Quarante-deuxième session

20 octobre-7 novembre 2008

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Madagascar

À ses 862e et 863e séances, le 31 octobre 2008 (voir CEDAW/C/SR.862 et 863), le Comité a examiné le rapport unique valant deuxième à cinquième rapports périodiques de Madagascar (CEDAW/C/MDG/5). La liste des questions suscitées par le rapport figure dans le document CEDAW/C/MDG/Q/5 et les réponses du Gouvernement malgache dans le document CEDAW/C/MDG/Q/5/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de son rapport unique valant deuxième à cinquième rapports périodiques, mais regrette qu’il soit présenté avec beaucoup de retard, ne respecte pas pleinement les directives concernant l’élaboration des rapports périodiques, ne fasse pas référence à ses recommandations générales et ne tienne que partiellement compte de ses observations finales précédentes. Il remercie également l’État partie d’avoir répondu par écrit aux questions posées par le groupe de travail d’avant session, et d’avoir fourni des informations, par écrit également, durant l’examen du rapport.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par le Ministre de la justice et le Vice-Ministre chargé de la santé des mères et des enfants. Il le remercie également de son exposé oral, qui a donné un aperçu des avancées récentes et des difficultés rencontrées en matière de promotion de l’égalité des sexes à Madagascar, et des éclaircissements qu’il a apportés à ses questions durant le dialogue, dont il note que certaines sont toutefois restées sans réponse.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie des réformes juridiques d’envergure qu’il a engagées pour éliminer la discrimination à l’encontre des femmes et promouvoir l’égalité des sexes. Il se réjouit en particulier de l’adoption de la loi no2007-002, qui fixe à 18 ans l’âge légal du mariage pour les femmes comme pour les hommes, et de la loi no2000-021, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal relatives à la violence contre les femmes et à l’attentat à la pudeur.

Le Comité se réjouit de la création en octobre 2003, par arrêté ministériel, du Comité chargé de la rédaction des rapports initiaux et périodiques relatifs aux instruments internationaux sur les droits de l’homme, et prend note en s’en félicitant qu’il est composé de plusieurs représentants du Gouvernement au niveau ministériel, de représentants d’organisations non gouvernementales s’occupant des droits de l’homme dans les six provinces du pays et d’autres membres de la société civile.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié divers instruments internationaux, en particulier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses deux protocoles visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et à lutter contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, le 15 septembre 2005.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir accepté, en juillet 1996, la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le nombre de jours de réunion du Comité, et d’avoir signé en 2000 le protocole facultatif se rapportant à la Convention, qu’il l’encourage à ratifier dès que possible.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle l ’ obligation qu ’ a l ’ État partie de mettre en œuvre de manière systématique et continue toutes les dispositions de la Convention, et estime que les préoccupations et recommandations formulées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet d ’ une attention prioritaire de sa part jusqu ’ à la soumission du prochain rapport périodique. Par conséquent, le Comité invite l ’ État partie à axer ses activités visant à mettre en œuvre la Convention sur ces domaines jugés prioritaires et à rendre compte des mesures prises et des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il l ’ invite également à soumettre les présentes observations finales à tous les ministères compétents, au Parlement et au pouvoir judiciaire de sorte qu ’ elles soient pleinement prises en compte.

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement a la responsabilité première de la pleine observation des obligations que la Convention impose à l ’ État partie et en est comptable au premier chef, le Comité, soulignant que les dispositions de la Convention lient toutes les instances gouvernementales, invite l ’ État partie à encourager le Parlement national à prendre, s ’ il y a lieu, les mesures nécessaires, conformément à ses procédures, pour faire appliquer les présentes observations finales et en vue de l ’ établissement du prochain rapport que le Gouvernement doit prése nter au titre de la Convention.

Définition de la discrimination et applicabilité directe de la Convention

Tout en notant que la Constitution malgache garantit l’applicabilité de la Convention et sa primauté sur la législation nationale, le Comité s’inquiète de l’absence de définition explicite de la discrimination à l’encontre des femmes, conforme à l’article 1 de la Convention, interdisant la discrimination directe et indirecte, dans la Constitution ou dans la législation de l’État partie. Le Comité s’inquiète aussi du fait que l’État partie ne connaisse pas suffisamment la Convention et le concept d’égalité de fait qui y est consigné, ni ses propres recommandations générales, et ne les applique pas en tant que cadre pour toutes les lois et politiques relatives à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme. De même, il s’inquiète de ce que les dispositions de la Convention et ses propres recommandations générales ne soient pas suffisamment connues des juges, des avocats, des procureurs et des femmes elles-mêmes, comme en témoigne la rareté des décisions de justice s’y référant. Il note en outre avec préoccupation que les femmes n’utilisent pas suffisamment les voies de recours à leur disposition en cas de violation de leurs droits. Le Comité constate par ailleurs avec inquiétude que l’administration de la justice sur la base de la coutume semble ne pas être pleinement conforme aux dispositions de la Convention.

Le Comité recommande que l ’ État partie intègre dans sa Constitution ou dans tout autre acte législatif pertinent une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes englobant la discrimination directe aussi bien que la discrimination indirecte et conforme à l ’ article 1 de la Convention. Il lui recommande en outre de faire en sorte que la définition de la discrimination indirecte englobe la discrimination sexiste et les nombreuses autres formes de discrimination indirecte auxquelles les femmes peuvent être en butte. Le Comité engage l ’ État partie à prendre d ’ autres mesures pour faire en sorte que la Convention soit suffisamment connue et appliquée par l ’ État partie en tant que cadre pour toutes les lois et politiques concernant l ’ égalité des sexes et la promotion de la femme. Il l ’ invite en outre à prendre de nouvelles mesures pour mieux faire connaître la Convention et ses propres recommandations générales et à mettre en place, à l ’ intention des procureurs, des juges, des avocats et des autorités du système de justice coutumière, des programmes de formation portant sur la Convention et son application. Il recommande que des campagnes de sensibilisation et d ’ information juridique soient organisées à l ’ intention des femmes, notamment de celles vivant en milieu rural, et des organisations non gouvernementales qui défendent les intérêts des femmes afin de les encourager à utiliser les procédures et voies de recours à leur disposition en cas de violation de leurs droits.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme et institution nationale de défense des droits fondamentaux

Tout en se félicitant de la création d’un « Conseil national des droits humains », le Comité s’inquiète de ne pas avoir reçu une description claire du mécanisme national de protection des droits des femmes, de son cadre institutionnel et juridique de son statut et de son mandat ou des ressources, humaines et financières, qui lui sont allouées, en particulier dans les domaines de la prise de décisions et de l’application des lois.

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à ce que le mécanisme national de promotion de la femme soit doté de la visibilité et des pouvoirs de décision et de coordination nécessaires pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de son mandat de promotion de l ’ égalité des sexes. Il le prie également de présenter dans son prochain rapport des informations plus précises et plus détaillées sur ce mécanisme national, notamment ses pouvoirs, fonctions, attributions et ressources. Le Conseil national des droits humains ayant été chargé de la mise en œuvre de la Convention et d ’ autres traités relatifs aux droits de l ’ homme, le Comité recommande aussi que son personnel et son Conseil d ’ administration soient composés de femmes et d ’ hommes en nombre égal et qu ’ il donne aux femmes tous les moyens qui leur permettent facilement de revendiquer leurs droits.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité constate avec préoccupation l’absence de toutes mesures temporaires spéciales prises conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, visant à accélérer la réalisation d’une égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre, comme le prévoient le paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et la recommandation générale n o  25, des mesures temporaires spéciales s ’ inscrivant dans le cadre d ’ une stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation d ’ une égalité de fait entre les femmes et les hommes. Il demande à l ’ État partie d ’ envisager de recourir à tout un éventail de mesures possibles, notamment quotas, objectifs d ’ étape, buts et incitations, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre accélérée des articles 7, 8, 10, 11, 12 et 14 de la Convention.

Stéréotypes et pratiques culturelles néfastes

Le Comité est préoccupé par la persistance de coutumes, de pratiques et de traditions culturelles néfastes, ainsi que d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément enracinés concernant les rôles, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans tous les aspects de la vie. Il s’inquiète du fait que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes, comme en témoigne la situation défavorable et inégale de celles-ci dans de nombreux domaines, notamment dans la vie publique, au niveau de la prise de décisions et au sein du couple et de la famille, et la persistance de la violence dont elles font l’objet, et s’inquiète aussi que l’État partie n’ait jusqu’à présent pas pris de mesures durables et systématiques pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les valeurs et pratiques culturelles négatives.

Le Comité prie l ’ État partie de considérer que les coutumes culturelles nationales sont des aspects dynamiques de la vie et du tissu social du pays et, par conséquent, susceptibles de changer. Il lui demande instamment de mettre en place sans plus tarder une stratégie globale, comportant un volet législatif, afin de modifier ou d ’ éliminer les pratiques culturelles et les stéréotypes qui constituent une discrimination à l ’ égard des femmes conformément à l ’ alinéa f) de l ’ article 2 et à l ’ alinéa a) de l ’ article 5 de la Convention. Ces mesures doivent comprendre des activités de sensibilisation à la question qui doivent être menées en collaboration avec la société civile, s ’ adressant tant aux hommes qu ’ aux femmes, à tous les niveaux de la société, et notamment aux chefs traditionnels. Le Comité prie instamment l ’ État partie de lutter plus activement contre les coutumes et pratiques culturelles et traditionnelles néfastes, telles que le « moletry » (dot) dans le nord-ouest ou la coutume prescrivant l ’ abandon d ’ un enfant jumeau à Mananjary. Il l ’ encourage à mettre en œuvre des mesures constructives et novatrices pour mieux faire comprendre la notion d ’ égalité entre hommes et femmes et à collaborer avec les médias pour les encourager à donner une image plus positive et non stéréotypée des femmes.

Violence contre les femmes

Le Comité s’est déclaré préoccupé par la forte prévalence de la violence contre les femmes et les filles et notamment par l’ampleur de la violence familiale et des sévices sexuels, y compris les viols. Il juge également préoccupant que cette violence semble socialement admise et soit traditionnellement passée sous silence et impunie, que les victimes ne portent pas plainte par crainte de représailles et que toutes les affaires de violence ne soient donc pas signalées et que les femmes soient encouragées par le droit coutumier à quitter temporairement le domicile familial. Il est préoccupé en outre par le manque d’informations et de données ventilées par groupe d’âge en ce qui concerne toutes les formes de violence contre les femmes et par l’absence d’informations concernant la mise en œuvre de la loi no2000-21 qui érige la violence familiale et les sévices sexuels en infractions pénales. Par ailleurs, il note avec préoccupation que le viol conjugal n’est pas considéré comme une infraction pénale et que le Code criminel érige en infraction pénale uniquement les actes entraînant un dommage corporel et non la violence verbale, psychologique et économique.

Le Comité exhorte l ’ État partie à accorder une attention prioritaire à la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et à adopter des mesures de vaste portée pour combattre toutes les formes de violence dont elles sont victimes, conformément à sa recommandation générale n o 19. Il prie l ’ État partie de sensibiliser l ’ opinion publique, par l ’ intermédiaire des médias et de programmes éducatifs, au fait que toutes les formes de violence contre les femmes constituent une forme de discrimination visée par la Convention et, par conséquent, une violation des droits des femmes. Il l ’ invite à faire en sorte que la violence à l ’ égard des femmes et des filles, notamment la violence familiale, le viol conjugal et toutes les formes d ’ abus sexuels, soit érigée en infraction pénale; que les auteurs soient poursuivis en justice, punis et rééduqués; et que les femmes et les filles victimes de violences aient immédiatement accès à des moyens de recours et à une protection. Il lui demande de supprimer tous les obstacles auxquels les femmes doivent faire face pour accéder à la justice et recommande qu ’ une aide judiciaire soit fournie à toutes les victimes de violences et notamment que des services de consultation juridique supplémentaires soient mis en place dans les régions rurales ou reculées. Il recommande que l ’ on dispense aux magistrats et aux fonctionnaires, en particulier aux policiers, au personnel des services de santé et aux agents de développement communautaire, une formation qui les sensibilise à toutes les formes de violence contre les femmes et leur permette d ’ apporter aux victimes une aide adaptée à leurs besoins. Il recommande également de mettre en place des services de conseil et de créer des foyers d ’ accueil à leur intention. Il prie l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures législatives et politiques qui ont été mises en place pour lutter contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et sur l ’ impact de ces mesures, ainsi que des données sur la prévalence des diverses formes de violence contre les femmes et son évolution tendancielle, ventilées par groupe d ’ âge.

Traite et exploitation à des fins de prostitution

Tout en notant l’adoption de la loi no2007-38 qui modifie et complète les dispositions du Code pénal concernant la traite des personnes et le tourisme sexuel ainsi que les efforts déployés par l’État partie pour attirer l’attention sur le problème du tourisme sexuel, le Comité se déclare préoccupé par la persistance de la traite et de l’exploitation sexuelle des femmes et des filles et notamment du tourisme sexuel dans le pays. En particulier, il juge préoccupantes la traite et l’exploitation sexuelle dont font l’objet les filles dans les zones rurales en raison de leur pauvreté et du fait qu’elles doivent pourvoir elles-mêmes à leur subsistance parce qu’elles sont contraintes de quitter le domicile familial à la puberté. Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne présente aucune donnée concernant la traite et la prostitution ni aucun plan national d’action pour y faire face.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à assurer la mise en œuvre effective de la nouvelle loi et à adopter des mesures préventives efficaces, à poursuivre et sanctionner rapidement ceux qui se livrent à la traite et à mettre en place des dispositions pour protéger et soutenir les victimes. Il lui recommande d ’ informer les magistrats, les agents des forces de l ’ ordre, y compris la police des frontières, les agents de la fonction publique, les travailleurs sociaux et les agents du développement communautaire au sujet de cette nouvelle loi et de leur dispenser une formation aux fins de son application. Il lui recommande en outre d ’ adopter un plan d ’ action de vaste portée pour lutter contre la traite et l ’ exploitation sexuelle et de veiller à ce que les ressources humaines et financières voulues soient affectées à son exécution, y compris pour la collecte de données désagrégées. Il lui recommande également, afin de remédier à la cause principale de la traite et de l ’ exploitation des femmes, de redoubler d ’ efforts pour améliorer la situation économique des femmes en général et en particulier des filles qui ont atteint la puberté, et éliminer ainsi leur vulnérabilité à l ’ exploitation et à la traite, et de prendre des mesures pour la réinsertion et l ’ intégration sociale des femmes et des filles qui en ont été les victimes. Il invite aussi l ’ État partie à intensifier ses efforts visant à lutter contre le tourisme sexuel, notamment en coopération avec les pays d ’ origine.

Participation à la vie politique et publique

Tout en se félicitant des progrès réalisés récemment, notamment dans la magistrature et le service diplomatique, le Comité est préoccupé par le faible niveau de participation des femmes à la vie publique et politique et à la prise des décisions et par le fait qu’aucune mesure concrète n’ait été prise pour remédier aux causes profondes de cette situation, notamment les comportements sociaux et culturels dominants.

Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures concrètes en vue d’accroître le nombre de femmes occupant des postes de décision, en particulier au niveau municipal/local, au Parlement et dans les partis politiques. Il l’invite à donner effet au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention concernant les mesures spéciales temporaires ainsi qu’à ses propres recommandations générales n o  23 et 25 et à fixer des objectifs et des calendriers précis pour accélérer la participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la vie publique et politique à tous les niveaux. Il l’invite aussi à encourager les partis politiques à fixer des quotas. L’État partie est instamment prié de mener, en direction des femmes et des hommes, des campagnes de sensibilisation en vue d’éliminer les stéréotypes concernant les rôles traditionnels des femmes dans la famille et dans la société en général et à favoriser l’émancipation politique des femmes.

Nationalité

Tout en notant que l’État partie a adopté la loi no2008-017 autorisant la ratification de la Convention sur la nationalité de la femme mariée afin de corriger l’inégalité des droits entre femmes et hommes en matière de nationalité, le Comité note avec préoccupation que le Code de la nationalité n’est pas conforme à l’article 9 de la Convention étant donné qu’il ne permet pas à une femme malgache mariée à un étranger de transmettre sa nationalité à son mari ou à ses enfants de la même façon qu’un homme malgache marié à une étrangère.

Le Comité invite instamment l’État partie à modifier le Code de la nationalité afin de le mettre en conformité avec l’article 9 de la Convention.

Éducation

Tout en reconnaissant que l’État partie s’est efforcé d’élargir l’accès des filles à l’éducation et de réduire les taux d’abandon scolaire, en particulier en construisant de nouvelles salles de classe, en supprimant les droits d’inscription et en fournissant des trousses et des fournitures scolaires, le Comité se déclare préoccupé par les facteurs qui restreignent actuellement cet accès à tous les niveaux d’éducation, notamment la pauvreté, les conditions de vie dans les zones rurales et isolées, l’émancipation à la puberté et les mariages et grossesses précoces. Il note que l’éducation est essentielle à la promotion de la femme et que le faible niveau d’éducation des femmes et des filles demeure l’un des principaux obstacles qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits fondamentaux.

Le Comité engage vivement l’État partie à sensibiliser les esprits à l’importance de l’éducation en tant que droit fondamental et moyen de favoriser l’autonomie des femmes et à prendre des mesures pour éliminer les attitudes traditionnelles qui empêchent les femmes et les filles de jouir pleinement de leur droit fondamental à l’éducation. Il lui recommande de prendre des mesures pour assurer l’égalité d’accès des filles et des jeunes femmes à tous les niveaux d’éducation, faire en sorte que les filles restent scolarisées et permettre aux filles et aux jeunes femmes enceintes de retourner à l’école après leur grossesse. Il l’engage aussi à prendre des mesures pour augmenter le taux de scolarisation des filles à tous les niveaux et lui recommande d’adopter des mesures spéciales temporaires en application de sa recommandation générale n o  25, y compris des mesures incitant les parents à envoyer leurs filles à l’école.

Emploi

Tout en notant les diverses mesures législatives prises par l’État partie dans le secteur structuré, notamment la loi no2000-021 qui rend le harcèlement sexuel sur le lieu de travail passible de peines plus lourdes, la loi no2003-011 qui assure l’égalité d’accès des hommes et des femmes à la fonction publique et la loi no2003-044 qui prévoit un salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale, le Comité juge préoccupante la situation précaire de nombreuses femmes employées dans le secteur non structuré, car celles-ci n’ont qu’un accès limité à la terre et ne bénéficient ni de la sécurité de l’emploi ni de l’accès aux prestations sociales. Il déplore en outre de ne pas pouvoir se faire une idée claire de la participation des femmes à la main-d’œuvre urbaine et rurale, des écarts de salaires entre hommes et femmes et de la ségrégation verticale et horizontale dont sont victimes les femmes dans la main-d’œuvre faute de données suffisantes sur la question.

Le Comité prie l’État partie de garantir aux femmes des chances égales à celles des hommes sur le marché du travail, conformément à l’article 11 de la Convention. Il lui demande de faire en sorte que la législation en matière d’emploi s’applique aussi bien au secteur public qu’au secteur privé et de veiller à ce qu’elle soit respectée. Il lui demande également de mettre en place un cadre réglementaire pour le secteur non structuré afin que les femmes aient accès à la protection et aux prestations sociales. Il l’invite à présenter dans son prochain rapport des renseignements précis et notamment des données ventilées par sexe; une analyse conjoncturelle et tendancielle sur les femmes et l’emploi dans les secteurs structurés et non structurés; des informations sur les mesures prises pour garantir l’égalité des chances des deux sexes dans le monde du travail et sur leurs effets, notamment en ce qui concerne les nouveaux débouchés et la création d’entreprises. Il l’invite également à fournir dans ce rapport des renseignements détaillés sur les dispositions juridiques consacrant le principe de l’égalité de salaire pour un travail de valeur égale et sur le suivi et l’application de ces dispositions, ainsi que sur les mécanismes de recours, les statistiques concernant leur utilisation par les femmes et les résultats obtenus.

Santé

Tout en se félicitant de l’augmentation des ressources budgétaires allouées à la santé pour 2009 dont l’État a fait mention au cours de ses entretiens avec le Comité, celui-ci reste préoccupé par le fait que les femmes n’ont guère accès à des services de santé adaptés et de bonne qualité, notamment dans les zones rurales. En particulier, il juge préoccupants les taux élevés de mortalité maternelle et infantile, qui s’expliquent notamment par le manque de soins appropriés et le recours limité aux services existants durant la grossesse et l’accouchement, l’accès limité des femmes, en particulier dans les zones rurales, à des services de santé génésique et d’hygiène sexuelle adaptés, les mariages précoces et les avortements clandestins.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour améliorer l’accès des femmes aux soins de santé, en particulier aux soins obstétriques d’urgence et aux services et informations connexes, conformément à l’article 12 de la Convention et à sa recommandation générale n o  24 sur la santé des femmes. Il lui demande de mettre à disposition davantage de services d’éducation sexuelle et de santé génésique, y compris en matière de planification familiale, afin de prévenir les grossesses précoces et les avortements clandestins. Il l’encourage à renforcer tous les services de santé, en particulier à l’intention des femmes rurales. Il lui demande de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour améliorer l’accès des femmes aux services et informations en matière de santé, y compris en ce qui concerne l’hygiène sexuelle, la santé génésique et la planification familiale ainsi que sur les effets de ces mesures.

Autonomisation économique des femmes

Tout en prenant acte des efforts consentis par l’État partie pour mettre au point des stratégies de réduction de la pauvreté ainsi que pour promouvoir l’autonomie des femmes en favorisant les activités rémunératrices et en facilitant l’accès au microcrédit, le Comité redoute que la pauvreté endémique parmi les femmes, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales et celles qui sont chefs de famille, et les mauvaises conditions socioéconomiques ne contribuent à la violation de leurs droits fondamentaux et à la discrimination dont elles font l’objet. Il constate avec préoccupation que des pratiques discriminatoires en matière de propriété foncière, de gestion des biens et de succession limitent l’accès des femmes aux ressources économiques ainsi qu’au crédit. Il s’inquiète en particulier de la situation des femmes rurales, en raison notamment de leurs conditions de vie précaire et de leur manque d’accès à la justice, aux soins de santé, à l’éducation, au crédit, aux débouchés économiques et aux services communautaires.

Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à faire de la promotion de l’égalité des sexes une composante explicite de ses plans et programmes de développement aux niveaux national et local, notamment ceux qui visent à atténuer la pauvreté et à assurer un développement durable. Il l’engage aussi à prêter une attention particulière aux besoins des femmes rurales et des femmes chefs de famille, en veillant à ce qu’elles soient associées à la prise des décisions et aient pleinement accès au crédit. Il prie également l’État partie de prendre des mesures volontaristes pour faire en sorte que les femmes rurales aient accès à des services de santé, à l’éducation, à une eau salubre, à l’électricité, à la terre et à des projets rémunérateurs. Il lui recommande de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies et programmes de développement rural qui tiennent compte des sexospécificités en veillant à associer pleinement les femmes des zones rurales à ces processus.

Groupes de femmes vulnérables

Le Comité constate que le rapport de l’État partie ne contient pas d’informations ni de statistiques concernant les groupes de femmes particulièrement vulnérables, notamment les femmes âgées et les femmes handicapées qui sont souvent victimes de multiples formes de discrimination.

Le Comité prie l’État partie de présenter dans son prochain rapport une image détaillée de la situation de fait des groupes de femmes vulnérables, notamment les femmes âgées et les femmes handicapées, dans tous les domaines visés par la Convention.

Relations familiales

Tout en se félicitant des réformes législatives et des progrès importants réalisés dans le domaine des relations familiales, comme l’adoption de la loi no 2007-022 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux qui stipule que les époux ont les mêmes droits et mêmes responsabilités concernant l’administration de leurs biens, et l’établissement à 18 ans de l’âge minimum requis pour le mariage, il demeure préoccupé par le statut inégal des femmes face au mariage et aux affaires familiales sous l’effet des attitudes coutumières et traditionnelles. Il s’inquiète particulièrement de constater que la loi coutumière relative au mariage autorise la polygamie et que, dans les unions de fait, les femmes et leurs enfants ne bénéficient pas d’une protection juridique adéquate. Il note également que la législation relative au mariage continue à exercer une discrimination à l’encontre de la femme, en lui interdisant de se remarier avant l’expiration d’un délai de six mois (le « délai de viduité »).

Le Comité demande instamment à l’État partie d’harmoniser le droit civil et coutumier avec l’article 16 de la Convention et d’abroger l’interdiction qui est faite à la femme de se remarier avant l’expiration d’un délai de six mois. Il lui demande également de mettre en œuvre des mesures visant à éliminer la polygamie, conformément à sa recommandation générale n o  21 sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales. Il lui recommande de se pencher sérieusement sur la situation des femmes dans les unions de fait ainsi que sur celle des enfants issus de telles unions et de veiller à ce que les unes et les autres bénéficient d’une protection juridique adéquate.

Collecte et analyse des données

Tout en prenant acte de la création d’un « Observatoire du genre » comme l’a indiqué la délégation au cours de son dialogue avec le Comité, celui-ci demande à l’État partie d’améliorer encore la collecte et l’analyse des données statistiques, et d’inclure dans son prochain rapport des statistiques et une analyse détaillées de la situation des femmes, ventilées par âge et par zone rurale ou urbaine, de façon à donner une image claire de la situation des femmes à Madagascar. Il lui demande également de décrire l’effet des mesures prises et des résultats obtenus quant à la réalisation pratique de l’égalité réelle des deux sexes.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité exhorte l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, en s’appuyant sans réserve sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne également qu’il est indispensable de donner pleinement effet à la Convention pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il invite l’État partie à prendre en compte la problématique hommes-femmes et à appliquer sans réserve les dispositions de la Convention dans toutes les initiatives visant à atteindre les objectifs du Millénaire, et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note qu’en adhérant aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme , les États permettraient aux femmes d’exercer plus pleinement leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement malgache à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Diffusion

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées à Madagascar de sorte que la population du pays, en particulier les agents de l’État, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations féminines et de défense des droits de l’homme, soient au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande à l’État partie de diffuser encore plus largement, surtout auprès des organisations féminines et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, des recommandations générales du Comité, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi que du Document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 19 et 21 ci-dessus. Il lui demande en outre d’envisager de faire appel à la coopération et de solliciter, en cas de besoin et en temps opportun, une assistance technique, notamment des services consultatifs pour la mise en œuvre de ces recommandations.

Date du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter ensemble ses sixième et septième rapports périodiques, qui sont dus en 2014.