Nations Unies

CERD/C/KGZ/5-7

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

8 juin 2012

Français

Original: russe

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Rapports soumis par les États partiesen application de l’article 9 de la Convention

Cinquième, sixième et septième rapports périodiquesdes États parties devant être remis en 2010

Kirghizistan * , **

[10 avril 2012]

Cinquième, sixième et septième rapports périodiquesde la République kirghize présentés en un document unique sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, devant être remis en 2010

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−313

II.Renseignements sur l’application des dispositions de la Convention32−1828

III.Conclusion183−18432

Annexe

Bibliographie33

I.Introduction

1.Conformément à ses obligations internationales, la République kirghize soumet au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, en un document unique, ses cinquième, sixième et septième rapports périodiques sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (qui couvre la période comprise entre septembre 2007 et fin mai 2011).

2.Le précédent rapport, qui regroupait les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques (CERD/C/KGZ/4), a été approuvé par la décision gouvernementale no 165 du 15 mars 2006 et soumis au Comité en temps voulu.

3.La Commission des droits de l’homme auprès de la Présidence de la République kirghize, instituée par le décret présidentiel no 204 du 5 juillet 1997, est un organe de consultation et d’orientation qui contribue à l’exercice par le chef de l’État de ses compétences constitutionnelles en tant que garant des droits et libertés de l’homme et du citoyen. La Commission a pour mandat:

De prendre part à l’élaboration des rapports relatifs aux droits de l’homme et du citoyen à soumettre à l’ONU, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et à d’autres organisations internationales compétentes en la matière;

De contrôler l’activité des organismes publics œuvrant dans le domaine des droits et libertés de l’homme et du citoyen en République kirghize.

4De 2007 au premier semestre de 2011, la République kirghize a été ébranlée par plusieurs crises graves, dont la révolution d’avril 2010, qui ont débouché sur le renversement du régime clanique et népotique du deuxième Président de la République, sur des transformations radicales dans la vie sociale et politique du pays et sur l’abandon du régime présidentiel pour un régime parlementaire.

5.Le 7 avril 2010, le gouvernement d’alors a autorisé l’usage d’armes à feu pour disperser des manifestants, le bilan de la répression étant de quelque 90 personnes tuées et de plus de 1 000 blessées plus ou moins gravement.

6.De 2007 à 2011 des affrontements interethniques se sont produits dans la province de Tchouï et en juin 2010 un affrontement interethnique majeur a opposé Kirghizes et Ouzbeks dans les provinces d’Och et de Djalal-Abad.

7.Du 31 janvier au 6 février 2007 des heurts ont opposé les communautés kirghize et doungane vivant à Iskra, localité située dans la province de Tchouï. Une rixe survenue entre des jeunes Kirghizes et des jeunes Dounganes dans une salle de jeux informatiques en a été le détonateur. Lors de ces événements, il a été fait appel non aux forces de l’ordre mais à l’intervention criminelle de personnes d’ethnie doungane, qui ont ouvert le feu en direction de la foule de Kirghizes pour la disperser et ont blessé ainsi le cheval d’un des cavaliers. Enragés par l’usage d’armes à feu contre eux par un groupe de criminels d’ethnie doungane, les Kirghizes ont riposté en s’en prenant violemment à toute la population doungane de la localité. Six personnes ont été blessées, 32 ont été arrêtées ou ont fait l’objet de poursuites et 70 familles dounganes ont fui, mais elles sont revenues par la suite. Plusieurs meules de foin et une grange ont été incendiées. Trente maisons ont été saccagées et leurs vitres brisées, 11 d’entre elles subissant des dommages particulièrement importants: le mobilier et les portes ont été fracassés et le crépis a été endommagé à coups de barre de fer. Aucune maison n’a cependant été incendiée.

8.Le 26 avril 2009, des heurts ont opposé des Kirghizes et des Russes à des Kurdes dans la localité de Petrovka. Ils ont été déclenchés par une agression pédophile commis par un homme d’ethnie kurde sur une fillette russe et par la mort de la grand-mère de celle-ci suite au choc subi, ainsi que par le refus du bureau local des organes des affaires intérieures d’ouvrir une enquête pénale. Scandalisés par cette agression pédophile, les Kirghizes et les Russes habitant cette localité ont voulu faire justice eux-mêmes et ont lancé des représailles contre tous les Kurdes de la localité. Ces heurts ont fait environ 80 victimes. Quinze maisons ont été pillées durant l’émeute. Des vitres ont été brisées, des portes enfoncées, des palissades et des installations saccagées. Craignant d’être attaquées, des familles kurdes ont fui provisoirement leur domicile. Les maisons abandonnées ont été la proie de maraudeurs. Par la suite, le violeur a été condamné et les responsables des organes locaux des affaires intérieures ont été révoqués.

9.Le 19 avril 2010, dans la localité de Maevka, proche de la capitale, Bichkek, des troubles ont été fomentés par des partisans du Président déchu qui prétendaient s’approprier des terres arables appartenant à des Turcs meskhètes dans les environs de la capitale. Ces événements ont fait 4 morts et plus de 40 blessés, et 11 maisons ont été incendiées, dont 4 totalement détruites. Les émeutiers se sont emparés de 857 hectares de terres arables appartenant aux habitants de Maevka et les ont redistribuées pour la construction d’habitations individuelles. L’action menée par les forces de l’ordre avec le soutien de milices de volontaires a permis de restituer ces terres à leurs propriétaires et d’arrêter les fauteurs de troubles. Cinq personnes ont été jugées et reconnues coupables, l’une d’entre elle, Isabai Achirov, étant condamnée à sept ans de privation de liberté.

10.Les partisans du régime népotique et clanique de K. S. Bakiev sont à l’origine des tragiques événements survenus du 10 au 14 juin 2010 dans le sud du Kirghizistan, qui ont été marqués par des flambées de violence ayant fait de nombreuses victimes, des incendies criminels et des destructions de grande ampleur. Le point de départ en a été une rixe entre des jeunes kirghizes et des jeunes ouzbeks dans une salle de jeux proche de l’hôtel Аlaï, le 10 juin 2010 vers 23 heures. Tirant parti de cette rixe, des inconnus ont incité les Ouzbeks à lancer une attaque contre les Kirghizes, qui s’est poursuivie jusque dans la matinée du 11 juin. Ces heurts entre Ouzbeks et Kirghizes ont été d’intensité variable, mais après l’arrivée en renfort d’un grand nombre de Kirghizes venus de districts ruraux des émeutes ont éclaté dans les quartiers ouzbeks de la ville d’Och.

11.Une réunion interministérielle à laquelle ont participé des responsables du Bureau du Procureur général, du Comité d’État pour la sécurité nationale, du Ministère des affaires intérieures et de la Direction centrale de l’application des peines s’est tenue le 11 août 2011 afin, notamment, d’examiner les résultats du plan d’action interministériel pour le recensement, l’instruction et le traitement des infractions pénales en lien avec les événements tragiques survenus dans le sud du pays et les moyens d’éviter que de pareils événements ne se reproduisent. Dans son prolongement, sur instruction du Bureau du Procureur général, des groupes de travail composés de représentants du Bureau du Procureur général, du Ministère des affaires intérieures et du Ministère de la santé ont été créés en vue de recueillir des renseignements plus précis sur les personnes tuées pendant les émeutes de juin 2010 dans la ville d’Och et les provinces d’Och et de Djalal-Abad. Les résultats obtenus par ces groupes présentaient de légères différences quant aux nombres de personnes tuées et des corps identifiés, mais il y a été remédié par la suite. Au 15 septembre 2011, dans le cadre des procédures pénales relatives aux émeutes survenues en juin 2010 dans le sud du pays un total de 436 corps avaient été dénombrés, dont 415 identifiés et 21 restant à identifier (10 pour la ville d’Och, 10 pour la province d’Och et 1 pour la province de Djalal-Abad). Sur les 268 affaires portées devant les tribunaux, visant au total 467 personnes: 227 visant 412 personnes ont été jugées (122 visant des Kirghizes, 279 des Ouzbeks et 11 des membres d’autres ethnies) et 387 personnes ont été condamnées (dont 103 Kirghizes, 273 Ouzbeks et 11 membres d’autres ethnies).

12.Au cours des événements de juin, au total 3 671 biens ont été volés ou détruits, dont 257 appartenant à l’État et 3 414 à des particuliers, et 1 861 habitations ont été détruites. Le préjudice matériel total occasionné par ces infractions atteint 3 757 661 429 soms. Dans les affaires déjà jugées, le préjudice cumulé se monte à 77 779 512 soms et les indemnités accordées à 7 267 490 soms (soit 9,3 % du préjudice), se répartissant comme suit:

Des personnes d’ethnie kirghize ont provoqué des dommages d’un montant cumulé évalué à 9 382 092 soms, qui ont donné lieu au versement d’indemnités d’un montant cumulé de 100 000 soms;

Des personnes d’ethnie ouzbèke ont provoqué des dommages d’un montant cumulé évalué à 61 507 740 soms, qui ont donné lieu au versement d’indemnités d’un montant cumulé de 7 167 490 soms.

13.Le jour de ces désordres et les jours suivants, une centaine de milliers de personnes ont fui la ville d’Och et les provinces d’Och et de Djalal-Abad pour se réfugier en Ouzbékistan, mais elles sont revenues au Kirghizistan par la suite, des dizaines de milliers de Kirghizes ont fui vers les zones montagneuses et vers le nord du pays, et 38 213 personnes, en majorité d’ethnie ouzbèke, se sont réfugiés dans d’autres pays, en Russie principalement. Ces événements ont entraîné la perte de 84 289 emplois dans le sud du pays.

14.Selon des données du Bureau du Procureur militaire, 25 affaires de vols d’armes, de munitions et de matériel militaire ont été recensées et sept cas de fourniture d’armes à des civils signalés. Toutes ces affaires ont donné lieu à l’ouverture de procédures pénales.

15.Lors de la session de la Chambre élargie du Bureau du Procureur général, tenue à Bichkek le 12 février 2011 et à laquelle a participé la Présidente de la République, Mme R. I. Otounbaeva, il a été indiqué que les événements survenus dans le sud du Kirghizistan avaient donné lieu à l’ouverture de plus de 5 000 affaires pénales, dont 190 (3,6 % du total) avaient déjà été portées devant les tribunaux et se répartissaient comme suit:

Pour la ville d’Och 75 affaires sur 3 184 avaient à ce jour été portées devant les tribunaux (2,3 %);

Pour la province d’Och 58 affaires sur 1 279 avaient à ce jour été portées devant les tribunaux (4,5 %);

Pour la province de Djalal-Abad 36 affaires sur 810 avaient à ce jour été portées devant les tribunaux (4,4 %).

16.Plusieurs commissions ont été mises en place par des organisations internationales et des associations, œuvrant de concert ou en parallèle, afin d’analyser les événements tragiques de juin 2010, dont: la Commission indépendante du Médiateur de la République kirghize; l’International Crisis Group; la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH); l’Initiative d’Och; Amnesty International; Human Rights Watch; «Open Society» (rapport de Nila Melvina); la Commission nationale d’enquête sur les événements survenus dans le sud du Kirghizistan en juin 2010 (Président M. Erkebaev); la Commission parlementaire.

17.Aussitôt après les événements de juin 2010, des appels à la création d’une commission d’enquête internationale indépendante chargée de faire la lumière sur ces événements ont commencé à se faire entendre au sein de la communauté internationale et de la population et, à la fin octobre 2010, il a donc été décidé d’instituer une commission d’enquête internationale indépendante chargée de faire la lumière sur ces événements. Le rapport de cette commission, assorti de commentaires du Gouvernement du Kirghizistan, a été présenté le 3 mai 2011; il a suscité de vives réactions au sein de la société kirghize qui a reproché à la commission son approche unilatérale des événements. Dans un certain nombre de cas les membres de la commission n’ont effectivement pas rendu compte de façon équilibrée des événements survenus dans le sud du pays, décrivant en détail les violences imputées à un des groupes ethniques et mentionnant succinctement ou passant sous silence celles imputées à un autre. Ainsi, le rapport ne fait que brièvement référence à Askar Chakirov, député au parlement local qui a, le 11 juin, appelé les deux camps à la réconciliation mais a été tué par un coup de feu venu du camp ouzbek. De même, les membres de la commission exposent les sévices infligés par des Kirghizes à des femmes ouzbèkes, mais ne mentionnent pas l’assassinat par des fanatiques de M. Sultanov, chef du Bureau des affaires intérieures de Karasu, et de son chauffeur, l’adjudant de police Chamurzaev, décapités vifs alors qu’ils acheminaient en voiture des denrées destinées à des otages. Il en va de même pour les événements survenus dans les environs de l’usine d’égrenage de coton «Sаnpа», où des dizaines de Kirghizes ont été tués, dont des femmes et des enfants. Pareille présentation des faits ne favorise ni la réconciliation ni la stabilité.

18.Des membres de l’Académie nationale des sciences du Kirghizistan ont procédé à l’analyse textuelle du rapport de cette commission comme suit: ils ont inventorié les unités de sens exposant sous un jour négatif, neutre ou positif les actes d’une des parties, en l’occurrence la partie kirghize. Ils en ont recensé 457 en tout. Cette analyse a révélé que 236 (soit 51,6 %) des unités de sens étaient négatives (-), 154 (33,7 %) neutres (0) et seulement 67 (14,7 %) positives (+).

19.Le Gouvernement de la République kirghize a pris acte du rapport dans son ensemble tout en faisant valoir ce qui suit dans ses commentaires:

Il adhère à la politique d’ouverture et a lui-même été à l’origine de l’enquête en créant une commission internationale indépendante, initiative sans précédent dans l’espace postsoviétique;

Il a soutenu pleinement les travaux de la commission en garantissant sa sécurité et son accès aux sources d’information;

Il a, le 16 juin 2010, reconnu ouvertement et sincèrement sa part de responsabilité dans les événements;

Il est parvenu par lui-même, en quatre jours, à mettre un terme aux violences et à circonscrire le conflit, sans avoir reçu l’aide attendue;

Il a évité une catastrophe humanitaire et a veillé à assurer un hébergement à toutes les victimes avant l’hiver;

Il est prêt à donner suite aux recommandations de la commission.

20.Dans ses commentaires relatifs au rapport, le Gouvernement de la République kirghize a exprimé son désaccord avec certaines conclusions et appréciations de la commission et jugé nécessaire de faire valoir un autre point de vue:

En particulier, les conclusions selon lesquelles des actes pouvant être qualifiés de crime contre l’humanité auraient été commis durant les événements de juin dans le sud du Kirghizistan ne reposent pas sur des bases suffisantes;

Les événements tragiques survenus du 10 au 14 juin 2010 découlent d’un conflit interethnique dans lequel les deux camps étaient armés, se sont attaqués réciproquement et ont eu des victimes;

La commission n’a pas analysé en profondeur les tenants et aboutissants de ce conflit, qui sont les causes profondes de son éclatement, à savoir en particulier que les événements de juin 2010 sont la conséquence directe des événements du 7 avril, lesquels ont fait 87 morts et plus de 1 000 blessés;

Le régime clanique et népotique de Bakiev a tenté à maintes reprises de revenir au pouvoir et plus de 120 manifestations ont eu lieu en avril-mai dans la seule ville de Bichkek;

Il y a eu des tentatives d’attiser le conflit dans le nord dans les localités de Maevka et de Tokmok (province de Tchouï);

Les revanchards ont tiré parti de l’antagonisme entre le nord et le sud, notamment du souvenir du conflit d´Och de 1990;

Les conséquences de l´arrivée au pouvoir, notamment dans les forces de sécurité, d’acolytes de Bakiev entièrement dévoués à sa cause et à la défense des intérêts de ce régime clanique et népotique doivent être prises en considération;

Il faut tenir compte de la nouvelle donne en matière de trafic de drogues et de groupes criminels;

Il est permis de se demander si la méthode d’analyse appliquée par la commission l’a été équitablement aux deux parties au conflit;

La chronologie du conflit n´est pas traitée de manière uniforme et ignore des épisodes importants;

Il n´est pas indiqué que les autorités ont organisé des couloirs humanitaires pour les réfugiés, ont évacué de la ville d´Och plus de 3 000 citoyens étrangers et libéré plus de 1 000 otages, ni que l´État et la société civile se sont attachés à éviter une catastrophe humanitaire.

21.Le Parlement de la République kirghize (le Zhogorku Kenesh) a créé sa propre commission d´enquête intérimaire chargée de faire la lumière sur ces événements, qui a rendu compte de ses travaux dans trois documents: un rapport signé par la majorité des membres de la commission intérimaire sous la direction du député Т. Мamytov, un rapport de la commission signé par le député I. Isakov et un rapport présenté par la députée J. Djoldocheva.

22.L’examen des trois documents issus de la commission parlementaire intérimaire, diffusé en direct à la télévision, a donné lieu à de vifs débats entre les députés et a eu un fort retentissement sur l´opinion, démontrant ainsi la volonté des autorités de débattre ouvertement du problème délicat des relations interethniques.

23.Rendant compte de son bilan d´activité pour le premier semestre 2011, le Bureau du Procureur général a signalé le faible taux d´élucidation des affaires relatives aux crimes commis dans le sud du pays en juin 2010. En effet, 5 627 enquêtes pénales en lien avec les désordres survenus dans les provinces d´Och et de Djalal-Abad ont été ouvertes, mais seuls 6,2 % ont abouti. Une majorité de ces affaires ne sont pas élucidées pour des raisons objectives: les auteurs des crimes n’ont pas été identifiés car ce sont des personnes venues d’ailleurs qui ont pris la part la plus active aux émeutes et non les habitants du lieu, et la plupart des suspects se trouvent hors du pays.

24.La chef de l´État a constaté que des violations des droits de l´homme s’étaient produites tant au cours des enquêtes que des procès. Le 1er février 2011, lors d´une réunion avec des militants des provinces du sud dans la ville d´Och, la Présidente de la République, Mme R. I. Otounbaeva, a sommé les responsables des organes des affaires intérieures de mettre un terme aux détentions, descentes et appropriations illégales.

25.Le vaste débat public consacré aux événements de juin 2010 et la volonté politique des dirigeants du pays ont abouti à un effort résolu de réflexion sur la situation interethnique, ainsi qu’à l’adoption par l´État et la société civile d’un ensemble de mesures destinées à assurer le respect des droits de l´homme, le renforcement de la démocratie et la mise en œuvre des réformes indispensables dans les organes des forces de l’ordre du pays.

26.Le Département chargé de la politique ethnique et religieuse et de la coopération avec la société civile, créé en août 2010, est rattaché au Cabinet du Président de la République, et des responsables chargés du suivi et de l’exécution de la politique de promotion des groupes ethniques ont été nommés par les administrations de province et de district des provinces d’Och, Djalal-Abad, Batken, Issyk Kul et Tchouï, et celles des grandes villes.

27.L´Assemblée du peuple du Kirghizistan a engagé des actions ambitieuses visant à consolider la société multiculturelle et multilingue et à élaborer une politique équilibrée en matière de relations interethniques, et a, à cette fin, formulé un document d´orientation sur la politique ethnique et la consolidation de la société et un plan d’action à l’horizon 2015, qui ont été adoptés en juin 2011 par le Conseil du peuple du Kirghizistan (Kouroultai) à sa septième session extraordinaire; ils sont en cours de mise en œuvre.

28.Le document d´orientation fait fond sur les normes et principes de la Constitution, la législation interne et les obligations internationales. Conformément au Plan d’action à l’horizon 2015, sa réalisation nécessite le réexamen et la modification de 22 lois en vigueur dans le pays.

29.Un des groupes représentés au Zhogorku Kenesh a proposé d´élaborer un document d´orientation sur la politique publique dans le domaine des relations interethniques (en cours d´établissement).

30.Pour des raisons d’ordre historique et démographique, la République kirghize est un État multiethnique où cohabitent plus de 90 ethnies. Des précisions sur la composition ethnique de la République kirghize à la date du recensement national de la population figurent dans le document de base soumis au titre du «Pacte international relatif aux droits civils et politiques».

31.Selon les données les plus récentes du Comité national de statistique, au début de 2011 le Kirghizistan comptait 5 477 620 habitants, dont 71,7 % de Kirghizes, 14,3 % d’Ouzbeks, 7,2 % de Russes, 1,1 % de Dounganes, 0,9 % d’Ouïgours et 0,9 % de Tadjiks, les autres groupes totalisant 3,9 %.

II.Renseignements sur l’application des dispositionsde la Convention

32.Par la loi no 48 du 26 juillet 1996, la République kirghize a adhéré à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, entrée en vigueur le 4 janvier 1969. Le Kirghizistan ne cesse de déployer des efforts pour mettre sa législation nationale en conformité avec la Convention.

33.Conformément à l’article 6 de la Constitution, les instruments internationaux auxquels le Kirghizistan est partie et qui sont entrés en vigueur selon les modalités prévues par la loi, ainsi que les principes et normes universellement reconnus du droit international, font partie intégrante de l’ordre juridique national. Les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont directement applicables et priment celles des autres instruments internationaux.

34.L’article 16 de la Constitution dispose:

«1.Les droits et libertés de l’homme sont inaliénables et dévolus à chacun dès sa naissance. Les droits et libertés de l’homme constituent une valeur suprême. Ils ont un effet direct et déterminent le sens et le contenu de l’activité des pouvoirs législatif et exécutif, ainsi que celle des collectivités locales.

2.La République kirghize respecte et garantit les droits et libertés de l’homme à toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire et relèvent de sa juridiction. Nul ne peut être soumis à une discrimination fondée sur le sexe, la race, la langue, le handicap, l’appartenance ethnique, la religion, l’âge, les convictions politiques ou autres, l’éducation, l’origine, la fortune ou une autre situation, ni sur aucun autre critère.».

35.L’article 19 de la Constitution dispose:

«1.En République kirghize, les étrangers et les apatrides jouissent des mêmes droits et doivent s’acquitter des mêmes obligations que les citoyens kirghizes, hormis dans les cas prévus par la loi ou par l’instrument international auquel l’État est partie.

2.Conformément à ses obligations internationales, la République kirghize accorde l’asile aux étrangers et aux apatrides victimes de persécutions politiques ou de violations des droits et libertés de l’homme.».

36.L’article 4 de la Constitution interdit:

La formation de partis politiques à base religieuse ou ethnique, et la poursuite de buts politiques par des organisations religieuses;

Les activités des partis politiques, des organisations sociales et religieuses, de leurs représentants et filiales visant à atteindre des buts politiques, si elles tendent à modifier l’ordre constitutionnel par la force, à porter atteinte à la sécurité nationale ou à inciter à la haine sociale, raciale, nationale, ethnique et religieuse.

37.L’article 31 de la Constitution interdit l’apologie de la haine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, de la supériorité d’un genre ou de tout groupe social, ainsi que l’incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence.

38.La Constitution, adoptée par référendum le 27 juin 2010, répond globalement à toutes les exigences de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

39.La législation kirghize dispose que les actes visant à inciter à la discrimination raciale sont des actes dangereux pour la société et passibles de sanctions pénales, que répriment les articles 97, 299 et 299‑1 du Code pénal. La législation pénale les qualifie de particulièrement graves.

40.L’article 97 du Code pénal réprime l’homicide volontaire motivé par la haine ou l’hostilité nationale, raciale ou religieuse. Ce crime emporte une peine de privation de liberté de douze à vingt ans, assortie ou non d’une confiscation des biens, ou la réclusion à perpétuité, assortie ou non d’une confiscation des biens.

41.L’article 299 du Code pénal incrimine l’incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse. Les peines pour cette infraction ont été alourdies par les lois no91 du 25 juin 2007 et no 60 du 20 février 2009. Alors que dans les versions précédentes, en date de 1998 et 1999, cette infraction était punie d’une amende d’un montant compris entre 100 et 150 fois le salaire mensuel minimum ou d’une peine de trois à cinq ans d’emprisonnement, les versions ultérieures, en date de 2007 et 2009, prévoient une amende d’un montant compris entre 3 000 et 7 000 fois le salaire mensuel minimum ou une peine de privation de liberté de sept à dix ans, assortie d’une interdiction d’occuper certaines fonctions ou d’exercer certaines activités.

42.L’article 299 du Code pénal réprime l’incitation à la haine nationale, sociale, religieuse ou interrégionale:

Lorsqu’ils sont commis publiquement ou au moyen des médias, les actes visant à inciter à la haine nationale, raciale, religieuse et régionale, à porter atteinte à la dignité nationale ou à prôner l’exclusivité, la supériorité ou l’exclusion d’une catégorie de citoyens en raison de leur attitude à l’égard de la religion ou de leur appartenance nationale ou raciale sont passibles d’une amende d’un montant compris entre 500 et 1 000 fois le salaire minimum mensuel ou d’une peine privative de liberté de trois à cinq ans;

Les mêmes actes, commis avec emploi ou menace de la violence, par une personne abusant de ses fonctions officielles, par un groupe de personnes ou une communauté organisée (organisation criminelle) ou par une personne déjà condamnée pour des délits à caractère extrémiste (activité extrémiste) sont passibles d’une amende d’un montant compris entre 1 000 et 5 000 fois le salaire mensuel minimum ou d’une peine de privation de liberté de cinq à sept ans, assortie d’une interdiction d’occuper certaines fonctions ou d’exercer certaines activités.

43.En outre, par la loi no 60 du 20 février 2009 modifiant et complétant le Code pénal, l’article 29 du Code pénal a été complété par l’article 299-1, qui dispose que:

Créer et diriger une association, une organisation religieuse ou toute autre organisation, dont l’activité tend à inciter à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale, à porter atteinte à la dignité nationale, à faire l’apologie d’une exclusivité, supériorité ou exclusion d’une certaine catégorie de citoyens en raison de leur attitude à l’égard de la religion est passible d’une amende d’un montant compris entre 1 000 et 5 000fois le salaire mensuel minimum ou d’une peine de privation de liberté de cinq à sept ans, assortie d’une interdiction d’occuper certaines fonctions ou d’exercer certaines activités pendant une période de trois ans au maximum;

Organiser les activités d’une association, d’une organisation religieuse ou toute autre organisation, dont la dissolution ou l’interdiction des activités au motif de leur implication dans des activités extrémistes a été ordonnée par une décision de justice, ainsi qu’inciter des citoyens à participer à leurs activités, est passible d’une amende d’un montant compris entre 2 000 et 6 000 fois le salaire mensuel minimum ou d’une peine de privation de liberté de six à huit ans, assortie d’une interdiction d’occuper certaines fonctions ou d’exercer certaines activités;

Participer aux activités d’une association, d’une organisation religieuse ou toute autre organisation, dont la dissolution ou l’interdiction des activités au motif de leur implication dans des activités extrémistes a été ordonnée par une décision de justice devenue exécutoire, est passible d’une amende d’un montant compris entre 1 000 et 3 000 fois le salaire mensuel minimum ou d’une peine de privation de liberté de trois à cinq ans, assortie d’une interdiction d’occuper certaines fonctions ou d’exercer certaines activités;

Les actes, visés par les paragraphes 1, 2 et 3 dudit article, s’ils sont commis par une personne abusant de ses fonctions officielles ou par une personne déjà condamnée pour des délits à caractère extrémiste (activité extrémiste) sont passibles d’une amende d’un montant de 3 000 à 7 000 fois le salaire mensuel minimum ou d’une peine de privation de liberté de sept à dix ans, assortie d’une interdiction d’occuper certaines fonctions ou d’exercer certaines activités.

44.L’article 134 du Code pénal réprime l’atteinte à l’égalité en droits des citoyens au motif de leur sexe, race, nationalité, langue, origine, fortune ou fonction, ainsi que les autres actes de discrimination et punit ce délit d’une amende ou d’une peine de privation de liberté pouvant aller jusqu’à deux ans.

45.Conformément aux normes du droit international, l’article 373 du Code pénal définit le génocide comme «des actes visant la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, par le meurtre de ses membres ou des atteintes graves à la santé de ses membres, ou par tout autre crime motivé par l’hostilité».

46.Le Bureau du Procureur général a émis une instruction en date du 19 mai 2011 visant à renforcer le contrôle de légalité exercé par le Bureau en ce qui concerne l’application des articles 16 et 31 de la Constitution, qui interdisent la discrimination fondée sur la race, l’appartenance ethnique ou les convictions religieuses, ainsi que l’incitation à la haine et à l’hostilité nationale, ethnique, raciale ou religieuse. En fonction des résultats de l’analyse du respect de la légalité, il incombe aux procureurs locaux concernés de vérifier systématiquement que les autorités, les collectivités locales et leurs fonctionnaires se conforment à la loi en termes de prévention de la haine et de la discrimination ayant pour motif la nationalité, l’origine ethnique ou raciale et la religion. Une attention particulière est portée au contrôle régulier et effectif du respect de la légalité afin de veiller à ce que les forces de l’ordre et les autres organes publics se conforment à la loi susmentionnée dans l’exercice de leurs activités, notamment en termes d’application rapide, pleine et légale et de bien-fondé des mesures prises. Chaque fois que les médias signalent des actes de discrimination ou de haine au motif de la nationalité, de l’origine ethnique ou raciale ou de la religion, ou que les services du procureur sont saisis d’une affaire relative à de tels faits, le dossier doit être transmis immédiatement au Comité d’État pour la sécurité nationale afin qu’il l’examine et prenne une décision conforme à la loi. Il convient de coopérer avec les associations sociales et religieuses et d’autres organisations sans but lucratif dans le domaine de la prévention de la discrimination et de la haine fondées sur la nationalité, l’origine ethnique ou raciale et la religion. Les services du procureur doivent, en étroite collaboration avec les autres organes chargés de l’application de la loi, conforter le système de collecte, de compilation et de traitement des données sur l’incitation à la discrimination et la haine au motif de la nationalité, de l’origine ethnique ou raciale et de la religion, ainsi qu’examiner les questions les plus actuelles et les plus délicates lors des réunions interadministrations rassemblant les responsables des organes chargés de l’application des lois.

47.Dans l’exercice de ses fonctions de protection de la sécurité nationale, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, le Comité d’État pour la sécurité nationale est tenu de respecter les droits et libertés de l’homme et du citoyen, que consacrent la Constitution et les normes internationales relatives aux droits de l’homme.

48.Dans les opérations de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme, le Comité d’État pour la sécurité nationale ne catégorise pas les personnes en fonction de leur sexe, race, langue ou appartenance ethnique. Son unique but est d’assurer la sécurité des personnes, de la société et de l’État, ainsi que de maintenir la paix et la concorde au sein de la population multiethnique du Kirghizistan. Une attention particulière est portée aux enquêtes visant à identifier et arrêter les auteurs d’actes de discrimination fondée sur le sexe ou l’origine raciale ou ethnique.

49.Des stages de formation et d’autres activités visant à prévenir les violations de la légalité, notamment en matière de droits de l’homme et du citoyen, sont organisés pour les agents du Comité d’État pour la sécurité nationale afin de leur apprendre à ne pas tolérer des comportements négatifs, tels que la discrimination fondée sur la race et l’appartenance ethnique.

50.Le Ministère des affaires intérieures souligne que dans l’exercice de leurs fonctions touchant à la procédure pénale les services d’enquête des organes des affaires intérieures respectent strictement les dispositions de la Constitution et des lois adoptées sur sa base régissant le domaine pénal, en particulier le Code pénal et le Code de procédure pénale. Tous les actes de procédure et toutes les décisions des enquêteurs, sans exception, sont consignés dans le dossier de l’affaire et, en cas de violation de la légalité durant la procédure pénale, les citoyens ont le droit de contester presque tous les actes et décisions de l’enquêteur auprès du procureur compétent ou d’un tribunal.

51.Afin d’assurer un contrôle efficace de l’action des administrations publiques centrales et des pouvoirs locaux, le Président du Kirghizistan a édicté le décret no212 en date du 29 septembre 2010 relatif à l’amélioration de l’interaction entre les autorités publiques et la société civile, qui a institué des conseils de contrôle public au sein des administrations publiques.

52.Ce texte dispose que les conseils de contrôle public sont des organes de consultation et de surveillance créés afin de promouvoir la participation des citoyens au contrôle public de l’action des organes exécutifs concernés, une interaction effective entre ces organes et la collectivité et la prise en considération de l’opinion publique dans l’élaboration et l’exécution de la politique de l’État.

53.L’influence croissante des associations sur la vie publique et politique du pays a mené à la création, en 1994, ce pour la première fois dans un pays de la Communauté d’États indépendants, de l’Assemblée du peuple du Kirghizistan, institution qui réunit les centres ethnoculturels de diverses communautés ethniques. L’Assemblée, qui regroupait 11 centres ethnoculturels à sa création, réunit à présent 29 organisations et dispose de deux bureaux de province (Djalal-Abad et Och). Afin d’améliorer l’interaction entre les autorités et la société civile, des comités consultatifs locaux ont été créés dans les provinces d’Och, de Djalal-Abad, de Tchouï et d’Issyk-Koul. Un conseil pour le développement des groupes ethniques a été fondé dans la ville de Tokmak. L’Assemblée est dotée du statut d’organe chargé de fournir des conseils et avis au Président de la République.

54.En 2011 s’est tenue à Bichkek la septième session extraordinaire du Kouroultai (Conseil national) de l’Assemblée du peuple du Kirghizistan, à l’occasion de laquelle ont été adoptés un cadre d’orientation pour la politique ethnique et la consolidation de la société, le Plan d’action à l’horizon 2015 et une nouvelle version de sa charte; cette dernière a été approuvée par une commission de contrôle et le Conseil a été constitué dans sa nouvelle configuration, soit 65 membres, dont des responsables de ministères et départements et des représentants d’associations membres de l’Assemblée du peuple du Kirghizistan.

55.La nouvelle version de sa charte dispose que l’Assemblée du peuple du Kirghizistan est une personne morale ayant pour mandat d’aider à consolider la société sur la base de l’identité citoyenne commune et de la responsabilité commune des citoyens concernant le maintien de l’unité et de la diversité culturelle du pays aux fins du développement progressif de la démocratie ainsi que du renforcement de l’entente interethnique, de l’intégration et de l’unité du peuple du Kirghizistan.

56.L’Assemblée du peuple du Kirghizistan a été créée aux fins suivantes:

Consolider la société en se fondant sur l’identité citoyenne commune et sur la responsabilité commune des citoyens en ce qui concerne le maintien de l’unité et de la diversité culturelle du pays;

Promouvoir les intérêts des minorités ethniques qui, avec les Kirghizes, forment le peuple du Kirghizistan;

Favoriser le développement des groupes ethniques pour consolider la société et renforcer l’interaction entre tous les niveaux de la société civile;

Préserver et promouvoir les particularismes ethniques, linguistiques et culturels ainsi que l’intégration des minorités ethniques et culturelles en formant une communauté intellectuelle et culturelle du peuple du Kirghizistan;

Élaborer et développer des nouvelles formes de coopération entre les groupes ethniques, à tous les niveaux, et renforcer le partenariat dans tous les domaines de la société civile;

Prendre des mesures visant à prévenir les tensions et à éradiquer l’antagonisme et l’extrémisme;

Encourager les activités des associations ethniques qui œuvrent à promouvoir les droits des groupes ethniques et leur participation à tous les domaines de la vie publique et sociale du pays.

57.L’Assemblée du peuple du Kirghizistan est investie du mandat suivant:

Élaborer et soumettre pour examen au Président de la République kirghize, au Zhogorku Kenesh et au Gouvernement des mesures visant à protéger les droits des minorités ethniques et à promouvoir le bien-être spirituel, moral et physique de toutes les ethnies, leur culture, leur langue, leur religion et leurs us et coutumes;

Contribuer à régler les problèmes propres à l’ethnie kirghize concernant la protection du patrimoine culturel et le développement de la langue d’État;

Étudier les moyens de traiter les problèmes d’ordre ethnique et interethnique et soumettre des propositions y relatives aux pouvoirs locaux;

Aider à préparer et effectuer des évaluations publiques des projets de loi visant à encadrer juridiquement les relations interethniques et interreligieuses;

Élaborer des recommandations pour prévenir et régler les situations conflictuelles dans la société, notamment des mesures pratiques pour régler les différends.

58.Le Plan d’action pour la mise en œuvre de la politique ethnique et la consolidation de la société du Kirghizistan à l’horizon 2015 a été élaboré pour donner effet aux dispositions du cadre d’orientation y relatif. Il définit les mesures d’ordre institutionnel, technique, organisationnel, financier et informatif à entreprendre dans cinq domaines prioritaires: politique linguistique et planification; médias et culture; éducation multiculturelle et multilingue; participation effective des citoyens à la vie politique, économique et sociale; gestion des relations interethniques au sein des communautés locales.

59.Outre l’Assemblée du peuple du Kirghizistan, de nombreuses ONG sont très actives, en particulier dans le domaine des relations interethniques.

60.Le Médiateur (Akyikatchy) assure à titre permanent le contrôle du respect des droits constitutionnels et des libertés de l’homme et du citoyen en se fondant sur la Constitution, la législation nationale, les instruments internationaux auxquels la République kirghize est partie, ainsi que sur les principes et normes universellement reconnus du droit international. Son activité est définie par la loi sur le Médiateur (Akyikatchy) de la République kirghize (ci-après dénommée «loi sur le Médiateur»).

61.Le Médiateur est compétent pour les problèmes concernant l’exercice des droits et libertés de l’homme et du citoyen auxquels les citoyens du Kirghizistan, les étrangers ou les apatrides se trouvant sur le territoire national sont confrontés dans leurs relations avec les autorités centrales ou locales et leurs fonctionnaires.

62.Conformément à l’article 3 de la loi précitée, le contrôle assuré par le Médiateur vise, outre à protéger les autres droits et libertés de l’homme, à prévenir toute forme de discrimination susceptible d’entraver l’exercice de ces droits et libertés. En application de son article 10, le Médiateur examine les demandes et communications des citoyens kirghizes et des étrangers et des apatrides résidant sur le territoire kirghize concernant des décisions ou actes (omissions) des autorités centrales ou locales attentatoires aux droits et libertés de l’homme et du citoyen.

63.Le 26 juillet 1996 a été adoptée la loi portant adhésion à la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid. Aux termes de la Convention les actes d’apartheid peuvent être qualifiés de crime de génocide.

64.L’article 373 (Génocide) du Code pénal réprime les actes visant la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, par le meurtre ou des atteintes graves à la santé de ses membres, par l’empêchement de procréer, l’enlèvement d’enfants, le déplacement forcé ou la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence conduisant à son anéantissement physique. La législation pénale kirghize qualifie ces actes d’infractions particulièrement graves emportant une peine de privation de liberté de douze à vingt ans ou la réclusion à perpétuité.

65.La Commission internationale indépendante d’enquête sur les événements survenus dans le sud du Kirghizistan a estimé dans son rapport qu’en dépit des nombreuses violences commises alors les événements de juin ne pouvaient être qualifiés de génocide.

66.Conformément à l’article 16 de sa Constitution, le Kirghizistan respecte et garantit les droits et libertés de toutes les personnes se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction. Nul ne peut être soumis à une discrimination fondée sur le sexe, la race, la langue, le handicap, l’appartenance ethnique, la religion, l’âge, les convictions politiques ou autres, l’éducation, l’origine, la fortune ou une autre situation, ni sur aucun autre critère. Tous les citoyens sont égaux devant la loi et les tribunaux.

67.L’article 16 du Code de procédure pénale dispose que la justice est rendue sur la base de l’égalité des citoyens devant la loi et les tribunaux, sans distinction fondée sur l’origine sociale, la situation matérielle et professionnelle, le sexe, l’éducation, la langue, l’attitude à l’égard de la religion, les convictions, l’appartenance à des associations, le lieu de résidence ou sur tout autre critère.

68.L’article 550 du Code de la responsabilité administrative dispose que l’examen d’une affaire relative à une infraction administrative s’effectue sur la base de l’égalité des citoyens devant la loi et le tribunal saisi de l’affaire, sans distinction fondée sur l’origine, la situation sociale et matérielle, l’appartenance raciale ou nationale, le sexe, l’éducation, la langue, l’attitude à l’égard de la religion, le type ou la nature de l’activité professionnelle, le lieu de résidence ou sur tout autre critère.

69.Le Bureau du Procureur général note qu’au premier trimestre 2011 au total 32 enquêtes pénales pour incitation à l’hostilité interethnique ont été ouvertes, dont une à l’initiative des services du Procureur, 24 du Ministère des affaires intérieures et 7 du Comité d’État pour la sécurité nationale. Sur ce total, 17 enquêtes visant 18 personnes ont été menées à leur terme et le dossier à été transmis à une juridiction de jugement, 2 ont été suspendues faute d’avoir pu identifier la personne à inculper et 13 se poursuivent.

70.Sur la période 2007/premier trimestre 2011, le Comité d’État pour la sécurité nationale a reçu 28 demandes et communications émanant de citoyens relatives à des questions d’ordre interethnique. Après examen, aucune infraction motivée par l’appartenance nationale n’a toutefois été confirmée. S’agissant d’infractions liées à l’incitation à la haine nationale, raciale et religieuse, en 2010 les organes d’enquête du Comité ont traité 66 affaires pénales et poursuivi 58 personnes, et sur les quatre premiers mois de 2011 ils ont traité 25 affaires pénales et poursuivi 20 personnes.

71.Les organes du Comité d’État pour la sécurité nationale effectuent un travail régulier de sensibilisation et de prévention. En 2010, ils ont ainsi organisé 50 activités de prévention, dont 18 campagnes d’information (10 dans la presse et 8 à la télévision). Les quatre premiers mois de 2011, 16 activités de prévention à caractère général ont été menées et 6 notes d’information envoyées aux institutions concernées. Une table ronde sur «La tolérance, l’entente interethnique et les relations interconfessionnelles en République kirghize» a été organisée et des plans interministériels d’activités communes pour prévenir les affrontements interethniques et consolider les relations interethniques ont été élaborés.

72.Selon les données du service d’information du Ministère des affaires intérieures, entre le 1er janvier 1999 et avril 2011 quelque 1 184 affaires pénales ont été ouvertes des chefs d’extrémisme (1 153) ou de terrorisme (31), se répartissant comme suit:

31 affaires pénales au titre de l’article 226 (terrorisme);

337 affaires pénales au titre de l’article 97 (meurtre motivé par la haine ou l’hostilité nationale, raciale ou religieuse);

27 affaires pénales au titre de l’article 295 (prise de pouvoir ou conservation du pouvoir par la violence);

3 affaires pénales au titre de l’article 295-1 (activités séparatistes);

72 affaires pénales au titre de l’article 297 (appels publics au renversement de l’ordre constitutionnel par la force);

686 affaires pénales au titre de l’article 299 (incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale);

10 affaires pénales au titre de l’article 299-1 (activités organisées en vue d’inciter à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale);

18 affaires pénales au titre de l’article 299-2 (acquisition, stockage, transport ou envoi de documents extrémistes en vue de les diffuser ou de les produire et les diffuser, et utilisation délibérée des symboles ou insignes d’organisations extrémistes.

73.Se fondant sur les rapports récapitulatifs des tribunaux, la Cour suprême a fourni des données statistiques sur les décisions judiciaires rendues entre 2007 et le premier trimestre 2011 dans des affaires pénales visant la haine ou l’hostilité nationale, raciale ou religieuse. En droit pénal du Kirghizistan, ces infractions entrent dans la catégorie des infractions moins graves et graves (voir tableau 1). Note: On ne dispose pas de données sur l’appartenance ethnique ou nationale des parties dans les affaires pénales susmentionnées, ni dans les affaires civiles de réparation ou indemnisation liées à la discrimination raciale portées devant les tribunaux du pays.

Tableau 1

Article du Code pénal

Année

Condamnations

Hommes

Femmes

Total

97 − Homicide volontaire motivé par la haine ou l ’ hostilité nationale, raciale ou religieuse

2009

1

1

97 − Homicide volontaire motivé par la haine ou l ’ hostilité nationale, raciale ou religieuse

2010

3

3

97 − Homicide volontaire motivé par la haine ou l ’ hostilité nationale, raciale ou religieuse

Premier trimestre 2011

2

2

299 − Incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale

2007

22

1

23

299 − Incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale

2008

40

40

299 − Incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale

2009

51

1

52

299 − Incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale

2010

56

2

58

299 − Incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale

Premier trimestre 2011

8

1

9

299 − Incitation à la haine nationale, raciale, religieuse ou interrégionale

2007

22

1

23

74.La décision no 567 du Zhogorku Kenesh du 9 juin 2011 relative aux résultats des travaux de la commission parlementaire provisoire chargée de faire la lumière et de donner une appréciation politique sur les circonstances et causes des événements tragiques survenus au Kirghizistan en avril-juin 2010 dispose, notamment, ce qui suit [le Zhogorku Kenesh]:

Demande au Président, au Zhokorgu Kenesh et au Gouvernement de créer un groupe de travail conjoint chargé de poursuivre la réforme des forces armées, des organes du Comité d’État pour la sécurité nationale, du Ministère des affaires intérieures, des services du Procureur général et de l’appareil judiciaire du Kirghizistan;

Considère que l’ancienne équipe dirigeante est politiquement responsable des mesures intérieures et extérieures antinationales qui ont abouti à l’appauvrissement de la population et à la déliquescence de l’État et ont été la cause principale des événements des 6 et 7 avril et de mai-juin 2010, aux lourdes conséquences;

Considère que les membres du Gouvernement provisoire de la République kirghize portent la responsabilité politique d’avoir échoué à éviter les affrontements interethniques;

Considère que les principaux organisateurs et responsables des événements tragiques de mai-juin 2010 survenus dans la ville d’Och et dans les provinces d’Och et de Djalal-Abad sont une dizaine de chefs de la communauté ouzbèke qui se sont livrés à l’époque à des menées nationalistes et séparatistes;

Demande au Bureau du Procureur général de procéder à une évaluation juridique des actes de plus de 25 hauts fonctionnaires expressément nommés (presque tous sont kirghize de souche) des forces de l’ordre qui ont été mêlés aux événements tragiques survenus en juin dans le sud du Kirghizistan, ainsi que des dirigeants des villes et provinces où se sont produits ces affrontements interethniques (plus de 11 subdivisions administratives);

Demande que soient diligentées des enquêtes sur les saisies et vols d’armes, de munitions, de matériels militaire et d’autres biens et d’établir le degré de responsabilité des commandants des unités militaires ayant rendu possibles ces faits;

Demande au Bureau du Procureur général de déterminer si la responsabilité personnelle des procureurs de plus d’une douzaine de subdivisions administratives est en cause eu égard à leur réaction face aux faits et événements survenus en avril‑juin 2010.

75.Cette décision Zhogorku Kenesh fait ressortir les avantages du régime parlementaire:

La transparence du processus démocratique d’examen des problèmes aigus que soulèvent les relations interethniques au Kirghizistan;

La détermination de l’État à reconnaître ouvertement et honnêtement ses erreurs et carences.

Cette décision du Zhogorku Kenesh a donc soulevé, dans le respect du principe d’objectivité et d’égalité envers les deux groupes ethniques parties au conflit, la question de la responsabilité personnelle des personnes mêlées aux affrontements interethniques survenus dans le sud du Kirghizistan.

76.En vertu de l’article 40 de sa Constitution, le Kirghizistan garantit à chacun la protection judiciaire des droits et libertés que consacrent la Constitution, la législation, les instruments internationaux auxquels le Kirghizistan est partie et les principes et normes universellement reconnus du droit international. L’État assure le développement de méthodes, formes et moyens extrajudiciaires et avant procès de protection des droits et libertés de l’homme et du citoyen. Adoptée le 17 juillet 2009, la loi sur l’aide juridictionnelle garantie par l’État a pour but de protéger les droits des citoyens au cours de la procédure pénale. Un projet pilote d’aide juridictionnelle garantie par l’État a été mis en œuvre en 2010 dans deux districts en vue de valider les dispositions de ce texte. Aux fins de son application, le décret présidentiel no 67 du 28 mars 2011 a institué le Conseil national de l’aide juridictionnelle garantie par l’État auprès de la Présidence. Le Conseil se compose d’avocats, de juges et de représentants de l’État, de la société civile et du monde universitaire. Il définit la politique en matière d’organisation et de fonctionnement du système d’aide juridictionnelle garantie par l’État et évalue l’efficacité de sa mise en œuvre. Le Conseil sélectionne en outre les avocats appelés à être inscrits au registre national d’aide juridictionnelle et examine les demandes et plaintes relatives à l’octroi de l’aide juridictionnelle garantie par l’État afin de prévenir les violations des droits et intérêts légitimes des citoyens.

77.Le paragraphe 2 de l’article 16 de sa Constitution dispose que le Kirghizistan respecte les droits et libertés de l’homme et garantit leur exercice à toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire et relèvent de sa juridiction. Nul ne peut être soumis à une discrimination fondée sur le sexe, la race, la langue, les handicaps, l’appartenance ethnique, la religion, l’âge, les convictions politiques ou autres, l’éducation, l’origine, la situation matérielle ou autre, ni sur aucun autre critère.

78.En vertu de l’article 22 de la Constitution, nul ne peut être torturé ni faire l’objet de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toute personne privée de sa liberté a le droit d’être traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Il est interdit de soumettre une personne à une expérience médicale, biologique ou psychologique sans son libre consentement dûment exprimé et établi.

79.Le paragraphe 1 de l’article 24 de la Constitution dispose que tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.

80.L’égalité des citoyens devant la loi et les tribunaux sans considération de l’origine sociale, de la situation matérielle ou professionnelle, de l’appartenance raciale ou nationale, du sexe, de l’éducation, de la langue, de l’attitude à l’égard de la religion, des convictions, de l’appartenance à des associations, du lieu de résidence ou de tout autre critère est un principe de procédure pénale (art. 16) que consacre en outre la Constitution (art. 16). Son respect fait partie intégrante de tout État de droit.

81.L’article 16 du Code de procédure pénale dispose que la justice est rendue sur la base de l’égalité des citoyens devant la loi et la justice, sans distinction fondée sur l’origine sociale, la situation matérielle et professionnelle, l’appartenance raciale et nationale, le sexe, l’éducation, la langue, l’attitude à l’égard de la religion, l’appartenance à des associations, le lieu de domicile ni sur d’autres circonstances.

82.La procédure pénale est régie par la Constitution, la loi sur la Cour suprême de la République kirghize et les juridictions locales, la Loi constitutionnelle sur le statut des juges et le Code de procédure pénale. La législation prévoit que la justice est rendue exclusivement par les tribunaux. La loi fixe les compétences d’un tribunal, les limites de son ressort et les modalités de conduite de la procédure pénale, qui ne peuvent être modifiées arbitrairement. Créer des tribunaux d’exception ou spéciaux pour examiner des affaires pénales est interdit.

83.L’article 23 du Code de procédure pénale dispose que les parties qui ne maîtrisent pas la langue du tribunal ont le droit de faire des déclarations, de déposer, de former recours, de prendre connaissance du dossier et de s’exprimer devant le tribunal dans leur langue maternelle en bénéficiant des services d’un interprète. Une copie des chefs d’accusation et du jugement (ordonnance, arrêt), traduite dans leur langue maternelle ou dans une langue qu’ils maîtrisent, est remise à l’inculpé, à l’accusé et au condamné.

84.L’indépendance des juges est consacrée par la Constitution dans ces termes «Les juges sont indépendants et ne sont liés que par la Constitution et la loi», ainsi que par le Code de procédure pénale qui dispose que: «La loi interdit et puni toute ingérence constituant une entrave à l’activité des juges dans l’administration de la justice. La Constitution garantit l’indépendance des juges». Le Code de procédure pénale dispose qu’une affaire pénale doit être examinée par un tribunal indépendant, compétent et impartial.

85.L’indépendance de la magistrature est un des grands principes d’un procès pénal équitable et constitue la garantie première de l’impartialité, de la compétence et de l’objectivité des tribunaux. L’indépendance des tribunaux est garantie par l’organisation du pouvoir judiciaire, le système de poids et contrepoids et le caractère démocratique de la structure de l’État; le système de surveillance ne prévoit donc pas de mécanismes spéciaux pour déterminer le degré d’indépendance des juges dans l’examen des affaires pénales et le présent rapport ne contient donc pas de données sur cet aspect.

86.L’exigence d’impartialité du juge est énoncée aussi dans le Code de déontologie des juges aux termes duquel: «Le juge est tenu d’être impartial et de ne pas se laisser influencer dans son activité professionnelle. Il n’a pas le droit d’user de sa fonction ou de son statut pour privilégier les intérêts de quiconque au mépris des prescriptions de la loi».

87.Dans le rapport du Groupe indépendant de défense des droits de l’homme sur la «Surveillance des procédures judiciaires relatives aux événements tragiques survenus dans le sud du Kirghizistan en 2010: résultats, conclusions, recommandations», il est constaté ce qui suit:

Des éléments probants indiquent que des personnes ont été amenées par la force à se reconnaître coupables d’infractions qu’elles n’avaient pas commises;

Des représentants des forces de l’ordre ont exercé des pressions sur des proches;

L’exercice de certains droits procéduraux en matière de conseil, notamment le droit de choisir un avocat et d’avoir un entretien confidentiel avec lui, a été refusé.

88.Les règles applicables à l’audience ont été violées: menaces et injures proférées par les victimes et leurs proches et sympathisants contre les accusés et leurs défenseurs (avocats) et proches et tentatives des victimes et de leurs proches d’agresser physiquement les accusés et leurs proches.

89.Dans sa décision no 567 du 9 juin 2011 relative aux résultats des travaux de la commission parlementaire provisoire chargée de faire la lumière et de donner une appréciation politique sur les circonstances et causes des événements tragiques survenus au Kirghizistan en avril-juin 2010, le Zhogorku Kenesh recommande à la Cour suprême:

D’analyser les résultats de l’examen par les tribunaux de plus de 17 affaires pénales visant des personnes mêlées aux événements d’avril-juin 2010, concernant en particulier la modification des mesures de contrainte et les lenteurs bureaucratiques;

D’assurer la transparence totale des procès des personnes jugées au pénal du chef d’infractions en lien avec les événements de juin 2010;

D’assurer l’accès à la salle d’audience aux proches des accusés et aux représentants des organisations internationales.

90.L’État garantit la sécurité de la personne et du citoyen sans distinction de race ou d’appartenance ethnique ou religieuse. Les questions soulevées par les relations interethniques sont traitées dans un cadre politique démocratique fondé sur la primauté du droit.

91.L’adoption de mécanismes visant à garantir la représentation des différentes ethnies dans les effectifs des administrations publiques et l’introduction d’exigences supplémentaires concernant les qualifications des personnels, en particulier des forces de l’ordre, appelés à travailler dans des communautés multiethniques constituent des moyens efficaces de renforcer la confiance de la population en ces administrations.

92.Les groupes ethniques sont encore assez mal représentés dans les forces de l’ordre. Une analyse de la composition ethnique des effectifs des organes relevant du Ministère des affaires intérieures a mis en évidence pareille situation, 92,7 % de leurs fonctionnaires étant de souche kirghize.

93.Dans sa décision no 567 du 9 juin 2011 sur les résultats des travaux de la commission parlementaire provisoire chargée de faire la lumière et de donner une appréciation politique sur les circonstances et causes des événements tragiques survenus au Kirghizistan en avril-juin 2010, le Zhogorku Kenesh a engagé le Président, le Zhogorku Kenesh et le Gouvernement à adhérer strictement à une politique d’équilibre en matière de personnel, les forces chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité étant appelées à tenir compte du caractère multiethnique de la population aussi bien que des qualités personnelles, morales et professionnelles des candidats et de leur maîtrise de la langue nationale dans la formation, le recrutement et l’affectation de leurs agents.

94.Les critères fondamentaux à remplir pour être recruté et servir dans les organes des affaires intérieures sont: un degré d’instruction élevé, le professionnalisme, les qualités morales et psychologiques, la culture personnelle et l’accomplissement des obligations militaires. Or plutôt que de servir dans les forces armées de la République kirghize, les membres de certains groupes ethniques préfèrent effectuer un service de remplacement n’exigeant pas de prêter serment ni d’effectuer des tâches militaires, ce qui est malheureusement un obstacle à l’engagement dans les forces de l’ordre.

95.Dans son discours devant la septième session extraordinaire du Kouroultai de l’Assemblée du peuple du Kirghizistan, la Présidente du Kirghizistan, R. I. Otounbaeva, a souligné que la participation des minorités ethniques à la vie politique et sociale du pays constituait un des moyens d’améliorer la situation concernant leurs droits.

96.Aux termes de l’article 2 de la Constitution kirghize: «L’État crée les conditions pour assurer la représentation des différents groupes sociaux définis par la loi dans les organes des autorités centrales et locales, notamment à des postes de prise de décision.».

97.En vertu de l’article 60 de la loi sur l’élection du Président de la République kirghize et des députés au Zhogorku Kenesh, lors de l’établissement de sa liste de candidats à la députation un parti politique doit assurer la représentativité de ses candidats comme suit:

Pas plus de 70 % de candidats du même sexe, avec une alternance hommes-femmes par tranche de trois candidats au plus dans la composition des listes électorales;

Pas moins de 15 % de personnes âgées de 35 ans et moins;

Pas moins de 15 % de citoyens de différentes origines ethniques;

Pas moins de deux candidats handicapés et l’un doit figurer parmi les 50 premiers candidats de la liste.

98.La ventilation des candidats par sexe, âge et ethnie évolue en permanence car nombre d’élus accèdent à des postes de haute responsabilité au Gouvernement et sont alors remplacés par les candidats les suivant sur la liste, lesquels présentent d’autres caractéristiques démographiques. La représentativité des députés au regard de ces critères varie donc légèrement (voir tableaux 2 et 3).

Tableau 2

Caractéristiques démographiques

Parlement du 16  décembre 2007 (90 députés)

Parlement du 10 octobre 2010 (120 députés)

Femmes

23/25,5 %

26/21,7 %

Personnes de moins de 35 ans

11/12,2 %

8/6,6 %

Autres ethnies

18/20 %

15/12,5 %

Tableau 3

Nombre de députés

Pourcentage

Origine ethnique

Parlement du 16 décembre 2007 (90 députés)

Parlement du 10 octobre 2010 (120 députés)

Parlement du 16 décembre 2007 (90 députés)

Parlement du 10 octobre 2010 (120 députés)

Proportion de la  population avant le recensement de 2 009, en %

Ouzbeks

6

3

6,6

2,5

14,3

Russes

7

6

7,7

5

7,8

Dounganes

1

1

1,1

0,8

1,1

Tadjiks

-

1

-

0,8

0,9

Kazakhs

1

1

1,1

0,8

0,6

Ukrainiens

-

1

-

0,8

0,4

Coréens

1

1

1,1

0,8

0,3

99.La représentation des différents groupes ethniques dans les assemblées locales et parmi les employés municipaux est un des indicateurs de leur degré réel d’implication et de participation sociale à ce niveau. Une analyse de la composition de ces assemblées a montré qu’en moyenne 86 % de leurs membres sont d’ethnie kirghize, mais des écarts sensibles existent selon les provinces. Bichkek compte la plus forte proportion d’élus d’origines ethniques diverses, avec 30 % dans son conseil municipal, contre 28 % dans la province de Tchouï et 18 % dans celle d’Och. Sur les 524 présidents d’assemblées locales, 10 % seulement sont membres d’autres groupes ethniques. Le personnel administratif des municipalités se compose à hauteur de 87,4 % de Kirghizes de souche contre 12,6 % pour les autres origines ethniques.

100.Aux niveaux local et régional, les organes d’État et les pouvoirs locaux manquent de personnel ainsi que de compétences et connaissances en matière de gestion des relations interethniques et de prévention des conflits, ce qui se traduit par un manque de réactivité face aux nouveaux défis.

101.Au 1er janvier 2008, selon des données du Service des ressources humaines du Gouvernement, 175 des 15 785 fonctionnaires appartenaient à des minorités ethniques et 3 d’entre eux occupaient des postes politiques. Au 1er janvier 2009, 181 des 17 978 fonctionnaires appartenaient à des minorités ethniques et 5 d’entre eux occupaient des postes politiques. Au 1er janvier 2011, 91 % des 16 980 fonctionnaires de l’administration étaient kirghizes de souche.

102.Dans sa décision no 567 du 9 juin 2011 relative aux résultats des travaux de la commission parlementaire provisoire chargée de faire la lumière et de donner une appréciation politique sur les circonstances et causes des événements tragiques survenus au Kirghizistan en avril-juin 2010, le Zhogorku Kenesh a demandé au Président, au Zhogorku Kenesh et au Gouvernement de prendre des mesures en vue de l’adoption d’une politique de recrutement reposant sur le professionnalisme, les compétences, le sens des responsabilités et le dévouement aux idéaux du pays en matière de développement, sans discrimination aucune fondée sur l’appartenance ethnique, régionale ou religieuse, la situation matérielle ou d’autres motifs.

103.Le Code de la responsabilité administrative réprime les atteintes aux droits ethnoculturels, telles que:

Les atteintes au droit des citoyens de choisir librement leur langue d’éducation et d’enseignement, le fait d’entraver et de restreindre l’usage d’une langue et de mépriser la langue d’État ou toute autre langue utilisée par les groupes nationaux et peuples vivant sur le territoire de la République kirghize;

Les entraves au droit à la liberté de conscience et de croyance, y compris au droit d’adopter ou de rejeter des convictions religieuses ou autres, d’adhérer à une association religieuse ou de la quitter.

104.L’article 570 du Code de la responsabilité administrative (qui figure dans sa partie relative à la procédure) définit les droits et obligations des auteurs d’infractions, dont le droit de s’exprimer dans leur langue maternelle ou dans une langue qu’ils maîtrisent, ainsi que le droit de bénéficier des services d’un interprète s’ils ne maîtrisent pas la langue dans laquelle se déroule la procédure.

105.L’article 134 du Code pénal dispose que l’atteinte à l’égalité en droits des citoyens pour des motifs liés à leur sexe, leur race, leur nationalité, leur langue, leur origine, leur situation matérielle ou professionnelle, ainsi que les autres actes de discrimination sont passibles d’une amende ou d’une peine de privation de liberté de deux ans.

106.La participation active à la vie économique passe par la garantie du droit à un niveau de vie décent, du droit à l’éducation et du droit à la santé. L’emploi assure un revenu et stimule le développement personnel. L’État assure la participation effective de tous les groupes ethniques à la vie économique et sociale du pays grâce à une approche non discriminatoire dans le domaine de l’emploi.

107.L’article 9 du Code du travail dispose que chacun a les mêmes possibilités de jouir de ses droits et libertés en matière d’emploi. Nul ne peut être limité dans ses droits et libertés professionnels ni jouir de quelque privilège dans leur exercice pour des motifs fondés sur le sexe, la race, l’appartenance nationale, la langue, l’origine, la situation matérielle et professionnelle, l’âge, le lieu de résidence, l’attitude à l’égard de la religion, les convictions politiques, l’appartenance ou non à une association ou toute autre considération sans rapport avec la compétence professionnelle du travailleur et les résultats de son travail. Les personnes s’estimant victimes de discrimination dans le travail peuvent saisir la justice pour être rétablies dans leurs droits et obtenir réparation du préjudice moral et matériel subi.

108.L’article premier du Code de la famille dispose que les droits des citoyens de contracter mariage et de fonder une famille ne peuvent être soumis à aucune forme de restrictions motivées par l’appartenance sociale, raciale, nationale, linguistique ou religieuse.

109.L’accès sur un pied d’égalité au marché du travail et le droit de tous les groupes de participer effectivement à la vie économique sont garantis par des mesures pour la formation et la reconversion des ressources humaines. Le Gouvernement porte aussi une attention constante aux questions liées au respect des principes de non-discrimination dans le monde de l’entreprise.

110.L’inégalité structurelle, c’est-à-dire le taux de pauvreté élevé dans les régions montagneuses et reculées, qui touche principalement des Kirghizes de souche, et les disparités entre les niveaux de vie dans les villages et dans les villes constituent un des facteurs générateurs de tensions interethniques. Les habitants des régions où l’infrastructure sociale, économique et de transport est sous-développée sont les plus exposés à la fracture sociale, qui ne cesse de s’accentuer.

111.Conformément aux instruments juridiques en vigueur, tous les citoyens résidant au Kirghizistan jouissent des mêmes droits en matière de santé. L’article 16 de la Constitution dispose que les droits et libertés de l’homme sont inaliénables et dévolus à tout individu dès sa naissance. Les droits et libertés de l’homme sont une valeur suprême. Ils ont un effet direct et déterminent le sens et le contenu de l’activité des pouvoirs législatif et exécutif, ainsi que celle des collectivités locales. La République kirghize respecte les droits et libertés de l’homme et garantit leur exercice à toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire et relèvent de sa juridiction.

112.Le droit à des soins de santé est consacré par l’article 61 de la loi sur la protection de la santé des citoyens, qui dispose que les citoyens ont le droit inaliénable de bénéficier de soins de santé. Ce droit garantit que tous les citoyens, sans discrimination fondée sur le sexe, la race, la nationalité, la langue, l’origine sociale, la situation professionnelle, le lieu de résidence, l’attitude à l’égard de la religion, les convictions, l’appartenance à des associations ou sur d’autres critères, ont la possibilité d’exercer dans des conditions d’égalité leur droit à recevoir une assistance sociale et médicale.

113.En application de cette loi, chaque année le Gouvernement adopte une décision approuvant un programme de garanties de l’État pour la fourniture d’une assistance médicale et sanitaire propre à garantir l’exercice du droit aux soins de santé, de faciliter l’accès de la population aux services médicaux et d’améliorer la protection sociale des groupes vulnérables.

114.Le volume, le type et les conditions de fourniture des soins de santé sont définis dans le programme de garanties de l’État pour la fourniture d’une assistance médicale et sanitaire (ci-après le «Programme de garanties de l’État»).

115.Par sa décision no 350 du 1er juillet 2011, le Gouvernement a approuvé le programme de garanties de l’État pour la fourniture d’une assistance médicale et sanitaire pour 2011.

116.En application de l’accord de subvention conclu entre le Fonds d’État pour l’assurance médicale obligatoire et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dans le cadre du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, depuis 2002 les réfugiés et les demandeurs d’asile entrent dans la catégorie des personnes assujetties à l’assurance médicale obligatoire.

117.Si des réfugiés ou des demandeurs d’asile sont hospitalisés dans un établissement appliquant le système du payeur unique, ils n’ont pas à assumer la moindre partie du coût de leurs soins, alors que s’ils le sont dans un hôpital de rang national sur instruction d’un médecin, ils doivent prendre en charge une partie de ces coûts en tant que «personnes assurées».

118.Selon les données du Ministère de la santé, entre 2003 et 2010 quelque 2 244 réfugiés de différentes catégories ont été pris en charge dans les hôpitaux du pays, et 14 l’ont été au premier semestre de 2011. En ce qui concerne les soins ambulatoires, les réfugiés peuvent bénéficier d’un programme complémentaire à l’assurance maladie obligatoire, qui leur permet d’acheter des médicaments délivrés sur ordonnance entre 50 % et 60 % moins cher. Entre 2002 et 2010, le Fonds d’assurance maladie obligatoire a ainsi remboursé un montant de 74 100 soms pour des achats de médicaments au titre de quelque 1 274 ordonnances délivrées à des réfugiés.

119.Conformément à l’article 19 de sa Constitution, la République kirghize accorde l’asile aux étrangers et aux apatrides victimes de persécutions politiques ou de violations des droits et libertés de l’homme.

120.Le Kirghizistan, en tant qu’État partie à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son Protocole facultatif de 1967, auquel il a adhéré en 1996, et en application de sa loi sur les réfugiés, prend des mesures pour protéger les réfugiés, quelle que soit leur appartenance raciale.

121.Afin de garantir aux réfugiés l’exercice effectif de leurs droits, avec le soutien actif du HCR des programmes sont menés au Kirghizistan en vue de remédier au mieux aux problèmes liés aux réfugiés, notamment par le rapatriement librement consenti, la réinstallation dans un pays tiers et des mesures d’intégration dans la communauté locale.

122.L’aide apportée aux réfugiés en vue de leur naturalisation est une des grandes réalisations en la matière. Depuis 2002, plus de 9 000 personnes ont obtenu la nationalité du Kirghizistan, et plus de 800 depuis 2007. À ce sujet, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Guterres, a constaté que cette démarche était un exemple unique dans la pratique internationale en matière de réponse aux problèmes de réfugiés.

123.Les demandes de naturalisation émanant de réfugiés sont en outre traitées en priorité. L’article 13 de la loi sur la nationalité du Kirghizistan a réduit à trois ans la durée de résidence requise d’un réfugié pour l’obtenir.

124.Des progrès ont été accomplis aussi dans la réponse aux problèmes que soulève l’éducation des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui ont droit à un enseignement secondaire dans des conditions d’égalité avec les citoyens du Kirghizistan. Le HCR apporte par ailleurs son aide pour la fourniture de soins de santé à ces catégories de personnes.

125.La législation nationale reconnaît de plus aux réfugiés des droits tels le droit au travail, le droit d’exercer des activités commerciales, le droit à la propriété et le droit à la protection juridique.

126.Des efforts ont été entrepris en vue d’améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Un centre d’accueil a ainsi été ouvert avec l’aide du HCR au titre d’un projet de l’Union européenne et il fonctionne bien.

127.Le nombre de réfugiés a diminué régulièrement sur le territoire du Kirghizistan ces dernières années, ce qui est le principal indicateur attestant la stabilisation de la situation en matière de migrations forcées. Le nombre de réfugiés a ainsi été divisé par sept depuis 2007 (ils étaient alors 1 397).

128.Au 1er juin 2011, le Kirghizistan comptait 193 réfugiés, dont 184 originaires d’Afghanistan et 9 d’autres pays (République islamique d’Iran, République populaire démocratique de Corée et République arabe syrienne).

129.Sur les 225 demandeurs d’asile, 47 sont originaires d’Afghanistan, 7 de République islamique d’Iran, 1 de République populaire démocratique de Corée, 1 du Pakistan, 13 de Fédération de Russie (République de Tchétchénie), 1 de République arabe syrienne, 1 de Turquie, 152 d’Ouzbékistan et 2 sont apatrides (venus d’Ouzbékistan).

130.Le Kirghizistan s’est donc doté d’un dispositif opérationnel de protection des réfugiés dans le cadre de son système de protection des droits de l’homme. Il n’a pourtant qu’une expérience limitée en matière d’action en faveur des réfugiés et il lui reste encore à prendre des décisions et à déployer des efforts en la matière.

131.L’article 6 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale fait obligation aux États parties d’assurer à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives, devant les tribunaux nationaux et autres organismes d’État compétents, contre tous actes de discrimination raciale qui, contrairement à la Convention, violeraient ses droits individuels et ses libertés fondamentales, ainsi que le droit de demander à ces tribunaux satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination.

132.L’examen de la législation nationale montre que les normes internationales en matière d’administration équitable de la justice y sont bien intégrées par le canal des dispositions pertinentes de la Constitution, du Code de procédure pénale, de la loi constitutionnelle sur le statut des juges, de la loi sur la Cour suprême et les juridictions locales et du Code de déontologie des juges.

133.L’article 7 du Code de procédure civile dispose que la justice au civil est rendue sur la base de l’égalité de tous les citoyens devant la loi et les tribunaux, sans distinction fondée sur le sexe, la race, la nationalité, la langue, la croyance, les convictions politique ou religieuse, l’origine, la situation matérielle ou professionnelle, le lieu de résidence ni sur aucune autre condition ou circonstance de nature privée ou publique, ainsi que de toutes les personnes morales indépendamment de leur régime de propriété, de leur domicile, de leur statut de filiale ou d’autres critères.

134.Le Kirghizistan est doté d’une base juridique assez solide pour prévenir les cas de discrimination devant les tribunaux. L’article 16 de la Constitution dispose que tous les individus sont égaux devant la loi et les tribunaux. Au vu de l’expérience pratique de l’institution du Médiateur, il est permis d’affirmer que cette norme constitutionnelle est dans l’ensemble respectée au cours des procédures judiciaires. Ainsi, durant la seule année 2010 les agents du Bureau du Médiateur ont assisté à 683 audiences. Leurs rapports font état de cas isolés de violations des règles de procédure, mais ne signalent aucune discrimination envers des participants pour des motifs fondés sur l’appartenance ethnique, raciale ou tout autre critère social.

135.La population a accueilli avec de vives critiques les décisions rendues par les tribunaux dans l’affaire relative aux événements survenus à Nookat le 1er octobre 2008, qui ont donné lieu à l’arrestation et à la condamnation de nombreuses personnes que les forces de l’ordre avaient cataloguées comme membres du Hizb ut-Tahrir sur la base de listes établies par les autorités locales. De longues peines de privation de liberté ont été prononcées contre 32 personnes, dont 25 (78 %) d’ethnie ouzbèke. Le Médiateur de la République kirghize a organisé sa propre enquête sur les incidents de Nookat. Une commission spéciale a été établie, avec la participation de représentants de la société civile et d’organisations internationales, et les informations qu’elle a recueillies ont été utilisées pour élaborer des communications adressées aux dirigeants du pays et des communiqués transmis aux agences de presse.

136.Le Médiateur reçoit régulièrement, mais en petit nombre, des plaintes de particuliers contre des discriminations à motivation sociale. Elles portent rarement sur des problèmes liés aux relations interethniques. En 2011, le Bureau du Médiateur n’a enregistré que deux plaintes classées en rapport avec les relations interethniques. Des éléments révélateurs d’atteinte aux droits du citoyen pour divers motifs figuraient dans 37 (10,4 %) des 366 plaintes reçues au premier semestre de 2011.

137.La réparation et l’indemnisation du préjudice subi sont des éléments importants. Conformément au Code civil, une personne dont les droits ont été violés peut prétendre à une réparation intégrale du préjudice subi, sauf si la loi ou un instrument juridique pertinent en dispose autrement.

138.Entre le 31 janvier et le 6 février 2007, des heurts ont opposé les communautés doungane et kirghize vivant dans la localité d’Iskra du district de Tchouï (province de Tchouï). Le 7 février, une décision du Gouvernement a institué une commission d’enquête, qui s’est penchée sur la question de l’indemnisation des dommages matériels. Il a été décidé de dresser des listes: a) des bénéficiaires potentiels d’indemnités; b) des matériaux à donner à la communauté doungane. Les propriétaires des maisons saccagées au cours des émeutes ont ainsi reçu des films pour couvrir les fenêtres cassées. Les indemnités accordées par le Gouvernement n’ont pas satisfait les propriétaires des 11 maisons sinistrées. Les Dounganes ont donc sollicité des fonds supplémentaires auprès du Gouvernement, pendant six mois, mais ont finalement obtenu une petite aide du conseil de localité (ayil okmotu) et ont réparé eux-mêmes leurs maisons. Les autorités ont proposé aux victimes des prêts à des conditions avantageuses d’un montant compris entre 50 000 et 100 000 soms.

139.Le 26 avril 2009 des heurts ont opposé des Kirghizes et des Russes à des Kurdes dans la localité de Petrovka et ont fait autour de 80 victimes; 15 maisons ont été saccagées. Après ces violences, les autorités locales ont secouru les victimes, qui n’ont pas reçu d’aide de l’État car elles ne l’ont pas demandée.

140.Lors des émeutes qui ont éclaté à Maevka, le 19 avril 2010, dans un quartier à fort peuplement de Turcs meskhètes, le feu a été mis à 11 maisons, dont quatre ont brûlé entièrement. Les victimes ont reçu une aide matérielle (aliments et vêtements) de partis et d’organisations non gouvernementales. L’État a accordé quant à lui une aide d’un montant de 100 000 soms aux personnes dont l’habitation avait été détruite et d’un peu moins à celles dont l’habitation avait été très endommagée. Un montant de 150 000 soms a été prélevé à ce titre sur le budget local. Le Gouvernement turc a fait construire quatre habitations clefs en main pour les propriétaires des maisons qui avaient entièrement brûlé. L’aide matérielle accordée par l’État a été reçue dès le mois d’août et les familles ont pu s’installer dans leurs nouvelles maisons en septembre-octobre 2010. Le Comité international de la Croix-Rouge a fait parvenir aux victimes des matériaux de construction pour un montant de 500 000 soms en vue de la remise en état.

141.En application de l’ordonnance no 1 du Gouvernement provisoire de la République kirghize du 8 avril 2010 sur l’octroi d’une aide matérielle forfaitaire aux victimes des événements d’avril, mai et juin 2010, les familles des personnes tuées ont reçu une aide sociale de 1 million de soms, les personnes gravement blessées de 100 000 soms et les personnes moins gravement ou légèrement blessées de 50 000 soms.

142.En application de l’arrêté gouvernemental no 173 du 25 août 2010 sur l’octroi d’une aide sociale d’État aux citoyens kirghizes victimes des événements survenus en juin 2010 dans la ville d’Och et les provinces d’Och et de Djalal-Abad, les familles des personnes tuées ont reçu une allocation forfaitaire de 20 000 soms et les enfants des personnes tuées au cours de ces événements bénéficient à titre temporaire, pour six mois, d’une bourse mensuelle se montant à 10 fois l’unité comptable de référence (soit 1 000 soms). Une allocation forfaitaire de 1 000 soms a été versée en 2011 à 21 familles (parents) de disparus en application de l’instruction du Premier Ministre no 10-r du 19 janvier 2011.

143.Afin d’aider les victimes et familles de victimes, le Gouvernement provisoire de la République kirghize a édicté le décret no 124 du 24 août 2010 sur l’octroi d’une aide sociale d’État aux familles des personnes tuées et aux citoyens de la République kirghize ayant été blessés ou ayant subi un préjudice lors des événements survenus le 6 avril dans la province de Talas, le 7 avril dans la ville de Bichkek, les 13 et 14 mai dans la ville de Djalal-Abad et en juin 2010 dans la ville d’Och et les provinces d’Och et de Djalal-Abad. L’arrêté no 209 du 18 septembre 2010 portant application de ce décret prévoit le versement d’une aide sociale mensuelle supplémentaire: aux enfants des personnes tuées − jusqu’à l’âge de 18 ans; aux parents (père, mère) des personnes tuées ayant l’âge de la retraite − à vie si la personne tuée était enfant unique; aux victimes handicapées et reconnues comme telles − depuis la date de signalement du handicap jusqu’à celle de l’adoption de ses conclusions par la commission d’experts en matière médico-sociale. Cette aide se monte à 10 fois le revenu minimum garanti (10 x 310), soit 3 100 soms. Son montant a été porté à 3 700 soms par mois en juillet 2011.

144.L’arrêté no 204 du 24 mai 2011 sur l’octroi d’une aide matérielle forfaitaire aux familles des personnes tuées ou disparues et aux citoyens de la République kirghize blessés lors des événements survenus en juin 2010 dans les provinces d’Och et de Djalal-Abad prévoit le versement d’une aide de 1 million de soms aux familles des personnes tuées ou disparues, de 100 000 soms aux personnes gravement blessées et de 50 000 soms aux personnes moins gravement ou légèrement blessées.

145.L’instruction no 485 du 21 juin 2010 du Gouvernement provisoire de la République kirghize a institué une commission chargée d’évaluer les préjudices subis du fait des événements de juin dans la ville d’Och et les provinces d’Och et de Djalal-Abad. Dans le rapport qu’elle a rendu le 12 juin 2010, la commission a évalué à titre préliminaire le montant des dommages à 2 742 225 000 soms; 2 323 sites ont été endommagés dont:

Locaux à usage d’habitation: 1 975;

Locaux commerciaux: 299;

Locaux publics: 32;

Infrastructures: 15;

Autres: 2.

146.Par son arrêté no 164 du 17 août 2010, le Gouvernement de la République kirghize a approuvé une liste préliminaire de sites à réhabiliter ou à reconstruire sous la conduite de la Direction centrale de la réhabilitation et du développement des villes d’Och et de Djalal-Abad, pour un montant estimatif de 6 milliards de soms.

147.Par son arrêté no 112 du 1er juillet 2010 sur les mesures prioritaires visant à identifier les sources de financement pour la réhabilitation des villes d’Och et de Djalal-Abad, le Gouvernement a chargé le Ministère des finances de mobiliser 100 millions de dollars (4 530 millions de soms) pour des travaux de réhabilitation dans ces villes. En 2010, le Ministère a alloué 683 millions de soms à cet effet, se répartissant comme suit:

Construction d’habitations individuelles: 3,6 millions de soms;

Construction d’immeubles d’habitation: 442,6 millions de soms;

Construction d’installations socioculturelles: 58,9 millions de soms;

Construction de routes: 20 millions de soms;

Études et projets: 20,8 millions de soms;

Octroi de prêts et de subventions: 120,3 millions de soms;

Frais de fonctionnement de la Direction: 16,8 millions de soms.

148.Dans la loi de finances relative au budget pour l’année 2011 et aux prévisions budgétaires pour les années 2012-2013, pour l’exercice 2011 a été inscrit un montant de 2 372,1 millions de soms aux fins de la réhabilitation et du développement des villes d’Och et de Djalal-Abad se répartissant comme suit:

Frais de fonctionnement de la Direction nationale de la réhabilitation et du développement des villes d’Och et de Djalal-Abad: 41,0 millions de soms;

Fonds spécial pour la réhabilitation et le développement des villes d’Och et de Djalal-Abad: 2 331,1 millions de soms dont:

Section 79120 de la nomenclature administrative: 2 331,1 millions de soms répartis comme suit entre les postes budgétaires ci-après:

2521 «Subventions à des sociétés privées non financières, à des chefs d’entreprises et à la population»: 20,0 millions de soms au titre de l’aide non remboursable aux victimes;

3111 «Bâtiments et installations»: 2 291,1 millions de soms pour des travaux de construction et de réhabilitation de sites;

3214 «Crédits, prêts et hypothèques»: 20,0 millions de soms pour l’octroi de prêts à taux préférentiel aux victimes.

149.Entre le 1er janvier et le 28 juin 2011, le Ministère des finances a financé des opérations de réhabilitation et de développement des villes d’Och et de Djalal-Abad pour un total de 1 180,4 millions de soms, dont 1 124,7 millions ont été dépensés comme suit:

Aide de l’État aux familles affectée: 8,2 millions de soms;

Aide de l’État aux chefs d’entreprise affectée: 44,4 millions de soms;

Construction d’immeubles d’habitation: 1 072,3 millions de soms, dont:

Construction et réhabilitation d’installations socioculturelles et de bâtiments administratifs: 68,9 millions de soms;

Reconstruction de routes et d’infrastructures: 53,2 millions de soms;

Études et projets: 20,1 millions de soms;

Cofinancement du projet de la BAsD (Banque asiatique de développement): 1,8 million de soms;

Autres travaux et frais de fonctionnement de la Direction centrale: 13,0 millions de soms.

150.À la fin de 2010, 1 780 maisons avaient été reconstruites. Toutes les personnes sinistrées ont bénéficié d’un hébergement temporaire. Des logements permanents sont en construction. Un programme de soutien aux entreprises ayant subi un préjudice, qui prévoit des avantages fiscaux et des exonérations de paiements, a été adopté et les 472 personnes affectées ont toutes reçu une indemnisation.

151.Le Zhogorku Kenesh, dans sa décision no 567 du 9 juin 2011 relative aux conclusions de la commission d’enquête parlementaire temporaire chargée de faire la lumière et de donner une appréciation politique sur les circonstances et conditions des tragiques événements survenus en avril-juin 2010 et a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice moral et matériel subi par les personnes, physiques ou morales, lors de ces événements.

152.Comme le montre l’analyse du dispositif mis en place pour assurer la réparation des préjudices matériel et moral, contrairement au Gouvernement Bakiev en son temps, l’État a honoré les obligations lui incombant en la matière dans les zones de conflit en apportant une aide massive aux victimes des affrontements interethniques postérieurs à avril 2010. À l’opposé des régimes précédents, l’État a pour la première fois pris des mesures jugées satisfaisantes et assumé la responsabilité morale de ces événements.

153.L’article 10 de la Constitution garantit aux membres de toutes les ethnies composant le peuple du Kirghizistan le droit à la préservation de leur langue maternelle et la création des conditions nécessaires à l´étude et au développement de leur langue.

154.À l’heure actuelle, la politique linguistique repose sur la loi relative à la langue d’État de la République kirghize, qui dispose que le kirghize est la langue de l’État et la langue des communications entre les ethnies du pays (art. 3). L’État encourage l’apprentissage par les enfants de la langue d’État ainsi que de leur langue maternelle (art. 6).

155.La loi précitée dispose que l’existence d’une langue d’État ne fait pas obstacle à l’usage d’autres langues sur le territoire national. La République kirghize est très attachée au principe de libre développement des langues des membres des diverses ethnies vivant sur son territoire (art. 4). L’article premier de cette loi dispose que l’État garantit aux membres de toutes les ethnies composant le peuple du Kirghizistan la préservation de leur langue maternelle et la création des conditions nécessaires à l’étude et au développement de cette langue. Aucune restriction aux droits et libertés des citoyens tenant à une connaissance insuffisante de la langue d’État ou de la langue officielle n’est admise.

156.La loi relative à la langue officielle, adoptée en 2000, a conféré à la langue russe le statut de langue officielle aux fins des communications entre les groupes ethniques et de la facilitation de l’intégration de la République kirghize à la communauté mondiale (art. 1). Ce statut de la langue russe est inscrit dans la Constitution (art. 10).

157.Le Code de la responsabilité administrativeréprime les violations des droits d’ordre ethnoculturel, en particulier la violation du droits des citoyens au libre choix de leur langue d’éducation et d’enseignement, les obstacles et restrictions au droit d’utiliser sa langue, le mépris de la langue d’État et de toute autre langue utilisée par les ethnies et peuples vivant sur le territoire kirghize (art. 64).

158.Il importe de souligner que, depuis l’indépendance, des efforts sont déployés pour préserver et aider les écoles et établissements d’enseignement supérieur ainsi que les théâtres et autres institutions culturelles enseignant ou utilisant d’autres langues que le kirghize. Les données relatives aux écoles secondaires, ventilées par langues d’enseignement, montrent que le nombre total d’écoles dans le pays a augmenté sur la période 1991-2011 passant de 1 764 à 2 191. Le nombre d’écoles enseignant en kirghize est passé de 1 121 à 1 379 et en ouzbek de 116 à 137. Le nombre d’écoles enseignant en russe a diminué, tombant de 187 à 162 et celui des écoles enseignant en tadjik est demeuré inchangé (2). Le nombre d’établissements proposant un enseignement dans plusieurs langue (russe et kirghize; kirghize et ouzbek; kirghize, russe et ouzbek) est passé de 338 à 431.

159.Selon les données de l’Assemblée du peuple du Kirghizistan, des centres ethnoculturels et associations azerbaidjanais, balkars, grecs, tatares, polonais et d’autres groupes ethniques dispensent des cours du dimanche et des cours de langue maternelle. Le doungane est enseigné dans 11 établissements et l’ouïgour dans cinq. Le coréen est enseigné au centre culturel coréen et dans 15 écoles de Bichkek, tandis que l’hébreu l’est à l’école juive.

160.La politique linguistique, ancrée dans la Constitution, vise outre à conforter le statut de langue d’État du kirghize et de langue officielle du russe, à garantir à tous les membres des ethnies qui composent le peuple du Kirghizistan le droit à la préservation de leur langue maternelle et à la création des conditions nécessaires à son étude et à son développement.

161.Les recensements de 1999 et 2009 indiquent que plus de 71 % des 3,8 millions d’habitants que compte le Kirghizistan parlent le kirghize. La proportion de personnes maîtrisant deux langues est passée de 36 % à 47 % entre 1999 et 2009. Il existe de grandes disparités selon les régions. Ainsi, le russe est très répandu dans la ville de Bichkek, alors que le kirghize prédomine dans certaines régions. La tendance au monolinguisme est plus marquée dans les zones rurales et reculées.

162.Le manque d’enseignants qualifiés, de traducteurs, de manuels, d’outils pédagogiques et notamment d’approches novatrices est une des grandes raisons pour lesquelles la langue d’État n’a pu s’étendre à tous les domaines de la vie publique.

163.Selon des renseignements émanant du Médiateur de la République kirghize, les russophones commencent à se sentir mal à l’aise à Djalal-Abad, ville dont le maire, М. Jeenbekov, a interdit d’accepter les courriers et demandes adressées aux autorités dans la langue officielle, l’ouzbek, qui est de fait la langue de communication, ce qui a scandalisé une large frange de la population du pays qui a protesté contre ces agissements. Le 7 juillet 2011 М. Jeenbekov a été démis de ses fonctions.

164.Le Ministère de l’éducation et des sciences souligne que les mesures législatives et administratives prises dans le domaine de l’éducation et de la formation en vue de combattre les préjugés engendrant la discrimination raciale ont été confortées dans la loi sur l’éducation:

Les citoyens de la République kirghize ont droit à l’éducation sans distinction de sexe, d’appartenance nationale, de langue, de condition sociale et matérielle, d’activité professionnelle, de croyance, de convictions politiques et religieuses, de lieu de résidence et autres. Les étrangers et les apatrides résidant sur le territoire kirghize reçoivent une éducation conforme à la législation interne en vigueur;

L’éducation est un axe stratégique prioritaire de la politique de l’État. Elle a pour fondements les principes énoncés dans les traités et pactes internationaux et la Déclaration universelle des droits de l’homme, les principes de la démocratie, les valeurs humanistes des peuples et la culture mondiale.

165.Dans le cadre de la mise en œuvre la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux fins de revoir le contenu des manuels pour les mettre en conformité avec les principes d’une éducation multiculturelle et tolérante, le Ministère de l’éducation et des sciences a défini des critères pour l’évaluation des ouvrages scolaires et pédagogiques de nouvelle génération, qui devront répondre aux normes exigées en matière de pédagogie, de santé et d’hygiène. Cette approche suppose l’adoption de critères précis pour la rédaction de manuels répondant aux exigences actuelles, à savoir:

Le multiculturalisme;

La tolérance;

La prise en considération du genre;

L’acquisition de compétences pratiques.

166.Le Ministère de l’éducation et des sciences s’emploie à mettre en œuvre une éducation multiculturelle et multilingue respectueuse, dans ses méthodes d’enseignement et d’éducation, des principes spécifiques contribuant au respect et à la préservation de la diversité culturelle et assurant à chacun un droit égal à l’éducation et à la formation et à l’acquisition par tous les élèves des valeurs nationales, politiques, économiques, civiques et spirituelles.

167.En vertu de la loi sur l’éducation, les établissements d’enseignement, publics comme privés, doivent veiller à la maîtrise et à l’essor de la langue kirghize comme langue d’État, à l’étude de la langue russe comme langue officielle et à l’apprentissage d’une langue étrangère conformément aux directives nationales sur l’éducation pour chaque niveau d’étude.

168.Sur la base du mémorandum d’accord conclu le 1er mars 2006 entre le Ministère de l’éducation et des sciences et le Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, le Ministère s’est doté d’un département de l’éducation multiculturelle et multilingue, qui a pour principale mission de coordonner les activités tendant à promouvoir une politique multiculturelle et multilingue par le canal de l’éducation. Les grands axes d’activité sont le développement des langues d’État et officielles ainsi que la préservation et le développement des langues maternelles des minorités nationales.

169.La politique éducative concernant les langues des minorités est conforme aux critères internationaux définis dans des textes comme la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1995) et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (1992).

170.En 2008 le Ministère de l’éducation et des sciences a approuvé le document d’orientation sur l’éducation multiculturelle et multilingue qui définit les grands axes de l’activité des institutions œuvrant en ce domaine.

171.Les concepts de l’éducation multilingue et multiculturelle bénéficient dans toutes les régions du pays d’un soutien de toutes parts: organismes publics et associations relevant du Ministère de l’éducation et des sciences, établissements d’enseignement secondaire et supérieur, Assemblée du peuple du Kirghizistan, instituts de recherche, ONG et médias. Cette question est suivie de près par les acteurs internationaux ayant une représentation dans le pays, comme l’OSCE, l’UNESCO, la fondation «Soros-Kirghizistan» ou la Fondation Eurasie.

172.Le Kirghizistan compte près de 2 000 établissements culturels et artistiques (musées, théâtres, bibliothèques, clubs). L’insuffisance du financement public, la prédominance de produits culturels étrangers, le développement embryonnaire du mécénat et du soutien aux initiatives culturelles sont autant de freins au développement culturel. Des renseignements détaillés sur la législation et la politique dans le domaine culturel figurent dans le rapport du Kirghizistan sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

173.Les activités des médias ont pour fondement la reconnaissance de la liberté d’expression et les principes de l’économie de marché. L’État peut pourtant être amené à influer sur ce secteur en vue de renforcer le sentiment national et d’empêcher toute incitation à la discorde interethnique.

174.En République kirghize, les journaux, les revues et les programmes de radio et de télévision sont publiés ou diffusés en deux langues, sauf dans le sud du pays, où il existe des médias en ouzbek. Actuellement les médias ne couvrent pas suffisamment la vie des diasporas locales. Aucune émission de télévision n’est diffusée dans les langues des peuples du Kirghizistan. Peu est fait pour l’étude de la langue kirghize.

175.En 2009, le pays comptait 1 331 médias (presse écrite: 1 197; médias électroniques: 134), dont 437 en activité.

176.Environ 70 % des journaux et magazines enregistrés paraissent en kirghize et près de 25 % en ouzbek. Plus de 50 % des journaux et magazines publiés régulièrement le sont à Bichkek et sont diffusés dans les différentes régions. La ville d’Och est un centre de publication important, près d’une centaine de journaux et de revues y sont enregistrés.

177.Des journaux régionaux sont publiés: en russe, en kirghize et en ouzbek dans la province d’Och; en russe et en kirghize dans les provinces de Tchouï et d’Issyk-Koul; en kirghize dans les provinces de Naryn, Batken, Djalal-Abad et Talas.

178.Dans la loi sur la langue d’État et la loi sur la radio et télédiffusion figurent des dispositions relatives aux sociétés de télévision et de radio, qui leur prescrivent de diffuser la moitié de leurs émissions dans la langue d’État; 80 % des émissions de radio de l’Office de radio et télédiffusion du Kirghizistan (ORTK) sont diffusées dans la langue d’État et 55 % de ses émissions d’informations télévisées le sont en kirghize.

179.La couverture du territoire national demeure incomplète. En 2009, 182 localités ne recevaient pas les émissions de radio de l’ORTK et 86 ses émissions de télévision.

180.Selon une étude réalisée en 2009, les principaux utilisateurs d’Internet sont les habitants de Bichkek (77 %); 75 % des utilisateurs sont des jeunes âgés de 10 à 30 ans; 37 % des personnes interrogées utilisent leur téléphone portable pour accéder à Internet, ce qui montre que l’accès à Internet pourrait être élargi dans les régions.

181.En juin 2010, trois chaînes de télévision émettaient en ouzbek: Mezon TV, Och ТV et DDD:

Le propriétaire de Mezon ТV, Javlon Mirzokhodjaev, est parti à l’étranger après les événements de juin et sa société de télévision, qui s’appelle maintenant ТRK Bаchat, est dirigée par un associé de Mirzokhodjaev, Аdiba Samatova. Elle ne diffuse pas d’émissions mais met en œuvre des projets sociaux financés par des subventions;

Och TV, qui diffuse actuellement en kirghize, est dirigée par S. Soourbaeva, qu’a nommée le maire d’Och М. Myrzakmatov. La chaîne s’abstient de toute rhétorique nationaliste et est quasiment identique à la chaîne ElТR;

DDD, qui était à l’origine un centre de production d’œuvres audiovisuelles en ouzbek, diffuse actuellement sur la chaîne Keremet.

182.La situation actuelle des médias en ouzbek est globalement déplorable, pratiquement tous ayant cessé d’émettre depuis les événements de 2010; la sécurité des propriétaires de ces médias en est la cause principale. Plusieurs journaux étaient publiés en ouzbek:

Le journal URSS a cessé de paraître en décembre 2009;

Le journal Demos Times a cessé de paraître un an avant la tragédie de juin;

Le journal Diydor a été fondé par le centre ethnoculturel ouzbek de la province de Djalal-Abad. Son directeur de publication, Ulugbeg Abdusalamov, a été mis en cause dans une affaire pénale en lien avec les graves désordres qui se sont produits en mai 2010 à Djalal-Abad;

Le journal Меzon, financé par un homme politique d’ethnie ouzbèke, Davron Sabirov, a cessé de paraître après les événements de juin;

Le journal Itogi nedeli, en russe et en ouzbek, a paru moins souvent après les événements d’avril et ne paraît plus depuis juin 2010;

Le journal Akhborot, dont le directeur se trouve aujourd’hui en Russie, ne paraît plus depuis juin 2010;

Le journal Ouch saddosi, fondé par l’administration de la province d’Och, continue à paraître;

Le journal Doustlik, fondé par l’administration du district d’Aravan, continue à paraître;

Le journal Vetcherniy Och, fondé par la municipalité d’Och, paraît en kirghize, ouzbek et russe;

Le journal Biz My Biz, que publie l’association Jeunesse d’Och, avec l’appui financier du bureau du PNUD au Kirghizistan, paraît en kirghize, ouzbek et russe à 40 000 exemplaires depuis le 12 août 2011.

L’analyse de la situation actuelle des médias en ouzbek, dont la majorité appartenait à des opérateurs privés, montre que plusieurs publications avaient cessé de paraître avant même les événements de juin, suite au départ à l’étranger de leurs fondateurs ou directeurs ou pour des raisons économiques. La plupart de ceux encore en activité ont été fondés par les pouvoirs publics.

III.Conclusion

183.Les événements tragiques survenus dans le sud du pays en 2010 ont suscité dans le pays un débat intense sur les moyens de développer le Kirghizistan en tant qu’État multinational et les différentes forces politiques représentées au Parlement proposent diverses solutions aux problèmes du pays. Une nette tendance, portée par l’État, se manifeste toutefois clairement en faveur d’efforts visant à promouvoir la réconciliation et la concorde interethnique et à empêcher une résurgence des conflits interethniques dans le pays et les actes de discrimination fondée sur la race ou l’appartenance ethnique ou tout autre motif.

184.Les plus hauts dirigeants du pays, en les personnes du Président de la République, du Тorag (Président) du Zhogorku Kenesh et du Premier Ministre, ont maintes fois affirmé avec clarté et fermeté leur attachement à la politique de réconciliation et de concorde interethnique dans le pays et à l’élimination de la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique, la race ou tout autre motif. Cet attachement est attesté par les réformes menées au sein des organes chargés de l’application des lois, des forces armées et du système judiciaire, par la volonté clairement affichée de transformer l’appareil d’État jusqu’ici bureaucratique pour le démocratiser et en extirper toutes les formes de discrimination fondée sur l’appartenance ethnique, la race ou tout autre motif tant aux échelons supérieur et intermédiaire de l’administration centrale qu’à celui des pouvoirs locaux.

Annexe

Bibliographie

1.Ежегодник по правам человека в Кыргызской Республике за 2009 г. Б.2010 г.

2.Погибшие во время июньских событий: ответственность государственных структур по защите прав жертв. Анализ и рекомендации // Кылым Шамы [электронный ресурс]. – режим доступа: http://ksh.kg/?p=171.

3.Таблица умерших во время июньских событий по датам, половым и возрастным признакам // Кылым Шамы [электронный ресурс]. – режим доступа: http://ksh.kg/?p=168. –.

4.Список погибших в результате июньских событий 2010 года на юге республики // Кылым Шамы [электронный ресурс]. – режим доступа: http://ksh.kg/?p=165. –

5.ЦЗПЧ "Кылым шамы" 9 июня 2011 года провел презентацию итогов документирования данных по захваченным/выданным огнестрельному оружию, военной технике и боеприпасам во время массовых беспорядков, произошедших на юге Кыргызской Республики в 2010 году // Кылым Шамы [электронный ресурс]. – режим доступа: http://ksh.kg/?p=113.

6.Отчет по мониторингу судебных процессов по фактам трагических событий на юге Кыргызстана в 2010 году // Кылым Шамы, ОФ "Независимая правозащитная группа" [электронный ресурс]. – режим доступа: http://ksh.kg/?p=103.

7.Мониторинг межэтнической ситуации в Чуйской области // Egalitee (Эгалитэ) [электронный ресурс]. – режим доступа: http://www.egalite.kg .

8.Ассамблея народа Кыргызстана: основные документы [электронный ресурс]. – режим доступа: http://www.assembly.kg/# .

9.Медиаторы Оша подвели итоги // Общественный фонд "ИРЭТ" [электронный ресурс]. – режим доступа: http://aimaknewsrus.kloop.kg/tag/mediatorstvo/.