Trente-neuvième session

23 juillet-10 août 2007

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes : Indonésie

Le Comité a examiné le rapport unique (valant quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Indonésie) (CEDAW/C/IDN/4-5) à ses 799e et 800e sessions, le 27 juillet 2007 (voir CEDAW/C/SR.799 A et 800 A). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/IDN/Q/5, et les réponses de l’Indonésie dans le document CEDAW/C/IDN/Q/5/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son rapport unique (valant quatrième et cinquième rapports périodiques) qui, bien que présenté avec retard, est conforme aux directives en la matière. Le Comité constate que le rapport est franc et instructif et décrit les obstacles à l’accession pleine et entière des femmes à l’égalité. Il le remercie également pour les réponses écrites aux points et questions soulevés par le groupe de travail présession, pour sa présentation orale et l’expression de l’engagement pris par le Gouvernement de s’attaquer aux problèmes auxquels se heurtent les femmes en Indonésie, et pour les réponses aux questions qu’il a posées oralement.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par le Ministre chargé de l’autonomisation des femmes et composée de représentants d’un très grand nombre de ministères et d’organismes et de membres d’organisations de la société civile. Il apprécie le dialogue constructif qui s’est instauré entre ses membres et la délégation de l’État partie, tout en notant que celui-ci n’a pas répondu à toutes ses questions.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie pour les progrès qu’il a faits depuis l’examen de son dernier rapport en vue d’assurer l’accession des femmes à l’égalité. Il le félicite en particulier de l’adoption de nouvelles lois qui visent à éliminer la discrimination contre les femmes et à promouvoir l’égalité des sexes conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Il s’agit notamment de la loi de 2007 contre la traite, de la loi de 2006 sur la protection des victimes et de la loi de 2004 sur la violence familiale. Il se félicite en outre de la loi no39 de 1999 sur les droits de l’homme et des amendements apportés à la Constitution de 1945 qui reconnaissent les droits fondamentaux des femmes.

Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par l’État partie d’appliquer une politique d’intégration d’une perspective de l’égalité entre les sexes à tous les niveaux, notamment la mise en place d’un mécanisme d’intégration des femmes et les obligations découlant du décret présidentiel no9 concernant l’intégration d’une perspective d’égalité entre les sexes dans le développement national. Il se félicite de l’adoption de deux objectifs nationaux afin de promouvoir l’égalité et la justice entre les hommes et les femmes dans les programmes quinquennaux de développement nationaux 2000-2004, et du fait que la prise en compte de l’égalité des sexes constitue l’une des stratégies du plan de développement national à moyen terme 2004-2009.

Le Comité prend acte que l’État partie a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention en février 2000 et l’encourage à traduire dans les faits son intention de ratifier le Protocole facultatif.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l ’ État partie qu ’ il est tenu d ’ appliquer toutes les dispositions de la Convention de façon systématique et en permanence, le Comité fait observer que les préoccupations et les recommandations formulées dans les précédentes observations finales nécessiteront qu ’ il accorde à celle-ci une attention prioritaire jusqu ’ à la présentation du prochain rapport périodique. Il lui demande, en conséquence, de privilégier les domaines d ’ activité correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Il lui demande aussi de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement de façon à en assurer la pleine application.

Tout en se félicitant des efforts faits par l’État partie pour mieux protéger les droits fondamentaux des femmes aux niveaux législatif et constitutionnel, et prenant note que la Convention a été ratifiée par la loi no7 de 1984, le Comité s’inquiète de ce que la Convention n’ait pas été transposée pleinement et de façon systématique dans le droit indonésien. En particulier, il juge inquiétant qu’il n’existe pas de définition claire dans la Constitution ou la législation indonésienne de la discrimination sur le modèle de l’article premier de la Convention. Il regrette en outre que l’État partie n’ait pas précisé si la Convention avait la préséance dans les cas où ses dispositions sont en contradiction avec les lois nationales et qu’il n’ait pas décrit les mécanismes dont disposent les femmes en Indonésie pour se prévaloir des dispositions de la Convention. Il s’inquiète en outre que les dispositions et les obligations de la Convention soient peu connues des parlementaires, des juges, des avocats, des procureurs et des Indonésiennes elles-mêmes.

Le Comité engage l ’ État partie à prendre des mesures immédiates pour faire en sorte que les dispositions, principes et concepts de la Convention soient pleinement applicables et appliqués dans le droit interne. Il l ’ encourage en outre à incorporer dans sa Constitution ou sa législation nationale une définition de la discrimination qui soit conforme à l ’ article premier de la Convention. Il recommande à l ’ État partie de veiller à mettre à la disposition des femmes, dont les droits fondamentaux prévus dans la Convention ont été enfreints, des mécanismes et voies de recours effectifs. Il lui demande de s ’ assurer que le texte de la Convention et des lois nationales connexes fasse partie intégrante des programmes d ’ enseignement et de la formation dispensés aux magistrats, notamment aux juges, aux avocats et aux procureurs, et soit bien connu des parlementaires afin qu ’ une culture juridique favorable à l ’ égalité des femmes et des hommes et à la non-discrimination s ’ établisse solidement dans le pays.

Le Comité salue les efforts faits par le Gouvernement pour recenser les lois sexistes et les réviser, notamment les amendements à la loi sur la population. Il est cependant préoccupé par le fait que les 21 lois que le Gouvernement a définies comme étant discriminatoires n’ont pas toutes été révisées et que certaines modifications, même si elles dénotent un progrès sur la voie de l’égalité, sont encore discriminatoires à l’égard des femmes. Il s’inquiète aussi de savoir si le nouveau projet de loi sur l’égalité des sexes sera pleinement conforme aux obligations qui incombent à l’État partie au titre de la Convention et prévoira l’exécution desdites obligations.

Le Comité engage l ’ État partie à réformer sa législation à titre prioritaire, à modifier les lois et réglementations discriminatoires sans tarder et selon un calendrier bien défini et à les mettre en conformité avec la Convention. Il l ’ appelle aussi à redoubler d ’ efforts pour sensibiliser les fonctionnaires, l ’ Assemblée nationale et le public à l ’ importance de la réforme juridique pour assurer aux femmes l ’ égalité de droit. Il encourage l ’ État partie à adopter et appliquer toute une série de lois sur l ’ égalité entre les femmes et les hommes conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention et le prie instamment de prendre des mesures pour faire en sorte que le projet de loi sur l ’ égalité des sexes, actuellement à l ’ examen, soit pleinement conforme aux obligations qui incombent à l ’ État partie au titre de la Convention, notamment ses dispositions relatives à l ’ égalité de fait.

Tout en accueillant avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour promouvoir la démarginalisation, la liberté d’action et l’autonomie au niveau de l’administration locale et renforcer le rôle des gouvernements régionaux dans la démocratisation du pays, le Comité note avec préoccupation que, malgré la décentralisation, les droits fondamentaux des femmes sont reconnus et appliqués de façon inégale et que les femmes font l’objet de discrimination dans certaines régions, comme Aceh. Il est aussi inquiet de la montée, dans plusieurs régions, des groupes fondamentalistes religieux qui militent en faveur d’interprétations restrictives de la charia, discriminatoires à l’égard des femmes. Il s’inquiète aussi de l’information qui lui a été communiquée, selon laquelle le Gouvernement a abrogé un certain nombre de lois et réglementations locales concernant des questions économiques comme les impôts, mais pas les lois locales instituant une discrimination à l’égard des femmes fondée sur la religion, comme celles imposant un code vestimentaire, qui concernent essentiellement les femmes.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ examiner, de surveiller et d ’ évaluer l ’ application des lois locales et régionales pour s ’ assurer qu ’ elles sont pleinement conformes aux lois nationales relatives aux droits de l ’ homme et aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention et que les droits des femmes soient pleinement protégés dans l ’ ensemble du pays. Il recommande notamment l ’ établissement de directives à l ’ intention des autorités locales concernant l ’ élaboration des lois locales et l ’ abrogation des lois discriminatoires à l ’ égard des femmes. Il encourage l ’ État partie à se documenter sur la jurisprudence et la législation comparées dans lesquelles des interprétations plus progressistes de la loi islamique ont été codifiées et appliquées. Il l ’ engage en outre à prendre toutes les mesures nécessaires pour intensifier l ’ appui à la réforme de la législation, en particulier dans le cadre de partenariats et en collaboration avec des organismes de recherche en matière de jurisprudence islamique, des organisations de la société civile, des organisations non gouvernementales de femmes, et des dirigeants locaux afin de favoriser l ’ égalité des sexes.

Tout en se félicitant des efforts déployés par le Ministère de l’autonomisation des femmes pour coordonner, appuyer, surveiller et promouvoir l’égalité et l’intégration des femmes à tous les niveaux du Gouvernement, le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait que le Ministère n’ait pas une visibilité, un pouvoir de décision ou les ressources humaines et financières suffisantes pour encourager de manière effective la promotion de la femme et l’égalité des sexes dans tous les services et secteurs gouvernementaux et aux niveaux national et local.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer le mécanisme national, notamment le Ministère de l ’ autonomisation des femmes, en le dotant de l ’ autorité et des ressources humaines et financières nécessaires pour mener à bien son mandat à tous les niveaux. Il l ’ encourage à élargir ce mandat et à renforcer l ’ autorité du Ministère de l ’ autonomisation des femmes pour lui permettre de jouer un rôle plus actif dans la planification et dans l ’ établissement des programmes. Il engage en outre l ’ État partie à prendre des mesures concrètes pour assurer le financement intégral des mécanismes de promotion de l ’ égalité des sexes à tous les niveaux et faciliter ainsi l ’ exécution de leur mandat.

Le Comité constate avec préoccupation que les attitudes patriarcales et les stéréotypes profondément ancrés relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société qui sont discriminatoires à l’égard des femmes subsistent. Ces attitudes et stéréotypes empêchent réellement les femmes d’exercer leurs droits fondamentaux et sont un obstacle à la mise en œuvre de la Convention et sont la cause première du handicap qu’ont les femmes dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché de l’emploi et dans la vie politique et publique. En particulier, le Comité est aussi préoccupé par le fait qu’une femme doive obtenir le consentement de sa famille pour travailler la nuit et celui de son mari pour se faire stériliser ou avorter, même si sa vie est en danger.

Le Comité encourage l ’ État partie à concevoir et mettre en œuvre des programmes intégrés de sensibilisation afin de mieux faire comprendre l ’ importance de l ’ égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la société, et de la soutenir conformément à l ’ alinéa f) de l ’ article 2 et à l ’ alinéa a) de l ’ article 5 de la Convention. Ces programmes devraient viser à modifier les attitudes stéréotypées et les normes traditionnelles relatives aux responsabilités et au rôle des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société et à renforcer le soutien de cette dernière à l ’ égalité des sexes. Le Comité engage en outre l ’ État partie à supprimer l ’ obligation pour la femme d ’ obtenir le consentement de sa famille et de son mari pour tout ce qui a trait à l ’ emploi et à la santé.

Le Comité se déclare préoccupé par les dispositions discriminatoires de la loi sur le mariage de 1974, qui perpétuent les stéréotypes en disposant que l’homme est le chef de ménage et la femme reléguée au foyer, autorisent la polygamie et fixent l’âge minimum légal du mariage pour les filles à 16 ans. Le Comité s’inquiète également de l’absence de progrès dans le processus de réforme de la législation en ce qui concerne le mariage et le droit de la famille, ce qui permet aux dispositions discriminatoires qui privent les femmes de l’égalité des droits avec les hommes de subsister. En particulier, il se déclare préoccupé par le fait que la loi sur le mariage de 1974 n’ait pas encore été modifiée, bien qu’il ait exprimé des inquiétudes au sujet des dispositions discriminatoires de cette loi dans ses précédentes observations finales.

Le Comité demande à l ’ État partie de prendre immédiatement des mesures pour réviser la loi sur le mariage de 1974 conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention, à la recommandation générale 21 du Comité, à la Convention relative aux droits de l’enfant et à l ’ intention qu e l’État partie a exprimée de modifier cette loi sans retard. Il l ’ engage en outre à adopter une stratégie effective assortie de priorités claires et d ’ un calendrier précis afin d ’ éliminer la discrimination contre les femmes dans les domaines du mariage et des relations familiales.

Le Comité s’inquiète de l’incidence de la pratique des mutilations sexuelles féminines en Indonésie qui constitue une forme de violence contre les femmes et les filles et enfreint les dispositions de la Convention. Il s’inquiète en outre du phénomène signalé de la médicalisation de cette pratique et note avec inquiétude qu’il n’existe pas de loi interdisant ou sanctionnant cette pratique.

Le Comité engage l ’ État partie à adopter rapidement une législation interdisant les mutilations sexuelles féminines et à faire en sorte que les personnes qui se rendent coupables de tels actes soient poursuivies et punies comme il se doit. Il lui recommande en outre d ’ élaborer un plan d ’ action et de s ’ efforcer d ’ éliminer la pratique des mutilations sexuelles féminines, notamment en menant des campagnes de sensibilisation du public qui permettent de modifier la manière dont cette pratique est perçue du point de vue culturel et de faire savoir qu ’ elle est contraire aux droits fondamentaux des femmes et des filles et n ’ a aucun fondement religieux.

Tout en se félicitant de l’adoption de la loi sur la violence familiale qui s’applique notamment aux employées de maison, le Comité juge inquiétants les mauvais traitements et l’exploitation dont font l’objet les employées de maison en Indonésie. Il se déclare préoccupé par le fait que la loi sur la violence familiale n’ait pas été pleinement appliquée en ce qui concerne les employées de maison et que celles-ci ne connaissent pas la loi et ne savent pas qu’elles sont protégées par celle-ci. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que les employées de maison ne sont pas mentionnées dans les dispositions de la loi sur la main-d’œuvre qui réglemente la durée du travail, les congés et le salaire minimum, et sont donc, de surcroît, vulnérables à l’exploitation.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter toute une série de lois et de mettre en place des procédures pour surveiller et protéger les droits des employées de maison et poursuivre et punir les employeurs abusifs comme il se doit. Le Comité l ’ engage à offrir aux employées de maison des voies de recours effectif en cas de mauvais traitements de la part de l ’ employeur. Il l ’ exhorte également à faire en sorte que les employées de maison connaissent leurs droits, sachent qu ’ elles sont protégées par la loi et ont droit à une aide juridique. Il prie l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures qu ’ il aura prises en ce sens et sur leur incidence, ainsi que des données sur la violence contre les employées de maison.

Tout en notant avec satisfaction l’adoption de la loi de 2007 contre la traite et l’élaboration d’un plan d’action national sur l’élimination de la traite des femmes, le Comité est soucieux de constater que la traite des femmes et des filles indonésiennes subsiste, tant à l’intérieur du pays qu’à destination d’autres pays. Il est également préoccupé par le fait que les trafiquants et autres individus qui exploitent la prostitution des femmes soient rarement poursuivis et condamnés.

Le Comité invite l ’ État partie à veiller à ce que la législation relative à la traite des femmes soit pleinement appliquée et à ce que le plan d ’ action national et d ’ autres mesures visant à lutter contre la traite des êtres humains soient pleinement mis en œuvre. Il l ’ exhorte à redoubler d ’ efforts pour lutter contre la traite et l ’ exploitation sexuelle des femmes et des filles en s ’ attaquant à leurs causes profondes, en particulier l ’ insécurité économique que connaissent les femmes. Il lui recommande de renforcer les mesures qui visent à améliorer la situation sociale et économique des femmes et à leur donner les moyens de gagner leur vie afin d ’ atténuer leur vulnérabilité face à la traite, et de mettre en place des services de réadaptation et de réintégration des victimes de la traite. Il encourage en outre l ’ État partie à intensifier la coopération aux niveaux international, régional et bilatéral avec les pays de transit et les pays de destination pour les femmes et les filles victimes de la traite afin de lutter encore mieux contre ce phénomène. Il le prie de lui fournir dans son prochain rapport des informations détaillées et des statistiques sur les tendances de la traite, les procès, les poursuites et l ’ aide aux victimes, ainsi que sur les résultats des mesures de prévention.

Tout en saluant l’adoption de la loi no12 de 2003 sur les élections générales qui impose aux partis politiques de présenter 30 % de femmes aux élections législatives, le Comité constate avec préoccupation que la loi ne prévoit ni sanctions ni mécanismes d’application pour faire respecter ce quota. Il est vivement préoccupé par l’absence de progrès dans la participation des femmes aux activités des partis politiques depuis l’adoption de la loi. Il se déclare préoccupé par le faible niveau de représentation des femmes dans la vie publique et politique et aux postes de prise de décisions, notamment dans le corps diplomatique, le système judiciaire, les administrations régionales et locales, le secteur de l’éducation et le secteur privé.

Le Comité engage l ’ État partie à renforcer la disposition de la loi sur les élections générales imposant aux partis politiques de présenter 30 % de femmes aux élections en rendant ce quota obligatoire et en imposant des sanctions et des mécanismes d ’ application pour en assurer le respect. Il l ’ encourage également à appliquer et renforcer les mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et aux recommandations générales 23 et 25 du Comité pour faire participer au plus tôt les femmes, pleinement et sur un pied d ’ égalité avec les hommes, à tous les niveaux de la prise de décisions et à tous les aspects de la vie publique, politique et économique, notamment dans le corps diplomatique, le système judiciaire, les administrations régionales et locales, le secteur de l ’ éducation et le secteur privé.

Le Comité est préoccupé par le fait que la loi révisée sur la citoyenneté ne confère pas encore aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes pour ce qui est de garder ou de transmettre leur citoyenneté indonésienne et n’est pas conforme à l’article 9 de la Convention. Il se déclare préoccupé par le fait que les délais et les formalités administratives imposés aux femmes pour conserver leur citoyenneté indonésienne les empêchent de jouir pleinement de leurs droits de citoyenneté et de les conserver. En particulier, le Comité s’inquiète de l’effet discriminatoire de la loi sur les femmes qui émigrent, notamment celles qui sont confrontées à la violence ou font l’objet de traite en tant qu’épouses achetées sur catalogue ou à des fins d’exploitation sexuelle commerciale, car elles risquent de perdre leur nationalité en vertu de la loi révisée sur la citoyenneté.

Le Comité engage instamment l ’ État partie à modifier ses lois sur la citoyenneté et la nationalité pour les aligner sur l ’ article 9 de la Convention et à se fixer un calendrier serré à cette fin. Il l ’ engage également à examiner l ’ incidence de ses lois sur la citoyenneté et la nationalité sur les femmes qui émigrent ou font l ’ objet de la traite en dehors du pays, et de tenir pleinement compte, lors de la modification des lois, de cette incidence susceptible d ’ être négative.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’accès des filles et des jeunes femmes à l’éducation à tous les niveaux, notamment aux niveaux secondaire et universitaire, soit limité. Il s’inquiète aussi des obstacles auxquels les filles qui vivent dans des régions rurales ou éloignées se heurtent pour avoir accès à l’éducation. Il s’inquiète en outre de la faible représentation des filles et des femmes dans des domaines universitaires et professionnels non traditionnels, en particulier la science et la technologie, et aux postes de prise de décisions dans le secteur de l’éducation, par exemple en tant que directrices d’école. Il est aussi préoccupé par le fait que les enseignants et les enfants ne connaissent pas suffisamment la Convention, les droits de l’homme, les droits des femmes et les droits des enfants en général.

Le Comité engage vivement l ’ État partie à faire en sorte que les filles et les femmes bénéficient de chances égales à tous les niveaux de l ’ enseignement, et à prendre des mesures pour que celles qui vivent en milieu rural ou dans des endroits reculés aient les mêmes possibilités de recevoir une éducation de qualité. Le Comité encourage l ’ État partie à élaborer des mesures visant à diversifier les choix qui s ’ offrent aux femmes sur le plan des études et de la profession, y compris dans des domaines qui ne leur sont pas traditionnellement ouverts, et à prêter la plus grande attention aux perspectives de carrière des femmes jusqu ’ aux plus hauts niveaux du système éducatif de manière à assurer l ’ égalité d ’ accès des femmes et des hommes et à prévenir ou éliminer toute discrimination voilée ou indirecte à l ’ égard des femmes. Il prie également l ’ État partie de renforcer la formation du personnel enseignant en ce qui concerne les questions de parité des sexes. Il lui demande instamment d ’ intégrer des informations relatives à la Convention dans les programmes d ’ enseignement, y compris les programmes d ’ éducation aux droits de l ’ homme et de sensibilisation au problème du sexisme, et de former afin que l ’ éducation donnée aux enfants et leur socialisation les sensibilisent davantage à ces questions.

Tout en se réjouissant que l’État partie ait signé avec d’autres pays des mémorandums d’accord sur les droits des travailleurs migrants, qu’il s’efforce de mieux préparer ceux-ci avant leur départ, et qu’il se déclare déterminé à réduire le montant des droits acquittés par les travailleurs migrants lorsqu’ils quittent l’Indonésie ou y reviennent, le Comité demeure préoccupé par la situation des femmes migrantes, qui constituent quelque 70 % des migrants de ce pays. Il constate aussi avec préoccupation qu’il n’a pas été conclu d’accords bilatéraux ou de mémorandums d’accord avec la totalité des pays et régions de destination des émigrantes indonésiennes, et que les droits des travailleuses migrantes qui utilisent des filières parallèles ne bénéficient pas de protections suffisantes. Le Comité est préoccupé en outre par les dispositions discriminatoires qui figurent dans certains des mémorandums d’accord existants, comme celles qui autorisent les employeurs à confisquer les passeports des travailleuses migrantes. Le Comité s’inquiète aussi des droits élevés et des formalités administratives contraignantes imposés aux travailleuses migrantes qui quittent l’Indonésie ou y reviennent.

Le Comité engage vivement l ’ État partie à continuer de conclure des accords bilatéraux et des mémorandums d ’ accord avec les pays vers lesquels migrent les femmes indonésiennes à la recherche d ’ un travail, en veillant à ce que ces accords respectent pleinement les droits de la femme et soient conformes aux dispositions de la Convention. Le Comité le presse également de s ’ employer à supprimer ou exclure des mémorandums d ’ accord ou des accords bilatéraux les dispositions discriminatoires telles que celles qui autorisent les employeurs à confisquer le passeport de leurs employées. Il prie en outre l ’ État partie d ’ élaborer des politiques et des mesures qui protègent les travailleuses migrantes utilisant des filières parallèles, ou les filières officielles, contre toute violation de leurs droits, y compris en surveillant les organismes et les méthodes de recrutement, et en développant les services offerts à ces travailleuses quand elles sont à l ’ étranger. Le Comité encourage d ’ autre part l ’ État partie à réduire les taxes et les formalités administratives imposées aux travailleuses migrantes aux points de départ ou de retour de celles-ci. Il l ’ encourage aussi à s ’ attaquer de manière cohérente et intégrée aux causes profondes de la migration féminine, en instaurant notamment les conditions nécessaires au développement durable et à la création d ’ emplois sûrs et protégés offrant aux femmes des débouchés économiquement viables qui leur évitent l ’ émigration et le chômage .

Le Comité regrette l’absence d’information concernant la situation des femmes sur le marché du travail, en particulier de celles qui ont un emploi dans le secteur parallèle. Il est préoccupé notamment par les méthodes de recrutement des femmes, les différences de rémunération entre hommes et femmes et les disparités en matière de prestations de sécurité sociale. Le Comité juge également préoccupante l’application insuffisante de la législation du travail et le caractère inadéquat des garanties et des sanctions qu’elle prévoit. En particulier, le Comité s’inquiète de l’absence, dans la loi sur la main-d’œuvre de 2003, d’une disposition reconnaissant le principe de l’égalité de rémunération pour un travail égal ou de valeur égale, conformément à la Convention et à la Convention 100 de l’OIT. Il se déclare également préoccupé par l’absence d’une loi réprimant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité prie l ’ État partie de prendre des mesures concrètes pour éliminer la discrimination et pour garantir aux femmes et aux hommes l ’ égalité des chances et l ’ égalité de traitement sur le marché du travail, conformément à l ’ article 11 de la Convention. Il lui demande en outre de faire en sorte que les femmes reçoivent une rémunération égale pour un travail égal et pour un travail de valeur égale, et bénéficient des mêmes prestations et services sociaux. Il encourage l ’ État partie à établir des sanctions afin de réprimer la discrimination à l ’ égard des femmes en matière d ’ emploi dans le secteur public comme dans le secteur privé, y compris le harcèlement sexuel, à mettre en place des mécanismes efficaces d ’ exécution et de suivi de ces dispositions et à veiller à ce que les femmes disposent de moyens de recours, y compris l ’ accès à une assistance juridique. Le Comité prie l ’ État partie de donner dans son prochain rapport des renseignements détaillés, assortis de données statistiques faisant apparaître l ’ évolution des tendances au fil du temps, sur la situation des femmes en ce qui concerne l ’ emploi et le travail dans les secteurs public et privé et dans le secteur parallèle et sur l ’ impact des mesures prises pour garantir aux femmes des chances égales.

Tout en se félicitant de la réactivation du Mouvement de soutien des femmes en vue de combattre la mortalité maternelle, le Comité s’inquiète des taux élevés de mortalité maternelle et de mortalité infantile en Indonésie. Il est également préoccupé par l’absence de formation à la planification familiale et de la difficulté d’accès aux moyens de contraception, qui ont pour conséquences des taux élevés d’avortement et de grossesse d’adolescente. Le Comité apprécie les efforts faits par l’État partie pour réviser la loi sur la population afin que les mères pauvres puissent obtenir des certificats de naissance, mais craint que le manque d’information, les obstacles bureaucratiques et les difficultés financières empêchent les femmes pauvres et des zones rurales d’obtenir ces certificats et de faire enregistrer les naissances, et il relève que l’impossibilité de recourir à ces services est liée à la médicalisation des mutilations génitales et au trafic dont sont victimes les femmes.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de poursuivre ses efforts afin que les femmes aient le même accès que les hommes à des services de santé adéquats, y compris dans les zones rurales, qu ’ elles bénéficient des soins obstétriques et des services de santé maternelle dont elles ont besoin, et que les taux de mortalité maternelle baissent. Il l ’ engage à appliquer intégralement sa recommandation générale 24, sur la santé des femmes. Le Comité recommande aussi que des mesures soient prises pour garantir l ’ accès effectif des femmes et des filles à l ’ information et aux services en matière d ’ hygiène sexuelle et de la procréation et de contraception et réduire ainsi le taux d ’ avortements non médicalisés et le taux de grossesse chez les adolescentes. Le Comité presse également l ’ État partie de prendre des mesures législatives et d ’ ordre pratique pour faciliter l ’ enregistrement des naissances et assurer la gratuité des certificats de naissance. Il lui recommande aussi d ’ organiser des campagnes de sensibilisation du public et de prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que les femmes pauvres et vivant en milieu rural soient informées des prescriptions concernant l ’ enregistrement des naissances et les certificats de naissance et aient pleinement accès à ces certificats et aux services d ’ état civil mis en place par les pouvoirs publics. Il prie l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignement sur l ’ impact des mesures qu ’ il aura prises dans les domaines susmentionnés.

Le Comité s’inquiète de ce que la pauvreté endémique chez les femmes et une situation socioéconomique défavorable figurent parmi les causes des violations des droits de la femme et de la discrimination à l’égard des femmes. Il juge spécialement préoccupant le sort des femmes rurales, notamment le fait qu’elles n’aient accès ni à une protection juridique, ni aux soins de santé, ni à l’éducation. Tout en prenant note de l’entrée en vigueur de la loi de 2007 sur la gestion des catastrophes naturelles, il est particulièrement préoccupé par la situation des femmes victimes de catastrophes naturelles et autres crises, notamment celles qui ont été victimes du tsunami de 2005. Il craint qu’il ne soit pas pourvu aux besoins de ces femmes pour ce qui concerne la santé, notamment l’hygiène de la procréation, les vêtements, le logement et la sécurité et que les femmes chefs de famille soient victimes d’un traitement discriminatoire lorsqu’elles tentent de bénéficier des aides au logement ou de l’aide alimentaire accordées aux chefs de famille de sexe masculin.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les efforts de promotion de l ’ égalité entre les sexes et de sensibilisation en la matière fassent expressément partie intégrante des plans et politiques de développement national, s ’ agissant en particulier de la lutte contre la pauvreté, du développement durable et de la gestion des catastrophes naturelles. Il prie instamment l ’ État partie de prêter une attention particulière aux besoins des femmes rurales, en s ’ assurant qu ’ elles prennent part aux processus de prise de décisions et ont pleinement accès à une assistance juridique, à l ’ éducation, aux services de santé et aux facilités de crédit. Le Comité le presse également de prendre les mesures qui s ’ imposent pour éliminer toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes en ce qui concerne l ’ accès au logement et à l ’ aide alimentaire dans les situations d ’ urgence ou après une catastrophe naturelle, et de veiller à ce que, dans de telles situations, les femmes soient suffisamment protégées contre la violence.

Le Comité demande que le prochain rapport contienne des renseignements au sujet de la situation des femmes âgées et des femmes handicapées.

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et à approuver dès que possible la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20, relatif à son nombre de jours de réunion.

Le Comité engage l ’ État partie à tenir le plus grand compte, dans l ’ exécution des obligations qui lui incombent selon la Convention, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et il le prie de donner, dans son prochain rapport périodique, des renseignements à cet égard.

Le Comité souligne en outre que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe par l ’ application pleine et effective de la Convention. Il demande que le souci de l ’ égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans toutes les initiatives visant à atteindre les objectifs du Millénaire et prie l ’ État partie d ’ inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l ’ adhésion des États aux sept principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribue à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement indonésien à envisager de ratifier l ’ instrument auquel il n ’ est pas partie, à savoir la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Indonésie pour que la population du pays, en particulier les membres de l ’ administration, les responsables politiques, les parlementaires, les organisations féminines et les organisations de défense des droits de l ’ homme soient informés des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement, surtout auprès des femmes et des organisations de défense des droits de l ’ homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, intitulée «  Les femmes en l ’ an 2000 : égalité entre les sexes  ».

Le Comité prie l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il établira en application de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à présenter son sixième rapport périodique, qu ’ il devait soumettre en octobre 2005, et son septième rapport périodique, qu ’ il doit soumettre en octobre 2009, sous la forme d ’ un rapport unique en octobre 2009.