Nations Unies

CEDAW/C/IND/CO/SP.1

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

3 novembre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Quarante-septième session

4-22 octobre 2010

Examen des rapports présentés par les États partiesen application de l’article 18 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Inde

1.Le Comité a examiné le rapport présenté à titre exceptionnel par l’Inde (CEDAW/C/IND/SP.1) à sa 960e séance, le 15 octobre 2010 (voir CEDAW/C/SR.960).

A.Introduction

2.À la suite de l’examen des deuxième et troisième rapports périodiques de l’Inde réunis en un seul document à ses 761e et 762eséances, le 18 janvier 2007 (voir CEDAW/C/SR.761 et 762), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a demandé à l’État partie, aux paragraphes 67 et 68 de ses observations finales, de lui présenter en janvier 2008 un rapport de suivi sur les conséquences des massacres du Gujarat sur les femmes que le Comité examinerait au cours de l’année 2008. À sa quarantième session, en octobre 2008, le Comité a demandé au secrétariat d’adresser un rappel à l’État partie pour lui faire savoir que ce rapport exceptionnel aurait déjà dû être présenté. En février 2009, la Présidente a, au nom du Comité, adressé une lettre à l’État partie pour lui demander quand il entendait soumettre son rapport. Celui-ci a été reçu en juillet 2009.

3.Le Comité remercie l’État partie de son rapport exceptionnel et du complément d’information qu’il y a apporté. Il regrette cependant que ce rapport ait été longtemps attendu, qu’il ne donne que des informations vagues et limitées et qu’il ne réponde pas exactement à toutes les questions posées par le Comité et qu’en outre, le complément d’information ne soit parvenu au Comité que l’avant-veille du dialogue.

4.Le Comité remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation dirigée par le Représentant permanent de l’Inde auprès des Nations Unies à Genève, tout en regrettant l’absence d’un représentant de l’État du Gujarat et le fait que le représentant du Ministère des femmes et de l’épanouissement de l’enfant n’ait pas pris une part active au dialogue. Le Comité se félicite du dialogue qui a eu lieu entre le chef de la délégation et les membres du Comité mais déplore le caractère imprécis, vague et incomplet de la plupart des réponses. De nombreuses questions posées sont restées sans réponse.

5.Le Comité note avec une grande préoccupation que lors des violences communautaires qui ont eu lieu en 2002, nombre de ces actes ont visé spécifiquement les femmes et les filles, sous la forme notamment d’actes de torture, de meurtres, de viols collectifs, de déshabillage forcé puis d’exhibition, de mutilations des seins et d’autres parties du corps, d’introduction d’objets en bois ou en métal dans le sexe et d’autres formes de violences sexuelles. À cet égard, le Comité rappelle que dans sa Recommandation générale no 19 (1992), la violence contre les femmes fondée sur le sexe est définie comme une violence qui compromet ou rend nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes, et constitue une discrimination au sens de l’article premier de la Convention, qu’elle soit perpétrée par un agent de l’État ou un citoyen ordinaire, et qu’il s’agisse d’un acte public ou d’un acte privé. Ainsi, le Comité considère que les États parties sont tenus d’agir avec la diligence voulue pour enquêter sur tous les crimes, y compris la violence sexuelle perpétrée contre les femmes et les filles, d’en punir les auteurs et de fournir sans délai une réparation suffisante. Dans la Recommandation générale no 19, le Comité énonce les mesures répressives, correctives et préventives spécifiques ainsi que les mesures de protection que les États devraient appliquer pour s’acquitter de cette obligation; au paragraphe 9, il indique clairement que «[e]n vertu du droit international général et des pactes relatifs aux droits de l’homme, les États peuvent être également responsables d’actes privés s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer».

6.Le Comité, tout en étant conscient de la complexité de la structure fédérale de l’État partie, souligne que le Gouvernement fédéral est juridiquement tenu de veiller à l’application de la Convention et de jouer un rôle de chef de file pour les États et Territoires de l’Union à cet égard. Le Comité rappelle en outre que, s’agissant de l’exécution de son obligation au regard de l’article 2, la responsabilité de l’État partie est engagée par les actes et omissions de toutes les branches du Gouvernement. La décentralisation des pouvoirs ne limite en aucune façon la responsabilité incombant au Gouvernement fédéral de l’État partie de s’acquitter de ses obligations à l’égard de toutes les femmes relevant de sa juridiction.

7.Le Comité reconnaît le rôle important que jouent de solides institutions comme la Commission nationale des droits de l’homme et la Commission nationale pour les minorités, qui ont conduit des enquêtes sur certains faits à la suite des massacres de 2002, ainsi qu’une société civile et des organisations non gouvernementales dynamiques qui ont sans relâche saisi la Cour suprême indienne de questions relatives aux enquêtes, au jugement des affaires et à la réhabilitation des victimes.

B.Aspects positifs

8.Le Comité félicite l’État partie d’avoir établi, en 2002, la Commission d’enquête présidée par un juge de la Cour suprême à la retraite et chargée d’enquêter sur les causes des émeutes de Godhra et le rôle et la conduite d’anciens fonctionnaires de haut rang et d’hommes politiques.

9.Le Comité prend note de la création d’un comité constitué d’une cellule spéciale, dirigée par le Directeur général de la police, qui a mené des enquêtes complémentaires sur les 2 017 affaires qui avaient été précédemment closes, et note que 15 nouvelles affaires ont été enregistrées sur la base des faits qui ont été révélés durant l’examen et la recherche des preuves dans les affaires ayant été rouvertes.

10.Le Comité note la position de l’autorité judiciaire concernant le renvoi devant l’avocat général d’affaires dans lesquelles les accusés ont été acquittés et la décision de l’avocat général de faire appel devant les juridictions supérieures de toutes les décisions d’acquittement.

11.Le Comité prend note de l’indemnisation, néanmoins insuffisante, accordée aux familles de 338 femmes décédées (500 000 roupies), à 326 femmes à titre de dédommagement pour les blessures subies (40 750 roupies), à 480 veuves à qui des pensions de veuvage ont été accordées, et à plus de 200 veuves employées par l’administration dans ses centres de protection maternelle et infantile.

C.Procédures d’enquête

1.Principaux sujets de préoccupation

12.Le Comité est préoccupé par le manque de diligence de l’État partie pour enquêter promptement sur les cas de violence contre les femmes, notamment de violences sexuelles. Il constate avec regret que l’État partie n’a prêté aucune attention aux rapports de la Commission nationale des droits de l’homme ni aux recommandations relatives aux enquêtes, au jugement des affaires et aux mesures de réparation et de réinsertion nécessaires.

13.Le Comité note avec préoccupation que les enquêtes ont été d’emblée viciées en raison d’actes et d’omissions de la part de certains fonctionnaires de police, comme le refus et/ou l’absence d’enregistrement des premières plaintes des femmes victimes, l’intimidation des victimes et des témoins, la destruction de preuves matérielles, et des lacunes dans l’enregistrement et l’examen de nombreux cas de violence, notamment de violences sexuelles. Il constate avec inquiétude qu’en dépit de dépositions et de requêtes de victimes et de témoins, ainsi que de groupes de la société civile concernant la complicité de fonctionnaires de police, l’État partie n’a nommé qu’en 2008 une équipe d’enquête spéciale sur ordre de la Cour suprême. Le Comité note aussi le manque de diligence dans la nomination des membres de cette équipe, celle-ci ayant dû être reconstituée en mars 2010.

14.Le Comité note avec inquiétude que l’État partie n’a pris aucune mesure de supervision des enquêtes pour en garantir le caractère équitable et que c’est la Commission nationale des droits de l’homme qui a saisi la Cour suprême à cet effet, laquelle a donné ordre à l’État partie de rouvrir 2 017 affaires.

15.Le Comité s’inquiète de constater que les fonctionnaires de police responsables du classement irrégulier de 2 017 affaires n’ont pas eu à répondre de cette obstruction injuste et illicite au cours de la justice. Il est également préoccupé par le fait que des actions pénales n’ont pas été engagées dans tous les cas contre les officiers de police qui avaient activement participé aux émeutes ou avaient manqué à leur devoir en refusant de porter assistance aux femmes et aux filles qui en avaient besoin. Le Comité note que dans certains cas, seules des actions disciplinaires ont été engagées et que très souvent, les fonctionnaires n’ont même pas été suspendus de leurs fonctions. Il constate en outre que l’État partie n’a pas pris de mesures suffisantes pour sanctionner la participation illégale d’autres agents publics aux émeutes et/ou leur implication dans des faits visant à entraver le cours des enquêtes et/ou de la justice.

16.Le Comité s’inquiète de l’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour encourager les femmes victimes de violence, notamment de violences sexuelles, à porter plainte, ce qui a entraîné une sous-déclaration manifeste par rapport à l’ampleur des violences, notamment sexuelles, perpétrées contre les femmes. Le Comité constate les manquements de l’État partie à son obligation de garantir la sûreté et la sécurité des femmes, et d’offrir à celles-ci un environnement propice à leur réhabilitation, notamment des services satisfaisants de consultation post-traumatique. Le Comité est préoccupé par le fait que, par voie de conséquence, il a été injustement reproché aux victimes de ne pas avoir porté plainte, même lorsqu’elles étaient hospitalisées ou dans des camps, choquées et traumatisées. Il prend note des informations selon lesquelles même le personnel médical aurait également fait preuve de partialité dans un grand nombre de cas, ce qui expliquerait l’absence de preuves médicales.

17.Le Comité regrette qu’à la suite des émeutes, le gouvernement du Gujarat n’ait constitué qu’une cellule de soutien aux femmes de trois membres, composée de femmes sans aucune compétence en matière de gestion des traumatismes et de conseil aux victimes.

18.Le Comité s’inquiète de constater le manque de diligence de l’État partie, comme l’atteste le fait que la Commission d’enquête créée en mars 2002 n’a soumis son premier rapport sur les causes des émeutes de Godhra qu’en 2008. Le deuxième rapport relatif au rôle des différents partis politiques n’a pas encore été présenté.

2.Recommandations

19. Le Comité invite l ’ État partie à s ’ acquitter d ’ urgence de son obligation d ’ agir avec la diligence voulue pour enquêter sur tous les crimes perpétrés contre les femmes et les filles, y compris les violences sexuelles, en punir les auteurs et fournir sans plus tarder aux victimes une réparation adéquate. À cet égard, le Comité invite instamment l ’ État partie:

a) À donner suite aux recommandations figurant dans le rapport de 2002 de la Commission nationale des droits de l ’ homme, dont la plupart restent valables;

b) À enquêter de manière rapide, approfondie et impartiale sur toutes les plaintes mettant en cause des fonctionnaires de police soupçonnés de participation à des crimes de violence contre les femmes, ainsi que de complicité d ’ obstruction à la justice par des entraves aux enquêtes, en vue d ’ obliger les coupables, quelles que soient leurs fonctions et leur position, à répondre de leurs actes, et à prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les auteurs de tels actes soient effectivement punis;

c) À charger des agents impartiaux d ’ une haute intégrité morale et professionnelle d ’ examiner les éléments de preuve dans les 1 851 affaires («A» summary cases) closes pour manque de preuves suffisantes mais qui pourraient être rouvertes si des preuves venaient à être versées aux dossiers;

d) À écarter de l ’ équipe d ’ enquête spéciale tous les fonctionnaires de police du Gujarat soupçonnés de partialité, et à ouvrir des enquêtes sur les allégations de destruction de dossiers et de falsification de preuves;

e) À mettre en place des mesures visant à redonner confiance aux victimes, aux témoins et aux survivants, intégrant le principe de diversité, pour les aider à se manifester pour défendre leur cause et demander justice.

D.Procédures judiciaires

1.Principaux sujets de préoccupation

20.Le Comité note avec inquiétude que la recommandation de la Commission nationale des droits de l’homme et d’autres équipes indépendantes d’enquête concernant la nécessité d’établir des tribunaux spéciaux hors de l’État du Gujarat pour garantir la tenue de procès équitables n’a pas été retenue par l’État partie. Il relève en outre que c’est à la suite d’actions engagées par la Commission nationale des droits de l’homme et par des victimes et des témoins avec le soutien de groupes de la société civile que deux affaires ont été dépaysées hors de l’État du Gujarat; l’une d’elles a déjà produit des résultats positifs, à savoir une condamnation sur tous les chefs de poursuite après une relaxe devant les tribunaux de première instance du Gujarat. Le Comité constate avec regret que jusqu’à présent, l’État partie n’a pris aucune initiative pour établir des tribunaux spéciaux et qu’il s’en remet aux victimes et aux groupes de la société civile pour prendre l’initiative de saisir la Cour suprême.

21.Le Comité est préoccupé par les informations signalant une insensibilité au sort des femmes, une hostilité et un manque d’impartialité de la part de certains procureurs publics et de juges de tribunaux de première instance.

22.Le Comité s’inquiète de constater qu’en dépit des dispositions de la législation pénale de l’État partie, le droit à l’assistance d’un conseil a été expressément refusé aux femmes victimes et témoins devant les tribunaux de première instance.

23.Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures adéquates visant à protéger les femmes victimes et témoins tout au long des procédures judiciaires. Il estime que la protection, principalement accordée à titre collectif par l’affectation de patrouilles de la Police de réserve de l’État et de la Force centrale de sécurité industrielle pour protéger des zones ou des localités entières, est insuffisante. Il s’inquiète des informations selon lesquelles en dépit de certaines mesures de protection prises par l’État partie, les victimes et les témoins continuent de subir des actes de harcèlement, de menace et d’intimidation. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que certaines personnalités influentes, accusées d’infractions graves impliquant des violences sexuelles et qui ont été libérées sous caution, vivent dans la même localité que les victimes et les témoins et tentent encore d’entraver le cours de la justice, si bien que des actions ont dû être récemment engagées devant la Cour suprême par quelques victimes et témoins. Le Comité note également avec inquiétude que lorsqu’une protection est accordée aux victimes et témoins, elle est supprimée dès que l’affaire est terminée.

2.Recommandations

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour que la justice soit effectivement et publiquement rendue, et pour que disparaisse l ’ impression que la soif de vengeance et le désir de protéger les accusés l ’ emportent sur la volonté de condamner les coupables. À cet égard, le Comité invite instamment l ’ État partie:

a) À agir de son propre chef et à prendre toutes les mesures et les initiatives nécessaires pour que la légalité soit respectée et que la justice soit rendue, sans attendre que les ordres viennent de la Cour suprême saisie par des tierces parties;

b) À établir des tribunaux spéciaux hors de l ’ État du Gujarat pour juger les affaires en instance, lorsqu ’ il y a lieu, et intensifier les mesures visant à accélérer le jugement des affaires en instance, car lenteur de justice vaut déni de justice;

c) À faire en sorte que les femmes victimes et témoins bénéficient de l ’ assistance d ’ un conseil en vue de leur garantir l ’ accès à la justice et leur éviter d ’ être doublement victimes, et veiller à ce que les conseils nommés au titre de l ’ aide juridictionnelle soient dûment formés à la question de la violence contre les femmes;

d) À rétablir la transparence et la responsabilité dans les procédures judiciaires par des mesures propres à assurer le respect des victimes et des témoins à l ’ audience par les procureurs publics, les avocats et les magistrats, et veiller à ce que la désignation de ces derniers reflète le pluralisme et la diversité de l ’ État partie;

e) À renforcer les mesures de protection des victimes et des témoins durant et après le procès, pour leur garantir la confidentialité, leur éviter de se trouver en présence des accusés à l ’ audience et, à cette fin, envisager la possibilité de tenir des procès par le biais d ’ enregistrements électroniques et vidéo, et sensibiliser les victimes et les témoins à la faculté de se prévaloir de telles mesures de protection;

f) À dispenser une formation sexospécifique sur la violence à l ’ égard des femmes à l ’ intention des fonctionnaires, en particulier des agents des forces de l ’ ordre, du personnel judiciaire et des prestataires de services de santé et faire en sorte qu ’ ils soient sensibilisés à toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et qu ’ ils puissent y répondre efficacement.

E.Réforme législative

1.Principaux sujets de préoccupation

25.Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle des consultations sont en cours à propos d’un éventuel amendement législatif concernant le viol. Le Comité note aussi les renseignements fournis dans le complément d’information, à savoir qu’il serait proposé d’apporter des amendements au Code pénal et au Code de procédure pénale indiens par le projet de loi de 2010 portant modifications de la loi pénale, qui redéfinirait la notion de viol pour y inclure plus largement l’agression sexuelle, moyennant une modification de l’article 375 du Code pénal indien. Le Comité note toutefois avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni d’informations plus précises sur le contenu de ces amendements ni le calendrier de leur adoption, et il s’inquiète sérieusement de l’étroitesse de la définition du viol donnée dans le Code pénal.

26.Tout en prenant note des renseignements fournis dans le complément d’information à propos du projet de loi de 2005 relatif à la prévention et à la lutte contre la violence communautaire et à la réadaptation des victimes, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné de précisions sur le contenu actuel du projet de loi, notamment quant au point de savoir si les préoccupations exprimées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport périodique de l’État partie en 2007 (CEDAW/C/IND/CO/3, par. 25) ont été prises en considération et intégrées dans le projet.

2.Recommandations

27. Le Comité réitère ses précédentes recommandations (CEDAW/C/IND/CO/3, par. 23 et 25) et invite instamment l’ État partie:

a) À intensifier ses efforts pour élargir la définition du viol figurant dans son Code pénal de façon qu ’ elle tienne compte des violences sexuelles contre les femmes;

b) À adopter et promulguer rapidement le projet de loi de 2005 relatif à la prévention et à la lutte contre la violence communautaire et à la réadaptation des victimes, en y incorporant les infractions sexuelles et sexistes, y compris les crimes de masse perpétrés contre les femmes dans le cadre de la violence communautaire; un dispositif complet de réparation pour les victimes de ces infractions; et la prise en compte de l ’ égalité des sexes dans les règles de procédure et d ’ administration de la preuve, et prévoir d ’ urgence dans ce texte les cas d ’ inaction ou de complicité d ’ agents de l ’ État dans la violence communautaire;

c) À consulter largement les groupes de femmes pour réformer les lois et procédures relatives au viol et aux violences sexuelles;

d) À communiquer dans son prochain rapport des renseignements sur l ’ état d ’ avancement et le contenu des amendements à la législation sur le viol ainsi que sur le projet de loi relatif à la violence communautaire.

F.Réadaptation, indemnisation et réinsertion

1.Principaux sujets de préoccupation

28.Tout en notant que quelques renseignements ont été communiqués dans le complément d’information, en ce qui concerne notamment certaines indemnisations monétaires, le Comité se déclare gravement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris de mesures particulières de protection des femmes pour réhabiliter et indemniser celles qui ont été victimes des massacres du Gujarat et leurs familles. Le Comité constate en outre avec préoccupation que les services d’aide aux victimes sont dans une large mesure créés et financés par des organisations de la société civile et des institutions d’assistance locales et non par les gouvernements au niveau local, étatique et national.

29.Le Comité prend note des renseignements fournis dans le rapport spécial et le complément d’information à propos de l’assistance dispensée dans les camps de secours, ainsi que de ceux figurant dans l’annexe D du complément d’information à propos des installations disponibles pour les personnes déplacées. Le Comité exprime toutefois sa préoccupation en raison de l’insuffisance des informations et des données sur l’accès des familles déplacées vivant dans 86 colonies à des services publics de base comme des rations alimentaires, de l’eau potable, des structures d’accueil, des services de soins de santé et des écoles pour les enfants. À cet égard, le Comité se déclare préoccupé par les informations indiquant que la plupart des colonies sont dépourvues de logements convenables et sûrs, d’alimentation en eau potable, d’électricité, de routes et d’installations sanitaires et que l’absence d’eau potable, les médiocres conditions de vie et le surpeuplement ont provoqué diverses épidémies. Le Comité s’inquiète de constater que les besoins des femmes déplacées en matière de santé, notamment de santé génésique et mentale, ne sont pas satisfaits en raison de la rareté et de l’inaccessibilité des services de soins de santé.

30.Le Comité prend note des renseignements figurant dans le complément d’information à propos de la fourniture de matériel pédagogique pour les enfants vivant dans les camps de secours, mais déplore l’insuffisance d’informations sur les écoles de filles financées par les pouvoirs publics dans toutes les colonies. Le Comité a appris avec la plus grande inquiétude que les certificats d’études de nombreux enfants musulmans avaient été détruits lors des émeutes de Godhra et que l’administration ne les a pas remplacés et n’a pas facilité la reprise de l’éducation des enfants.

31.Tout en prenant note des renseignements fournis dans le rapport spécial et le complément d’information sur certaines mesures d’assistance économique et d’autres mesures prises par l’État partie, le Comité se déclare préoccupé par le fait que ces mesures ont pris principalement la forme de secours et ne sont donc pas susceptibles de permettre le redressement économique des communautés touchées ni la reconstruction des infrastructures de base détruites durant les émeutes.

32.Le Comité s’inquiète en outre des informations selon lesquelles en raison de l’éloignement des colonies, il n’existerait aucune possibilité de travail indépendant pour les femmes qui travaillaient avant d’être déplacées, et il serait impossible aux femmes vivant dans les colonies de secours d’exercer un emploi hors des camps pour des raisons de sécurité.

33.Tout en constatant que certains renseignements ont été communiqués dans le complément d’information à propos des mesures de réinsertion mises en place par l’État partie, le Comité regrette l’absence de données ventilées sur les quelque 5 000 familles musulmanes déplacées par suite des violences au Gujarat. Il note aussi avec une grande préoccupation que huit ans après ces violences, les personnes déplacées vivent encore dans les colonies provisoires et de fortune situées dans des zones éloignées et abandonnées, où elles n’ont qu’un accès limité à des moyens de subsistance et à l’emploi.

34.Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’a pas été pris de mesures pour réinsérer les femmes victimes des massacres du Gujarat et leurs familles dans leur milieu d’origine. Il note aussi avec inquiétude que l’État partie n’a pas indiqué de calendrier pour leur réinstallation, notamment la fermeture progressive des 86 colonies dans différentes parties du Gujarat. Il a appris avec une très grande inquiétude que l’État partie, en huit ans, n’avait pris aucune mesure pour construire de nouvelles maisons ou attribuer des terrains en lieu sûr aux femmes déplacées et à leurs familles. Il note avec une sérieuse inquiétude que cette situation peut aggraver les souffrances des victimes et les victimiser de nouveau. Le Comité s’inquiète aussi de constater que l’État partie ne fait pas de distinction entre mesures de secours et réadaptation à long terme.

2.Recommandations

35. Le Comité invite instamment l ’ État partie:

a) À prendre immédiatement des mesures efficaces en faveur des femmes en vue d ’ assurer la réinsertion et l ’ indemnisation des femmes victimes de violence, y compris de violences sexuelles, et leurs familles au Gujarat. Ces mesures devraient notamment consister en une prompte réparation, y compris sous forme d ’ indemnisation, des soins médicaux, des consultations post-traumatiques et des moyens de réinsertion durable, à la hauteur du préjudice subi et suffisants pour permettre aux femmes et à leurs familles de reconstruire leur vie, et concerner également la création de nouveaux services d ’ assistance à ces victimes, y compris l ’ affectation de fonds publics supplémentaires à ces services;

b) À prendre toutes les mesures nécessaires pour que les familles déplacées vivant dans toutes les colonies aient accès à des services publics, comme de l ’ eau potable, des structures d ’ accueil, des services de soins de santé et des écoles pour les enfants, que toutes les colonies disposent d ’ une alimentation en eau potable, de l ’ électricité, de routes et d ’ installations sanitaires et que soit mis en place un plan garantissant le droit à l ’ éducation, à la santé et à l ’ emploi pour les femmes et les enfants dans toutes les colonies;

c) À redoubler d ’ efforts pour permettre la réinsertion économique des femmes touchées par les émeutes et leurs familles, en leur proposant des emplois à long terme et d ’ autres moyens d ’ autonomisation économique durable, y compris des capitaux;

d) À renforcer et consolider les mesures prises pour la réinstallation et la réinsertion, y compris à long terme, des femmes victimes et de leurs familles qui souhaitent rester dans les colonies et, à cet effet, leur garantir la propriété de la terre et d ’ un logement ou, sinon;

e) À prendre les mesures appropriées, et créer les moyens, pour permettre aux femmes victimes et à leurs familles, lorsqu ’ elles le souhaitent, de revenir chez elles dans la sécurité et la dignité, et à prendre des mesures efficaces et suffisantes pour reconstruire les infrastructures de base détruites durant les émeutes, notamment en affectant davantage de ressources humaines et budgétaires à cette fin. L ’ État partie devrait s ’ efforcer de faciliter la réinstallation en toute sécurité de ces familles. Des efforts particuliers devraient être faits pour que les victimes et leurs familles de retour chez elles participent pleinement à la planification et à la gestion de leurs programmes de réinstallation, réinsertion et réadaptation. L ’ État partie a le devoir et la responsabilité d ’ aider ces victimes et leurs familles à récupérer, autant que possible, les biens qu ’ elles avaient dû abandonner ou dont elles avaient été dépossédées à la suite des massacres. Lorsque la récupération de ces biens est impossible, les autorités compétentes devraient accorder à ces personnes, ou les aider à obtenir, une indemnisation appropriée ou toute autre forme de réparation équitable.

G.Réconciliation

1.Principaux sujets de préoccupation

36.Le Comité note que l’État partie s’est déclaré résolu à faire en sorte qu’un massacre comme celui du Gujarat ne se reproduise jamais. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’informations concernant d’éventuelles initiatives et/ou programmes mis en place ou envisagés pour promouvoir la vérité et la réconciliation au Gujarat. Le Comité craint qu’une situation dans laquelle des femmes appartenant à une minorité vivent dans des colonies distinctes n’aggrave la fracture entre groupes ethniques au Gujarat, et il est préoccupé de constater que le Gouvernement n’a pris aucune mesure pour réintégrer les femmes là où elles habitaient précédemment afin de faciliter la fermeture progressive des colonies.

2.Recommandations

37. Le Comité invite l ’ État partie:

a) À étudier la possibilité de créer, coordonner et établir une commission de la vérité et de la réconciliation au Gujarat;

b) À prendre les mesures appropriées pour que la conduite de ce processus s ’ appuie sur un ferme engagement et une direction efficace, avec la pleine participation des femmes, afin de parvenir à une véritable réconciliation, sincèrement envisagée et acceptée par les deux communautés;

c) À prendre les mesures appropriées pour assurer une intégration à long terme des communautés touchées au sein des anciennes communautés, en vue de fermer toutes les colonies de secours.

H.Suivi des observations finales

38. Le Comité rappelle à l ’ État partie que les quatrième et cinquième rapports périodiques réunis en un seul document qu ’ il doit présenter en application de l ’ article 18 de la Convention doivent être soumis en 2010. Il demande à l ’ État partie de fournir par écrit des informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations formulées dans les présentes observations finales, soit dans un supplément à ses quatrième et cinquième rapports périodiques réunis en un seul document, soit dans un document distinct à soumettre au plus tard dans un an, c ’ est-à-dire en octobre 2011.