Nations Unies

CCPR/C/MRT/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 novembre 2013

Original: français

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie*

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de la Mauritanie (CCPR/C/MRT/1) à ses 3018e et 3019e séances (CCPR/C/SR.3018 et 3019), les 21 et 22 octobre 2013. À sa 3031e séance (CCPR/C/SR.3031), le 30 octobre 2013, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Mauritanie et les renseignements qui y sont présentés mais regrette qu’il ait été soumis avec un retard important. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de nouer un dialogue avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/MRT/Q/1/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points (CCPR/C/MRT/Q/1) et qui ont été complétées oralement par la délégation.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment:

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 22 janvier 2007;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 23 avril 2007;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 3 avril 2012;

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 3 avril 2012; 

e)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 3 octobre 2012;

f) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 3 octobre 2012.

4.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts entrepris par l’État partie pour réviser sa législation, notamment l’adoption de:

a)L’ordonnance no 2005-015 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant;

b)L’ordonnance no 2007-036 du 17 avril 2007 portant Code de procédure pénale;

c)La loi no 2007-048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes;

d)Les révisions constitutionnelles de 2006 et de 2012;

e)La loi no 2010-021 du 10 février 2010 relative à la lutte contre le trafic illicite des migrants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité relève avec préoccupation que le Pacte n’a pas été invoqué ou appliqué par les tribunaux nationaux, du fait de la non-publication au Journal Officiel des lois ratifiant les traités et conventions en matière des droits de l’homme ainsi que des textes de ces instruments (art. 2).

L’État partie devrait publier de manière systématique au Journal Officiel les lois de ratification des traités et conventions des droits de l’homme ainsi que les textes de ces instruments, notamment du Pacte. Il devrait également faire mieux connaître le Pacte auprès des juges, des avocats et des procureurs afin de garantir que ses dispositions soient prises en compte par les tribunaux nationaux.

6.Le Comité note les craintes que la référence à l’islam dans le préambule de la Constitution de l’État partie en tant que seule source de droit puisse conduire à des dispositions législatives qui empêchent une pleine jouissance de certains droits prévus dans le Pacte. Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie a formulé une réserve à l’article 18, alors que le Pacte prévoit qu’aucune dérogation à cet article n’est autorisée, ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 4, du Pacte et regrette la position de l’État partie consistant à maintenir ces réserves (art. 2, 18 et 23).

L’État partie devrait s’assurer que la référence à l’islam n’empêche pas la pleine application dans son ordre juridique des dispositions du Pacte et qu’elle ne constitue pas une justification pour l’ État partie de ne pas mettre en œuvre les obligations contractées en vertu du Pacte . Le Comité encourage l’ État partie, par conséquent, à envisager de retirer ses réserves formulées aux articles  18 et 2 3, paragraphe  4, du Pacte.

7.Le Comité regrette que l’État partie dénie l’existence de la discrimination raciale sur son territoire. Il est par ailleurs préoccupé par l’absence, dans sa législation, d’une définition et d’incrimination de la discrimination raciale et regrette que l’État partie n’ait pas fourni des données sur l’ampleur de ce phénomène, les groupes les plus concernées et sur les mesures prises afin de le combattre. Il note avec préoccupation que la discrimination raciale fondée sur l’appartenance ethnique empêche la jouissance des droits de l’homme par certains groupes ethniques, y compris l’accès des femmes Haratine aux affaires publiques. Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’ait toujours pas adopté le projet de plan d’action national contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (art. 2, 26 et 27).

L’État partie devrait adopter une définition de la discrimination raciale dans sa législation et la prohiber en conformité avec le Pacte . Il devrait également combattre la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique dans tous les domaines et accélérer la rédaction, la validation et l’adoption du projet de p lan d’action national de lutte contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, le mettre en œuvre et le vulgariser.

8.Le Comité relève avec préoccupation que l’homosexualité est criminalisée et punie de la peine de mort, en violation avec les dispositions du Pacte (art. 2, 6, 17 et 26).

Le Comité respecte la diversité des cultures et des principes moraux de tous les pays, mais rappelle que ceux-ci demeurent toujours subordonnés aux principes de l’universalité des droits de l’homme et de la non-discrimination ( o bservation générale n o  34 (2011) sur la l iberté d’opinion et la liberté d’expression, par. 32). Par conséquent, l’État partie devrait dépénaliser l’homosexualité et prendre les mesures nécessaires afin de protéger la liberté et la vie privée de la personne.

9.Le Comité constate avec préoccupation l’inégalité entre hommes et femmes dans certains domaines des affaires publiques, notamment dans la magistrature, la diplomatie et dans les hautes fonctions de l’administration publique. Le Comité est préoccupé par la persistance d’une discrimination à l’égard des femmes par rapport aux hommes concernant la transmission de la nationalité (l’article 16 de la loi no 1961-112, modifiée, portant code de la nationalité mauritanienne); les discriminations qui existent à l’égard de la femme dans le Code du statut personnel de 2001(art. 9-13) concernant la mise sous tutelle de la femme non mariée; ainsi que celles qui touchent aux droits successoraux et aux droits des époux pendant le mariage et à la dissolution du mariage (art. 2, 3, 23 et 26).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts en vue d’améliorer le taux de représentation des femmes dans les affaires politiques et publiques, poursuivre des campagnes visant à vulgariser et informer les femmes de leurs droits. L’ État partie devrait réviser son Code de la nationalité afin de permettre aux femmes mauritaniennes de transmettre leur nationalité à égalité avec les hommes et le Code du s tatut personnel de 2001 afin d’en retirer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes.

10.Le Comité note avec préoccupation que les violences domestiques, en particulier, les violences à l’égard des femmes, y compris le viol, persistent dans l’État partie. Le Comité s’inquiète également de ce que ces violences ne sont pas toujours poursuivies et sanctionnées; qu’en outre, pour que le viol soit puni, la victime doit faire comparaître un témoin. Le Comité est, en outre, préoccupé par la stigmatisation des femmes victimes de viol et par le fait qu’elles peuvent s’exposer à des poursuites pénales. Le Comité est préoccupé enfin par l’absence d’informations sur l’impact des mesures de protection prises par l’État partie, l’insuffisance des centres d’accueil pour les femmes victimes de violence ainsi que par l’absence d’informations sur les campagnes menées contre la violence à l’égard des femmes (art. 3, 7 et 23).

L’État partie devrait s’assurer que les femmes victimes de violences, y compris de viol, peuvent facilement porter plainte, et dans ce sens, devrait revoir l’exigence de comparution d’un témoin pour les plaintes de viol. Il devrait également renforcer les mesures de protection à l’égard des victimes et s’abstenir de poursuites pénales . L’ État partie devrait enfin renforcer ses campagnes de sensibilisation , notamment dans le cadre du plan d’action national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles et former les agents d’application de la loi sur les violences faites aux femmes. L’ État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport au Comité les résultats de l’enquête réalisée par l’Office national de la statistique sur toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des fillettes et fournir des données statistiques sur les enquêtes, poursuites, condamnations et sanctions prises à l’égard des auteurs de violences à l’égard des femmes.

11.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures prises pour lutter contre les mutilations génitales féminines. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par la persistance de cette pratique dans l’État partie. Le Comité regrette l’absence d’informations et de données statistiques sur les sanctions prises contre les auteurs de mutilations génitales féminines et l’absence d’une loi spécifique à ce sujet (art. 3, 7 et 24).

L’État partie devrait veiller à l’application effective de l’article 12 de l’ordonnance portant protection pénale de l’enfant et adopter le projet de loi criminalisant de manière spécifique les mutilations génitales féminines. L’ État partie devrait également renforcer et poursuivre ses campagnes et autres mesures de sensibilisation et de lutte contre les mutilations génitales féminines auprès des populations, y compris dans les zones rurales.

12.Le Comité prend note avec reconnaissance que l’État partie observe un moratoire sur l’exécution de la peine de mort depuis 2007. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par le fait que la peine de mort est encore prévue dans le Code pénal et appliquée par les juridictions internes, y compris à l’égard de crimes commis par des mineurs. Le Comité est, en outre, préoccupé par le fait que la peine de mort n’est pas limitée aux crimes les plus graves et est imposée en contravention avec les dispositions de l’article 6 du Pacte ainsi que par les allégations sur l’imposition de la peine de mort suite à des condamnations fondées sur des aveux obtenus sous la torture ou suite à des procès ne respectant pas toutes les garanties prévues à l’article 14 du Pacte (art. 6 et 14) .

L’ État partie devrait envisager d’ abolir la peine de mort et de ratifier le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques , visant à aboli r la peine de mort. L’ État partie devrait s’assurer qu e, en aucune circonstance, l a peine de mort n’est imposée en violation des garanties prévues à l’article 6 du Pacte.

13.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de personnes tuées suite à la répression par les forces de sécurité, lors de différentes manifestations organisées dans le pays, notamment dans la localité de Magahama, le 27 septembre 2011 et lors de la grève des employés de la société Mines de cuivre de Mauritanie, en juillet 2012. Le Comité est également préoccupé de l’absence d’informations concrètes et détaillées sur les enquêtes menées sur ces faits (art. 6).

L’État partie devrait mener systématiquement des enquêtes approfondies sur ces actes, poursuivre les responsables présumés en justice et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des peines proportionnées à la gravité des faits et accorder une indemnisation appropriée aux victimes et à leur famille. Il devrait développer et étoffer les programmes d’enseignement des droits de l’homme, et ceux portant en particulier sur l es dispositions du Pacte, destinés aux membres des forces de sécurité. Dans son prochain rapport, l ’ État partie devrait informer le Comité d es suites de l’enquête menée par le p arquet de Kadéi concernant la mort du jeune Lamine Manghane.

14.Le Comité note avec inquiétude que ni la Constitution (art. 13), ni le Code pénal, ni le Code de procédure pénale (art. 58) ne définissent latorture et ne l’incriminentcomme un crime spécifique; ce qui empêchela torture d’êtresuffisamment réprimée. Le Comité est également préoccupé par les allégations faisant état de la pratique systématique de torture et de mauvais traitements ou d’usage excessif de la force par des membres de la police ou des forces de sécurité lors des manifestations, d’arrestations ou d’interrogatoires, y compris de suspects de terrorisme et de migrants, dans des lieux de détention notamment ceux de DarNaim.Le Comité est préoccupé, en outre, qu’aucune autorité indépendante spécifique ne soit établie pour examiner les plaintescontre les forces de police et de sécurité(art. 7 et 10).

L’État partie devrait adopter une définition de la torture et incriminer clairement la torture dans le Code pénal en conformité avec l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et les normes internationales pertinentes. Il devrait également veiller à ce que toute enquête sur des actes de torture, de mauvais traitements ou d’usage excessif de la force imputés à des membres de la police ou des forces de sécurité soit menée par une autorité indépendante. L’ État partie devrait, en outre, s’assurer que les membres des forces de l’ordre soient formés à prévenir la torture et les mauvais traitements et à enquêter sur ces infractions en veillant à ce que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) soit intégré dans tous les programmes de formation qui leur sont destinés. Il devrait par ailleurs garantir que les allégations de torture et de mauvais traitements donnent lieu à des enquêtes approfondies et impartiales, et garantir que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, veiller à ce qu’ils soient condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et à ce que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate. L’ État partie devrait garantir un accès régulier à tous les lieux de privation de liberté et mettre en place le Mécanisme national de prévention contre la torture suite à sa ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants .

15.Tout en notant les explications fournies par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par les allégations selon lesquelles la torture est pratiquée pour extorquer des aveux qui sont ensuite admis par les tribunaux pour établir la culpabilité des détenus (art. 7 et 14).

L’État partie devrait s’assurer que des aveux obtenus sous la contrainte ne soient pas utilisés ou admis par les tribunaux comme preuve de la culpabilité des suspects. En ce sens, l’ État partie devrait assurer une application effective de son Code de procédure pénale qui dispose que «l’aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte, n’a pas de valeur».

16.Tout en notant l’adoption par l’État partie de l’ordonnance no 2005-015 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant, le Comité est préoccupé par le fait que les châtiments corporels des enfants persistent dans l’État partie et ne sont pas explicitement interdits par la loi (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la pratique des châtiments corporels en toutes circonstances. Il devrait encourager l’utilisation des méthodes disciplinaires non violentes pour remplacer les châtiments corporels et mener des campagnes d’information afin de sensibiliser le public aux conséquences préjudiciables de ce type de violence.

17.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les multiples initiatives législatives ayant commencé par l’abolition formelle de l’esclavage aussi tardivement qu’en 1981 et d’autres dispositions adoptées en 2012 sur cette question, la pratique de l’esclavage persiste dans l’État partie. Le Comité regrette ainsi l’absence de données statistiques concrètes et détaillées sur la pratique de l’esclavage ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites, les condamnations et les sanctions ainsi que la réhabilitation des victimes. Le Comité est, en outre, préoccupé par le fait que les victimes de l’esclavage n’ont pas, dans la pratique, de recours efficaces contre les responsables de pratiques esclavagistes (art. 8).

L’État partie devrait veiller à une application effective de sa législation incriminant l’esclavage et garantir des recours efficaces aux victimes d’esclavage ayant déposé plainte. L’ État partie devrait également mener des enquêtes, poursuivre de manière effective les responsables , les condamner et offrir une indemnisation et une réhabilitation aux victimes. L’ État partie devrait, enfin, accélérer le jugement des affaires pendantes ; adopter et mettre en œuvre comme politique gouvernementale, la Feuille de route élaborée en collaboration avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et portant sur les recommandations de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences; et sensibiliser tous les agents d’application de la loi ainsi que la population, y compris dans les zones rurales.

18.Le Comité est préoccupé par le fait que toutes les garanties juridiques fondamentales de l’article 9 du Pacte ne sont pas prévues par le Code de procédure pénale pour les personnes privées de liberté et que celles qui le sont ne sont pas respectées. Le Comité est également préoccupé par le fait que les dispositions relatives à la garde à vue prévues aux articles 57 à 60 du Code de procédure pénale, tant pour les infractions de droit commun que pour les infractions terroristes, ne sont pas pleinement conformes aux dispositions du Pacte. Le Comité est, en outre, préoccupé par la définition large et imprécise du crime de terrorisme prévue à l’article 3 de la loi no 2010-035 du 21 juillet 2010 relative à la lutte contre le terrorisme (art. 9).

L’ État partie devrait rendre la durée de la garde à vue, y compris pour des infractions terroristes, conforme aux dispositions du Pacte. L’État partie devrait également réviser sa législation pénale afin d’assurer de jure et de facto les garanties juridiques fondamentales aux personnes privées de liberté, notamment :

le droit d’être informé des motifs de son arrestation ;

l’accès à un avocat ou à un conseil légal indépendant ou à une aide juridictionnelle ;

l’accès à un médecin et la possibilité d’informer sa famille de sa détention ;

la présentation sans délai à un juge et le droit de faire examiner par un tribunal la légalité de sa détention.

19.Tout en notant les efforts déployés par l’État partie, le Comité reste préoccupé par les conditions de détention inadéquates dans les prisons de l’État partie, notamment celle de Dar Naim. Le Comité est particulièrement préoccupé par la surpopulation carcérale dans certaines de ces prisons (art. 10).

L’ État partie devrait mettre en œuvre des mesures visant à améliorer les conditions de détention dans ses prisons et à réduire la surpopulation carcérale.

20.Le Comité est préoccupé par les informations sur le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et les interférences du pouvoir exécutif, de nature à empêcher la garantie d’un tribunal indépendant et à porter préjudice à une bonne administration de la justice. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’aide juridictionnelle n’est pas toujours opératoire pour une majorité de justiciables et que les droits de la défense ne sont pas toujours respectés (art. 14).

L’État partie devrait garantir l’indépendance du système judiciaire et la transparence de ses procédures tout en lui donnant les ressources nécessaires à son fonctionnement. Il devrait également inclure l’enseignement des droits de l’homme dans la formation des juges, des magistrats et des avocats. L’ État partie devrait enfin prendre les moyens nécessaires afin que tous les droits prévus à l’article 14 du Pacte soient garantis aux justiciables dans le droit et dans la pratique.

21.Tout en notant que l’islam est la religion d’État en Mauritanie, le Comité est préoccupé par le fait que l’exercice de la liberté de conscience et de religion n’est pas formellement garanti pour les Mauritaniens musulmans dont le changement de religion est incriminé comme apostasie et puni de la peine de mort (art. 2, 6 et 18).

L’ État partie devrait supprimer de sa législation le crime d’apostasie et autoriser les Mauritaniens à jouir sans réserve de leur liberté de religion, y compris en changeant de religion .

22.Le Comité relève avec préoccupation qu’au cours de rassemblements et de manifestations dans l’État partie, des défenseurs des droits de l’homme et des manifestants sont menacés, intimidés ou harcelés par des membres des forces de sécurité ou de police. Le Comité est également préoccupé par les entraves à la création et à l’enregistrement de certaines organisations non gouvernementales ou associations (art. 19, 21 et 22).

L’ État partie devrait adopter une nouvelle loi régissant l’exercice de la liberté d’association conforme aux normes internationales et offrant la protection requise aux défenseurs des droits de l’homme. L’ État partie devrait, en outre, prendre des mesures concrètes pour assurer la protection des membres des organisations non gouvernementales contre les représailles , ainsi que la protection des manifestations pacifiques organisées sur son territoire et , en cas de violations, mener des enquêtes aux fins de poursuite des responsables.

23.Tout en notant que le Code du statut personnel établit l’âge du mariage à 18 ans, le Comité note avec préoccupation la persistance des mariages précoces (art. 3, 23 et 24).

L’ État partie devrait veiller à l’application stricte de sa législation interdisant les mariages précoces. Il devrait poursuivre des campagnes de sensibilisation sur cette législation et faire connaître aux jeunes filles, aux parents et aux chefs des communautés les effets néfastes d’un mariage précoce.

24.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore adopté la loi sur l’asile. Il est par ailleurs préoccupé par la limite de la liberté de mouvement des réfugiés et demandeurs d’asile qui ne bénéficient plus du statut de réfugiés depuis la révision de la loi sur l’état civil de 2011. Le Comité est également préoccupé par le fait que les réfugiés urbains et les demandeurs d’asile continuent de rencontrer des obstacles juridiques pour enregistrer leurs enfants nés en Mauritanie, en raison des dispositions du Code du statut personnel. Le Comité est enfin préoccupé par le fait que les réfugiés mauritaniens rapatriés n’ont pas encore tous obtenu leurs documents d’identité et de nationalité; ce qui est susceptible de créer des obstacles à la jouissance de certains droits et de favoriser le risque d’apatridie. Le Comité est, en outre, préoccupé par le fait que d’autres réfugiés mauritaniens au Mali suite aux événements de 1989-1990 ne possèdent pas toujours leurs documents d’identité (art. 12 et 24).

L’ État partie devrait accélérer l’adoption du projet de loi sur l’asile afin de faciliter les procédures de demande d’asile. Il devrait également examiner la situation des anciens réfugiés et demandeurs d’asile afin de leur procurer des documents d’identité, le cas échéant, et faciliter leurs déplacements. L’ État partie devrait lever les obstacles juridiques à l’enregistrement des naissances des enfants de réfugiés et demandeurs d’asile nés en Mauritanie. Il devrait enfin faciliter l’obtention de documents d’identité pour les réfugiés rapatriés en vertu de l’accord tripartite entre l’ État partie, le Sénégal et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et devrait envisager la signature d’un tel accord pour les Mauritaniens refugiés au Mali, suite aux év é nements de 1989-1990. Il devrait envisager la mise en place d’un mécanisme propre à solder le passif humanitaire de ces év é nements.

25.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du premier rapport périodique, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales, dans sa langue officielle, auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son prochain rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

26.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 5, 14, 17 et 19.

27.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 1er novembre 2017, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.