Nations Unies

CCPR/C/KHM/CO/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

27 avril 2015

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Cambodge *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique du Cambodge (CCPR/C/KHM/2) à ses 3138e et 3139e séances (CCPR/C/SR.3138 et 3139), les 17 et 18 mars 2015. À sa 3157e séance (CCPR/C/SR.3157), le 31 mars 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Cambodge, même s’il accuse un retard de dix ans, et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation interministérielle de l’État partie au sujet des mesures prises au cours de la période considérée pour donner effet aux dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/KHM/Q/2/Add.1) qu’il a apportées à la liste des points à traiter, et qui ont été complétées oralement par la délégation.

Aspects positifs

Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles suivantes prises par l’État partie:

a)L’adoption, en septembre 2005, de la loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes;

b)L’adoption, en février 2008, de la loi sur l’éradication de la traite et de l’exploitation sexuelle;

c)L’adoption, en mai 2009, de la loi sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après ou son adhésion à ces instruments:

a)Le Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 30 mai 2002, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 16 juillet 2004;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 30 mars 2007;

c)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 13 octobre 2010;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 20 décembre 2012;

e)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 27 juin 2013.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte en droit interne

Le Comité note que les instruments internationaux des droits de l’homme font partie de la législation cambodgienne et sont directement applicables par les tribunaux nationaux, mais il est préoccupé par l’apparente méconnaissance des dispositions du Pacte chez les membres de l’appareil judiciaire et autres professionnels de la justice, qui fait que ces dispositions n’ont été invoquées ou appliquées par les tribunaux cambodgiens que dans un très petit nombre d’affaires (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures qui s’imposent pour sensibiliser les juges, les procureurs, les avocats et le grand public aux dispositions du Pacte afin que celles ‑ ci soient prises en compte devant les tribunaux nationaux. Le Comité engage en outre l’État partie à adhérer au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant les communications émanant de particuliers.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité constate avec satisfaction qu’un projet de loi sur la création d’une institution nationale des droits de l’homme est à l’examen mais regrette que la création de cette institution ait été si longtemps ajournée (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à créer une institution nationale des droits de l’homme indépendante conforme aux Principes des Nations Unies concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Égalité des sexes

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour renforcer la participation des femmes à la vie publique, mais s’inquiète de la faible représentation des femmes dans le monde politique et le secteur public, en particulier aux postes de responsabilité. Il s’inquiète également de la persistance des stéréotypes concernant le rôle de la femme dans la société, de l’existence d’un écart de salaire important entre les sexes et de la prépondérance de la main-d’œuvre féminine dans les emplois mal rémunérés et non qualifiés, notamment dans l’industrie du vêtement (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait renforcer les mesures visant à garantir l’égalité hommes/femmes dans tous les domaines, notamment en favorisant une mise en œuvre plus efficace de la législation et des politiques en la matière. Il devrait à cet égard poursuivre l’application de mesures intérimaires spéciales afin d’accroître la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique. Il devrait aussi redoubler d’efforts pour faire disparaître les stéréotypes sexistes, afin de faire évoluer la perception du rôle de la femme dans la société. Il devrait encore prendre des mesures concrètes en vue de réduire l’écart de salaire entre les sexes et s’attaquer à toutes les causes de cet écart.

Discrimination raciale

Le Comité note que d’après l’État partie, il n’y a pas de discrimination au Cambodge, mais demeure préoccupé par les informations faisant état de discrimination et d’actes de violence à l’égard de personnes d’origine vietnamienne (art. 2, 26 et 27).

L’État partie devrait intensifier ses efforts de lutte contre les agressions racistes dont sont victimes des personnes d’origine vietnamienne. Il devrait aussi envisager d’élaborer un plan national d’action contre la discrimination raciale.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’actes de discrimination à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), en particulier dans l’emploi et les établissements de soins. Il constate avec préoccupation l’absence de législation interdisant expressément la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (art. 2 et 26).

L’État partie devrait revoir la législation pour faire en sorte que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre soit interdite. Il devrait aussi mener des campagnes de sensibilisation afin de combattre la stigmatisation sociale dont sont victimes les LGBT.

Violence sexiste

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes sur les plans législatif et politique, mais s’inquiète du petit nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de violence sexiste. Il regrette l’absence d’informations sur les réparations accordées aux victimes de crimes sexuels commis sous le régime des Khmers rouges et sur l’évaluation des résultats du Plan d’action national pour la prévention de la violence à l’égard des femmes (2009-2012) (art. 3 et 7).

L’État partie devrait veiller à ce que les cas de violence familiale et de violence sexuelle fassent l’objet d’une enquête approfondie, que les auteurs soient poursuivis et que les victimes reçoivent une indemnisation appropriée. Il devrait également prévoir, à l’intention des membres des forces de l’ordre et de la magistrature, des cours de formation obligatoires sur l’instruction des affaires de violence sexiste, et faciliter l’accès des victimes à la justice.

Impunité des auteurs de violations graves des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que nul n’a été tenu responsable des exécutions extrajudiciaires perpétrées au Cambodge depuis les Accords de paix de Paris de 1991, dont les principaux auteurs seraient des membres de l’armée, de la police et de la gendarmerie (art. 6).

Le Comité rappelle à l’État partie (voir CCPR/C/79/Add.108 , par. 11) qu’il est tenu d’enquêter sur tous les cas de violations des droits de l’homme commises par le passé, en particulier les violations de l’article 6 du Pacte, de poursuivre les auteurs de ces actes et, s’il y a lieu, de les punir, et d’indemniser la famille des victimes.

Usage excessif de la force

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de nombreux morts et blessés, ainsi que d’un cas de disparition forcée, liés à la répression exercée par les forces de sécurité au cours de diverses manifestations qui se sont déroulées à Phnom Penh, en particulier la manifestation du 15 septembre 2013, la manifestation des ouvriers de l’industrie du vêtement du 12 novembre 2013 et les rassemblements des 2 et 3 janvier 2014. Il s’inquiète en outre de l’absence de renseignements précis et détaillés sur les enquêtes ouvertes dans le cadre de ces affaires. Il reste enfin préoccupé par le statut juridique des agents de sécurité municipaux et leur rôle dans le maintien de l’ordre lors de manifestations (art. 6, 7 et 21).

L’État partie devrait ouvrir des enquêtes sur toutes les allégations d’usage excessif de la force, en particulier la force létale, par des membres de la police et de l’armée, et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et que les victimes reçoivent une indemnisation appropriée. L’État partie devrait en outre redoubler d’efforts pour dispenser aux membres des forces de sécurité, y compris les gardes municipaux, une formation systématique sur l’usage de la force, en particulier au cours de manifestations, compte dûment tenu des Principes de base des Nations Unies relatifs au recours à la force et à l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des détenus seraient torturés et maltraités par des membres des forces de l’ordre, en particulier pendant la garde à vue et pour obtenir des aveux. Il regrette à cet égard l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements. Le Comité constate avec préoccupation que les aveux obtenus par la contrainte ou la torture ne peuvent être écartés sans éléments de preuve et que les juges les prennent en considération tant qu’il n’a pas été établi qu’ils ont été obtenus par la torture. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence d’autorité indépendante habilitée à examiner ces plaintes et de mécanisme efficace de prévention de la torture (art. 7, 10 et 14).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme de plainte indépendant chargé d’enquêter sur toutes les allégations et plaintes relatives à des actes de torture et autres mauvais traitements. Il devrait aussi faire en sorte que les auteurs présumés de ces crimes soient poursuivis et que les victimes reçoivent une indemnisation appropriée. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les aveux obtenus par la torture ou d’autres mauvais traitements soient dans tous les cas irrecevables devant les tribunaux, conformément à sa législation et à l’article 14 du Pacte. L’État partie devrait en outre établir ou désigner, le plus rapidement possible, un mécanisme national de prévention de la torture, comme le prévoit le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Conditions de détention

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention dans les prisons mais constate avec préoccupation que la surpopulation, l’insuffisance des services de santé, notamment l’absence d’installations destinées aux détenus souffrant de problèmes de santé mentale, et les rares possibilités d’exercice quotidien en plein air continuent de poser problème. Il est également préoccupé par les allégations de corruption dans les établissements pénitentiaires. Le Comité s’inquiète de la durée excessive de la détention avant jugement et du maintien en détention arbitraire de détenus qui ont déjà purgé leur peine au motif que le jugement définitif n’a pas été communiqué aux autorités pénitentiaires (art. 9 et 10).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces pour réduire la surpopulation carcérale et garantir des conditions de détention qui respectent la dignité des détenus, conformément à l’article 10 du Pacte. Il devrait également faire en sorte que des enquêtes indépendantes soient ouvertes sans délai sur les agents de l’État responsables de la corruption dans le système pénitentiaire. L’État partie devrait aussi veiller à ce que les prévenus ne soient maintenus en détention que si c’est rigoureusement nécessaire et mettre en place des mesures de substitution à l’emprisonnement. Il devrait prendre des mesures urgentes afin que les décisions définitives des tribunaux soient communiquées aux autorités pénitentiaires et aux personnes concernées.

Enfants en conflit avec la loi

Le Comité prend note des informations fournies par la délégation concernant l’état d’avancement du projet de loi sur la justice des mineurs, mais est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de système de justice pour mineurs et que les enfants sont souvent soumis aux mêmes procédures que les adultes. Il est aussi préoccupé par l’absence de mesures qui garantiraient que les mineurs en détention soient séparés des adultes (art. 10, 14 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures pour établir un système complet de justice pour mineurs afin de garantir que les mineurs soient traités d’une manière adaptée à leur âge. Il devrait aussi veiller à assurer la séparation stricte des mineurs et des adultes dans les lieux de détention, conformément aux normes internationales.

Arrestation et détention arbitraires

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires de sans-abri, de mendiants, de toxicomanes, d’enfants des rues et de travailleurs du sexe dans des centres de «protection sociale», de réadaptation pour mineurs et de désintoxication. Il est particulièrement alarmé par les allégations de torture, de mauvais traitements et d’autres actes de violence commis par le personnel qui travaille dans ces institutions (art. 7, 9 et 10).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires de sans-abri, de mendiants, de toxicomanes, d’enfants des rues et de travailleurs du sexe. Les cas de torture et de mauvais traitements devraient faire l’objet d’enquêtes et, s’ils sont avérés, de poursuites et de sanctions.

Accès à un conseil

Le Comité note avec inquiétude qu’en vertu du Code de procédure pénale, ceux qui sont arrêtés et placés en garde à vue n’ont accès à un conseil qu’au bout de vingt-quatre heures. Il est aussi préoccupé par la pénurie de conseils, en particulier dans les provinces reculées, et par l’accès limité à l’aide juridictionnelle des personnes accusées d’une infraction pénale. Le Comité fait observer que l’impossibilité d’avoir accès à un conseil en pareils cas peut grandement contribuer à favoriser les cas de torture et de mauvais traitements sur les personnes placées en garde à vue (art. 9 et 14).

L’État partie devrait faire en sorte que tous les aspects de ses lois et pratiques concernant la détention avant jugement soient conformes aux prescriptions des articles 9 et 14 du Pacte, conformément à l’Observation générale n o 32 (2007) sur le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, et à l’Observation générale n o 35 (2014) sur le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, notamment en permettant aux personnes accusées d’une infraction pénale d’avoir immédiatement accès à un conseil dès le début de leur privation de liberté. L’accès à un conseil devrait être garanti à tous les stades de la procédure pénale.

Traite des êtres humains

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour combattre la traite des êtres humains mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles le nombre d’enquêtes et de condamnations est faible, ainsi que par l’absence de données faisant autorité sur les cas de traite (art. 8).

L’État partie devrait intensifier et mieux coordonner ses efforts pour combattre la traite des êtres humains et devrait aussi étudier la possibilité de créer un organisme central chargé de la lutte contre la traite, en menant systématiquement des enquêtes approfondies et en poursuivant en justice les trafiquants. L’État partie devrait aussi garantir aux victimes une protection, une indemnisation et une réparation adéquates, y compris des services de réadaptation.

Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des hauts fonctionnaires de l’État partie ont fait à plusieurs reprises des déclarations qui portaient atteinte au fonctionnement et à l’indépendance des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), et par le fait que ces déclarations montrent la réticence de l’État partie à engager de nouvelles poursuites à l’encontre d’autres personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes sous le régime des Khmers rouges. À cet égard, le Comité prend note de la réponse de l’État partie selon laquelle il n’était pas intervenu dans les procédures judiciaires des CETC et accueille avec satisfaction les assurances fournies au cours du dialogue selon lesquelles il n’interviendrait pas non plus à l’avenir (art. 14).

L’État partie devrait prendre des mesures pour protéger la pleine indépendance des CETC et coopérer avec celles-ci dans l’exercice de leurs fonctions.

Indépendance de l’appareil judiciaire

Le Comité est préoccupé par l’absence d’appareil judiciaire indépendant et impartial et regrette les nombreuses allégations de corruption au sein de cet appareil. Il note avec inquiétude que les lois sur l’organisation des tribunaux, le statut des juges et des procureurs ainsi que l’organisation et le fonctionnement du Conseil suprême de la magistrature, adoptées en 2014, n’établissent pas des garanties suffisantes pour assurer l’indépendance de l’appareil judiciaire (art. 14).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour garantir et protéger les pleines indépendance et impartialité de l’appareil judiciaire, et faire en sorte qu’il puisse agir sans subir de pressions ni d’ingérence de la part du pouvoir exécutif. L’État partie devrait procéder au réexamen des trois lois relatives à l’appareil judiciaire afin de réduire les compétences du Ministère de la justice et de renforcer l’indépendance de cet appareil.

Liberté d’expression et d’association

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de meurtres de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile. Il est aussi préoccupé par les informations faisant état d’actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de syndicalistes, de militants écologistes et d’autres acteurs de la société civile, ainsi que de membres de l’opposition politique, qui continuent d’être poursuivis en justice pour leurs activités, en particulier du fait de la pénalisation de la diffamation et d’autres infractions définies dans des termes très vagues . En outre, le Comité est préoccupé par les restrictions à la liberté d’expression imposées par la loi modifiée sur l’élection des membres de l’Assemblée nationale. Il constate avec satisfaction que les communications sur Internet et les activités des ONG n’ont relativement pas fait l’objet d’entraves dans l’État partie mais il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles un projet de loi sur la cybercriminalité et un projet de loi sur les associations et les organisations non gouvernementales (ONG) prévoiraient de restreindre les communications sur Internet et imposeraient des restrictions excessives aux ONG (art. 6, 7, 19 et 22).

L’État partie devrait veiller à ce que chacun puisse exercer librement son droit à la liberté d’expression et d’association, conformément aux articles 19 et 22 du Pacte et à l’Observation générale n o 34 (2011) du Comité sur les libertés d’opinion et d’expression. Ce faisant, l’État partie devrait:

a) Agir immédiatement en vue de faire procéder à des enquêtes sur les plaintes pour meurtre et fournir une protection efficace aux journalistes, aux défenseurs des droits de l’homme et aux autres acteurs de la société civile qui font l’objet d’actes d’intimidation et de violence en raison de leurs activités professionnelles;

b) S’abstenir de poursuivre en justice des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile pour les dissuader ou les décourager d’exp rimer librement leurs opinions;

c) Envisager de dépénaliser la diffamation et rendre toutes autres dispositions pertinentes du Code pénal conformes à l’article 19 du Pacte;

d) Réexaminer ses lois en vigueur et ses projets de loi, notamment ceux portant sur la cybercriminalité et les associations et organisations non gouvernementales, afin d’éviter l’emploi de termes vagues et les restrictions trop générales, et veiller à ce que les restrictions à l’exercice de la liberté d’expression et d’association soient conformes aux prescriptions strictes du paragraphe 3 de l’article 19 et de l’article 22 du Pacte.

Droit à la liberté de réunion pacifique

Le Comité est préoccupé par les informations de plus en plus nombreuses faisant état d’arrestations arbitraires de manifestants et de la pratique consistant à exiger d’eux de signer avec leurs empreintes digitales des documents dans lesquels ils s’engagent à ne plus manifester (art. 21).

L’État partie devrait s’assurer que la loi relative aux manifestations pacifiques est appliquée conformément au Pacte. Il devrait aussi s’assurer que l’exercice du droit de réunion pacifique ne fait pas l’objet de restrictions autres que celles autorisées en vertu du Pacte.

Droit au mariage et égalité des époux

Le Comité note avec préoccupation que selon l’article 950 du Code civil, une femme ne peut contracter à nouveau mariage qu’à l’issue d’un délai de cent vingt jours à compter de la dissolution ou de l’annulation de son mariage précédent. Il est aussi préoccupé par une directive publiée par le Ministère des affaires étrangères, qui restreint le droit au mariage des hommes étrangers avec des Cambodgiennes en fonction de l’âge et du revenu de l’homme (art. 3, 23 et 26).

L’État partie devrait abroger les dispositions qui constituent une discrimination fondée sur le sexe, l’âge et le revenu pour ce qui est du mariage.

Châtiments corporels

Le Comité constate que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles et le système pénal mais qu’ils demeurent autorisés dans la famille, où ils continuent d’être traditionnellement acceptés et pratiqués comme forme de discipline par les parents et les tuteurs (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes, y compris, si nécessaire, d’ordre législatif, pour mettre fin à la pratique des châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager le recours à des formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels et mener des campagnes d’information pour faire mieux connaître les effets dommageables de cette pratique.

Participation aux affaires publiques

Le Comité constate avec inquiétude que les deux lois modifiées sur la Commission électorale nationale et l’élection des membres de l’Assemblée nationale ont été adoptées le 19 mars 2015 sans véritables consultations, comme cela avait déjà été le cas avec les trois lois fondamentales sur l’appareil judiciaire adoptées en mai 2014. Tout en prenant note de l’intention de l’État partie d’adopter la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales, le Comité constate avec préoccupation le manque de transparence du processus législatif dans l’État partie, contraire à ce que prévoit l’article 25 du Pacte (art. 25).

L’État partie devrait garantir la transparence du processus législatif et envisager de rendre publics tous les projets de loi pour faciliter le débat et le dialogue entre les citoyens et leurs représentants, compte tenu de l’Observation générale n o 25 (1996) du Comité sur le droit de participer aux affaires publiques, de voter et d’être élu, et le droit d’accéder aux fonctions publiques.

Droit de vote

Le Comité estime que la privation de l’exercice de tous les droits électoraux des détenus condamnés ne répond pas aux prescriptions du paragraphe 3 de l’article 10, lu conjointement avec l’article 25 du Pacte. Le Comité est aussi préoccupé par les restrictions appliquées au droit de vote des personnes présentant un handicap psychosocial (art. 2, 10, 25 et 26).

L’État partie devrait revoir sa législation privant du droit de vote tous les détenus condamnés en s’appuyant sur le paragraphe 14 de l’Observation générale n o 25 (1996) sur l’article 25 du Pacte (participation aux affaires publiques et droit de vote). Il devrait veiller aussi à ce que sa législation n’établisse pas de discrimination à l’égard des personnes présentant un handicap psychosocial en les privant du droit de vote pour des raisons qui sont disproportionnées ou n’ont pas de rapport raisonnable ou objectif avec leur aptitude à voter, compte tenu de l’article 25 du Pacte .

Apatridie

Le Comité est préoccupé par la situation des Khmers Krom et des Vietnamiens de souche qui résident dans le pays depuis plusieurs générations et qui sont restés apatrides ou ne peuvent pas posséder des documents d’identité cambodgiens. Le Comité est en outre préoccupé par l’insuffisance des garanties visant à faire en sorte que les enfants nés au Cambodge, qui seraient autrement apatrides, obtiennent la nationalité cambodgienne et aient accès à des documents d’identité (art. 2, 24 et 26).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine jouissance des droits consacrés par le Pacte à tous les résidents, y compris les apatrides. Il devrait aussi faciliter l’accès à des documents d’identité. En outre, l’État partie devrait garantir le droit des enfants apatrides, nés sur le territoire cambodgien de parents apatrides, d’obtenir une nationalité.

Droits des personnes appartenant à une minorité

Tout en prenant note du cadre juridique en vigueur, le Comité demeure préoccupé de ce que les peuples autochtones ne sont pas suffisamment consultés lors de la prise de décisions concernant des questions qui ont une incidence sur leurs droits, notamment la gestion de leurs terres communautaires et l’attribution de terres aux exploitations minières et au secteur agro-industriel. À cet égard, des concessions sur les terres qu’ils revendiquent continuent d’être accordées à des fins d’utilisation privée. Le Comité prend note aussi avec préoccupation des informations selon lesquelles les peuples autochtones qui coopèrent avec le Gouvernement pour protéger leurs droits se heurtent à d’importants obstacles d’ordre pratique.

L’État partie devrait établir un mécanisme de consultation efficace et veiller à consulter véritablement les peuples autochtones lors de la prise de décisions dans tous les domaines qui ont une incidence sur leurs droits.

Diffusion d’informations relatives au Pacte

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son deuxième rapport périodique, des réponses écrites à la liste de points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales, auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des ONG présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements pertinents sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11, 13 et 21 .

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 2 avril 2019, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée à toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande aussi à l’État partie de consulter largement la société civile et les ONG présentes dans le pays lorsqu’il établira son prochain rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce rapport ne devra pas compter plus de 21 200 mots.