l’article 20 (m) de la loi n o  22/10 du 3 décembre 2010 sur les partis politiques, qui instaure une représentation féminine minimale de 30 % sur les listes des partis politiques, et d’imposer des sanctions en cas de non-respect ;

c) De prendre de nouvelles mesures législatives, politiques et institutionnelles, y compris des mesures temporaires spéciales, comme un quota de 50 %, conformément à l’article 4 (1) de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 du Comité, afin d’accroître la participation réelle des femmes à la prise de décisions, y compris au niveau des provinces.

Nationalité

Le Comité prend note des mesures législatives et politiques prises par l’État partie pour accélérer la procédure de délivrance de pièces d’identité. Il déplore néanmoins :

a)Le fait que beaucoup de femmes, en particulier des femmes rurales, qui souhaitent obtenir des documents d’identité se heurtent à des obstacles, ce qui restreint leur accès, entre autres, à l’éducation, aux soins de santé, au bassin d’emploi, aux prêts bancaires et à la propriété ;

b)La présence obligatoire des deux parents lors de l’enregistrement d’une naissance, qui constitue un obstacle à son enregistrement en temps voulu.

Conformément à sa Recommandation générale n° 32 relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d’asile et la nationalité et l’apatridie des femmes, le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour garantir la délivrance gratuite de documents d’identité sur l’ensemble de son territoire, notamment par le renforcement de la coordination entre les ministères concernés et l’établissement d’un lien entre l’enregistrement de la naissance et la protection sociale, la santé, l’éducation et les services sociaux ;

b) De supprimer la présence obligatoire des deux parents lors de l’enregistrement d’une naissance.

Formation

Le Comité prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle sa stratégie nationale de lutte contre la pauvreté vise à assurer l’accès universel à l’enseignement primaire et à éliminer l’analphabétisme. Il est cependant préoccupé par :

a)Le niveau particulièrement élevé d’analphabétisme chez les femmes, surtout dans les zones rurales ;

b)L’insuffisance et la baisse des allocations budgétaires destinées au secteur de l’éducation et les conséquences qui en découlent, à savoir la pénuries d’enseignants qualifiés, la médiocrité des environnements d’apprentissage, et l’interruption de la construction de nouvelles écoles, qui oblige les filles à parcourir de longues distances à pied pour aller à l’école et les prive d’installations sanitaires appropriées ;

c)Les retards dans l’achèvement de la révision des manuels et programmes scolaires et du matériel pédagogique des enseignants, qui a pour objectif de supprimer les stéréotypes sexistes discriminatoires relatifs aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes ;

d)L’absence de programmes scolaires adaptés à chaque âge portant sur tous les aspects de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation ;

e)La sous-représentation des filles et des femmes dans les domaines d’éducation traditionnellement dominés par les hommes, comme l’enseignement technique et professionnel.

Conformément à sa Recommandation générale n o  36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation, et à la cible 4.1 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie de valoriser l’importance de l’éducation des filles, à tous les niveaux, pour leur autonomisation, ainsi que :

a) De consolider les programmes inclusifs et ciblés d’alphabétisation des adultes destinés aux femmes, en particulier dans les zones rurales ;

b) D’augmenter le budget alloué à la construction de nouveaux établissements scolaires, en particulier dans les zones rurales, ainsi que d’accroître l’accessibilité des écoles et de redoubler d’efforts pour améliorer la qualité de l’éducation, notamment en veillant à ce que l’augmentation de la scolarisation s’accompagne d’une hausse du nombre d’enseignants qualifiés et d’établissements d’apprentissage, y compris des écoles équipées d’installations sanitaires adéquates [ CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 28 c) ]  ;

c) D’achever la révision des programmes scolaires, des manuels et du matériel pédagogique en vue d’éliminer les stéréotypes sexistes qui entretiennent et favorisent la discrimination sexiste à l’égard des filles et des femmes ;

d) De mettre en place, sans délai, un programme d’enseignement obligatoire et adapté à chaque âge sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, qui aborde des questions comme les relations entre les sexes et les comportements sexuels responsables, et ce, à tous les niveaux d’instruction, et de veiller à ce qu’il soit dispensé tel quel par des instructeurs correctement formés à cette fin [ CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 32 f) ]  ;

e) D’encourager les femmes et les filles à choisir des études et des carrières non traditionnelles, notamment dans des domaine habituellement dominés par les hommes comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, et de veiller à ce qu’elles aient accès à l’enseignement et à la formation techniques et professionnels.

Emploi et vie économique et sociale

Le Comité salue l’approbation, le 15 juin 2015, de la loi générale du travail no 7/15, qui prévoit un congé de maternité et la disponibilité des microcrédits pour les femmes, et établit les bases de l’octroi de transferts en espèces aux familles vulnérables. Il note cependant avec inquiétude :

a)La ségrégation horizontale et verticale persistante des emplois et la surreprésentation des femmes dans le secteur informel et les emplois mal rémunérés ;

b)Que l’accès aux subventions alimentaires, aux allocations de maternité et aux crédits est subordonné à l’engagement dans le secteur structuré de l’économie ;

c)L’information fournie par l’État partie selon laquelle 25 % seulement des inspections du travail menées entre 2015 et 2017 ont ciblé les femmes ;

d)La lenteur des progrès accomplis dans l’enregistrement des travailleuses domestiques pour le système de protection sociale obligatoire.

Conformément à la cible 8.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une politique d’emploi suffisamment financée et tenant compte des disparités entre les sexes qui comprenne des mesures temporaires spéciales, conformément à l’article 4 1) de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 du Comité, comme des mesures destinées à inciter les employeurs des secteurs public et privé à recruter des femmes dans des domaines traditionnellement dominés par les hommes, l’intensification de la formation technique et professionnelle des femmes dans ces domaines, et la mise en place de modalités de travail aménagées ;

b) De veiller à ce que les femmes actives dans le secteur informel aient accès à des subventions alimentaires, à des allocations de maternité, à des crédits et à des prêts ;

c) De procéder, dans tous les secteurs d’emploi, à des inspections du travail régulières axées sur le respect des dispositions de la loi générale du travail n o  7/15 relatives au congé de maternité, et d’imposer des sanctions en cas de non-respect ;

d) D’informer les travailleurs domestiques de leur droit à jouir d’une protection juridique et sociale en vertu du décret présidentiel n o  155/16 du 9 août 2016, et de leur fournir des conseils juridiques gratuits ;

e) D’envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n° 189) de l’Organisation internationale du Travail.

Santé

Le Comité se félicite de la poursuite de la « municipalisation » des services de santé, qui vise à améliorer l’accès aux soins de santé de base, ainsi que des hausses récentes et prochaines du budget consacré à ce secteur. Il est toutefois préoccupé par :

a)La criminalisation, dans certains cas, de l’avortement, qui entraîne une responsabilité pénale pour la femme qui a subi l’avortement et pour toute personne l’ayant assistée ;

b)Les obstacles qui compliquent l’accès à l’avortement dans les rares cas où il n’est pas criminalisé, comme lorsque la grossesse menace gravement la vie ou l’intégrité physique ou psychologique de la mère, lorsqu’il est établi que le fœtus n’est pas viable, et lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ;

c)Le taux systématiquement élevé de mortalité maternelle, que l’on peut attribuer, entre autres, aux avortements non sécurisés, au fait que 22,8 % des accouchements se font à domicile, et à l’incidence considérable du paludisme, qui serait à l’origine de 25 % des décès maternels ;

d)Les taux de fécondité globalement élevés, en particulier chez les adolescentes, et les variations importantes entre les zones rurales et les zones urbaines en ce qui concerne la connaissance et l’utilisation des méthodes de contraception.

Conformément à la Recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé et aux cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier le Code pénal afin de décriminaliser l’avortement dans tous les cas et de le légaliser au moins dans les cas de viol, d’inceste, de grave malformation du fœtus et de risque pour la santé ou la vie de la mère ;

b) D’éliminer tous les obstacles à l’accès à l’avortement dans les quelques cas où il n’est pas criminalisé, de garantir l’accès à des soins après avortement de haute qualité, en particulier en présence de complications résultant d’un avortement dangereux, et d’inclure des données sur toutes les formes d’avortement dans son prochain rapport périodique ;

c) De redoubler d’efforts pour améliorer l’accès des femmes à des services de santé non sélectifs et à des soins médicaux abordables administrés par un personnel qualifié, en particulier dans les zones rurales, grâce à l’accélération de la municipalisation des services de santé et au déploiement du dispositif intégré de soins de santé pour les mères et les enfants ;

d) De veiller à ce que toutes les femmes et les filles, notamment celles qui vivent dans les zones rurales, aient accès à des moyens de contraception modernes et abordables, de multiplier les activités de sensibilisation des femmes et des hommes aux contraceptifs et à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation [ CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 32 e) ] , et d’achever rapidement l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de prévention des grossesses et des mariages précoces.

Femmes rurales et déplacées

Le Comité salue la tenue, le 7 août 2014, du forum national d’écoute des femmes rurales. Il déplore cependant le taux élevé de pauvreté parmi les femmes des zones rurales et la pénurie de services à leur disposition. Par ailleurs, il note avec préoccupation que les femmes rurales, ainsi que les femmes migrantes, qui ont été déplacées en raison de vastes projets reposant sur l’exploitation des ressources naturelles, notamment des projets agro-industriels et des activités des industries extractives, ne sont pas dûment consultées et ne bénéficient d’aucun mécanisme efficace de partage des avantages une fois les projets achevés.

Conformément à sa Recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que toutes les femmes, y compris les femmes rurales, les femmes migrantes et les femmes handicapées, soient consultées lors de l’élaboration et de l’exécution des politiques et programmes nationaux relatifs à l’agriculture, aux industries extractives, à la sécurité alimentaire, aux changements climatiques et aux secours en cas de catastrophe, ainsi qu’à la réduction des risques ;

b) D’intensifier son action en faveur de l’autonomisation économique des femmes rurales, notamment par l’augmentation de l’octroi de microcrédits, la promotion du perfectionnement des compétences et de la formation, la multiplication des activités génératrices de revenus, et la garantie de l’accès à l’éducation, aux services de santé, y compris aux services de planification de la famille, à l’eau sans risque sanitaire, au logement et aux infrastructures, ainsi qu’à la propriété foncière ;

c) De s’assurer du consentement préalable, libre et éclairé de toutes les femmes vivant dans les zones concernées avant d’approuver l’acquisition de terres ou l’exécution de projets fondés sur l’exploitation des ressources dans les espaces ruraux, notamment ceux qui ont trait à la location et à la vente de terres, à l’expropriation et la réinstallation, et de veiller à ce que ces femmes soient dûment indemnisées.

Femmes confrontées à des formes de discrimination multiples et croisées

Le Comité se félicite de la criminalisation des actes de discrimination fondés sur l’orientation sexuelle, notamment dans le domaine de l’emploi, grâce à l’adoption du nouveau Code pénal. Il prend note de l’information fournie par l’État partie au cours du dialogue selon laquelle la loi générale du travail no 7/15 encourage l’inclusion des personnes handicapées. Il constate néanmoins avec préoccupation :

a)Que les femmes et les filles rurales, handicapées, atteintes d’albinisme, qui vivent avec le VIH/sida et qui se prostituent, mais aussi les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et les personnes intersexes, font face à des formes de discrimination multiples et croisées qui entravent spécifiquement leur accès aux services de santé, à l’emploi, à l’éducation, au logement et à la justice, de même que leur participation à la vie publique et politique ;

b)Qu’il n’existe aucune politique visant à combattre ces formes de discrimination multiples et croisées, comme des politiques de promotion des droits des femmes et des filles handicapées.

Conformément à sa Recommandation générale nº 18 sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l’État partie :

a) De mener des actions de sensibilisation pour faire évoluer les attitudes négatives envers les femmes et les filles handicapées, atteintes d’albinisme, qui vivent avec le VIH/sida et qui se prostituent, ainsi que les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et les personnes intersexes, en veillant à ce que des sanctions sévères soient prononcées à l’encontre des auteurs de violations de leurs droits ;

b) De mettre au point une stratégie destinée à favoriser l’accès des femmes et des filles handicapées à des services de santé adaptés et ouverts à tous, à l’emploi, à l’éducation, au logement et à la justice, ainsi que la participation des femmes et des filles à la vie publique et politique, notamment en leur accordant la capacité juridique, et de consacrer les ressources humaines, techniques et financières à son adoption et à sa mise en œuvre.

Femmes et filles migrantes et demandeuses d’asile

Le Comité se félicite de la collaboration de l’État partie avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans le cadre du Conseil national pour les réfugiés, et prend note de l’adoption, le 17 juin 2015, de la loi no 10/15 qui garantit le droit d’asile. Il est cependant préoccupé par le fait que les femmes et les filles migrantes et demandeuses d’asile en situation irrégulière, dont la plupart sont originaires de la République démocratique du Congo :

a)Se heurtent à des obstacles lorsqu’elles entreprennent les démarches relatives à la procédure de détermination du statut de réfugié ;

b)Sont victimes d’expulsions en masse, qu’elles aient besoin ou non d’une protection internationale ;

c)Continuent d’être victimes d’un emploi excessif de la force [CEDAW/C/AGO/CO/6, par. 19 e)] et de violences sexuelles commises en toute impunité par les forces de sécurité de l’État partie ;

d)Font l’objet d’une exploitation sexuelle et sont notamment amenées à avoir des rapports sexuels transactionnels en échange de nourriture et d’autres articles nécessaires à leur survie dans des camps de réfugiés, comme à Lóvua et Kamako.

Conformément à sa Recommandation générale n o  32, le Comité rappelle à l’État partie que le droit international lui impose une obligation de non-refoulement, et que toutes les personnes qui sont entrées sur son territoire ont le droit d’avoir accès aux procédures de détermination du statut de réfugié. Le Comité rappelle sa recommandation précédente [ CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 20 f) ] et recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que toutes les femmes et les filles demandeuses d’asile puissent accéder à des procédures de détermination du statut de réfugié qui soient justes, rapides et qui tiennent compte des questions de genre, ainsi qu’à une représentation et à des recours en justice ;

b) De mettre fin à l’extradition, à la déportation, à l’expulsion ou à toute autre forme de renvoi des femmes et des filles migrantes et demandeuses d’asile du territoire de l’État partie vers le territoire d’un autre État s’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il existe un risque réel de dommage irréparable, et de protéger les femmes contre de telles pratiques ;

c) De protéger les femmes et les filles migrantes et demandeuses d’asile contre toutes les formes de violence, y compris la violence sexuelle et sexiste, de mener des enquêtes et de poursuivre et punir les auteurs de ces actes, y compris les membres des forces de sécurité de l’État partie, et de créer des mécanismes de réparation et de réadaptation ;

d) De redoubler d’efforts pour garantir l’accès des femmes et des filles migrantes et demandeuses d’asile à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux services de santé et à d’autres formes d’assistance alimentaire, vestimentaire et sociale adaptées à leurs besoins particuliers.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité se félicite de l’adoption, en 2015, du décret présidentiel no 36/15 qui approuve le régime juridique de reconnaissance du partenariat domestique enregistré par consentement mutuel et de dissolution des partenariats reconnus. Il prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle sa législation n’est pas discriminatoire à l’égard des femmes en ce qui concerne la succession, ainsi que de l’objectif de l’État partie de faire en sorte que 30 % des femmes possèdent des terres d’ici à 2063. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que, en matière d’héritage, le droit coutumier demeure discriminatoire à l’égard des femmes et des filles car il les prive de leurs titres fonciers.

Conformément à sa Recommandation générale n o  21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux, le Comité recommande à l’État partie de garantir l’égalité en ce qui concerne l’acquisition et la conservation des terres dans le droit coutumier et la législation, y compris s’agissant de la succession, et de faciliter l’accès des femmes à la justice pour contester les cas de répartition inégale des terres.

Collecte et analyse de données

Le Comité se félicite de la publication du rapport sur les statistiques genrées et prend note de l’intention exprimée par l’État partie d’achever de rédiger un deuxième rapport de ce type d’ici à la fin de 2019. Il reste néanmoins préoccupé par la disponibilité, la diffusion et l’analyse insuffisantes de ces données, qui sont pourtant nécessaires aux fins de l’évaluation des retombées et de l’efficacité des politiques dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier celles qui concernent les pratiques néfastes et les stéréotypes sexistes, la violence à l’égard des femmes, la traite, l’éducation, l’emploi, l’émancipation économique et la santé.

Rappelant ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/AGO/CO/6 , par. 40), le Comité recommande à l’État partie de recueillir, de publier, de diffuser et d’exploiter systématiquement des données ventilées, entre autres, par sexe, par âge, par zone rurale ou urbaine, par origine ethnique, par religion, par handicap, par nationalité et par statut migratoire, sur toutes les questions abordées par la Convention, et de s’appuyer sur celles-ci pour concevoir des politiques aux fins de l’application de la Convention et évaluer les progrès accomplis en vue d’atteindre cet objectif.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité engage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à approuver dès que possible la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, relatif à son nombre de jours de réunion.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, de l’Assemblée nationale et du corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 14 a), 16 a), 42 c) et 46 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité demande à l’État partie de soumettre son huitième rapport périodique au plus tard en mars 2023. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée jusqu’à la date de présentation.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument ( voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).