Nations Unies

CRC/C/MRT/CO/3-5

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

26 novembre 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport de la Mauritanie valant troisième à cinquième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Mauritanie valant troisième à cinquième rapports périodiques (CRC/C/MRT/3-5) à ses 2312e et 2313eséances (voir CRC/C/SR.2312 et 2313), les 17 et 18 septembre 2018, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2340eséance, le 5 octobre 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant troisième à cinquième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/MRT/Q/3-5/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité prend note avec satisfaction des progrès réalisés par l’État partie dans divers domaines, notamment de la ratification d’instruments internationaux ou de l’adhésion à de tels instruments, en particulier de la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et de la Charte arabe des droits de l’homme. Il prend note avec satisfaction des mesures législatives, institutionnelles et politiques que l’État partie a prises pour appliquer la Convention, en particulier de l’adoption du Code général de la protection de l’enfance et de la reconstitution du Conseil national pour l’enfance sous la direction du Premier Ministre.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : la définition de l’enfant (par. 16), la non-discrimination (par. 18), l’enregistrement des naissances (par. 22), l’éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles (par. 36), l’exploitation économique, y compris le travail des enfants (par. 41) et l’administration de la justice pour mineurs (par. 45).

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Réserve

5. Le Comité réitère sa recommandation précédente (CRC/C/MRT/CO/2, par. 10) et prie instamment l’État partie de retirer sa réserve générale à la Convention.

Législation

6. S’il prend note de l’adoption du Code général de protection de l’enfance, le Comité regrette que le Code ne couvre pas l’ensemble des dispositions et des principes énoncés dans la Convention. Il recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que tous les principes et toutes les dispositions énoncées dans la Convention soient pleinement incorporés au système juridique national, conformément aux recommandations précédentes du Comité (CRC/C/MRT/CO/2, par. 8) ;

b) D’accélérer les réformes législatives visant à interdire les mariages des enfants sans exception, toutes les formes de mutilations génitales féminines et les autres pratiques néfastes telles que le gavage des enfants, y compris en réalisant une étude sur les facteurs socioéconomiques et socioculturels susceptibles de faire obstacle à ces réformes.

Politique et stratégie globales

7. Notant qu’aucune stratégie n’a été adoptée en remplacement de la Stratégie nationale de protection de l’enfance 2009-2013, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une politique d’ensemble qui englobe tous les domaines couverts par la Convention, en se basant sur une évaluation de l’efficacité de la Stratégie nationale de protection de l’enfance et avec la participation de la société civile ;

b) D’élaborer une stratégie d’exécution de cette politique, assortie d’objectifs et de cibles spécifiques, mesurables et soumis à un calendrier, et d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à l’appui de cette stratégie ;

c) D’évaluer systématiquement la mise en œuvre de la politique afin de pouvoir mesurer les progrès, détecter les failles et élaborer des nouvelles politiques.

Coordination

8. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la Direction de l’enfance du Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille soit dotée d’un mandat clairement défini et investie d’une autorité suffisante pour coordonner toutes les activités relatives à la mise en œuvre de la Convention dans tous les secteurs, tant aux plans national, régional que local. Il lui recommande également de prévoir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour assurer son bon fonctionnement.

Allocation de ressources

9. Compte tenu de son observation générale n o 19 (2016) sur l’élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l’enfant, le Comité rappelle ses précédentes recommandations (CRC/C/MRT/CO/2, par. 19) et recommande à l’État partie :

a) De prévoir des ressources humaines, financières et techniques suffisantes à tous les niveaux de l’administration pour permettre la mise en œuvre de l’ensemble des politiques, plans, programmes et mesures législatives en faveur des enfants ;

b) D’établir des mécanismes adaptés et des procédures inclusives qui permettent à la société civile, au grand public et aux enfants de participer à toutes les étapes du processus budgétaire, y compris à son élaboration, son exécution et son évaluation ;

c) D’évaluer régulièrement les effets de ces allocations budgétaires sur les enfants pour s’assurer qu’elles sont efficaces, performantes, durables et conformes au principe de non-discrimination ;

d) De redoubler d’efforts pour mobiliser au niveau national des ressources financières suffisantes pour que les budgets alloués aux secteurs qui contribuent à la réalisation des droits de l’enfant ne pâtissent pas de la diminution de l’aide publique au développement ou d’une situation économique difficile.

Collecte de données

10. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la base utilisée pour collecter des données en veillant à ce qu’elle couvre tous les domaines de la Convention, en particulier ceux qui concernent les enfants défavorisés ou en situation de vulnérabilité, et plus précisément les données concernant la violence à l’égard des enfants, les enfants handicapés, les enfants en situation de rue et les enfants migrants ;

b) De produire des données ventilées par âge, sexe, handicap, lieu géographique, origine ethnique et nationale et contexte socioéconomique ;

c) De faire en sorte que les données et les indicateurs soient mis en commun par les ministères concernés et utilisés pour élaborer, suivre et évaluer les politiques et programmes destinés à assurer la mise en œuvre effective de la Convention ;

d) De tenir compte du cadre conceptuel et méthodologique établi dans le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) intitulé Indicateurs des droits de l’homme : Guide pour mesurer et mettre en œuvre , lorsqu’il établit, recueille et diffuse des informations statistiques.

Mécanisme de suivi indépendant

11. Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l´homme (Principes de Paris), notamment s’agissant de son financement, de son mandat et de son personnel, et de développer ses capacités de façon à lui permettre de suivre la mise en œuvre des droits de l’enfant et de recevoir, d’instruire et de traiter efficacement et d’une façon adaptée aux enfants les plaintes émanant d’enfants.

Diffusion, sensibilisation et formation

12. Tout en prenant note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour dispenser des formations sur la Convention, le Comité rappelle ses recommandations précédentes (CRC/C/MTR/CO/2, par. 23 et 24) et recommande à l’État partie de renforcer ses programmes de sensibilisation et d’éducation, en particulier les campagnes qui concernent la Convention, en coopération avec la société civile et les médias, en veillant à ce qu’ils soient élaborés et exécutés d’une façon adaptée aux enfants et dans les quatre langues nationales, en portant une attention particulière aux filles et aux enfants des zones rurales et reculées.

Coopération avec la société civile

13. Le Comité constate avec préoccupation que le projet de loi sur les associations de la société civile est restrictif. Il recommande à l’État partie :

a) De réviser le projet de loi relatif aux associations de la société civile de façon à éliminer les restrictions à l’enregistrement et au fonctionnement de ces associations, particulièrement de celles qui travaillent sur les droits de l’enfant ;

b) De continuer à développer la collaboration avec les associations de la société civile, notamment en leur apportant l’appui dont elles ont besoin pour mener leurs activités dans tous les domaines relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’enfant et en allouant des ressources suffisantes à la Direction de l’enfance pour lui permettre de coordonner efficacement ses travaux.

Droits de l’enfant et entreprises

14. Renvoyant à son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l’enfant, et aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies, le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer des dispositions réglementaires propres à assurer le respect par les entreprises des normes internationales et nationales relatives aux droits de l’homme, au travail, à l’environnement et autres, en particulier en ce qui concerne les droits de l’enfant. En particulier, il recommande à l’État partie :

a) De mettre en place un cadre réglementaire clair pour les différents secteurs d’activité, notamment la pêche, l’agriculture et les industries extractives, pour faire en sorte que les activités des entreprises n’aient pas d’effets défavorables sur les droits de l’enfant et ne portent pas atteinte aux normes environnementales et autres ;

b) D’examiner et d’adapter son cadre législatif (civil, pénal et administratif) pour que les entreprises et leurs filiales qui opèrent sur le territoire de l’État partie ou sont gérées depuis son territoire, en particulier dans le secteur de l’extraction minière, soient tenues de rendre des comptes ;

c) D’obliger les entreprises à mener des évaluations et des consultations concernant les effets de leurs activités sur l’environnement, la santé et les droits de l’homme ainsi que les mesures qu’elles prévoient de prendre pour y remédier, et de rendre publiques dans leur intégralité ces évaluations, consultations et mesures.

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

15.S’il prend note avec satisfaction du Plan d’action national pour la promotion de l’abandon du mariage des enfants 2014-2016 et des activités s’y rapportant, le Comité constate avec une profonde préoccupation que les mariages d’enfants demeurent très fréquents.

16. Le Comité engage instamment l’État partie à modifier sa législation et, en particulier, le Code sur le statut personnel, de manière à interdire sans exception le mariage des personnes âgées de moins de 18 ans, et à prendre toutes les mesures voulues pour éliminer les mariages d’enfants en toutes circonstances.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

17.Le Comité est profondément préoccupé par la discrimination à laquelle sont couramment exposés les filles et les enfants appartenant aux groupes défavorisés ou vulnérables de la population et regrette que l’État partie ne soit pas conscient de ce problème.

18. Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’adopter en priorité une stratégie globale visant à éliminer toutes les formes de discrimination envers les filles et envers les enfants appartenant aux groupes défavorisés et vulnérables de la population, y compris les enfants vivant dans l’esclavage ou soumis à des pratiques esclavagistes, les enfants appartenant aux minorités, les enfants handicapés et les enfants en situation de rue ;

b) De redoubler d’efforts pour éliminer la discrimination envers les filles et envers les enfants appartenant aux groupes défavorisés ou vulnérables de la population, en étroite collaboration avec la société civile, les médias et les chefs religieux et communautaires, en menant des programmes de sensibilisation destinés à créer les conditions voulues pour promouvoir l’égalité entre les enfants.

Intérêt supérieur de l'enfant

19. Compte tenu de son Observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité accueille avec satisfaction l’inscription du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le Code général de protection de l’enfance et recommande à l’État partie :

a) D’intensifier son action pour que ce droit soit dûment pris en considération, qu’il soit toujours interprété de la même manière et systématiquement appliqué dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans tous les programmes, projets et politiques qui concernent les enfants ou ont un effet sur eux ;

b) De mettre au point des procédures et des critères propres à aider toutes les personnes en position d’autorité à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les domaines et à en faire une considération primordiale ;

c) De dispenser à toutes les personnes en position d’autorité une formation pour les aider à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant en s’appuyant sur une bonne connaissance de ce droit et de son application, sur la base des procédures et des critères décrits plus haut ;

d) D’évaluer les pratiques, les politiques et les services susceptibles de ne pas servir l’intérêt supérieur de l’enfant, comme le mariage des enfants, en s’appuyant sur les procédures et les critères susmentionnés.

Respect de l’opinion de l’enfant

20. Compte tenu de son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les organes et mécanismes tels que le Parlement des enfants et les conseils municipaux des enfants de façon à faire en sorte que l’opinion des enfants soit entendue et dûment prise en considération dans les décisions locales et nationales portant sur l’adoption de lois, de politiques et de programmes concernant les enfants, et de mettre en place des procédures permettant aux enfants de participer aux délibérations judiciaires et administratives les concernant ou ayant des conséquences pour eux ;

b) De mettre en place des programmes de sensibilisation et d’éducation visant à promouvoir la participation active et effective de tous les enfants, dans tous les secteurs de la société, dans la collectivité, dans la famille et à l’école, en prêtant une attention particulière aux filles et aux enfants défavorisés ou marginalisés.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances

21.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour promouvoir l’enregistrement des naissances, en particulier la réforme du système d’enregistrement de l’état civil, la mise en place de l’enregistrement biométrique et le développement des bureaux d’enregistrement. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que le taux d’enregistrement des enfants, en particulier des enfants demandeurs d’asile et réfugiés, reste faible, et par le fait que la population méconnaît généralement l’importance de cette démarche.

22. En tenant compte de la cible 16.9 des objectifs de développement durable, qui est de garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l’enregistrement des naissances, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie nationale globale visant à accélérer l’enregistrement des naissances. Il lui recommande en outre :

a) De prendre toutes les mesures voulues pour que tous les enfants puissent être enregistrés gratuitement, y compris supprimer les frais d’enregistrement tardif des naissances, mettre en place des unités mobiles d’enregistrement dans les zones rurales et les camps de réfugiés, créer des services d’enregistrement dans les établissements de santé et mener des campagnes d’enregistrement des naissances ;

b) De fournir les ressources humaines, techniques et financières nécessaires au bon fonctionnement des bureaux d’enregistrement, notamment en formant les fonctionnaires préposés à cette tâche ;

c) De simplifier les procédures d’enregistrement des naissances et de les rendre accessibles dans toutes les langues nationales ;

d) De redoubler d’efforts pour sensibiliser le public à l’importance de l’enregistrement des naissances et d’encourager les parents à enregistrer leurs enfants.

Nationalité

23. Constatant avec préoccupation que les procédures de naturalisation des enfants nés d’une mère mauritanienne et d’un père étranger sont différentes de celles qui concernent les enfants nés d’un père mauritanien et d’une mère étrangère, le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation sur la nationalité de façon à assurer l’égalité dans la transmission de la nationalité par filiation maternelle et par filiation paternelle, en particulier pour les enfants qui, en l’absence d’une telle garantie, se retrouveraient apatrides. Le Comité recommande également à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Esclavage et pratiques esclavagistes

24. Le Comité accueille avec satisfaction la modification apportée en 2015 à la loi n o 2007-042 relative à l’incrimination de l’esclavage, par laquelle l’esclavage a été déclaré crime contre l’humanité, ainsi que la création, dans chaque région, de tribunaux spéciaux chargés de traiter les affaires d’esclavage et les questions connexes, mais il demeure préoccupé par les informations faisant état de l’existence d’un esclavage de caste, qui touche particulièrement les filles employées comme domestiques, et par l’absence de mesures concrètes visant à réinsérer les anciens esclaves et leurs enfants dans la société et à sensibiliser le public aux pratiques esclavagistes traditionnelles. Rappelant ses recommandations précédentes (CRC/C/MRT/CO/2, par. 37), le Comité engage instamment l’État partie à :

a) Veiller à ce que les allégations concernant des enfants soumis à l’esclavage donnent lieu à des enquêtes effectives et, si les faits sont établis, à ce que les enfants concernés soient libérés, à ce qu’ils obtiennent réparation et reçoivent une aide pour rentrer dans leur famille, et à ce que les auteurs soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leur crime ;

b) Garantir la réinsertion des anciens enfants esclaves dans la société et leur permettre d’accéder à l’éducation, aux services de santé et aux services sociaux ;

c) Mener des programmes et des campagnes de sensibilisation pour faire évoluer les mentalités concernant l’utilisation d’enfants comme domestiques, comme ouvriers agricoles ou comme épouses dans le cadre de mariages forcés, pour faire comprendre au grand public que ces pratiques sont illégales et qu’elles constituent des formes d’esclavage d’enfants ;

d) Collecter des données ventilées sur le nombre et le profil des enfants réduits en esclavage ou soumis à des pratiques esclavagistes et analyser ces données pour prendre la mesure de l’ampleur du problème, et adopter des politiques et des programmes ciblés pour le résoudre .

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Châtiments corporels

25. Étant donné que les châtiments corporels ne sont pas interdits dans tous les contextes et qu’ils sont encore largement acceptés comme moyen de discipliner les enfants, le Comité, réitérant ses recommandations précédentes (CRC/C/MRT/CO/2, par. 41), engage instamment l’État partie à :

a) Réviser sa législation, en particulier le Code pénal et l’ordonnance n o 2005-015 sur la protection judiciaire des enfants, de façon à interdire la condamnation à des châtiments corporels tels que la flagellation et l’amputation pour une infraction quelle qu’elle soit qui aurait été commise par une personne âgée de moins de 18 ans ;

b) Interdire expressément dans sa législation les châtiments corporels dans tous les contextes ;

c) Promouvoir des formes d’éducation et de discipline bienveillantes, non violentes et participatives et sensibiliser les parents, les professionnels travaillant avec les enfants et le grand public aux méfaits des châtiments corporels ;

d) Veiller à ce que les auteurs d’infractions de cette nature soient poursuivis dans les meilleurs délais et dûment sanctionnés par les autorités administratives et judici aires compétentes.

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

26. Le Comité est extrêmement préoccupé par la fréquence de l’exploitation sexuelle et des violences sexuelles dans l’État partie. Compte tenu de son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, et de la cible 16.2 des objectifs de développement durable, qui est de mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont les enfants sont victimes, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter promptement une législation incriminant toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles visant des enfants, notamment le projet de loi sur les violences basées sur le genre, et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et condamnés ;

b) De mettre à la disposition des enfants des mécanismes efficaces, accessibles, confidentiels et adaptés à leur âge leur permettant de signaler les cas d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles et de mettre en place des dispositifs pour orienter efficacement les victimes, en particulier les enfants défavorisés et marginalisés, vers les services de prise en charge et d’appui ;

c) De renforcer les programmes de sensibilisation et d’information, notamment les campagnes, qui visent à prévenir et à combattre l’exploitation sexuelle et les violences sexuelles visant des enfants ainsi que la stigmatisation des victimes ;

d) De répondre efficacement aux besoins médicaux, juridiques et psychosociaux des enfants victimes d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles, y compris en leur donnant accès à des refuges et à des services appropriés de réadaptation et de réinsertion sociale.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

27. Tout en prenant acte de la stratégie nationale pour la promotion de l’abandon des mutilations génitales féminines 2016-2019, et renvoyant à son observation générale n o 18 (2014) relative aux pratiques préjudiciables , adoptée conjointement avec le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité engage l’État partie à éliminer toutes les formes de mutilations génitales féminines et le gavage des enfants. Il l’engage également à :

a) Ériger expressément en infractions pénales toutes les formes de mutilations génitales féminines et veiller à faire appliquer efficacement la législation en la matière, y compris en allouant des ressources suffisantes à la mise en œuvre du Plan d’action national contre les violences basées sur le genre et en traduisant en justice toutes les personnes qui se livrent à de telles pratiques néfastes ;

b) Faire appliquer l’obligation de signalement des cas de mutilations génitales pratiquées sur des filles ;

c) Créer des mécanismes et des services de sauvegarde afin de protéger les enfants qui risquent de faire l’objet de mutilations génitales féminines ou de gavage forcé, et garantir à toutes les victimes de ces pratiques l’accès à des services sociaux, médicaux, psychologiques et de réadaptation et à des recours juridiques ;

d) Continuer d’intensifier les programmes de sensibilisation et d’éducation, y compris les campagnes, sur les méfaits de telles pratiques sur la santé physique et mentale des enfants, en particulier des filles, avec la pleine participation de la société civile, et veiller à ce que ces campagnes et ces programmes soient menés de façon systématique et cohérente et s’adressent à l’ensemble des secteurs de la société, en particulier aux fonctionnaires, aux familles et à tous les chefs communautaires et religieux ;

e) Effectuer une étude globale pour évaluer l’ampleur, la nature et les causes profondes de la pratique du gavage des enfants, en particulier des filles, en vue d’élaborer une stratégie nationale de prévention.

Services d’assistance téléphonique

28. Le Comité encourage l’État partie à mettre en place, en coopération avec les entités pertinentes des Nations Unies et la société civile, un service d’assistance téléphonique joignable gratuitement 24 heures sur 24 au moyen d’un numéro à trois chiffres, accessible à tous les enfants du pays, pour recevoir et traiter tous les signalements d’actes de violence et de maltraitance, et à allouer à ce service les ressources humaines, financières et techniques nécessaires à son bon fonctionnement.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Responsabilités parentales

29. Le Comité, rappelant ses recommandations précédentes (CRC/C/MRT/CO/2, par. 45), demande instamment à l’État partie d’abroger toutes les dispositions juridiques qui sont discriminatoires envers les femmes et qui produisent des effets négatifs sur leurs enfants, en particulier celles qui concernent la polygamie et la répudiation, et de prendre toutes les mesures juridiques, administratives et éducatives voulues pour décourager la polygamie, qui peut avoir des effets néfastes sur les enfants.

Enfants privés de milieu familial

30.Notant que le Code général de protection de l’enfance fixe les conditions de l’application de la kafalah, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants (voir résolution 64/142 de l’Assemblée générale, annexe), et tient à souligner que la pauvreté financière ou matérielle, ou des conditions uniquement et exclusivement imputables à cet état de pauvreté, ne devraient jamais servir de justification pour retirer un enfant à la garde de ses parents, pour placer un enfant sous protection de remplacement ou pour empêcher sa réinsertion sociale. À cet égard, le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CRC/C/MTR/CO/2, par. 47) et recommande en outre à l’État partie  :

a) De prévoir des garanties suffisantes et de définir des critères précis, fondés sur les besoins et l’intérêt supérieur de l’enfant, pour déterminer si un enfant doit faire l’objet d’une protection de remplacement ;

b) De mettre en place, pour les enfants qui ne reste nt pas dans leur famille, un système de familles d’accueil assorti de mécanismes appropriés permettant de contrôler la qualité de la prise en charge, en vue de promouvoir et de faciliter le placement des enfants en milieu familial à chaque fois que cela est possible ;

c) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes aux services de protection de l’enfance, en particulier au Centre pour la protection et l’insertion sociale des enfants, afin de faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants privés de milieu familial ;

d) D’adopter le projet de loi sur la kafalah , de veiller à ce que la loi protège le droit des enfants d’être entendus et de voir leur opinion dûment prise en considération dans les procédures de kafalah et de mettre en place des directives types pour la sélection des tuteurs potentiels.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

31. Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures législatives prises pour garantir les droits des personnes handicapées et la création de la Direction des personnes handicapées, mais il demande instamment à l’État partie d’adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme. Il lui demande en outre :

a) De veiller à ce que tous les enfants handicapés, y compris ceux qui vivent dans les localités rurales et reculées, aient accès à des services de santé et de santé mentale appropriés, y compris des programmes de détection et d’intervention précoces ;

b) De garantir à tous les enfants handicapés le droit à une éducation inclusive en école ordinaire, de privilégier l’éducation inclusive plutôt que la scolarisation dans des établissements et des classes spécialisées, de former du personnel et des enseignants spécialisés et de les affecter à des classes intégrées pour qu’ils apportent un soutien aux enfants présentant des difficultés d’apprentissage  ;

c) De mener des campagnes de sensibilisation ciblant les fonctionnaires, le grand public et les familles pour combattre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés, en particulier les enfants présentant un handicap psychosocial ou intellectuel, et de donner une image positive de ces enfants.

Santé et services de santé

32. Tout en prenant note avec satisfaction de l’augmentation des allocations budgétaires consacrées aux soins de santé, le Comité reste préoccupé par les taux de extrêmement élevés de mortalité et de malnutrition aiguë des nourrissons, des enfants de moins de 5  ans et des mères élevés, ainsi que par le faible nombre d’accouchements pratiqués par des professionnels de santé qualifiés, en particulier en ce qui concerne les filles vivant dans les zones rurales, par le manque de services de santé mentale et par les taux élevés de transmission du VIH de la mère à l’enfant. Renvoyant à son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible, le Comité recommande à l’État partie :

a) De porter une attention prioritaire aux mesures visant à réduire les taux de mortalité infantile et de mortalité des enfants de moins de 5  ans, notamment en améliorant les soins prénatals et postnatals, de renforcer les capacités des prestataires de soins de santé, de développer et rendre plus accessibles les soins obstétriques d’urgence et les services d’accoucheurs professionnels et de mettre en pratique le Guide technique du HCDH concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à éliminer la mortalité et la morbidité évitables des enfants de moins de 5 ans (A/HRC/27/31) ;

b) D’incorporer les dispositions du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel à sa législation et d’augmenter le nombre d’hôpitaux amis des bébés ;

c) De veiller à ce que les services de santé et de nutrition, y compris les éventuels plans nationaux pour la nutrition, couvrent les familles les plus vulnérables et les localités rurales et reculées ;

d) D’appliquer, avec la pleine participation des familles et des communautés, des politiques et stratégies d’ensemble à l’échelle nationale visant à promouvoir la santé mentale, prévenir les troubles psychiques et fournir des services de santé mentale performants afin de détecter, diagnostiquer et traiter les problèmes de santé mentale des enfants, et de mettre à la disposition des familles d’enfants à risque les structures, le personnel qualifié et l’appui nécessaires ;

e) De redoubler d’efforts pour lutter contre la propagation et les effets du VIH/sida, notamment en mettant l’accent sur la prévention de la transmission de la mère à l’enfant et en intensifiant les campagnes de sensibilisation, conformément aux recommandations précédemment formulées à ce sujet par le Comité (CRC/C/MRT/CO/2, par. 58).

Santé des adolescents

33.Le Comité, profondément préoccupé par le taux élevé de grossesses précoces, réitère ses recommandations précédentes concernant la santé des adolescents (CRC/C/MRT/CO/2, par. 60) et recommande en outre à l’État partie :

a) De veiller à ce que l’éducation en matière de santé sexuelle et procréative soit inscrite au programme scolaire obligatoire pour les adolescents et les adolescentes, en accordant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces ;

b) De fournir aux adolescents des services gratuits, confidentiels et non discriminatoires de santé sexuelle et procréative ainsi que l’accès à des moyens de contraception modernes ;

c) De poursuivre ses efforts pour sensibiliser les professionnels de la santé au droit des adolescents à la santé et pour renforcer leurs capacités à fournir des services de santé non discriminatoires et adaptés aux adolescents ;

d) De dépénaliser l’avortement de façon à permettre aux filles d’avorter en toute sécurité et de bénéficier de services post-avortement, et de faire en sorte que leur opinion soit systématiquement entendue et dûment prise en considération dans les décisions en matière d’avortement.

Niveau de vie

34. Préoccupé par le grand nombre d’enfants vivant dans la pauvreté, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la cibl e  1.3 des objectifs de développement durable concernant la mise en place de systèmes et mesures de protection sociale pour tous qui soient adaptés au contexte national, et lui recommande de prendre à titre prioritaire des mesures visant à améliorer le niveau de vie des enfants, en prêtant une attention particulière au logement, à la nutrition, à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement. Dans ce contexte, le Comité engage l’État partie à consacrer des fonds suffisants au développement de son programme national de subventions financières et à la mise en œuvre de son plan stratégique multisectoriel pour la nutrition, en portant une attention particulière aux familles ayant plusieurs enfants, aux familles réfugiées et aux familles vivant dans les zones rurales et reculées.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

35.Le Comité prend note avec satisfaction du Programme pour le développement du secteur de l’éducation 2011-2020 et de l’intégration des droits de l’homme dans le programme scolaire, mais il reste préoccupé par la mauvaise qualité de l’enseignement, le faible taux de passage au niveau secondaire et les failles dans la supervision des écoles privées et des écoles coraniques (CRC/C/MRT/CO/2, par. 66). Il est en outre profondément préoccupé par la récente fermeture, apparemment non compensée, de six écoles publiques de Nouakchott, par le taux d’analphabétisme élevé, par le manque d’établissements préscolaires et d’écoles primaires et par la prolifération des écoles privées qui rend le coût d’un enseignement de qualité prohibitif pour les enfants défavorisés ou vulnérables.

36. Prenant note des cibles 4.1 et 4.2 des objectifs de développement durable visant à faire en sorte que, d’ici à 2030, toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité et aient accès à des services de développement et de prise en charge de la petite enfance et à une éducation préscolaire de qualité, le Comité rappelle sa recommandation précédente (CRC/C/MRT/CO/2, par. 66) et recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts pour améliorer la qualité de l’enseignement dans tout le pays, notamment en assurant la formation continue des enseignants, en construisant de nouvelles installations et de nouvelles écoles et en améliorant les établissements existants, en particulier dans les zones rurales, et en développant les programmes de formation professionnelle ;

b) D’éliminer tous les coûts cachés de l’éducation et de développer l’accès à l’enseignement secondaire ;

c) D’adopter et de faire appliquer des normes et des réglementations techniques nationales sur l’eau, l’assainissement, l’hygiène et la nutrition dans tous les établissements d’enseignement, y compris dans les écoles coraniques, et de mettre en place des mécanismes de surveillance et des outils permettant de les mettre en œuvre ;

d) D’élaborer une politique visant à surveiller la qualité, la structure, la gestion et les programmes d’enseignement des écoles coraniques ;

e) D’atténuer les effets discriminatoires de la privatisation de l’enseignement sur les enfants de familles modestes et de mettre en place des mécanismes permettant de s’assurer que les écoles privées respectent les normes minimales en matière d’éducation, les règles relatives aux programmes scolaires et les exigences en matière de qualifications des enseignants.

Repos, loisirs et activités récréatives, culturelles et artistiques

37. Accueillant avec satisfaction les mesures prises pour promouvoir la participation des enfants aux activités culturelles, sportives et de la jeunesse, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 17 (2013) sur le droit de l’enfant au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives et de participer à la vie culturelle et artistique, et lui recommande de redoubler d’efforts pour garantir le droit de l’enfant de se livrer au jeu et à des activités récréatives en allouant des ressources suffisantes et durables à la mise en œuvre de politiques et programmes prévoyant le temps et les espaces dont les enfants ont besoin pour jouer et se livrer à des activités récréatives, compte tenu de leur âge.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants

38. Tout en prenant note avec satisfaction de la coopération engagée avec le HCDH et les autres institutions des Nations Unies pour porter assistance aux enfants réfugiés et migrants vivant dans le camp de Mbera, le Comité constate avec préoccupation que les enfants réfugiés et migrants qui vivent en dehors du camp de Mbera ne bénéficient pas de la protection et des services dont ils ont besoin et sont exploités de diverses manières. Il constate en outre avec préoccupation que des enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants sont détenus pour des raisons liées à l’immigration et que des enfants maliens réfugiés seraient enrôlés par des groupes armés non étatiques pour prendre part au conflit armé du Mali. Conformément aux observations générales conjointes n o 3 et n o 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille/ n o 22 et n o 23 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations, adoptées en 2017, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter promptement le projet de loi sur l’asile à l’examen depuis 2014 et de veiller à ce qu’il soit pleinement conforme à la Convention de façon à faciliter l’accès des enfants demandeurs d’asile, y compris ceux qui ont besoin d’une protection internationale, à des procédures d’asile équitables, performantes et adaptées à leur âge et de leur donner la possibilité de s’insérer dans la vie locale  ;

b) De faire en sorte que tous les enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants, quel que soit leur statut, soient en mesure d’obtenir une pièce d’identité individuelle et de leur garantir l’accès à l’enseignement public et aux soins médicaux ;

c) D’interdire la détention des enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants et de mettre en place des solutions de remplacement leur permettant de demeurer avec leur famille ou leur tuteur au sein de la société sans être privés de liberté ;

d) De prendre toutes les mesures voulues pour empêcher l’enrôlement d’enfants maliens réfugiés par des groupes armés non étatiques.

Enfants touchés par des conflits armés

39. Le Comité rappelle ses recommandations précédentes (CRC/C/MTR/CO/2, par. 72) et recommande à l’État partie de fixer effectivement à 18 ans, sans exception, l’âge minimum de l’enrôlement dans les forces armées. Il l’encourage également à envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de faire de l’enrôlement d’un enfant de moins de 15 ans un crime de guerre.

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

40.Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption du Plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants 2015-2020, le Comité constate une nouvelle fois avec une profonde préoccupation que le travail des enfants demeure très fréquent dans le secteur informel, l’agriculture, la pêche et l’extraction minière, qu’il échappe à toute réglementation et s’apparente au travail forcé, et que les ressources consacrées à la mise en œuvre du Plan d’action national sont insuffisantes. Il constate en outre avec préoccupation que plus de la moitié des travailleurs domestiques employés dans l’État partie sont des enfants, majoritairement des filles, que ces enfants sont non seulement séparés de leur famille, mais encore exposés à l’exploitation économique, à la maltraitance, à la discrimination et à la violence, y compris la violence sexuelle, et que les garçons scolarisés dans les écoles coraniques sont obligés de mendier dans la rue pour subvenir aux besoins financiers de leurs maîtres (marabouts).

41. Le Comité rappelle ses recommandations antérieures (CRC/C/MRT/CO/2, par. 76) et prie instamment l’État partie :

a) D’adopter promptement le projet de loi interdisant les pires formes de travail des enfants en veillant à ce qu’il soit conforme à la Convention, et d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la mise en œuvre des lois et politiques relatives au travail des enfants, en particulier du Plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants (2015-2020 )  ;

b) De redoubler d’efforts pour éliminer le travail des enfants, en particulier dans les emplois domestiques, l’agriculture et les activités extractives, et de faire respecter l’interdiction d’employer des enfants de moins de 16 ans dans le secteur formel comme dans le secteur informel en développant et renforçant les services de l’inspection du travail et en engageant des poursuites contre toutes les personnes qui violent la législation relative au travail des enfants ;

c) D’établir des mécanismes et des services de sauvegarde destinés à protéger les enfants exposés au risque d’être soumis à la pratique du travail des enfants, en particulier ceux qui sont envoyés à l’étranger pour exercer des emplois domestiques et les filles qui sont soumise s à la pratique du confiage, et de garantir aux enfants victimes d’exploitation l’accès à des services sociaux, médicaux, psychologiques et de réadaptation et à des recours juridiques ;

d) De prendre toutes les mesures nécessaires pour soustraire les enfants talibés au contrôle des marabouts qui les exploitent et les maltraitent et d’appliquer pleinement la législation qui interdit l’exploitation des enfants à des fins de mendicité, notamment en diligentant promptement des enquêtes et des poursuites et en punissant les auteurs de telles pratiques ;

e) D’envisager la ratification de la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de 2011 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), relative au travail décent pour les travailleurs domestiques.

Enfants en situation de rue

42. Renvoyant à son observation générale n o 21 (2017) sur les enfants en situation de rue, le Comité se déclare préoccupé par le nombre élevé d’enfants en situation de rue et recommande à l’État partie de promouvoir les droits des enfants et de répondre aux besoins des enfants selon une approche fondée sur les droits. Il lui recommande également :

a) D’élaborer et de mettre en œuvre, avec la participation active des enfants eux-mêmes, une politique globale visant à déterminer le nombre d’enfants en situation de rue et à s’attaquer aux causes profondes du phénomène, afin de le prévenir et d’en réduire l’ampleur ;

b) De fournir aux enfants en situation de rue, y compris à ceux qui viennent de pays voisins, une assistance appropriée, de la nourriture, des vêtements, des soins médicaux et des possibilités de s’instruire ;

c) De veiller à ce que les enfants en situation de rue ne soient pas victimes de discrimination, de mauvais traitements et de harcèlement de la part du public et des responsables de l’application des lois et à ce qu’ils ne soient pas arrêtés arbitrairement et illégalement placés en détention.

Vente, traite et enlèvement d'enfants

43. Tout en accueillant avec satisfaction le rapatriement des enfants utilisés comme jockeys au Moyen-Orient, le Comité renouvelle la recommandation qu’il avait déjà formulée (CRC/C/MRT/CO/2, par. 78) et recommande en outre à l’État partie :

a) D’appliquer efficacement la loi relative à la traite des personnes, notamment en encourageant le signalement des cas de traite d’enfants, en particulier de ceux qui sont issus de groupes vulnérables, et de veiller à ce que les mesures de protection des victimes bénéficient à tous les enfants concernés quelle que soit leur nationalité ;

b) D’inclure une perspective globale des droits de l’enfant dans le prochain plan d’action sur la lutte contre la traite des personnes pour développer davantage les mesures de prévention et de protection et faciliter les poursuites, afin de lutter contre l’exploitation sexuelle et l’exploitation par le travail, la vente, l’enlèvement et la traite des enfants, en sollicitant l’assistance technique des entités pertinentes des Nations Unies et de la société civile ;

c) De présenter son rapport au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, qui devait être soumis en mai 2009.

Administration de la justice pour mineurs

44.Tout en accueillant avec satisfaction les diverses mesures prises pour réformer le système de justice pour mineurs, le Comité constate avec une profonde préoccupation que les enfants âgés de 8 à 14 ans qui sont en conflit avec la loi font l’objet de mesures de contrainte pouvant aller jusqu’au placement en détention dans un centre semi-ouvert et qu’ils peuvent même être condamnés à des peines de prison par un juge. Il constate en outre avec préoccupation que les tribunaux pour mineurs et les centres de détention pour enfants sont peu nombreux et s’inquiète des informations selon lesquelles des enfants sont détenus pendant de longues périodes avant d’être jugés.

45. Le Comité réitère sa recommandation précédente (CRC/C/MRT/CO/2, par. 82) et demande instamment à l’État partie de mettre son système de justice pour mineurs en pleine conformité avec la Convention et les autres normes pertinentes. Il lui recommande également, en particulier :

a) De veiller à ce que l’âge de la responsabilité pénale, qui fixé à 15 ans, soit scrupuleusement respecté et de faire en sorte que les enfants âgés de 8 à 14 an s ne fassent l’objet d’aucune procédure ou décision judiciaire ou administrative ;

b) De veiller à ce que toutes les personnes âgées de moins de 18 ans soient exclusivement et sans exception jugées par des tribunaux pour mineurs, de créer de tels tribunaux en dehors de Nouakchott et Nouadhibou et d’y affecter des juges spécialement formés à la justice pour mineurs ;

c) De prendre les mesures nécessaires en vue d’accélérer les procédures judiciaires impliquant des enfants, afin de raccourcir la période de détention avant jugement, et de veiller à ce que les enfants détenus soient séparés des adultes et à ce que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales, et notamment qu’ils bénéficient de conditions de détention sûres et adaptées, qu’ils soient en contact régulier avec leur famille et qu’ils bénéficient de services de santé et d’un enseignement, y compris une formation professionnelle ;

d) De doter le système de justice pour mineurs des ressources humaines, techniques et financières nécessaires et de veiller à ce que les enfants qui sont en conflit avec la loi bénéficient gratuitement, dans une langue adaptée, des services d’un conseil qualifié et indépendant du début à la fin de la procédure.

J.Ratification des Protocoles facultatifs à la Convention

46. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits des enfants.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

47. Le Comité recommande à l’État partie, pour renforcer encore la réalisation des droits de l’enfant, de ratifier les instruments relatifs aux droits de l’homme ci-après, auxquels il n’est pas encore partie : le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

L.Coopération avec les organismes régionaux

48. Le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant de l’Union africaine en vue de mettre en œuvre la Convention et les autres instruments relatifs aux droits de l’homme, dans l’État partie comme dans d’autres États membres de l’Union africaine, notamment en se conformant à la décision n o 003/2017 du Comité africain d’experts.

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

49. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques, les réponses écrites de l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national chargé de l’établissement des rapports et du suivi

50. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer le Comité technique interministériel permanent chargé de coordonner et d’élaborer les rapports devant être soumis aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l’exécution des obligations conventionnelles et la mise en œuvre des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes. Le Comité souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement les institutions nationales des droits de l’homme et la société civile.

C.Prochain rapport

51. Le Comité invite l’État partie à soumettre un rapport valant sixième et septième rapports périodiques le 14 juin 2023 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l’instrument adoptées le 31 janvier 2014 (CRC/C/58/Rev.3) et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, par. 16). Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra être garantie.

52. Le Comité invite en outre l’État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant les rapports à présenter par les États parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris le document de base commun et les documents spécifiques à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale.