Nations Unies

CAT/C/60/D/677/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

12 juillet 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 677/2015 * , **

Communication présentée par :

A. N. M. (représenté par un conseil, Helen Westlund)

Au nom de :

A. N. M.

État partie :

Suède

Date de la requête :

9 juillet 2014 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

5 mai 2017

Objet :

Expulsion vers l’Afghanistan

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Risque de torture

Article(s) de la Convention :

3

1.1Le requérant est A. N. M., de nationalité afghane, né le 30 septembre 1995. Il fait l’objet d’un arrêté d’expulsion de la Suède vers l’Afghanistan. Il affirme que son expulsion constituerait une violation par la Suède des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2Le 1er mai 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a décidé d’adresser à l’État partie une demande de mesures provisoires en application du paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur, dans laquelle il priait l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Afghanistan tant que sa requête serait à l’examen.

Exposé des faits

2.1Le requérant est un musulman chiite de l’ethnie des Hazaras. Il vient du village de Jangalak dans la province afghane de Ghazni. À une date non précisée, alors qu’il se rendait avec son père au marché de Kaboul pour y vendre des pommes, il a été abordé par un Iranien parlant farsi, qui lui a proposé un travail. Il s’agissait de distribuer clandestinement parmi ses connaissances 12 brochures, chacune comportant environ 70 pages de la Bible, et 9 DVD, à contenu biblique également. Le requérant a accepté, et il a distribué toutes les brochures et tous les DVD en une journée. Il a ensuite pris contact avec l’Iranien pour obtenir d’autres exemplaires, qu’il est allé chercher à Kaboul. Cependant, comme son activité commençait à être connue, l’imam du village a dénoncé le requérant à la police de Ghazni. Le requérant s’est alors enfui de son village puis, avec l’aide de l’Iranien, est sorti clandestinement d’Afghanistan.

2.2À une date non précisée, le requérant est arrivé en Suède et le 21 mai 2013, il a déposé une demande d’asile. En date du 30 septembre 2013, l’Office suédois des migrations (ci-après « l’Office ») a rejeté sa demande. L’Office estimait que le récit du requérant n’était pas crédible, en particulier en ce qui concernait la distribution de brochures et de DVD sur la Bible et son départ d’Afghanistan. L’Office a conclu que le requérant ne risquerait pas d’être soumis à des mauvais traitements en raison de sa religion ou de son groupe ethnique s’il rentrait en Afghanistan, et qu’il « pourrait trouver refuge à l’intérieur du pays, dans les villes de Kaboul, Mazar-e-Sharif ou Heral ».

2.3Bien que le requérant ait affirmé avoir 17 ans quand il a demandé l’asile, l’Office, après plusieurs entretiens avec lui, a relevé plusieurs éléments qui permettaient de douter de son âge. Il a donc fait pratiquer une radiographie dentaire, qui a montré que le requérant avait au moins 19,2 ans. Toutefois, il y avait 16 % de chances, selon le test, pour que le requérant soit âgé de moins de 18,2 ans. Le requérant avait produit un document d’identité afghan indiquant qu’il était né le 1er jawza 1375 (21 mai 1996 apr. J.-C.). Le document avait été délivré le 28 sunbula 1388 (19 septembre 2009 apr. J.-C.), lorsque le requérant s’était fait soigner à l’hôpital. Cependant, l’Office a estimé que le document était « très sommaire » et « avait une faible valeur probante ».

2.4Le 10 décembre 2013, le tribunal de l’immigration de Stockholm a annulé la décision de l’Office. Il estimait que, même si le requérant n’avait pas apporté de preuve crédible de son âge, l’Office n’avait pas mené des investigations suffisamment approfondies pour conclure qu’il était à 95 % probable que le requérant soit adulte. Le tribunal a jugé que la radiographie dentaire pratiquée ne suffisait pas et qu’une radiographie du squelette était également nécessaire. Le dossier a donc été renvoyé à l’Office.

2.5Le 22 janvier 2014, le requérant a informé l’Office qu’il s’était converti au christianisme et a produit un certificat de baptême daté du 6 décembre 2013 ainsi qu’un certificat d’appartenance à l’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours (également appelée « l’Église des mormons »).

2.6Le 7 mai 2014, l’Office a de nouveau rejeté la demande d’asile. Il a considéré que l’explication donnée par l’intéressé concernant les raisons de sa conversion au christianisme étaient très vagues et a relevé que bien qu’il ait un certain niveau d’instruction, il n’avait pas été capable de citer le moindre élément qui différenciait les deux religions ou de montrer en quoi sa vie en tant que chrétien était différente de sa vie en tant que musulman. L’Office a donc conclu que l’intéressé s’était converti non pas par authentique conviction religieuse mais dans le but d’obtenir un permis de séjour. Il estimait de plus que rien ne laissait penser que la conversion du requérant avait été portée à la connaissance des autorités afghanes ni qu’il risquerait de quelque autre manière d’être victime de persécutions en raison de sa religion à son retour en Afghanistan. Tout en se disant conscient que la province d’où venait le requérant était le théâtre d’un conflit armé interne, l’Office a conclu que le requérant n’avait pas montré qu’il était personnellement menacé dans son village. Pour ce qui est de la détermination de l’âge du requérant, l’Office a demandé des radiographies des poignets au Conseil du comté de Västmanland ; cependant, celui-ci a répondu qu’il ne traiterait pas de demandes d’examen aux fins de la détermination de l’âge car il attendait de nouvelles instructions du Conseil national de la santé et de la protection sociale. En janvier 2014, le Conseil national a signé le contrat pour l’évaluation médicale de l’âge mais le Conseil du comté n’avait pas de disponibilité. L’Office a considéré qu’il n’était pas dans l’intérêt du requérant d’attendre un rendez-vous. De plus, il fallait ajouter à l’âge estimé les dix mois écoulés depuis le test dentaire. L’Office a considéré qu’il avait fait preuve de la diligence voulue pour déterminer l’âge du requérant et que même d’après la date portée sur son document d’identité, il était adulte.

2.7Le requérant a formé un recours contre la décision de l’Office en reprenant ses arguments et en ajoutant que « certains individus, qui l’avaient déjà menacé en Suède en raison de sa nouvelle foi, sont rentrés en Afghanistan, de sorte que les autorités afghanes sont au courant de sa conversion ». Le 4 septembre 2014, le tribunal de l’immigration de Stockholm a rejeté le recours. Il considérait que rien n’indiquait que quelqu’un rentré en Afghanistan avait donné aux autorités de la province afghane des informations concernant le requérant et concluait que les nouvelles allégations de l’intéressé étaient insuffisantes pour conclure qu’il avait démontré de manière crédible qu’il avait besoin d’une protection internationale. Le 29 octobre 2014, la Cour administrative d’appel de l’immigration a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel déposée par l’intéressé.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme que, s’il était renvoyé en Afghanistan il risquerait, en raison de sa conversion au christianisme, d’être tué ou torturé, et que ce renvoi constituerait donc une violation de l’article 3 de la Convention. Il fait valoir que les personnes qui rentrent en Afghanistan et qui se sont converties à une autre religion que l’islam sont l’objet de persécutions et que les autorités afghanes ne peuvent pas assurer une protection raisonnable. Il conteste la manière dont l’authenticité de ses convictions religieuses a été appréciée par les autorités suédoises et souligne qu’il est difficile d’évaluer la sincérité de la foi d’une personne. Il indique que depuis sa conversion au christianisme, le 30 novembre 2013, il est pratiquant ; il assiste à un service religieux tous les dimanches et participe à des réunions d’étude de la Bible deux jours par semaine. Il ajoute qu’il s’intéressait déjà aux questions religieuses avant de quitter l’Afghanistan et que, en vivant en Suède, il a développé sa connaissance du christianisme et approfondi sa foi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note en date du 23 octobre 2015, l’État partie soutient que la requête est manifestement dénuée de fondement et qu’elle est donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention.

4.2L’État partie soutient également que la requête n’est pas fondée. Pour ce qui est des activités que le requérant allègue avoir menées en Afghanistan, il souligne qu’il a été conclu dans le cadre des procédures internes que son récit concernant la distribution dans son village d’origine de documents sur la Bible était vague et général. Le requérant n’a pas non plus expliqué pourquoi il avait accepté de distribuer ce matériel compte tenu des conflits entre l’islam et les autres religions que connaissent sa province et plus largement l’Afghanistan. De plus, les juridictions internes ont jugé qu’il était peu vraisemblable que le requérant ait distribué des documents sur la Bible dans son village sans susciter la moindre réaction négative et qu’il ait, au contraire, demandé à son contact plus de matériel à distribuer. De plus, l’État partie estime peu vraisemblable qu’il existe dans le village du requérant une demande de documents sur la Bible compte tenu du risque grave que court tout individu en possession d’écrits bibliques d’être identifié comme chrétien. L’État partie relève en outre des contradictions dans le récit du requérant sur le point de savoir si celui-ci avait visionné les DVD sur la Bible qu’il distribuait. Dans ses observations à l’Office des migrations en date du 22 août 2013, le requérant avait déclaré qu’il n’avait pas pu regarder les DVD parce qu’il n’y avait pas l’électricité chez lui alors que dans la demande d’interjeter appel qu’il a déposée le 1er octobre 2014, il affirmait qu’il avait visionné les DVD. L’État partie conclut qu’il existe des raisons sérieuses de mettre en doute la crédibilité du requérant concernant ses supposées activités de distribution de documents religieux en Afghanistan. Par conséquent, il affirme que le requérant n’a pas démontré qu’une menace pesait contre lui dans ce pays.

4.3En ce qui concerne la conversion du requérant au christianisme en Suède, l’État partie indique que pour apprécier si une conversion est sincère, les tribunaux de l’immigration s’appuient sur le Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du protocole de 1967 relatif au statut des réfugiéspublié par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en 2011. Selon le Guide et Principes directeurs, la question de savoir si des événements survenus après le départ d’un individu de son pays d’origine suffisent à établir une crainte fondée de persécution doit être tranchée sur la base d’un examen diligent des faits de l’espèce, en tenant particulièrement compte de la possibilité que la conversion soit portée à l’attention des autorités du pays d’origine. Lorsque la conversion est invoquée peu après que la décision relative à la demande d’asile devient définitive, une attention particulière est portée à la crédibilité des déclarations relatives à la conversion.

4.4En l’espèce, l’Office et le tribunal de l’immigration ont examiné avec diligence la question de savoir si la conversion était sincère et ont conclu que le requérant manquait de crédibilité sur ce point. L’État partie souligne que le requérant n’a rien dit de son intérêt pour le christianisme pendant l’enquête sur sa demande d’asile le 18 juin 2013, ni dans les observations écrites qu’il a adressées à l’Office en date du 27 août 2013, ni même dans son mémoire d’appel du 29 octobre 2013. Ce n’est que le 22 janvier 2014 que le requérant a signalé sa conversion à l’attention de l’Office et a fait parvenir un certificat daté du 6 décembre 2013. De plus, ce n’est qu’au moment du recours contre le jugement du tribunal de l’immigration, formé le 1er octobre 2014, que le requérant a déclaré qu’il s’était posé des questions sur l’islam dès l’âge de 14 ans, alors qu’il avait eu de nombreuses occasions d’évoquer ce sujet plus tôt. L’État partie indique aussi que, alors que le requérant avait une certaine instruction, ses réponses étaient très vagues lorsqu’on lui a demandé quelles étaient les raisons de sa conversion et quels changements la conversion avait apportés dans sa vie. Enfin, l’Office et le tribunal de l’immigration ont conclu qu’aucun motif ni élément n’étayait l’affirmation selon laquelle la conversion au christianisme du requérant en Suède avait été portée à la connaissance des autorités afghanes ou de qui que ce soit d’autre en Afghanistan. Au contraire, les craintes du requérant que des personnes rentrées en Afghanistan n’aient informé les autorités afghanes ne sont que de simples suppositions.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Dans une note en date du 29 janvier 2016, le requérant met en relief que, bien que ni la Constitution ni le Code pénal de l’Afghanistan ne fassent expressément mention de la conversion religieuse, selon certaines interprétations de la loi islamique, le fait pour un musulman de se convertir à une autre religion est considéré comme une apostasie et les convertis peuvent être contraints d’abjurer dans les trois jours et, en cas de refus de leur part, peuvent être condamnés à la peine de mort, entre autres châtiments. Le requérant souligne que les autorités suédoises ont reconnu qu’il s’était converti et que la conversion d’un musulman à une autre religion pouvait entraîner une condamnation à mort en Afghanistan. À ce propos, le requérant fait valoir que sa conversion est en elle-même suffisante pour que les autorités afghanes le condamnent à mort et qu’il est hautement improbable qu’elles cherchent à déterminer si sa conversion était sincère ou non.

5.2Pour ce qui est de l’appréciation de la sincérité de sa conversion, le requérant rappelle qu’il a présenté des attestations sérieuses émanant de deux représentants haut placés de l’Église des mormons, qui confirment que sa conversion était sincère. Les autorités suédoises n’en ont cependant pas dûment tenu compte et se sont concentrées sur la détermination de son âge plutôt que sur les raisons pour lesquelles il demandait l’asile. Le requérant ajoute que les réponses qu’il a données aux autorités suédoises étaient claires, lorsqu’il a expliqué que pour lui l’islam représentait « la guerre et la haine » et le christianisme « l’amour » et que sa nouvelle foi lui apportait la « sérénité », ce qui constitue une réponse très nette et positive d’un point de vue religieux. Toutefois, il ne peut pas être certain de la manière dont les interprètes ont traduit les questions qui lui ont été posées, surtout lorsque ceux-ci avaient peut-être une culture religieuse différente. Les autorités suédoises auraient dû faire appel à des interprètes assermentés. De plus, il n’y a pas eu de procédure orale devant le tribunal de l’immigration ; il est très difficile pour cette juridiction d’apprécier l’authenticité de sa conversion sans l’avoir entendu. Quant à la date de sa conversion, il affirme qu’il a été baptisé le 30 novembre 2013, soit cinq mois avant le prononcé de la décision définitive du tribunal de l’immigration ordonnant son expulsion. La première fois qu’il a eu l’occasion d’informer les autorités suédoises de sa conversion était le 22 janvier 2014, date de ses observations. Enfin, le requérant soutient que l’argument des autorités suédoises selon lequel sa conversion n’a pas été portée à l’attention des autorités afghanes n’est pas fondé. Il fait valoir qu’il a été retenu avec d’autres Afghans qui ont par la suite été renvoyés en Afghanistan. Une conversion est un événement majeur dans la culture afghane et la rumeur n’a donc certainement pas manqué de se répandre.

5.3Concernant ses activités en Afghanistan, le requérant indique qu’il était très jeune lorsqu’on lui a proposé comme travail de distribuer des documents sur la Bible et qu’il n’avait été scolarisé que pendant deux ans. À l’époque il pensait que cette activité passerait inaperçue, même si elle était contraire à l’islam.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une note en date du 7 mars 2016, l’État partie a contesté l’affirmation du requérant selon laquelle sa conversion était une raison suffisante pour faire craindre un risque de mort à son retour en Afghanistan, sans qu’il soit nécessaire de déterminer la sincérité de sa conversion. L’État partie note que la question de savoir si la conversion du requérant se fondait sur une conviction religieuse véritable est liée à l’appréciation de son intention de vivre en Afghanistan en tant que converti. Or le requérant n’a pas montré qu’il avait l’intention de vivre en tant que converti en Afghanistan ni que ses activités religieuses en Suède avaient été portées à la connaissance des autorités afghanes.

6.2L’État partie fait valoir que le requérant n’a pas étayé son affirmation selon laquelle les procédures internes présentaient des failles qui auraient pu fausser l’appréciation de son besoin de protection. Ses affirmations ont au contraire été examinées de manière approfondie.

Délibérations du Comité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête émanant d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note qu’en l’espèce l’État partie ne conteste pas que le requérant a épuisé tous les recours internes et conclut que ce critère est rempli.

7.3Le Comité prend note du fait que l’État partie met en doute la crédibilité du requérant au sujet de ses activités en Afghanistan ainsi que la sincérité de sa conversion au christianisme en Suède, ainsi que du fait que l’État partie objecte que la plainte n’est pas suffisamment étayée et qu’elle est donc irrecevable.

7.4Le Comité prend note de l’argument du requérant selon lequel s’il était renvoyé en Afghanistan, il risquerait d’être soumis à la torture ou tué en raison de sa conversion au christianisme, en novembre 2013. Le requérant a également contesté l’appréciation faite par les autorités suédoises de la sincérité de sa conversion et la pertinence de cette appréciation pour établir un risque de violation de l’article 3. Le Comité constate toutefois que les motifs pour lesquels le requérant demandait l’asile étaient initialement tirés des activités passées de celui-ci en Afghanistan, à savoir la distribution de documents sur la Bible, et qu’il n’a invoqué sa conversion au christianisme devant les autorités suédoises qu’en janvier 2014. À ce propos, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il était nécessaire de déterminer le degré de sincérité de la conversion du requérant pour savoir si celui-ci avait l’intention de vivre en tant que converti en Afghanistan, et par conséquent pour apprécier le risque de persécution encouru en cas de renvoi. Cette appréciation revêtait une importance particulière compte tenu des circonstances dans lesquelles la conversion avait eu lieu, c’est-à-dire alors qu’une procédure d’asile était en cours.

7.5Le Comité prend note des éléments suivants mis en avant par l’État partie : ce n’est que le 1er octobre 2014, quand il formé recours contre le jugement du tribunal de l’immigration, que le requérant a déclaré qu’il s’était posé des questions sur l’islam dès l’âge de 14 ans, alors qu’il avait eu plus tôt plusieurs occasions d’évoquer ce sujet ; bien que le requérant ait une certaine instruction, ses réponses concernant les raisons de sa conversion et les changements que sa nouvelle religion avait apportés dans sa vie étaient très vagues ; l’intéressé n’a pas exprimé son intention de vivre en Afghanistan en tant que converti ; il n’existait aucune raison ni preuve donnant à penser que sa conversion avait été portée à l’attention des autorités afghanes. Le Comité prend également note de ce que le requérant affirme, entre autres choses, qu’il n’a pas comparu en personne devant le tribunal de l’immigration et qu’il a habité avec d’autres Afghans qui sont rentrés en Afghanistan et qui ont appris qu’il s’était converti.

7.6Le Comité constate que le tribunal de l’immigration suédois s’est livré à un examen approfondi des allégations et éléments de preuve présentés au sujet de la conversion du requérant et de la situation générale des convertis en Afghanistan, mais en a conclu que celui-ci manquait de crédibilité pour ce qui était de la sincérité de sa conversion et que rien ne permettait de penser que les autorités afghanes en avaient eu connaissance. Le Comité constate que le requérant n’a pas apporté d’arguments convaincants pour montrer que l’appréciation faite par les autorités suédoises des faits et des preuves qu’il avait présentés était arbitraire. En outre, l’argument du requérant selon lequel les autorités afghanes ont été informées de sa conversion en Suède relève de la supposition car il ne s’appuie pas sur des faits précis. Le Comité considère par conséquent qu’aux fins de la recevabilité, le requérant n’a pas démontré qu’il courrait personnellement un risque tel qu’une violation de l’article 3 de la Convention serait commise s’il était renvoyé en Afghanistan.

7.7Le Comité conclut, conformément à l’article 22 de la Convention et à l’article 113 b) de son règlement intérieur, que la requête est manifestement dénuée de fondement.

8.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au titre de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.