Quarantième session

14 janvier-1er février 2008

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Maroc

Le Comité a examiné le rapport unique du Maroc valant troisième et quatrième rapports périodiques (CEDAW/C/MAR/4), à ses 825e et 826e séances, le 24 janvier 2008 (voir CEDAW/C/SR.825 et 826). La liste des questions soulevées par le Comité figure dans le document CEDAW/C/MAR/Q/4, et les réponses apportées par le Gouvernement marocain dans le document CEDAW/C/MAR/Q/4/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie d’avoir présenté dans les délais voulus son rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques mais, bien qu’en règle générale le document ait été établi selon les directives qu’il a énoncées (HRI/GEN/2/Rev.1/Add.2), il regrette qu’il ne contienne pas des informations claires et précises sur la mise en œuvre de chacune des recommandations formulées dans ses précédentes observations finales. Il prend acte de la réponse écrite apportée par l’État partie à la liste de questions soulevées par le groupe de travail d’avant-session mais déplore le fait que certaines questions soient demeurées sans réponse.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau dirigée par la Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité et composée de représentants de divers ministères. Il félicite l’État partie pour la qualité de son exposé liminaire et pour le dialogue à la fois franc et constructif qui s’est noué entre la délégation et les membres du Comité, qui ont donné des indications précises sur la situation des femmes au Maroc et l’état de mise en œuvre de la Convention.

Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction du travail accompli par la Commission royale sur le Code de statut personnel et félicite l’État partie pour les importantes réformes législatives qu’il a engagées dans le domaine des droits de l’homme et plus particulièrement en vue d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes, notamment l’adoption du Code de la famille, de la loi régissant la nationalité, de la loi régissant l’état civil, du Code du travail et du Code de procédure pénale et la modification du Code pénal.

Le Comité exprime sa satisfaction devant la ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, publiée au Bulletin officiel en février 2004, et la publication des deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant en mars 2004, étant donné que ces instruments internationaux concernent également les droits fondamentaux des femmes et des filles.

Le Comité prend note avec satisfaction de la réorganisation du Conseil consultatif des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris, de l’instauration de la fonction de Diwan Al Madhalim, médiateur chargé d’examiner les plaintes contre l’administration publique, et de la création de l’Instance équité et réconciliation, chargée d’examiner les violations graves des droits de l’homme commises par le passé, ces instruments et organes concourant également à la protection des droits fondamentaux des femmes.

Le Comité se félicite que l’État partie ait élaboré divers plans et programmes et pris d’autres initiatives visant à faire respecter les droits de l’homme à l’échelon national et salue en particulier les mesures adoptées dans le domaine des droits des femmes, telles que les stratégies nationales pour l’équité et l’égalité entre les sexes sur les migrations, pour la généralisation de l’éducation de base et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

Le Comité exprime également sa satisfaction devant la signature, en 2007, d’un accord de coopération entre l’État partie et le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés aux fins de la mise en œuvre d’une stratégie nationale relative aux réfugiés.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant l’obligation qui incombe à l’État partie d’appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention, le Comité estime que les sujets de préoccupation et recommandations figurant dans les présentes observations finales doivent faire l’objet d’une attention prioritaire de la part de l’État partie jusqu’à la soumission du prochain rapport périodique. Il appelle, par conséquent, l’État partie à axer ses activités de mise en œuvre sur ces questions et à faire rapport sur les mesures prises et les résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il appelle également le Maroc à soumettre les présentes observations finales à tous les ministères compétents, au Parlement et aux autorités judiciaires afin d’en assurer l’application pleine et entière. Il encourage l’État partie à poursuivre ses réformes en concertation avec la société civile, en particulier les organisations de femmes.

Le Comité reste préoccupé par le fait que, tout en garantissant l’égalité devant la loi, la Constitution ne consacre pas le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et que la législation de l’État partie ne contient pas de définition explicite du principe d’égalité entre les femmes et les hommes ni de la discrimination sexiste.

Afin d’appliquer la Convention dans son intégralité, le Comité exhorte l’État partie à incorporer le principe d’égalité des sexes dans sa C onstitution ou dans les autres dispositions de son droit interne, conformément à l’alinéa a) de l’article 2 de la Convention, et à inscrire explicitement la définition de la discrimination figurant à l’article premier de la Convention dans sa législation nationale. Il lui demande de promulguer et de faire appliquer une loi générale relative à l’égalité des sexes, qui aurait une valeur contraignante dans les secteurs public comme privé, et de faire connaître aux femmes les droits qui sont les leurs en vertu de ces textes. Il lui recommande également de prévoir des procédures précises pour le dépôt des plaintes pour discrimination à l’égard des femmes, des sanctions correspondant à ces actes de discrimination et des voies de recours efficaces pour les femmes dont les droits ont été bafoués.

Tout en notant que certains instruments internationaux, ratifiés au niveau interne et publiés au Bulletin officiel de l’État partie, sont supérieurs à la législation interne en cas de conflit, comme en attestent les décisions de la Cour suprême, et qu’un certain nombre de textes contiennent des dispositions sur la primauté du droit international, le Comité reste préoccupé par le manque de clarté quant au statut des instruments internationaux, dont la Convention, au regard du droit interne.

Le Comité recommande à l’État partie de définir clairement le statut des conventions internationales dans son cadre législatif interne, en garantissant la primauté des instruments internationaux, dont la Convention, sur la législation nationale et de veiller à ce que les dispositions de son droit interne soient conformes à ces instruments. Il lui recommande également de diffuser largement le texte de la Convention et de ses propres recommandations générales auprès de toutes les parties prenantes, y compris les ministères, les parlementaires, les autorités judiciaires, les partis politiques, les organisations non gouvernementales, le secteur privé et le public en général.

Tout en notant que l’État partie a annoncé publiquement en mars 2006, ainsi que durant son dialogue avec le Comité, qu’il entendait lever les réserves qu’il avait émises concernant les paragraphes 2 de l’article 9 et 1 e) et 2 de l’article 16, et en prenant acte de la déclaration qu’il avait formulée à propos du paragraphe 4 de l’article 15, le Comité déplore que la levée de ces réserves et le retrait de la déclaration n’aient pas été officiellement communiqués au dépositaire de la Convention.

Le Comité engage l’État partie à notifier, dans les meilleurs délais, au Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire de la Convention, la levée de ces réserves et déclarations. Il l’invite à continuer de prendre les mesures voulues pour lever toutes ses déclarations et réserves au sujet des articles 2 et 16 de la Convention, qui, à son avis, sont contraires à l’objet et au but de la Convention, afin que les Marocaines puissent se prévaloir de toutes les dispositions de la Convention.

Tout en félicitant l’État partie pour les réformes législatives qu’il a engagées et les programmes de sensibilisation aux droits fondamentaux des femmes qu’il a lancés, le Comité note avec préoccupation que les nouveaux textes législatifs adoptés, comme le Code de la famille, sont encore méconnus, surtout des membres du pouvoir judiciaire, et ne sont pas appliqués dans toutes les régions du pays.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses campagnes de sensibilisation et la formation relative à la nouvelle législation, ainsi qu’aux dispositions de la Convention, qu’il dispense à l’intention des procureurs, des avocats et des magistrats, de façon à ancrer dans le pays une culture juridique favorisant l’égalité des sexes et la non-discrimination. Il l’invite également à faire mieux connaître leurs droits aux femmes en mettant en place des programmes de vulgarisation et une assistance juridiques s’inscrivant dans la durée. Il lui demande de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés concernant les voies de recours disponibles en cas de discrimination, les affaires de discrimination portées devant le Médiateur et les tribunaux et les suites qui leur sont données.

Le Comité se déclare préoccupé par la persistance de pratiques traditionnelles discriminatoires et de stéréotypes bien ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société. Ces stéréotypes constituent un obstacle important à la mise en œuvre de la Convention et sont l’une des principales causes de la position défavorisée qu’occupent les femmes dans tous les domaines, notamment sur le marché de l’emploi, sur la scène politique et dans la vie publique, ce qui les empêche d’exercer pleinement leurs droits et entrave l’application intégrale de la Convention. Le Comité est particulièrement préoccupé par le rôle que jouent les médias dans le maintien de ces stéréotypes.

Le Comité encourage l’État partie à s’attaquer aux stéréotypes concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société, notamment les schémas et normes cachés qui perpétuent la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes et des filles dans tous les domaines de la vie. Il lui demande de redoubler d’efforts dans la conception et l’application de programmes complets de sensibilisation visant à favoriser une meilleure compréhension de l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les échelons de la société afin de modifier les comportements stéréotypés et les normes culturelles négatives relatives au rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, conformément à l’article 5 a) de la Convention. Il lui recommande aussi d’inciter les médias à donner une image favorable des femmes et à promouvoir l’égalité de statut et de responsabilités des femmes et des hommes dans la société.

Tout en se félicitant des mesures adoptées en vue de lutter contre la violence dans la famille et la violence à l’égard des femmes, telles que la mise en place, en 2002, d’une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, élaborée en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population, le Programme des Nations Unies pour le développement et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, la création d’un « numéro vert » national au profit des femmes et jeunes filles victimes de violence et la nomination de « points focaux genre » à la Direction de la police judiciaire, le Comité demeure vivement préoccupé par l’absence de lois visant expressément la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment la violence dans la famille et la violence à l’égard des employées de maison.

Le Comité exhorte l’État partie à promulguer au plus vite, conformément à sa recommandation générale n o 19, une législation visant la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment la violence dans la famille, pour ériger en infraction pénale toutes les formes de violence à l’égard des femmes et veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violence aient immédiatement accès à des moyens de protection, y compris à des foyers d’accueil, et puissent obtenir réparation et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis comme il convient. Il lui demande de modifier sans plus tarder le Code pénal pour criminaliser le viol conjugal et s’assurer que les auteurs de viols n’échappent pas aux poursuites pénales quand ils épousent leur victime. Il lui recommande aussi d’entreprendre des études sur les causes et l’ampleur de la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence sexuelle et la violence dans la famille. Il lui demande de recueillir des données ventilées sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes, de présenter, dans son prochain rapport, des informations sur les lois et politiques en vigueur visant à lutter contre ces violences et de rendre compte des effets des mesures prises. Il invite instamment l’État partie à adopter des mesures de protection des employées de maison et à veiller au respect de la législation relative au travail des enfants, afin de protéger les filles contre les formes multiples de discrimination.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle, notamment des femmes et des filles, ni sur les mesures concrètes adoptées pour lutter contre ces phénomènes.

Le Comité prie instamment l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, notamment d es femmes et d es filles, et d’enquêter de manière approfondie sur les affaires de ce tte nature , conformément à l’article 6 de la Convention et à sa recommandation générale n o 19. Il l ’ invite aussi instamment à renforcer l a coopération internationale visant à lutter contre la traite, à engager des poursuites contre les trafiquants , à leur infliger des peines proportionnelles à la gravité des crimes qu’ils commettent , et à protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles victimes de l’exploitation et de la traite, en prenant notamment des mesures pour leur ré adaptation et leur ré intégration sociale. Il lui d emande de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Il l’ engage également à lui communiquer, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur la traite et l’exploitation.

Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour accroître la participation des femmes à la vie politique et en se félicitant des résultats obtenus à cet égard, notamment la nomination de sept femmes ministres qui siègent actuellement au Gouvernement de même que la détermination et le dynamisme dont ont fait montre plusieurs partis politiques et qui ont abouti à l’élection de 30 femmes (soit 10,7 % des députés) à la Chambre des représentants lors du scrutin de septembre 2002, le Comité demeure préoccupé par la très faible proportion de femmes occupant des postes de responsabilité dans tous les domaines, notamment à la Chambre des conseillers (1,1 %), dans les municipalités (0,53 %), dans les secteurs public et privé, dans l’appareil judiciaire, au Ministère des affaires étrangères et dans les milieux universitaires.

Le Comité recommande à l’État partie, plutôt que de s’en remettre aux engagements moraux ponctuels des partis politiques, de prendre des dispositions législatives efficaces et s’inscrivant dans la durée pour accroître la représentation des femmes à tous les niveaux de la vie politique , y compris des mesures temporaires spéciales , en application du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Pour accroître plus rapidement la représentation des femmes, il l’engage à instituer des quotas pour les candidates aux élections municipales de 2009 et à adopter des mesures temporaires spéciales qui permettent d’accroître la représentation des femmes aux postes de prise de décision s dans tou s les domaines d’activité. Il l’engage également à lancer des campagnes d’information pour attirer l’attention sur l’importance de la participation des femmes à la prise de décisions dans l’ensemble de la société, y compris dans les secteurs public et privé.

Tout en prenant acte de la stratégie nationale de l’éducation dont s’est doté l’État partie et des progrès accomplis dans ce domaine, le Comité constate avec inquiétude que les taux d’analphabétisme demeurent très élevés chez les femmes et les filles, notamment en milieu rural, ce qui constitue un net indice de discrimination indirecte aux termes de l’article 10 de la Convention. Il note avec préoccupation le taux élevé d’abandon scolaire parmi les filles ainsi que les difficultés de scolarisation auxquelles se heurtent celles qui sont employées de maison.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour garantir l’accès des femmes et des filles à tous les niveaux d’éducation. Ces mesures pourront porter sur les cantines, l’internat, les installations sanitaires, l’eau et l’électricité, qui ont un impact direct sur l’accès à l’éducation, notamment en milieu rural. Le Comité recommande également à l’État partie d’adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité, afin d’assurer la scolarisation régulière et continue des filles. Il invite l’État partie à poursuivre ses efforts visant à améliorer le niveau d’alphabétisation des femmes et des filles grâce à l’adoption de programmes complets d’enseignement scolaire et extrascolaire, d’éducation des adultes et de formation et à mettre l’accent sur le recrutement et la formation d’enseignants supplémentaires, l’élaboration de matériel pédagogique intégrant la problématique hommes-femmes et le suivi et l’évaluation des progrès réalisés par rapport à des objectifs assortis de délais. Le Comité recommande qu’une attention particulière soit portée aux jeunes filles employées de maison, afin de s’assurer qu’il ne s’agit pas de mineures de moins de 15 ans et qu’elles ont pu poursuivre leur scolarité au moins jusqu’à cet âge. Le Comité invite l’État partie à sensibiliser l’opinion à l’importance de l’éducation en tant que droit fondamental et condition de l’autonomisation des femmes et à prendre des mesures pour modifier les attitudes traditionnelles qui tendent à perpétuer la discrimination.

Le Comité s’inquiète vivement des possibilités limitées qui s’offrent aux femmes sur le marché de l’emploi, du très grand nombre parmi elles qui occupent des emplois peu qualifiés et faiblement payés, des mauvaises conditions de travail, de la ségrégation par profession et de l’écart persistant entre les salaires aussi bien dans le secteur public que privé. Il s’inquiète aussi du nombre élevé de femmes travaillant dans le secteur informel où elles n’ont aucune protection sociale. Il note en outre que le Code du travail n’est pas bien appliqué, qu’il exclut les employées de maison, les privant de ce fait d’une protection sociale essentielle.

Le Comité invite l’État partie à considérer comme prioritaire la réalisation de l’égalité de facto avec les homme s sur le marché de l’emploi, afin d’appliquer intégralement l’article 11 de la Convention. Le Comité prie également l’État partie de renforcer les mesures d’inspection pour assurer une meilleure application d e la législation du travail, de prendre des mesures volontaristes pour élimi n er la ségrégation par profession, tant horizontale que verticale, et de combler l’écart salarial entre hommes et femmes . Le Comité invite l’État partie à promulguer rapidement la législation voulue pour réglementer l’emploi des travailleuses domestiques et d’adopter une politique d’emploi soucieuse de l’égalité entre les sexes pour réglementer le travail des femmes dans le secteur informel et améliorer leur accès aux emplois dans le secteur formel.

Le Comité s’inquiète du taux élevé de mortalité infantile et maternelle dans l’État partie, de l’accès limité aux services de santé et de planification familiale et de la fréquence des avortements clandestins qui mettent en danger la santé des femmes.

Le Comité invite l’État partie à améliorer l’accès des femmes aux soins de santé primaires, notamment pour ce qui est de la santé procréative et des moyens de planification de la famille. Dans l’esprit de sa recommandation générale 24, le Comité recommande également à l’État partie de multiplier les campagnes de sensibilisation à l’importance des soins de santé, en y incluant des informations sur la propagation des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida ainsi que sur la prévention des grossesses non désirées grâce à la planification familiale et à l’éducation sexuelle.

Le Comité s’inquiète tout particulièrement de la situation des femmes rurales, de leur faible participation aux processus de prise de décisions et de leurs difficultés d’accès aux soins de santé, aux services publics, à l’éducation, à la justice, à l’eau et à l’électricité, qui font gravement obstacle à la réalisation de leurs droits sociaux, économiques et culturels. Il s’inquiète également de l’absence de données sur la situation de facto des femmes rurales.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, pour s’assurer que les femmes rurales jouissent de leurs droits politiques, sociaux, économiques et culturels sans aucune discrimination, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à la santé. Il recommande également que les femmes participent pleinement à la formulation et à l’exécution de toutes les politiques et de tous les programmes sectoriels.

Tout en sachant que le Code de la famille, qui est entré en vigueur en février 2004, a fixé à 18 ans, pour les femmes comme pour les hommes, l’âge minimum pour se marier, le Comité s’inquiète néanmoins de ce qu’un juge peut autoriser un mariage avant cet âge, dans des circonstances où aucune des conditions obligatoires fixées par la loi ne sont remplies, pas même l’âge minimum. Il s’inquiète également de la fréquence de telles exceptions et du fait que la grande majorité de ces autorisations concerne des jeunes filles, dont certaines ont tout juste 13 ans.

Le Comité invite l’État partie à veiller à la stricte application de l’âge minimum fixé dans le Code de la famille. Il lui recommande également de modifier le Code afin que le mariage d’enfants ne puisse être autorisé que dans des conditions juridiques contraignantes, strictes et exceptionnelles.

Le Comité s’inquiète également de ce que le Code de la famille maintient l’institution de la polygamie, même si celle-ci est soumise à l’autorisation d’un juge et limitée à des cas exceptionnels.

Compte tenu de sa recommandation générale 21, le Comité invite l’État partie à modifier son Code de la famille afin d’interdire la polygamie, institution qui contrevient au droit des femmes à l’égalité avec les hommes. Il exhorte en outre l’État partie à éliminer du Code toute autre trace de discrimination à l’égard des femmes.

Tout en appréciant les réformes importantes opérées dans la législation de l’État partie, le Comité note avec préoccupation qu’il subsiste certaines dispositions discriminatoires qui contreviennent encore au droit des femmes à l’égalité concernant les questions des biens acquis pendant le mariage, du divorce, de la garde et de la tutelle des enfants et de la succession. Le Comité note également que le régime de propriété au sein du mariage est celui de la séparation des biens, qui implique bien souvent une discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité demande à l’État partie d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes dans le mariage et en cas de dissolution du mariage, en donnant aux femmes des droits égaux dans le mariage et dans les relations familiales. Le Comité prie l ’État partie de modifier sans délai toutes les dispositions du Code de la famille discriminatoires à l’égard des femmes, notamment celles portant sur le divorce, la garde et la tutelle des enfants et la succession. Il demande en outre à l’État partie de promulguer des dispositions législatives pour faire en sorte qu’en cas de dissolution du mariage, les femmes aient des droits égaux sur les biens acquis pendant le mariage, conformément à l’alinéa h) du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention et à la recommandation générale 21 du Comité. Le Comité encourage l’État partie à opérer ces modifications en consultation avec des organisations féminines.

Tout en notant avec satisfaction une amélioration du statut personnel des femmes dans l’État partie, notamment le fait que tout enfant né d’une Marocaine, au Maroc ou à l’étranger, peut obtenir la nationalité de sa mère, le Comité s’inquiète toutefois de diverses formes de discrimination dans ce domaine, comme le fait que le conjoint étranger d’une Marocaine ne peut pas acquérir la nationalité marocaine dans des circonstances où l’épouse non marocaine d’un Marocain pourrait le faire et le fait qu’une Marocaine qui acquiert la nationalité de son conjoint étranger perd sa nationalité marocaine.

Le Comité prie l’État partie de modifier sans délai toute disposition du Code de la nationalité portant atteinte aux droits des femmes afin d e l ’harmoniser avec la Convention et l’ invite à s’acquitter de cette tâche en consultation avec des organisations féminines.

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il déploie pour intégrer l’égalité des sexes dans ses politiques et programmes nationaux et pour réduire la pauvreté grâce à l’Initiative nationale pour le développement humain. Il demeure préoccupé, toutefois, par la persistance de la pauvreté parmi les femmes.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures, dans le cadre de ses efforts d’intégration de la problématique hommes-femmes et de son Initiative nationale pour le développement humain, pour remédier à la vulnérabilité des femmes démunies, notamment en garantissant leur représentation dans les instances participatives qui gèrent les programmes de réduction de la pauvreté. Il exhorte l’État partie à recourir à cet effet à des mesures temporaires spéciales au titre du paragraphe 1 de l’article 4.

Le Comité s’inquiète de la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile dans l’État partie, dans la mesure où leur nombre ne cesse d’augmenter depuis que le Maroc est devenu un pays de destination, et pas seulement un pays d’origine et de transit, des migrants. Le Comité s’inquiète tout particulièrement de leurs possibilités d’accès au marché du travail, aux services de santé, à l’éducation et aux services sociaux, notamment pour ce qui est des femmes et des filles, ainsi que de leur exposition à des actes de violence à caractère sexuel notamment.

Le Comité invite l’État partie à continuer à renforcer sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ( HCR ) et à adopter une législation nationale relative aux réfugiés qui soit conforme à la Convention relative au statut des réfugiés et à son Protocole. Il recommande à l’État partie de permettre à ces réfugiés et demandeurs d’asile de bénéficier des services publics, d’octroyer des permis de travail à ceux d’entre eux qui sont en situation régulière et à garantir leur droit à la sécurité notamment en ce qui concerne les femmes et les enfants.

Le Comité engage l’État partie à améliorer la collecte et l’analyse de données statistiques et à inclure dans son prochain rapport des données statistiques sur la situation des femmes, ventilées par âge, zone de résidence urbaine ou rurale, appartenance ethnique et origine régionale, Sahara occidental compris, de façon à donner une idée claire de la situation des femmes dans l’État partie. Il invite également l’État partie à indiquer l’impact des mesures prises et les résultats obtenus en ce qui concerne l’égalité effective entre les sexes.

Le Comité engage l’État partie à signer et à ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention et à accepter la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention relatif à la durée de ses réunions.

Le Comité prie l’État partie d’associer tous les ministères et organismes publics à l’élaboration de son prochain rapport et de consulter les organisations non gouvernementales à cette occasion. Il encourage l’État partie à soumettre son rapport à l’examen de son Parlement avant de le lui présenter.

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer pleinement, pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne aussi que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe nécessairement par l’application intégrale de la Convention. Il demande que le principe de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans toutes les initiatives visant à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et prie l’État partie d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne que l’adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement marocain à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées dans l’État partie pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration et les responsables politiques, soit au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et sache quelles mesures restent à prendre à cet égard. Il demande également au Gouvernement de diffuser largement, surtout auprès des associations féminines et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de son Protocole facultatif; ses propres recommandations générales; la Déclaration et le Programme d'action de Beijing; et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations dans le prochain rapport périodique qu’il présentera en application de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter dans un rapport unique, en 2014, son cinquième rapport périodique, qu’il devait soumettre en juillet 2010, et son sixième rapport périodique, prévu pour juillet 2014.