Nations Unies

CAT/C/60/D/662/2015

Convention contre l a torture et autres peines

ou traitements c ruel s ,

i nhuma i n s ou dégradants

Distr. générale

19 juillet 2017

Original : français

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la c ommunication n o 6 62 /2015*, **

Communication p résentée par:M.K. (représenté par un conseil,Urs Ebnöther)

Au nom de:Le requérant

État partie:Suisse

Date de la requête:4 mars 2015 (lettre initiale)

Date de la présente décision:2 mai 2017

Objet:Renvoi du requérant vers la République islamique d’Iran

Question ( s ) de procédure:Griefs non étayés ; plainte manifestement infondée

Question (s) de fond:Risque de torture en cas de renvoi dans le pays d’origine

Article (s) de la Convention:3

1.1Le requérant est M.K., ressortissant de la République islamique d’Iran, né en 1969. Il a déposé une demande d’asile en Suisse, mais sa requête a été rejetée. Il prétend que son renvoi forcé vers la République islamique d’Iran constituerait une violation, par la Suisse, de l’article 3 de la Convention. Le requérant est représenté par Urs Ebnöther.

1.2Le 9 mars 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a prié l’État partie de ne pas expulser M. K. vers la République islamique d’Iran pendant que sa requête est en cours d’examen par le Comité.

1.3Le 16 mars 2015, l’État partie a informé le Comité que, conformément à sa pratique constante, le Secrétariat d’État aux migrations avait demandé à l’autorité compétente de n’entreprendre aucune démarche en vue de l’exécution du renvoi du requérant, de sorte que celui-ci est assuré de demeurer en Suisse tant que sa requête est à l’examen devant le Comité.

Les faits tels que présentés par le requérant

2.1Le requérant est un ressortissant iranien converti de l’islam au christianisme. Il soutient qu’il a commencé à fréquenter une église chrétienne (école du dimanche) alors qu’il était encore en République islamique d’Iran. En 1992, il a quitté la République islamique d’Iran pour l’Inde où il est entré en contact avec la communauté baptiste « Greater Grace Fellowship » et il s’est converti au christianisme en 1996. En 2000, il a rencontré une femme suisse à Mumbai et s’est mis en couple avec elle. En 2001, le couple s’est installé en Suisse et a eu trois enfants. Au début, le requérant accompagnait sa partenaire au culte religieux hebdomadaire à l’église catholique dans le canton du Tessin. Suite à la séparation du couple en 2006, il a perdu son permis de séjour et a été obligé de quitter la Suisse.

2.2Dans ce contexte, le 31 juillet 2007, il a introduit une demande d’asile devant l’Office fédéral des migrations (maintenant le Secrétariat d’État aux migrations), où il a prétendu notamment risquer des persécutions en République islamique d’Iran en raison de sa conversion au christianisme. Le 10 juillet 2008, sa demande d’asile a été rejetée par le Secrétariat d’État aux migrations. Son recours contre cette décision a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral le 16 décembre 2008. Les autorités suisses ont conclu que les rares et insuffisantes connaissances sur le christianisme du requérant montraient qu’il n’avait pas un véritable engagement religieux et que sa conversion alléguée n’était pas crédible. Le 1er juillet 2009, le requérant a demandé le réexamen de son dossier. Le Secrétariat d’État aux migrations, puis le Tribunal administratif fédéral, ont rejeté sa requête le 11 novembre 2009 et le 3 mars 2010 respectivement.

2.3Le requérant affirme qu’au cours de la procédure d’asile il a communiqué avec des membres de l’Église épiscopale qui ont visité le centre d’asile. Depuis lors, il participe régulièrement aux réunions de l’Église catholique charismatique à Lucerne, où il lit la Bible, participe au culte et à des tables rondes. De plus, il interagit occasionnellement avec des ressortissants iraniens intéressés par le christianisme et les encourage à se convertir. Il affirme également qu’il a participé à plusieurs reprises à des manifestations politiques dans l’État partie, a assisté à des réunions de groupes de critiques islamiques et publié des articles critiques sur la République islamique d’Iran sur son site Internet et sur les pages de médias sociaux. De plus, il gère le site Internet de la section suisse du Parti socialiste iranien et fournit un soutien technique aux sites Web de plusieurs autres partis et groupes d’opposition. Comme exemple, il cite le Centre proactif iranien et l’Organisation des démocrates laïcs iraniens.

2.4Le 15 avril 2013, le requérant a déposé une deuxième demande d’asile. Il a affirmé qu’il s’est converti au christianisme et a participé à des réunions de l’Église catholique charismatique ; qu’il a parlé à d’autres Iraniens de son abandon de l’islam et les a invités à suivre la voie chrétienne ; qu’il a participé à des manifestations contre le régime iranien et publié des articles critiques sur son site Internet.

2.5Le 16 octobre 2014, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté sa deuxième demande d’asile. Le requérant a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Le 26 janvier 2015, le Tribunal a rejeté l’appel du requérant et lui a ordonné de quitter la Suisse avant le 26 février 2015. Dans leurs décisions, le Secrétariat et le Tribunal ont déclaré que la nouvelle demande du requérant reposait essentiellement sur les mêmes allégations et que, dans le cadre de la première procédure, ils ont tous deux conclu que les connaissances insuffisantes du requérant sur le christianisme démontraient qu’il n’avait pas un engagement religieux réel et que sa conversion prétendue n’était pas crédible.

2.6S’agissant de sa prétendue conversion au christianisme dans sa deuxième demande d’asile, les autorités ont estimé que ses allégations n’étaient pas suffisamment étayées pour lui accorder l’asile. Le Secrétariat d’État aux migrations et le Tribunal administratif fédéral ont estimé que sa conversion au christianisme n’était pas crédible et ne servait que pour obtenir la permission de séjourner en Suisse. Ils ont fait remarquer que, lors de l’entretien du 28 juillet 2014, le requérant n’a pas pu expliquer les motifs de sa conversion ; qu’il a fait des déclarations générales telles que « le christianisme signifie un monde d’affection et d’amour » ; qu’il n’a pas été en mesure de démontrer sa connaissance de la Bible et a répondu qu’il était paresseux et n’aimait pas lire ; et qu’il ne connaissait pas le prêtre et le personnel de l’église qu’il fréquentait. Le Tribunal a déclaré que, même si elle était jugée crédible, sa conversion en soi ne constituerait pas un motif de persécution. En ce qui concerne les allégations du requérant selon lesquelles il serait menacé en raison de ses activités politiques dans l’État partie, le Secrétariat et le Tribunal ont estimé que, même si les autorités iraniennes surveillent les activités de l’opposition à l’étranger, seules les personnes ayant un profil politique élevé sont considérées comme constituant un danger pour le régime politique actuel. Les autorités ont également souligné que, bien que l’avocat ait fourni un document délivré par le Parti socialiste iranien attestant de son appartenance à ce parti, le requérant lui-même a nié toute appartenance à une organisation politique. En conséquence, les autorités ont conclu qu’il n’était pas menacé de persécution en raison de ses activités politiques contre le régime iranien en Suisse.

Teneur de la plaine

3.1Le requérant soutient que son renvoi vers la République islamique d’Iran constituerait une violation de ses droits au titre de l’article 3 de la Convention. Selon lui, les autorités suisses n’ont pas évalué adéquatement le risque auquel il serait exposé en République islamique d’Iran en raison de sa conversion au christianisme et de ses activités politiques contre le régime iranien alors qu’il vivait dans l’État partie.

3.2Le requérant se réfère à la décision du Comité dans l’affaire Azizi c. S u isse et soutient que des rapports indiquent que les chrétiens, en particulier les musulmans convertis au christianisme, sont confrontés à la persécution en République islamique d’Iran. Ils sont arrêtés, détenus, soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants et jugés par les tribunaux révolutionnaires en violation des normes internationales relatives aux droits de l’homme. De plus, la conversion de l’islam au christianisme est considérée comme une apostasie et peut être punie de la peine de mort selon la charia. Bien que la pratique ne soit pas la même dans toutes les régions, plusieurs cas de condamnation à mort ont été signalés. Dans son cas, il a essayé d’éveiller l’intérêt des autres ressortissants iraniens pour le christianisme, les a invités à l’Église catholique charismatique et les a encouragés à se convertir au christianisme. Il soutient qu’il a acquis une mauvaise réputation auprès de la communauté musulmane iranienne en Suisse et que certains ressortissants iraniens avec qui il a parlé du christianisme sont rentrés en République islamique d’Iran. Enfin, il soutient que les autorités suisses ne peuvent pas lui demander de dissimuler sa croyance religieuse et de renoncer à sa pratique religieuse s’il est renvoyé en République islamique d’Iran.

3.3Le requérant soutient que le Gouvernement iranien ne fait pas preuve de tolérance envers les membres de l’opposition. Les contestataires du régime en place sont persécutés, arrêtés et torturés. En outre, les activités d’opposition politique sont punissables au titre du Code pénal révisé iranien. De plus, le requérant soutient que le Gouvernement a récemment créé une unité de « cyberpolice » dont le but est de surveiller l’activité politique sur Internet. Dans son cas, il pense que son site Internet a probablement été bloqué et n’est pas accessible en République islamique d’Iran.

Observations de l’État partie sur le fond de la communication

4.1Le 3 septembre 2015, l’État partie a soumis ses observations sur le fond de la communication. L’État partie note que le requérant a quitté la République islamique d’Iran pour l’Inde en 1992 pour y poursuivre une activité lucrative dans l’industrie pétrolière. En 2001, il est arrivé en Suisse avec sa partenaire. Le couple s’est séparé définitivement en novembre 2003. Les autorités ont ultérieurement décidé de ne pas renouveler son autorisation de séjour qui expirait le 31 juillet 2005. Le 31 juillet 2007, il a déposé une demande d’asile en Suisse.

4.2L’État partie observe qu’afin d’examiner s’il y a des motifs sérieux de croire qu’un requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il devait être refoulé, le Comité doit prendre en compte toutes les considérations pertinentes, conformément à l’alinéa 2 de l’article 3 de la Convention, notamment l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Lors de cet examen, il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risque personnellementd’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Ainsi, l’existence d’un ensemble de violations des droits de l’homme, telle que mentionnée au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de tortures à son retour dans son pays. Des motifs supplémentaires doivent par conséquent exister pour que le risque de torture puisse être qualifié, au sens du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, de « prévisible, réel et personnel ». Dans son observation générale no 1 (1997) sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22 de la Convention, le Comité a statué sans équivoque que « l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons ».

4.3En ce qui concerne la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, l’État partie ajoute que le Comité a rappelé que des informations font régulièrement état du recours à la torture physique et psychologique pour obtenir des aveux, ce qui laisse penser que ces pratiques sont répandues et systématiques, et que l’on ne cesse de signaler des cas d’opposants politiques du régime en place qui sont détenus et torturés. Il considère cette situation comme d’autant plus alarmante que la peine de mort est souvent appliquée dans le pays, à l’égard de personnes qui n’ont pas bénéficié des garanties d’une procédure régulière et pour des infractions qui ne correspondent pas aux normes internationales relatives aux crimes les plus graves.

4.4Si l’État partie, lui aussi, est conscient que la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran reste préoccupante à plusieurs égards, il relève, néanmoins, que ce pays ne connaît actuellement pas de situation de violence généralisée. Or, la situation dans le pays d’origine ne saurait constituer, à elle seule, un motif suffisant pour conclure que le requérant risquerait d’y être torturé en cas de renvoi. Selon la pratique constante du Comité, l’auteur d’une communication doit démontrer qu’il est visé personnellement par des mesures incompatibles avec la Convention en cas de renvoi. Selon l’État partie, dans la présente communication, le requérant se réfère à un risque très général pour toutes les personnes étant politiquement actives à l’étranger contre le régime au pouvoir en République islamique d’Iran. De plus, le requérant fait valoir que sa conversion au christianisme l’exposerait à un risque personnel de persécution en cas de renvoi. Selon l’État partie, le requérant n’a pas démontré qu’il courrait un risque prévisible, personnel et réel d’être soumis à la torture en cas de retour.

4.5L’État partie rappelle que la torture ou les mauvais traitements qu’aurait subis le requérant par le passé constituent l’un des éléments devant être pris en compte pour apprécier le risque du requérant d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas de retour dans son pays. Dans le cadre de la première procédure d’asile, le requérant a déclaré avoir eu des problèmes avec les autorités iraniennes avant son départ vers l’Inde en 1992. Dans sa communication, il ne maintient plus ses allégations, qualifiées de non crédibles par l’Office fédéral des migrations et le Tribunal administratif fédéral à la suite d’un examen circonstancié. Indépendamment de cela, le requérant n’a jamais indiqué qu’il aurait été torturé par les autorités iraniennes.

4.6Selon l’État partie, un autre élément devant être pris en compte pour évaluer le risque pour le requérant d’être soumis à la torture en cas de retour dans son pays est le fait de s’être livré, à l’intérieur ou hors de l’État d’origine, à des activités politiques. L’État partie rappelle que ni devant les autorités internes, ni devant le Comité, le requérant ne prétend avoir été politiquement actif en République islamique d’Iran. L’État partie soutient que le cas d’espèce se distingue ainsi de plusieurs affaires récentes : X avait eu des problèmes en République islamique d’Iran en raison de ses propres activités politiques ; M. Azizi avait dû s’enfuir vers l’Irak en raison de ses activités politiques et les auteurs X et Z appartenaient à une famille de militants politiques. L’État partie soutient en outre que, pendant son séjour en Inde entre 1992 et 2001, le requérant n’a pas mené d’activités politiques en exil. Il n’a pas non plus fait allusion à de telles activités en Suisse ni lors de la première demande d’asile en 2008, ni dans la procédure concernant ses demandes de réexamen en 2009 et 2010. Ce n’est que dans sa nouvelle demande d’asile, déposée en 2013, que le requérant a prétendu s’être livré à des activités politiques en Suisse l’exposant à un risque de poursuite en cas de retour en République islamique d’Iran. Devant le Comité, les déclarations du requérant concernant ses activités politiques en Suisse demeurent très vagues et les lettres de confirmation ne contiennent pas d’éléments qui contribueraient à concrétiser les activités du requérant.

4.7L’État partie relève que, selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, les services secrets iraniens peuvent exercer une surveillance sur les activités politiques déployées contre le régime à l’étranger, étant toutefois précisé que l’attention des autorités se concentre pour l’essentiel sur les personnes possédant un profil particulier, qui agissent au-delà du cadre habituel d’opposition de masse et qui occupent des fonctions ou déploient des activités d’une nature telle qu’elles représentent une menace sérieuse et concrète pour le régime iranien. Le Tribunal estime de plus que ce ne sont pas la qualité de membre ni les activités politiques typiques, telles que la participation à des manifestations, la tenue d’un stand ou la distribution de matériel de propagande, mais bien les positions qu’occupent les opposants dans leurs organisations ou l’influence des actions menées qui déterminent les risques encourus. Au vu des nombreuses activités politiques d’Iraniens en exil, le Tribunal a noté que, à sa connaissance, les autorités iraniennes s’intéressent à des personnes seulement lorsqu’il s’agit de vrais opposants, déployant des activités politiques qui sont de nature à représenter une menace pour le système politique. Elles ne s’intéressent guère à des personnes dont les activités sont manifestement surtout destinées à obtenir un titre de séjour pour des motifs subjectifs d’asile. Le Tribunal a constaté que les autorités iraniennes n’ignorent pas que beaucoup de requérants d’asile iraniens débutent leur engagement politique en exil une fois que leur demande d’asile a été rejetée, ce qui rend cet engagement très douteux. Elles sont bien en mesure de distinguer les activités politiques reflétant une conviction personnelle sérieuse et présentant un potentiel d’agitation important, d’activités destinées principalement à fournir à leurs auteurs un titre de séjour.

4.8L’État partie soumet que, lors de l’audition d’asile, le requérant a déclaré rejoindre d’autres groupes qu’il connaît à Lucerne, télécharger sur Internet des nouvelles et des enregistrements vidéo et envoyer des messages à des compatriotes en République islamique d’Iran en utilisant Facebook et Twitter. Selon ses déclarations, il n’est pas membre d’un parti politique. Il aurait eu des contacts avec plusieurs groupements politiques d’Iraniens en Suisse et aurait participé à deux ou trois manifestations devant l’ambassade de la République islamique d’Iran à Berne en novembre 2009 et février 2010, mais ses activités se limiteraient actuellement à des réunions mensuelles au sein des démocrates socialistes de la République islamique d’Iran sans qu’il en soit membre, alors que, dans sa demande d’asile du 15 avril 2013, il avait allégué être membre de ce parti. L’État partie soutient que le requérant n’occupe ainsi pas de fonction d’une certaine importance au sein d’une organisation politique opposée au régime iranien et que sa situation se distingue notamment de celles de M. Azizi ou de M. Tahmuresi et des auteurs X et Z. Au vu de ce qui précède, l’État partie réfute l’argument selon lequel le requérant a développé un profil politique qui aurait attiré l’attention des autorités iraniennes.

4.9À ce sujet, l’État partie rappelle également que le requérant est arrivé en Suisse en 2001 et a déposé sa première demande d’asile six ans plus tard, après la séparation avec sa partenaire et l’arrêt du Tribunal fédéral confirmant la révocation de son permis de séjour. Une telle période d’attente est en soi susceptible de jeter le doute sur des allégations de risques de persécution. En l’espèce, le requérant a même déclaré spontanément qu’il avait déposé sa demande d’asile au seul motif de pouvoir rester près de ses trois filles. Et ce n’est qu’après le rejet définitif de sa première demande d’asile (soit sept ans après son arrivée en Suisse), à un moment où il savait qu’il devait quitter la Suisse, qu’il a développé quelques activités. Il n’est ainsi pas crédible que ses activités politiques en Suisse se fondent sur un processus sérieux de sensibilisation et de prise de conscience.

4.10L’État partie ajoute que le requérant ne donne pas l’image d’une personne qui sensibilise le public dans le pays d’accueil au régime iranien, poussé par une conviction politique profonde. Il apparaît plutôt comme une personne qui veut donner l’apparence d’être engagée politiquement. Son « soudain » engagement politique en Suisse laisse penser qu’il cherche à créer des circonstances déterminantes en matière d’asile. Un tel comportement constitue un indice selon lequel le requérant lui-même ne pense pas sérieusement qu’il risque d’être soumis à des actes de tortures en cas de retour.

4.11Selon l’État partie, le requérant fait également valoir que sa conversion au christianisme l’expose à un risque de torture en cas de retour, mais une conversion et la pratique du christianisme à l’étranger ne sont susceptibles de donner lieu à des mesures de poursuite en République islamique d’Iran que si cette croyance est pratiquée de manière active et visible vis-à-vis de l’extérieur. À ce sujet, l’État partie rappelle que dans l’affaire Azizi c . Suisse, le Comité a retenu que « la conversion du requérant au christianisme et son association avec des militants politiques kurdes aggravent le risque qu’il subisse des persécutions en cas de renvoi en République islamique d’Iran », aprèsavoir constaté que la qualité des activités politiques du requérant contre le régime iranien à l’étranger pouvait très bien avoir attiré l’attention des autorités iraniennes. Dans l’affaire X c. Suisse, les éléments déterminants étaient l’implication du requérant dans les manifestations de 2009 en République islamique d’Iran, son exclusion de l’université et son départ illégal de République islamique d’Iran, et non les opinions religieuses à elles seules.

4.12L’État partie ajoute que, dès la première procédure d’asile, le requérant a déclaré qu’il s’était converti au christianisme depuis 1996 et qu’il en aurait informé le consulat de la République islamique d’Iran à Milan en 2001. Néanmoins, il a ultérieurement obtenu un passeport iranien sans difficulté. Lors des auditions, le requérant n’a pas pu expliquer les motifs pour lesquels il s’était converti, ni fournir des éléments fondamentaux du christianisme (par exemple, les dix commandements, la structure du Nouveau Testament ou le nom d’un seul des évangélistes). Certes, il a cité vaguement quelques-uns des dix commandements, dont le septième – « Tu ne commettras pas de vol » – sans pour autant le respecter dans sa vie quotidienne (voir le renvoi aux procédures et condamnations pénales pour de nombreux vols dans les cantons du Tessin et de Lucerne dans la décision intérimaire du Tribunal administratif fédéral du 22 août 2011, annexe 11). De plus, le requérant n’aurait fréquenté une église baptiste qu’à Noël au Tessin.

4.13Selon l’État partie, comme l’a relevé le Tribunal administratif fédéral, cette ignorance et ce comportement sont remarquables pour un converti, notamment si celui-ci prétend avoir fréquenté régulièrement l’école du dimanche (comme enfant) et ultérieurement le culte (notamment en Inde). Non seulement ces éléments ne témoignent pas d’un engagement religieux réel, mais ils rendent non crédible la prétendue apostasie. L’État partie soutient que, dans le cadre de la deuxième procédure d’asile, le requérant a réitéré sa conversion au christianisme, sans pour autant permettre d’éliminer les sérieux doutes qui avaient fait conclure les autorités internes à l’absence de la conversion elle-même. Invité à brièvement exposer les motifs de sa conversion, il s’est servi de clichés. De plus, ses allégations étaient contradictoires et parfois illogiques. Dans sa demande d’asile du 16 avril 2013, il avait déclaré lire la Bible, alors que, à l’audition, il a affirmé être paresseux et ne pas vouloir lire. Le requérant a exprimé sa préférence pour l’évangile de Jean ; invité à motiver sa préférence, il a admis ne pas se souvenir du contenu. À cela s’ajoute que le requérant ne connaissait pas les noms de pasteurs aux églises (ou d’autres personnes y travaillant). Il s’ensuit que les allégations selon lesquelles le requérant expliquerait à des compatriotes les motifs de sa conversion ne sont pas non plus étayées.

4.14L’État partie soutient que le comportement du requérant en Suisse n’est pas de nature à créer un risque réel et concret de torture de la part des autorités iraniennes. Le requérant n’a ni le profil d’un opposant au régime qui le rendrait susceptible d’être considéré par les dirigeants iraniens comme constituant un danger, ni celui d’une personne dont les activités religieuses et autres sur son site Internet ont attiré l’attention des autorités iraniennes. En effet, rien au dossier ne permet de croire que les autorités iraniennes auraient eu connaissance de ses activités ou auraient pris de quelconques mesures en défaveur du requérant en raison de ces activités.

4.15L’État partie relève finalement que l’ensemble des arguments avancés relatifs à un risque de persécution en République islamique d’Iran, et notamment les activités du requérant en Suisse, a été apprécié de manière circonstanciée par les autorités suisses. Il sied de souligner que la communication du requérant ne contient aucun élément ou moyen de preuve nouveau. Le requérant ne fait pas non plus valoir de vices de procédure. L’État partie rappelle aussi la pratique du Comité selon laquelle « c’est aux tribunaux des États parties à la Convention qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce ». En particulier, le Comité « doit apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée lorsqu’il est établi que la manière dont ces éléments de preuve ont été appréciés était manifestement arbitraire, ou équivalait à un déni de justice ». Or, dans l’affaire à l’examen, les éléments présentés par le requérant ne montrent pas que l’examen par l’État partie ait été entaché de telles irrégularités.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 4 mars 2016, en réponse aux observations de l’État partie concernant ses activités politiques en République islamique d’Iran, le requérant admet qu’il n’a pas été politiquement actif là-bas. Cependant, il affirme que ce sont également des raisons politiques qui l’ont poussé à quitter la République islamique d’Iran. Ainsi, son père ayant travaillé pour le régime du Chah, le Gouvernement actuel se méfiait de sa famille. En particulier, après la révolution, la maison de la famille a été confisquée par la police secrète. De plus, son père est toujours soumis à une interdiction de sortie du territoire iranien. Par ailleurs, en 1991, le requérant a travaillé pour la société pétrolière américano-canadienne Energy Venture. À cette époque, il était le seul Iranien parlant anglais y travaillant. Cela a amené les autorités iraniennes à le soupçonner d’être un espion. Le requérant affirme avoir été arrêté et interrogé deux fois par rapport à son activité professionnelle. À la suite de problèmes avec le régime iranien, la compagnie Energy Venture a dû arrêter ses activités.

5.2Le requérant rappelle que les autorités suisses ont qualifié les soupçons d’espionnage ainsi que les arrestations et interrogatoires du requérant par les autorités iraniennes comme non crédibles. Cependant, les autorités suisses n’ont pas contesté l’emploi du requérant dans la société pétrolière qui a dû cesser son activité, ni le fait que le père du requérant a travaillé pour l’ancien régime. Il explique que les allégations concernant les soupçons d’espionnage et les arrestations et interrogatoires n’ont plus été maintenues dans la communication au Comité, puisque le requérant ne pouvait pas présenter de nouveaux moyens de preuve. Par ailleurs, ces faits se sont déroulés il y a vingt-trois ans et le Tribunal administratif fédéral a rendu un arrêt définitif en cette matière il y a plus de six ans. De ce fait, le délai écoulé depuis l’épuisement des recours internes était déraisonnablement long au point que l’examen de la plainte par le Comité en aurait été rendu anormalement difficile. Le requérant prétend que, puisque le père du requérant a travaillé pour l’ancien régime et qu’il est toujours soumis à une interdiction de sortie du territoire, il appartient à une famille que le régime iranien considère comme opposante.

5.3Concernant ses activités politiques en Suisse et sa conversion, le requérant allègue que les objections de l’État partie sont infondées. En premier lieu, le requérant n’avait aucune raison de demander l’asile plus tôt qu’en 2007. Il s’est enfui de République islamique d’Iran directement après ses problèmes avec la police secrète en 1991. Puisqu’il a trouvé un travail en Inde, il n’avait pas besoin de demander l’asile dans ce pays. Par la suite, il a rencontré son ex-partenaire suisse et il a obtenu un permis de séjour en Suisse. Il est tout à fait compréhensible que le requérant ait préféré recevoir directement un permis de séjour avec lequel il pouvait séjourner et travailler en Suisse, plutôt que de suivre une procédure d’asile, durant laquelle il aurait été placé dans un centre d’accueil pour réfugiés et n’aurait pas eu le droit de travailler pendant un certain temps. Le requérant souligne que, depuis sa fuite en 1991, il n’est jamais retourné en République islamique d’Iran, pas même lorsqu’il disposait d’un permis de séjour en Suisse entre 2002 et 2006. La question de son retour en République islamique d’Iran s’est posée au moment du non-renouvellement de son permis de séjour en 2006. Le requérant a déposé une demande d’asile à ce moment-là puisque la crainte de devoir retourner en République islamique d’Iran et d’y être exposé à la persécution l’a complètement bouleversé. Il a même été hospitalisé pendant deux mois dans une clinique psychiatrique.

5.4En outre, le requérant réaffirme qu’il a allégué lors de sa première audition, le 24 septembre 2007, qu’il avait une crainte fondée d’être persécuté en République islamique d’Iran pour des raisons politiques et religieuses. À la question de savoir pourquoi il avait fui son pays, le requérant a répondu en premier lieu que c’était pour des problèmes politiques. En deuxième lieu, il a mentionné sa conversion au christianisme. C’est seulement à la fin de l’audition, quand on lui a posé la question de savoir s’il existait d’autres raisons pour ne pas vouloir retourner en République islamique d’Iran, que le requérant a mentionné qu’il voulait rester auprès de ses enfants au Tessin. Il sied de souligner que cette question devrait servir aux autorités suisses pour examiner d’autres raisons qui empêcheraient un renvoi de la Suisse, comme l’état de santé de la personne concernée ou son réseau familial ou social en Suisse.

5.5Le requérant affirme qu’il n’a pas commencé à s’engager politiquement d’une manière soudaine ou sans raison, mais parce que lui-même est concerné par une violation des droits humains grave de la part du régime iranien – la violation de la liberté de religion. Ainsi, il faut examiner son activité politique en relation avec sa conversion au christianisme. Le requérant a dénoncé en particulier le manque de libertés (liberté d’expression, liberté de religion) en République islamique d’Iran lors de sa participation aux manifestations et sur son site Internet. Concernant le bien-fondé de sa conversion, il rappelle qu’il s’est déjà converti au christianisme en Inde et, de ce fait, longtemps avant son arrivée en Suisse et le refus de sa demande d’asile. Auparavant, il a fréquenté l’école du dimanche en République islamique d’Iran. Ainsi, depuis sa jeunesse il se sentait attiré par le christianisme. Il a expliqué lors de ses auditions qu’il s’est converti parce qu’il croyait en le Nouveau Testament et en un Dieu miséricordieux qui pardonne. Par ailleurs, il pratique sa religion en discutant avec d’autres personnes et ne dédit pas beaucoup de temps à la lecture de la Bible chez lui à la maison. Lors des auditions, il était très nerveux, ce qui est compréhensible vu les intérêts en jeu et le fait que les autorités suisses l’ont soumis à un véritable examen de religion. Son contact avec la religion chrétienne s’est fait en anglais, en italien ou en allemand, c’est pourquoi certaines expressions religieuses ne lui sont pas familières en langue perse. En plus, peu de chrétiens en Suisse sont capables de bien décrire la structure de la Bible, d’énumérer les dix commandements ainsi que les quatre évangiles, bien qu’ils fréquentent régulièrement l’église. Avant tout, les autorités iraniennes vont plutôt voir le fait que le requérant a été baptisé en Inde, qu’il a vécu avec une partenaire chrétienne – qui aux yeux des autorités iraniennes aurait dû se convertir pour se marier avec un musulman – et qu’il a trois filles qui sont éduquées dans la religion chrétienne, qu’il défend sa religion sur son site Internet et qu’il partage sa foi avec d’autres personnes comme preuves de sa conversion et non pas le fait qu’il sache bien citer la Bible ou pas.

5.6Enfin, au moment où le requérant a demandé un passeport à l’ambassade de la République islamique d’Iran en Suisse, il disposait déjà d’un permis de séjour, puisqu’il vivait avec une Suissesse et des enfants suisses. Pour une personne iranienne disposant d’un permis de séjour, il est facile de se faire délivrer un passeport, puisque l’ambassade ne lui pose pas de questions par rapport à son opinion politique ou sa religion. Seules les personnes qui soit ne détiennent pas de permis du tout, soit détiennent seulement un permis pour requérants d’asile ou un permis d’admission provisoire sont interrogées en détail par l’ambassade et ont leur dossier examiné en profondeur.

5.7Contrairement à l’opinion de l’État partie, le requérant affirme qu’il est hautement probable que ses activités sur son site Internet aient été repérées par les autorités en République islamique d’Iran, indépendamment du fait que le requérant n’occupe pas de fonction importante dans un parti politique. À cet égard, il fait référence à une dépêche dans les médias faisant état du fait que le Gouvernent iranien a créé une unité de police pour surveiller l’Internet. L’État partie omet dans ses observations de mentionner le site Internet du requérant. Sur ce site, le requérant a publié son propre curriculum vitæ et commente régulièrement les problèmes auxquels les chrétiens et chrétiennes ainsi que des convertis font face en République islamique d’Iran.

5.8Les activités politiques du requérant doivent être vues en lien avec sa conversion. Il est fort probable que les autorités iraniennes soient tombées sur le site Internet du requérant sur la base d’une simple recherche à l’aide de mots clefs et aient remarqué l’appartenance religieuse et politique du requérant. En raison de son absence de République islamique d’Iran pendant des décennies, de ses activités politiques, de sa conversion au christianisme, de son appartenance à une famille d’opposition et du fait qu’il a trois enfants hors mariage avec une chrétienne, les autorités iraniennes vont certainement l’arrêter lors de son retour, le soumettre à un interrogatoire et le mettre en détention. Vu qu’en République islamique d’Iran, la torture physique et psychologique d’opposants est systématiquement utilisée afin d’obtenir des aveux, il existe un risque réel et personnel que le requérant soit soumis à la torture.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

Avant d’examiner toute plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il ne peut examiner aucune communication émanant d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que l’État partie a reconnu, en l’espèce, que le requérant avait épuisé tous les recours internes disponibles.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en République islamique d’Iran, l’État partie manquerait àl’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe1 de l’article3 de la Convention de ne pas expulser ni refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture.

7.3Le Comité doit évaluer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture en cas de renvoi en République islamique d’Iran. Pour ce faire, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, notamment l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle cependant que l’objectif de cette évaluation est de déterminer si l’intéressé courtpersonnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Dès lors, l’existence dans un pays d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

7.4Le Comité rappelle son observation générale no1, selon laquelle l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve incombe généralement au requérant, qui doit présenter des arguments défendables établissant qu’il encourt un risque prévisible, réel et personnel. Le Comité rappelle également que, conformément à cette observation générale, il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé, mais il n’est pas lié par de telles constatations et est, au contraire, habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

7.5Le requérant affirme qu’en République islamique d’Iran il pourrait être persécuté ou exposé à la torture en raison de sa conversion au christianisme et de ses activités politiques en Suisse. Il n’a pas été politiquement actif dans son pays, mais il prétend cependant que des raisons politiques l’ont poussé entre autres à quitter la République islamique d’Iran (son père a travaillé pour le régime du Chah et ne peut pas quitter le territoire iranien, après la révolution la maison familiale a été confisquée par la police secrète).Il ajoute que même les simples sympathisants de l’opposition sont susceptibles d’être arrêtés arbitrairement et de subir des sévices en prison. Le Comité note que le requérantaffirme avoir eu des problèmes avec la police secrèteen 1991 avant de quitter la République islamique d’Iran en 1992.Ilnote aussi le fait que, depuis,il n’est jamais retourné en République islamique d’Iran même quand il disposait d’un permis de séjour suisse entre 2002 et 2006.

7.6En l’espèce, le Comité notequele requérant a quitté la République islamique d’Iran en 1992, légalement,pour se rendre en Inde où il a travaillé dans l’industrie pétrolière. LeComité note également qu’il a déposé sa première demande d’asile six ans après son entrée en Suisseet que,d’après l’État partie, une telle période d’attente est susceptible en soi de jeter un doute sur des allégations de risque de persécution. Le Comité note en outre que, d’après l’État partie, le requérant aurait même déclaré spontanément qu’il aurait déposé sa première demande d’asile pour le motif de pouvoir rester près de ses trois filles. Le Comité prend également note du fait que le requérant aurait débuté ses activités politiques en Suisse après le rejet de sa première demande d’asile et de la demande de réexamen, et notamment qu’il n’était pas membre d’un parti politique selon ses déclarations en 2008, mais a allégué être membre des démocrates socialistes de la République islamique d’Iran dans sa deuxième demande d’asile du 15 avril 2013.Le Comité note que, d’après l’État partie, le requérant avait un « profil insignifiant » et ses activités ne se fondaient pas sur un processus sérieux de sensibilisation et de prise de conscience. Le Comité note en outre que, selon l’État partie, les activités politiques du requérant en Suisse, pour autant qu’elles soient avérées, n’auraient pas attiré l’attention des autorités iraniennes car, bien que les services secrets iraniens exercent une surveillance sur les activités politiques déployées contre le régime à l’étranger, leur attention se concentrerait sur des personnes possédant un profil particulier, qui occupent des fonctions ou déploient des activités d’une nature telle qu’elles représentent une menace sérieuse et concrète pour le régimeen place.

7.7Concernant la conversion du requérant, le Comité note qu’il n’aurait pas pu expliquer les motifs pour lesquels il s’étaitconverti, ni citer des éléments de base concernant le christianisme, tels que les dix commandements, la structure du Nouveau Testament ou le nom des évangélistes, bien qu’il prétendait avoir fréquenté régulièrement l’école du dimanche dans son enfance et ultérieurement le culte, notamment en Inde. LeComité prend note aussi que le requérant ne connaissait pas les noms de pasteurs des églises, ou ceux d’autres personnes y travaillant, qu’il prétendait fréquenter en Suisse. LeComité note que, selon l’État partie, de sérieux doutes existaient, lesquels avaient amené les autorités nationales à conclure à « l’absence de la conversion elle-même ». En outre, le Comité note que le requérant a obtenu un passeport iranien en Suisse, sans difficulté,malgré le fait qu’il aurait prétendument informé de sa conversion le consulat de la République islamique d’Iranà Milan en 2001, ce qui a été affirmé par l’État partie et n’a pas été réfuté par le requérant.

7.8Le Comité rappelle qu’il lui appartient de déterminer si le requérant court actuellement le risque d’être soumis à la torture en cas de renvoi en République islamique d’Iran. Il note que le requérant a eu amplement la possibilité d’étayer et de préciser ses griefs, au niveau national, devant l’Office fédéral des migrations et le Tribunal administratif fédéral, mais que les éléments apportés par lui n’ont pas permis aux autorités compétentes de l’État partie de conclure que sa conversion et sa participation aux activités politiques en Suisse, pour autant qu’elle soit avérée, pourraient le mettre en danger de subir des actes de torture à son retour. Le Comité est conscient que la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran reste problématique à de nombreux égards. Il se réfèreaux conclusions du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran (voir A/HRC/34/65, par. 78), dans lesquelles le Rapporteur spécial exprime son inquiétude concernant le ciblage et le traitement sévère des chrétiens iraniens d’origine musulmane,considérés comme des « croyances déviantes »par les autorités et certains membres de l’établissement clérical. Ces groupes continuent de faire l’objet d’arrestations, de harcèlement et de détentions arbitraires, et sont souvent accusés de crimes de sécurité nationale, comme d’« agir contre la sécurité nationale» ou de «propagande contre l’État». En droit iranien, les individus, y compris les chrétiens de milieux musulmans(d’origine musulmane), peuvent être poursuivis pour le crime d’apostasie bien que le crime ne soit pas spécifiquement codifié en tant que tel dans le Code pénal islamique.

7.9Néanmoins, le Comité rappelle que l’existence de violations des droits de l’homme dans le pays d’origine n’est pas suffisante, en soi, pour conclure qu’un requérant court personnellement le risque d’y être torturé. Sur la base des informations dont il dispose, le Comité conclut que,dans le cas d’espèce, le requérant n’a pas apporté la preuve que sa conversion et ses activités politiques revêtent une importance telle qu’elles auraient attiré l’intérêt des autorités de son pays d’origineet conclut que les informations fournies ne démontrent pas qu’il risquerait personnellement d’être torturé au cas où il serait renvoyé en République islamique d’Iran.

8.Dans ces circonstances, le Comité considère que les informations soumises par le requérant ne sont pas suffisantes pour établir qu’il courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en République islamique d’Iran.

9.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que le renvoi du requérant vers la République islamique d’Iran ne constituerait pas une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.