Trente-huitième session

14 mai-1er juin 2007

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Mauritanie

Le Comité a examiné le rapport initial de la Mauritanie (CEDAW/C/MRT/1) à ses 789e et 790e séances, le 25 mai 2007 (CEDAW/C/SR.789 et 790). La liste des questions suscitées par ce rapport est parue sous la cote CEDAW/C/MRT/Q/1 et les réponses de la Mauritanie à ces questions sous la cote CEDAW/C/MRT/Q/1/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le remercie d’avoir présenté son rapport initial, qui, dans l’ensemble, suit ses directives relatives à l’établissement des rapports, est très informatif et décrit la situation des femmes dans le pays avec franchise mais qui a été présenté avec retard. Il le remercie également d’avoir répondu par écrit aux questions du groupe de travail présession et d’avoir fait un exposé oral et répondu à ses propres questions.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau, dirigée par le Ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille et comprenant, dans des proportions équilibrées, des hommes et des femmes représentant les ministères chargés d’appliquer les mesures prises dans les domaines dont traite la Convention. Il se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est tenu entre la délégation et ses propres membres.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie de la détermination et de la volonté politique d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes et de prendre des mesures pour appliquer la Convention qu’il a exprimées.

Le Comité note l’intention déclarée de l’État partie de retirer la réserve générale qu’il a formulée lorsqu’il a ratifié la Convention.

Le Comité se félicite de l’imposition d’un quota de 20 % de femmes dans les listes des candidats aux élections municipales et parlementaires qui, avec les mesures d’incitation financière à l’intention des partis politiques, a permis que 33 % de femmes soient élues dans les municipalités et 17,9 % et 17 % respectivement, le soient au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par la Mauritanie du Code relatif au statut personnel. Il félicite l’État partie d’avoir rendu l’enseignement de base obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 14 ans.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe d’appliquer toutes les dispositions de la Convention de façon systématique et constante mais lui fait observer que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales devront être l’objet d’une attention prioritaire de sa part jusqu’à la présentation de son prochain rapport périodique. Il lui demande en conséquence de faire porter principalement ses activités d’application sur les domaines correspondants et de lui rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures qui seront prises et des résultats qui auront été obtenus. Il lui demande également de transmettre le texte des présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement afin d’en assurer la pleine application.

Le Comité félicite l’État partie de son intention déclarée de retirer la réserve générale qu’il a formulée lorsqu’il a ratifié la Convention, qui a une portée si large qu’elle est contraire à l’objet et au but de la Convention.

Le Comité prie instamment l’État partie de mener à son terme, dès que possible, la procédure de retrait de sa réserve générale, qui est contraire à l’objet et au but de la Convention.

Le Comité note avec satisfaction que selon l’article 80 de la Constitution mauritanienne, tous les traités auxquels la Mauritanie est partie prévalent sur la législation nationale dès qu’ils sont publiés, mais il se dit préoccupé par le statut de la Convention et son application par l’appareil judiciaire. Il relève d’ailleurs avec préoccupation à cet égard que l’État partie n’a pu dire dans le cadre de quelles affaires les dispositions de la Convention ont été directement invoquées dans les tribunaux.

Le Comité demande à l’État partie de redoubler d’efforts pour sensibiliser le public à la Convention, en particulier les hauts fonctionnaires, les magistrats et les membres de la profession juridique. Il lui demande également de faire en sorte que l’étude de la Convention fasse partie intégrante des programmes d’enseignement et de la formation dispensés aux magistrats, notamment aux juges, aux avocats et aux procureurs, afin qu’une culture juridique favorable à l’égalité des femmes avec les hommes et à la non-discrimination fondée sur le sexe s’établisse solidement dans le pays.

Le Comité s’inquiète de ce que, bien que le paragraphe 2 de l’article premier de la Constitution de l’État partie garantisse l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale, il n’y ait pas, dans la législation de l’État partie, de définition explicite de la discrimination à l’égard des femmes, conformément à l’article premier de la Convention, qui interdit la discrimination directe et indirecte.

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer, dans sa constitution ou un texte de loi approprié une définition de la discrimination à l’égard des femmes qui englobe les formes directes aussi bien qu’indirectes de la discrimination, conformément à l’article premier de la Convention. Il lui recommande en outre de faire en sorte que la définition de la discrimination indirecte englobe la discrimination sexiste et les nombreuses autres formes de discrimination indirecte auxquelles les femmes peuvent être en butte.

Le Comité s’inquiète de ce que les femmes, bien qu’elles aient accès à la justice en vertu de la loi, peuvent difficilement, dans la pratique, exercer ce droit et intenter des poursuites lorsqu’elles sont victimes de discrimination en raison de facteurs tels que l’analphabétisme, les frais de justice, la méconnaissance de ses droits et l’incapacité d’obtenir une aide pour les faire valoir.

Le Comité prie l’État partie de lever les obstacles auxquels les femmes peuvent se heurter pour accéder à la justice et de faire en sorte que les magistrats se familiarisent avec la Convention et les obligations qu’elle impose aux États parties. Il lui demande instamment de dispenser des services d’aide juridique, de mettre en œuvre des programmes d’initiation au droit, de diffuser des informations sur les moyens d’utiliser les recours juridiques disponibles contre la discrimination et de s’assurer des résultats de ces mesures. Il l’encourage par ailleurs à solliciter l’aide de la communauté internationale pour appliquer des mesures qui permettent effectivement aux femmes d’accéder plus facilement à la justice.

Tout en se félicitant que le mécanisme national de promotion de la femme ait été élevé au rang de Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, le Comité s’inquiète de ce qu’il n’ait pas suffisamment d’autorité, ne soit pas suffisamment connu et ne dispose pas de suffisamment de ressources humaines et financières pour s’acquitter efficacement de son mandat, à savoir promouvoir les femmes et l’égalité entre les sexes. Il s’inquiète également de ce que le Médiateur et la Commission des droits de l’homme, de la réduction de la pauvreté et de l’intégration ne se montrent pas sensibles à la problématique hommes-femmes dans l’exercice de leurs activités. Il s’inquiète en outre de l’insuffisance de la coordination et de la coopération entre le Ministère, le Médiateur et la Commission en ce qui concerne la promotion de l’égalité entre les sexes et la prévention et l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer son mécanisme national de promotion de la femme en définissant clairement le mandat et les responsabilités des organes chargés de promouvoir l’égalité entre les sexes et la façon dont ils doivent coopérer et en leur allouant suffisamment de ressources humaines et financières pour qu’ils puissent s’acquitter pleinement et convenablement de toutes leurs fonctions. Il faudrait en particulier, à cet égard, donner à ces organes les moyens de mieux coordonner leur action et de coopérer davantage avec la société civile.

Le Comité relève que l’État partie a une compréhension insuffisante du but et de la nécessité des mesures spéciales temporaires dont il est question au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Il s’inquiète de l’absence de femmes dans l’appareil judiciaire et du nombre restreint de femmes dans l’administration publique, en particulier aux postes de décision.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures spéciales temporaires, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa propre recommandation générale 25, dans le cadre de la stratégie dont il doit se doter pour accélérer la réalisation d’une véritable égalité entre les sexes, en particulier dans l’appareil judiciaire et la fonction publique, dont le corps diplomatique. Il demande au Gouvernement de faire figurer dans son prochain rapport périodique, relativement aux diverses dispositions de la Convention, des informations sur les mesures spéciales temporaires qui auront été prises et sur leur impact. Il recommande à l’État partie de respecter pleinement l’engagement pris par les candidats à la présidence, dans la charte pour la promotion de la femme, d’imposer un quota minimum de 20  % de femmes aux postes de décision dans l’administration.

Le Comité s’inquiète de l’existence d’une idéologie patriarcale aux stéréotypes solidement ancrés et de la persistance de règles, de coutumes et de traditions culturelles néfastes et fermement enracinées, à savoir notamment le mariage forcé et le mariage précoce, la polygamie, les mutilations génitales féminines et l’alimentation forcée, qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et constituent de graves obstacles à l’exercice, par celles-ci, de leurs droits de l’homme.

Le Comité demande instamment à l’État partie de considérer la culture comme un élément dynamique de la vie et du tissu social du pays, soumis à de nombreuses influences au cours du temps et donc susceptible d’évoluer. Il lui demande aussi instamment de se montrer plus dynamique et d’appliquer sans retard une stratégie globale, assortie d’objectifs et de calendriers bien définis, qui lui permette de modifier ou d’éliminer les pratiques et stéréotypes culturels néfastes pour les femmes et discriminatoires à leur égard, et de promouvoir le plein exercice, par celles-ci, de leurs droits de l’homme, conformément à l’alinéa f) de l’article 2 et à l’alinéa a) de l’article 5 de la Convention. Il lui demande en outre instamment de s’atteler à cette tâche en collaboration avec les organisations de la société civile, les groupes de femmes et les chefs locaux et religieux. Il lui demande aussi instamment d’évaluer périodiquement les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés et le prie de lui rendre compte de ces progrès dans son prochain rapport périodique.

Tout en notant l’existence de la Stratégie nationale de promotion de la femme pour la période 2005-2008, le Comité s’inquiète de l’application du système de suivi proposé et de l’absence actuelle de suivi à tous les niveaux et dans tous les secteurs de l’administration.

Le Comité recommande à l’État partie d’évaluer l’état d’application de sa stratégie de promotion de la femme et de prise en compte systématique de l’impératif d’égalité des sexes. Il l’encourage à utiliser pleinement l’élan et les partenariats qui se sont créés lorsqu’il a établi le rapport qu’il a présenté en application de l’article 18 de la Convention et à faire plein usage des présentes observations finales pour revoir sa stratégie actuelle et élaborer plus avant un plan opérationnel complet de promotion de l’égalité entre les sexes et de la femme, qui s’applique à tous les niveaux et dans tous les secteurs de l’administration. Sa nouvelle stratégie devrait prévoir des mesures juridiques et politiques et des programmes et être assortie d’objectifs, de critères et de calendriers bien définis. Elle devrait aussi prévoir des mécanismes de suivi périodique et systématique et d’évaluation des progrès de son application, notamment l’élaboration d’indicateurs qui permettent de s’assurer que les dispositions de la Convention sont respectées. Il encourage l’État partie à demander aux organismes des Nations Unies de l’aider techniquement à rassembler des données et à former l’équipe nationale chargée d’élaborer et d’appliquer le plan susmentionné.

Le Comité déplore que le rapport ne fournisse pas suffisamment de données statistiques, ventilées par sexe et appartenance ethnique, sur l’application concrète du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines dont traite la Convention. Il déplore également qu’il ne fournisse pas suffisamment d’informations sur l’impact et les résultats des mesures juridiques et politiques qui ont été prises et ne contienne pas suffisamment d’informations et de données sur les femmes handicapées.

Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport suffisamment de données et d’analyses statistiques, ventilées par sexe et appartenance ethnique et d’informations sur les femmes handicapées, afin qu’il sache si les dispositions de la Convention sont appliquées à toutes les femmes. Il lui recommande par ailleurs de procéder périodiquement à des évaluations d’impact de ses réformes, politiques et programmes législatifs, pour s’assurer que les mesures prises permettent d’atteindre les objectifs souhaités, et de l’informer des résultats de ces évaluations dans son prochain rapport.

Tout en se félicitant de ce que le Code de procédure pénale interdise la mutilation génitale des mineures, le Comité s’inquiète beaucoup de la persistance et de la très forte incidence de cette pratique nocive qui contrevient gravement aux droits fondamentaux des filles et des femmes et aux obligations de l’État partie à la Convention. De plus, le Comité prend note des graves complications médicales que cela entraîne pour les filles et les femmes et qui, dans certains cas, peuvent être fatales.

Le Comité invite l’État partie à faire mieux comprendre la disposition du Code de procédure pénale qui interdit la mutilation génitale des mineures et à la faire exécuter, notamment en poursuivant et en punissant les coupables. Il invite l’État partie à adopter promptement le projet de loi sur la mutilation génitale féminine dont son représentant a parlé lors du dialogue constructif. Il invite aussi l’État partie à renforcer, avec l’appui de la société civile et des chefs religieux, ses efforts de sensibilisation et d’éducation des hommes et des femmes pour éliminer cette pratique avec ses justifications culturelles sous-jacentes. Il encourage l’État partie à mettre au point des programmes afin de trouver d’autres sources de revenus pour les personnes dont cette pratique est le métier. Il invite l’État partie à se pencher sur la pathologie de la mutilation génitale féminine et à offrir une aide médicale à celles qui l’ont subie. À ce propos, il encourage l’État partie à solliciter l’assistance technique du Fonds des Nations Unies pour la population et de l’Organisation mondiale de la santé.

S’agissant de la violence à l’égard des femmes, le Comité se déclare inquiet de l’inexécution de la législation ainsi que de l’absence de politiques et de programmes. Il s’inquiète particulièrement des cas de violence familiale, de viol, notamment conjugal, de toutes les formes d’abus sexuel des femmes et de la persistance d’attitudes patriarcales qui permettent le châtiment physique des membres de la famille, dont les femmes. Tout en notant que l’État partie a assuré que le gavage des fillettes recule, le Comité reste préoccupé par cette pratique. Il exprime aussi son inquiétude de ce que le rapport manque d’informations et de données sur la prévalence de différentes formes de violence à l’égard des femmes.

Le Comité invite l’État partie à donner la priorité suprême à l’adoption d’une approche globale face à toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Il l’encourage, ce faisant, à s’inspirer au maximum de sa recommandation générale 19 ainsi que de l’étude en profondeur du Secrétaire général sur la question. Il l’invite à faire comprendre au public, par des programmes médiatiques et éducatifs, que toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris les violences familiales et le gavage des filles, sont inadmissibles. Il l’invite aussi à former la magistrature, les forces de police, les juristes, les travailleurs sociaux et les prestataires de soins de santé quant à la violence à l’égard des femmes afin que les coupables soient poursuivis et punis avec la fermeté et la promptitude nécessaires et que les victimes reçoivent une aide efficace et respectueuse. Il demande à l’État partie d’élargir l’accès des victimes aux remèdes juridiques et de prendre des mesures pour les aider, notamment en leur offrant des centres d’accueil et une aide juridique, médicale et psychologique. Le Comité prie l’État partie de donner dans son prochain rapport des renseignements sur les lois, mesures et programmes en place et sur leur effet pour s’attaquer à toutes les formes de violence à l’égard des femmes ainsi que des données statistiques et tendancielles sur la prévalence des diverses formes de cette violence.

Tout en reconnaissant les efforts de l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des filles et l’exploitation des jeunes employées de maison – notamment son accession au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, l’adoption de la loi 025-2003 du 17 juillet 2003 sur la répression de la traite et le Code du travail modifié qui interdit le travail forcé –, le Comité reste inquiet de la persistance de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles dans le pays, et notamment de l’exploitation économique et de la maltraitance des jeunes employées de maison. Il s’inquiète aussi de ce que l’esclavage subsiste dans certaines parties du pays.

Le Comité prie l’État partie d’accélérer ses efforts pour l’exécution absolue de sa législation sur la répression de la traite et l’interdiction du travail forcé. Ces efforts devraient notamment comporter la poursuite et le châtiment des trafiquants. Il recommande aussi que l’État partie accroisse l’assistance et les secours qu’il apporte aux femmes victimes ainsi que ses efforts de prévention en s’attaquant aux causes profondes de la traite et en améliorant la situation économique des femmes afin de les libérer de leur vulnérabilité à l’exploitation et à la traite. Il prie l’État partie de donner la priorité au renforcement des mesures pratiques de protection des jeunes employées de maison contre toutes les formes d’exploitation et d’abus et de les mettre à même d’exercer leur droit à l’éducation. Il invite l’État partie à prendre des mesures pour éliminer ce qui reste de l’esclavage.

Le Comité constate que certaines dispositions du Code mauritanien de la nationalité, notamment l’article 13 de la loi 61-112 du 12 juin 1961, contreviennent à l’article 9 de la Convention et continuent de discriminer contre les Mauritaniennes.

Le Comité prie l’État partie de conformer le Code mauritanien de la nationalité à l’article 9 de la Convention.

Tout en reconnaissant que des progrès ont été faits dans le domaine de l’éducation, le Comité s’inquiète particulièrement du taux élevé d’analphabétisme chez les femmes, net indice de discrimination indirecte selon l’article 10. Il s’inquiète aussi du fort taux d’abandon scolaire chez les filles, notamment pour des raisons comme la grossesse et le mariage précoce ou forcé.

Le Comité prie l’État partie de faire comprendre l’importance de l’éducation, droit fondamental et assise de l’habilitation des femmes, et de prendre des mesures pour surmonter les attitudes traditionnelles qui perpétuent la discrimination et la non-conformité aux dispositions de l’article  10 de la Convention. Il recommande que l’État partie prenne des mesures pour que les filles et les femmes aient le même accès que les hommes à tous les niveaux d’éducation et pour assurer le maintien des filles à l’école, notamment en recourant à des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale  25 du Comité. Celui-ci invite l’État partie à tout faire pour améliorer l’alphabétisation des filles et des femmes par l’adoption de programmes complets d’éducation scolaire ou non et par l’éducation et la formation des adultes. Il le prie de prendre des mesures spécifiques pour permettre aux filles enceintes de terminer leurs études après avoir accouché et pour lutter contre les mariages précoces et forcés qui font obstacle à leur éducation. Il encourage l’État partie à renforcer sa collaboration avec la société civile et à chercher l’appui accru de la communauté internationale et des organisations de donateurs pour accélérer l’exécution de l’article 10 de la Convention.

Le Comité constate avec inquiétude que, si la législation de l’État partie garantit l’égalité des sexes dans l’emploi et au travail, il n’existe pas de mesures spécifiques ni de mécanismes d’exécution pour empêcher et éliminer la discrimination de fait contre les femmes dans ces domaines. Il s’inquiète aussi de ce que leur accès aux emplois n’est pas égal à celui des hommes, si bien qu’elles sont surreprésentées dans le secteur non structuré qui ne fournit aucune protection sociale.

Le Comité invite l’État partie à prendre sans délai des mesures spécifiques, avec mécanisme d’application, pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes dans l’emploi et au travail et qu’elles participent pleinement et égalitairement au marché du travail. Cela devrait comporter une garantie de salaire égal pour un travail égal et pour un travail de valeur égale. Le Comité invite aussi l’État partie à promulguer une législation interdisant le harcèlement sexuel.

Tout en notant les efforts de l’État partie pour améliorer la santé des femmes, notamment par la mise en place d’un programme national de santé génésique (2003-2007), le Comité se déclare inquiet du manque d’accès des femmes et des filles, notamment rurales, à des services de santé suffisants, notamment aux soins prénatals et postnatals et à l’information sur la planification familiale. Il s’inquiète aussi du taux alarmant des grossesses précoces, obstacle important aux études et à l’habilitation économique des filles et cause des taux accrus de fistules vésico-vaginales. Il s’inquiète en outre des taux élevés de mortalité maternelle et infantile, du faible taux d’usage des préservatifs et du manque d’éducation sexuelle pour les jeunes, notamment ruraux. Enfin, le Comité s’inquiète de l’incidence de la toxicomanie chez les jeunes.

Le Comité recommande que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires pour améliorer l’accès des femmes, notamment rurales, aux soins de santé et aux services et renseignements sanitaires. Il l’invite à améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et génésique, notamment aux services de planification familiale et aux soins obstétricaux. Il recommande que des programmes et des mesures soient adoptés pour faire mieux connaître les méthodes contraceptives à bas prix et y donner accès afin que les femmes et les hommes puissent faire des choix éclairés quant au nombre et à l’espacement de leurs enfants. Le Comité recommande aussi l’exécution d’un programme systématique et à délais fixes pour réduire la mortalité maternelle et infantile, avec des mesures pour accroître l’accès aux services obstétricaux. Il recommande en outre que l’État partie s’occupe des grossesses précoces afin de prévenir les fistules vésico-vaginales et d’apporter une aide médicale à celles qui en souffrent. Enfin, il recommande qu’une éducation sexuelle appropriée et que des services de santé génésique adaptés aux jeunes soient fournis, notamment pour empêcher les maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida. Par ailleurs, il encourage l’État partie à s’occuper de la toxicomanie chez les jeunes et notamment chez les jeunes femmes.

Le Comité s’inquiète de la pauvreté généralisée des femmes, notamment chefs de famille. Il s’inquiète notamment de la situation des rurales, de leur manque d’information et de leur non-participation aux processus décisionnels ainsi que de leur manque d’accès aux soins de santé, aux services de sécurité sociale, à l’éducation, à la justice, à l’eau potable, à l’électricité et aux ressources foncières et bancaires. Il s’inquiète aussi de la discrimination ethnique contre les femmes. Enfin, il s’inquiète du manque de données sur la situation réelle des rurales.

Le Comité invite l’État partie à s’occuper particulièrement des besoins des rurales et des femmes de diverses ethnies. Il prie l’État partie de veiller à ce que les rurales aient accès aux soins de santé, à l’éducation, à la justice, à l’eau potable, à l’électricité, aux terres et aux travaux rémunérateurs. Il lui recommande de suivre de près l’application du Cadre stratégique mauritanien de lutte contre la pauvreté afin de veiller à ce que ses perspectives sexospécifiques soient prises en compte. Le Comité recommande aussi que l’État partie réunisse des données sur la situation des rurales et les incorpore avec une analyse dans son prochain rapport périodique. Enfin, il prie l’État partie de brosser dans le même rapport un tableau clair de la situation des femmes appartenant à diverses ethnies.

Le Comité se déclare inquiet de ce que le Code de la personne contient des dispositions pouvant discriminer contre les femmes mariées, notamment s’agissant de la gestion des biens et de la persistance de la légalité de la polygamie et de la répudiation.

Le Comité prie l’État partie d’accélérer la réforme du mariage et du droit de la famille et d’éliminer toutes les dispositions discriminatoires afin que les deux sexes aient les mêmes droits et les mêmes obligations, conformément aux articles 15 et 16 de la Convention et à la recommandation générale 21 du Comité.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et à accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la périodicité de ses réunions.

Le Comité engage l’État partie à tenir le plus grand compte, dans l’exécution de ses obligations selon la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing qui renforcent les dispositions de la Convention, et il le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements à cet égard.

Le Comité souligne que l’exécution intégrale et efficace de la Convention est indispensable pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Dans tous les efforts visant à les réaliser, il préconise donc l’inclusion d’une perspective sexospécifique et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention et il prie l’État partie de donner des renseignements à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l’adhésion des États aux sept grands instruments internationaux concernant les droits de l’homme aide les femmes à en jouir ainsi que de leurs libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. Il encourage donc le Gouvernement mauritanien à envisager de ratifier le traité auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que soient largement diffusées en Mauritanie les présentes observations finales afin d’y faire connaître à la population et notamment aux fonctionnaires, aux politiques, aux parlementaires et aux organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, les mesures prises pour instaurer en droit et en fait l’égalité des sexes ainsi que les autres mesures voulues à cet égard. Le Comité prie l’État partie de continuer de diffuser largement, notamment auprès des organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et le texte issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale et intitulé « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité prie l’État partie de tenir compte des préoccupations exprimées dans les présentes observations finales lorsque, conformément à l’article 18 de la Convention, il établira son prochain rapport périodique. Il l’invite à présenter son deuxième rapport périodique, qui était attendu en juin 2006, et son troisième rapport périodique, attendu en juin 2010, sous forme de rapport unique en 2010.