Nations Unies

CERD/C/SR.2072

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

1er avril 2011

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix- huitième session

Compte rendu analytique partiel* de la 2072 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 1er mars 2011, à 10 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Cinquième et sixième rapports périodiques de l ’ Arménie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Cinquième et sixième rapports périodique s de l ’ Arménie (CERD/C/ARM/5-6; CERD/C/ARM/Q/5-6; CERD/C/ARM/CO/5-6) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation arménienne reprend place à la table du Comité.

2.M me  Soudjian (Arménie) indique que les normes constitutionnelles relatives à la protection des droits de l’homme sont intégrées directement dans la législation de la République d’Arménie et que, conformément à la loi sur la nationalité adoptée en 1995, toute personne a le droit d’acquérir la nationalité arménienne. L’État encourage les personnes qui résident en Arménie à acquérir la nationalité arménienne et ne met pas d’obstacle à cette acquisition. Toute personne âgée de 18 ans ou plus a le droit de la demander, à condition d’avoir résidé pendant trois ans sans interruption dans le pays, de connaître la langue nationale et de respecter les lois du pays. Il est également possible d’acquérir la nationalité en épousant un ressortissant arménien ou en raison de parents arméniens, la demande pouvant être faite à partir de 18 ans. Toute personne a également le droit de renoncer à sa nationalité arménienne et, depuis un amendement apporté à la loi sur la nationalité, d’avoir la nationalité d’un autre État.

3.En ce qui concerne la participation des minorités nationales à la vie publique, Mme Soudjian indique que les représentants des minorités nationales ont le droit de participer à la vie politique et d’établir leur propre parti politique. La participation des minorités au pouvoir exécutif est régie par la législation nationale, qui ne fait aucune discrimination dans ce domaine. Les citoyens qui appartiennent à des minorités nationales et qui satisfont aux critères généralement prévus peuvent obtenir des postes de responsabilité politique à tous les niveaux. En outre, tous les citoyens arméniens ont le droit d’utiliser les services publics, dans des conditions d’égalité, conformément à la loi.

4.En ce qui concerne la discrimination à l’égard des femmes, Mme Soudjian rappelle que l’Arménie a pris en 2010 des mesures juridiques et institutionnelles visant à renforcer la protection des droits des femmes, notamment un programme d’action national visant à améliorer la situation des femmes et à renforcer leur rôle dans la société. Ce programme vise en outre à faire respecter les droits des groupes les plus vulnérables, notamment ceux des femmes réfugiées. À cet égard, elle précise que la plupart des femmes réfugiées en Arménie sont devenues des citoyennes arméniennes après une procédure de naturalisation. En février 2010, le Gouvernement a adopté un document d’orientation sur la parité visant à garantir le respect des droits économiques, sociaux et culturels des femmes, notamment des femmes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses.

5.La République d’Arménie accorde une grande importance à l’éducation des jeunes relative aux droits de l’homme qu’elle considère comme un facteur essentiel pour le renforcement de la démocratie. Depuis 2001, les droits de l’homme sont donc inscrits aux programmes d’enseignement primaire et secondaire. Les questions liées aux droits de l’homme sont également traitées dans les écoles supérieures et les universités. Les ONG ont contribué aux initiatives dans ce domaine, notamment à la création de l’École arménienne des droits de l’homme. L’Arménie attache une grande importance à la formation des magistrats et des membres de la police aux droits de l’homme. S’agissant de la mise en œuvre de la Déclaration de Durban, un programme de lutte contre le racisme est en cours d’élaboration dans le cadre des programmes relatifs à la protection des droits de l’homme et devrait être approuvé avant la fin de 2011.

6.M me  Saratikyan (Arménie) précise qu’il existe en Arménie 11 minorités nationales et qu’aucune n’est stigmatisée. Selon les chiffres du dernier recensement, le pays comptait 40 620 Yézidis, 14 660 Russes, 3 409 Assyriens, 1 633 Ukrainiens, 1 519 Kurdes et 1 176 Grecs et les minorités de moins de 1 000 personnes dont les chiffres exacts n’ont pas été établis. Le prochain recensement aura lieu en 2011 et fournira des renseignements plus détaillés sur la composition de la population. En ce qui la concerne, la population rom a quitté le pays principalement lors de l’effondrement de l’Union soviétique en raison de son caractère nomade et de la situation socioéconomique qui prévalait dans le pays.

7.Le Conseil de coordination des minorités nationales a été créé en mars 2000 en vue de garantir la sécurité des minorités nationales, de promouvoir les relations intercommunautaires et de mener une action efficace pour régler les problèmes d’ordre juridique, culturel et éducatif de ces communautés. En 2000, sur la recommandation du Conseil, le Gouvernement arménien a alloué chaque année 10 millions de drams aux organisations représentant les 11 communautés membres du Conseil pour appuyer les activités culturelles et éducatives des minorités nationales. Depuis, un crédit à cet effet est inscrit au budget de l’État.

8.L’Union des nationalités de la République d’Arménie est une organisation non gouvernementale bénévole, indépendante et financièrement autonome. Elle n’est affiliée à aucun mouvement politique et ne poursuit aucun objectif politique particulier. Elle coordonne les activités des organisations non gouvernementales des minorités nationales vivant sur le sol arménien en vue de renforcer la coopération et la compréhension mutuelle entre ces populations. Elle contribue à la protection des droits civils, économiques, sociaux et culturels et autres droits des minorités nationales, en coopération avec des organismes publics, des organisations non gouvernementales, des organisations religieuses et autres.

9.Le Département des minorités ethniques et des affaires religieuses a été créé en 2004 et participe à l’élaboration du plan d’action du Gouvernement, formule des recommandations sur la mise en œuvre du plan et les modifications à y apporter, et est habilité par le Gouvernement à régir les relations entre l’État et les organisations religieuses, comme le prévoit la loi sur la liberté de conscience et les organisations religieuses, et garantit la protection des traditions des personnes appartenant à des minorités nationales ainsi que leur droit au développement de leur langue et de leur culture.

10.Sur la base d’une décision adoptée par le Président en 2008, l’État a récemment mis en place un nouvel organe consultatif, le Conseil public auprès de la présidence de la République d’Arménie, dont les activités se fondent sur le principe de la participation volontaire des citoyens et des organisations de la société civile, et qui vise à renforcer la confiance entre les citoyens et les organes gouvernementaux. L’État a également mis en place une commission chargée d’examiner les problèmes liés à la protection des droits des minorités nationales, notamment les discriminations, qui est composée de représentants de toutes les minorités nationales du pays. Ces deux nouveaux organes seront décrits de manière plus détaillée dans le prochain rapport périodique de l’Arménie.

11.En ce qui concerne les problèmes de scolarisation des enfants de la communauté yézidie, la déléguée de l’Arménie attire l’attention du Comité sur le fait que ces enfants n’ont souvent pas pu être scolarisés de manière continue en raison des particularités du mode de vie de leur famille, dont les activités agricoles reposent sur la transhumance. Ce problème est maintenant résolu car les représentants des enseignants ont sensibilisé les parents de ces élèves à la nécessité de leur donner un enseignement scolaire; il en a résulté que tous les enfants sont maintenant assidus à l’école. En 2006, le Ministère de l’éducation a pris des mesures concernant la formation préscolaire visant notamment à apporter une solution au problème des enfants vivant dans les zones rurales et n’ayant pas accès à l’apprentissage de la langue arménienne. La formation préscolaire dans les jardins d’enfants a ainsi permis de toucher un plus grand nombre d’enfants des différentes minorités nationales. Le Ministère de l’éducation a également mis en place un programme de développement des écoles destinées aux minorités nationales afin de favoriser l’enseignement de la langue maternelle, la littérature et l’histoire des différentes communautés.

12.S’agissant de la question relative aux conflits qui ont opposé les Yézidis et les Kurdes au sujet de l’utilisation des alphabets romain ou cyrillique, Mme Saratikyansouligneque les membres de chacune de ces communautés ont des arguments contraires sur la question, mais que la législation arménienne les autorise à choisir librement le type d’alphabet qu’ils souhaitent utiliser.

13.En ce qui concerne les manuels scolaires traitant de l’histoire de l’Église apostolique arménienne, Mme Saratikyanaffirme que l’inclusion de cette matière ne porte pas atteinte aux droits des enfants des différentes communautés car il s’agit d’une discipline historique qui inclut l’histoire des différentes religions du pays sans faire de prosélytisme.

14.M. Gevorgyan (Arménie) dit que la portée de la Stratégie nationale de sécurité est très étendue, raison pour laquelle elle envisage non seulement des phénomènes qui constituent une menace pour la sécurité nationale, mais aussi des facteurs susceptibles de favoriser l’établissement de relations harmonieuses et pacifiques entre les diverses composantes de la société. Cela explique pourquoi la préservation des valeurs culturelles, spirituelles et historiques des minorités nationales et de leur identité entre dans le cadre de cette stratégie. Le Gouvernement arménien considère le multiculturalisme comme un atout et attache une importance particulière à la promotion et la protection des minorités yézidie, kurde et assyrienne, qui n’ont pas d’État. Il s’efforce de promouvoir les droits des Yézidis au plan international également et, dans le cadre de ces activités, il a adressé une recommandation à l’Iraq afin de l’encourager à protéger la minorité yézidie vivant sur son territoire. L’Arménie a une histoire commune avec cette minorité ainsi qu’avec la minorité grecque car celles-ci sont venues trouver refuge sur son territoire en 1915.

15.Contrairement aux Arméniens de souche, les Yézidis n’ont jamais été expropriés par l’administration soviétique car la plupart d’entre eux ne sont arrivés dans le pays que deux ou trois ans avant que l’Arménie ne soit envahie par l’URSS. La délégation arménienne s’étonne donc que le Rapporteur compare les Yézidis à un peuple autochtone car leur présence en Arménie est récente. Ils ne peuvent donc prétendre avoir des droits fonciers ancestraux. Dans le cadre du processus de privatisation des terres, les Yézidis ont pu acquérir des biens fonciers, dont des pâturages, lors de ventes aux enchères, comme indiqué dans le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI). L’affaire, citée dans ce rapport, des 30 familles yézidies de la localité de Zovuni qui n’ont pas été autorisées à acquérir des terrains sur lesquels elles avaient construit illégalement leur logement est un cas isolé qui ne relève nullement de la discrimination raciale. Le refus des autorités était uniquement motivé par le souci d’assurer la sécurité des intéressés car les terrains sur lesquels ils avaient construit leur logement étaient directement situés sous des lignes à haute tension. Ces 30 familles ne seront pas expulsées par les autorités locales et elles ne quitteront les lieux que lorsqu’un accord sera trouvé. Enfin, la délégation arménienne souligne que toutes les autres familles yézidies vivant dans cette localité ont pu acquérir des biens fonciers et que l’ECRI a elle-même reconnu dans son rapport que, dans cette affaire, les Yézidis n’avaient pas été victimes de discrimination fondée sur l’origine ethnique.

16.D’après le dernier recensement effectué à l’époque où l’Arménie faisait encore partie de l’ex-Union soviétique, en 1989, les Azéris vivant dans le pays étaient au nombre de 84 900. Par la suite, la population n’a plus été recensée jusqu’en 2001. En conséquence, toutes les données datant de la période 1989-2001 ne sont que des estimations, ce qui vaut également pour les statistiques fournies dans le document de base (HRI/CORE/1/Add.57), dans lequel le nombre d’Azéris est estimé à 7 900. La délégation arménienne souhaiterait connaître la source des statistiques citées par le Rapporteur et par quelle méthode elles ont été établies. Les personnes recensées en 2001 étaient parfaitement libres d’indiquer ou non leur origine ethnique, contrairement aux pratiques du régime soviétique. En conséquence, les statistiques dont les autorités disposent ne permettent de connaître que le nombre de personnes qui déclarent appartenir à une minorité ethnique et non le nombre réel. Ainsi, d’après les résultats du recensement de 2001, les Azéris seraient moins de 1 000 personnes, raison pour laquelle cette minorité a été regroupée avec d’autres minorités numériquement faibles dans la rubrique «Autres». Toutefois, pour les recensements à venir, les autorités envisagent de désagréger les statistiques y compris lorsqu’un groupe compte moins de 1 000 personnes, de façon à disposer de données plus précises sur la composition de la population.

17.M. Demirtshyan (Arménie) dit que la transition entre la Commission des droits de l’homme et le Défenseur des droits de l’homme s’est faite graduellement et qu’il était naturel que la première cède la place au second car le Défenseur a été institué en application d’un amendement à la Constitution, ce qui lui donne une plus grande légitimité. Ses compétences sont beaucoup plus étendues que celles de la Commission des droits de l’homme.

18.M me Abgarian (Arménie) dit que l’Arménie n’envisage pas d’approuver les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés à la quatorzième Réunion des États parties ni de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, mais que sa position n’est pas définitive. L’Arménie ayant ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que son Protocole no 12, toute personne ou groupe de personnes s’estimant victime d’une discrimination raciale commise sur son sol peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme d’une plainte pour violation de l’article 14 de ladite Convention.

19.Dans le cadre de sa collaboration avec la Communauté d’États indépendants (CEI), l’Arménie a ratifié plus de 500 instruments, dont la Convention sur les normes en matière d’élections démocratiques et les droits et libertés électoraux dans les États membres de la CEI, la Convention sur la protection des droits des personnes appartenant à une minorité nationale et l’Accord des pays membres de la CEI sur les questions relatives au rétablissement dans leurs droits des personnes, des minorités nationales et des peuples déportés.

20.L’Arménie a accepté la recommandation qui lui a été adressée à l’issue de l’Examen périodique universel, dans laquelle elle a été encouragée à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Des travaux sont actuellement menés à cette fin par les organes compétents.

21.M. Kirakossian (Arménie) dément des allégations d’organisations non gouvernementales citées par le Rapporteur selon lesquelles des membres des forces armées arméniennes se livreraient à des actes de violence et de pillage dans des villages peuplés par des minorités azéries qui se trouvent sur le territoire de la Géorgie, dans une zone située à la frontière avec l’Arménie. Tout d’abord, M. Kirakossian souligne que le Gouvernement arménien n’exerce aucun contrôle sur le territoire géorgien. Il souligne ensuite que le Rapporteur a indiqué que le Comité consultatif du Conseil de l’Europe chargé de la surveillance de l’application de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a été informé de ces incidents alors qu’il se trouvait en Géorgie. Or, cet organe n’a jamais fait référence à des violations commises sur le sol géorgien par des membres des forces armées arméniennes. Le seul cas de ce type qui puisse être cité est celui de deux Arméniens qui étaient impliqués dans des activités criminelles transfrontières. Ces personnes agissaient à titre individuel et n’étaient pas des agents de l’État. La délégation arménienne a contacté les autorités compétentes au sujet de ces allégations et celles-ci ont affirmé qu’elles étaient dénuées de fondement. L’Arménie et la Géorgie entretiennent de très bonnes relations et des consultations ont régulièrement lieu au plus haut niveau entre les deux pays. Si des incidents devaient survenir entre la minorité arménienne établie en Géorgie et d’autres personnes, les deux pays régleraient la question dans le cadre de ces consultations.

22.M. Avtonomov(Arménie), relevant que la maîtrise de l’arménien est l’une des conditions à remplir pour obtenir la nationalité arménienne, demande si les candidats adultes à la naturalisation ont la possibilité de suivre des cours de langue gratuits. En outre, si les Roms qui vivaient en Arménie ont tous quitté le pays comme l’affirme la délégation, cela n’exclut pas la possibilité qu’ils y retournent un jour, d’autant plus qu’il s’agit d’une minorité qui a un mode de vie nomade. En ce sens, la situation n’est pas immuable et l’État partie pourrait constater un jour que des Roms vivent de nouveau sur son territoire, comme cela a été le cas en Ouzbékistan. L’expert espère que les autorités arméniennes tiendront compte de cette éventualité.

23.M me Saratikyan (Arménie) dit que le Ministère de l’éducation propose depuis 2000 des cours d’apprentissage gratuits de l’arménien qui sont dispensés par l’Institut national de l’éducation (CERD/C/ARM/5-6, par. 128), majoritairement à des adultes, pendant une période moyenne de dix mois.

24.M. de  Gouttes accueille avec satisfaction l’information selon laquelle le Gouvernement arménien envisage de ratifier la Convention des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il souhaite recevoir des précisions concernant le mandat du Défenseur des droits de l’homme et savoir, notamment, si cette instance a été créée conformément aux Principes de Paris.

25.Rappelant que l’absence de plaintes, de poursuites ou de jugements en matière de discrimination raciale n’est pas nécessairement positive et qu’elle peut être révélatrice d’une information insuffisante des victimes sur leurs droits ou des difficultés qu’elles éprouvent à établir la preuve d’une discrimination, M. de Gouttes demande à la délégation arménienne d’indiquer si la législation arménienne contient des dispositions permettant l’inversion de la charge de la preuve dans les affaires relevant du droit civil afin que la partie défenderesse soit contrainte de prouver que les indices ou faits invoqués par la partie demanderesse sont inexacts ou erronés.

26.M. Demirtshyan (Arménie) dit que le poste de Défenseur des droits de l’homme a été créé en 2002 conformément aux Principes de Paris et que son mandat jouit d’une protection constitutionnelle. Répondant à la question posée par l’orateur précédent, il dit qu’en vertu de la procédure pénale arménienne, c’est au Procureur, donc au parquet, qu’incombe la charge de la preuve.

27.M. Kaprielyan (Arménie) indique qu’une procédure spéciale unifiée a été mise en place dans tout le pays pour recevoir et traiter toutes les plaintes pour discrimination. Celles émanant de minorités nationales et ethniques font l’objet d’une attention approfondie et prioritaire des autorités de police arméniennes. Les cours de formation dispensés sur une base hebdomadaire aux fonctionnaires de police, y compris aux plus hauts gradés, comprennent des modules spécifiquement axés sur la lutte contre la discrimination raciale et ethnique et la promotion de la tolérance.

28.M. Gevorgyan (Arménie) dit que le faible nombre de plaintes pour discrimination raciale enregistrées dans son pays s’explique notamment par les traditions et la culture arméniennes qui privilégient le règlement amiable des litiges et la recherche de solutions pacifiques aux différends.

29.M. Lahiri dit que l’Arménie, qui ne compte que 11 minorités nationales et ethniques, numériquement peu importantes au demeurant, est un pays ethniquement homogène qui fournit néanmoins des services d’éducation satisfaisants aux groupes minoritaires dans le respect de leur langue et de leur culture. Toutefois, force est de constater que certaines recommandations antérieures du Comité demeurent d’actualité, comme par exemple celle relative à l’interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale et la préconisent (A/57/18, par. 276).

30.L’État partie devrait par ailleurs accorder toute l’importance voulue au problème de l’absence de plaintes et d’actions en justice pour discrimination raciale, qui est susceptible de traduire la méconnaissance des voies de recours disponibles et est signalée de façon répétée dans les rapports de plusieurs organisations non gouvernementales. Par ailleurs, s’il y a lieu de se féliciter de l’absence de xénophobie généralisée à l’encontre des musulmans ou d’autres minorités vivant en Arménie, le pays devrait cependant s’intéresser aux nombreuses allégations selon lesquelles le sentiment national arménien et le rôle joué par l’Église orthodoxe contribuent à miner la longue tradition arménienne de tolérance multiethnique.

31.M. Lahiri considère qu’il serait judicieux que le rapport périodique suivant de l’Arménie contienne des données statistiques sur les minorités nationales et ethniques vivant dans le pays ventilées non pas par zones géographiques d’habitat mais par groupes socioéconomiques, afin de permettre au Comité de déterminer si elles sont traitées de façon juste et équitable par les autorités. Il semble également que des différences aient été relevées en termes des prêts et bourses alloués à diverses institutions éducatives en fonction du caractère ethnique ou non des programmes qu’elles mènent. La question des discours racistes et haineux dans les médias mérite aussi toute l’attention de l’État partie.

32.M. Demirtshyan (Arménie) dit que la législation arménienne interdit l’enregistrement des organisations qui incitent à la discrimination raciale et la préconisent et que les groupes organisés qui pratiquent l’incitation à la haine raciale et organisent des manifestations de supériorité raciale sont passibles de six ans d’emprisonnement. En outre, la loi relative aux organisations non gouvernementales prévoit que lorsqu’une organisation dûment constituée incite à la violence raciale, l’autorité compétente peut demander à la justice de la dissoudre. La loi relative aux partis politiques prévoit la possibilité de ne pas reconnaître un parti si ses statuts indiquent que l’adhésion à celui-ci n’est fondée que sur des caractéristiques nationales, raciales ou religieuses.

33.M. Kirakossian (Arménie) dit que l’Arménie est un petit pays ethniquement homogène dont la société est, par tradition et conviction, extrêmement tolérante.

34.M me Crickley se félicite que l’Arménie ait adopté la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Elle souligne à l’intention de la délégation arménienne que l’idée reçue qui veut que les pays relativement homogènes sur le plan démographique soient exempts de racisme et de discrimination raciale est erronée et demande si l’État partie envisage de mettre en place un mécanisme que les victimes d’actes de discrimination raciale pourraient saisir avec la certitude raisonnable d’avoir gain de cause, et qui gagnerait donc la confiance de la population.

35.Mme Crickley apprécierait de recevoir des informations sur les mécanismes mis en place par l’État partie pour promouvoir les femmes, et en particulier les femmes les plus défavorisées au sein des groupes minoritaires.

36.Mme Crickley prie la délégation arménienne de fournir au Comité des informations complémentaires sur le contenu des cours de formation aux droits de l’homme dispensés aux membres de la police et d’indiquer quelle importance est accordée à la discrimination raciale dans le cadre de cet enseignement.

37.M me Abgarian (Arménie) précise que l’Arménie n’est pas encore partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, mais que le processus de ratification est en cours.

38.Aucune plainte n’a jamais été déposée pour discrimination raciale, alors que la population arménienne est connue pour être rarement satisfaite de son sort et pour ne pas hésiter à saisir les tribunaux. De nombreuses mesures de prévention de ce phénomène ont été mises en place au niveau national, et les Arméniens savent qu’ils peuvent saisir en dernier ressort la Cour européenne de justice pour faire valoir leurs droits en cas d’épuisement des recours internes. Or aucun plaignant n’a jamais porté une affaire de discrimination raciale devant la Cour européenne de justice.

39.M me Soudjian (Arménie) dit que la loi sur l’égalité des droits et des chances se trouve devant l’Assemblée nationale de la République d’Arménie pour examen et que le Conseil des femmes, composé de membres des ministères compétents et d’ONG actives dans ce domaine et présidé par le Premier Ministre en personne, devrait être doté prochainement d’un mandat de surveillance du respect des droits des femmes. Ce mécanisme national pourrait donc devenir un outil important pour la protection et la promotion des droits des femmes.

40.M. Diaconu apprécierait que l’État partie indique dans son prochain rapport périodique dans quelle proportion les membres des différentes minorités du pays font partie des gouvernements locaux, voire du gouvernement central, comme le prévoit la loi.

41.M. Diaconu estime qu’il faut renouveler sans cesse les mesures prises dans le domaine de l’éducation pour répondre aux changements sociétaux découlant du passage des générations. Il souhaiterait savoir si les cours portant sur l’Église apostolique arménienne sont des cours d’histoire ou d’éducation religieuse et s’ils sont l’occasion de sensibiliser les élèves aux enseignements d’autres religions.

42.Notant que les pauvres ont souvent été défavorisés dans le cadre du processus de privatisation des terres dans les pays de l’Europe de l’Est, M. Diaconu apprécierait de recevoir un complément d’information sur l’accès des Yézidis à la propriété des terres et des pâturages, notamment par l’organisation de ventes aux enchères.

43.M. Diaconu demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique les données statistiques qu’il aura recueillies sur les Azéris ainsi que sur les autres groupes de population dans le cadre du prochain recensement.

44.M. Gevorgyan (Arménie) dit que l’opération de privatisation des terres organisée dans les années 90 a donné à tous les paysans accès à la propriété foncière au moindre coût et quelle que soit leur nationalité. La Banque mondiale a d’ailleurs salué le succès de cette opération en Arménie et noté avec satisfaction l’équité avec laquelle les terres avaient été distribuées, y compris aux couches les plus pauvres de la population rurale. Seuls les pâturages ont été vendus aux enchères, ce afin de permettre aux Yézidis, qui vivent de l’élevage, d’acheter aux enchères les vastes terrains de pâturage dont ils avaient besoin sans que les autres communautés locales se sentent lésées. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a d’ailleurs souligné que ce modus operandi avait favorisé les Yézidis − qui n’avaient été victimes d’aucune discrimination et avaient même obtenu plus de pâturages que les Arméniens. L’on peut donc affirmer que les autorités ont fait en sorte de répondre aux besoins de la population.

45.M. Kaprielyan (Arménie) dit que les cours de formation destinés aux fonctionnaires de police, portant sur la défense des droits de l’homme et des libertés des citoyens, abordent effectivement la question du racisme et de la discrimination raciale.

46.M me Saratikyan (Arménie) dit que ce sont des cours portant sur l’histoire des religions et non des cours d’éducation religieuse qui sont dispensés aux élèves, et que les manuels d’étude sont des livres d’histoire et non des ouvrages de catéchisme.

47.M. Kirakossian (Arménie) dit que les Arméniens ne sont pas tous membres de l’Église apostolique arménienne: certains sont catholiques, notamment en France et en Italie, d’autres protestants, principalement aux États-Unis d’Amérique, et d’autres encore musulmans, en Turquie notamment.

48.M. Demirtshyan (Arménie) dit qu’en matière civile chacune des parties est tenue de présenter des preuves et que le juge en tient compte pour rendre son jugement.

49.M. Diaconu (Rapporteur pour l’Arménie) se félicite du dialogue fructueux instauré avec la délégation arménienne, qui a fourni un certain nombre de réponses exhaustives et d’autres moins précises qui devront être complétées par écrit ou à l’occasion de la présentation du rapport périodique suivant. Il invite l’Arménie à tenir compte des recommandations que formulera le Comité à l’issue de l’examen en cours de ses cinquième et sixième rapports périodiques, en vue de l’aider à améliorer la situation dans le pays en ce qui concerne la discrimination raciale.

50.M. Kirakossian (Arménie) remercie les membres du Comité de l’intéressant dialogue qu’ils ont eu avec la délégation arménienne et leur donne l’assurance que le Gouvernement arménien accordera aux observations finales du Comité toute l’attention qu’elles méritent.

51. La délégation arménienne se retire.

Le débat résumé prend fin à 12 h 10.